{"id":76184,"date":"2020-06-22T17:53:00","date_gmt":"2020-06-22T15:53:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=76184"},"modified":"2020-06-22T17:59:20","modified_gmt":"2020-06-22T15:59:20","slug":"leurope-et-la-chine-deux-singularites-anciennes-dans-un-monde-neuf","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/06\/22\/leurope-et-la-chine-deux-singularites-anciennes-dans-un-monde-neuf\/","title":{"rendered":"L’Europe et la Chine : deux singularit\u00e9s anciennes dans un monde neuf"},"content":{"rendered":"\n

Depuis ce dernier quart de si\u00e8cle, la politique chinoise des pays europ\u00e9ens s\u2019est install\u00e9e dans le dilemme r\u00e9alisme \/ id\u00e9alisme. La pand\u00e9mie de la Covid-19 en aura cruellement rappel\u00e9 toutes les contradictions. Profond\u00e9ment asym\u00e9triques, les relations sino-europ\u00e9ennes sont souvent mues, de part et d\u2019autre, par des pr\u00e9suppos\u00e9s tenaces. Autant de repr\u00e9sentations, p\u00e9n\u00e9tr\u00e9es d\u2019id\u00e9ologies et de valeurs, qui ont \u00e9t\u00e9 forg\u00e9es par l\u2019histoire et agissent d\u00e9sormais comme de v\u00e9ritables mythologies politiques. Plus que jamais, il est urgent d\u2019en questionner les fondements et leur l\u00e9gitimit\u00e9 car dans les faits, nous sommes entr\u00e9s dans un monde n\u00e9o-bismarckien<\/a>, o\u00f9 les trait\u00e9s ne sont plus sign\u00e9s pour durer tr\u00e8s longtemps.<\/p>\n\n\n\n

Le massacre de la place Tiananmen, le 4 juin 1989, aura provoqu\u00e9 l\u2019effet inverse escompt\u00e9 en Europe. Non pas une d\u00e9mocratisation du syst\u00e8me communiste mais bien un double d\u00e9senchantement, qui a continu\u00e9 \u00e0 pr\u00e9valoir jusqu\u2019en 2020 aupr\u00e8s de l\u2019opinion chinoise  : la voie d\u2019un \u00ab  socialisme \u00e0 visage humain <\/a> \u00bb – lointainement inspir\u00e9e de l\u2019insurrection hongroise (1956) – est impossible \u00e0 r\u00e9aliser et les ressources intellectuelles en vue d\u2019un renouveau pour la Chine ne se trouvent certainement plus en Europe. Si l\u2019\u00e9lite chinoise tourne d\u00e9sormais le dos \u00e0 l\u2019Europe<\/a>, au contraire des pr\u00e9c\u00e9dentes g\u00e9n\u00e9rations – et notamment celle du 4 Mai 1919<\/a> – c\u2019est que l\u2019\u00e9chec d\u2019une lib\u00e9ralisation gorbatch\u00e9vienne de la Russie post-sovi\u00e9tique agit comme un puissant repoussoir. Avec cette frustration qui nourrira les ranc\u0153urs futures d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 \u00e0 l\u2019avant-garde des contestations qui allaient balayer les dictatures communistes europ\u00e9ennes et le Mur de Berlin sans \u00eatre pay\u00e9e en retour. Au reste, la population chinoise paiera cher les sanctions occidentales post-Tiananmen jusqu\u2019\u00e0 leur lev\u00e9e progressive (\u00e0 l\u2019exception des ventes d\u2019armes), \u00e0 partir de 1992. M\u00eame les intellectuels les plus lib\u00e9raux<\/a> finissent par souscrire \u00e0 la th\u00e8se d\u00e9fendue par l\u2019Parti-Etat selon laquelle le risque d\u2019une d\u00e9sunion ferait \u00e0 terme le jeu des puissances occidentales. C\u2019est sur la base de ce compromis que dirigeants et soci\u00e9t\u00e9 civile ont consolid\u00e9 leurs liens.<\/p>\n\n\n\n

Cet article propose de revenir sur la relation singuli\u00e8re, inscrite dans le temps long, entre l\u2019Europe et la Chine et de comprendre les m\u00e9canismes \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans la red\u00e9finition de cette m\u00eame relation, alors m\u00eame que l\u2019asym\u00e9trie aura marqu\u00e9 avec force les trois derni\u00e8res d\u00e9cennies.<\/p>\n\n\n\n

Lectures crois\u00e9es de l\u2019histoire sino-europ\u00e9enne<\/strong><\/h4>\n\n\n\n

