{"id":68759,"date":"2020-04-16T22:01:53","date_gmt":"2020-04-16T20:01:53","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=68759"},"modified":"2020-04-17T12:08:44","modified_gmt":"2020-04-17T10:08:44","slug":"quelle-place-pour-le-green-deal-dans-la-relance-economique-europeenne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/04\/16\/quelle-place-pour-le-green-deal-dans-la-relance-economique-europeenne\/","title":{"rendered":"Quelle place pour le Green Deal dans la relance \u00e9conomique europ\u00e9enne ?"},"content":{"rendered":"\n
Bruxelles. <\/em>Treize ministres de l\u2019environnement europ\u00e9ens, dont les ministres fran\u00e7ais, allemand et italien, ont appel\u00e9 le 9 avril \u00e0 mettre le Green Deal au c\u0153ur de la relance \u00e9conomique europ\u00e9enne <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Alors que l\u2019Europe est confin\u00e9e et que plusieurs pays n\u2019ont pas encore pass\u00e9 leur pic \u00e9pid\u00e9mique, l\u2019Union europ\u00e9enne pr\u00e9pare d\u00e9j\u00e0 l\u2019apr\u00e8s. Apr\u00e8s avoir re\u00e7u des critiques au d\u00e9but de la pand\u00e9mie, l\u2019Union s\u2019attelle \u00e0 organiser la solidarit\u00e9 europ\u00e9enne<\/a> dans la r\u00e9ponse sanitaire (\u00e9quipement m\u00e9dical, tests, traitements et recherche d\u2019un vaccin). L\u2019UE doit \u00e9galement organiser avec les \u00c9tats membres le soutien de l\u2019\u00e9conomie et le sauvetage de certains secteurs durement touch\u00e9s par la crise (aviation, automobile, tourisme, restauration). Se pose alors la question des mesures de relance ad\u00e9quates \u00e0 mettre en oeuvre et de leur impact sur le climat et la biodiversit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Cinq jours apr\u00e8s la tribune des ministres de l\u2019environnement, un collectif de 180 personnalit\u00e9s politiques, dirigeants d\u2019ONG et chefs d\u2019entreprise (avec quelques invit\u00e9s surprise : Unilever, H&M, Coca-Cola…) a lanc\u00e9 un appel pour cr\u00e9er une alliance europ\u00e9enne pour une relance verte <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Il est transpartisan (des d\u00e9put\u00e9s europ\u00e9ens socialistes, lib\u00e9raux et verts de premier plan en font partie) et est men\u00e9 par le pr\u00e9sident de la commission environnement au Parlement europ\u00e9en Pascal Canfin. Ce collectif demande de \u00ab construire les plans de relance nationaux et europ\u00e9ens en inscrivant la lutte contre le changement climatique au c\u0153ur du moteur \u00e9conomique \u00bb. Le Parlement europ\u00e9en pr\u00e9pare en parall\u00e8le une r\u00e9solution qui souligne que le Green Deal doit \u00eatre au centre de la reconstruction de l\u2019\u00e9conomie, pour la rendre plus r\u00e9siliente et cr\u00e9er des emplois.<\/p>\n\n\n\n Ces initiatives s\u2019ajoutent aux appels \u00e0 b\u00e2tir un \u00ab monde d\u2019apr\u00e8s \u00bb plus juste et plus r\u00e9silient qui \u00e9manent de toutes parts et \u00e0 toutes \u00e9chelles : associations sociales et environnementales (WWF, Croix-Rouge, Greenpeace), d\u00e9put\u00e9s nationaux (en France, voir la plateforme Le jour d\u2019apr\u00e8s<\/a>) ou encore acteurs du monde \u00e9conomique (plateforme reCOVery). Ces v\u0153ux vont-ils rester pieux ou la transition \u00e9cologique va-t-elle effectivement avoir une place majeure dans la relance \u00e9conomique ? <\/p>\n\n\n\n Jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, nombre d\u2019entreprises et de lobbies se sont fait remarquer en demandant un assouplissement des r\u00e8gles environnementales (limites d\u2019\u00e9missions critiqu\u00e9es par le lobby automobile, offensive des lobbys de la plasturgie pour vanter les m\u00e9rites sanitaires du plastique \u00e0 usage unique). De nombreuses grandes entreprises ont rejoint l\u2019alliance pour une relance verte de Pascal Canfin, synonyme d\u2019investissements verts, mais font du lobbying en coulisse pour repousser les autres mesures du Green Deal, via BusinessEurope et l\u2019AFEP par exemple <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Les principales mesures d\u2019urgence mises en place, les garanties de pr\u00eat et les reports de charge, sont propos\u00e9s sans distinction \u00e0 toutes les entreprises affect\u00e9es. L\u2019Italie a ainsi nationalis\u00e9 la compagnie a\u00e9rienne Alitalia, en grande difficult\u00e9 financi\u00e8re suite au confinement. Le secteur a\u00e9rien \u00e9tant massivement touch\u00e9<\/a>, d\u2019autres compagnies europ\u00e9ennes devront probablement \u00eatre sauv\u00e9es. La Su\u00e8de