{"id":59145,"date":"2020-02-07T17:47:02","date_gmt":"2020-02-07T16:47:02","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=59145"},"modified":"2020-02-17T21:58:13","modified_gmt":"2020-02-17T20:58:13","slug":"lextreme-droite-allemande-arrive-t-elle-au-pouvoir-10-points-pour-comprendre-la-crise-en-thuringe","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/02\/07\/lextreme-droite-allemande-arrive-t-elle-au-pouvoir-10-points-pour-comprendre-la-crise-en-thuringe\/","title":{"rendered":"L’extr\u00eame droite allemande arrive-t-elle au pouvoir ? 10 points pour comprendre la crise en Thuringe"},"content":{"rendered":"\n
Le chef du groupe Parti lib\u00e9ral-d\u00e9mocrate d\u2019Allemagne (FDP, RE) au parlement r\u00e9gional de Thuringe<\/a>. Thomas Kemmerich, a \u00e9t\u00e9 \u00e9lu ministre-pr\u00e9sident du Land<\/em><\/a> mercredi 5 f\u00e9vrier au troisi\u00e8me tour d\u2019une \u00e9lection tr\u00e8s serr\u00e9e, par 45 voix contre 44 (et une abstention), provoquant la d\u00e9faite surprise du ministre-pr\u00e9sident sortant Bodo Ramelow, issu du parti de gauche radicale Die Linke (GUE\/NGL) et qui \u00e9tait candidat \u00e0 sa propre succession. Kemmerich a b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de mani\u00e8re attendue des voix des groupes lib\u00e9ral et conservateur. Mais l\u2019Alternative pour l\u2019Allemagne (AfD, ID), qui pr\u00e9sentait pourtant aussi un candidat face \u00e0 Kemmerich et Ramelow, a pris le parlement de court en lui retirant son soutien et en reportant toutes ses voix sur Kemmerich, d\u00e9clenchant ainsi une crise politique nationale en Allemagne. Contrairement \u00e0 ce qu\u2019avait alors indiqu\u00e9 le chef du parti Christian Lindner, qui se disait tr\u00e8s surpris du r\u00e9sultat mercredi soir, la direction du FDP \u00e9tait manifestement au courant de la possibilit\u00e9 que l\u2019AfD vote pour leur candidat, et avait m\u00eame donn\u00e9 son accord en ce sens <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Jeudi 6 f\u00e9vrier \u00e0 14 heures, sous la pression, Kemmerich a finalement annonc\u00e9 que son groupe parlementaire allait d\u00e9poser une motion visant \u00e0 dissoudre le parlement r\u00e9gional et \u00e0 convoquer des \u00e9lections anticip\u00e9es. Il a \u00e9galement d\u00e9clar\u00e9 que sa d\u00e9mission \u00e9tait \u00ab in\u00e9vitable \u00bb, sans toutefois d\u00e9missionner formellement, et reste donc \u00e0 ce jour (7 f\u00e9vrier) ministre-pr\u00e9sident de plein exercice, sans majorit\u00e9 (5 d\u00e9put\u00e9s sur 90) et sans gouvernement.<\/p>\n\n\n\n Pour la premi\u00e8re fois depuis 1945, les partis du centre et de la droite acceptent le soutien de l\u2019extr\u00eame droite pour acc\u00e9der au pouvoir. En outre, l\u2019AfD de Thuringe est dirig\u00e9e par Bj\u00f6rn H\u00f6cke, chef officieux de l\u2019aile la plus extr\u00eame du parti, le Fl\u00fcgel<\/em>, dont l\u2019influence est par ailleurs croissante dans toute l\u2019Allemagne de l\u2019Est. H\u00f6cke d\u00e9fend des positions proches de la pens\u00e9e \u00ab v\u00f6lkisch<\/em> \u00bb, raciste et antis\u00e9mite. Il a d\u00e9crit le monument aux juifs assassin\u00e9s d\u2019Europe \u00e0 Berlin comme \u00ab monument de la honte \u00bb et a appel\u00e9 \u00e0 un \u00ab virage \u00e0 180\u00b0 \u00bb dans la politique m\u00e9morielle allemande. Le soutien d\u2019un parti dont les principaux chefs ont r\u00e9guli\u00e8rement relativis\u00e9 les crimes du r\u00e9gime nazi et la Shoah<\/a> constitue un symbole extr\u00eamement malheureux pour le FDP, qui s\u2019\u00e9tait jusque-l\u00e0 toujours engag\u00e9 contre le totalitarisme et l\u2019antis\u00e9mitisme, alors que le monde c\u00e9l\u00e9brait il y a une semaine le 75e<\/sup> anniversaire de la lib\u00e9ration du camp d\u2019Auschwitz en janvier 1945.