Un virus est une cha\u00eene organique d\u2019informations qui se r\u00e9plique en se fixant sur un organisme vivant. Ce faisant, il peut mettre en danger cet organisme en d\u00e9r\u00e9glant gravement son fonctionnement. C\u2019est ainsi que le Sars-Cov-2, le virus responsable de la pand\u00e9mie d\u00e9nomm\u00e9e Covid-19, op\u00e8re. On sait maintenant qu\u2019une de ses caract\u00e9ristiques est de d\u00e9clencher une r\u00e9action hypertrophi\u00e9e d\u2019une partie du syst\u00e8me immunitaire humain, un \u00ab orage cytokinique \u00bb, auquel le corps r\u00e9siste difficilement, surtout lorsqu\u2019il est affaibli par d\u2019autres pathologies ou que sa vitalit\u00e9 est diminu\u00e9e du fait de l\u2019\u00e2ge.<\/p>\n\n\n\n
Si ce choc informationnel provoqu\u00e9 par ce nouveau coronavirus est d\u2019abord observ\u00e9 au niveau de l\u2019organisme des individus, ses effets retentissent bien au-del\u00e0, un peu comme un s\u00e9isme sous-marin est \u00e0 l\u2019origine d\u2019une onde qui se propage tr\u00e8s loin, au-del\u00e0 du point d\u2019impact, et prend parfois la forme d\u2019un tsunami.<\/p>\n\n\n\n
La premi\u00e8re onde de choc, comme nous l\u2019avons vu d\u00e8s les premi\u00e8res semaines de la pand\u00e9mie, met d\u2019abord rudement \u00e0 l\u2019\u00e9preuve les syst\u00e8mes de sant\u00e9 des pays o\u00f9 elle se propage. Naturellement, les autorit\u00e9s de ces pays prennent des contre-mesures pour prot\u00e9ger ces syst\u00e8mes de sant\u00e9, pour se mettre \u00e0 l\u2019abri des cons\u00e9quences de leur possible effondrement \u2013 chacun pressent qu\u2019une soci\u00e9t\u00e9 dont les services de sant\u00e9 ne peuvent plus offrir un minimum de s\u00e9curit\u00e9 sanitaire est menac\u00e9e d\u2019implosion et que ses institutions ne pourront pas y r\u00e9sister. D\u2019o\u00f9 ces mesures attendues, r\u00e9clam\u00e9es\u2026 mais aussi discut\u00e9es, objets de controverses, puisque l\u2019inconnu de la maladie, son effet de surprise et son caract\u00e8re \u00e0 certains \u00e9gards imma\u00eetrisable \u00e0 br\u00e8ve \u00e9ch\u00e9ance emp\u00eachent l\u2019\u00e9tablissement d\u2019un consensus. Plus encore, \u00e0 l\u2019\u00e9poque des r\u00e9seaux sociaux et de la circulation plan\u00e9taire des messages \u2013 qui ne se limitent pas \u00e0 l\u2019information au sens o\u00f9 ce mot se comprenait dans les journaux de bonne tenue au si\u00e8cle pr\u00e9c\u00e9dent \u2013 la \u00ab viralit\u00e9 \u00bb de la communication provoque un \u00ab m\u00e9ta-effet \u00bb pathologique en termes de psychologie sociale.<\/p>\n\n\n\n Si ce choc informationnel provoqu\u00e9 par ce nouveau coronavirus est d\u2019abord observ\u00e9 au niveau de l\u2019organisme des individus, ses effets retentissent bien au-del\u00e0, un peu comme un s\u00e9isme sous-marin est \u00e0 l\u2019origine d\u2019une onde qui se propage tr\u00e8s loin, au-del\u00e0 du point d\u2019impact, et prend parfois la forme d\u2019un tsunami.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n \u00c0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019ind\u00e9niables r\u00e9flexes de solidarit\u00e9 qui ont \u00e9t\u00e9 observ\u00e9s dans divers domaines, le stress auquel la pand\u00e9mie soumet les soci\u00e9t\u00e9s met tr\u00e8s profond\u00e9ment \u00e0 l\u2019\u00e9preuve leur coh\u00e9sion et leur capacit\u00e9 de r\u00e9sistance. Doutes et contre-doutes s\u2019installent ; les r\u00e9flexes victimaires et accusatoires se d\u00e9veloppent ; la violence individuelle, parfois collective, explose par moments ; au minimum une tension permanente se sent dans les relations, y compris amicales, parce que la pand\u00e9mie et ses effets nous d\u00e9stabilisent alors que rien ou presque ne nous avait pr\u00e9par\u00e9s \u00e0 cette d\u00e9stabilisation. Les effets varient selon les cultures \u00ab locales \u00bb et communautaires, mais ils sont ind\u00e9niables. Il faut du temps pour se familiariser avec l\u2019inconnu, avec le virus et ses effets multiples. Ce \u00ab climat \u00bb de tension a m\u00eame pour effet de d\u00e9r\u00e9gler les esprits, de faire perdre le sens commun et les capacit\u00e9s de discernement. <\/p>\n\n\n\n L\u2019un des effets majeurs de la tentative de prot\u00e9ger les syst\u00e8mes de sant\u00e9 et les individus du choc de la pand\u00e9mie est l\u2019ouverture d\u2019une crise \u00e9conomique mondiale<\/a> d\u2019une ampleur et d\u2019une nature in\u00e9dite. C\u2019est la seconde onde de choc. La mise \u00e0 l\u2019arr\u00eat de pans entiers des \u00e9conomies locales et de l\u2019\u00e9conomie mondiale \u2013 effet de d\u00e9cisions politiques, et non d\u2019un exc\u00e8s de l\u2019offre ou d\u2019un effondrement de la demande, ni d\u2019un krach financier, comme ce fut le cas pour les crises ant\u00e9rieures \u2013 et l\u2019incertitude majeure qui p\u00e8se sur la reprise des activit\u00e9s arr\u00eat\u00e9es, et pour certaines \u00e0 des \u00e9ch\u00e9ances de plusieurs mois voire de plusieurs ann\u00e9es pour retrouver le rythme ant\u00e9rieur, ont des cons\u00e9quences incalculables. Nous n\u2019avons aucun exemple qui pourrait servir d\u2019\u00e9talon.