{"id":96780,"date":"2021-01-05T13:58:07","date_gmt":"2021-01-05T12:58:07","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=96780"},"modified":"2021-01-05T20:45:42","modified_gmt":"2021-01-05T19:45:42","slug":"afrique-2020","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/01\/05\/afrique-2020\/","title":{"rendered":"Comment l’Afrique entre-t-elle dans l’ann\u00e9e 2021 ?"},"content":{"rendered":"\n

Nicoletta Pirozzi<\/h2>\n\n\n\n

Les relations Union europ\u00e9enne-Afrique en 2020<\/em><\/h2>\n\n\n\n

2020 devait \u00eatre l’ann\u00e9e de la relance des relations entre l’Union europ\u00e9enne et l’Afrique. Mais l\u2019effet de la pand\u00e9mie et l’\u00e9volution des priorit\u00e9s politiques ont fait \u00e9chouer l’objectif d’un partenariat strat\u00e9gique renouvel\u00e9 entre \u00e9gaux.<\/p>\n\n\n\n

Par deux fois, le sommet entre les chefs d’\u00c9tat et de gouvernement des deux continents a \u00e9t\u00e9 annul\u00e9, tandis que la perspective d’une nouvelle strat\u00e9gie commune, qui aurait corrig\u00e9 l’approche unilat\u00e9rale de la strat\u00e9gie globale pour l’Afrique propos\u00e9e par la Commission europ\u00e9enne en mars dernier, a \u00e9t\u00e9 mise en veilleuse.<\/p>\n\n\n\n

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Ce n’est que le 3 d\u00e9cembre que l’annonce de l’accord entre l’Union europ\u00e9enne et les 79 pays des ACP (Afrique, Cara\u00efbes et Pacifique) est arriv\u00e9e, rempla\u00e7ant l’accord de Cotonou de 2000 et qui devrait forger les nouvelles relations politiques et commerciales entre l’Europe et l’Afrique \u2013\u202fou du moins une partie de celle-ci, \u00e9tant donn\u00e9 que les pays d’Afrique du Nord sont exclus de l’accord.<\/p>\n\n\n\n

Des probl\u00e8mes subsistent pour \u00e9quilibrer les diff\u00e9rentes priorit\u00e9s, en particulier entre les objectifs de lib\u00e9ralisation du commerce et de gestion des migrations, et la coordination avec le partenariat institutionnel entre l’Union europ\u00e9enne et l’Union africaine.<\/p>\n\n\n\n

En raison des fuites en avant de certains gouvernements et de l’inertie d’autres, les \u00c9tats europ\u00e9ens n’ont pas pu trouver une position unifi\u00e9e, ce qui a rendu impossible l’adoption d’une strat\u00e9gie d’action commune. L’UE n’a donc pas eu l’influence politique n\u00e9cessaire et n’a pas pu adopter une approche \u00e9quilibr\u00e9e, ce qui l’a emp\u00each\u00e9e de pr\u00e9venir et de r\u00e9pondre aux crises en Libye, au Sahel et en \u00c9thiopie. Le manque de fermet\u00e9 de l’Europe a laiss\u00e9 un espace politique \u00e0 l’initiative d’adversaires strat\u00e9giques tels que la Chine et d’autres puissances r\u00e9gionales comme la Turquie et les \u00c9tats du Golfe.<\/p>\n\n\n\n

Alex de Waal<\/h2>\n\n\n\n
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La Corne de l’Afrique en 2020<\/em><\/h2>\n\n\n\n

En 2020, les puissances du Moyen-Orient ont influenc\u00e9 de mani\u00e8re d\u00e9cisive la politique r\u00e9gionale de la Corne de l’Afrique. La doctrine Trump<\/a> consistant \u00e0 d\u00e9l\u00e9guer la politique de s\u00e9curit\u00e9 am\u00e9ricaine dans la r\u00e9gion \u00e0 Isra\u00ebl, \u00e0 l’\u00c9gypte, \u00e0 l’Arabie saoudite et aux \u00c9mirats arabes unis a permis \u00e0 ces pays de poursuivre leurs int\u00e9r\u00eats de mani\u00e8re agressive, en int\u00e9grant la Corne de l’Afrique dans leur p\u00e9rim\u00e8tre de s\u00e9curit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Cela a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9 de mani\u00e8re spectaculaire par l’accord selon lequel les \u00c9tats-Unis ont retir\u00e9 le Soudan de la liste des \u00c9tats qui parrainent le terrorisme en \u00e9change de sa reconnaissance d’Isra\u00ebl.<\/p>\n\n\n\n

