{"id":72663,"date":"2020-05-14T14:59:07","date_gmt":"2020-05-14T12:59:07","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=72663"},"modified":"2020-05-14T14:59:36","modified_gmt":"2020-05-14T12:59:36","slug":"chine-arabie-saoudite-meilleurs-amis","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/05\/14\/chine-arabie-saoudite-meilleurs-amis\/","title":{"rendered":"Chine-Arabie saoudite, meilleurs amis ?"},"content":{"rendered":"\n

Sur le plan historique, quelles ont \u00e9t\u00e9 les diff\u00e9rentes phases des relations sino-saoudiennes ?<\/h3>\n\n\n\n

Camille Lons<\/strong> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span> : <\/em>Sous Mao Zedong, la Chine a principalement d\u00e9velopp\u00e9 des relations avec les pays non-align\u00e9s, et par cons\u00e9quent les relations avec l\u2019Arabie saoudite, qui se situait sous la protection des \u00c9tats-Unis \u00e9taient tr\u00e8s limit\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Dans les ann\u00e9es 1980, la Chine a commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9velopper des ambitions de puissance \u00e0 l\u2019\u00e9chelle mondiale. Cela correspond au moment o\u00f9 sa croissance \u00e9conomique s\u2019est fortement acc\u00e9l\u00e9r\u00e9e, et avec elle, ses besoins en p\u00e9trole. Dans les ann\u00e9es 1990, l\u2019Arabie saoudite est devenue une source de p\u00e9trole importante pour la Chine.<\/p>\n\n\n\n

Les relations sino-saoudiennes ont cependant r\u00e9ellement commenc\u00e9 \u00e0 se d\u00e9velopper apr\u00e8s la visite du roi Abdallah en Chine, en 2006, et les visites du pr\u00e9sident Hu Jintao \u00e0 Riyad en 2006 et 2009. Le commerce et les investissements entre les deux pays ont fortement augment\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Le d\u00e9veloppement de cette relation est \u00e0 mettre en parall\u00e8le avec les tensions croissantes qui ont \u00e9merg\u00e9 entre l\u2019Arabie saoudite et son alli\u00e9 principal, les Etats-Unis. Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqu\u00e9 un tournant dans les relations entre Washington et Riyad \u2013 15 terroristes sur les 19 \u00e9taient des citoyens saoudiens. La r\u00e9action des Etats-Unis face aux Printemps arabes en 2011, et notamment le choix de l\u2019administration Obama de ne pas voler au secours du r\u00e9gime de Moubarak en \u00c9gypte, a fortement alarm\u00e9 les pays du Golfe quant la fid\u00e9lit\u00e9 de leur alli\u00e9 en cas de crise. Plus tard, en 2015, la signature du trait\u00e9 sur le nucl\u00e9aire iranien a \u00e9t\u00e9 per\u00e7u comme une trahison par l\u2019Arabie saoudite. Cela a pouss\u00e9 l\u2019Arabie saoudite \u00e0 diversifier ses partenariats avec d\u2019autres puissances, notamment la Chine.<\/p>\n\n\n\n

Dans le m\u00eame temps, l\u2019explosion de l\u2019industrie du p\u00e9trole de schiste aux Etats-Unis a contribu\u00e9 \u00e0 rendre l\u2019\u00e9conomie am\u00e9ricaine moins d\u00e9pendante du p\u00e9trole saoudien. La Chine est devenue le premier importateur mondial de p\u00e9trole devant les Etats-Unis en 2016.<\/p>\n\n\n\n