<\/p>\n\n\n\n L\u2019option prise de suspendre les pratiques d\u2019\u00ab orthodoxie budg\u00e9taire \u00bb pour recourir de mani\u00e8re massive \u00e0 la cr\u00e9ation mon\u00e9taire afin de soutenir l\u2019activit\u00e9, ou du moins de limiter la casse, en vue de ralentir un temps \u2013 qui ne sera pas infini \u2013 la cascade des faillites et des licenciements, est apparue comme la seule possible \u00e0 court terme. Or sa soutenabilit\u00e9 sur une p\u00e9riode plus longue peut-\u00eatre mise en question. En effet, si la question n\u2019est pas celle du remboursement de la dette <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, celle de la valeur de la monnaie sera incontournable. Une telle cr\u00e9ation mon\u00e9taire, qui ne trouve pas sa contrepartie dans la cr\u00e9ation de valeur sous forme de biens et de services monnayables, conduit in\u00e9luctablement d\u2019une part \u00e0 la cr\u00e9ation de bulles sp\u00e9culatives et d\u2019autre part \u2013 et simultan\u00e9ment \u2013 \u00e0 l\u2019aggravation des in\u00e9galit\u00e9s, car, pour le dire bri\u00e8vement, l\u2019argent va \u00e0 l\u2019argent, c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 ceux (individus, entreprises, organismes financiers) qui ont les outils pour le capter et le faire fructifier. Nous ne sommes donc qu\u2019au d\u00e9but d\u2019une cha\u00eene de crises \u00e9conomiques et sociales dont les cons\u00e9quences sont aujourd\u2019hui incommensurables. Inversement, on peut s\u2019interroger sur l\u2019impact \u00e9cologique d\u2019une reprise de l\u2019activit\u00e9 \u00e9conomique \u00e0 un niveau de croissance correspondant \u00e0 celle de l\u2019augmentation de la masse mon\u00e9taire, en particulier sur le surcro\u00eet de consommation d\u2019\u00e9nergie que cela impliquerait, alors que nous ne disposons pas, \u00e0 ce jour, si nous voulons r\u00e9duire la part du nucl\u00e9aire, de capacit\u00e9s de produire et de stocker de l\u2019\u00e9nergie sans porter gravement atteinte \u00e0 l\u2019environnement (cf<\/em>. les arguments d\u00e9velopp\u00e9s \u00e0 ce sujet par The Shiftproject<\/em> et Jean-Marc Jancovici autour des impasses des \u00e9nergies renouvelables).<\/p>\n\n\n\n Il faut du temps pour se familiariser avec l\u2019inconnu, avec le virus et ses effets multiples. Ce \u00ab climat \u00bb de tension a m\u00eame pour effet de d\u00e9r\u00e9gler les esprits, de faire perdre le sens commun et les capacit\u00e9s de discernement.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les r\u00e9flexes nationaux de protection contre les diff\u00e9rents effets de la pand\u00e9mie sont tr\u00e8s compr\u00e9hensibles, mais faute d\u2019\u00eatre coordonn\u00e9s, ils risquent d\u2019aggraver le mal. \u00c0 cet \u00e9gard, l\u2019Union europ\u00e9enne d\u00e9montre que depuis la signature du Trait\u00e9 de Rome, en d\u00e9pit de bien des d\u00e9fauts, bien des manques et bien des atermoiements<\/a>, quelques d\u00e9cennies de pratique de la n\u00e9gociation et de la recherche d\u2019accords, dans des rapports de force r\u00e9els, mais qui excluent le conflit arm\u00e9, ont produit un bien pr\u00e9cieux : la conscience d\u2019une solidarit\u00e9 indispensable <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> entre les \u00c9tats europ\u00e9ens pour faire face aux menaces pr\u00e9sentes et aux d\u00e9fis de l\u2019avenir. N\u00e9anmoins, le Brexit (qui est pour une bonne part la cons\u00e9quence d\u2019un autre choc viral \u2013 celui de la d\u00e9sinformation \u2013, ant\u00e9rieur \u00e0 la pand\u00e9mie) fragilise le continent europ\u00e9en dans son ensemble face \u00e0 des menaces g\u00e9opolitiques r\u00e9elles (voir infra<\/em>).