Le Premier ministre \u00e9thiopien Abiy Ahmed a rejet\u00e9 la strat\u00e9gie de politique \u00e9trang\u00e8re de son pays adopt\u00e9e de longue date. Plut\u00f4t que de construire une coalition d’\u00c9tats africains pour \u00e9quilibrer le pouvoir \u00e9gyptien dans la vall\u00e9e du Nil, Abiy a accept\u00e9 la m\u00e9diation am\u00e9ricaine sur le diff\u00e9rend avec l’\u00c9gypte concernant le Grand barrage de la Renaissance \u00e9thiopienne. L’\u00c9gypte est d\u00e9sormais l’acteur ext\u00e9rieur dominant au Soudan et au Sud-Soudan et ne sera pas m\u00e9contente d’une \u00c9thiopie plus faible.<\/p>\n\n\n\n

Abiy a \u00e9galement embrass\u00e9 les \u00c9AU, qui sont en train d\u2019\u00e9tablir un quasi-monopole sur les ports de la r\u00e9gion. Les \u00c9AU sont d\u00e9sormais le principal m\u00e9c\u00e8ne financier et militaire de l’\u00c9thiopie. L’influence chinoise en \u00c9thiopie est r\u00e9duite.<\/p>\n\n\n\n

L’\u00c9rythr\u00e9e est sortie de son isolement diplomatique et est maintenant active dans toute la r\u00e9gion, pr\u00f4nant des formes de gouvernement plus autoritaires. Le pr\u00e9sident Isaias Afewerki a \u00e9t\u00e9 un partenaire \u00e0 part enti\u00e8re dans la planification et l’ex\u00e9cution de la guerre \u00e9thiopienne au Tigr\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s avoir maintenu l’\u00e9quidistance entre les puissances rivales du Moyen-Orient \u2013\u202fen cherchant le soutien de la Turquie et du Qatar, ainsi que de l’Arabie saoudite et les \u00c9AU\u202f\u2013 la Somalie est en train d’\u00eatre attir\u00e9e dans l’orbite des \u00c9AU.<\/p>\n\n\n\n

Les normes, les principes et les institutions de l’Union africaine sont en plein recul ; l’organisation s’est montr\u00e9e impuissante \u00e0 guider les \u00e9v\u00e9nements, sans parler de r\u00e9soudre les conflits.<\/p>\n\n\n\n

Francesco Strazzari<\/h2>\n\n\n\n
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L’\u00c9thiopie en 2020<\/em><\/h2>\n\n\n\n

Lanc\u00e9e en 2018 avec l’arriv\u00e9e d’Abiy Ahmed \u00e0 la pr\u00e9sidence en avril 2018, la transition politique de l’Ethiopie en 2020 est entr\u00e9e dans une phase d’incertitude et d’instabilit\u00e9 qui montre ses limites. Laur\u00e9at du prix Nobel de la paix pour l’accord de paix avec l’\u00c9rythr\u00e9e et encourag\u00e9 par une situation \u00e9conomique nominalement positive, Abiy Ahmed a mis l’accent sur le prestige international (par exemple, la m\u00e9diation de la crise soudanaise de 2019) et a cherch\u00e9 \u00e0 faire avancer un programme national de lib\u00e9ralisation politique et \u00e9conomique en \u00e9tablissant une base de consensus pan-\u00e9thiopienne. Cette strat\u00e9gie se heurte \u00e0 des difficult\u00e9s croissantes en termes d’\u00e9quilibre du syst\u00e8me ethno-f\u00e9d\u00e9ral du pays : outre les complots de coup d’\u00c9tat, le report des \u00e9lections (motiv\u00e9 par l’alerte \u00e0 la pand\u00e9mie) et l’exacerbation du conflit avec les mouvements (ethno-)nationalistes \u2013\u202favec des centaines de morts et des milliers d’arrestations dans la mobilisation qui a suivi l’assassinat \u00e0 Addis-Abeba d’un chanteur li\u00e9 \u00e0 la cause oromo. Le r\u00e9\u00e9quilibrage du leadership<\/em> \u00e0 l’\u00e9chelle nationale a conduit \u00e0 un affrontement avec le leadership<\/em> de la r\u00e9gion f\u00e9d\u00e9r\u00e9e du Tigr\u00e9, organis\u00e9 au sein du Front populaire de lib\u00e9ration du Tigr\u00e9 (FPLT) et h\u00e9g\u00e9monique depuis la fin de la dictature (1991). Longtemps incub\u00e9, le conflit s’est manifest\u00e9 par le refus du Tigr\u00e9 d’adh\u00e9rer au Parti de la prosp\u00e9rit\u00e9 du Pr\u00e9sident, et surtout par la d\u00e9cision de proc\u00e9der quand m\u00eame \u00e0 des \u00e9lections en septembre (98 % des voix pour le TPLF). L’affrontement a finalement explos\u00e9 avec l’attaque de Tigrinya sur le Commandement nord de l’arm\u00e9e \u00e9thiopienne le 4 novembre, et le lancement de missiles sur la r\u00e9gion d’Amhara et l’Erythr\u00e9e. Les hostilit\u00e9s ont fait des milliers de morts et des dizaines de milliers de personnes d\u00e9plac\u00e9es et de r\u00e9fugi\u00e9s. La prise de Mekell\u00e9 (28 novembre) a marqu\u00e9 la proclamation de la victoire apr\u00e8s une op\u00e9ration qui a \u00e9limin\u00e9 la possibilit\u00e9 de renforts en provenance du Soudan et a fait appel \u00e0 la fois \u00e0 la contribution des milices d’Ahmara et \u00e0 l’intervention \u2013 \u202fjamais assum\u00e9e officiellemen t\u202f\u2013 des troupes \u00e9rythr\u00e9ennes.<\/p>\n\n\n\n