va par exemple accorder pr\u00e8s d\u2019un demi-milliard d\u2019euros de garanties de pr\u00eats aux compagnies op\u00e9rant dans son espace a\u00e9rien <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>, en b\u00e9n\u00e9ficiant d\u2019un all\u00e8gement des r\u00e8gles europ\u00e9ennes d\u2019aides d\u2019Etat. Or, le secteur a\u00e9rien a des \u00e9missions en forte croissance et est faiblement tax\u00e9 par rapport aux autres moyens de transport, comme le montre une \u00e9tude de la Commission sortie en 2019 <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La question des contreparties \u00e0 ces sauvetages (qui apparaissent n\u00e9cessaire en termes d\u2019emplois) va donc se poser. A l\u2019instar de l\u2019\u00e9conomiste Dirk Schoenmaker, de nombreuses voix appellent \u00e0 assortir ces aides d\u2019Etat ou garanties octroy\u00e9es dans le cadre de la relance post-COVID de conditions environnementales, afin d\u2019acc\u00e9l\u00e9rer la mise en oeuvre du Green Deal <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Selon les orientations du Conseil europ\u00e9en du 26 mars <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>, la relance \u00e9conomique devrait en outre favoriser les industries de la transition \u00e9nerg\u00e9tique comme les transports bas-carbone ou l\u2019efficacit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique. La Commission europ\u00e9enne entend ainsi faire de sa \u00ab Vague de r\u00e9novation \u00e9nerg\u00e9tique \u00bb un pilier de la relance post-COVID. L\u2019Institut pour l\u2019\u00e9conomie du climat (I4CE) a propos\u00e9 un plan de relance pour la France de 7 milliards d\u2019euros par an, qui comprend des investissements publics dans les b\u00e2timents publics et le transport, l\u2019obligation de travaux de r\u00e9novation \u00e9nerg\u00e9tique et un certain nombre d\u2019outils financiers <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Un financement de taille critique sera toutefois n\u00e9cessaire pour assurer le renforcement de l\u2019 \u00e9conomie. Les investissements europ\u00e9ens d\u00e9pendront de la capacit\u00e9 des pays \u00e0 se mettre d\u2019accord sur un budget ambitieux pour la relance. <\/p>\n\n\n\n La pr\u00e9sidente de la Commission europ\u00e9enne Ursula von der Leyen a remis au centre du d\u00e9bat le Cadre financier pluriannuel, qui doit fixer le budget de l\u2019UE de 2021 \u00e0 2027, et devrait en faire une nouvelle proposition le 29 avril. Le 22 f\u00e9vrier dernier, les chefs d\u2019Etats europ\u00e9ens r\u00e9unis au Conseil n\u2019avaient en effet pas r\u00e9ussi \u00e0 se mettre d\u2019accord sur celui-ci. Les quatre \u00c9tats dits \u00ab frugaux \u00bb (Autriche, Pays-Bas, Su\u00e8de et Danemark), appuy\u00e9s par l\u2019Allemagne, avaient alors refus\u00e9 de combler le trou laiss\u00e9 par la sortie du Royaume-Uni et demandaient \u00e0 restreindre le budget en-dessous de 1 % du PIB. A l\u2019inverse, les Etats du Sud et de l\u2019Est et le Parlement europ\u00e9en soutenaient un budget plus ambitieux, \u00e0 hauteur de 1,3 % du PIB. Un mois et demi apr\u00e8s, en pleine pand\u00e9mie du COVID-19, l\u2019urgence de la crise rebat les cartes. Le budget sera plus important<\/a> et il contiendra probablement un fond d\u00e9di\u00e9 \u00e0 la pr\u00e9servation et \u00e0 la relance de l\u2019\u00e9conomie.<\/p>\n\n\n\n Certaines initiatives en cours au niveau europ\u00e9en pourront \u00eatre renforc\u00e9es pour participer \u00e0 la relance d\u2019apr\u00e8s-crise. Parmi les pistes consid\u00e9r\u00e9es, la Banque europ\u00e9enne d\u2019investissement, qui s\u2019est mu\u00e9e en \u201cBanque du climat\u201d, pourrait par exemple participer au financement des projets de transition \u00e9nerg\u00e9tique. Les projets importants d\u2019int\u00e9r\u00eat europ\u00e9en commun (Alliance pour les batteries, pour l\u2019hydrog\u00e8ne vert) devraient aussi \u00eatre favoris\u00e9s. De m\u00eame, plusieurs r\u00e9visions en cours de la l\u00e9gislation europ\u00e9enne pourraient \u00eatre adapt\u00e9es au contexte de relance verte. Tout d\u2019abord, la r\u00e9vision du cadre des aides d\u2019\u00c9tat pourrait introduire des conditions environnementales, comme propos\u00e9 pr\u00e9c\u00e9demment. La r\u00e9vision de la r\u00e9gulation des R\u00e9seaux transeurop\u00e9ens d\u2019\u00e9nergie devrait restreindre les investissements dans les infrastructures gazi\u00e8res<\/a>. Enfin, la r\u00e9vision du march\u00e9 de quotas d\u2019\u00e9missions de CO2<\/sub>, qui devait acc\u00e9l\u00e9rer la r\u00e9duction du plafond d\u2019\u00e9mission en accord avec les futurs objectifs climatiques pour 2030, pourrait inclure un prix plancher ou une r\u00e9forme de la r\u00e9serve de stabilit\u00e9 du march\u00e9, pour faire face \u00e0 la diminution actuelle du prix du carbone.