{"id":95627,"date":"2020-12-24T00:14:41","date_gmt":"2020-12-23T23:14:41","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=95627"},"modified":"2021-01-01T12:15:08","modified_gmt":"2021-01-01T11:15:08","slug":"la-doctrine-macron-en-afrique-une-bombe-a-retardement-budgetaire","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/12\/24\/la-doctrine-macron-en-afrique-une-bombe-a-retardement-budgetaire\/","title":{"rendered":"La doctrine Macron en Afrique : une bombe \u00e0 retardement budg\u00e9taire"},"content":{"rendered":"\n
Cet article est \u00e9galement disponible en anglais<\/a> sur le site du Groupe d’\u00e9tudes g\u00e9opolitiques.<\/p>\n\n\n\n On pourrait croire, apr\u00e8s avoir lu les premiers paragraphes du r\u00e9cent entretien<\/a> de Macron dans le Grand Continent<\/em>, qu\u2019un Corbyn fran\u00e7ais est au pouvoir. Il condamne le consensus de Washington, le paradigme qui r\u00e9clame \u00ab r\u00e9duction de la part de l\u2019\u00c9tat, privatisations, r\u00e9formes structurelles, ouverture des \u00e9conomies par le commerce, financiarisation de nos \u00e9conomies, avec une logique assez monolithique fond\u00e9e sur la constitution de profits \u00bb. L’\u00ab \u00e9conomie financiaris\u00e9e \u00bb, l’enfant monstrueux du consensus de Washington qui nous promettait la prosp\u00e9rit\u00e9 mais n\u2019a fait que donner le pouvoir aux financiers, a d\u00e9truit l’environnement, augment\u00e9 les in\u00e9galit\u00e9s et aliment\u00e9 l’autoritarisme, nous amenant \u00e0 un point de rupture politique.<\/p>\n\n\n\n La Doctrine Macron, ou le Consensus de Paris, s’engage \u00e0 inverser ces tendances. Pour lutter contre les maux de l’\u00e9conomie financiaris\u00e9e, la doctrine Macron<\/a> propose une solution \u00e0 trois piliers : plus d’Europe, un v\u00e9ritable partenariat Europe-Afrique et des coalitions avec les gouvernements et les acteurs non gouvernementaux. Sur le papier, la doctrine Macron rompt avec la tradition coloniale. Elle appelle \u00e0 r\u00e9inventer l’\u00ab axe afro-europ\u00e9en \u00bb et impose aux Europ\u00e9ens de \u00ab montrer que cet universalisme qu\u2019on porte n\u2019est pas un universalisme de dominant, ce qui \u00e9tait celui de la colonisation, mais d\u2019amis et de partenaires \u00bb. La doctrine Macron appelle \u00e0 faire de l\u2019Europe \u00ab la premi\u00e8re puissance \u00e9ducative, sanitaire, digitale et verte \u00bb avec des investissements massifs, et elle promet par extension un partenariat avec l’Afrique qui rompe avec le colonialisme comme avec la financiarisation.<\/p>\n\n\n\n Pourtant, paradoxalement, la doctrine Macron \u2013\u202fexplicitement fond\u00e9e sur une critique de la financiarisation et de la privatisation des biens publics\u202f\u2013 coexiste avec la pouss\u00e9e fran\u00e7aise en faveur du Consensus de Wall Street<\/a>, qui promeut un partenariat avec les investisseurs mondiaux pour financiariser le d\u00e9veloppement et privatiser les biens publics, en particulier en Afrique.<\/p>\n\n\n\n Au cours de la derni\u00e8re d\u00e9cennie, le G20, le FMI, la Banque mondiale et d’autres banques multilat\u00e9rales de d\u00e9veloppement (dont la Banque africaine de d\u00e9veloppement), et les agences nationales de d\u00e9veloppement (dont l’Agence fran\u00e7aise de d\u00e9veloppement, l’AFD) ont poursuivi un nouveau programme de d\u00e9veloppement ax\u00e9 sur un grand pacte avec la finance priv\u00e9e : le Consensus de Wall Street. Sa logique est puissante. La surabondance mondiale des portefeuilles d\u2019actifs financiers \u2013\u202fles milliers de milliards g\u00e9r\u00e9s par les investisseurs institutionnels, principalement du Nord\u202f\u2013 pourrait financer les objectifs de d\u00e9veloppement durable, \u00e9tant donn\u00e9 