C’est pr\u00e9cis\u00e9ment le conflit qui a repositionn\u00e9 le profil d’Abiy Ahmed \u2013\u202f d\u00e9sormais pass\u00e9 de l’exposition de t-shirts panafricanistes \u00e0 celle du camouflage des forces sp\u00e9ciales \u2013 la d\u00e9faite des ambitions de Tigrinya a repositionn\u00e9 la pr\u00e9sidence Ahmed par rapport aux directions nationalistes Amhara et Oromo. La pr\u00e9sidence Ahmed a \u00e9t\u00e9 accus\u00e9e d’avoir fait marche arri\u00e8re en mati\u00e8re de lib\u00e9ralisation politique et de d\u00e9mocratisation, ramenant le pays sur les traces de l’involution autoritaire, au m\u00e9pris m\u00eame du droit international (black-out <\/em>total des communications, tol\u00e9rance \u00e0 l’\u00e9gard du vigilantisme ethnique et des milices, arrestations arbitraires, refus de la m\u00e9diation de l’Union africaine, obstacles \u00e0 l’aide humanitaire et enqu\u00eates sur les crimes de guerre dans les zones de conflit). <\/p>\n\n\n\n

Le facteur temps joue un r\u00f4le crucial. La pr\u00e9sidence manque de l\u00e9gitimit\u00e9 \u00e9lectorale et semble agir de mani\u00e8re d\u00e9cisive pour ne pas dissiper le cr\u00e9dit international, ce qui s’explique aussi en grande partie par le fait que l’\u00c9thiopie est consid\u00e9r\u00e9e comme un pivot de stabilit\u00e9 trop grand pour \u00e9chouer dans une r\u00e9gion tr\u00e8s instable. Alors qu’il reste des inconnues sur les relations avec l’\u00c9gypte, le Soudan (eaux du Nil) et l’implication en Somalie, le repositionnement du pr\u00e9sident Abiy, dans un climat de nationalisme ethnique croissant, a soulev\u00e9 des sc\u00e9narios de d\u00e9raillement autoritaire du processus politique. Bien qu’il soit difficile de voir comment le gouvernement f\u00e9d\u00e9ral va gouverner la r\u00e9gion du Tigr\u00e9, les foyers d’insurrection ethnique restent dans les p\u00e9riph\u00e9ries du pays, avec des centaines de morts chaque ann\u00e9e. Fin 2020, des combats ont \u00e9t\u00e9 signal\u00e9s dans les montagnes du Tigr\u00e9, et les conditions des civils et des r\u00e9fugi\u00e9s concern\u00e9s \u00e9taient pr\u00e9occupantes.<\/p>\n\n\n\n

Vincent Foucher<\/h2>\n\n\n\n
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Le lac Tchad en 2020<\/em><\/h2>\n\n\n\n

