{"id":96985,"date":"2021-01-06T18:53:38","date_gmt":"2021-01-06T17:53:38","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=96985"},"modified":"2021-01-06T19:04:57","modified_gmt":"2021-01-06T18:04:57","slug":"10-points-sur-la-mutation-du-virus","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/01\/06\/10-points-sur-la-mutation-du-virus\/","title":{"rendered":"10 points sur la mutation du virus"},"content":{"rendered":"\n

1 \u2013 Qu\u2019est-ce qu\u2019une mutation ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

L\u2019immense influence de la science-fiction sur l\u2019imaginaire collectif connote le terme \u00ab mutation \u00bb d\u2019une aura spectaculaire, qui le d\u00e9forme dramatiquement, en lui conf\u00e9rant de nouvelles capacit\u00e9s extraordinaires. En r\u00e9alit\u00e9, une mutation est infiniment moins spectaculaire et infiniment plus complexe \u00e0 caract\u00e9riser. Il faut revenir \u00e0 ce qui mute, c\u2019est-\u00e0-dire le g\u00e9nome. <\/p>\n\n\n\n

Le g\u00e9nome est le \u00ab plan \u00bb de chaque entit\u00e9 biologique, des organismes pluricellulaires animaux aux virus. Constitu\u00e9 d\u2019ADN dans la plupart des entit\u00e9s biologiques (dont les animaux et l\u2019homme), il est compos\u00e9 d\u2019ARN chez certains virus (c\u2019est notamment le cas du Sars-Cov-2). Dans tous les cas, ce g\u00e9nome \u00e0 pour fonction principale (m\u00eame si l\u2019on d\u00e9couvre jour apr\u00e8s jour que, comme \u00e0 peu pr\u00e8s tout en science, c\u2019est bien plus compliqu\u00e9 que cela) de permettre in fine<\/em> la production de prot\u00e9ines qui vont constituer les cellules, soit directement, soit indirectement en catalysant les r\u00e9actions chimiques permettant la production de ces composant et leur assemblage. Le cheminement consid\u00e9r\u00e9 comme \u00ab classique \u00bb (comme beaucoup de choses en sciences, c\u2019est parce qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 d\u00e9couvert en premier) et appel\u00e9 ni plus ni moins \u00ab dogme central de la biologie mol\u00e9culaire \u00bb dit que l\u2019ADN, situ\u00e9 dans le noyau, sert de presse d\u2019imprimerie permettant de produire des mol\u00e9cules d\u2019ARN messager (oui, celles du vaccin) qui sont en quelque sorte des photocopies d\u2019une partie de l\u2019ADN, qui pourront sortir du noyau et servir \u00e0 leur tour de recettes \u00e0 partir desquelles seront faites les prot\u00e9ines.<\/p>\n\n\n\n

En digressant bri\u00e8vement on peut d\u2019ailleurs voir ici pourquoi un vaccin contenant de l\u2019ARN messager ne serait pas en mesure de modifier le g\u00e9nome, et l\u2019int\u00e9r\u00eat d\u2019utiliser de l\u2019ARN messager plut\u00f4t que des prot\u00e9ines. Tout d\u2019abord l\u2019ARN messager intervient en aval du g\u00e9nome \u00e0 ADN contenu dans nos cellules, il n\u2019a pas la capacit\u00e9 d\u2019influencer le contenu de l\u2019ADN dont il n\u2019est cens\u00e9 \u00eatre qu\u2019une photocopie partielle et transitoire, d\u00e9grad\u00e9e en quelques minutes \u00e0 quelques heures par nos cellules. Mais un des int\u00e9r\u00eats d\u2019employer de l\u2019ARN messager contenant le plan de prot\u00e9ines du virus plut\u00f4t que directement des prot\u00e9ines du virus vient dans l\u2019effet d\u2019amplification : en remontant d\u2019un cran dans la cha\u00eene de production on d\u00e9multiplie la quantit\u00e9 de prot\u00e9ines produites au final \u00e0 partir d\u2019une m\u00eame dose, une seule mol\u00e9cule d\u2019ARN messager permettra de produire au moins plus d\u2019une dizaine de prot\u00e9ines, or ce sont ces prot\u00e9ines qui doivent d\u00e9clencher une r\u00e9action du syst\u00e8me immunitaire et le pousser \u00e0 produire une r\u00e9ponse dirig\u00e9e contre elle qui sera \u00e9galement efficace contre le \u00ab vrai virus \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Revenons aux mutations.<\/p>\n\n\n\n

Une d\u00e9finition tr\u00e8s rapide et simpliste d\u2019une mutation serait de dire qu\u2019 au moins un \u00ab caract\u00e8re \u00bb de la s\u00e9quence g\u00e9nomique, ADN dans la plupart des cas et ARN dans le cas de certains virus, est modifi\u00e9. L\u00e0 o\u00f9 les choses se compliquent, c\u2019est lorsqu\u2019il s\u2019agit d\u2019\u00e9tablir par rapport \u00e0 quoi ce caract\u00e8re est modifi\u00e9. Chez la plupart des esp\u00e8ces il existe une s\u00e9quence dite \u00ab consensus \u00bb qui contient au niveau de chaque position du g\u00e9nome le caract\u00e8re statistiquement le plus pr\u00e9valent dans l\u2019esp\u00e8ce. Une mutation consisterait alors en la pr\u00e9sence d\u2019un autre caract\u00e8re que celui-ci \u00e0 cet emplacement. Oui mais\u2026 chez la plupart des esp\u00e8ces, les individus sont tous, \u00e0 des degr\u00e9s divers, diff\u00e9rents, et comportent tous, au moins \u00e0 certains endroits, des caract\u00e8res qui divergent de la s\u00e9quence dite \u00ab consensus \u00bb<\/a>. <\/p>\n\n\n\n