Romain Aby<\/strong> <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> : Sur le plan historique, la relation sino-saoudienne \u00e9tait quasi inexistante jusqu\u2019aux ann\u00e9es 1990. En effet, avant 1990 (date de l\u2019officialisation des relations bilat\u00e9rales) il y avait des fractures politique et religieuse notables et jug\u00e9es comme insurmontables pour les autorit\u00e9s saoudiennes. Le fait que le r\u00e9gime chinois soit communiste et ath\u00e9e emp\u00eachait le pouvoir saoudien \u00e0 un quelconque rapprochement avec P\u00e9kin. De plus, l\u2019Arabie saoudite (alli\u00e9 historique des \u00c9tats-Unis) entretenait de tr\u00e8s bonnes relations avec Ta\u00efwan, de telle sorte que s\u2019il n\u2019y avait pas eu ces liens importants entre ces deux pays, il y aurait probablement eu un rapprochement plus t\u00f4t. Dans les ann\u00e9es 1980, la Chine a tent\u00e9 de court circuiter les r\u00e9seaux de Ta\u00efwan au sein m\u00eame du royaume saoudien. Un contrat d\u2019armement (des missiles balistiques) est n\u00e9goci\u00e9 par l\u2019Arabie saoudite avec la Chine dans le dos des \u00c9tats-Unis, au cours des ann\u00e9es 1980. Ce travail de sape chinois marque la fin des relations de Riyad avec Taipei et l\u2019officialisation de l\u2019ouverture de relations diplomatiques entre Riyad et P\u00e9kin.<\/p>\n\n\n\n

La relation sino-saoudienne se d\u00e9veloppe en trois temps :<\/p>\n\n\n\n

  1. Dans cette nouvelle relation, les ann\u00e9es 1990 sont caract\u00e9ris\u00e9es par un rapprochement entre les deux r\u00e9gimes symbolis\u00e9 par une succession de visites officielles avec comme point majeur, la visite du pr\u00e9sident chinois Jiang Zemin \u00e0 Riyad, en 1999. Lors de cette venue, un partenariat strat\u00e9gique sur le p\u00e9trole est sign\u00e9, la relation sino-saoudienne prend un nouveau tournant avec une mont\u00e9e rapide des \u00e9changes p\u00e9troliers. Pour P\u00e9kin, il \u00e9tait vital de trouver un producteur p\u00e9trolier fiable et capable de suivre le rythme de sa croissance \u00e9conomique. Il est \u00e0 noter que dans les ann\u00e9es 1990 le p\u00e9trole n\u2019\u00e9tait pas central dans la relation bilat\u00e9rale, mais ceci va rapidement changer.<\/li>
  2. Dans les ann\u00e9es 2000, la relation se d\u00e9veloppe autour de deux axes. D\u2019une part, le pilier de la relation r\u00e9sulte d\u00e9sormais du partenariat p\u00e9trolier. D\u2019autre part, la relation entre les deux pays s\u2019\u00e9largit \u00e0 d\u2019autres partenariats strat\u00e9giques. Les attentats du 11 septembre 2001 repr\u00e9sentent, en effet, un moment de tensions majeures entre Riyad et Washington. Dans ce contexte, de plus en plus de liens sont nou\u00e9s entre les milieux d\u2019affaires saoudiens et les march\u00e9s chinois. L\u2019arriv\u00e9e sur le tr\u00f4ne du roi Abdallah en 2005 accentue cette ouverture de l\u2019Arabie saoudite \u00e0 l\u2019Asie. Ce processus s\u2019int\u00e8gre dans une dynamique, initi\u00e9e en 2001, qui t\u00e9moigne de la volont\u00e9 du r\u00e9gime saoudien de contrebalancer sur un plan diplomatique l\u2019ultra-d\u00e9pendance \u00e0 l\u2019alli\u00e9 am\u00e9ricain, il s\u2019agit donc principalement de trouver une carte diplomatique compl\u00e9mentaire.   <\/li>
  3. Le temps qui s\u2019ouvre \u00e0 partir de 2011 et des r\u00e9volutions arabes, marque la volont\u00e9 de P\u00e9kin d\u2019exister par de nouveaux biais. La Chine, d\u00e9sormais puissance \u00e9conomique \u00e9merg\u00e9e, axe en partie sa politique sur le d\u00e9veloppement de son soft power<\/em> dans le Golfe en s\u2019inspirant par exemple du mod\u00e8le russe dans le cybermonde arabophone (RT Arabic et Sputnik). Elle essaye de d\u00e9velopper sa pr\u00e9sence par la voie culturelle, en ouvrant sa cha\u00eene CCTV en arabe et en d\u00e9veloppant des liens dans le domaine de la recherche\u2026 Le r\u00e9gime chinois poursuit la volont\u00e9 de devenir plus qu\u2019un simple alli\u00e9 \u00e9conomique pour Riyad, il souhaite se montrer comme une possible alternative aux \u00c9tats-Unis et devenir un potentiel vecteur de puissance dans la r\u00e9gion sur le plan s\u00e9curitaire.        <\/li><\/ol>\n\n\n\n

