{"id":74681,"date":"2020-06-05T19:15:25","date_gmt":"2020-06-05T17:15:25","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=74681"},"modified":"2020-06-06T10:54:08","modified_gmt":"2020-06-06T08:54:08","slug":"si-les-generaux-defient-trump","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/06\/05\/si-les-generaux-defient-trump\/","title":{"rendered":"Si les g\u00e9n\u00e9raux d\u00e9fient Trump"},"content":{"rendered":"\n

Le 3 juin 2020 entrera dans l’histoire des \u00c9tats-Unis d’Am\u00e9rique qui, plus que jamais, se trouvent \u00e0 un carrefour existentiel. \u00c0 cette date, l’ancien secr\u00e9taire \u00e0 la D\u00e9fense et ancien g\u00e9n\u00e9ral mythique des Marines, James Mattis, a rompu le silence.<\/p>\n\n\n\n

Beaucoup se souviendront de l’avalanche de critiques que l’officier sup\u00e9rieur a suscit\u00e9 apr\u00e8s avoir publi\u00e9, quelques mois apr\u00e8s sa retraite plut\u00f4t audacieuse, son livre Call Sign Chaos<\/em>, bas\u00e9 sur l’importance du leadership<\/em>, cependant ne comportant aucune r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 ses deux ann\u00e9es mouvement\u00e9es au Pentagone.<\/p>\n\n\n\n

La relation avec le pr\u00e9sident Trump avait suivi le cours classique exp\u00e9riment\u00e9 avec d’autres g\u00e9n\u00e9raux de renom qui avaient d\u00e9cid\u00e9 de participer \u00e0 cette administration dramatique, peut-\u00eatre dans l’espoir de sauver la fortune du pays \u2013\u202fde H.R. McMaster \u00e0 John Kelly\u202f\u2013 s’effilochant encore trop lentement. Apr\u00e8s la d\u00e9mission publique de Mattis, due \u00e0 de lourds d\u00e9saccords sur la gestion des alli\u00e9s, Trump, avec son savoir faire habituel, lui avait aboy\u00e9 quelques tweets, ravalant toutes les belles paroles des mois pr\u00e9c\u00e9dents.<\/p>\n\n\n\n

Mattis n’avait pas r\u00e9pondu, sauf lors d’un discours en comit\u00e9 restreint<\/a>, en s’exclamant impitoyablement, mais toujours avec le sourire, \u00e0 l\u2019\u00e9gard du locataire de la Maison Blanche, son accusateur. Le th\u00e8me de l’attitude et du silence, pour l’ancien g\u00e9n\u00e9ral, \u00e9tait li\u00e9 au serment devant la Constitution, qu\u2019il a pr\u00eat\u00e9 comme tout soldat am\u00e9ricain, lequel serment pr\u00e9suppose une s\u00e9paration claire entre les sph\u00e8res politique et militaire.<\/p>\n\n\n\n

En substance, quiconque a pr\u00eat\u00e9 serment doit garder le silence et se limiter \u00e0 le respecter. C’est pr\u00e9cis\u00e9ment ce que lui reprochent ses d\u00e9tracteurs, \u00e0 savoir que l’arm\u00e9e est au service du peuple am\u00e9ricain et non de son pr\u00e9sident, alors qu’il est le commandant supr\u00eame des forces arm\u00e9es. La diff\u00e9rence est subtile, mais extraordinairement profonde et, in\u00e9vitablement, sujette \u00e0 des interpr\u00e9tations diff\u00e9rentes.<\/p>\n\n\n\n

Penchons-nous, entre toutes ces interpr\u00e9tations, sur celle de John R. Allen, un autre Marine quatre \u00e9toiles, ainsi que pr\u00e9sident de la Brookings Institution, le plus c\u00e9l\u00e8bre think tank<\/em> du monde, n\u00e9 de l’esprit du secr\u00e9taire d’\u00c9tat am\u00e9ricain George Marshall apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, et toujours un phare pour ceux qui s’occupent de g\u00e9opolitique.<\/p>\n\n\n\n

Contrairement \u00e0 la plupart de ses coll\u00e8gues, Allen a, depuis les primaires d\u00e9mocratiques de 2016, ouvertement protest\u00e9 contre Trump<\/a>, s’attirant ainsi de vives critiques de son propre monde. Malgr\u00e9 ses d\u00e9cennies d’amiti\u00e9, Mattis lui-m\u00eame s’est d\u00e9clar\u00e9 \u00e9loign\u00e9 de la position d’Allen, ce qui a provoqu\u00e9 une certaine \u00e9tincelle.<\/p>\n\n\n\n

Le geste du 3 juin, \u00e0 la lumi\u00e8re de ces coulisses, appara\u00eet encore plus sensationnel et r\u00e9v\u00e9lateur d’une situation absolument sans pr\u00e9c\u00e9dent et d’une \u00e9volution impr\u00e9visible.<\/p>\n\n\n\n

Mattis, avouant sa col\u00e8re, d\u00e9cide de publier dans un magazine qui lui est cher, The Atlantic<\/em> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, un article r\u00e9solu contre un pr\u00e9sident pr\u00e9sent\u00e9 comme immature, dont le but est seulement de fomenter des divisions parmi les citoyens am\u00e9ricains, en ne regardant pas le bien de la Nation, mais son propre petit compte. Et, le m\u00eame jour, dans le sillage de Mattis, Allen est \u00e9galement apparu, dans un autre grand magazine \u2013\u202fForeign Policy<\/em> <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>\u202f\u2013 avec un style nettement plus passionn\u00e9, mais proposant involontairement la m\u00eame cible identique. Ils ne se sont pas entendus, ils ne se sont pas coordonn\u00e9s sur la date de publication de leurs articles, ni sur les sujets \u00e0 l’ordre du jour.<\/p>\n\n\n\n

Il est pourtant surprenant de constater \u00e0 quel point le message est le m\u00eame, et il convient de mentionner ici deux extraits : le premier de Mattis qui a \u00e9crit, en r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Trump : \u00ab nous pouvons nous unir sans lui, en tirant parti des forces inh\u00e9rentes \u00e0 notre soci\u00e9t\u00e9 civile. Ce ne sera pas facile, comme ces derniers jours l’ont montr\u00e9, mais nous le devons \u00e0 nos concitoyens, aux g\u00e9n\u00e9rations pass\u00e9es qui se sont sacrifi\u00e9es pour d\u00e9fendre notre promesse, et \u00e0 nos enfants \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

En m\u00eame temps, Allen concluait par ces mots d’espoir un article dont le d\u00e9but \u00e9tait profond\u00e9ment pessimiste : \u00ab marquez-le sur le calendrier : ce pourrait \u00eatre le d\u00e9but du changement de la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine, non pas vers un r\u00e9gime illib\u00e9ral mais vers la lumi\u00e8re. Mais elle devra \u00eatre g\u00e9n\u00e9r\u00e9e de la base vers le sommet. Parce qu’il n’y a personne \u00e0 la Maison Blanche \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Pas d’adultes au moins. Rien de plus dangereux apr\u00e8s pr\u00e8s de 110 000 d\u00e9c\u00e8s de Covid-19 et 40 millions de ch\u00f4meurs, pour 308 millions de citoyens am\u00e9ricains.<\/p>\n\n\n\n

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