Chez la plupart des esp\u00e8ces il existe une s\u00e9quence dite \u00ab consensus \u00bb qui contient au niveau de chaque position du g\u00e9nome le caract\u00e8re statistiquement le plus pr\u00e9valent dans l\u2019esp\u00e8ce.<\/p>Xavier Olessa-Daragon<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Serions-nous alors tous, \u00e0 des degr\u00e9s divers, des mutants ? Oui. Mais l\u2019id\u00e9e derri\u00e8re le terme de mutation est plus l\u2019apparition d\u2019un nouveau caract\u00e8re. Dans le cas de l\u2019esp\u00e8ce humaine et, par exemple, de la couleur des yeux, il existe un certain nombre de variations des s\u00e9quences des g\u00e8nes influant sur la couleur des yeux r\u00e9partis dans la population, toutes issues au d\u00e9part de mutations, mais s\u2019\u00e9tant depuis suffisamment \u00e9tablies dans la population pour qu\u2019il devienne relativement complexe de d\u00e9finir une \u00ab couleur d\u2019yeux consensus \u00bb. Par mutation on va donc g\u00e9n\u00e9ralement plut\u00f4t faire r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l\u2019apparition d\u2019une nouvelle version du g\u00e9nome d\u2019une esp\u00e8ce.<\/p>\n\n\n\n

2 \u2013 Comment les mutations apparaissent-elles ? <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

M\u00eame si elles jouissent de droits inali\u00e9nables tels que la vie, la libert\u00e9, et la recherche du bonheur, les entit\u00e9s biologiques ont en r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale pour objectif principal leur propre r\u00e9plication. Cette r\u00e9plication passe ainsi bien s\u00fbr d\u2019abord et avant tout par une r\u00e9plication du g\u00e9nome. Sans entrer dans des d\u00e9tails trop techniques, disons que la machinerie qui op\u00e8re cette r\u00e9plication poss\u00e8de un taux d\u2019erreur non nul, et qu\u2019ainsi la r\u00e9plication est rarement, voire jamais, parfaite, et que chaque processus de r\u00e9plication va ainsi comporter en r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale au moins une mutation sur les quelques milliers \u00e0 quelques milliards de caract\u00e8res du g\u00e9nome r\u00e9pliqu\u00e9. Dans le cas de l\u2019esp\u00e8ce humaine, ces mutations peuvent intervenir dans beaucoup de cas de figure que l\u2019on peut simplifier en deux cadres, une r\u00e9plication cellulaire, et une r\u00e9plication \u00e0 l\u2019\u00e9chelle d\u2019un organisme. <\/p>\n\n\n\n

Les cellules d\u2019un individu se renouvelant, des mutations peuvent appara\u00eetre par exemple lorsqu\u2019une cellule souche se divise pour produire une cellule qui a \u00e9t\u00e9 endommag\u00e9e ou qui est \u00ab arriv\u00e9e \u00e0 expiration \u00bb, c\u2019est entre autres par ce biais que peuvent appara\u00eetre les cancers. Le second cadre est celui de la reproduction, lors du processus de cr\u00e9ation des gam\u00e8tes qui en se combinant donneront un nouvel organisme. Dans ce contexte, qui est celui o\u00f9 ces \u00ab mutations \u00bb seront transmises \u00e0 la descendance, il est infiniment complexe de parler r\u00e9ellement de mutations dans la mesure o\u00f9 la nature elle-m\u00eame a pr\u00e9vu des moyens d\u2019augmenter significativement les recombinaisons, mutations et autres moyens d\u2019augmenter les diff\u00e9rences entre le g\u00e9nome contenu dans les gam\u00e8tes et celui de leur g\u00e9niteur, et ce afin d\u2019augmenter le pool<\/em> de diversit\u00e9 g\u00e9n\u00e9tique. Car sans entrer dans trop de d\u00e9tails, disons que c\u2019est au sein de ce pool<\/em> de diversit\u00e9 g\u00e9n\u00e9tique apparue lors de la production de gam\u00e8tes que l\u2019\u00e9volution va pouvoir s\u00e9lectionner les \u00ab mutations \u00bb qui conf\u00e8rent le plus d\u2019avantages au sein d\u2019un environnement donn\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

On commence \u00e0 entrevoir la double complexit\u00e9 derri\u00e8re le terme de mutation : la r\u00e9f\u00e9rence par rapport \u00e0 laquelle on consid\u00e8re la mutation (\u00ab nous sommes tous le mutant de quelqu\u2019un \u00bb), et le fait qu\u2019il s\u2019agit d\u2019une source d\u2019innovations, pouvant ensuite \u00eatre s\u00e9lectionn\u00e9es ou non par l\u2019\u00e9volution. Dans le cas des virus, la r\u00e9plication du g\u00e9nome est permanente. Les virus ont pour objectif premier d\u2019entrer dans les cellules au sein desquels ils le peuvent (ce tropisme \u00e9tant notamment guid\u00e9 par les prot\u00e9ines de surface du virus, dans le cas du Sars Cov 2 la fameuse prot\u00e9ine S qui en interagissant avec la prot\u00e9ine de surface ACE 2 d\u2019un certain nombre de nos cellules, notamment pulmonaires, va pouvoir y entrer), puis comme objectif second de d\u00e9tourner \u00e0 leur profit toute la machinerie de ces cellules pour la rediriger vers un seul et unique but : la r\u00e9plication du virus, et la production d\u2019un maximum de copies du virus, avant d\u2019arriver au dernier objectif principal, faire sortir toutes ces copies du virus de la cellule pour qu\u2019elles puissent \u00e0 leur tour p\u00e9n\u00e9trer dans d\u2019autres cellules et ainsi de suite. C\u2019est le cycle de la vie.<\/p>\n\n\n\n

Le virus se reproduisant en permanence, il mute infiniment plus vite que nous. L\u00e0 o\u00f9 l’esp\u00e8ce humaine met au grand minimum une centaine et, le plus souvent, au moins des milliers d\u2019ann\u00e9es pour que certaines mutations se r\u00e9pandent, les virus peuvent, comme on le voit en ce moment, \u00e9voluer en quelques mois. Le rythme effr\u00e9n\u00e9 de reproduction du virus sera donc la premi\u00e8re raison de sa mutation rapide. L\u00e0 ou un \u00eatre humain, peut, dans les cas les plus extr\u00eames se reproduire une centaine de fois en une centaine d\u2019ann\u00e9es maximum (pour le moment) d\u2019existence, ce chiffre est amplement battu au sein d\u2019une seule cellule d\u2019une seule personne infect\u00e9e o\u00f9 au moins des milliers de copies du virus seront produites.<\/p>\n\n\n\n