    Dans quels cadres s\u2019inscrit aujourd\u2019hui la relation entre les deux \u00c9tats ?<\/h3>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> L\u2019Arabie saoudite est le dernier pays arabe \u00e0 avoir officialis\u00e9 ses relations diplomatiques avec la Chine mais c\u2019est l\u2019\u00c9tat qui s\u2019est rapidement affirm\u00e9 comme son premier partenaire dans la r\u00e9gion. Pour le r\u00e9gime saoudien, il y a un besoin et une volont\u00e9 de trouver des alternatives aux \u00c9tats-Unis. Dans le Golfe, la carte russe n\u2019est pas autant pr\u00e9sente dans les esprits qu\u2019au Proche-Orient. Ce sont les Chinois qui sont per\u00e7us comme une alternative viable aux \u00c9tats-Unis. De 2003 \u00e0 2007, l\u2019Union europ\u00e9enne \u00e9tait per\u00e7ue comme un autre choix possible mais elle ne l\u2019a \u00e9t\u00e9 que sur un plan \u00e9conomique. Le d\u00e9bat c\u2019est ainsi recentr\u00e9 sur la Chine qui appara\u00eet comme l\u2019alternative la plus probable. Dans les discours qui \u00e9manent du Golfe, notamment \u00e0 travers l\u2019ensemble des m\u00e9dias r\u00e9gionaux c\u2019est l\u2019analyse qui appara\u00eet tr\u00e8s souvent, mais il faut ici s\u00e9parer le fantasme de la r\u00e9alit\u00e9, seul l\u2019avenir nous dira quel r\u00f4le occupera la Chine.<\/p>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> Les deux pays ont sign\u00e9 un partenariat strat\u00e9gique global- Comprehensive Strategic Partnership- en 2016, lors de la visite de Xi Jinping en Arabie saoudite. Ils ont rapidement d\u00e9velopp\u00e9 leurs relations \u00e9conomiques, mais aussi politiques et, dans une moindre mesure, militaires, ces dix derni\u00e8res ann\u00e9es. La Chine est le premier partenaire commercial de l\u2019Arabie saoudite. Le p\u00e9trole est un pilier de cette relation. Mais c\u2019est une relation qui est devenue plus politique et strat\u00e9gique ces derni\u00e8res ann\u00e9es. MbS est retourn\u00e9 rencontrer Xi Jinping en Chine en 2019, quelques mois apr\u00e8s le scandale Khashoggi. L\u2019Arabie saoudite a introduit l\u2019apprentissage du chinois \u00e0 l\u2019\u00e9cole et il y a un nombre accru d\u2019\u00e9changes universitaires et culturels. Sur le plan militaire, l\u2019Arabie saoudite reste tr\u00e8s proche des Etats-Unis, mais ach\u00e8te du mat\u00e9riel militaire chinois, notamment des missiles balistiques, et a donn\u00e9 son accord pour ouvrir la premi\u00e8re usine chinoise de drones. La Chine a par ailleurs organis\u00e9 des exercices navals avec l\u2019Arabie saoudite \u00e0 Jeddah, en novembre 2019.<\/p>\n\n\n\n

    Quels int\u00e9r\u00eats trouvent ces deux pays dans le d\u00e9veloppement de cette relation ?<\/h3>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> Le pilier de la relation entre l\u2019Arabie saoudite et la Chine aujourd\u2019hui est le p\u00e9trole. M\u00eame si la relation s\u2019est progressivement diversifi\u00e9e et approfondie, notamment sur les volets politique, culturel et s\u00e9curitaire, les \u00e9changes sont avant tout \u00e9conomiques, et les importations en \u00e9nergie constituent 67 % des importations totales de la Chine en provenance d\u2019Arabie saoudite. Pour l\u2019Arabie saoudite, dont la Chine est le premier importateur de p\u00e9trole mondial, l\u2019enjeu majeur est de compenser la chute des importations am\u00e9ricaines dues \u00e0 l\u2019explosion du p\u00e9trole de schiste aux Etats-Unis et de maintenir des revenus pour une \u00e9conomie encore tr\u00e8s d\u00e9pendante du p\u00e9trole. C\u00f4t\u00e9 chinois, il s\u2019agit de r\u00e9pondre aux besoins \u00e9nerg\u00e9tiques toujours croissants de son \u00e9conomie. L\u2019Arabie saoudite est devenue, avec la Russie, sa premi\u00e8re source d\u2019approvisionnement en p\u00e9trole.<\/p>\n\n\n\n