Dans ce contexte, la crise en Yougoslavie permet \u00e0 l\u2019opinion chinoise, elle-m\u00eame en butte \u00e0 l\u2019occidentalisation, d\u2019exprimer \u00e0 travers l\u2019interpr\u00e9tation qu\u2019elle s\u2019en fait un nationalisme qui, une fois l\u2019ambassade de Chine \u00e0 Belgrade d\u00e9truite (1999) par l\u2019OTAN, ne cessera de monter en puissance et de devenir ainsi le catalyseur principal des motivations chinoises. Dans un jeu de miroir aussi instructif qu\u2019inattendu, les Balkans sont alors compar\u00e9s \u00e0 la province montagneuse du Sichuan<\/a> (l\u2019ancien royaume de Shu) et la guerre entre les trois communaut\u00e9s en Bosnie, avec son lot d\u2019alliances et de trahisons, est relat\u00e9e \u00e0 la mani\u00e8re du c\u00e9l\u00e8bre roman historique des Trois royaumes<\/em>, qui d\u00e9crit l\u2019\u00e9clatement de la Chine \u00e0 la fin de la dynastie Han (en l\u2019an 220 de notre \u00e8re) en trois entit\u00e9s  : les Wei, les Shu et les Wu. Transpos\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9chelle continentale, cette rivalit\u00e9 tripartite se poursuit aujourd\u2019hui \u00e0 travers trois acteurs cl\u00e9s de l\u2019Union Europ\u00e9enne  : la France, la Grande Bretagne et l\u2019Allemagne. Chacune de ces nations entretient une histoire avec la Chine. Dire par exemple \u00e0 la mani\u00e8re de Paul Val\u00e9ry que la France serait ce \u00ab  petit cap de l\u2019Eurasie  \u00bb<\/em> ou le prolongement d\u2019une Chine dont toute une partie de l\u2019histoire, de l\u2019esth\u00e9tique ou de la philosophie a jou\u00e9 un r\u00f4le moteur dans l\u2019imaginaire de l\u2019\u00e9lite fran\u00e7aise est un pr\u00e9alable des plus importants. Il est vrai que de Blaise Pascal, jadis, en passant par le tr\u00e8s sinophile Voltaire et les physiocrates<\/a> jusqu\u2019aux mao\u00efstes de la Sorbonne en mai 68<\/a>, s\u2019est impos\u00e9 un tropisme chinois en France, sur la tr\u00e8s longue dur\u00e9e et ce, pour toutes orientations politiques confondues. En ce sens, les universit\u00e9s et autres centres intellectuels et de formations (\u00e0 l\u2019instar du Coll\u00e8ge de France ou des Langues\u2019O<\/em> parmi d\u2019autres) ont rapidement \u00e9t\u00e9 les r\u00e9f\u00e9rences dans l\u2019apprentissage des Etudes chinoises et des boussoles, par le pass\u00e9 de la diplomatie et du commerce avec la Chine.<\/p>\n\n\n\n

Des plus gauchistes comme le furent Philippe Sollers et Alain Badiou au n\u00e9o-gaulliste comme Alain Peyreffite hier ou au giscardien \u00e0 l\u2019instar de Jean-Pierre Raffarin aujourd\u2019hui, tous ont souscrit \u00e0 une forme de sino-b\u00e9atitude n\u00e9e d\u2019une passion exotique ou bien d\u2019une schizophr\u00e9nie que le tr\u00e8s lucide Simon Leys<\/a> a plus d\u2019une fois d\u00e9nonc\u00e9e. Passion fran\u00e7aise s\u2019il en est qui, en d\u00e9pit ou \u00e0 cause de ses errements id\u00e9ologiques, explique que l\u2019on soit dans l\u2019Hexagone beaucoup moins prompt que dans les pays du Sud \u00e0 participer de cet engouement pour une Chine dont l\u2019id\u00e9e n\u2019est tout simplement pas neuve en France. S\u2019ajoute \u00e0 cette observation une pr\u00e9sence de la diaspora chinoise dans notre pays qui est la plus ancienne et la plus nombreuse<\/a> (au moins 1 million de personnes) \u00e0 ce jour en Europe. Il ne faut jamais perdre de vue que l\u2019attention exerc\u00e9e par l\u2019ambassade de Chine en France \u00e0 l\u2019\u00e9gard de cette communaut\u00e9 s\u2019accentuera dans les ann\u00e9es \u00e0 venir. Par ailleurs, les Chinois fr\u00e9quentant les universit\u00e9s fran\u00e7aises arrivent quasiment \u00e0 parit\u00e9 avec la communaut\u00e9 d\u2019\u00e9tudiants marocains, premi\u00e8re dans l\u2019Hexagone. La France n\u2019accueille pas moins de 17 Instituts Confucius sur son territoire. Elle est enfin la destination de pr\u00e9dilection des touristes chinois<\/a>. Entre ces signes cr\u00e9ant a priori<\/em> une empathie favorable \u00e0 la Chine (sa culture et ses repr\u00e9sentants) subsiste toutefois un d\u00e9calage puisque l\u2019on constate que la jeunesse fran\u00e7aise est plus favorable aujourd\u2019hui au manga japonais et \u00e0 la K-pop cor\u00e9enne qu\u2019\u00e0 l\u2019aust\u00e9rit\u00e9 d\u2019une culture chinoise promue par un Parti Etat qui hier encore, rappelons-le, contribuait tr\u00e8s largement \u00e0 son an\u00e9antissement. Cette remarque vaut pour l\u2019ensemble des jeunes issus des autres pays occidentaux  ; les sondages men\u00e9s par le Pew Center<\/a> abondant en ce sens. <\/p>\n\n\n\n

Nonobstant l\u2019imp\u00e9ratif gaullien de la singularit\u00e9 fran\u00e7aise<\/a>, la France n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 le premier pays occidental \u00e0 reconna\u00eetre en 1964 la Chine communiste. L\u2019hypoth\u00e8que indochinoise d\u2019une part, sa tradition catholique d\u2019autre part l\u2019en ont longtemps dissuad\u00e9. Dans les faits, la Grande Bretagne l\u2019avait pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 d\u00e8s 1950. Pr\u00e9servation de ses int\u00e9r\u00eats \u00e0 Hong Kong, approche pragmatique des relations internationales en d\u00e9l\u00e9guant plus d\u2019une fois \u00e0 travers son histoire une partie de sa politique \u00e9trang\u00e8re \u00e0 ses hommes d\u2019affaires (la Compagnie britannique des Indes orientales hier, ceux de la City aujourd\u2019hui), insularit\u00e9 g\u00e9ographique enfin qui, d\u2019un point de vue des repr\u00e9sentations, lui conf\u00e8re le statut d\u2019une puissance europ\u00e9enne comparable \u00e0 celle qu\u2019occupe le Japon en Asie  : ce sont l\u00e0 autant de facteurs qui expliquent une vision britannique le plus souvent oppos\u00e9e \u00e0 celle tenue par la France. C\u2019est d\u2019ailleurs la Grande Bretagne qui cristallise toutes les passions de la propagande chinoise durant les premi\u00e8res d\u00e9cennies du r\u00e9gime communiste. \u00ab  Rattraper l\u2019Angleterre  \u00bb<\/a>, slogan mao\u00efste caract\u00e9ristique de cette p\u00e9riode tragique qu\u2019est le Grand Bond en avant<\/a> (1958), exprime \u00e0 la fois un d\u00e9sir de revanche sur l\u2019histoire, une affirmation tiersmondiste, le retour d\u2019un r\u00e9flexe imp\u00e9rial aussi. Il se manifeste d\u00e8s la conf\u00e9rence de Gen\u00e8ve en 1954<\/a> \u00e0 laquelle participe le chef de la diplomatie chinoise, Zhou Enlai. Si cet \u00e9v\u00e9nement scelle le d\u00e9part des Fran\u00e7ais du Vietnam, il permet avant tout \u00e0 la Chine communiste de damer le pion \u00e0 la R\u00e9publique de Chine (Ta\u00efwan), alors seule repr\u00e9sentante l\u00e9gale de la Chine \u00e0 l\u2019ONU. Il est aussi un avertissement adress\u00e9 \u00e0 la Grande Bretagne – laquelle, en Asie m\u00eame, a amorc\u00e9 sa d\u00e9colonisation – dans la volont\u00e9 chinoise \u00e0 vouloir peser dans le jeu des relations internationales, et de sa p\u00e9riph\u00e9rie proche, en pleine guerre froide.<\/p>\n\n\n\n