On commence \u00e0 entrevoir la double complexit\u00e9 derri\u00e8re le terme de mutation : la r\u00e9f\u00e9rence par rapport \u00e0 laquelle on consid\u00e8re la mutation (\u00ab nous sommes tous le mutant de quelqu\u2019un \u00bb), et le fait qu\u2019il s\u2019agit d\u2019une source d\u2019innovations, pouvant ensuite \u00eatre s\u00e9lectionn\u00e9es ou non par l\u2019\u00e9volution. Dans le cas des virus, la r\u00e9plication du g\u00e9nome est permanente.<\/p>Xavier Olessa-Daragon<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La seconde raison majeure de la mutation rapide de certains virus, a \u00e0 voir avec la machinerie utilis\u00e9e pour la r\u00e9plication. La machinerie utilis\u00e9e par l\u2019esp\u00e8ce humaine a \u00e9t\u00e9 perfectionn\u00e9e au cours de l\u2019\u00e9volution pour, dans le contexte de la r\u00e9plication cellulaire au sein d\u2019un individu, faire le moins d\u2019erreurs possibles. Un grand nombre de m\u00e9canismes pr\u00e9vus sp\u00e9cifiquement pour d\u00e9tecter et corriger les erreurs existent, et on estime ainsi que la machinerie de r\u00e9plication humaine fait environ une erreur de r\u00e9plication pour 1 milliard de caract\u00e8res r\u00e9pliqu\u00e9s. Le g\u00e9nome humain faisant environ 3 milliards de caract\u00e8res, cela fait environ 1 \u00e0 3 mutations par r\u00e9plications, l\u2019\u00e9crasante majorit\u00e9 du temps sans cons\u00e9quences. <\/p>\n\n\n\n

La machinerie utilis\u00e9e par les virus est tr\u00e8s variable, parfois il s\u2019agit essentiellement uniquement de la machinerie cellulaire humaine (notamment dans le cas des virus \u00e0 ADN), et parfois elle est nettement, voire tr\u00e8s nettement moins pr\u00e9cise. L\u2019exemple le plus extr\u00eame est probablement le VIH, dont la machinerie particuli\u00e8rement peu fid\u00e8le au template qu\u2019elle lit fait environ une erreur tous les dix mille caract\u00e8res r\u00e9pliqu\u00e9s, soit cent mille fois plus d’erreurs que la machinerie humaine. Le Sars-Cov 2 utilise pour une large part sa propre machinerie pour se r\u00e9pliquer. Il est \u00e0 ce stade tr\u00e8s difficile d\u2019avoir des chiffres pr\u00e9cis quant au taux d\u2019erreur mais il semble que sa machinerie soit nettement plus pr\u00e9cise que celle du VIH, elle poss\u00e9derait ainsi notamment des m\u00e9canismes de relecture, mais elle serait tout de m\u00eame nettement moins pr\u00e9cise que celle de l\u2019esp\u00e8ce humaine. <\/p>\n\n\n\n

Quand on multiplie le nombre de cellules infect\u00e9es en moyenne chez une personne positive (au moins plusieurs milliers voir dizaines de milliers) par le nombre de personnes infect\u00e9es (plusieurs millions) on entrevoit ainsi le nombre d\u2019erreurs de r\u00e9plications qui ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 effectu\u00e9es depuis le d\u00e9but de l\u2019\u00e9pid\u00e9mie.<\/p>\n\n\n\n

3 \u2013 Comment les \u00e9tudie-t-on ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Et plus que de les entrevoir, on peut justement les voir. Aujourd\u2019hui tout le monde comprend \u00e0 peu pr\u00eat ce qu\u2019est une PCR : un moyen de savoir si l\u2019on a le Covid-19 ou non. Sans rien remettre en cause et sans lancer aucun d\u00e9bat sur le sujet, on peut \u00e9tablir qu\u2019il existait deux grandes strat\u00e9gies techniques de d\u00e9pistage de l\u2019\u00e9pid\u00e9mie : la PCR, globalement plus rapide et techniquement plus facile \u00e0 mettre en \u0153uvre, mais qui offre un apport d\u2019information restreint, et le s\u00e9quen\u00e7age massif et quasi syst\u00e9matique, plus long, plus cher, techniquement et logistiquement bien plus complexe \u00e0 d\u00e9ployer, et offrant un flot d\u2019information tr\u00e8s riche mais bien plus complexe \u00e0 analyser. <\/p>\n\n\n\n

Sans entrer dans les d\u00e9tails techniques, la PCR consiste \u00e0 utiliser une sonde correspondant \u00e0 une r\u00e9gion que l\u2019on consid\u00e8re comme tr\u00e8s peu mut\u00e9e et mutag\u00e8ne du g\u00e9nome du virus pour venir voir si une s\u00e9quence g\u00e9nomique correspondant \u00e0 cette s\u00e9quence est pr\u00e9sente dans l\u2019\u00e9chantillon. On obtient une information qualitative grossi\u00e8re (la r\u00e9gion g\u00e9nomique correspondant \u00e0 la sonde employ\u00e9e est ou non pr\u00e9sente, et avec elle le reste du g\u00e9nome du virus et donc le virus lui-m\u00eame), et une information quantitative m\u00eame si elle est la plupart du temps peu exploit\u00e9e. En effet la technique employ\u00e9e est une RTqPCR \u2014 q pour quantitatif \u2014  la technique estimant la quantit\u00e9 de mat\u00e9riel g\u00e9nomique test\u00e9 pr\u00e9sent dans l\u2019\u00e9chantillon, et au-dessus d\u2019un certain seuil excluant toute erreur ou toute d\u00e9tection d\u2019une s\u00e9quence quelque peu similaire mais n\u2019ayant rien \u00e0 voir avec le virus, d\u00e9clarant que la personne est bien infect\u00e9e par le virus avec une probabilit\u00e9 satisfaisante (en g\u00e9n\u00e9ral autour de 95 %). <\/p>\n\n\n\n