    Un autre volet int\u00e9ressant de la relation Chine-Arabie saoudite est la position strat\u00e9gique du royaume sur la mer Rouge, qui est un canal majeur pour le commerce maritime entre la Chine et l\u2019Europe. Maintenir la stabilit\u00e9 politique et s\u00e9curitaire de la r\u00e9gion est tr\u00e8s important pour les int\u00e9r\u00eats chinois.  <\/p>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> Pour le r\u00e9gime chinois la relation a pendant longtemps \u00e9t\u00e9 essentiellement bas\u00e9e sur le p\u00e9trole pour alimenter sa croissance \u00e9conomique. P\u00e9kin voit \u00e9galement dans l\u2019Arabie saoudite un des piliers r\u00e9gionaux qui poss\u00e8de de plus un rayonnement religieux important et qui est un relais majeur pour peser dans de nombreux dossiers aux Proche et Moyen-Orient. <\/p>\n\n\n\n

    Pour la diplomatie chinoise, il s\u2019agit d\u2019un v\u00e9ritable exercice d\u2019\u00e9quilibriste sur tous les dossiers r\u00e9gionaux, entre les p\u00f4les saoudien et iranien. Quand la situation devient tr\u00e8s compliqu\u00e9e la Chine revient au business. Le r\u00e9gime chinois d\u00e9veloppe l\u2019id\u00e9e qu\u2019il y a une place pour tout le monde sur son projet de Nouvelle Route de la Soie, les Iraniens se trouvent bien s\u00fbr sur le trac\u00e9 terrestre, pour les Saoudiens c\u2019est plus compliqu\u00e9. Au niveau terrestre, ils sont excentr\u00e9s au sud du trac\u00e9, mais en ce qui concerne le trac\u00e9 maritime cette nouvelle route longe ses c\u00f4tes de la mer Rouge. Une communication bilat\u00e9rale a \u00e9t\u00e9 d\u00e9velopp\u00e9e par l\u2019Arabie saoudite et la Chine mettant en avant l\u2019id\u00e9e que le projet chinois et la Vision 2030 saoudienne allaient de pair. Ainsi, certains projets industriels sino-saoudiens en bord de mer Rouge \u00e0 Yanbu ou \u00e0 Jizan sont pr\u00e9sent\u00e9s comme faisant partie de la nouvelle Route de la Soie. En r\u00e9alit\u00e9, ces projets \u00e9taient ant\u00e9rieurs \u00e0 l\u2019officialisation du projet de Nouvelle Route de la Soie mais ont \u00e9t\u00e9 assimil\u00e9s dans le discours m\u00e9diatique officiels des deux r\u00e9gimes pour cr\u00e9er du liant entre le projet saoudien et le projet chinois.<\/p>\n\n\n\n

    Pour les Saoudiens cette relation constitue une assurance de trouver un point de chute pour leur p\u00e9trole et de fid\u00e9liser un client s\u2019inscrivant dans un partenariat p\u00e9trolier de long terme. C\u2019est aussi une mani\u00e8re de diversifier ses alliances et ses fournisseurs surtout dans le contexte actuel de repli sur soi de l\u2019alli\u00e9 historique am\u00e9ricain qui devient autonome sur le plan \u00e9nerg\u00e9tique.<\/p>\n\n\n\n