<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9construction du multilat\u00e9ralisme, dont le Brexit est pr\u00e9cis\u00e9ment l\u2019une des manifestations, n\u2019a pas attendu la circulation du Sars-Cov-2. Elle est \u00e0 l\u2019\u0153uvre depuis la guerre du Kosovo, ultime \u00e9pisode du conflit qui a conduit \u00e0 l\u2019\u00e9clatement de la Yougoslavie. Le signal en a \u00e9t\u00e9 donn\u00e9 par Vladimir Poutine \u00e0 Moscou au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000, lorsque ce dernier a assis son pouvoir sur la r\u00e9activation du nationalisme russe et de la rh\u00e9torique de la puissance assi\u00e9g\u00e9e et humili\u00e9e\u2026 Les succ\u00e8s g\u00e9opolitiques de Poutine \u2013 plus symboliques<\/a> que suivis d\u2019effets concrets pour les Russes, dont la situation ne s\u2019est pas sensiblement am\u00e9lior\u00e9e \u2013 et ses m\u00e9thodes ont fait des \u00e9mules. La d\u00e9magogie, le d\u00e9tournement des institutions, le m\u00e9pris ou la manipulation des accords internationaux, la politique du fait accompli, le culot ou le bluff, le mensonge effront\u00e9 en d\u00e9pit de faits av\u00e9r\u00e9s, le peu de cas des principes fondamentaux de la d\u00e9mocratie et du droit sont des pratiques dont l\u2019efficacit\u00e9 a \u00e9t\u00e9 illustr\u00e9e par le pouvoir russe, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur comme \u00e0 l\u2019international. Elles se sont d\u00e9sormais diffus\u00e9es au point que le syst\u00e8me des relations internationales telles qu\u2019il s\u2019\u00e9tait progressivement d\u00e9velopp\u00e9 \u00e0 la fin de la Seconde Guerre mondiale, et qu\u2019il avait \u00e9volu\u00e9 avec la fin de la confrontation Est-Ouest est profond\u00e9ment d\u00e9stabilis\u00e9 <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9magogie, le d\u00e9tournement des institutions, le m\u00e9pris ou la manipulation des accords internationaux, la politique du fait accompli, le culot ou le bluff, le mensonge effront\u00e9 en d\u00e9pit de faits av\u00e9r\u00e9s, le peu de cas des principes fondamentaux de la d\u00e9mocratie et du droit sont des pratiques dont l\u2019efficacit\u00e9 a \u00e9t\u00e9 illustr\u00e9e par le pouvoir russe, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur comme \u00e0 l\u2019international.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n La mauvaise surprise de l\u2019\u00e9lection de Donald Trump, il y a quatre ans, n\u2019est certes pas le seul fruit de l\u2019ing\u00e9rence russe dans la pr\u00e9sidentielle am\u00e9ricaine. En revanche, la possibilit\u00e9 de la victoire de Trump n\u2019est sans doute pas concevable sans le pr\u00e9c\u00e9dent constitu\u00e9 par le comportement de Poutine. On peut parler d\u2019un effet tache d\u2019huile\u2026 Et si Xi Jinping doit avant tout sa force \u00e0 l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du d\u00e9veloppement \u00e9conomique et technologique de la Chine lanc\u00e9 par les r\u00e9formes de Deng Xiaoping, sa posture dictatoriale \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur et imp\u00e9riale \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur n\u2019est pas \u00e9trang\u00e8re \u00e0 la rupture inaugur\u00e9e par Vladimir Poutine par rapport \u00e0 l\u2019\u00e8re des relations internationales qu\u2019avait ouverte Mikha\u00efl Gorbatchev apr\u00e8s l\u2019accident nucl\u00e9aire de Tchernobyl<\/a>. C\u2019est aussi dans ce contexte que s\u2019affirment des figures comme Narendra Modi en Inde, Recep Tayyip Erdo\u011fan en Turquie, Rodrigo Duterte aux Philippines, Jair Bolsonaro<\/a> au Br\u00e9sil.<\/p>\n\n\n\n La pand\u00e9mie n\u2019a donc pas produit la situation qui vient d\u2019\u00eatre d\u00e9crite. En revanche, elle l\u2019aggrave sensiblement. En effet, le Sars-Cov-2 ignore aussi bien les r\u00e9gimes politiques<\/a> que les fronti\u00e8res. Si, du point de vue sanitaire, il frappe in\u00e9galement les pays ou les r\u00e9gions pour des raisons qui restent \u00e0 expliquer pr\u00e9cis\u00e9ment, ses effets en termes de stress, de perte de confiance, de confusion, de dysfonctionnements \u00e9conomiques se font sentir partout. Tous les r\u00e9gimes et tous leurs responsables politiques sont fragilis\u00e9s, parce qu\u2019ils ne peuvent garantir \u00e0 leur population qu\u2019ils les prot\u00e9geront efficacement contre la pand\u00e9mie et ses effets.