Mais cette technique ne permet pas d\u2019en savoir plus sur la s\u00e9quence pr\u00e9cise du virus pr\u00e9sent chez la personne, ni m\u00eame si un virus trop mut\u00e9 pour \u00eatre d\u00e9tect\u00e9 par la sonde employ\u00e9e est pr\u00e9sent, m\u00eame si cette derni\u00e8re hypoth\u00e8se semblait jusqu\u2019ici extr\u00eamement peu probable. Jusqu\u2019ici. De l\u2019autre c\u00f4t\u00e9, le s\u00e9quen\u00e7age consiste comme son nom l\u2019indique \u00e0 s\u00e9quencer, et donc \u00e0 obtenir la s\u00e9quence g\u00e9nomique de l\u2019ensemble du mat\u00e9riel g\u00e9n\u00e9tique contenu dans un \u00e9chantillon, puis \u00e0 voir si l\u2019on trouve au sein de toutes ces s\u00e9quences, celles du virus. La technique est non seulement plus co\u00fbteuse, et n\u00e9cessite du mat\u00e9riel plus rare et plus cher, mais l\u2019interpr\u00e9tation des donn\u00e9es obtenues est infiniment plus complexe. <\/p>\n\n\n\n

L\u00e0 ou une formation express permet \u00e0 beaucoup de gens de lire les r\u00e9sultats d\u2019une RT-qPCR de d\u00e9pistage, et de savoir si la diff\u00e9rence entre le nombre de cycles d\u2019amplification requis pour atteindre une quantit\u00e9 d\u00e9finie au d\u00e9part de mat\u00e9riel g\u00e9n\u00e9tique au sein de l\u2019\u00e9chantillon et au sein d\u2019un \u00e9chantillon d\u2019eau servant de t\u00e9moin n\u00e9gatif (dit \u2206 Ct, pour Delta Cycle Treshold<\/em>) est sup\u00e9rieure \u00e0 un seuil fix\u00e9 au d\u00e9part, (par exemple 25 ou 30) et donc si la personne est positive, ou si elle est inf\u00e9rieure, et donc si la personne est n\u00e9gative, le traitement math\u00e9matique, bio-informatique et statistique requis pour interpr\u00e9ter des donn\u00e9es de s\u00e9quen\u00e7age est consid\u00e9rable. S\u00e9quencer tous les \u00e9chantillons de d\u00e9pistage aurait ainsi offert une mine d\u2019informations pr\u00e9cieuses permettant de suivre presque en temps r\u00e9el l\u2019apparition de mutations dans la s\u00e9quence du virus, mais probablement pos\u00e9 des d\u00e9fis logistiques consid\u00e9rables risquant de ralentir significativement les efforts de d\u00e9pistage. <\/p>\n\n\n\n

On a ainsi choisi dans presque tous les pays d\u2019utiliser la PCR comme test de diagnostic courant, et de s\u00e9quencer r\u00e9guli\u00e8rement un certain nombre d\u2019\u00e9chantillons pour suivre l\u2019\u00e9volution de la s\u00e9quence du virus. C\u2019est ainsi que les scientifiques sud-africains observant l\u2019apparition d\u2019une \u00ab nouvelle souche \u00bb ont alert\u00e9s leurs coll\u00e8gues, qui ont dans le monde entier augment\u00e9 rapidement et massivement leurs op\u00e9rations de s\u00e9quen\u00e7age et ont ainsi d\u00e9couvert cette \u00ab nouvelle souche \u00bb au Royaume-Uni et maintenant en France et dans une trentaine d\u2019autres pays. L\u2019alerte sud-africaine a entra\u00een\u00e9 une d\u00e9multiplication des op\u00e9rations de \u00ab s\u00e9quen\u00e7ovigilance \u00bb qui ont permis de r\u00e9aliser l\u2019ampleur de la diffusion des \u00ab nouvelles souches \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

4 \u2013 Une mutation, et ensuite ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

La plupart du temps, rien. La grande, voir tr\u00e8s grande majorit\u00e9 des changements d\u2019un caract\u00e8re dans la s\u00e9quence g\u00e9nomique n\u2019ont aucun effet. L\u00e0 o\u00f9 les choses se compliquent, c\u2019est que certaines ont un effet \u00ab avantageux \u00bb (du point de vue de l\u2019entit\u00e9 biologique, ici du virus), mais d\u2019autres auront un effet \u00ab d\u00e9l\u00e9t\u00e8re \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Qui fera le tri ? L\u2019\u00e9volution, ni plus ni moins. Les virus porteurs de mutations \u00ab avantageuses \u00bb vont pouvoir par exemple se r\u00e9pliquer plus vite, et \u00e9chapper mieux au syst\u00e8me immunitaire, devenant petit \u00e0 petit plus nombreux que ceux qui n\u2019ont pas ces mutations qui vont eux se r\u00e9pliquer plus lentement et \u00eatre plus neutralis\u00e9s, on dit que la mutation se r\u00e9pand, parfois jusqu\u2019\u00e0 devenir pr\u00e9sente dans presque toutes les souches du virus en circulation, devenant ainsi le \u00ab nouveau consensus \u00bb (quelqu\u2019un observant la population \u00e0 cet instant l\u00e0 consid\u00e9rerait alors l\u2019absence de cette mutation devenue ultra majoritaire comme la mutation, relativisant l\u00e0 encore le concept de mutation). \u00c0 l\u2019inverse les virus porteurs de mutations \u00ab d\u00e9l\u00e9t\u00e8res \u00bb, ralentissant l\u2019efficacit\u00e9 du virus ou favorisant sa neutralisation par le syst\u00e8me immunitaire, vont se r\u00e9pliquer moins vite, \u00eatre plus facilement neutralis\u00e9s, et la mutation va avoir tendance \u00e0 dispara\u00eetre. C\u2019est l\u00e0 tout le principe de la s\u00e9lection naturelle de Darwin.<\/p>\n\n\n\n