    \n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

    Comment la Chine per\u00e7oit-elle la place et l\u2019action de l\u2019Arabie saoudite dans la r\u00e9gion ? Dans quel cadre investit-elle cette relation ?    <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> L\u2019Arabie saoudite a longtemps \u00e9t\u00e9 un interlocuteur cl\u00e9 de la Chine dans la r\u00e9gion. Elle fait partie des rares pays du Moyen-Orient avec l\u2019\u00c9gypte, l\u2019Iran et l\u2019Alg\u00e9rie d\u00e8s 2016, puis 2018 pour les EAU \u00e0 avoir un Comprehensive Strategic Partnership avec la Chine, qui repr\u00e9sente le plus haut niveau de partenariat avec P\u00e9kin. La Chine per\u00e7oit l\u2019Arabie saoudite comme un acteur majeur. La relation du royaume avec les \u00c9tats-Unis en font \u00e0 la fois un partenaire compliqu\u00e9 pour P\u00e9kin qui est conscient que l\u2019Arabie saoudite n\u2019est pas pr\u00eate de mettre en danger sa relation avec les USA pour la Chine, et en m\u00eame temps strat\u00e9gique car en s\u2019en rapprochant, la Chine touche directement aux int\u00e9r\u00eats am\u00e9ricains dans la r\u00e9gion. Ces toutes derni\u00e8res ann\u00e9es, la centralit\u00e9 de l\u2019Arabie saoudite a cependant \u00e9t\u00e9 l\u00e9g\u00e8rement \u00e9clips\u00e9e par la mont\u00e9e des \u00c9mirats arabes unis. Les EAU ont tr\u00e8s activement cherch\u00e9 \u00e0 attirer l\u2019attention de la Chine. Ils ont beaucoup mis en sc\u00e8ne la relation entre Mohammed bin Zayed Al-Nahyan (MbZ) et Xi Jinping lors de la visite de ce dernier en 2018. Ils ont envoy\u00e9 une d\u00e9l\u00e9gation de plus haut niveau lors du Forum de la BRI (Belt and Road Initiative nomm\u00e9e en fran\u00e7ais Nouvelle Route de la Soie) en 2019. Ils ont \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s proactifs dans leur soutien \u00e0 la Chine pendant la crise du Covid-19. En parall\u00e8le, les politiques tr\u00e8s muscl\u00e9es et impr\u00e9visibles de MbS ces derni\u00e8res ann\u00e9es notamment lors de la crise avec le Qatar, la guerre au Y\u00e9men etc\u2026 ont fait naitre quelques doutes \u00e0 P\u00e9kin sur la viabilit\u00e9 de l\u2019Arabie saoudite comme partenaire.<\/p>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> La Chine per\u00e7oit l\u2019Arabie saoudite comme un acteur r\u00e9gional majeur qui doit \u00eatre pris en compte dans le d\u00e9veloppement de sa diplomatie au Moyen-Orient et avec les pays arabes. Toutefois, le r\u00e9gime chinois ne voit pas dans l\u2019Arabie saoudite un acteur r\u00e9gional sup\u00e9rieur, qui serait au centre de tout, contrairement \u00e0 ce que les Saoudiens ont tendance \u00e0 penser. Du point de vue chinois c\u2019est \u00e9galement le caract\u00e8re religieux du royaume saoudien qui ressort. Avoir acc\u00e8s \u00e0 l\u2019Arabie saoudite c\u2019est en quelque sorte se rendre audible dans bon nombre d\u2019\u00e9tats arabes sunnites de la r\u00e9gion.<\/p>\n\n\n\n

    Ces deux \u00c9tats se pr\u00e9occupent-ils des affaires int\u00e9rieures de l\u2019autre pays ? <\/h3>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> C\u2019est un facteur important dans la relation d\u00e9velopp\u00e9e par les deux \u00c9tats. L\u2019Arabie saoudite est attir\u00e9e par le fait que la Chine ne cr\u00e9e pas d\u2019interf\u00e9rences dans les affaires int\u00e9rieures au royaume. Les deux \u00c9tats sont tr\u00e8s satisfaits de cette situation, avec la construction d\u2019une relation bilat\u00e9rale qui n\u2019est pas conditionn\u00e9e par des sujets internes. Par exemple, l\u2019Arabie saoudite du fait de sa place centrale au sein du monde musulman, pourrait (en th\u00e9orie) se pr\u00e9occuper du sort des Ou\u00efghours, mais elle ne le fait pas officiellement. Ce sujet est ainsi peu couvert par les m\u00e9dias saoudiens, il est juste relay\u00e9 lorsque la question appara\u00eet massivement dans la presse internationale mais il s\u2019agit rarement d\u2019articles originaux. La volont\u00e9 de pr\u00e9server le pouvoir chinois est vraiment notable. Dans cette relation les int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques priment sur le reste. De m\u00eame, tous les contrats compliqu\u00e9s sont pass\u00e9s sous silence par les m\u00e9dias nationaux des deux pays.      <\/p>\n\n\n\n