<\/p>\n\n\n\n Dans la plupart des d\u00e9mocraties, une partie des citoyens s\u2019inqui\u00e8te des lenteurs et des lourdeurs, voire des atermoiements des appareils d\u2019\u00c9tat soumis \u00e0 la pression de l\u2019opinion publique, \u00e0 la permanence et la r\u00e9currence des d\u00e9bats dans l\u2019espace public et m\u00e9diatique. Des actions en justice sont engag\u00e9es contre des ministres et des hauts fonctionnaires. Pour une partie de la population, la suppos\u00e9e efficacit\u00e9 des mod\u00e8les autoritaires est d\u2019autant plus s\u00e9duisante que ces derni\u00e8res manipulent abondamment l\u2019information. La pouss\u00e9e des mouvements d\u2019extr\u00eame droite et radicaux a pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 la pand\u00e9mie, mais celle-ci aggrave l\u2019inqui\u00e9tude g\u00e9n\u00e9rale sur le fond de laquelle ils avaient commenc\u00e9 \u00e0 prosp\u00e9rer, jusqu\u2019\u00e0 obtenir, dans plusieurs pays de l\u2019UE des succ\u00e8s \u00e9lectoraux notoires. Le mod\u00e8le de \u00ab d\u00e9mocratie illib\u00e9rale \u00bb du Premier ministre hongrois Viktor Orb\u00e1n<\/a> s\u2019en trouve confort\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Tous les r\u00e9gimes et tous leurs responsables politiques sont fragilis\u00e9s, parce qu\u2019ils ne peuvent garantir \u00e0 leur population qu\u2019ils les prot\u00e9geront efficacement contre la pand\u00e9mie et ses effets.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n La Chine dont la responsabilit\u00e9 est consid\u00e9rable dans l\u2019extension mondiale du Covid-19 en raison du retard avec laquelle elle s\u2019est mobilis\u00e9e pour combattre le virus qui s\u2019est d\u2019abord manifest\u00e9 chez elle, et des entraves qu\u2019elle a mises au sein de l\u2019OMS<\/a> \u00e0 la prise de conscience internationale de la gravit\u00e9 de la crise, a tent\u00e9 de retourner les critiques dont elle est l\u2019objet en faisant la propagande de son mod\u00e8le autoritaire (appuy\u00e9 sur le d\u00e9veloppement du contr\u00f4le des populations par les moyens \u00e9lectroniques et le big data) comme le meilleur rem\u00e8de \u00e0 la pand\u00e9mie. N\u00e9anmoins, comme \u00e0 l\u2019\u00e9chelle de l\u2019UE, les pratiques de discussion d\u00e9mocratique, le fonctionnement des contre-pouvoirs, l\u2019exercice de la s\u00e9paration des pouvoirs n\u2019ont pas que des inconv\u00e9nients : bon an mal an, ils permettent un pilotage souple de la lutte contre la pand\u00e9mie et ses cons\u00e9quences et son adaptation \u00e0 l\u2019\u00e9volution des connaissances sur la pand\u00e9mie. \u00c0 l\u2019inverse, dans les r\u00e9gimes autoritaires, la remont\u00e9e des informations et leur traitement sont entrav\u00e9s par les logiques de peur et de d\u00e9pendance aux autorit\u00e9s \u2013 ainsi que de corruption \u2013 est un obstacle \u00e0 la prise en compte des probl\u00e8mes. Ceux-ci sont ni\u00e9s jusqu\u2019au moment o\u00f9 l\u2019\u00e9vidence de la menace s\u2019impose d\u2019elle-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n Les d\u00e9mocraties sont donc mises \u00e0 l\u2019\u00e9preuve par la pand\u00e9mie. Elles le sont d\u2019autant plus que leurs succ\u00e8s \u00e9conomiques depuis l\u2019apr\u00e8s-Seconde Guerre mondiale ont affaibli les ressorts \u00ab spirituels \u00bb de leur population. La jouissance des biens, la survalorisation de la consommation et des \u00e9motions, le primat de l\u2019avoir sur l\u2019\u00eatre ont pris le pas sur les disciplines de l\u2019esprit. L\u2019affirmation exacerb\u00e9e et illusoire de l\u2019autonomie de l\u2019individu a conduit \u00e0 un recul de la conscience \u2013 et de la pratique \u2013 de la dimension relationnelle de l\u2019existence. Ce n\u2019est pas tant un probl\u00e8me d\u2019affaiblissement ou de perte des valeurs que de formation et d\u2019institution des individus <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. C\u2019est une crise de la transmission des questionnements \u00e9thiques et philosophiques, au b\u00e9n\u00e9fice d\u2019un glissement des enseignements en direction de la performance, de la technique et de la rentabilit\u00e9. La cons\u00e9quence de cette crise se traduit par la prime \u00e0 l\u2019imm\u00e9diatet\u00e9 et par la difficult\u00e9 d\u2019inscrire l\u2019action \u2013 et soi-m\u00eame \u2013 dans la dur\u00e9e. La perte de vue de \u00ab l\u2019horizon \u00bb et de l\u2019interd\u00e9pendance des individus <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> s\u2019accommode mal des exigences de la d\u00e9mocratie, telles que Claude Lefort les a identifi\u00e9s. Ces exigences d\u00e9coulent de ce que l\u2019exercice de la d\u00e9mocratie reste par nature et en permanence inachev\u00e9e, et que le pouvoir