Avec l\u2019Allemagne, les rapports sont beaucoup plus ambivalents. Ancienne puissance coloniale ayant poss\u00e9d\u00e9 jusqu\u2019au trait\u00e9 de Versailles (1919) la province c\u00f4ti\u00e8re du Shandong, l\u2019Allemagne pourvoie conseillers techniques et militaires aupr\u00e8s de la derni\u00e8re dynastie imp\u00e9riale, celle des Qing (1644-1911) puis de la R\u00e9publique de Chine. Dans un Etat continent menac\u00e9 de division, le mod\u00e8le prussien, imposant l\u2019unit\u00e9 par la force, agit comme un puissant aiguillon et les \u00e9lites dirigeantes, tel Chiang Ka\u00ef-chek<\/a>, ne cachent gu\u00e8re leur fascination pour les traditions de l\u2019Allemagne. Cette fascination se traduira chez un Wang Jingwei<\/a> par une collaboration en r\u00e8gle avec les puissances de l\u2019Axe. Pour autant, la Chine saura aussi accueillir sur son territoire<\/a>, et \u00e0 Shanghai notamment, des populations juives fuyant l\u2019Allemagne nazie. La division de l\u2019Allemagne jusqu\u2019en 1989 am\u00e8nera la Chine \u00e0 privil\u00e9gier la DDR m\u00eame si la faillite du syst\u00e8me communiste europ\u00e9en l\u2019incite d\u00e8s les ann\u00e9es quatre-vingt, et \u00e0 l\u2019instigation de Deng Xiaoping, d\u2019adopter la voie d\u2019un capitalisme autoritaire d\u2019une part et de souscrire \u00e0 des choix de politique \u00e9trang\u00e8re qui reposent \u00e0 la fois sur des approches optant pour le bilat\u00e9ralisme et le multilat\u00e9ralisme. Stimul\u00e9es par la fin de la guerre froide et l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du processus d\u2019int\u00e9gration europ\u00e9enne apr\u00e8s le trait\u00e9 de Maastricht (1992), les relations sino-europ\u00e9ennes r\u00e9pondent \u00e0 deux objectifs  : soigner une relation qui sur le plan commercial d\u00e9gage un exc\u00e9dent aussi important que celui que la Chine enregistre avec les Etats-Unis d\u2019une part, cr\u00e9er un contrepoids \u00e0 l\u2019h\u00e9g\u00e9monie am\u00e9ricaine, de l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n

Reconfigurations post-Covid-19 <\/strong><\/h4>\n\n\n\n

C\u2019est la Russie qui jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent exerce un Hard Power aux c\u00f4t\u00e9s de la Chine et ce, moyennant quelques pr\u00e9bendes dans le domaine \u00e9nerg\u00e9tique. La Chine finira bien par s\u2019en affranchir un jour tant il est vrai qu\u2019un tr\u00e8s grand nombre de contentieux<\/a> opposent fondamentalement P\u00e9kin \u00e0 Moscou. Pour rompre son isolement diplomatique de plus en plus grand, P\u00e9kin a d\u2019ailleurs entrepris une politique tr\u00e8s active \u00e0 destination de l\u2019Union Europ\u00e9enne dont elle convoite les atouts et exploite les divisions, pour la promotion de la 5G notamment. Si le Pr\u00e9sident Emmanuel Macron a appel\u00e9 de ses v\u0153ux la cr\u00e9ation d\u2019un \u00ab  partenariat ambitieux et \u00e9quilibr\u00e9  \u00bb<\/a> entre l\u2019Europe et la Chine, cette d\u00e9claration en souligne d\u2019embl\u00e9e les limites. Ni la France ni l\u2019Allemagne ne partagent une politique commune \u00e0 l\u2019\u00e9gard de la Chine. D\u2019une part, parce que l\u2019\u00e9conomie allemande est plus d\u00e9pendante du march\u00e9 chinois que ne l\u2019est la France. D\u2019autre part, en raison de la place jug\u00e9e disproportionn\u00e9e selon Berlin que prend la France en tant qu\u2019interlocutrice privil\u00e9gi\u00e9e de P\u00e9kin sur les grands dossiers internationaux et ce, au nom de l\u2019Europe dans un contexte que favorise plus largement encore le Brexit. Dans les faits, Paris, Berlin et Londres font l\u2019objet d\u2019un traitement diff\u00e9renti\u00e9 de la part de P\u00e9kin. Si Paris et P\u00e9kin surjouent le mythe d\u2019une exceptionnalit\u00e9 dans leurs relations, il est en r\u00e9alit\u00e9 grand temps de questionner la nature de ces rapports et de se demander, en d\u00e9finitive, si la France ne serait pas l\u2019otage de la diplomatie chinoise. <\/p>\n\n\n\n