    Camille Lons : <\/strong>La Chine insiste beaucoup sur les principes de non-intervention dans les affaires domestiques et de respect de la souverainet\u00e9. Cela fait d\u2019ailleurs partie des \u00e9l\u00e9ments qui s\u00e9duisent des r\u00e9gimes comme l\u2019Arabie saoudite, qui per\u00e7oivent les pressions des puissances occidentales sur leur traitement des droits de l\u2019Homme comme hypocrites et condescendants. En retour, cela met l\u2019Arabie saoudite dans une position d\u00e9licate vis-\u00e0-vis du traitement que la Chine fait de ses minorit\u00e9s musulmanes, notamment les Ou\u00efghours. L\u2019Arabie saoudite s\u2019est toujours positionn\u00e9e en leader du monde musulman et d\u00e9fenseur des musulmans discrimin\u00e9s dans le monde. Son silence forc\u00e9 sur la question des Ou\u00efghours est tr\u00e8s probl\u00e9matique en termes d\u2019image, aussi bien aupr\u00e8s de sa propre population que dans le reste du monde musulman.<\/p>\n\n\n\n

    Entre pays du Conseil de Coop\u00e9ration du Golfe, y-a-t-il une comp\u00e9tition vis-\u00e0-vis de la Chine d\u2019ordre \u00e9conomique ou strat\u00e9gique ?<\/h3>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> Les pays du CCG voient l\u2019importance de la Chine principalement sous l\u2019angle \u00e9conomique, la comp\u00e9tition est forte pour attirer l\u2019attention des entreprises chinoises. Sur le plan strat\u00e9gique, il y a un sentiment fort que l\u2019ordre mondial et r\u00e9gional est en train de changer, et que la Chine va jouer un r\u00f4le croissant, mais cela reste encore tr\u00e8s embryonnaire et incertain.<\/p>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> Dans mes recherches, je n\u2019ai pas per\u00e7u de r\u00e9elle comp\u00e9tition entre pays du Conseil de Coop\u00e9ration du Golfe, sur ce point, la comp\u00e9tition existe avant tout pour l\u2019Arabie saoudite avec l\u2019Iran. La seule rivalit\u00e9 potentielle qu\u2019il pourrait y avoir c\u2019est avec les \u00c9mirats arabes unis. Il y a une forte pr\u00e9sence chinoise dans ce pays, mais les deux \u00c9tats n\u2019adoptent pas la m\u00eame strat\u00e9gie dans leur approche de la Chine.<\/p>\n\n\n\n

    D\u2019apr\u00e8s vous, quel est le principal enjeu \u00e0 venir dans cette relation sino-saoudienne ?<\/h3>\n\n\n\n

    Romain Aby : <\/strong>Honn\u00eatement, le principal enjeu demeure l\u2019approfondissement des liens nou\u00e9s entre les deux pays. Il s\u2019agit de cr\u00e9er du liant entre les projets \u00e9conomiques saoudien de Vision 2030<\/em> <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> et chinois de Nouvelle Route de la Soie en traduisant ce qui appara\u00eet comme th\u00e9orique, en concret. L\u2019objectif pour les deux pays est de trouver de vrais projets de partenariats en Arabie saoudite et m\u00eame en Chine sur le long terme. Il est \u00e0 ce titre int\u00e9ressant d\u2019observer, \u00e0 moyen terme, l\u2019\u00e9volution des entreprises saoudiennes qui ont investi ces derni\u00e8res ann\u00e9es de l\u2019argent dans les raffineries chinoises pour traiter le p\u00e9trole lourd, ce que les Chinois ne savent pas bien faire. Par ailleurs, il s\u2019agit \u00e9galement de renforcer des partenariats sur le plan culturel. Jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, cela n\u2019avance pas beaucoup notamment dans les partenariats universitaires mais il existe une r\u00e9elle envie de cr\u00e9er un projet sur le long terme dans le but de nouer des liens solides.<\/p>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> Le principal enjeu va se trouver autour des \u00e9volutions des conditions \u00e9conomiques dans le Golfe. La relation est principalement \u00e9conomique, et principalement centr\u00e9e sur le p\u00e9trole, c\u2019est sans doute l\u00e0 sa fragilit\u00e9 principale. La Chine est consciente des risques de reposer trop fortement sur des importations de p\u00e9trole venant d\u2019une r\u00e9gion instable politique. Elle fait des efforts croissants pour diversifier ses sources \u00e9nerg\u00e9tiques, sa d\u00e9pendance \u00e9nerg\u00e9tique envers l\u2019Arabie saoudite a \u00e9t\u00e9 r\u00e9duite de 20.7 % \u00e0 10.7 % entre 2009 et 2018. Le monde entier est en train de chercher des sources d\u2019\u00e9nergies plus renouvelables. Le Golfe a beau tenter de pr\u00e9parer l\u2019apr\u00e8s-p\u00e9trole, il est possible que l\u2019Arabie saoudite ne reste pas \u00e9ternellement un pays strat\u00e9gique pour l\u2019\u00e9conomie mondiale comme elle a pu l\u2019\u00eatre ces derni\u00e8res d\u00e9cennies. Et dans ce cas, sa relation avec la Chine d\u00e9clinerait aussi.<\/p>\n\n\n\n