l’hypoth\u00e8se de ressources publiques limit\u00e9es dans le Sud. Par exemple, le programme de la Banque mondiale intitul\u00e9 \u00ab Maximiser les financements pour le d\u00e9veloppement<\/a> \u00bb, introduit en 2017, promet aux investisseurs institutionnels des march\u00e9s d\u2019un potentiel de 12\u202f000 milliards de dollars dans les secteurs du social, de la sant\u00e9, des infrastructures, des transports et de l\u2019\u00e9ducation. Mais les investisseurs institutionnels sont soumis \u00e0 des r\u00e8gles d’investissement sp\u00e9cifiques dont il faut tenir compte si on veut qu\u2019ils financent le d\u00e9veloppement. La question urgente en mati\u00e8re de d\u00e9veloppement devient alors : comment \u00ab accompagner \u00bb les investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, fonds d’investissement) et leurs gestionnaires d’actifs vers ces opportunit\u00e9s ?<\/p>\n\n\n\n Spontan\u00e9ment, on pourrait penser \u00e0 la r\u00e9ponse suivante. Les investisseurs pourraient acheter davantage d’obligations d’\u00c9tat \u00e9mises par les pays africains \u2013\u202fdans leur devise, pour \u00e9viter les probl\u00e8mes bien connus de viabilit\u00e9 de la dette ext\u00e9rieure. Ces pays utiliseraient \u00e0 leur tour ces conditions de financement \u00e0 meilleur march\u00e9 pour investir massivement dans l’\u00e9ducation, le num\u00e9rique, la sant\u00e9 et les services publics \u00ab verts \u00bb, comme notre champion de l’axe eurafricain l’envisage pour l’Europe. Mais ce n’est pas la bonne r\u00e9ponse.<\/p>\n\n\n\n Les investisseurs priv\u00e9s veulent plut\u00f4t des projets de d\u00e9veloppement \u00ab bankables<\/em> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Le Consensus de Wall Street est un projet visant \u00e0 r\u00e9duire les investissements publics directs et la prestation de services publics et \u00e0 les transf\u00e9rer au secteur priv\u00e9. L\u2019habillage du programme de privatisation du Consensus de Washington a chang\u00e9, mais la substance reste la m\u00eame : les citoyens paient des frais d’utilisation pour les services publics, d\u00e9sormais construits et fournis par le biais de partenariats public-priv\u00e9 (PPP).<\/p>DANIELA GABOR ET NDONGO SAMBA SYLLA<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n \u00ab Lorsqu’elles se demandent si un projet s\u00e9duira les investisseurs, la premi\u00e8re chose que les banques multilat\u00e9rales de d\u00e9veloppement devraient se demander, c\u2019est : \u201cles gens vont-ils payer pour l’utiliser ?\u201d Les investisseurs sont beaucoup plus confiants dans les rendements lorsque les projets int\u00e8grent un ensemble d’utilisateurs pr\u00eats \u00e0 payer <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. \u00bb\u00a0 Cette logique, bien d\u00e9crite par la Banque interam\u00e9ricaine de d\u00e9veloppement, est reprise par toutes les autres banques multilat\u00e9rales de d\u00e9veloppement. Elle indique que le Consensus de Wall Street est un projet visant \u00e0 r\u00e9duire les investissements publics directs et la prestation de services publics et \u00e0 les transf\u00e9rer au secteur priv\u00e9. L\u2019habillage du programme de privatisation du Consensus de Washington a chang\u00e9, mais la substance reste la m\u00eame : les citoyens paient des frais d’utilisation pour les services publics, d\u00e9sormais construits et fournis par le biais de partenariats public-priv\u00e9 (PPP).