y est insaisissable puisque personne ne peut pr\u00e9tendre \u00eatre \u00ab le peuple \u00bb<\/a>. L\u2019\u00e9cart permanent de la d\u00e9mocratie \u00e0 elle-m\u00eame (qui est aussi celui du peuple \u00e0 lui-m\u00eame), sa d\u00e9ceptivit\u00e9 demande des citoyens une \u00ab foi <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u00bb \u00e0 laquelle ils ne sont pas initi\u00e9s. \u00c0 l\u2019heure o\u00f9 les grandes traditions religieuses et les id\u00e9ologies sont en crise<\/a>, les citoyens sont particuli\u00e8rement d\u00e9munis pour affronter la pand\u00e9mie et ses cons\u00e9quences. C\u2019est dire l\u2019importance qui devrait \u00eatre accord\u00e9e \u00e0 la culture pour y faire face, puisque c\u2019est dans la culture (y compris dans la reprise \u00e0 frais nouveaux de l\u2019intelligence des traditions religieuses) que nous trouverons les ressources de l\u2019esprit qui font d\u00e9faut aujourd\u2019hui. Ce peut \u00eatre un des b\u00e9n\u00e9fices de la pand\u00e9mie et de la crise qu\u2019elle ouvre que de nous y ramener.<\/p>\n\n\n\n L\u2019affirmation exacerb\u00e9e et illusoire de l\u2019autonomie de l\u2019individu a conduit \u00e0 un recul de la conscience \u2013 et de la pratique \u2013 de la dimension relationnelle de l\u2019existence.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Si les d\u00e9mocraties sont fragilis\u00e9es, les autres r\u00e9gimes le sont tout autant. Elles connaissent, elles aussi, depuis des ann\u00e9es une crise de la transmission comparable <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u00e0 celle que nous venons d\u2019\u00e9voquer \u00e0 propos des d\u00e9mocraties. La mondialisation a profond\u00e9ment \u00e9branl\u00e9 les univers culturels et religieux traditionnels de tous les pays. Les \u00ab r\u00e9volutions de printemps \u00bb en ont \u00e9t\u00e9 une des cons\u00e9quences. Les \u00ab maladies de l\u2019islam \u00bb, pour reprendre le titre du livre d\u2019Abdelwahab Meddeb, sont aussi l\u2019effet de cet \u00e9branlement. Pour se maintenir, les r\u00e9gimes autoritaires ne peuvent durablement se contenter de la contrainte, ils doivent honorer un contrat tacite qui est d\u2019offrir aux populations qu\u2019ils soumettent les conditions de leur survie. La crise sanitaire et la crise \u00e9conomique qui s\u2019ensuit amoindrissent consid\u00e9rablement la cr\u00e9dibilit\u00e9 de ce contrat. Le soul\u00e8vement bi\u00e9lorusse contre la falsification des r\u00e9sultats de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle s\u2019enracine dans le sentiment que le pr\u00e9sident Loukachenko qui s\u2019est \u00e9vertu\u00e9 \u00e0 nier la r\u00e9alit\u00e9 de la pand\u00e9mie n\u2019a plus rien \u00e0 offrir, et que par cons\u00e9quent le peuple n\u2019a plus rien \u00e0 perdre.<\/p>\n\n\n\n Cette analyse vaut aussi bien pour la Chine que pour la Russie ou la Turquie. Leurs dirigeants ont tout \u00e0 craindre d\u2019une aggravation de la crise. Ils peuvent \u00eatre tent\u00e9s de rechercher dans des \u00ab aventures \u00bb ext\u00e9rieures des succ\u00e8s \u00e0 pr\u00e9senter \u00e0 leurs opinions publiques ou des raisons de la mobiliser en leur faveur. Cette tentation est d\u2019autant plus forte que la crise provoqu\u00e9e par la pand\u00e9mie provoque des replis nationaux et entrave les capacit\u00e9s de coordination internationale pour r\u00e9gler des conflits. Les circonstances sont donc propices \u00e0 des coups de force <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>. C\u2019est ce qui s\u2019est pass\u00e9 \u00e0 Hong Kong o\u00f9 P\u00e9kin a impos\u00e9 son ordre au m\u00e9pris du principe \u00ab un pays, deux syst\u00e8mes \u00bb sur lequel reposent les accords de r\u00e9trocession sign\u00e9s en 1984 et mis en \u0153uvre en 1997. Xi Jinping maintient par ailleurs une forte pression sur les \u00eeles contest\u00e9es en mer de Chine, en s\u2019appuyant sur un d\u00e9veloppement de la puissance militaire maritime chinoise. La r\u00e9int\u00e9gration de Ta\u00efwan dans le giron national est toujours en ligne de mire. Son pari est que la pand\u00e9mie et la crise qu\u2019elle provoque limitent les possibilit\u00e9s de r\u00e9action de la communaut\u00e9 internationale. Il s\u2019engouffre dans l\u2019espace g\u00e9opolitique que le Covid-19 lui ouvre.