    \n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \"la\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

    L<\/strong>a Chine peut-elle mettre la crise du Covid-19 a son profit dans sa relation avec l\u2019Arabie saoudite ? <\/h3>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> Il est encore trop t\u00f4t pour savoir comment la crise du Covid-19 va se d\u00e9velopper dans les mois qui viennent. La Chine a lanc\u00e9 une grande offensive m\u00e9diatique et humanitaire pour tenter d\u2019appara\u00eetre comme un acteur positif dans cette crise, et amenuiser la vague de sentiment anti-chinois que l\u2019\u00e9pid\u00e9mie avait initialement g\u00e9n\u00e9r\u00e9 dans certains pays <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En Arabie saoudite comme partout, l\u2019\u00e9pid\u00e9mie a g\u00e9n\u00e9r\u00e9 quelques manifestations de m\u00e9fiance ou de racisme anti-chinois, mais qui ont \u00e9t\u00e9 rapidement jugul\u00e9es. De mani\u00e8re plus importante, la crise a surtout d\u00e9clench\u00e9 une guerre des prix du p\u00e9trole entre l\u2019Arabie saoudite et la Russie, qui pourrait \u00eatre b\u00e9n\u00e9fique \u00e0 la Chine \u2013 des prix du p\u00e9trole plus bas vont sans doute amortir le co\u00fbt \u00e9conomique de la crise.<\/p>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> Il est \u00e0 l\u2019heure actuelle tr\u00e8s compliqu\u00e9 de r\u00e9pondre \u00e0 cette question, mais ce que l\u2019on voit pour le moment c\u2019est qu\u2019il y a un exercice de rapprochement qui est mis en sc\u00e8ne par les m\u00e9dias nationaux \u00e0 travers la distribution d\u2019aides. Lorsque la crise sanitaire frappait la Chine, l\u2019Arabie saoudite apportait de l\u2019aide \u00e0 P\u00e9kin et lorsque la pand\u00e9mie a \u00e9clat\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9chelle mondiale, c\u2019est la Chine qui a fourni du mat\u00e9riel au r\u00e9gime saoudien. Au-del\u00e0 de cette communication positive, il appara\u00eet dans les m\u00e9dias du Golfe et sur les r\u00e9seaux sociaux des discours qui mettent en avant le fait que la Chine va sortir comme la grande gagnante de cette pand\u00e9mie parce qu\u2019elle a pris des mesures strictes de confinement tandis que les Occidentaux, au premier rang desquels les \u00c9tats-Unis, seront encore sous la vague parce qu\u2019ils ont tard\u00e9 \u00e0 r\u00e9agir face \u00e0 la crise sanitaire. Ce n\u2019est que sp\u00e9culatif mais c\u2019est ce qui appara\u00eet pour l\u2019instant. Au-del\u00e0 du renforcement \u00e9conomique, ce qui est pr\u00e9sent dans de nombreux esprits de la r\u00e9gion c\u2019est que la Chine pourrait se substituer dans la zone aux \u00c9tats-Unis. En r\u00e9alit\u00e9, ce n\u2019est pas le cas parce que la Chine n\u2019a pas les capacit\u00e9s sur le plan militaire de Washington, de plus, elle reste encore suffisamment \u00e9loign\u00e9e des enjeux politiques du Moyen-Orient. Par contre, le renforcement \u00e9conomique de la Chine est tr\u00e8s probable, la situation actuelle va vraisemblablement avoir comme effet une acc\u00e9l\u00e9ration du processus \u00e9conomique engag\u00e9 par la Chine dans le Golfe lors des vingt derni\u00e8res ann\u00e9es, mais elle aura somme toute peu d\u2019impact en termes politique et militaire.   <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