<\/p>\n\n\n\n Mais l\u2019ambition du Consensus de Wall Street va au-del\u00e0 d\u2019une simple vague thatch\u00e9rienne de privatisations. Il s’agit plut\u00f4t de transformer l’\u00c9tat, pour qu\u2019il n\u2019ait plus pour seule fonction que de neutraliser les risques (derisk <\/em>en anglais) li\u00e9s aux investissements des financiers mondiaux. Lorsque les citoyens n’ont pas les moyens de payer les services privatis\u00e9s, l’\u00c9tat intervient et indemnise les investisseurs, il assume lui-m\u00eame les risques inh\u00e9rents aux projets de d\u00e9veloppement afin que les investisseurs re\u00e7oivent un flux de tr\u00e9sorerie r\u00e9gulier. Un projet bankable<\/em> est un projet dans lequel l’\u00c9tat s’engage \u00e0 fournir aux investisseurs de tels filets de s\u00e9curit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n La pand\u00e9mie en cours a donn\u00e9 un nouvel \u00e9lan politique \u00e0 cette ambition. Voici comment l’Alliance mondiale des investisseurs pour le d\u00e9veloppement durable, qui travaille sous les auspices des Nations unies, a pr\u00e9sent\u00e9 dans son manifeste<\/a> de juillet 2020 sa vision de la r\u00e9ponse \u00e0 la pand\u00e9mie : \u00ab Un d\u00e9fi d\u2019une telle ampleur exige que nous renforcions les partenariats public-priv\u00e9 \u00e0 un degr\u00e9 jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale \u2013\u202fet un degr\u00e9 qui n’a peut-\u00eatre jamais \u00e9t\u00e9 vu en temps de paix \u00bb. De m\u00eame, la Conf\u00e9rence des Nations unies sur le changement climatique (COP26), qui porte sur le financement priv\u00e9, pr\u00e9conise<\/a> des \u00ab solutions sur mesure \u00bb pour les pays en d\u00e9veloppement, notamment des \u00ab partenariats public-priv\u00e9, des viviers de projets rentables et de nouvelles structures de march\u00e9, afin de faciliter des opportunit\u00e9s commercialement viables d’investissement durable \u00bb.<\/p>\n\n\n\n La Banque mondiale pr\u00eache donc \u00e0 l\u2019Afrique l\u2019\u00ab imp\u00e9ratif du PPP \u00bb, et la crise actuelle, semble-t-il, ne l\u2019a rendu que plus pressant.<\/p>\n\n\n\n Les partenariats public-priv\u00e9 sont des accords contractuels \u00e0 long terme par lesquels le secteur priv\u00e9 s’engage \u00e0 financer et \u00e0 g\u00e9rer des services publics \u2013\u202fh\u00f4pitaux, autoroutes, centrales d’\u00e9nergie renouvelable, logements \u00e9tudiants, canalisations et \u00e9gouts, etc.\u202f\u2013 tant que l’\u00c9tat partage les risques. Pour les gouvernements, il s’agit d’un arrangement int\u00e9ressant, car ils n’ont pas besoin d\u2019avancer les fonds. Les \u00c9tats qui pr\u00e9sentent un d\u00e9ficit important en mati\u00e8re d’infrastructures et dont les ressources publiques sont limit\u00e9es, selon l’argument habituel, pourraient d\u00e9l\u00e9guer l’ex\u00e9cution de missions de service public au secteur priv\u00e9 sans augmenter leur endettement. Les \u00c9tats doivent assumer certains des risques \u2013\u202fc’est-\u00e0-dire, neutraliser les risque li\u00e9s \u00e0 ces investissements\u202f\u2013 mais de tels engagements ne comptent pas comme des d\u00e9penses publiques tant que les risques ne se mat\u00e9rialisent pas.<\/p>\n\n\n\n En France, les partenariats public-priv\u00e9 ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9nonc\u00e9s depuis des ann\u00e9es, y compris par la Cour des comptes <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, pour leur co\u00fbt sup\u00e9rieur aux investissements publics directs, l’aggravation de la pauvret\u00e9 et les in\u00e9galit\u00e9s d\u2019acc\u00e8s. Le S\u00e9nat fran\u00e7ais les a qualifi\u00e9s de \u00ab bombes \u00e0 retardement budg\u00e9taire<\/a> \u00bb, puis la Cour des comptes europ\u00e9enne s’est jointe \u00e0 lui<\/a>.<\/p>\n\n\n\n En France, les partenariats public-priv\u00e9 ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9nonc\u00e9s depuis des ann\u00e9es, y compris par la Cour des comptes, pour leur co\u00fbt sup\u00e9rieur aux investissements publics directs, l’aggravation de la pauvret\u00e9 et les in\u00e9galit\u00e9s d\u2019acc\u00e8s.