<\/p>\n\n\n\n En plus des appels \u00e0 faire de la relance verte une source de croissance, le mod\u00e8le \u00e9conomique europ\u00e9en, fond\u00e9 sur la lib\u00e9ralisation des march\u00e9s et la mondialisation, est questionn\u00e9 en profondeur. Un d\u00e9couplage relatif<\/a> entre \u00e9missions de CO2<\/sub> et croissance \u00e9tant insuffisant, l\u2019impact \u00e9cologique de la relance \u00ab verte \u00bb sera remis en cause si celle-ci n\u2019est pas accompagn\u00e9e d\u2019un effort de sobri\u00e9t\u00e9. Emmanuel Macron, dans son allocution du 13 mars, nous enjoint d\u2019ailleurs peu ou prou de questionner le mod\u00e8le dit n\u00e9o-lib\u00e9ral en vigueur depuis plus de trente ans : \u00ab Il nous faudra b\u00e2tir une strat\u00e9gie o\u00f9 nous retrouverons le temps long, la possibilit\u00e9 de planifier, la sobri\u00e9t\u00e9 carbone, la pr\u00e9vention, la r\u00e9silience qui seuls peuvent permettre de faire face aux crises \u00e0 venir. \u00bb <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>\u00a0<\/p>\n\n\n\n En effet, une \u00e9conomie planifi\u00e9e, de long-terme, renvoie plut\u00f4t aux grandes entreprises publiques cr\u00e9atrices d\u2019industrie (EDF et le nucl\u00e9aire en France, la Deutsche Bahn et le train en Allemagne) qu\u2019\u00e0 la lib\u00e9ralisation des march\u00e9s de l\u2019\u00e9lectricit\u00e9 et du transport ferroviaire engag\u00e9e en Europe depuis les ann\u00e9es 90. De m\u00eame, la sobri\u00e9t\u00e9 carbone implique un changement du paradigme de la consommation de masse, ce qui cr\u00e9era des tensions in\u00e9vitables avec l\u2019imp\u00e9ratif de croissance qui demeure le r\u00e9f\u00e9rentiel central des gouvernants. Enfin, la r\u00e9silience du syst\u00e8me alimentaire et des cha\u00eenes de valeur industrielles sugg\u00e8re d\u2019envisager une reconfiguration de certaines productions. Cela pourrait passer par une relocalisation ou une diversification de certaines industries et de la production agricole, \u00e0 l\u2019inverse des d\u00e9localisations et des regroupements de production dans certaines zones g\u00e9ographiques qui se sont produits jusqu\u2019\u00e0 aujourd\u2019hui<\/a>.<\/p>\n\n\n\n \u00ab A la demande de bon sens : \u2018Relan\u00e7ons le plus rapidement possible la production\u2019, il faut r\u00e9pondre par un cri : \u2018Surtout pas !\u2019. La derni\u00e8re des choses \u00e0 faire serait de reprendre \u00e0 l\u2019identique tout ce que nous faisions avant. \u00bb, nous conseille le philosophe et sociologue Bruno Latour <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Une relance \u00e9conomique qui reproduirait la situation ant\u00e9rieure n\u2019est pas envisageable et une relance \u00e9conomique verte dont la transition \u00e9cologique serait l\u2019un des piliers pourrait \u00eatre insuffisante. Mais une planification d\u2019une industrie sobre et bas-carbone et de la r\u00e9duction progressive des activit\u00e9s carbon\u00e9es est-elle possible dans un contexte d\u2019Europe \u00e0 27 ?<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" En plein confinement, l\u2019Union europ\u00e9enne r\u00e9fl\u00e9chit d\u00e9j\u00e0 \u00e0 la relance de l\u2019\u00e9conomie. Alors que certains lobbies cherchent \u00e0 all\u00e9ger les r\u00e9glementations environnementales, de nombreuses initiatives appellent au contraire \u00e0 int\u00e9grer le Green Deal au c\u0153ur du plan de relance d\u2019apr\u00e8s-crise. Cette crise questionne par ailleurs le mod\u00e8le \u00e9conomique europ\u00e9en et ses potentielles failles, et pourrait mener \u00e0 une politique de r\u00e9silience et de sobri\u00e9t\u00e9 allant au-del\u00e0 d\u2019une relance verte.<\/p>\n","protected":false},"author":175,"featured_media":60727,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-briefings.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1730,2210],"tags":[2281],"geo":[534],"class_list":["post-68759","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-energie-et-environnement","category-sante-publique","tag-coronavirus","staff-hugo-sancho","geo-bulles"],"acf":[],"yoast_head":"\nEst-ce qu\u2019une relance verte est envisageable ?<\/strong><\/h4>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\nUne relance verte est-elle une bonne nouvelle pour le climat ?<\/strong><\/h4>\n\n\n\n