Les relations franco-chinoises ont \u00e9t\u00e9 plus d\u2019une fois malmen\u00e9es depuis ces derni\u00e8res d\u00e9cennies. Pendant la R\u00e9volution culturelle (1966-76) tout d\u2019abord, lorsque des diplomates fran\u00e7ais – au m\u00e9pris des conventions internationales et de leur immunit\u00e9 – sont admonest\u00e9s par des Gardes Rouges. Puis en 1989 lorsqu\u2019apr\u00e8s avoir tanc\u00e9 le r\u00e9gime chinois et ses dirigeants, coupables des massacres de Tiananmen, la France fait d\u00e9filer sur les Champs Elys\u00e9es et en pleine comm\u00e9morations du bicentenaire de la R\u00e9volution fran\u00e7aise la fine fleur de la dissidence chinoise exfiltr\u00e9e quelques semaines plus t\u00f4t par les services secrets fran\u00e7ais<\/a>. Ces jeunes intellectuels ne resteront pas en France. Ils se r\u00e9fugieront pour la plupart aux Etats-Unis. Echec donc. Car la France de Fran\u00e7ois Mitterrand est incapable d\u2019investir sur le temps long et d\u2019aider \u00e0 la formation d\u2019une alternative politique proprement chinoise. Pourtant, trois ans plus tard, Paris d\u00e9cide de vendre fr\u00e9gates Lafayette et Mirages 2000 \u00e0 Ta\u00efwan. Choix tactique et non strat\u00e9gique puisque la France continuera de maintenir son attachement \u00e0 la reconnaissance d\u2019une \u00ab  seule Chine  \u00bb. Les sanctions de P\u00e9kin sont en revanche imm\u00e9diates. Elles se traduisent par la fermeture du consulat fran\u00e7ais de Canton et l\u2019interdiction faite \u00e0 la municipalit\u00e9 de cette conurbation de faire appel \u00e0 des soci\u00e9t\u00e9s fran\u00e7aises pour la construction de son m\u00e9tro. Bien que les Etats-Unis aient vendu durant la m\u00eame p\u00e9riode des F-16 \u00e0 Ta\u00efwan, ils ne se trouvent pas confront\u00e9s \u00e0 de telles sanctions<\/a>. En 2008, et dans ce prolongement, c\u2019est \u00e0 la suite d\u2019une rencontre entre Nicolas Sarkozy et le dala\u00ef-lama<\/a> que la Chine se voit gagner par un \u00ab  french bashing  \u00bb sans pr\u00e9c\u00e9dent. <\/p>\n\n\n\n

En r\u00e9alit\u00e9 et sous couvert d\u2019une d\u00e9fense commune de la multipolarit\u00e9 – laquelle renvoie syst\u00e9matiquement la diplomatie fran\u00e7aise \u00e0 la construction europ\u00e9enne – P\u00e9kin a constamment adopt\u00e9 la m\u00eame politique  : frapper le faible (Paris en l\u2019occurrence) et m\u00e9nager, jusqu\u2019ici Washington, c\u2019est \u00e0 dire le plus fort. P\u00e9kin est donc plut\u00f4t pr\u00e9visible dans ses agissements. Et l\u2019agressivit\u00e9 de son ambassadeur de Chine Lu Shaye<\/a>, en pleine pand\u00e9mie, \u00e0 l\u2019encontre de ses h\u00f4tes fran\u00e7ais r\u00e9pond \u00e0 deux imp\u00e9ratifs  : casser le maillon faible de la cha\u00eene occidentale et d\u00e9solidariser la communaut\u00e9 chinoise de la majorit\u00e9 hexagonale. La Chine s\u2019y est employ\u00e9e non sans succ\u00e8s pour contredire les critiques qui lui sont faites en mati\u00e8re de non-respect des droits de l\u2019homme. En somme, il s\u2019agit de diviser pour mieux r\u00e9gner. Et P\u00e9kin semble y parvenir avec d\u2019autant plus de facilit\u00e9 que la position de Paris demeure extr\u00eamement ambig\u00fce. Reflet d\u2019une ambition, la politique chinoise de la France reste, en effet, au service du mythe de son ind\u00e9pendance. Or, force est de constater que la France et la Chine occupent une place tr\u00e8s secondaire dans leurs priorit\u00e9s diplomatiques respectives, ce qui n\u2019est pas le moindre des paradoxes d\u2019une relation fond\u00e9e sur l\u2019exceptionnalit\u00e9<\/a>. R\u00e9trospectivement, la relation franco-chinoise a davantage servi les int\u00e9r\u00eats de P\u00e9kin que l\u2019inverse. De m\u00eame que l\u2019on est en droit de s\u2019interroger sur l\u2019angle mort que constitue Ta\u00efwan dans les choix asiatiques de la politique \u00e9trang\u00e8re initi\u00e9e par Paris. <\/p>\n\n\n\n

Etrange positionnement, en v\u00e9rit\u00e9, qui ne souffle mot de la menace militaire permanente que P\u00e9kin fait peser sur Ta\u00efwan non plus que de la vitalit\u00e9 de la d\u00e9mocratie ta\u00efwanaise qui, \u00e0 bien des \u00e9gards, se trouve aux avant-postes de la lutte<\/a> qui s\u2019est engag\u00e9e contre l\u2019h\u00e9g\u00e9mon chinois. <\/p>\n\n\n\n

Rapports asym\u00e9triques et manque de puissance politique et strat\u00e9gique europ\u00e9enne<\/strong><\/h4>\n\n\n\n