De mani\u00e8re assez incroyable, certaines mutations sont \u00ab si avantageuses \u00bb, qu\u2019elles sont \u00ab apparues plusieurs fois \u00bb, signifiant qu\u2019elles sont apparues al\u00e9atoirement plusieurs fois \u00e0 la suite d\u2019erreurs de r\u00e9plication, mais ont surtout \u00e9t\u00e9 s\u00e9lectionn\u00e9es plusieurs fois tant elles sont avantageuses. <\/p>\n\n\n\n

En digressant on peut d\u2019ailleurs noter que le d\u00e9veloppement des premiers vaccins reposait pr\u00e9cis\u00e9ment sur le fait de faire acqu\u00e9rir aux souches virales des mutations \u00ab avantageuses \u00bb pour leur r\u00e9plication dans des cellules autres qu\u2019humaines (de lapin pour le vaccin de la rage de Pasteur et de pomme de terre pour le BCG contre la tuberculose) mais \u00ab d\u00e9l\u00e9t\u00e8res \u00bb pour leur r\u00e9plications au sein des cellules humaines (relativisant l\u00e0 encore la notion d\u2019 \u00ab avantageux \u00bb ou \u00ab d\u00e9l\u00e9t\u00e8re \u00bb). Les nouvelles souches virales ayant accumul\u00e9es ces mutations devenaient incapable de se r\u00e9pliquer assez efficacement dans des cellules humaines pour provoquer la maladie, mais restaient assez proches de la souche originale pour provoquer une r\u00e9ponse immunitaire qui serait ensuite efficace contre le \u00ab vrai \u00bb virus. <\/p>\n\n\n\n

Concr\u00e8tement, dans le cas du Sars-Cov-2, on peut \u00e9voquer trois principaux risques li\u00e9s \u00e0 l\u2019apparition de mutations. Le premier est le fait qu\u2019il s\u2019agisse de mutations \u00ab avantageuses \u00bb pour le virus, et le rendant plus contagieux (ce qui semble \u00eatre le cas), plus dangereux et plus mortel. Le second, tout aussi pr\u00e9occupant, et qui pr\u00e9occupe d\u2019ailleurs plut\u00f4t plus les scientifiques et les autorit\u00e9s sanitaires, et le fait que le virus \u00ab change d\u2019apparence \u00bb au point que les r\u00e9ponses immunitaires mont\u00e9es contre \u00ab l\u2019ancienne souche \u00bb ne soient plus efficaces contre celle-ci. Ces risques s\u2019appuient notamment sur l\u2019apparition de mutations sur la fameuses \u00ab prot\u00e9ine S \u00bb, S pour spicule, la prot\u00e9ine de surface du virus et qui est la cible utilis\u00e9e par la plupart des vaccins actuellement d\u00e9ploy\u00e9s. Une nouvelle souche \u00ab trop diff\u00e9rente \u00bb pourrait alors potentiellement faire chuter l\u2019efficacit\u00e9 des vaccins, sans m\u00eame parler des anticorps de ceux ayant d\u00e9j\u00e0 eu le Covid-19… <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 ce titre, notons que les mutations sont le plus souvent nomenclatur\u00e9es en indiquant d\u2019abord la lettre correspondant \u00e0 l\u2019acide amin\u00e9 (les briques LEGO constituant les prot\u00e9ines, au nombre d\u2019environ 22) consid\u00e9r\u00e9 jusqu\u2019alors comme consensus, puis le num\u00e9ro correspondant \u00e0 l\u2019emplacement de la mutation, et enfin l\u2019acide amin\u00e9 apparu suite \u00e0 la mutation. Par exemple, N501Y, signifie que le 501e<\/sup> acide amin\u00e9 consensus de la prot\u00e9ine \u00e9tait jusqu\u2019alors N soit l\u2019asparagine, et que la mutation le voit remplac\u00e9 par Y soit la tyrosine. L\u2019apparition de mutations au sein de la prot\u00e9ine S est donc potentiellement tr\u00e8s pr\u00e9occupante. Potentiellement parce qu\u2019il est encore trop t\u00f4t pour conna\u00eetre avec suffisamment de pr\u00e9cision les cons\u00e9quences de telles mutations. Le moyen principal par lequel une ou des mutations pourraient changer dramatiquement \u00ab l\u2019aspect \u00bb du virus et notamment de sa prot\u00e9ine S passerait par la modification du repliement et de la structure tridimensionnelle. Or le repliement et la structure tridimensionnelle des prot\u00e9ines, et l\u2019impact de mutations dessus est un champ incroyablement complexe, for\u00e7ant sans cesse les chercheurs \u00e0 repousser les limites de ce qu\u2019ils sont capables de faire en termes de mod\u00e9lisation et de puissance de calcul informatique. De l\u00e0 \u00e0 \u00eatre capable de mod\u00e9liser et simuler informatiquement avec pr\u00e9cision les interactions entre des anticorps dirig\u00e9s contre \u00ab l\u2019ancienne \u00bb prot\u00e9ine S, et la nouvelle prot\u00e9ine S\u2026 Il est raisonnable de penser que nous aurons colonis\u00e9 Mars avant d\u2019\u00eatre capables de le faire. Quand bien m\u00eame on pourrait donc suivre en temps r\u00e9el l\u2019apparition de mutations, et \u00e9valuer leur potentiel de nuisance en rep\u00e9rant o\u00f9 elles se situent, et le degr\u00e9 de diff\u00e9rence entre \u00ab le nouveau \u00bb et \u00ab l\u2019ancien \u00bb acide amin\u00e9, on est incapable de savoir pr\u00e9cis\u00e9ment quelles en seront les cons\u00e9quences sur la contagiosit\u00e9, la mortalit\u00e9, ou la structure du virus en temps r\u00e9el. Le troisi\u00e8me risque potentiel, tout aussi pr\u00e9occupant, est l\u2019augmentation du taux de faux n\u00e9gatifs des m\u00e9thodes de d\u00e9pistages qui ne seraient plus en mesure de d\u00e9tecter ces \u00ab nouvelles souches \u00bb. Nous serions en mesure de corriger le tir et de d\u00e9velopper de nouvelles sondes de tests PCR capables de les d\u00e9tecter, mais le retard et la complexification consid\u00e9rables que cela entra\u00eenerait constitueraient d\u00e9j\u00e0 en soi un \u00e9norme probl\u00e8me. <\/p>\n\n\n\n

