{"id":91691,"date":"2020-12-04T15:01:29","date_gmt":"2020-12-04T14:01:29","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=91691"},"modified":"2021-02-05T14:22:45","modified_gmt":"2021-02-05T13:22:45","slug":"10-points-sur-les-inegalites","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/12\/04\/10-points-sur-les-inegalites\/","title":{"rendered":"10 points sur les in\u00e9galit\u00e9s mondiales"},"content":{"rendered":"\n

Introduction<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Les in\u00e9galit\u00e9s de revenus et de richesse \u00e9taient tr\u00e8s importantes il y a un si\u00e8cle, elles ont diminu\u00e9 au XXe<\/sup> si\u00e8cle et, depuis les ann\u00e9es 1980, elles ont augment\u00e9 \u00e0 des rythmes diff\u00e9rents selon les pays. La crise financi\u00e8re de 2008 ne semble pas avoir invers\u00e9 cette tendance. Au niveau mondial, si les in\u00e9galit\u00e9s entre pays (inequality between<\/em>) \u00e9taient plus importantes que les in\u00e9galit\u00e9s \u00e0 l’int\u00e9rieur des pays (inequality within<\/em>) dans les ann\u00e9es 1980, ce n\u2019est plus le cas aujourd’hui. <\/p>\n\n\n\n

Les donn\u00e9es montrent que le commerce international et l\u2019avancement technologique ne peuvent pas expliquer \u00e0 eux seuls les grandes variations d’in\u00e9galit\u00e9s entre les pays riches. L’\u00e9volution des politiques budg\u00e9taires et des salaires, ainsi que les diff\u00e9rences entre les syst\u00e8mes d’\u00e9ducation et de sant\u00e9, ont une grande importance.<\/p>\n\n\n\n

Les in\u00e9galit\u00e9s dans les pays \u00e0 revenu \u00e9lev\u00e9 ont suscit\u00e9 une attention consid\u00e9rable ces derni\u00e8res ann\u00e9es parmi les universitaires, les organisations internationales, la soci\u00e9t\u00e9 civile et les d\u00e9cideurs politiques <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Cet int\u00e9r\u00eat contraste avec l’app\u00e9tit relativement faible pour les questions de redistribution qui caract\u00e9risait la discipline \u00e9conomique dans la seconde moiti\u00e9 du XXe<\/sup> si\u00e8cle. L’id\u00e9e que le d\u00e9veloppement \u00e9conomique entra\u00eene des niveaux d’in\u00e9galit\u00e9s \u00e9conomiques plus faibles, v\u00e9hicul\u00e9e par l\u2019\u0153uvre fondatrice de Simon Kuznets sur la croissance \u00e9conomique et l’in\u00e9galit\u00e9 des revenus <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, s’est largement r\u00e9pandue dans la litt\u00e9rature \u00e9conomique. J. Galbraith, par exemple, affirmait \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1950 que \u00ab peu de choses sont plus \u00e9videntes dans l’histoire sociale moderne que le d\u00e9clin de l’int\u00e9r\u00eat pour les in\u00e9galit\u00e9s en tant que question \u00e9conomique \u00bb <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans la seconde moiti\u00e9 du XXe si\u00e8cle, il \u00e9tait assez courant de consid\u00e9rer les in\u00e9galit\u00e9s comme un probl\u00e8me du monde en d\u00e9veloppement \u2013 et non comme celui d’un pays riche.<\/p>\n\n\n\n

Mais malgr\u00e9 ce regain d’int\u00e9r\u00eat pour la r\u00e9partition des revenus et des richesses, notre compr\u00e9hension des in\u00e9galit\u00e9s et de leurs causes reste limit\u00e9e. L’opacit\u00e9 du syst\u00e8me financier ainsi que les limites des outils standardis\u00e9s et des concepts permettant de suivre les revenus et les richesses entravent notre capacit\u00e9 \u00e0 saisir la nature complexe des in\u00e9galit\u00e9s au XXIe<\/sup> si\u00e8cle. Une telle situation limite la qualit\u00e9 et la port\u00e9e des d\u00e9bats sur les politiques publiques \u00e0 mettre en place concernant les in\u00e9galit\u00e9s et la croissance. <\/p>\n\n\n\n