<\/p>\n\n\n\n Pour se maintenir, les r\u00e9gimes autoritaires ne peuvent durablement se contenter de la contrainte, ils doivent honorer un contrat tacite qui est d\u2019offrir aux populations qu\u2019ils soumettent les conditions de leur survie. La crise sanitaire et la crise \u00e9conomique qui s\u2019ensuit amoindrissent consid\u00e9rablement la cr\u00e9dibilit\u00e9 de ce contrat.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n De la m\u00eame mani\u00e8re, les circonstances cr\u00e9\u00e9es par le Covid-19 ont offert \u00e0 Recep Tayyip Erdo\u011fan une opportunit\u00e9 pour une nouvelle manifestation de force en M\u00e9diterran\u00e9e. Le pr\u00e9sident turc qui a perdu le contr\u00f4le de plusieurs grandes villes, dont Istanbul et Ankara, lors des \u00e9lections municipales g\u00e9n\u00e9rales de 2019, et dont le pays traverse une crise \u00e9conomique tr\u00e8s rude d\u00e9ploie depuis lors une activit\u00e9 militaro-diplomatique intense. Il ne craint pas de prendre \u00e0 revers l\u2019Alliance atlantique dont il est pourtant membre, en s\u2019alliant \u00e0 l\u2019occasion avec la Russie, en allant jusqu\u2019\u00e0 lui acheter du mat\u00e9riel militaire sophistiqu\u00e9. Apr\u00e8s \u00eatre intervenu dans le nord de la Syrie contre les Kurdes, il a engag\u00e9 son pays en Libye. Il profite d\u00e9sormais des incertitudes ouvertes par la pand\u00e9mie pour provoquer depuis peu la Gr\u00e8ce<\/a> dans ses eaux territoriales au pr\u00e9texte fallacieux d\u2019exploration de gisements gaziers dont on sait d\u00e9j\u00e0 que leur exploitation se ferait \u00e0 des co\u00fbts qui d\u00e9courageront tout investisseur raisonnable. Tout cela s\u2019accompagne d\u2019une rh\u00e9torique sur le retour de la puissance ottomane humili\u00e9e par les Europ\u00e9ens au d\u00e9but du XXe<\/sup> si\u00e8cle (ce qui n\u2019est pas sans rappeler le discours de Poutine sur l\u2019humiliation de la Russie). Au-del\u00e0 de la Gr\u00e8ce, c\u2019est donc l\u2019Union europ\u00e9enne qui est vis\u00e9e, et au sein de l\u2019Union, plus particuli\u00e8rement la France, comme puissance r\u00e9gionale, sans doute avec l\u2019id\u00e9e d\u2019enfoncer un coin dans la relation franco-allemande qui est d\u00e9terminante au sein de l\u2019UE <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u2019articulation Paris Berlin a r\u00e9sist\u00e9, Macron et Merkel jouant des partitions diff\u00e9rentes, mais non dissonantes, ce qui a fait reculer Ankara, au moins pour le moment. Mais Erdo\u011fan s\u2019est remis en sc\u00e8ne avec le nouvel embrasement du conflit du Haut-Karabakh<\/a>, en se rangeant aupr\u00e8s de l\u2019Azerba\u00efdjan, contre l\u2019Arm\u00e9nie. L\u00e0 encore tout est perturb\u00e9 et perturbant : le leader turc se trouve du coup en d\u00e9licatesse avec la Russie, li\u00e9e \u00e0 l\u2019Arm\u00e9nie par un pacte de d\u00e9fense, et la perspective que des soldats ou des mercenaires turcs appuient les forces az\u00e9ries ne peut que raviver l\u2019insupportable m\u00e9moire du g\u00e9nocide arm\u00e9nien<\/a>, que l\u2019\u00c9tat turc persiste \u00e0 nier.<\/p>\n\n\n\n Pour ce qui est de la Russie, les fers sont toujours aux feux dans le Donbass, \u00e0 l\u2019est de l\u2019Ukraine. Rien n\u2019est \u00e0 exclure dans les \u00c9tats baltes, o\u00f9 sont pr\u00e9sentes de tr\u00e8s importantes minorit\u00e9s russes (surtout en Estonie et en Lettonie). La crise bi\u00e9lorusse ouvre \u00e0 Vladimir Poutine une nouvelle opportunit\u00e9, d\u2019autant que le pays d\u2019Alexandre Loukachenko est r\u00e9put\u00e9 pour appartenir \u00ab naturellement \u00bb et historiquement \u00e0 la Russie, dans une continuit\u00e9 g\u00e9ographique \u00e9vidente. L\u2019hypoth\u00e8se d\u2019un \u00ab approfondissement du lien \u00bb entre les deux pays, qui ferait de Poutine le chef d\u2019une Union qu\u2019il a d\u00e9j\u00e0 appel\u00e9e de ses v\u0153ux n\u2019est donc pas \u00e0 exclure. Le pr\u00e9sident russe doit lui aussi offrir des gages \u00e0 son opinion publique qui est rudement frapp\u00e9e par la pand\u00e9mie et ses cons\u00e9quences \u00e9conomiques. Celles-ci interviennent alors que la Russie doit faire face, en outre, aux effets de la chute des cours du p\u00e9trole depuis le d\u00e9but de l\u2019ann\u00e9e 2020, suite \u00e0 un d\u00e9saccord entre les grands pays producteurs, dont le Kremlin porte, en grande partie, la responsabilit\u00e9. L\u2019annonce pr\u00e9matur\u00e9e de la mise au point d\u2019un vaccin en Russie, par Vladimir Poutine, prend tout son sens dans ce contexte : c\u2019est une tentative de rassurer une opinion publique dont la confiance vacille. Et cette perte de confiance peut entra\u00eener