L\u2019\u00c9tat nig\u00e9rian n\u2019a toujours pas trouv\u00e9 de solution militaire face aux deux factions de Boko Haram actives dans le nord-est du pays, notamment dans le Borno. Selon les donn\u00e9es ACLED, le nombre de morts li\u00e9es au conflit au Nigeria serait pass\u00e9 de 2486 en 2019 \u00e0 3476 en 2020 (au 12 d\u00e9cembre). Les critiques se multiplient envers l\u2019arm\u00e9e, et le gouverneur du Borno lui-m\u00eame a demand\u00e9 un nouveau recours \u00e0 des mercenaires \u00e9trangers.<\/p>\n\n\n\n

Certes, l\u2019arm\u00e9e a repris en juillet 2020 la ville-symbole de Baga, tomb\u00e9e en d\u00e9cembre 2018 aux mains de la PEIAO, faction affili\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00c9tat islamique. La PEIAO semble encore secou\u00e9e par des tensions internes, qui ont co\u00fbt\u00e9 la vie d\u00e9but 2020 \u00e0 plusieurs hauts responsables. Mais ceci n\u2019a pas emp\u00each\u00e9 la PEIAO de maintenir un niveau d\u2019activit\u00e9s \u00e9lev\u00e9, s\u2019adaptant \u00e0 la strat\u00e9gie d\u00e9fensive de regroupement en super camps adopt\u00e9e \u00e0 la mi-2019 par l\u2019arm\u00e9e nig\u00e9riane, consolidant son influence dans les zones rurales laiss\u00e9es sans protection, multipliant les embuscades, les engins explosifs improvis\u00e9s et les checkpoints, enlevant et ex\u00e9cutant civils chr\u00e9tiens, agents de l\u2019\u00c9tat et travailleurs humanitaires.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019autre faction, sous la houlette d\u2019Abubakar Shekau, cherche un second souffle, profitant du ralliement de d\u00e9\u00e7us de la PEIAO. Sa filiale op\u00e9rant dans la partie nord du Lac Tchad a men\u00e9 une op\u00e9ration audacieuse contre les troupes tchadiennes en mars, suscitant une r\u00e9action unilat\u00e9rale du Tchad. Dans le centre du Borno et \u00e0 la fronti\u00e8re camerounaise, les partisans de Shekau se contentent souvent d\u2019op\u00e9rations de pr\u00e9dation contre les communaut\u00e9s villageoises. \u00c0 l\u2019\u00e9t\u00e9, des groupes se sont d\u00e9clar\u00e9s en faveur de Shekau depuis le nord-ouest du pays, et Shekau a revendiqu\u00e9 le spectaculaire enl\u00e8vement de plus de 300 coll\u00e9giens en d\u00e9cembre dans l\u2019\u00c9tat de Katsina dans le nord-ouest, puissant \u00e9cho \u00e0 l\u2019enl\u00e8vement des coll\u00e9giennes de Chibok en 2014. Mais cet enl\u00e8vement, probablement commandit\u00e9 \u00e0 des bandits locaux, a tourn\u00e9 court, les otages \u00e9tant rapidement lib\u00e9r\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Luca Raineri<\/h2>\n\n\n\n
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Le Mali en 2020 : pivot des insurrections djihadistes et de l’instabilit\u00e9 politique au Sahel<\/em><\/span><\/h2>\n\n\n\n

La soi-disant \u00ab exception sah\u00e9lienne \u00bb, repr\u00e9sent\u00e9e par la coexistence pacifique entre les groupes li\u00e9s \u00e0 Al-Qaida et Daech dans la r\u00e9gion, semble avoir pris fin avec l’escalade de la violence entre le JNIM et l’ISGS\/ISWAP au cours de l’ann\u00e9e 2020. La gestion apparemment pyramidale des ressources naturelles et du butin de guerre par le JNIM a provoqu\u00e9 une h\u00e9morragie de militants au profit de l’ISGS\/ISWAP, \u00e0 laquelle le JNIM a r\u00e9pondu par des attaques rh\u00e9toriques puis militaires visant \u00e0 \u00e9loigner l’ISGS\/ISWAP du centre du Mali. La disparition d’Al-Qaida au Maghreb islamique du leader<\/em> historique Abdelmalek Droukdel, qui a \u00e9t\u00e9 tu\u00e9 lors d’un raid fran\u00e7ais en juin, a encore desserr\u00e9 les liens du JNIM avec l’ancien commandement alg\u00e9rien et la r\u00e9demption de l’Afghanistan, renfor\u00e7ant au contraire le pivot sah\u00e9lien de l’actuel r\u00e9seau Al-Qaida. Un \u00e9change de prisonniers en octobre \u2013 qui a \u00e9galement impliqu\u00e9 des politiciens locaux et des otages occidentaux \u2013 a permis \u00e0 la JNIM d’obtenir la lib\u00e9ration de centaines de militants et une ran\u00e7on probable de plusieurs millions de dollars, consolidant ainsi l’h\u00e9g\u00e9monie du chef touareg d’origine malienne Iyad ag Ghali. <\/p>\n\n\n\n