<\/p>DANIELA GABOR ET NDONGO SAMBA SYLLA<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Toutes ces mises en garde n’ont cependant pas frein\u00e9 le gouvernement fran\u00e7ais dans son ardeur \u00e0 d\u00e9fendre ces partenariats en Afrique. Par exemple, l’\u00ab Initiative<\/a> France-Banque Mondiale \u00bb, promue par l’Agence fran\u00e7aise de d\u00e9veloppement et son r\u00e9seau de partenaires financiers dans les pays de la zone franc en Afrique, place ces m\u00eames partenariats au c\u0153ur des efforts pour redonner du souffle \u00e0 la pr\u00e9sence \u00e9conomique fran\u00e7aise qui est sur une pente d\u00e9clinante<\/a> dans les anciennes colonies fran\u00e7aises et \u00e0 l’\u00e9tendre<\/a> au reste de l’Afrique.<\/p>\n\n\n\n La vision du \u00ab d\u00e9veloppement comme neutralisation des risques encourus par les investisseurs priv\u00e9s\u202f (development as derisking <\/em>en anglais), inscrite dans la rh\u00e9torique des coalitions de l’axe afro-europ\u00e9en, pi\u00e8ge les \u00c9tats africains et leurs citoyens dans la logique monolithique de subvention des profits des entreprises et des gestionnaires d’actifs europ\u00e9ens.<\/p>\n\n\n\n Tout d’abord<\/em>, dans les pays africains qui y ont recours, cette strat\u00e9gie risque d\u2019augmenter la dette souveraine en devises \u00e9trang\u00e8res. Prenons l’autoroute \u00e0 p\u00e9age<\/a> entre Dakar, la capitale du S\u00e9n\u00e9gal, et le nouvel a\u00e9roport (\u00e9galement financ\u00e9 par un partenariat public-priv\u00e9). Sa gestion a \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9e dans le cadre d’un contrat partenariat public-priv\u00e9 de trente ans au groupe fran\u00e7ais Eiffage. Le gouvernement s\u00e9n\u00e9galais a emprunt\u00e9 environ 137 millions d’euros directement \u00e0 la Banque africaine de d\u00e9veloppement et \u00e0 la France (via l’Agence fran\u00e7aise de d\u00e9veloppement, l’AFD) \u00ab pour fournir la subvention \u00e0 l’investissement<\/a> \u00bb \u00e0 Eiffage et pour financer la restructuration des zones urbaines concern\u00e9es et le d\u00e9placement des habitants.<\/p>\n\n\n\n Deuxi\u00e8mement<\/em>, les citoyens africains devront payer des frais d’utilisation pour rendre les projets de d\u00e9veloppement bankable<\/em>s. La m\u00e9thode de calcul des frais est une bo\u00eete noire o\u00f9 les op\u00e9rateurs priv\u00e9s de partenariat public-priv\u00e9 ont un pouvoir important. Reprenons l’exemple de l’autoroute \u00e0 p\u00e9age du S\u00e9n\u00e9gal. Selon une \u00e9tude r\u00e9cente<\/a> de LEGS-Africa, une organisation de la soci\u00e9t\u00e9 civile s\u00e9n\u00e9galaise, pour une distance de 72 km, les usagers s\u00e9n\u00e9galais paient environ 4,50 euros pour emprunter ce que la presse fran\u00e7aise appelle \u00ab l’autoroute du futur<\/a> \u00bb. Au Maroc, les usagers de l’autoroute Casablanca-Rabat paient 2 euros pour une distance de 87 kilom\u00e8tres. En C\u00f4te d’Ivoire, faire route d\u2019Abidjan \u00e0 Yamoussoukro, soit 250 km, co\u00fbte 3,80 euros.<\/p>\n\n\n\n Troisi\u00e8mement<\/em>, le d\u00e9veloppement comme neutralisation des risques signifie que les \u00c9tats africains doivent engager des ressources publiques lorsque les redevances d’utilisation ne suffisent pas \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer le chiffre d\u2019affaires auquel les investisseurs priv\u00e9s s\u2019attendent. Les \u00c9tats africains assument le risque li\u00e9 \u00e0 la demande, les risques politiques ou contractuels ainsi que les risques de change, tous cach\u00e9s dans des contrats de partenariat public-priv\u00e9 qui font \u00e0 peine l\u2019objet d\u2019un v\u00e9ritable contr\u00f4le public.