un retournement de l\u2019opinion, comme le montre, depuis le mois de juillet, le succ\u00e8s des manifestations contre l\u2019arrestation du gouverneur de Khabarovsk. Il faut replacer dans ce contexte la tentative d\u2019empoisonnement de l\u2019opposant russe Alexe\u00ef Navalny au Novichok (selon ce qu\u2019ont \u00e9tabli les experts militaires allemands). Elle fait entendre \u00e0 tous ceux qui voudraient profiter de cette p\u00e9riode de fragilit\u00e9 pour tenter de modifier la donne politique en Russie, que le pouvoir se d\u00e9fendra par tous les moyens. Ceux qui en ont pris l\u2019initiative (l\u2019emploi du Novichok incite \u00e0 penser qu\u2019ils se trouvent dans les tr\u00e8s hautes sph\u00e8res du pouvoir russe), ont probablement pens\u00e9 que la pand\u00e9mie att\u00e9nuerait la pugnacit\u00e9 des capitales occidentales, occup\u00e9es \u00e0 d\u2019autres urgences.<\/p>\n\n\n\n L\u2019annonce pr\u00e9matur\u00e9e de la mise au point d\u2019un vaccin en Russie, par Vladimir Poutine, prend tout son sens dans ce contexte : c\u2019est une tentative de rassurer une opinion publique dont la confiance vacille.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Si diff\u00e9rentes soient-elles, la Chine, la Russie et la Turquie ont quelques traits communs : leurs chefs respectifs mobilisent l\u2019opinion sur le th\u00e8me de la restauration d\u2019une puissance humili\u00e9e, d\u2019une puissance qu\u2019ils pr\u00e9sentent comme investie d\u2019une mission salvatrice, autour d\u2019un mod\u00e8le politique \u00ab efficace \u00bb. Et pour se donner les moyens de la puissance \u00e0 laquelle ils aspirent, les trois pays ont engag\u00e9 d\u2019importantes d\u00e9penses d\u2019\u00e9quipements militaires et se sont dot\u00e9s d\u2019outils de d\u00e9sinformation \u00e0 l\u2019\u00e9chelle mondiale.<\/p>\n\n\n\n Ce virus agit\u2026 comme un virus<\/a> : pour se r\u00e9pliquer, il se fixe sur des organismes vivants dont il d\u00e9r\u00e8gle les fonctionnements au point qu\u2019ils sont menac\u00e9s par leurs propres r\u00e9flexes de d\u00e9fense. Les effets du virus s\u2019observent pour ainsi dire par cercles concentriques, de l\u2019individu \u00e0 la plan\u00e8te. Ils sont \u00ab apolitiques \u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019ils rencontrent leurs v\u00e9hicules totalement ind\u00e9pendamment de leurs appartenances et convictions politiques. Mais cette indiff\u00e9rence n\u2019emp\u00eache pas que les d\u00e9r\u00e8glements qui s\u2019ensuivent aient de cons\u00e9quences politiques et m\u00eame g\u00e9opolitiques.<\/p>\n\n\n\n De ce point de vue, l\u2019une des premi\u00e8res \u00ab victimes \u00bb politiques du Sars-Cov-2 semble devoir \u00eatre Donald Trump dont le logiciel politique personnel a \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement perturb\u00e9 par la pand\u00e9mie \u2013 et qui a fini par contracter lui-m\u00eame la maladie Covid-19. Ses propres r\u00e9actions de d\u00e9fense n\u2019ont fait qu\u2019aggraver la crise, au point de le discr\u00e9diter durablement alors qu\u2019il semblait encore promis \u00e0 une facile r\u00e9\u00e9lection il y a seulement quelque mois. Sa d\u00e9faite permettrait certes d\u2019ouvrir rapidement le chantier de \u00ab r\u00e9paration du syst\u00e8me international \u00bb que Trump s\u2019est employ\u00e9, lui aussi \u00e0 d\u00e9construire, se r\u00e9v\u00e9lant sinon un partenaire des Russes, mais un \u00ab idiot utile \u00bb, comme disait L\u00e9nine.<\/p>\n\n\n\n Le mode d\u2019action du virus se transpose au niveau des soci\u00e9t\u00e9s. Comme on le sait, au niveau individuel, les facteurs de comorbidit\u00e9 aggravent le pronostic des personnes infect\u00e9es. Or le choc viral provoqu\u00e9 par le Sars-Cov-2 vient sur un corps politique am\u00e9ricain min\u00e9 par les \u00ab v\u00e9rit\u00e9s alternatives \u00bb et les strat\u00e9gies de d\u00e9sinformation.