Pendant ce temps, l’ins\u00e9curit\u00e9 persistante et les all\u00e9gations de corruption ont aliment\u00e9 un mouvement social h\u00e9t\u00e9rog\u00e8ne pour contester l’\u00e9lite politique du Mali, dirig\u00e9e par le charismatique imam salafiste Dicko. En ao\u00fbt, le pr\u00e9sident malien Keita a \u00e9t\u00e9 destitu\u00e9 par un coup d’\u00c9tat militaire. La r\u00e9ticence des militaires \u00e0 s’engager dans le dialogue et les r\u00e9formes a rapidement refroidi l’enthousiasme initial de l’opinion publique locale et d\u00e9montr\u00e9 l’inad\u00e9quation des strat\u00e9gies de stabilisation poursuivies par la communaut\u00e9 internationale.<\/p>\n\n\n\n

Camillo Casola<\/h2>\n\n\n\n
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L’Afrique de l’Ouest en 2020 : syndrome du troisi\u00e8me mandat<\/em><\/h2>\n\n\n\n

L’ann\u00e9e 2020 devait \u00eatre une ann\u00e9e de possibles changements politiques majeurs pour l’Afrique de l’Ouest. Pr\u00e8s de dix ans apr\u00e8s la fin du conflit civil, le rendez-vous \u00e9lectoral en C\u00f4te d’Ivoire a appel\u00e9 le gouvernement de Yamoussoukro \u00e0 prouver la maturit\u00e9 de ses institutions et les progr\u00e8s politiques r\u00e9alis\u00e9s sur la voie de la consolidation d\u00e9mocratique. Le pr\u00e9sident sortant, Alassane Dramane Ouattara, s’\u00e9tait engag\u00e9 \u00e0 respecter la limite constitutionnelle de deux mandats, \u00e9vitant ainsi le risque d’une nouvelle crise. Cependant, la mort soudaine d’Amadou Gon Coulibaly, le candidat d\u00e9sign\u00e9 par le parti gouvernemental pour lui succ\u00e9der \u00e0 la t\u00eate du pays, a brouill\u00e9 les cartes. En ao\u00fbt, Ouattara a lev\u00e9 ses r\u00e9serves et annonc\u00e9 sa candidature, dans un sc\u00e9nario rendu explosif par l’\u00e9viction de Guillaume Soro et Laurent Gbagbo de la course \u00e0 la pr\u00e9sidence en raison des poursuites judiciaires engag\u00e9es contre eux. La r\u00e9\u00e9lection contest\u00e9e de Ouattara en octobre a eu lieu au plus fort d’une vague de violence politique qui a \u00e9voqu\u00e9 les fant\u00f4mes de la guerre civile. <\/p>\n\n\n\n

Quelques jours auparavant, c’\u00e9tait le tour de la Guin\u00e9e. En 2019, les manifestations de protestation contre la d\u00e9cision du chef de l’\u00c9tat, Alpha Cond\u00e9, d’adopter une r\u00e9forme constitutionnelle pour contourner la contrainte de deux mandats pr\u00e9sidentiels, ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9prim\u00e9es dans le sang : elles ont d\u00e9montr\u00e9 la r\u00e9sistance de la soci\u00e9t\u00e9 civile guin\u00e9enne face aux risques de r\u00e9gression autoritaire dans le pays, sans toutefois emp\u00eacher l’entr\u00e9e en vigueur de la nouvelle constitution et l’\u00e9lection de Cond\u00e9 pour un troisi\u00e8me mandat. Faure Gnassingb\u00e9, qui est au pouvoir au Togo depuis 2005, a remport\u00e9 une nouvelle confirmation \u00e9lectorale en f\u00e9vrier, ayant \u00e0 son tour r\u00e9form\u00e9 la constitution en 2019 dans le but de contourner les d\u00e9lais l\u00e9gaux et de courir pour diriger potentiellement le pays jusqu’en 2030.<\/p>\n\n\n\n

