{"id":74053,"date":"2020-05-28T12:35:37","date_gmt":"2020-05-28T10:35:37","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=74053"},"modified":"2020-06-02T14:49:14","modified_gmt":"2020-06-02T12:49:14","slug":"plan-de-relance-europeen-la-commission-europeenne-place-ses-pions","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/05\/28\/plan-de-relance-europeen-la-commission-europeenne-place-ses-pions\/","title":{"rendered":"Plan de relance europ\u00e9en, la Commission place ses pions"},"content":{"rendered":"\n

Lundi 18 mai 2020, l\u2019initiative franco-allemande pr\u00e9sent\u00e9e par Emmanuel Macron et Angela Merkel lors d\u2019une conf\u00e9rence de presse virtuelle commune avait ouvert une nouvelle s\u00e9quence qui a permis de redynamiser les discussions autour du dernier pilier de la r\u00e9ponse \u00e9conomique europ\u00e9enne \u00e0 la crise du Covid-19 <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Lors de cette annonce, les deux dirigeants ont propos\u00e9 le d\u00e9ploiement d\u2019un Fonds de relance de 500 milliards d\u2019euros, articul\u00e9 autour d\u2019une logique de dotations budg\u00e9taires directes dans le cadre du budget de l\u2019Union europ\u00e9enne (UE). <\/p>\n\n\n\n

Outre-Rhin, la s\u00e9quence initi\u00e9e par l\u2019arr\u00eat du 5 mai 2020 de la Cour constitutionnelle allemande semble avoir suscit\u00e9 une prise de conscience annonciatrice d\u2019un v\u00e9ritable tournant id\u00e9ologique. <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> Wolfgang Sch\u00e4uble, pr\u00e9sident du Bundestag et ancien ministre des Finances pendant la crise de la zone euro, est ainsi intervenu dans les colonnes du Financial Times<\/em> <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span> pour d\u00e9fendre l\u2019initiative franco-allemande, plaidant sans r\u00e9serve en faveur d\u2019une solution privil\u00e9giant les transferts directs plut\u00f4t que l\u2019octroi de pr\u00eats pour lutter efficacement contre la crise du Covid-19. \u00ab Les structures de notre ordre mondial se modifient : si l’Europe veut avoir une chance, elle doit maintenant donner des preuves de sa capacit\u00e9 \u00e0 agir de mani\u00e8re solidaire <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u00bb, d\u00e9clarait-il dans une autre tribune pour le quotidien allemand Die Welt<\/em>. Comme un seul homme, les cadres dirigeants de l\u2019Union chr\u00e9tienne-d\u00e9mocrate (CDU) ont notamment embo\u00eet\u00e9 le pas \u00e0 la chanceli\u00e8re et act\u00e9 un revirement tout aussi majeur que soudain de doctrine, en affichant un soutien quasi unanime \u00e0 l\u2019initiative franco-allemande. <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 de la France et de l’Allemagne, la r\u00e9ponse \u00e0 cette initiative ne s\u2019est pas faite attendre longtemps. L\u2019Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Su\u00e8de ont ainsi conjointement pr\u00e9sent\u00e9 un non-papier reprenant les grandes orientations de leurs positions. Alors que les objectifs de fl\u00e9chage des d\u00e9penses du Fonds de relance d\u2019urgence pr\u00e9conis\u00e9 par les Frugal Four <\/em>semblait proche de la proposition franco-allemande, ils d\u00e9fendaient une philosophie de distribution diam\u00e9tralement oppos\u00e9e, exclusivement bas\u00e9e sur l\u2019octroi de pr\u00eats <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span> enti\u00e8rement remboursables par les b\u00e9n\u00e9ficiaires <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> et assortis d\u2019un \u00ab engagement fort en faveur de r\u00e9formes budg\u00e9taires dans le cadre du corpus de r\u00e8gles europ\u00e9ennes \u00bb. L\u2019orientation g\u00e9n\u00e9rale du document laissait notamment peu de place \u00e0 l’ambigu\u00eft\u00e9 sur les lignes rouges d\u00e9fendues par ses auteurs : \u00ab Ce que nous ne pouvons […] pas accepter, ce sont des instruments ou des mesures conduisant \u00e0 une mutualisation de la dette ou \u00e0 une augmentation significative du budget de l’UE. \u00bb <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n

A l\u2019inverse d\u2019une logique de valeur ajout\u00e9e europ\u00e9enne, le budget de l\u2019UE est par ailleurs envisag\u00e9 par ce document dans une stricte perspective de \u00ab juste retour \u00bb, en anticipation d\u2019un contexte de contraction \u00e9conomique sans pr\u00e9c\u00e9dent lors duquel les \u00ab fonds suppl\u00e9mentaires allou\u00e9s au budget europ\u00e9en […] p\u00e8seront encore plus lourdement sur les budgets nationaux \u00bb. Re-priorisation des d\u00e9penses \u00e0 budget constant, maintien des m\u00e9canismes de correction et des niveaux de contributions nationales actuels, cette position n\u2019est pas sans rappeler le raisonnement qui avait pr\u00e9sid\u00e9 aux n\u00e9gociations du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020, men\u00e9es en pleine crise de la zone euro et ayant abouti \u00e0 des montants globaux moins importants que pour le CFP 2007-2013. En l\u2019absence de plaidoirie partag\u00e9e et de signature commune du non-papier, le front commun des Frugal Four<\/em> semblait toutefois aborder l\u2019\u00e9ch\u00e9ance du 27 mai 2020 <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span> dans une position beaucoup moins in\u00e9branlable que lors des pr\u00e9c\u00e9dents cycles de n\u00e9gociation. <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span> <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span> <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n

