{"id":82050,"date":"2020-09-07T20:16:53","date_gmt":"2020-09-07T18:16:53","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=82050"},"modified":"2020-09-07T20:16:54","modified_gmt":"2020-09-07T18:16:54","slug":"la-politique-par-dautres-moyens","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/09\/07\/la-politique-par-dautres-moyens\/","title":{"rendered":"La politique par d’autres moyens"},"content":{"rendered":"\n
Qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019un \u00e9v\u00e9nement mondial comme la pand\u00e9mie du Covid-19<\/a> ou d\u2019autres \u00e9v\u00e8nements illustrant les atteintes spectaculaires aux libert\u00e9s publiques garantissant le droit de manifester et de s\u2019opposer \u00e0 des politiques publiques y portant atteinte et autres principes inscrits depuis longtemps dans notre patrimoine intellectuel, l\u2019actualit\u00e9 nous montre chaque jour l\u2019importance du r\u00f4le jou\u00e9 par le droit dans la vie publique. Or au regard de notre histoire politique nationale, on est oblig\u00e9 de noter le peu d\u2019importance accord\u00e9e \u00e0 cette question dans nos d\u00e9bats politiques alors que pourtant la puissance dont disposent aujourd\u2019hui les pouvoirs en place n\u2019a rien \u00e0 voir avec ceux de la Monarchie Absolue de 1789  ! Nous avons des Bastilles autrement prot\u00e9g\u00e9es des \u00e9meutes populaires  !<\/p>\n\n\n\n Faut-il rappeler que depuis la R\u00e9volution fran\u00e7aise, le droit a toujours \u00e9t\u00e9 consid\u00e9r\u00e9 comme un instrument privil\u00e9gi\u00e9 de transformation de la soci\u00e9t\u00e9 comme en t\u00e9moigne notre D\u00e9claration des Droits de l\u2019Homme et du Citoyen de 1789 qui depuis a inspir\u00e9 de nombreux pays d\u2019abord europ\u00e9ens pour s\u2019\u00e9tendre au plan international et servir de mod\u00e8le \u00e0 la D\u00e9claration Universelle des Droits de l\u2019Homme adopt\u00e9e par les Nations Unies en 1948. \u00c0 vrai dire, l\u2019id\u00e9e d\u2019un r\u00f4le primordial jou\u00e9 par le droit dans l\u2019av\u00e8nement d\u2019une civilisation humaine marqu\u00e9e par le progr\u00e8s a eu son heure de gloire au XIXe<\/sup> si\u00e8cle pour ensuite d\u00e9cliner de multiples mani\u00e8res. Qu\u2019il s\u2019agisse du droit constitutionnel mettant en \u0153uvre les principes fondateurs inscrits au fronton de nos \u00e9difices publics ou encore au plan international visant \u00e0 instituer un ordre commun \u00e0 l\u2019humanit\u00e9 domin\u00e9 par le r\u00e8glement pacifique des conflits, tout \u00e9tait domin\u00e9 par l\u2019id\u00e9e d\u2019une fonction politique du droit dont la cr\u00e9ation de la SDN en 1919 a \u00e9t\u00e9 l\u2019illustration.<\/p>\n\n\n\n Or cet id\u00e9al commun h\u00e9ritier des Lumi\u00e8res a \u00e9t\u00e9 compl\u00e8tement r\u00e9duit \u00e0 n\u00e9ant par le premier conflit mondial avec l\u2019irruption de la violence technologique n\u00e9e des progr\u00e8s de l\u2019industrie et de l\u2019organisation bureaucratique de l\u2019\u00c9tat <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En France, sous la IIIe<\/sup> R\u00e9publique, quoique les institutions parlementaires d\u00e9coulant de la constitution de 1875 aient \u00e9t\u00e9 maintenues formellement sans pour autant qu\u2019un r\u00e9gime d\u2019\u00e9tat d\u2019urgence ait \u00e9t\u00e9 institu\u00e9 par la loi comme c\u2019est le cas aujourd\u2019hui , la guerre totale mobilisant les forces humaines et mat\u00e9rielles du pays l\u2019a institu\u00e9 de fait comme l\u2019a finalement reconnu une d\u00e9cision c\u00e9l\u00e8bre du Conseil d\u2019\u00c9tat du 16 juin 1918 Heyries<\/em> instituant le r\u00e9gime d\u00e9rogatoire aux r\u00e8gles de l\u2019\u00e9tat de Droit. Paradoxalement, cette guerre contre les empires centraux \u00e9tait faite au nom du droit alors qu\u2019elle aboutissait \u00e0 son effacement historique. Cette r\u00e9gression devait aller de pair avec l\u2019\u00e9chec de l\u2019internationale socialiste qui a eu pour cons\u00e9quence de voir s\u2019\u00e9triper entre eux les prol\u00e9taires fran\u00e7ais et allemands.