1 \u2013 Les donn\u00e9es sur les in\u00e9galit\u00e9s restent rares \u00e0 l’\u00e8re du num\u00e9rique<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Les mesures standards de suivi des in\u00e9galit\u00e9s de revenus et de richesses se heurtent \u00e0 de s\u00e9rieux probl\u00e8mes de comparabilit\u00e9 entre les pays et dans le temps. Les donn\u00e9es publi\u00e9es par les institutions statistiques reposent essentiellement sur des enqu\u00eates r\u00e9alis\u00e9es aupr\u00e8s des m\u00e9nages, qui constituent une riche source de donn\u00e9es socio-\u00e9conomiques sur le niveau de vie des individus <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Cependant, les enqu\u00eates pr\u00e9sentent des limites bien connues lorsqu’il s’agit de mesurer les in\u00e9galit\u00e9s, en particulier au haut de la distribution des revenus <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En outre, les niveaux de revenus et de richesses d\u00e9clar\u00e9s dans les enqu\u00eates aupr\u00e8s des m\u00e9nages ne correspondent g\u00e9n\u00e9ralement pas aux agr\u00e9gats de la comptabilit\u00e9 nationale et aux estimations de la croissance macro\u00e9conomique. L’\u00e9volution des concepts et des m\u00e9thodologies des enqu\u00eates sur les m\u00e9nages rend \u00e9galement particuli\u00e8rement difficile la comparaison des niveaux d’in\u00e9galit\u00e9 entre les pays et dans le temps, surtout \u00e0 long terme (CEE-ONU, 2011) <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

En Europe, o\u00f9 des donn\u00e9es fiscales et de comptabilit\u00e9 nationale de grande qualit\u00e9 sont disponibles, Blanchet, Chancel et Gethin (2019) constatent que les revenus annuels avant imp\u00f4t de la tranche sup\u00e9rieure de 1 % enregistr\u00e9s dans les enqu\u00eates aupr\u00e8s des m\u00e9nages sont d’environ 220 000 euros, soit 60 % de moins que leur valeur de 340 000 euros, mesur\u00e9e \u00e0 l’aide des donn\u00e9es fiscales et de comptabilit\u00e9 nationale. Les donn\u00e9es des enqu\u00eates officielles ont donc tendance \u00e0 sous-estimer les niveaux d’in\u00e9galit\u00e9s r\u00e9els et risquent de ne pas nous dire grand chose avec pr\u00e9cision sur les tendances en mati\u00e8re d’in\u00e9galit\u00e9s. Aux \u00c9tats-Unis, selon l’enqu\u00eate actuelle sur la population, la part des revenus avant imp\u00f4t du top 5 % a augment\u00e9 d’environ un tiers entre 1980 et 2014. En mobilisant les donn\u00e9es fiscales, les comptes nationaux et les enqu\u00eates aupr\u00e8s des m\u00e9nages, Piketty, Saez et Zucman (2017) constatent que la part des revenus de la tranche sup\u00e9rieure de 5 % a augment\u00e9 de plus de 50 % au cours de cette p\u00e9riode <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Les principales s\u00e9ries de parts de revenus fond\u00e9es sur des donn\u00e9es fiscales pr\u00e9sentent \u00e9galement des limites importantes. La comparabilit\u00e9 entre les pays et les p\u00e9riodes peut \u00e9galement poser probl\u00e8me en raison des diff\u00e9rences entre les l\u00e9gislations fiscales nationales <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La d\u00e9finition du revenu fiscal change souvent d’un pays \u00e0 l’autre et peut \u00eatre soumise \u00e0 des changements de politique. Aux \u00c9tats-Unis, environ deux tiers des revenus du capital inclus dans les statistiques de croissance macro\u00e9conomique ne figurent pas dans les statistiques sur l’imp\u00f4t sur le revenu. <\/p>\n\n\n\n

Les donn\u00e9es fiscales couvrent aussi relativement peu la partie basse de la r\u00e9partition des revenus. Cela est vrai dans les pays \u00e0 revenu \u00e9lev\u00e9, mais plus encore pour les pays \u00e9mergents <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Enfin, on sait aussi que les donn\u00e9es fiscales souffrent des pratiques d’\u00e9vasion \u2014 \u00e0 des degr\u00e9s divers selon les pays, en fonction des normes, des syst\u00e8mes politiques et des politiques fiscales.<\/p>\n\n\n\n

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