De l\u00e0 \u00e0 \u00eatre capable de mod\u00e9liser et simuler informatiquement avec pr\u00e9cision les interactions entre des anticorps dirig\u00e9s contre \u00ab l\u2019ancienne \u00bb prot\u00e9ine S, et la nouvelle prot\u00e9ine S\u2026 Il est raisonnable de penser que nous aurons colonis\u00e9 Mars avant d\u2019\u00eatre capables de le faire.<\/p>XAVIER OLESSA-DARAGON<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Notons qu\u2019\u00e9merge ici une question aussi int\u00e9ressante que complexe : \u00e0 partir de combien de mutations parle-t-on de \u00ab nouvelle \u00bb souche ? \u00c0 partir de combien de mutations les anticorps et les tests diagnostiques deviennent-ils moins efficaces ? Plus du tout efficaces ? On ne sait pas r\u00e9pondre aux deux derni\u00e8res questions. Pour ce qui est de la premi\u00e8re, on peut tenter d\u2019y r\u00e9pondre en introduisant l\u2019id\u00e9e de \u00ab parent\u00e9 dynamique \u00bb, \u00e0 savoir que le virus \u00e9volue et change en permanence, qu\u2019au sens propre du termes de \u00ab nouvelles souches \u00bb apparaissent de fa\u00e7on continue et que l\u2019id\u00e9e de \u00ab nouvelle souche \u00bb marque en r\u00e9alit\u00e9 dans une large mesure une \u00ab rupture avec accumulation rapide de mutations \u00bb entre deux souches apparent\u00e9es. L\u00e0 o\u00f9 on estime que le virus accumulerait environ 1 \u00e0 2 mutations par mois, la \u00ab nouvelle souche britannique \u00bb aurait entre 14 et 22 mutations par rapport \u00e0 son \u00ab anc\u00eatre le plus proche \u00bb (la souche pr\u00e9alablement connue ayant la s\u00e9quence la plus proche). Sans rentrer dans les d\u00e9tails, un des amendements post\u00e9rieurs majeurs \u00e0 la th\u00e9orie de l\u2019\u00e9volution de Darwin postule que l\u2019\u00e9volution n\u2019est pas un processus continu, mais qu\u2019il comprend des phases lentes et des phases brutales d\u2019\u00e9volution rapide. Ces nouvelles souches pourraient \u00eatre dues \u00e0 une ou plusieurs de ces phases.<\/p>\n\n\n\n

5 \u2013 Quelles cons\u00e9quences de ces \u00ab nouvelles souches \u00bb sur la gestion de l\u2019\u00e9pid\u00e9mie ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

En termes politiques, on peut raisonnablement penser qu\u2019elles vont contribuer \u00e0 rendre encore plus explosive la question de la vaccination<\/a>, notamment dans des pays avec une population aussi d\u00e9fiante sur la question que la France. La voix,  d\u00e9j\u00e0 forte, des soignants \u00e9puis\u00e9s<\/a>  qui poussent pour une vaccination plus contraignante, pourrait bient\u00f4t \u00eatre rejointe par celle des scientifiques et des chercheurs expliquant que si l\u2019on attend trop et qu\u2019on ne vaccine pas d\u00e8s maintenant tous ceux qui peuvent l\u2019\u00eatre, on laisserait potentiellement se d\u00e9velopper de nouvelles souches en mesure de contaminer les vaccin\u00e9s, et tout ceux qui l\u2019ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9\u2026<\/p>\n\n\n\n

En termes \u00ab techniques \u00bb, cela signifie, comme c\u2019est d\u00e9j\u00e0 le cas depuis l\u2019alerte sud-africaine, qu\u2019il faut multiplier les op\u00e9rations de \u00ab s\u00e9quen\u00e7ovigilance \u00bb afin de suivre l\u2019\u00e9volution du g\u00e9nome du virus, et potentiellement adapter les sondes utilis\u00e9es dans les tests PCR et dans les tests d\u00e9tectant la pr\u00e9sence d\u2019anticorps. A ce stade et sans informations pr\u00e9cises laissant entendre que les tests de d\u00e9pistage ne parviendraient pas \u00e0 d\u00e9tecter ces \u00ab nouvelles souches \u00bb, on en est pas encore \u00e0 devoir significativement ajuster ces tests. Mais cela pourrait venir. Et potentiellement toucher \u00e9galement les vaccins\u2026<\/p>\n\n\n\n

La voix,  d\u00e9j\u00e0 forte, des soignants \u00e9puis\u00e9s  qui poussent pour une vaccination plus contraignante, pourrait bient\u00f4t \u00eatre rejointe par celle des scientifiques et des chercheurs expliquant que si l\u2019on attend trop et qu\u2019on ne vaccine pas d\u00e8s maintenant tous ceux qui peuvent l\u2019\u00eatre, on laisserait potentiellement se d\u00e9velopper de nouvelles souches en mesure de contaminer les vaccin\u00e9s, et tout ceux qui l\u2019ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9\u2026<\/p>Xavier Olessa-Daragon<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

6 \u2013 Peut-on anticiper les mutations ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Pas vraiment. On sait que certaines r\u00e9gions du virus vont avoir plus tendance \u00e0 muter que d\u2019autres, parce qu\u2019il existe certaines r\u00e9gions ou la moindre mutation aura des cons\u00e9quences dramatiques sur la capacit\u00e9 du virus \u00e0 entrer dans les cellules ou \u00e0 se r\u00e9pliquer. On dit qu\u2019il s\u2018agit de r\u00e9gions qui \u00ab tol\u00e8rent tr\u00e8s peu de mutations \u00bb et ce sont g\u00e9n\u00e9ralement ces r\u00e9gions qui sont utilis\u00e9es comme sondes lors des tests PCR. On sait \u00e0 l\u2019inverse que d\u2019autres r\u00e9gions auront plus tendance \u00e0 muter car des mutations pourraient conf\u00e9rer un avantage significatif au virus, il s\u2019agit notamment des r\u00e9gions de surface qui vont aider le virus \u00e0 entrer dans les cellules ou \u00e0 se camoufler du syst\u00e8me immunitaire. On sait enfin que plus le virus circule, plus il se r\u00e9plique, plus il y aura de mutations, et donc plus la probabilit\u00e9 est grande que finissent par appara\u00eetre des mutations qui changent significativement son aspect. Mais l’on n’est pas r\u00e9ellement en mesure d\u2019anticiper et de savoir quelles mutations vont appara\u00eetre et quel sera leur effet. L\u00e0 encore la puissance de mod\u00e9lisation et de calcul informatique requis seraient titanesques.<\/p>\n\n\n\n