Si la crise sanitaire mondiale du coronavirus est un facteur d\u2019acc\u00e9l\u00e9ration des tendances du syst\u00e8me international aujourd\u2019hui (crise du multilat\u00e9ralisme, tensions raviv\u00e9es \u2013 particuli\u00e8rement en Asie, mais aussi au Moyen-Orient et en M\u00e9diterran\u00e9e \u2013 crise aig\u00fce de l\u2019interd\u00e9pendance), il n\u2019en demeure pas moins que l\u2019UE reste encore \u00e0 ce jour dans un rapport asym\u00e9trique de puissance politique et strat\u00e9gique face aux Etats-Unis et \u00e0 la Chine (auquel on pourrait ajouter d\u2019autres puissances \u00e9tatiques \u2013 \u00e0 l\u2019instar de la Russie). De plus, P\u00e9kin se nourrit des divergences au sein de l\u2019Union europ\u00e9enne. La Chine est le deuxi\u00e8me partenaire commercial de l\u2019UE, derri\u00e8re les \u00c9tats-Unis, tandis que l\u2019UE est le premier partenaire commercial de la Chine. Vaste march\u00e9 et tr\u00e8s grande puissance \u00e9conomique et commerciale l\u2019UE est un partenaire essentiel pour la Chine, y compris en mati\u00e8re technologique et de d\u00e9bouch\u00e9 commercial. Le montant des \u00e9changes entre la Chine et l\u2019UE<\/a> s\u2019\u00e9l\u00e8ve \u00e0 pr\u00e8s de 700 milliards de dollars en 2018. Pour exemple, la Chine exportait sur la m\u00eame p\u00e9riode, 410 milliards de dollars et importait un volume de 275 milliards de dollars<\/a>. Partout ou presque, la balance commerciale entre les pays de l\u2019Union europ\u00e9enne et la Chine est d\u00e9ficitaire. C\u2019est avec P\u00e9kin que Bruxelles est le plus en d\u00e9ficit. Les pays membres importent deux fois plus de biens qu\u2019ils n\u2019en exportent en Chine. <\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

P\u00e9kin a toujours per\u00e7u l\u2019UE comme un atout g\u00e9opolitique et diplomatique pour faire contre-poids \u00e0 la puissance \u00e9tasunienne. A mesure de la mue strat\u00e9gique et de sa mont\u00e9e en puissance<\/a>, la RPC a int\u00e9gr\u00e9 les m\u00e9canismes des institutions europ\u00e9ennes au point d\u2019\u00eatre tr\u00e8s pr\u00e9sente aussi bien \u00e0 Bruxelles qu\u2019au Luxembourg, \u00e0 Frankfort ou Strasbourg. \u00c9tablie en 1975, la relation entre l\u2019Union europ\u00e9enne et la Chine s\u2019est particuli\u00e8rement d\u00e9velopp\u00e9e dans le domaine \u00e9conomique, malgr\u00e9 l\u2019embargo europ\u00e9en sur les ventes d\u2019armes \u00e0 la Chine. Un partenariat strat\u00e9gique a \u00e9t\u00e9 mis en place en 1998 et un sommet UE-Chine est organis\u00e9 chaque ann\u00e9e. P\u00e9kin a bien int\u00e9gr\u00e9 le dialogue bilat\u00e9ral avec l\u2019UE, tout en articulant une politique d\u2019Etat \u00e0 Etat faisant jouer sa masse critique et en exploitant les faiblesses de l\u2019UE. Le dialogue bilat\u00e9ral est structur\u00e9 autour de trois piliers  : dialogue politique, dialogue \u00e9conomique et sectoriel et dialogue sur les \u00e9changes humains. Afin de renforcer le dialogue, l\u2019ASEM (Asia-Europe Meetings ou Dialogue Asie-Europe) a \u00e9t\u00e9 initi\u00e9. <\/strong><\/p>\n\n\n\n