Le third-termism<\/em>, la tendance \u00e0 forcer les dispositions constitutionnelles par le biais de processus de r\u00e9forme qui, tout en confirmant la limitation des mandats, produisent des effets non r\u00e9troactifs et permettent au chef d’\u00c9tat en place de se repr\u00e9senter, est une pratique politique bien \u00e9tablie dans plusieurs r\u00e9gions du sous-continent, qui est revenue \u00e0 la mode au cours de l\u2019ann\u00e9e 2020. L’ann\u00e9e \u00e9lectorale qui vient de s’achever en Afrique de l’Ouest a mis en \u00e9vidence les liaisons \u00e9troites de cette dynamique avec une attitude plus g\u00e9n\u00e9rale des \u00e9lites visant \u00e0 renforcer leur contr\u00f4le sur les structures du pouvoir, dans le cadre de syst\u00e8mes d\u00e9mocratiques largement imparfaits.<\/p>\n\n\n\n

Stella Wolf<\/h2>\n\n\n\n
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Le Nigeria en 2020<\/em><\/h2>\n\n\n\n

Avec une crise humanitaire qui ravage le nord-est, des enl\u00e8vements d’\u00e9coliers qui se poursuivent dans le nord-ouest, des niveaux de violence croissants entre les \u00e9leveurs et les agriculteurs dans la ceinture centrale, et des cas quotidiens de banditisme local et de contrebande dans le sud, aliment\u00e9s par la corruption, les griefs et un vide gouvernemental, le Nigeria a \u00e9t\u00e9 pratiquement stable l’ann\u00e9e derni\u00e8re. Souvent d\u00e9fini comme un pays gigantesque, le Nigeria a toujours veill\u00e9 \u00e0 affirmer sa fiert\u00e9 nationale sur la sc\u00e8ne internationale. Pourtant, les signaux qui ont \u00e9merg\u00e9 de ces ann\u00e9es de conflit et de troubles indiquent une autre direction, celle d’un \u00c9tat fragile.      <\/p>\n\n\n\n

La strat\u00e9gie des super-camps de l’arm\u00e9e nig\u00e9riane dans le nord-est \u2013 qui a commenc\u00e9 en 2019 mais s’est v\u00e9ritablement d\u00e9ploy\u00e9e en 2020 \u2013 a conduit au retrait de nombreux territoires, entra\u00eenant des niveaux croissants de vuln\u00e9rabilit\u00e9 et renfor\u00e7ant l’emprise des insurg\u00e9s sur de vastes zones de l’\u00c9tat de Borno. Le vide de pouvoir laiss\u00e9 par les militaires a oblig\u00e9 le pr\u00e9sident de l’\u00c9tat de Borno, Babagana Zulum, \u00e0 demander le soutien des forces tchadiennes, ce qui a renouvel\u00e9 la d\u00e9pendance du pays vis-\u00e0-vis de l’aide ext\u00e9rieure lorsqu’il a parl\u00e9 de sa strat\u00e9gie anti-insurrectionnelle.<\/p>\n\n\n\n

La fracture sociale marqu\u00e9e du pays voit les riches s’en sortir gr\u00e2ce \u00e0 des passeports dor\u00e9s \u00e0 Malte ou dans les Cara\u00efbes, tandis que les laiss\u00e9s-pour-compte doivent faire face \u00e0 une situation tr\u00e8s inflammable, comme l’ont montr\u00e9 les protestations de cette ann\u00e9e contre le SARS (Special Anti-Robbery Squad). N\u00e9anmoins, le hashtag #EndSARS s’est d\u00e9velopp\u00e9 au-del\u00e0 des protestations de rue, devenant un toll\u00e9 contre l’\u00e9lite nig\u00e9riane du groupe le plus populeux, les jeunes. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab Le Nigeria est l’un des environnements op\u00e9rationnels les plus complexes dans lequel je n’ai jamais \u00e9t\u00e9 \u00bb, m’a dit un jour un expert humanitaire. En effet, ce qui a \u00e9merg\u00e9 l’ann\u00e9e derni\u00e8re est un environnement complexe et \u00e0 multiples facettes, divis\u00e9 entre les r\u00e9gions, les groupes ethniques, les classes sociales et les g\u00e9n\u00e9rations. La pr\u00e9carit\u00e9 de son rapport de force en Afrique subsaharienne pourrait en faire le prochain \u00e9chiquier de la s\u00e9curit\u00e9 sur lequel s’inscrira l’avenir de la r\u00e9gion.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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