<\/p>\n\n\n\n Depuis cette \u00e9poque qui est celle des illusions du Progr\u00e8s, le r\u00f4le du droit dans la culture politique a subi une \u00e9rosion progressive, pour plusieurs raisons.<\/p>\n\n\n\n Le r\u00f4le du droit dans la culture politique a subi une \u00e9rosion progressive, pour plusieurs raisons.<\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En premier lieu, le droit a \u00e9t\u00e9 concurrenc\u00e9 par l\u2019\u00e9conomie<\/a>, qu\u2019il s\u2019agisse du plan acad\u00e9mique ou de celui de la politique. De ce point de vue, le marxisme critiquant le c\u00f4t\u00e9 formel de la d\u00e9mocratie parlementaire comme le lib\u00e9ralisme l\u00e9gitimant le capitalisme ont particip\u00e9 \u00e0 la d\u00e9cr\u00e9dibilisation du droit, puisque seule l\u2019\u00e9conomie \u00e9tait jug\u00e9e s\u00e9rieuse car efficace. Paradoxalement, l\u2019\u00e9conomie devenant politique, elle devait abandonner sa posture purement scientifique pour ambitionner un statut de nature normatif relevant du droit. Cette \u00e9volution devait \u00e9galement concerner les sciences exactes dans certains domaines, en particulier celui de la sant\u00e9 publique et surtout aujourd\u2019hui de la protection de l\u2019environnement et la s\u00e9curit\u00e9 publique. Par effet de mim\u00e9tisme, ce sont ensuite des disciplines des sciences humaines comme la sociologie et la psychologie qui ont fini par \u00eatre contamin\u00e9es par l\u2019empire de l\u2019esprit scientifique ou du moins une fausse conception de ce dernier qui aboutit \u00e0 capter la fonction normative du droit <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. <\/strong>Il s\u2019agit l\u00e0 pourtant d\u2019une vraie question qui va m\u00eame au-del\u00e0 du domaine politique !<\/p>\n\n\n\n En second lieu, une des cons\u00e9quences de cette contamination r\u00e9side dans le r\u00f4le envahissant jou\u00e9 par la technique. Comme l\u2019a d\u00e9montr\u00e9 Ellul dans son \u0153uvre consacr\u00e9e depuis les ann\u00e9es 50 \u00e0 \u00ab la technique ou l\u2019enjeu du si\u00e8cle<\/em> \u00bb <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>,la technique au sens des moyens les plus efficaces pour atteindre un but particulier a pris la dimension historique structurelle \u00e0 notre soci\u00e9t\u00e9, ce qui l\u2019a men\u00e9 \u00e0 occuper une fonction normative dans tous les domaines d\u2019activit\u00e9. Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 constater la prolif\u00e9ration des normes techniques dans les plus petits d\u00e9tails de notre vie quotidienne (\u00e9nergie, sant\u00e9, s\u00e9curit\u00e9 etc) sans que pour cela ces normes aient forc\u00e9ment une valeur juridique v\u00e9rifi\u00e9e par l\u2019existence de sanctions p\u00e9nales. Un grand programme d\u2019am\u00e9nagement comme celui de notre \u00e9quipement \u00e9lectronucl\u00e9aire a d\u2019ailleurs \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9 par le gouvernement de l\u2019\u00e9poque (Pierre Messmer en 1974) sans aucun d\u00e9bat parlementaire et son fondement juridique se limitait \u00e0 un simple d\u00e9cret datant de 1963, la loi n\u2019ayant \u00e9t\u00e9 vot\u00e9 qu\u2019en 1996 apr\u00e8s la r\u00e9alisation du fameux programme.<\/p>\n\n\n\n La technique a \u00e9t\u00e9 men\u00e9e \u00e0 occuper dans la soci\u00e9t\u00e9 la fonction normative dans tous les domaines d’activit\u00e9. Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 constater la prolif\u00e9ration des normes techniques dans les plus petits d\u00e9tails de notre vie quotidienne (\u00e9nergie, sant\u00e9, s\u00e9curit\u00e9 etc) sans que pour cela ces normes aient forc\u00e9ment une valeur juridique v\u00e9rifi\u00e9e par l\u2019existence de sanctions p\u00e9nales.<\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En troisi\u00e8me lieu, cons\u00e9quence du r\u00f4le envahissant jou\u00e9 par l\u2019esprit technicien, le d\u00e9veloppement des m\u00e9dias a \u00e9galement contribu\u00e9 \u00e0 se substituer au droit. Il suffit pour cela de constater la fonction jou\u00e9e par les informations diffus\u00e9es d\u2019abord par la presse \u00e9crite, puis par la radio et la t\u00e9l\u00e9vision, internet prenant la suite depuis quelques ann\u00e9es. On peut prendre \u00e0 ce propos l\u2019exemple saisissant de la gestion de la pand\u00e9mie pilot\u00e9e par le gouvernement et les m\u00e9dias sur le fondement juridique d\u2019une loi instaurant un \u00e9tat d\u2019urgence sanitaire (23 mars 2020) suspendant tous les droits fondamentaux garantis par la Constitution et les trait\u00e9s internationaux<\/a>. D\u00e9sormais l\u2019opinion n\u2019a plus besoin comme jadis de lire des d\u00e9clarations officielles affich\u00e9es en mairie et ailleurs, comme c’\u00e9tait par exemple le cas pour la mobilisation en 1914. Il suffit d\u2019\u00e9couter les messages diffus\u00e9s \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision ou de les lire sur l\u2019\u00e9cran de son ordinateur pour savoir quels sont nos droits et obligations. Dans de telles conditions de nature politique, toutes les formes traditionnelles de contestation de d\u00e9cisions impos\u00e9es autoritairement par le gouvernement s\u2019av\u00e8rent d\u00e9connect\u00e9es de la r\u00e9alit\u00e9, surtout compte tenu du pouvoir exerc\u00e9 par les m\u00e9dias sur l\u2019opinion publique. Reste alors le r\u00f4le d\u2019opposition jou\u00e9 par les r\u00e9seaux sociaux qui d\u00e9voilent des informations tues par les m\u00e9dias mais prennent le risque de tomber dans le travers du complotisme, faute de preuves relatives \u00e0 la solidit\u00e9 des informations fournies.<\/p>\n\n\n\n Enfin en dernier lieu, il y a aujourd\u2019hui le d\u00e9veloppement galopant de la num\u00e9risation de la soci\u00e9t\u00e9 qui est en train de rendre obsol\u00e8te le recours au droit jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent fond\u00e9 sur le langage humain compr\u00e9hensible par tous malgr\u00e9 la technicit\u00e9 de son vocabulaire.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est ainsi que sont prises des d\u00e9cisions publiques \u00e9chappant compl\u00e8tement \u00e0 la compr\u00e9hension de l\u2019\u00e9lecteur et du citoyen ordinaire qui n\u2019en voit pas les raisons. De l\u00e0 le monde absurde dans lequel nous nous retrouvons ! L\u2019exemple saisissant de la gestion de la pand\u00e9mie pilot\u00e9e par le gouvernement et les m\u00e9dias sur le fondement juridique d\u2019une loi instaurant un \u00e9tat d\u2019urgence sanitaire (23 mars 2020),suspendant tous les droits fondamentaux garantis par la Constitution et les trait\u00e9s internationaux, illustre la substitution des m\u00e9dias au droit.<\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Il s\u2019agit ici d\u2019aborder la question des causes internes de d\u00e9naturation du droit et en particulier du droit public. Il y a l\u00e0 une question abord\u00e9e depuis longtemps par les juristes sans d\u2019ailleurs qu\u2019elle ait \u00e9t\u00e9 prise en compte, bien au contraire au plan politique comme le montre un droit aussi r\u00e9cent et indispensable que celui de la protection de l\u2019environnement.