C\u2019est donc dans un contexte particuli\u00e8rement tendu que la Commission a pos\u00e9 les fondements de ce qui pourrait \u00eatre une des n\u00e9gociations les plus difficiles de l\u2019histoire de l\u2019UE. Au-del\u00e0 de la sp\u00e9cificit\u00e9 du Fonds de relance, la Commission a d\u00fb enti\u00e8rement revoir sa copie pour l\u2019ensemble du prochain CFP. Dans l\u2019impasse depuis le mois de f\u00e9vrier, la derni\u00e8re proposition pr\u00e9sent\u00e9e par Charles Michel envisageait des coupes importantes dans une majorit\u00e9 de rubriques par rapport \u00e0 la proposition initiale de la Commission publi\u00e9e en mai 2018 <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>, torpillant de nombreuses ambitions comme celles initialement port\u00e9es par l’instrument budg\u00e9taire de convergence et de comp\u00e9titivit\u00e9 (BICC) <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span> ou encore les modalit\u00e9s d’ex\u00e9cution du dispositif de conditionnement de l\u2019acc\u00e8s aux fonds europ\u00e9ens au respect de l\u2019\u00c9tat de droit <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Les divergences demeuraient ainsi nombreuses et semblaient largement irr\u00e9conciliables malgr\u00e9 le retard d\u00e9j\u00e0 pris sur le calendrier. <\/p>\n\n\n\n

Lors de son discours devant le Parlement europ\u00e9en, Ursula von der Leyen a propos\u00e9 un Fonds de relance de 750 milliards d\u2019euros, int\u00e9gr\u00e9 au budget g\u00e9n\u00e9ral de l\u2019UE entre 2021 et 2024, dont 500 milliards seraient transf\u00e9r\u00e9s par subventions directes et 250 milliards sous forme de pr\u00eats <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Afin de financer ce Fonds de relance, le plafond des ressources propres du budget europ\u00e9en sera augment\u00e9 \u00e0 2 % du revenu national brut (RNB) de l’UE pour permettre \u00e0 la Commission d\u2019emprunter sur les march\u00e9s \u00e0 faible taux d’int\u00e9r\u00eat gr\u00e2ce \u00e0 la notation AAA dont b\u00e9n\u00e9ficient les institutions communautaires <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span> <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La Commission laisse la porte ouverte sur les modalit\u00e9s de remboursement de ces sommes, qu\u2019elle envisage selon trois modalit\u00e9s possibles : un accroissement progressif de l\u2019ensemble des contributions nationales au budget de l\u2019UE, une r\u00e9duction des d\u00e9penses europ\u00e9ennes ou le d\u00e9ploiement de nouvelles ressources propres. En fixant une \u00e9ch\u00e9ance \u00e9loign\u00e9e mais relativement vague entre 2028 et 2058, la Commission repousse habilement la question au-del\u00e0 du CFP 2021-2027 <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et ancre le d\u00e9bat sensible des nouvelles ressources propres du budget europ\u00e9en dans un horizon temporel, et surtout politique, plus concret qu’auparavant. En effet, contrairement aux pr\u00e9c\u00e9dentes r\u00e9flexions budg\u00e9taires en la mati\u00e8re, les d\u00e9penses sont ici d\u00e9j\u00e0 act\u00e9es et il conviendra t\u00f4t ou tard de faire des choix clairs afin de d\u00e9finir les modalit\u00e9s de leur remboursement. Une inversion de la logique qui consistait jusqu’alors \u00e0 envisager de nouvelles ressources propres afin de financer d\u2019hypoth\u00e9tiques nouvelles d\u00e9penses europ\u00e9ennes ou de r\u00e9duire la part des contributions nationales dans le budget de l\u2019UE <\/span>20<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La Commission fait \u00e9galement une importante concession aux Frugal Four<\/em> en repoussant sine die<\/em> son objectif initial de suppression des m\u00e9canismes de correction.<\/p>\n\n\n\n

Si la prudence est de mise pour analyser le d\u00e9tail de r\u00e9partition des sommes, les principales \u00e9volutions qui seraient apport\u00e9es au CFP semblent s\u2019articuler autour de trois piliers : les r\u00e9formes structurelles et les investissements publics, le soutien \u00e0 l\u2019\u00e9conomie et la capacit\u00e9 de l\u2019UE \u00e0 \u00eatre plus r\u00e9siliente face aux crises. <\/p>\n\n\n\n

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