{"id":67027,"date":"2020-04-05T22:04:06","date_gmt":"2020-04-05T20:04:06","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=67027"},"modified":"2020-04-05T22:06:06","modified_gmt":"2020-04-05T20:06:06","slug":"de-nouvelles-etudes-sur-lhydroxychloroquine-quelle-evolution-de-ce-que-lon-sait","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/04\/05\/de-nouvelles-etudes-sur-lhydroxychloroquine-quelle-evolution-de-ce-que-lon-sait\/","title":{"rendered":"De nouvelles \u00e9tudes sur l\u2019hydroxychloroquine : quelle \u00e9volution de ce que l\u2019on sait ?"},"content":{"rendered":"\n

Paris<\/em>. La course contre la montre pour trouver un traitement contre SARS-Cov-2 pousse \u00e0 la r\u00e9alisation h\u00e2t\u00e9e d\u2019essais cliniques, quitte \u00e0 \u00e9corcher quelque peu les principes de la m\u00e9thode scientifique<\/a>, dans le but de trouver m\u00eame quelques signes qui pourraient faire na\u00eetre l\u2019espoir que la d\u00e9couverte, ou l\u2019identification d\u2019une substance d\u00e9j\u00e0 utilis\u00e9e pour d\u2019autres maladies comme potentiel traitement, est \u00e0 port\u00e9e de main.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, le caract\u00e8re exceptionnel de la situation n\u2019exempte pas les chercheurs de certains devoirs, et ne les font pas \u00e9chapper aux critiques du reste de la communaut\u00e9 scientifique s\u2019ils venaient \u00e0 ne pas les respecter. L\u2019\u00e9tude de Gautret et coll\u00e8gues<\/span>1<\/sup><\/a><\/span> n\u2019a pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 la r\u00e8gle, puisque la communication et la publicit\u00e9 qui ont suivi sa publication le 17 mars dernier ont donn\u00e9 lieu \u00e0 une pol\u00e9mique au cours de laquelle des d\u00e9bats propres au monde scientifique se sont \u00e9tal\u00e9es sur la place publique comme rarement auparavant jusqu\u2019\u00e0 devenir un v\u00e9ritable d\u00e9bat de soci\u00e9t\u00e9. L\u00e0 o\u00f9 hier, tout le monde ou presque avait un avis sur la r\u00e9forme des retraites ou l\u2019affaire Gr\u00e9gory, aujourd\u2019hui tout le monde ou presque y va de son point de vue sur la chloroquine. Mais plus que l\u2019\u00e9tude elle-m\u00eame, dont les r\u00e9sultats sont int\u00e9ressants, ce sont les conclusions disportionn\u00e9es qui en sont tir\u00e9es qui font pol\u00e9mique.<\/p>\n\n\n\n

1. Les limites de l\u2019\u00e9tude qui a initi\u00e9 la pol\u00e9mique<\/h4>\n\n\n\n

En cause : un \u00e9chantillon tr\u00e8s faible (26 patients dont seulement 20 ont \u00e9t\u00e9 inclus dans les r\u00e9sultats), l\u2019absence de bras contr\u00f4le randomis\u00e9 (les patients contr\u00f4les ont \u00e9t\u00e9 recrut\u00e9s parmi ceux qui ont refus\u00e9 le traitement ou dans d\u2019autres centres) ou encore l\u2019exclusion de certains patients pour cause d\u2019effets ind\u00e9sirables (2 patients), de transfert en soins intensifs (3 patients), ou de mort (1 patient), ce qui a pu consid\u00e9rablement biaiser la s\u00e9lection des patients restants vers un \u00e9chantillon moins gravement atteint. Par ailleurs, les auteurs ont fait le choix de la d\u00e9tection du virus par test PCR (crit\u00e8re purement biologique) comme crit\u00e8re de jugement pour la r\u00e9ussite du traitement, ce qui limite assez consid\u00e9rablement les conclusions possibles concernant par exemple la disparition des sympt\u00f4mes (crit\u00e8re clinique). Or, l\u2019association entre charge virale et s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 clinique reste encore incertaine par rapport \u00e0 ce que l\u2019on sait actuellement du virus. A titre d\u2019exemple du d\u00e9couplage qui existe parfois entre les crit\u00e8res biologiques et cliniques, un des patients de cette \u00e9tude est d\u00e9c\u00e9d\u00e9 le lendemain du jour ou on a cess\u00e9 de d\u00e9tecter le virus chez lui et o\u00f9 on a donc d\u00e9clar\u00e9 qu\u2019il avait \u00ab biologiquement \u00bb \u00e9limin\u00e9 le virus. <\/p>\n\n\n\n