<\/p>\n\n\n\n Il faut d\u2019abord rappeler que le droit constitue un rep\u00e8re symbolique pour une soci\u00e9t\u00e9 car il d\u00e9finit ce qui est accept\u00e9 et interdit depuis la mort de Dieu. Il fixe les droits et obligations de chacun du haut en bas de l\u2019\u00e9difice institutionnel et ceci dans tous les domaines et pour toutes les activit\u00e9s sociales. De la distinction des grandes cat\u00e9gories du droit entre le droit public et le droit priv\u00e9. Concernant la premi\u00e8re cat\u00e9gorie, fait r\u00e9v\u00e9lateur, elle a \u00e9t\u00e9 aussi \u00e9t\u00e9 appel\u00e9e \u00ab droit politique \u00bb, une d\u00e9signation qui appartenait \u00e0 l\u2019ancien vocabulaire juridique et qui significativement aujourd\u2019hui n\u2019est plus employ\u00e9e alors qu\u2019elle englobe tous les aspects de la vie publique. Il faut d\u2019ailleurs noter \u00e0 ce sujet que curieusement, le droit et plus particuli\u00e8rement le droit public n\u2019est pas dispens\u00e9 dans l\u2019enseignement secondaire, remplac\u00e9 par un modeste cours \u00ab d\u2019instruction civique \u00bb qui ne saurait le remplacer, des formations professionnelles sp\u00e9cialis\u00e9es venant en cours de carri\u00e8re compl\u00e9ter ces carences. Ceci explique l\u2019inculture juridique basique qui peut r\u00e9gner actuellement parmi la population et en particulier pour les m\u00e9tiers scientifiques et techniques qui constituent pourtant la colonne vert\u00e9brale de notre soci\u00e9t\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Quoiqu\u2019il en soit, du point de vue de la culture politique d\u2019un peuple, on peut dire que le droit a toujours eu un caract\u00e8re ambivalent : si dans la grande tradition lib\u00e9rale h\u00e9rit\u00e9e des Lumi\u00e8res, le droit a pour fonction de de d\u00e9finir et garantir l\u2019exercice des libert\u00e9s publiques par l\u2019adoption d\u2019une Constitution fixant les droits fondamentaux du citoyen et des r\u00e8gles aussi essentielles que la s\u00e9paration des pouvoirs garantissant l\u2019ind\u00e9pendance du pouvoir judiciaires, l\u2019histoire nous montre que le droit a toujours eu surtout une fonction de contrainte et de r\u00e9pression portant atteinte aux droits fondamentaux du citoyen. Si la d\u00e9mocratie parlementaire en Europe et en Am\u00e9rique est apparue de ce point de vue comme une tentative de compromis entre ces deux courants, comme le montre l\u2019histoire politique de l\u2019Occident, l\u2019\u00e9volution de nos soci\u00e9t\u00e9s a pouss\u00e9 \u00e0 partir du XXe<\/sup> si\u00e8cle \u00e0 une r\u00e9gression spectaculaire de notre h\u00e9ritage politique lib\u00e9ral. Si bien qu\u2019aujourd\u2019hui cet h\u00e9ritage se r\u00e9duit chaque jour comme une peau de chagrin. Le droit est surtout devenu un instrument principal de \u00ab gouvernance \u00bb (pour employer un terme \u00e0 la mode !) et d\u2019oppression de la soci\u00e9t\u00e9 qu\u2019il s\u2019agisse de la fixation des r\u00e8gles et de leur mise en \u0153uvre comme la multiplication des lois d\u2019exception le montre depuis quelques ann\u00e9es partout dans le monde.<\/p>\n\n\n\n Le droit et plus particuli\u00e8rement le droit public n\u2019est pas dispens\u00e9 dans l\u2019enseignement secondaire, remplac\u00e9 par un modeste cours \u00ab d\u2019instruction civique \u00bb qui ne saurait le remplacer, des formations professionnelles sp\u00e9cialis\u00e9es venant en cours de carri\u00e8re compl\u00e9ter ces carences. <\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Par-del\u00e0 cette \u00e9volution, on assiste aussi \u00e0 une d\u00e9naturation du droit de diverses mani\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n En