<\/p>\n\n\n\n Le d\u00e9veloppement comme neutralisation des risques signifie que les \u00c9tats africains doivent engager des ressources publiques lorsque les redevances d’utilisation ne suffisent pas \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer le chiffre d\u2019affaires auquel les investisseurs priv\u00e9s s\u2019attendent.<\/p>DANIELA GABOR ET NDONGO SAMBA SYLLA<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Lorsque l’\u00c9tat assume les risques li\u00e9s \u00e0 la demande, il garantit aux investisseurs un niveau de recettes convenu \u00e0 l’avance, ind\u00e9pendamment de la demande r\u00e9elle du service public. Les exemples abondent. Lorsque le pr\u00e9sident du Kenya, Uhuru Kenyatta, a rendu visite \u00e0 Emmanuel Macron en octobre 2020, la presse k\u00e9nyane a rapport\u00e9<\/a> qu’il s’agissait d’une visite officielle pour conclure plusieurs accords de partenariat public-priv\u00e9 dans les domaines de l’eau, de l’\u00e9nergie et des transports. L’un de ces projets, l’autoroute \u00e0 p\u00e9age Nairobi-Nakuru-Mau, sera construit, financ\u00e9 et g\u00e9r\u00e9 pendant 30 ans par un consortium dirig\u00e9 par l’entreprise de construction fran\u00e7aise Vinci et le gestionnaire d’actifs fran\u00e7ais Meridiam. Le gouvernement k\u00e9nyan apporte sa garantie au niveau du trafic routier gr\u00e2ce \u00e0 un fonds de p\u00e9age, approuv\u00e9 par le Parlement k\u00e9nyan avant le voyage de Kenyatta en France. Le fonds indemnise le consortium priv\u00e9 fran\u00e7ais si les citoyens et les entreprises k\u00e9nyans ne g\u00e9n\u00e8rent pas des recettes de p\u00e9age suffisantes. Les K\u00e9nyans paient, soit directement le p\u00e9age, soit indirectement par le fonds de p\u00e9age, abond\u00e9 par les imp\u00f4ts. Le fonds de p\u00e9age est un instrument fiscal qui permet de neutraliser le risque des investissements fran\u00e7ais dans les infrastructures k\u00e9nyanes. <\/p>\n\n\n\n On peut aussi prendre l\u2019exemple de la centrale \u00e9lectrique nig\u00e9riane d’Azura, le mod\u00e8le de partenariat public-priv\u00e9 cens\u00e9 \u00ab \u00e9clairer l’Afrique \u00bb. Elle a d\u00fb \u00eatre rembours\u00e9e par un pr\u00eat<\/a> d’urgence de la banque centrale lorsque, en 2018, la Banque mondiale a menac\u00e9 d\u2019activer la garantie partielle de risque qu’elle avait int\u00e9gr\u00e9e au projet pour rassurer les investisseurs internationaux. Le contrat obligeait la soci\u00e9t\u00e9 publique Nigerian Bulk Electricity Trading \u00e0 acheter de l’\u00e9nergie \u00e0 Azura (et \u00e0 d’autres producteurs priv\u00e9s d’\u00e9nergie) bien au-del\u00e0 de ce que l’infrastructure \u00e9nerg\u00e9tique pouvait absorber. Cette soci\u00e9t\u00e9 publique se trouvait donc structurellement incapable de recouvrer les co\u00fbts aupr\u00e8s de ses clients et de payer Azura. Lorsque la banque centrale a d\u00e9dommag\u00e9 Azura avec des fonds destin\u00e9s \u00e0 d’autres fournisseurs priv\u00e9s, ceux-ci ont r\u00e9pondu par une action en justice contre le gouvernement nig\u00e9rian et Azura. \u00c0 son tour, la Banque mondiale a conditionn\u00e9 le versement d’un pr\u00eat d’un milliard de dollars \u00e0 un plan de r\u00e9forme structurelle dans le secteur de l’\u00e9nergie, \u00ab essentiel pour neutraliser le risque des investissements<\/a> priv\u00e9s dans le secteur \u00bb. La Banque mondiale a ajout\u00e9 le financement mixte, c’est-\u00e0-dire l’utilisation de ses fonds publics de d\u00e9veloppement pour obtenir des financements priv\u00e9s, comme instrument disciplinaire suppl\u00e9mentaire pour forcer la restructuration (lisez privatisation) du secteur \u00e9nerg\u00e9tique nig\u00e9rian.<\/p>\n\n\n\nLe Consensus de Wall Street<\/h2>\n\n\n\n
L’axe afro-europ\u00e9en : des bombes \u00e0 retardement budg\u00e9taires<\/h2>\n\n\n\n