Les auteurs concluent tout de m\u00eame leur \u00e9tude en affirmant que les r\u00e9sultats obtenus montraient \u00ab l\u2019efficacit\u00e9 \u00bb de l\u2019hydroxychloroquine dans la disparition de la charge virale et sugg\u00e8rent \u00ab l\u2019effet synergique \u00bb de l\u2019hydroxychloroquine et de l\u2019azithromycine, \u00ab ouvrant la voie \u00e0 une strat\u00e9gie internationale \u00bb pour combattre cette infection en temps r\u00e9el. Leurs conclusions se basent sur une disparition totale de pr\u00e9sence du virus par PCR 6 jours apr\u00e8s d\u00e9but du traitement dans 100 % des cas (parmi les 20 non exclus), 70 % pour ceux trait\u00e9s sans azithromycine contre 12.5 % au sein du groupe contr\u00f4le (16 patients). Toutefois, le ton optimiste adopt\u00e9 par les auteurs ne doit pas faire oublier que ces donn\u00e9es sont \u00e0 interpr\u00e9ter avec une grande prudence et les conclusions \u00e0 consid\u00e9rer comme pr\u00e9liminaires.<\/p>\n\n\n\n

Les conclusions de l\u2019\u00e9tude de Gautret et al <\/em>sont soutenues par deux \u00e9tudes chinoises. Celle de Gao et coll\u00e8gues<\/span>2<\/sup><\/a><\/span>, publi\u00e9e la veille et r\u00e9alis\u00e9e in vitro<\/em>, identifie le blocage de l\u2019infection par Covid-19 gr\u00e2ce \u00e0 la pr\u00e9sence de chloroquine \u00e0 de faibles concentrations, et recommande l\u2019inclusion du traitement dans les directives de la Commission Nationale Sant\u00e9 chinoise. Pourtant, cette \u00e9tude et l\u2019avis d\u2019un consortium d\u2019experts de la province de Guangdong<\/span>3<\/sup><\/a><\/span> qui tirent des conclusions similaires se basent principalement sur l\u2019effet antiviral de la mol\u00e9cule qui est d\u00e9j\u00e0 utilis\u00e9e pour traiter plusieurs maladies (telles que le paludisme ou certaines maladies auto-immunes) ainsi que l\u2019activit\u00e9 anti-SARS-CoV prouv\u00e9e de la chloroquine au niveau cellulaire.<\/p>\n\n\n\n

Afin de r\u00e9pondre aux critiques et soutenir leurs premi\u00e8res conclusions, les m\u00eames auteurs ont publi\u00e9 il y a deux jours une seconde \u00e9tude du m\u00eame traitement (hydroxychloroquine + azithromycine) avec un plus large \u00e9chantillon de patients (80), et un plus grand nombre de crit\u00e8res. Les conclusions sont similaires : 93 % des tests par PCR reviennent n\u00e9gatifs \u00e0 huit jours apr\u00e8s d\u00e9but du traitement, et une am\u00e9lioration clinique est constat\u00e9e chez la totalit\u00e9 des patients sauf deux, avec une dur\u00e9e moyenne de s\u00e9jour en maladies infectieuses de 4.6 jours. Parmi les 80 patients, 65 (81.3 %) ont pu \u00eatre d\u00e9charg\u00e9s de l\u2019unit\u00e9, 15 % ont eu besoin d\u2019assistance respiratoire, 3 patients sont all\u00e9s en soins intensifs dont 2 pour lesquels la situation s\u2019est am\u00e9lior\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant l\u00e0 encore, la limite principale est assez flagrante et reste la m\u00eame : l\u2019absence de bras contr\u00f4le, tout court cette fois-ci. Ainsi, comment d\u00e9terminer si l\u2019am\u00e9lioration clinique constat\u00e9e chez la plupart des patients est due \u00e0 la prise de chloroquine ou si la tendance aurait \u00e9t\u00e9 la m\u00eame si ces patients n\u2019avaient pas pris le traitement ? Aujourd\u2019hui, on estime \u00e0 entre 80 et 85 % la proportion de patients gu\u00e9rissant spontan\u00e9ment du Covid-19<\/span>4<\/sup><\/a><\/span>. Ou si elle n\u2019est pas simplement boost\u00e9e par un effet placebo, m\u00eame si peu probable dans ce cas ? L\u2019un des arguments des auteurs consiste \u00e0 souligner la courte dur\u00e9e de s\u00e9jour moyen dans le service des maladies infectieuses ; cependant, peu d\u2019informations sont fournies quant \u00e0 l\u2019\u00e9tape \u00e0 laquelle les patients sont inclus dans l\u2019\u00e9tude, notamment depuis combien de temps ils pr\u00e9sentent des sympt\u00f4mes ou quelle est leur s\u00e9v\u00e9rit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