premier lieu, qu\u2019il s\u2019agisse de la conception de la r\u00e8gle de droit par le l\u00e9gislateur ou de son interpr\u00e9tation par la jurisprudence et la doctrine, on assiste \u00e0 une \u00e9volution de la discipline dans un sens \u00e9troitement positiviste ne laissant aucune place \u00e0 une vision anthropologique du droit. Ce qui signifie que les fondements philosophiques, sociologiques et autres du droit ne sont pas abord\u00e9s ou alors cantonn\u00e9s \u00e0 des analyses appartenant \u00e0 des cat\u00e9gories acad\u00e9miques distinctes. Seule est prise en compte les termes du droit en vigueur en occultant tout son arri\u00e8re-plan ou en se contentant d\u2019y faire une simple allusion sans aborder la question. Autrement dit, tout ce qui peut se publier sur les textes et les d\u00e9cisions de justice est domin\u00e9 par un point de vue juridique professionnel ou par des exercices acad\u00e9miques de facture universitaire sans vraie vision transdisciplinaire. Cette d\u00e9rive de la discipline a pour cons\u00e9quence non seulement un r\u00e9tr\u00e9cissement important de son horizon intellectuel mais est aussi \u00e0 l\u2019origine des ph\u00e9nom\u00e8nes d\u2019inflation et d\u2019obsolescence qui caract\u00e9rise depuis longtemps l\u2019\u00e9volution du droit et celle du droit public plus particuli\u00e8rement. Or l\u2019obsolescence permanente de la r\u00e8gle de droit ne peut qu\u2019aboutir \u00e0 l\u2019affaiblissement de sa port\u00e9e normative dans la mesure o\u00f9 son usage politique vise \u00e0 obtenir des r\u00e9sultats momentan\u00e9s. Il faut \u00e0 ce sujet donner l\u2019exemple des textes qui se veulent provisoire et exp\u00e9rimentaux comme on peut en voir publi\u00e9s au Journal Officiel depuis quelques ann\u00e9es. Dans de telles conditions, il ne faut pas s\u2019\u00e9tonner de voir dispara\u00eetre la fonction stabilisatrice des situations juridiques, qui n\u2019est que le reflet de la \u00ab soci\u00e9t\u00e9 liquide \u00bb dans laquelle nous vivons. Comme l\u2019a d\u00e9j\u00e0 soulign\u00e9 le Conseil d\u2019\u00c9tat dans un rapport c\u00e9l\u00e8bre datant de 1991 relatif au \u00ab droit bavard \u00bb, cette \u00e9volution ne peut que contribuer \u00e0 la r\u00e9gression de la fonction politique du droit, qui consiste \u00e0 soumettre \u00e0 la raison humaine le d\u00e9sordre spontan\u00e9 de la vie sociale.<\/p>\n\n\n\n De plus, d\u2019autres maladies affectent aujourd\u2019hui le droit qui ont \u00e9t\u00e9 soulign\u00e9es par de nombreux juristes et contribuent \u00e0 sa d\u00e9g\u00e9n\u00e9rescence. Je veux parler de ce que les juristes appellent la \u00ab soft law<\/em> \u00bb, autrement dit de notions d\u00e9finies de mani\u00e8re \u00e0 ne pas \u00eatre contraignantes, et qui ont pour cons\u00e9quences de permettre toutes les interpr\u00e9tations, m\u00eame les plus complaisantes, par l\u2019administration ou la justice. Il est possible \u00e0 l\u2019heure actuelle de multiplier les exemples \u00e0 ce sujet pour des notions comme celle \u00ab d\u2019int\u00e9r\u00eat g\u00e9n\u00e9ral \u00bb ou \u00ab d\u2019utilit\u00e9 publique \u00bb ou pire en droit p\u00e9nal le fait de \u00ab signes de radicalisation \u00bb qui ouvrent la porte \u00e0 l\u2019arbitraire des mesures pr\u00e9ventives et \u00e0 l\u2019oubli des principes \u00e9l\u00e9mentaires qui supposent l\u2019existence d\u2019une infraction pr\u00e9alable \u00e0 toute poursuite p\u00e9nale. Il s\u2019agit l\u00e0 de notions fourre-tout qui sont \u00e9trang\u00e8res \u00e0 la rigueur juridique et qui paradoxalement vont \u00e0 l\u2019encontre du positivisme juridique, surtout lorsqu\u2019il est contamin\u00e9 par des normes techniques tr\u00e8s pr\u00e9cises.