<\/p>Jean-Fran\u00e7ois Bouthors<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Toutefois, on aurait tort d\u2019en conclure que les \u00c9tats-Unis et le monde seraient imm\u00e9diatement \u00ab sauv\u00e9s \u00bb du trumpisme par sa d\u00e9faite \u00e9lectorale. En effet, l\u2019avenir de la paix civile aux \u00c9tats-Unis apr\u00e8s une telle d\u00e9faite n\u2019est pas assur\u00e9 <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u00e0 encore, le mode d\u2019action du virus se transpose au niveau des soci\u00e9t\u00e9s. Comme on le sait, au niveau individuel, les facteurs de comorbidit\u00e9 aggravent le pronostic des personnes infect\u00e9es. Or le choc viral provoqu\u00e9 par le Sars-Cov-2 vient sur un corps politique am\u00e9ricain min\u00e9 par les \u00ab v\u00e9rit\u00e9s alternatives<\/a> \u00bb et les strat\u00e9gies de d\u00e9sinformation d\u00e9ploy\u00e9es sur les r\u00e9seaux sociaux non seulement par des \u00c9tats voyous, mais par des groupes d\u2019individus fascin\u00e9s par la puissance que leur offrent ces r\u00e9seaux et persuad\u00e9s qu\u2019ils savent ce que d\u2019autres, y compris des gouvernements d\u00e9mocratiquement \u00e9lus qui s\u2019efforcent d\u2019agir de mani\u00e8re responsable, ignorent <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 la confiance est fragilis\u00e9e, o\u00f9 tout le monde peut poss\u00e9der des armes, y compris des armes automatiques, et dont la m\u00e9moire est encore habit\u00e9e par les horreurs de la Guerre civile (nom am\u00e9ricain de ce que nous appelons la Guerre de S\u00e9cession, 1861-1865), il n\u2019est pas exclu que des groupes extr\u00e9mistes refusent le r\u00e9sultat des \u00e9lections en cas de d\u00e9faite de Donald Trump, alors que celui-ci annonce d\u00e9j\u00e0 que le scrutin sera le plus malhonn\u00eate de toute l\u2019histoire des \u00c9tats-Unis. La mort de deux manifestants qui protestaient contre les brutalit\u00e9s polici\u00e8res \u00e0 Kenosha dans le Wisconsin (apr\u00e8s qu\u2019un policier blanc eut tir\u00e9 sept fois dans le dos \u2013 quasiment \u00e0 bout portant \u2013 de Jacob Blake, un Afro-Am\u00e9ricain), tu\u00e9s par un jeune homme de 17 ans, qui disposait d\u2019un fusil d\u2019assaut et pr\u00e9tendait \u00ab prot\u00e9ger \u00bb la ville (dont il n\u2019est pas un habitant) pourrait bien \u00eatre le signe annonciateur d\u2019une d\u00e9rive ult\u00e9rieure pr\u00e9par\u00e9e par la constitution de milices arm\u00e9es, presque encourag\u00e9es par le pr\u00e9sident Trump et ses porte-voix. La perspective d\u2019une r\u00e9bellion violente<\/a> \u2013 non pas frontale, mais sous forme de multiples petits groupes dispers\u00e9s et mobiles, utilisant les r\u00e9seaux sociaux pour se coordonner \u00e0 la mani\u00e8re des Gilets Jaunes \u2013 d\u2019une partie de la population convaincue d\u2019\u00eatre d\u00e9sormais la gardienne et le dernier rempart de l\u2019id\u00e9al am\u00e9ricain trahi par les \u00e9lites devient plausible\u2026 Une telle \u00e9volution ne sera pas facile \u00e0 pr\u00e9venir et encore moins \u00e0 arr\u00eater si, par malheur, elle se met en route.<\/p>\n\n\n\n Le premier d\u00e9bat entre Donald Trump et Joe Biden n\u2019est pas de nature \u00e0 offrir de quoi se rassurer. Si le pr\u00e9sident sortant ne semble pas en mesure de renverser la tendance indiqu\u00e9e par les sondages, il poursuit m\u00e9thodiquement sa strat\u00e9gie de clivage. Faute de pouvoir \u00e9largir sa base \u00e9lectorale, il esp\u00e8re peut-\u00eatre que la peur du chaos le sauvera. Ce qui est s\u00fbr, c\u2019est que l\u2019\u00e9lection, quel qu\u2019en soit le r\u00e9sultat, va ouvrir une fort dangereuse p\u00e9riode de vacance du pouvoir \u00e0 Washington, qui s\u2019\u00e9tendra, au moins jusqu\u2019\u00e0 l\u2019investiture du vainqueur, d\u00e9but janvier. Du 3\u00a0novembre, au 20\u00a0janvier, le temps va \u00eatre tr\u00e8s long, pendant lequel tous les coups g\u00e9opolitiques seront possibles. Une fen\u00eatre de tir est ouverte pour Xi Jinping, Poutine, Erdo\u011fan, sans parler des dirigeants iraniens ou nord-cor\u00e9ens, et m\u00eame de Benjamin Netanyahou en Isra\u00ebl, lui aussi en grande difficult\u00e9 du fait de la pand\u00e9mie. Tel est le paysage mondial d\u2019une pathologie informationnelle que vient sensiblement aggraver le Sars-Cov-2 dont l\u2019\u00e9radication\u00a0 est tr\u00e8s loin d\u2019\u00eatre en vue. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Sous le r\u00e8gne de Sars-Cov-2, le monde semble se comporter \u00ab comme un virus \u00bb : entre crise de conscience et d\u00e9faut de ressources spirituelles, le syst\u00e8me des soci\u00e9t\u00e9s humaines est attaqu\u00e9 de toute part. Jean-Fran\u00e7ois Bouthors propose une lecture nanc\u00e9ienne de la crise.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":87603,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[2281],"geo":[2163],"class_list":["post-87443","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","tag-coronavirus","staff-jean-francois-bouthors","geo-monde"],"acf":[],"yoast_head":"\n