2. Quelle est la position des pouvoirs publics fran\u00e7ais sur le sujet ?<\/h4>\n\n\n\n

Le manque de preuves scientifiques a conduit le Haut Conseil de la Sant\u00e9 Publique (HCSP) \u00e0 publier la recommendation suivante concernant les recommandations th\u00e9rapeutiques, le 23 mars 2020 : \u00ab en raison des tr\u00e8s fortes r\u00e9serves sur l\u2019utilisation de l\u2018hydroxychloroquine li\u00e9es au tr\u00e8s faible niveau de preuve, tous les moyens n\u00e9cessaires doivent \u00eatre mobilis\u00e9s pour la r\u00e9alisation d\u2019essai d\u00e9monstratif. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

L\u2019ex\u00e9cutif suit la m\u00eame d\u00e9marche, et pr\u00e9f\u00e8re attendre que la base scientifique soit plus consistante<\/span>5<\/sup><\/a><\/span>, malgr\u00e9 les recommandations pressantes de l\u2019\u00e9quipe du Prof. Didier Raoult, soutenue par un certain nombre de personnalit\u00e9s politiques, qui mobilisent l\u2019argument principal d\u2019absence de nocivit\u00e9 de la chloroquine, d\u00e9j\u00e0 utilis\u00e9e comme traitement pour d\u2019autres pathologies. Ces m\u00e9dicaments requi\u00e8rent tout de m\u00eame une certaine vigilance, l\u2019hydroxychloroquine pouvant engendrer des hypoglyc\u00e9mies et troubles du rythme cardiaque s\u00e9v\u00e8res (allongement du QT) engageant le pronostic vital (cf AMM). L\u2019intervalle Q-T repr\u00e9sente le temps entre la contraction des ventricules cardiaques afin d\u2019envoyer le sang dans tout le corps et leur rel\u00e2chement. Un allongement de cet intervalle repr\u00e9sente donc une perturbation du fonctionnement cardiaque. A titre d\u2019exemple de cette nocivit\u00e9, l\u2019un des patients d\u2019une \u00e9tude fran\u00e7aise a d\u00fb cesser de prendre le traitement apr\u00e8s 4 jours en raison de la forte perturbation de son rythme cardiaque. Pour le Gouvernement, les \u00e9tudes sont pour l\u2019instant insuffisantes par rapport \u00e0 l\u2019ampleur du risque et de la machine qui serait mise en route potentiellement pour une fausse alerte.<\/p>\n\n\n\n

A l\u2019international pourtant, de nombreux pays ont d\u00e9j\u00e0 adopt\u00e9 l\u2019hydroxychloroquine comme traitement du Covid-19 ; un argument suppl\u00e9mentaire utilis\u00e9 par le Pr. Raoult, qui a r\u00e9cemment partag\u00e9 la carte suivante (non exhaustive) sur son compte Twitter<\/span>6<\/sup><\/a><\/span>, pour soutenir son utilisation en France.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\"Carte\r\n\t<\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

Il faut cependant noter que le gouvernement, de part les circonstances exceptionnelles, a autoris\u00e9 les m\u00e9decins \u00e0 prescrire exceptionnellement (car en dehors du cadre habituel d\u2019utilisation et en l\u2019absence de la proc\u00e9dure habituelle d\u2019autorisation) la chloroquine dans certains cas de Covid-19. Cette prescription peut se faire \u00e0 leur appr\u00e9ciation, et en prenant bien en compte tous les crit\u00e8res de toxicit\u00e9 et d\u2019incompatibilit\u00e9 \u00e9ventuelle du patient avec le traitement. Il est donc possible pour les m\u00e9decins de prescrire de la chloroquine en France pour traiter un cas de Covid-19 ; ce n\u2019est pas un traitement de r\u00e9f\u00e9rence donn\u00e9 \u00ab par d\u00e9faut \u00bb \u00e0 tout patient atteint, mais une possibilit\u00e9 th\u00e9rapeutique offerte aux m\u00e9decins qui ont la possibilit\u00e9 de d\u00e9cider au cas par cas du traitement qu\u2019ils souhaitent utiliser. <\/p>\n\n\n\n