    \u00c0 l\u2019\u00e9chelle internationale, l\u2019Arabie saoudite est souvent \u00e9tudi\u00e9e au travers d\u2019un regard occidentalo-centr\u00e9 et plus sp\u00e9cifiquement de sa relation privil\u00e9gi\u00e9e avec son alli\u00e9 historique, les \u00c9tats-Unis, ou encore, dans son r\u00f4le de puissance r\u00e9gionale face \u00e0 l\u2019Iran. Une relation reste jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent moins analys\u00e9e  : les rapports croissants qu\u2019entretient l\u2019Arabie saoudite, depuis les ann\u00e9es 1990, avec la Chine. Afin d\u2019aborder ce sujet nous avons fait appel \u00e0 deux grands sp\u00e9cialistes de cette question  : Camille Lons (IISS) et Romain Aby (Rumi Consulting). <\/p>\n","protected":false},"author":175,"featured_media":67874,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-studies.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[],"geo":[530,531],"class_list":["post-72663","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-uncategorised","staff-raphael-le-magoariec","geo-asie-intermediaire","geo-chine"],"acf":[],"yoast_head":"\nChine-Arabie saoudite, meilleurs amis? | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/05\/14\/chine-arabie-saoudite-meilleurs-amis\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Chine-Arabie saoudite, meilleurs amis? | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"\u00c0 l\u2019\u00e9chelle internationale, l\u2019Arabie saoudite est souvent \u00e9tudi\u00e9e au travers d\u2019un regard occidentalo-centr\u00e9 et plus sp\u00e9cifiquement de sa relation privil\u00e9gi\u00e9e avec son alli\u00e9 historique, les \u00c9tats-Unis, ou encore, dans son r\u00f4le de puissance r\u00e9gionale face \u00e0 l\u2019Iran. 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    Du point de vue de l\u2019Arabie saoudite, comment per\u00e7oit-elle les relations multipolaires entretenues par la Chine au Moyen-Orient et plus particuli\u00e8rement dans le Golfe avec l\u2019Iran ? <\/h3>\n\n\n\n

    Romain Aby :<\/strong> Il y a une forme d\u2019alignement g\u00e9n\u00e9ral du discours officiel, des m\u00e9dias et de la population saoudienne, tous ont pour id\u00e9e que la Chine est plus proche des Arabes du Golfe que de l\u2019Iran dont P\u00e9kin peut se passer. La Chine est vue comme un partenaire indiscutable des Arabes. C\u2019est une vue de l\u2019esprit parce que la diplomatie chinoise n\u2019appr\u00e9hende pas les choses de cette fa\u00e7on.<\/p>\n\n\n\n

    Camille Lons :<\/strong> L\u2019Arabie saoudite ne s\u2019offusque pas de la relation que la Chine entretient avec T\u00e9h\u00e9ran. Les Saoudiens acceptent parfaitement la ligne d\u2019\u00e9quilibre et de non-intervention que maintient P\u00e9kin, ils acceptent que la relation soit avant tout \u00e9conomique. Mais quelque part, cela tient aussi au fait qu\u2019ils en attendent moins de la Chine que des Etats-Unis quand il s\u2019agit de s\u00e9curit\u00e9 r\u00e9gionale. Par contre, cela ne les emp\u00eache pas de tenter \u00e0 tout prix de renforcer la d\u00e9pendance \u00e9conomique et \u00e9nerg\u00e9tique de la Chine, pour \u00e9ventuellement faire pencher la balance politique en leur faveur, m\u00eame s\u2019ils ne s\u2019attendent pas \u00e0 ce que P\u00e9kin tourne le dos un jour \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La guerre des prix du p\u00e9trole actuellement et les r\u00e9ductions accord\u00e9es \u00e0 leurs clients asiatiques fait partie de cette strat\u00e9gie g\u00e9o-\u00e9conomique de Riyad. <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n