Malgr\u00e9 cette interd\u00e9pendance, accrue de part et d\u2019autre (dont la crise sanitaire de la Covid-19 a montr\u00e9 les limites et les paradoxes), plusieurs \u00e9l\u00e9ments tr\u00e8s importants complexifient la relation. P\u00e9kin poursuit un lobbying sur des sujets politiques et commerciaux<\/a> majeurs pour sa puissance  : incapacit\u00e9 de l\u2019UE de lever l\u2019embargo sur les ventes d\u2019armes, creusement du d\u00e9ficit commercial europ\u00e9en, questions des droits de l\u2019homme, impossibilit\u00e9 pour l\u2019UE de devenir un acteur politique compl\u00e8tement d\u00e9tach\u00e9 des \u00c9tats-Unis. De son c\u00f4t\u00e9, Bruxelles maintient ses attentes avec une difficult\u00e9 certaine face au Parti-Etat chinois : protection des droits de l\u2019homme, \u00c9tat de droit, maintien de la paix et de la stabilit\u00e9 dans le d\u00e9troit de Ta\u00efwan, reprise des pourparlers avec le dala\u00ef-lama, mise en place d\u2019une r\u00e9elle autonomie politique au Tibet et au Xinjiang, plus nette responsabilit\u00e9 internationale de la Chine (r\u00e9chauffement climatique, d\u00e9veloppement de l\u2019Afrique, migration, non-prolif\u00e9ration\u2026), respect  par l\u2019administration chinoise des obligations \u00e0 l\u2019OMC, meilleur acc\u00e8s au march\u00e9 int\u00e9rieur, meilleur protection des droits de propri\u00e9t\u00e9 intellectuelle. L\u2019ensemble de ces questions diplomatiques ont peu ou prou disparu dans le rapport de force avec P\u00e9kin \u00e0 mesure du d\u00e9veloppement de l\u2019\u00e9conomie chinoise et de l\u2019interd\u00e9pendance \u00e9conomique et industrielle ces deux derni\u00e8res d\u00e9cennies. C\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment dans cette mesure que la relation entre l\u2019Europe et la Chine se synth\u00e9tise. Par manque de coh\u00e9rence politique et strat\u00e9gique de Bruxelles, autant que par l\u2019atomisation des voix europ\u00e9ennes vis-\u00e0-vis de la RPC, l\u2019Europe n\u2019a pas autant b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de sa relation avec la Chine que cette derni\u00e8re avec Bruxelles. Plus encore, le Parti-Etat a pu acc\u00e9l\u00e9rer son internationalisation (celle des g\u00e9ants technologiques et industriels) et sa puissance gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019Europe. Dans un sens, le d\u00e9veloppement de la formation dans tous les domaines d\u2019une certaine \u00e9lite chinoise a permis \u00e0 P\u00e9kin de mieux nous connaitre que nous ne connaissons la Chine. Dans un rapport sur sa politique europ\u00e9enne du d\u00e9but des ann\u00e9es 2010, P\u00e9kin<\/a> pr\u00e9cisait  : \u00ab  l\u2019UE est un partenaire strat\u00e9gique important dans les efforts que r\u00e9alise la Chine pour poursuivre son d\u00e9veloppement  pacifique et la multipolarisation du monde et un acteur cl\u00e9 avec lequel la Chine peut travailler pour r\u00e9aliser son industrialisation, son urbanisation, la modernisation de ses syst\u00e8mes informatiques et de son agriculture ainsi que la r\u00e9alisation de ses deux objectifs du si\u00e8cle (2021 \u2013 le centenaire du PCC ; 2049 \u2013 le centenaire de la RPC)  \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Face \u00e0 cette mont\u00e9e en puissance et cette relation asym\u00e9trique, nous pouvons observer deux tournants majeurs dans la relation commerciale et strat\u00e9gique entre les deux grands. Premi\u00e8rement, le tournant de la crise des Subprimes<\/em> (2008-2009) a \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9e par un changement de la diplomatie chinoise en particulier au sein de l\u2019Europe<\/a>. P\u00e9kin est devenu un acteur \u00e9tatique de plus en plus incontournable et important dans le syst\u00e8me international  : influence \u00e0 l\u2019ONU, puissance commerciale et grands investissements strat\u00e9giques (port du Pir\u00e9e par exemple), d\u00e9veloppement de technologies et concurrence de traditionnels acteurs \u00e9tablis (num\u00e9rique et autres hautes technologies). Deuxi\u00e8mement, entre 2012 et 2017, la massification des investissements chinois en Europe<\/a> est dans le prolongement de celui op\u00e9r\u00e9 avec la tr\u00e8s symbolique prise de participation et gestion du Pir\u00e9e. P\u00e9kin via ses g\u00e9ants nationaux et financiers a multipli\u00e9 les rachats de dettes souveraines d\u2019une part, et a multipli\u00e9 les investissements dans des infrastructures strat\u00e9giques (ports, autoroutes, terminaux p\u00e9troliers…), mais aussi dans tous les secteurs (immobilier, agriculture, automobile, sport, luxe\u2026). Ces capitaux sont tout \u00e0 la fois strat\u00e9giques et concert\u00e9s que des fuites de capitaux en corr\u00e9lation forte avec l\u2019institutionnalisation de la lutte anti-corruption de Xi Jinping et de la peur de l\u2019effondrement du r\u00e9gime par une frange de l\u2019\u00e9lite souhaitant placer d\u2019importants volumes d\u2019argent en dehors du territoire chinois.<\/p>\n\n\n\n

De plus, elle a initi\u00e9 dans les deux derni\u00e8res d\u00e9cennies la cr\u00e9ation de m\u00e9canismes et d\u2019organisation r\u00e9gionale dont le format 17 + 1 recoupe pour partie des pays membres de l\u2019UE et des Etats d\u2019Europe centrale et orientale<\/a>. <\/p>\n\n\n\n

Le format a \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9 en 2012 \u00e0 la fin du r\u00e8gne du tandem Hu Jintao \u2013 Wen Jiaobao, o\u00f9 ce dernier, Premier ministre, lors d\u2019une visite \u00e0 Varsovie pour le Forum des affaires Chine-Europe centrale et orientale posa officiellement la premi\u00e8re pierre de cet \u00e9difice \u00e9conomique et politique. Issu d\u2019un travail diplomatico-\u00e9conomique patient de la Chine depuis la fin de la guerre froide avec la plupart des pays d\u2019Europe centrale et de l\u2019est, le forum regroupe la Chine et 16 pays : Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, R\u00e9publique Tch\u00e8que, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slov\u00e9nie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herz\u00e9govine, Mont\u00e9n\u00e9gro, Albanie et Mac\u00e9doine (1). A partir de cette date, le format donnera le cadre des relations entre la Chine et les pays d\u2019Europe centrale et orientale et qui connaitront jusqu\u2019\u00e0 aujourd\u2019hui une intensit\u00e9 sans pr\u00e9c\u00e9dent. En avril 2019, lors du sommet annuel de l\u2019organisation \u00e0 Dubrovnik, cette coop\u00e9ration entre P\u00e9kin et les 16 pays d\u2019Europe centrale et orientale s\u2019est transform\u00e9e en format 17 + 1 avec l\u2019adh\u00e9sion de la Gr\u00e8ce, pays strat\u00e9giquement important dans la politique europ\u00e9enne de la Chine. Ainsi, le forum comprend 12 Etats membres de l\u2019UE et cinq non-membres, ceci accroissant l\u2019influence de la Chine au sein de l\u2019UE. Dans le cadre de sa strat\u00e9gie europ\u00e9enne et de promotion de sa m\u00e9thodologie du multilat\u00e9ralisme, P\u00e9kin voit dans ce format un atout pour asseoir son influence \u00e0 travers le projet Belt and Road Initiative (BRI). Dot\u00e9 de structures permanentes r\u00e9parties sur l\u2019ensemble des Etats membres, le format concerne la totalit\u00e9 des domaines \u00ab classiques \u00bb de coop\u00e9ration des initiatives chinoises<\/a> : culturel, agricole et forestier, financier, diplomatique, bancaire, \u00e9nerg\u00e9tique, etc.<\/p>\n\n\n\n