7 \u2013 Concr\u00e8tement que sont ces \u00ab nouvelles souches \u00bb ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

D614G, exemple d\u2019un <\/em>statu quo en r\u00e9\u00e9criture perp\u00e9tuelle<\/em><\/p>\n\n\n\n

La \u00ab mutation \u00bb D614G concerne la prot\u00e9ine de surface du virus, la fameuse \u00ab Spike Protein \u00bb, largement d\u00e9cisive en ce qui concerne la capacit\u00e9 du virus \u00e0 p\u00e9n\u00e9trer dans les cellules. Apparue en Europe en f\u00e9vrier, elle conf\u00e9rerait un tel avantage dans la capacit\u00e9 \u00e0 p\u00e9n\u00e9trer dans les cellules et \u00e0 se r\u00e9pliquer du virus, que la s\u00e9lection positive aurait finalement fait de la Glycine (G) l\u2019acide amin\u00e9 \u00ab consensus \u00bb \u00e0 la position 614. Gr\u00e2ce \u00e0 la r\u00e9plication effr\u00e9n\u00e9e du virus g\u00e9n\u00e9rant un pool<\/em> de variants, et \u00e0 la pression de s\u00e9lection faisant parmi eux \u00e9merger \u00ab les plus efficients \u00bb, de \u00ab mutation \u00bb \u00e0 \u00ab consensus \u00bb en quelques mois.<\/p>\n\n\n\n

La \u00ab Souche Britannique \u00bb aussi nomm\u00e9e B.1.1.7 ou \u00ab VUI \u2013 202012\/01 \u00bb (Variant Under Investigation en D\u00e9cembre 2020 num\u00e9ro 1 ou encore 20B\/501Y.V1<\/em>)<\/p>\n\n\n\n

La \u00ab souche britannique \u00bb, B.1.1.7 serait apparue au Royaume-Uni en septembre 2020. Cette souche comprend donc entre 14 et 22 mutations sp\u00e9cifiques (selon le r\u00e9f\u00e9rentiel auquel on la compare \u2014 encore une fois on est tous le mutant de quelqu\u2019un, mais c\u2019est quoi qu\u2019il en soit \u00e9norme), dont un certain nombre sont d\u00e9j\u00e0 caract\u00e9ris\u00e9es et pour lesquelles on aurait d\u00e9j\u00e0 des hypoth\u00e8ses concernant leurs cons\u00e9quences.<\/p>\n\n\n\n

La mutation N501Y, serait elle aussi situ\u00e9e sur la prot\u00e9ine de surface du virus, la fameuse \u00ab Spike Protein \u00bb (parfois abr\u00e9g\u00e9e en prot\u00e9ine S), et plus pr\u00e9cis\u00e9ment sur le RDB (Receptor Binding Domain) la partie du virus se liant \u00e0 son r\u00e9cepteur sur les cellules humaines pour y entrer, ACE2, et augmenterait l\u2019affinit\u00e9 du RBD pour ACE2, facilitant donc la capacit\u00e9 du virus \u00e0 entrer dans les cellules. M\u00eame si encore une fois jusqu\u2019ici on a pas d\u2019informations indiquant que ces nouveaux variants \u00e9chapperaient \u00e0 l\u2019immunit\u00e9 cr\u00e9\u00e9e par les diff\u00e9rents vaccins actuellement d\u00e9ploy\u00e9s, il est important de rappeler que ces vaccins utilisent pour la plupart pr\u00e9cis\u00e9ment cette prot\u00e9ine S comme cible contre laquelle ils provoquent une r\u00e9action immunitaire.<\/p>\n\n\n\n

La mutation P681H est proche d\u2019un \u00ab site de clivage \u00bb par la furine <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Sans rentrer dans les d\u00e9tails, un certain nombre de virus sont d\u2019abords produits sous une forme n\u00e9cessitant un certain nombre de modifications avant d\u2019\u00eatre op\u00e9rationnelle. Parmi ces modifications se trouve souvent la coupure par des enzymes telles que la furine. Une mutation proche d\u2019un site de clivage telle que celui-ci peut ainsi avoir un fort impact biologique, par exemple en modifiant la structure du virus et en facilitant l\u2019acc\u00e8s de l\u2019enzyme \u00e0 la s\u00e9quence qu\u2019elle doit couper, augmentant l\u2019efficacit\u00e9 de ce processus de coupure, et donc l\u2019efficacit\u00e9 de r\u00e9plication du virus.<\/p>\n\n\n\n

Les mutations N501Y et P681H auraient \u00e9t\u00e9 pr\u00e9alablement observ\u00e9es, mais jusqu\u2019ici jamais ensemble au sein de la m\u00eame souche.<\/p>\n\n\n\n

La d\u00e9l\u00e9tion des acides amin\u00e9s 69 et 70, qui permettrait de supprimer une partie du virus bien reconnue par le syst\u00e8me immunitaire, et lui permettrait ainsi de mieux y \u00e9chapper. On voit encore ici comment la pression de s\u00e9lection joue, les virus avec cette d\u00e9l\u00e9tion seraient moins bien neutralis\u00e9s par le syst\u00e8me immunitaire que ceux ne l\u2019ayant pas, et donc in fine plus nombreux \u00e0 se reproduire, en les rempla\u00e7ant peu \u00e0 peu.<\/p>\n\n\n\n