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est ainsi que va le droit dans une spirale d\u00e9cadente qui ne peut que d\u00e9river vers des cons\u00e9quences politiques d\u00e9sastreuses caract\u00e9ristiques d\u2019un totalitarisme n\u00e9gateur de l\u2019\u00e9tat de Droit.<\/p>\n\n\n\n L\u2019obsolescence permanente de la r\u00e8gle de droit ne peut qu\u2019aboutir \u00e0 l\u2019affaiblissement de sa port\u00e9e normative dans la mesure o\u00f9 son usage politique vise \u00e0 obtenir des r\u00e9sultats momentan\u00e9s. Dans de telles conditions, il ne faut pas s\u2019\u00e9tonner de voir dispara\u00eetre la fonction stabilisatrice des situations juridiques, qui n\u2019est que le reflet de la \u00ab soci\u00e9t\u00e9 liquide \u00bb dans laquelle nous vivons.<\/p>simon charbonnneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n L\u2019\u00e9tat de droit appara\u00eet comme l\u2019\u00e9mergence de l\u2019empire du droit dans le champ politique, \u00e0 l\u2019origine dirig\u00e9 contre l\u2019absolutisme monarchique. Tr\u00e8s t\u00f4t est venue l\u2019id\u00e9e que le pouvoir royal devait \u00eatre limit\u00e9 pour contrer l\u2019arbitraire inh\u00e9rent \u00e0 l\u2019absolutisme. De l\u00e0 sont n\u00e9es les th\u00e9ories comme celles de Montesquieu inventeur du principe de la s\u00e9paration des pouvoirs fondatrice du lib\u00e9ralisme politique, d\u2019abord pratiqu\u00e9es en Angleterre puis exp\u00e9riment\u00e9es lors de l\u2019ind\u00e9pendance des colonies anglaises en Am\u00e9rique. Il faut rendre \u00e0 ce sujet hommage \u00e0 un auteur comme Alexis de Tocqueville, qui a entrepris \u00e0 son \u00e9poque d\u2019analyser la naissance de la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Historiquement, cette notion a finalement \u00e9t\u00e9 \u00e9tendue \u00e0 toutes les formes d\u2019exercice du pouvoir politique par le biais de l\u2019adoption des constitutions au cours du XIXe<\/sup> si\u00e8cle, d\u2019abord en Europe puis \u00e0 travers le monde mais de mani\u00e8re plus ou moins fid\u00e8le \u00e0 ses fondements politiques. Pourquoi ? Parce que tous les dirigeants politiques n\u2019ont toujours accept\u00e9 qu\u2019avec r\u00e9ticences les dispositifs juridiques aboutissant \u00e0 brider leurs pouvoirs, en particulier celui de l\u2019ind\u00e9pendance du pouvoir judiciaire !<\/p>\n\n\n\n De ce point de vue, la France est un pays assez exemplaire en mati\u00e8re de non-respect des fondements de l\u2019\u00e9tat de droit. En effet, malgr\u00e9 l\u2019adoption de notre fameuse D\u00e9claration des Droits de l\u2019Homme et du Citoyen de 1789, la R\u00e9volution Fran\u00e7aise inaugura rapidement la pratique du terrorisme d\u2019\u00e9tat justifi\u00e9 par l\u2019amalgame entre l\u2019\u00e9tat et le Peuple. Par la suite, c\u2019est le Premier Empire qui devait \u00e9difier l\u2019infrastructure institutionnelle autoritaire de tous nos r\u00e9gimes politiques jusqu\u2019aux temps actuels qui en ont encore accentu\u00e9 le travers avec nos lois sur l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence. En effet la permanence historique de cette infrastructure s\u2019incarne parfaitement avec l\u2019existence d\u2019institutions \u00e9tatiques mise en place par Napol\u00e9on 1er telles que le Conseil d\u2019\u00c9tat et les Pr\u00e9fets, jamais remises en question par tous les r\u00e9gimes politiques que nous avons connus. De ce point de vue, on peut dire qu\u2019il existe une continuit\u00e9 historique parfaite, v\u00e9rifi\u00e9e par l\u2019oubli de ce fondement essentiel de l\u2019\u00e9tat de Droit repr\u00e9sent\u00e9 par la s\u00e9paration des pouvoirs, en particulier sur la question de la reconnaissance de l\u2019existence d\u2019un pouvoir judiciaire ind\u00e9pendant des pouvoirs l\u00e9gislatifs et ex\u00e9cutifs. Faut-il rappeler qu\u2019il n\u2019y a jamais eu en France d\u2019ind\u00e9pendance des procureurs vis \u00e0 vis des gouvernements ? Un constat encore plus manifeste depuis l\u2019adoption des lois sur l\u2019\u00e9tat d\u2019urgence cons\u00e9cutives \u00e0 l\u2019\u00e9pisode terroriste de 2015 puis \u00e0 celle de la pand\u00e9mie.