3. Une nouvelle \u00e9tude publi\u00e9e il y a quelques jours contredit les premiers r\u00e9sultats<\/h4>\n\n\n\n

Dans un but de v\u00e9rification des premiers r\u00e9sultats, la \u00ab reproductibilit\u00e9 \u00bb d\u2019une \u00e9tude \u00e9tant l\u2019un des crit\u00e8res fondamentaux de la m\u00e9thode scientifique, Molina et coll\u00e8gues<\/span>7<\/sup><\/a><\/span> se sont pench\u00e9s sur les r\u00e9sultats virologiques et cliniques de 11 patients hospitalis\u00e9s apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 infect\u00e9s par le Covid-19, dont la quasi-totalit\u00e9 pr\u00e9sentaient de la fi\u00e8vre et \u00e9taient sous assistance respiratoire. Les doses administr\u00e9es aux patients sont exactement les m\u00eames que pour les deux \u00e9tudes de Gautret et al (hydroxychloroquine 600 mg\/jour pendant 10 jours et azithromycine 500 mg jour 1 and 250 mg jours 2 to 5).<\/p>\n\n\n\n

Contrairement aux deux \u00e9tudes men\u00e9es par Gautret et al, la plupart des patients de Molina et al pr\u00e9sentaient toujours un test par PCR positif \u00e0 5-6 jours apr\u00e8s d\u00e9but du traitement (80 %, 95 % CI 49-94 %), ce qui signifie que la charge virale n\u2019\u00e9tait ind\u00e9tectable que pour 20 % des patients \u00e0 6 jours. C\u2019est ce r\u00e9sultat que les auteurs mettent principalement en opposition avec la premi\u00e8re \u00e9tude, pour laquelle l\u2019\u00e9quipe avait constat\u00e9 des tests n\u00e9gatifs \u00e0 6 jours apr\u00e8s d\u00e9but du traitement dans 70 % des cas.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, si l\u2019on regarde de plus pr\u00e8s, la comparaison entre les deux \u00e9tudes n\u2019est pas si simple. Tout d\u2019abord, Molina et al incluent les patients d\u00e9c\u00e9d\u00e9s (1 patient) ou transf\u00e9r\u00e9s en soins intensifs (2 patients) et consid\u00e8rent ces situations comme un \u00e9chec du traitement, tandis que Gautret et al ont fait le choix d\u2019exclure ces patients des r\u00e9sultats. Par ailleurs, il semble qu\u2019un certain nombre de patients chez Gautret et al pr\u00e9sentaient une forme peu s\u00e9v\u00e8re de la maladie (… patients asymptomatiques) tandis que la majorit\u00e9 des patients de Molina et al \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 sous assistance respiratoire, et 8 sur 11 pr\u00e9sentaient des comorbidit\u00e9s pour la plupart s\u00e9v\u00e8res (cancers, sida, ob\u00e9sit\u00e9). Or, il est fort probable que l\u2019efficacit\u00e9 de la chloroquine, si elle a effectivement un impact sur le virus, varie en fonction de la s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 des sympt\u00f4mes et de l\u2019avancement de la pathologie. Il est donc crucial que les \u00e9tudes men\u00e9es afin de d\u00e9terminer si l\u2019hydroxychoroquine en combinaison avec l\u2019azithromycine serait un traitement ad\u00e9quat et efficace soient r\u00e9alis\u00e9es sur une diversit\u00e9 de patients, dans la mesure du possible, en termes d\u2019\u00e2ge, de s\u00e9v\u00e9rit\u00e9 des sympt\u00f4mes, de comorbidit\u00e9s et d\u2019avancement de la maladie. <\/p>\n\n\n\n

Enfin, l\u2019\u00e9tude publi\u00e9e par Molina et al ne r\u00e9sout pas les critiques principales faites aux \u00e9tudes de Gautret et al : <\/p>\n\n\n\n