Le format 17 + 1 est un pilier essentiel du d\u00e9veloppement de divers projets d\u2019infrastructures et de MOU<\/a> dans cette partie de l\u2019Europe afin de mieux l\u2019arrimer \u00e0 la g\u00e9o\u00e9conomie chinoise. Dans ce sens, le cas de la Gr\u00e8ce est \u00e9loquent<\/a>. Membre de l\u2019UE en r\u00e9cession durable, la Gr\u00e8ce, son paysage politique et ses infrastructures sont depuis plus d\u2019une d\u00e9cennie dans les priorit\u00e9s strat\u00e9giques de la Chine. La situation du port du Pir\u00e9e op\u00e9r\u00e9 en partie par le groupe COSCO, le d\u00e9veloppement d\u2019infrastructures de transport et la proximit\u00e9 entre le premier ministre grec et les autorit\u00e9s chinoises, la mise en place du syst\u00e8me \u00ab golden visa \u00bb sont autant de marqueurs d\u2019une relation bilat\u00e9rale acc\u00e9l\u00e9r\u00e9e au sein d\u2019un espace multilat\u00e9ral<\/a>. Les cas de la Pologne, de la Lettonie et de la Hongrie illustrent parfaitement les enjeux politique et \u00e9conomique en cours : plateforme logistique, d\u00e9sunion au sein de l\u2019UE, d\u00e9veloppement d\u2019infrastructures et r\u00e9seau 5G, r\u00e9seau \u00e9nerg\u00e9tique (notamment par le groupe chinois State Grid), etc. En outre, la quasi-totalit\u00e9 des membres europ\u00e9ens de ce format sont membres de l\u2019OTAN. Ceci repr\u00e9sente une couche suppl\u00e9mentaire d\u2019incertitudes strat\u00e9giques notamment en mati\u00e8re de renseignement, d\u2019adh\u00e9sion politique et de livraison de mat\u00e9riel militaire en provenance de Chine populaire.<\/p>\n\n\n\n

A travers le format 17 + 1, les membres europ\u00e9ens cherchent \u00e0 d\u00e9velopper leur relation bilat\u00e9rale, en particulier commerciale, mais une succession de d\u00e9convenues interroge la structure d\u2019ensemble : d\u00e9ficit important dans les \u00e9changes bilat\u00e9raux, manque d\u2019investissements, probl\u00e9matique douani\u00e8re, manque d\u2019ouverture du march\u00e9 chinois etc.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \"L'Europe\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Mutation des relations sino-europ\u00e9ennes  : le r\u00e9veil d\u2019une troisi\u00e8me voix  ?<\/strong><\/h4>\n\n\n\n

Depuis 2016, plusieurs voix se font entendre sur l\u2019ensemble du territoire europ\u00e9en, en partie li\u00e9es au contexte de rapport de force strat\u00e9gico-commercial sino-am\u00e9ricain sur la recomposition des relations avec le g\u00e9ant chinois. Si la crise de la Covid ne fait qu\u2019acc\u00e9l\u00e9rer cette tendance, il n\u2019en demeure pas moins que plusieurs \u00e9l\u00e9ments importants, au regard de la relation et des perceptions qui pr\u00e9valaient jusqu\u2019alors, qu\u2019un mouvement europ\u00e9en se dessine. <\/p>\n\n\n\n

Fin 2018, la Commission europ\u00e9enne propose 135 mesures<\/a> antidumping et anti-subventions. Plus de deux tiers de ces mesures ciblent des produits chinois. La protection des industries et sites strat\u00e9giques ou critiques (souvent avec un usage dual) fait \u00e9galement l\u2019objet d\u2019une r\u00e9flexion plus structur\u00e9e, de m\u00eame que la mise en avant des dynamiques de concurrence d\u00e9loyale, des proc\u00e9d\u00e9s peu flatteurs de transferts forc\u00e9s de technologies exig\u00e9s par la partie chinoise dans des \u00e9changes commerciaux et industriels. Aussi, un m\u00e9canisme de filtrage des investissements \u00e9trangers (ciblant la Chine mais pas seulement) permettrait \u00e0 l\u2019Union europ\u00e9enne de mieux prot\u00e9ger son industrie, sa comp\u00e9titivit\u00e9 et son ind\u00e9pendance strat\u00e9gique. L\u2019UE s\u2019oppose \u00e0 ce que la Chine soit reconnue comme une \u00e9conomie de march\u00e9<\/a>. Sans ce statut, P\u00e9kin se voit assumer des droits de douanes plus importants. Dans le m\u00eame temps, Bruxelles n\u2019a pas su faire de la fusion d\u2019Alsthom et Siemens un g\u00e9ant industriel face au potentiel concurrent chinois CRRC. Les modalit\u00e9s et les cons\u00e9quences de la mont\u00e9e en puissance de la Chine induisent un revirement strat\u00e9gique et s\u00e9curitaire, qualifi\u00e9 en 2019 par la Commission europ\u00e9enne de \u00ab  rival – voire de menace syst\u00e9mique<\/a>  \u00bb. Aussi, la Chambre de commerce europ\u00e9enne en Chine publiait en 2019 un rapport<\/a> de synth\u00e8se sur les tr\u00e8s \u00e9loquentes \u00ab  Nouvelles routes de la soie  \u00bb et le manque criant de transparence dans les appels d\u2019offre internationaux (laissant la priorit\u00e9 quasi syst\u00e9matique aux groupes chinois), les probl\u00e8mes d\u2019endettement etc. Plus r\u00e9cemment, cette m\u00eame Chambre publiait un sondage d\u2019entreprises europ\u00e9ennes en Chine sur les pratiques du monde des affaires tr\u00e8s marqu\u00e9 par l\u2019opacit\u00e9, la corruption et les pressions diverses pour le transfert de technologies, voire d\u2019espionnage. <\/p>\n\n\n\n