<\/p>\n\n\n\n La France est un pays assez exemplaire en mati\u00e8re de non-respect des fondements de l\u2019\u00e9tat de Droit. Ce dernier constat v\u00e9rifie totalement le jugement de mon p\u00e8re Bernard Charbonneau relatif aux mensonges de l\u2019\u00c9tat lib\u00e9ral pr\u00e9tendant garantir la libert\u00e9 des citoyens <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le fait est que l\u2019erreur initiale des fondateurs de l\u2019\u00c9tat lib\u00e9ral repose sur l\u2019id\u00e9e abstraite de souverainet\u00e9 du peuple mise en \u0153uvre par les \u00e9lections. Or comme les le\u00e7ons de l\u2019histoire nous l\u2019enseignent, la d\u00e9mocratie repr\u00e9sentative reposant sur le suffrage universel peut parfaitement servir \u00e0 l\u00e9gitimer l\u2019instauration d\u2019un pouvoir autoritaire, l\u2019ascension d\u2019Hitler au pouvoir s\u2019est faite comme cela. L\u2019actualit\u00e9 nous le montre d\u2019ailleurs chaque jour aujourd\u2019hui dans le monde ! La d\u00e9saffection des \u00e9lecteurs aujourd\u2019hui vis \u00e0 vis du processus \u00e9lectoral illustr\u00e9 par la mont\u00e9e de l\u2019abstention est aussi un signe qui ne trompe pas ! De ce point de vue nous avons un h\u00e9ritage intellectuel qui a induit en erreur tous nos constitutionnalistes qui auraient d\u00fb partir de l\u2019exp\u00e9rience historique du citoyen moderne constatant la tendance naturelle de ses repr\u00e9sentants \u00e0 abuser de leur pouvoir au nom d\u2019un int\u00e9r\u00eat public imaginaire <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. \u00c9difier des institutions garantissant \u00e0 tous un minimum de libert\u00e9 comme cela avait \u00e9t\u00e9 imagin\u00e9 par les juristes h\u00e9ritiers des Lumi\u00e8res est une bonne chose car les supprimer comme cela se fait partout dans le monde actuellement ne peut annoncer que le pire des mondes. <\/p>\n\n\n\n Le probl\u00e8me aujourd\u2019hui, en raison d\u2019une culture contemporaine min\u00e9e par le nihilisme, c\u2019est qu\u2019il nous manque une indispensable renaissance spirituelle qui pourrait parfaitement prendre une forme la\u00efque.<\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Car comme le montre le fonctionnement de l\u2019\u00e9tat de droit dans les pays qui en ont encore gard\u00e9 des \u00e9l\u00e9ments d\u2019h\u00e9ritage comme les \u00c9tats-Unis et certains pays europ\u00e9ens ayant connu des r\u00e9gimes totalitaires comme l\u2019Allemagne ou l\u2019Italie, ses institutions peuvent encore servir \u00e0 garantir au citoyen l\u2019exercice de ses droits fondamentaux dans certaines affaires importantes o\u00f9 la justice n\u2019est pas compl\u00e8tement inf\u00e9od\u00e9e \u00e0 l\u2019ex\u00e9cutif. On peut citer des d\u00e9cisions de tribunaux constitutionnels contraignant un chef d\u2019ex\u00e9cutif \u00e0 d\u00e9missionner comme au Br\u00e9sil en 2018 mais, sans aller jusqu\u2019\u00e0 ce genre de cas exceptionnels, il y a encore de nombreux exemples de condamnations de personnages hauts plac\u00e9s dans des affaires m\u00e9diatis\u00e9es. C\u2019est le cas en Europe o\u00f9 en Roumanie des condamnations de ce genre ont eu lieu sous la pression des institutions europ\u00e9ennes. Mais m\u00eame en France, on a eu quelques exemples de condamnations d\u2019hommes politiques pour corruption (affaires Carignon \u00e0 Grenoble en 