La mutations Q27Stop, qui conduirait \u00e0 l\u2019arr\u00eat pr\u00e9matur\u00e9 au bout du 27e<\/sup> acide amin\u00e9 sur 121 de la prot\u00e9ine ORF8 du virus : il ne s\u2019agit que d\u2019une hypoth\u00e8se, mais on pense que la perte de cette prot\u00e9ine n\u2019aurait pas r\u00e9ellement de cons\u00e9quences, et qu\u2019ainsi l\u2019arr\u00eat pr\u00e9matur\u00e9 de la production de cette prot\u00e9ine rendrait la r\u00e9plication du virus plus efficace en \u00e9vitant d\u2019avoir \u00e0 produire une prot\u00e9ine \u00ab non indispensable \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

A ce stade les informations sugg\u00e8rent que cette souche est plus contagieuse, mais pas plus mortelle. Une \u00e9tude \u2013 \u00e0 prendre avec \u00e9norm\u00e9ment de pr\u00e9cautions<\/strong> \u2013 , de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, estime que ce variant serait environ 56 % plus transmissible que les autres souches.<\/p>\n\n\n\n

Le \u00ab variant Sud-Africain \u00bb ou B.135<\/em><\/p>\n\n\n\n

Il poss\u00e8de un certain nombre de mutations dans la prot\u00e9ine Spike, dont la mutation N501Y. Mais il ne poss\u00e8de par exemple pas la d\u00e9l\u00e9tion 69\/70. Le ministre de la sant\u00e9 britannique, Matt Hancocksemble particuli\u00e8rement pr\u00e9occup\u00e9 par ce variant. Il d\u00e9clare lundi 4 janvier 2020 \u00ab c\u2019est un probl\u00e8me vraiment, vraiment significatif, bien plus que le variant britannique \u00bb. Cela serait d\u00fb \u00e0 cette accumulation de mutations dans la prot\u00e9ine Spike et \u00e0 la crainte que cela ne permette \u00e0 ce variant d\u2019\u00e9chapper \u00e0 l\u2019immunit\u00e9 g\u00e9n\u00e9r\u00e9e par le vaccin Oxford-Astra Zeneca. Mais hormis le nombre important de mutations dans la prot\u00e9ine Spike, on a peu de donn\u00e9es objectives \u00e0 ce sujet, et il s\u2019agit essentiellement de sp\u00e9culations.<\/p>\n\n\n\n

Le \u00ab variant Nig\u00e9rian \u00bb ou B.1.1.207<\/em><\/p>\n\n\n\n

On en sait \u00e0 ce stade peu sur ce variant, si ce n\u2019est qu\u2019il poss\u00e8de la mutation P681H. On ne sait pas ou il aurait \u00e9merg\u00e9, ni si ses mutations contribueraient \u00e0 une s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 ou mortalit\u00e9 accrue, ou m\u00eame \u00e0 une transmission accrue du virus, ce qui le distingue des deux autres \u00ab nouvelles souches \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

 Il suffirait qu\u2019un seul des nouveaux vaccins autoris\u00e9s se montre nettement moins efficace contre une seule \u00ab nouvelle souche \u00bb pour que cela puisse avoir un impact consid\u00e9rable dans la confiance et l\u2019adh\u00e9sion envers ces nouveaux vaccins et ce \u00e0 un moment critique de la campagne mondiale de vaccination contre le Sars-Cov-2.<\/p>Xavier Olessa-Daragon<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

8 \u2013 \u00c0 quoi seraient dues ces accumulations de mutations ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Il ne s\u2019agit \u00e0 ce stade que d\u2019hypoth\u00e8ses, mais cela se serait produit \u00ab au sein \u00bb d\u2019un patient immunod\u00e9ficient infect\u00e9 chroniquement par le virus. Chez ces patients, le g\u00e9nome viral se serait trouv\u00e9 pendant 2 \u00e0 4 mois, parfois plus. Cela laisserait le temps au virus de se reproduire de fa\u00e7on extr\u00eamement prolifique et d\u2019accumuler \u00e9norm\u00e9ment de mutations dans un premier temps. Le traitement que ces patients recevraient parfois tardivement, \u00e0 base d\u2019anticorps d\u00e9riv\u00e9s du plasma de patients gu\u00e9ris du virus, op\u00e9rerait dans un second temps une \u00ab s\u00e9lection \u00bb au sein du pool<\/em> de diversit\u00e9 g\u00e9n\u00e9tique cr\u00e9\u00e9 dans un premier temps, des virus ayant notamment accumul\u00e9 des mutations leur permettant de mieux r\u00e9sister au syst\u00e8me immunitaire. Ces derniers pourraient enfin \u00eatre transmis \u00e0 d\u2019autres patients. Ces \u00e9v\u00e8nements seraient extr\u00eamement rares, mais tout comme le sont ceux qui ont donn\u00e9 naissance au Sars-Cov 2, il suffit d\u2019un seul, suffisamment \u00ab efficace \u00bb\u2026 Quand on rappelle que les patients immunod\u00e9prim\u00e9s, ne peuvent, pour la plupart pas \u00eatre vaccin\u00e9s pour des raisons \u00e9videntes, et que la pr\u00e9vention d\u2019infection chez eux d\u00e9pend d\u2019une immunit\u00e9 collective \u00e0 des taux qui sont aujourd\u2019hui non seulement tr\u00e8s loin d\u2019\u00eatre atteints, mais complexes \u00e0 envisager pour des raisons qui d\u00e9passent la pure logistique, on continue de voir que l\u2019apparition de ces nouvelles souches risque de peser lourd dans le d\u00e9bat sur la strat\u00e9gie vaccinale.<\/p>\n\n\n\n

9 \u2013 O\u00f9 ont elle \u00e9t\u00e9 trouv\u00e9es jusqu\u2019ici ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

La \u00ab souche britannique \u00bb, B117, aurait \u00e9t\u00e9 d\u00e9tect\u00e9e dans au moins 33 pays, Australie, Belgique, Br\u00e9sil, Canada, Chili, Chine, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Islande, Inde, Irlande, Isra\u00ebl, Italie, Japon, Jordanie, Liban, Malte, Pays-Bas, Norv\u00e8ge, Pakistan, Portugal, Singapour, Cor\u00e9e du Sud, Espagne, Su\u00e8de, Suisse, Taiwan, Turquie, Emirats Arabes Unis, Royaume-Uni et \u00c9tats Unis.<\/p>\n\n\n\n

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