Le manque d\u2019ouverture, pourtant promis par P\u00e9kin lors de son adh\u00e9sion \u00e0 l\u2019OMC, finalis\u00e9e \u00e0 l\u2019automne 2001 et le raidissement de sa politique int\u00e9rieure (questions Ouighours et Tib\u00e9taines, r\u00e9pressions, absence d\u2019un Etat de droit et demain questionnement sur l\u2019\u00e9thique) autant que son offensive \u00e0 l\u2019international (Hong Kong, Ta\u00efwan, Mer de Chine<\/a>, pr\u00e9dations et dettes) donnent les \u00e9l\u00e9ments essentiels de la contestation partag\u00e9e et \u00e9mergente.<\/p>\n\n\n\n

Comme le rappelait le chef de la diplomatie europ\u00e9enne, Josep Borell<\/a>, \u00ab  la pression monte pour choisir son camp dans la confrontation entre les Etats-Unis et la Chine  \u00bb. Il plaide pour trouver \u00ab  My Way  \u00bb, poursuivant en pr\u00e9cisant qu\u2019 \u00ab  entre la Chine et l\u2019Europe, il y a un avant et un apr\u00e8s coronavirus  \u00bb. C\u00f4t\u00e9 chinois, le discours se veut plus rassurant. Plusieurs think<\/em> tank<\/em>, dont le tr\u00e8s encadr\u00e9 CICIR (subordonn\u00e9 au Minist\u00e8re de la S\u00e9curit\u00e9 d\u2019Etat ou Service secret \u2013 guoanbu<\/em>) analyse que l\u2019Europe ressortira fragilis\u00e9e de cette crise et devra s\u2019accommoder \u00e0 la puissance chinoise. De plus, des universitaires chinois, sp\u00e9cialistes de l\u2019Europe restent optimistes quant \u00e0 la relation entre la Chine et l\u2019Europe<\/a>. Cela proc\u00e8de de la tactique, afin de rassurer l\u2019un des principaux partenaires commerciaux et scientifiques dans le rapport de force avec les Etats-Unis et le ressentiment croissant envers le r\u00e9gime de P\u00e9kin.<\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, le plan de relance europ\u00e9en<\/a>, en particulier la mobilisation du couple franco-allemand est sup\u00e9rieure ce celui avanc\u00e9 par les autorit\u00e9s chinoises. En parall\u00e8le de l\u2019arr\u00eat de la croissance \u00e9conomique chinoise et de la mont\u00e9e exponentielle du ch\u00f4mage<\/a>, l\u2019effort europ\u00e9en offre un contraste des plus encourageants. <\/p>\n\n\n\n

D\u00e9but juin, se cr\u00e9e sous la houlette de parlementaires de diverses d\u00e9mocraties lib\u00e9rales, un r\u00e9seau interparlementaire, nomm\u00e9 IPAC (The Inter-Parliamentary Alliance on China<\/a>). Les pr\u00e9rogatives de ce r\u00e9seau international rassemblant plus d\u2019une centaine de parlementaires de la quasi-totalit\u00e9 des d\u00e9mocraties lib\u00e9rales (dont plusieurs membres europ\u00e9ens) se r\u00e9partissent entre  : \u00ab  Safeguarding international rules based order, upholding human rights, promoting trade fairness, strengthening security, protecting national integrity  \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019Europe cherche sa voix dans la comp\u00e9tition strat\u00e9gique dans un syst\u00e8me international en pleine red\u00e9finition, o\u00f9 le multilat\u00e9ralisme est d\u00e9suet. Alors que la crise sanitaire glisse vers une r\u00e9cession \u00e9conomique lourde et profonde, plusieurs fonds chinois (mais pas uniquement) sont \u00e0 l\u2019aff\u00fbt de rachats de groupes fragiles sinon condamn\u00e9s et les opinions europ\u00e9ennes n\u2019ont jamais \u00e9t\u00e9 aussi distendues et atomis\u00e9es. L\u2019Europe est face \u00e0 son propre destin. La consolidation industrielle \u00e0 l\u2019\u00e9chelle europ\u00e9enne et la mont\u00e9e en puissance d\u2019outils de protection et strat\u00e9gique lui permettront sans aucun doute de poursuivre ses propres int\u00e9r\u00eats et valeurs fondamentales.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Depuis ce dernier quart de si\u00e8cle, la politique chinoise des pays europ\u00e9ens s\u2019est install\u00e9e dans le dilemme r\u00e9alisme \/ id\u00e9alisme. La pand\u00e9mie de la Covid-19 en aura cruellement rappel\u00e9 toutes les contradictions. Profond\u00e9ment asym\u00e9triques, les relations sino-europ\u00e9ennes sont souvent mues, de part et d\u2019autre, par des pr\u00e9suppos\u00e9s tenaces. Cet article propose de revenir sur la relation singuli\u00e8re, inscrite dans le temps long, entre l\u2019Europe et la Chine et de comprendre les m\u00e9canismes \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans la red\u00e9finition de cette m\u00eame relation.<\/p>\n","protected":false},"author":175,"featured_media":75852,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-studies.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[],"geo":[531,1917],"class_list":["post-76184","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-uncategorised","staff-emmanuel-lincot","staff-emmanuel-veron","geo-chine","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nL'Europe et la Chine : deux singularit\u00e9s anciennes dans un monde neuf | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/06\/22\/leurope-et-la-chine-deux-singularites-anciennes-dans-un-monde-neuf\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"L'Europe et la Chine : deux singularit\u00e9s anciennes dans un monde neuf | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Depuis ce dernier quart de si\u00e8cle, la politique chinoise des pays europ\u00e9ens s\u2019est install\u00e9e dans le dilemme r\u00e9alisme \/ id\u00e9alisme. 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