1996, ministre Cahuzac en 2013 et Fillon en 2020) mais plus rares et exemplaires sont celles de dirigeants d\u2019entreprises comme celle de France T\u00e9l\u00e9com en 2019 \u00e0 l\u2019origine de suicides en raison de ses m\u00e9thodes brutales de management relevant du despotisme \u00e9conomique. Il y a surtout l\u2019exemple de la \u00ab  gu\u00e9rilla contentieuse  \u00bb<\/em> men\u00e9e depuis quelques ann\u00e9es contre de grandes entreprises polluantes soutenues par l\u2019\u00c9tat. Des condamnations en responsabilit\u00e9 de l\u2019\u00c9tat par le Conseil d\u2019\u00c9tat dans l\u2019affaire du sang contamin\u00e9 ou de l\u2019amiante ont aussi eu lieu, par contre, notre haute juridiction administrative a r\u00e9guli\u00e8rement rejet\u00e9 les recours d\u00e9pos\u00e9s par les associations \u00e9cologistes contre les grands projets d\u2019am\u00e9nagement (transports, \u00e9nergie, etc.<\/em>). Il est vrai que ce type de contentieux poss\u00e8de une dimension politique en raison de sa menace contre le dogme de la croissance par l\u2019innovation mais aussi de la nature ambivalente de cette institution souveraine <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> qui explique l\u2019impitoyable censure dont il fait l\u2019objet malgr\u00e9 ses fondements juridiques. De l\u00e0 les processus de r\u00e9gression du droit de l\u2019environnement qui ont \u00e9t\u00e9 entam\u00e9s depuis quelques ann\u00e9es en haut lieu par des r\u00e9formes l\u00e9gislatives successives destin\u00e9es \u00e0 supprimer les obstacles juridiques au fonctionnement administratif du pouvoir. Ici, l\u2019ambivalence du pouvoir de l\u2019\u00c9tat est compl\u00e8tement v\u00e9rifi\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Car il faut bien \u00eatre conscient que si la libert\u00e9 et le sens de la justice ne sont pas partag\u00e9s par chacun, ces \u00ab \u202fbarri\u00e8res de papier  \u00bb, comme disait mon p\u00e8re, ne peuvent pas servir \u00e0 grand-chose. Le probl\u00e8me aujourd\u2019hui, en raison d\u2019une culture contemporaine min\u00e9e par le nihilisme, c\u2019est qu\u2019il nous manque une indispensable renaissance spirituelle qui pourrait parfaitement prendre une forme la\u00efque. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Alors que les dimensions technique et \u00e9conomique ont petit \u00e0 petit gagn\u00e9 une fonction normative dans nos soci\u00e9t\u00e9s, il est grand temps de redonner au droit la place qui lui est due. Pour Simon Charbonneau, celle-ci doit \u00eatre \u00e9minemment politique.<\/p>\n","protected":false},"author":620,"featured_media":82148,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1935],"tags":[],"geo":[],"class_list":["post-82050","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-droit","staff-simon-charbonneau"],"acf":[],"yoast_head":"\nLes facteurs historiques d’\u00e9rosion du droit<\/h2>\n\n\n\n
Mais l\u2019\u00e9rosion du droit va encore bien au-del\u00e0 !<\/p>\n\n\n\nD\u00e9naturation de la fonction politique du droit<\/h2>\n\n\n\n
 \r\n        <\/picture>\r\n                \n            <\/a>\n<\/figure>\n\n\n
\r\n        <\/picture>\r\n                \n            <\/a>\n<\/figure>\n\n\nL’\u00e9tat de droit, vrai facteur de progr\u00e8s pour l’humanit\u00e9<\/h2>\n\n\n\n
On peut dire qu\u2019il existe une continuit\u00e9 historique parfaite, v\u00e9rifi\u00e9e par l\u2019oubli de ce fondement essentiel de l\u2019\u00e9tat de Droit repr\u00e9sent\u00e9 par la s\u00e9paration des pouvoirs, en particulier sur la question de la reconnaissance de l\u2019existence d\u2019un pouvoir judiciaire ind\u00e9pendant des pouvoirs l\u00e9gislatifs et ex\u00e9cutifs<\/p>simon charbonneau<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n