<\/p>\n\n\n\n Le soutien d\u2019un parti dont les principaux chefs ont r\u00e9guli\u00e8rement relativis\u00e9 les crimes du r\u00e9gimes nazi et la Shoah constitue un symbole extr\u00eamement malheureux pour le FDP, qui s\u2019\u00e9tait jusque-l\u00e0 toujours engag\u00e9 contre le totalitarisme et l\u2019antis\u00e9mitisme<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n De mani\u00e8re plus anecdotique, l\u2019\u00e9lection d\u2019un chef de l\u2019ex\u00e9cutif lib\u00e9ral est \u00e9galement une raret\u00e9 : le FDP n\u2019a eu dans toute son histoire qu\u2019un seul ministre-pr\u00e9sident, dont le mandat s\u2019est termin\u00e9 en 1953.<\/p>\n\n\n\n Bodo Ramelow (63 ans, Die Linke, socialiste)<\/a> et Thomas Kemmerich (54 ans, FDP, lib\u00e9ral)<\/a> repr\u00e9sentent une forme d’arch\u00e9type de leurs familles politiques respectives, tout en ayant eu des vies remarquablement parall\u00e8les. Tous deux sont n\u00e9s en Allemagne de l\u2019Ouest et ont grandi dans l\u2019espace rh\u00e9nan. Le jeune Bodo quitte t\u00f4t les bancs de l\u2019\u00e9cole pour se salarier dans le commerce avant de faire carri\u00e8re dans le syndicalisme, tandis que Thomas, n\u00e9 10 ans plus tard, commen\u00e7ait sa scolarit\u00e9 qui l’am\u00e8nerait jusqu\u2019\u00e0 des \u00e9tudes de droit et de commerce achev\u00e9es \u00e0 la veille de la r\u00e9unification. Le mur tomb\u00e9, tous deux tentent la ru\u00e9e vers l\u2019Est, l\u2019un pour y monter les structures syndicales adapt\u00e9es \u00e0 une \u00e9conomie libre, l\u2019autre pour devenir conseiller en cr\u00e9ation d\u2019entreprise.<\/p>\n\n\n\n Ce n\u2019est qu\u2019une fois install\u00e9s d\u00e9finitivement en Thuringe qu\u2019ils se lancent en politique, devenant des hommes d\u2019appareil, gravissant les \u00e9chelons du parti, alternant mandats au Parlement de Thuringe et au Bundestag<\/em> dans la m\u00eame circonscription \u00e9lectorale \u00e0 Erfurt. Ramelow, bien qu\u2019arriv\u00e9 en deuxi\u00e8me position lors des \u00e9lections parlementaires locales de 2014, ravit la t\u00eate de l’\u00c9tat libre de Thuringe gr\u00e2ce \u00e0 une coalition in\u00e9dite avec les sociaux-d\u00e9mocrates de la SPD et les \u00e9cologistes. Il perd sa majorit\u00e9 en septembre dernier<\/a>, malgr\u00e9 un bilan globalement salu\u00e9 par tous les bords politiques, du fait de l\u2019effondrement de la SPD qui perd plus de la moiti\u00e9 de ses d\u00e9put\u00e9s. \u00c0 la fois r\u00e9fl\u00e9chi et sanguin, protestant pratiquant dans un parti anticl\u00e9rical, il parvient \u00e0 cr\u00e9er une image consensuelle (satisfaisant selon les sondages de l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re plus de 60 % des \u00e9lecteurs thuringeois) et \u00e0 porter une aile d\u00e9mocrate au sein de Die Linke, parfois en d\u00e9saccord avec la ligne plus dure de la t\u00eate du parti. Kemmerich, moins pr\u00e9sent sur le devant de la sc\u00e8ne jusque-l\u00e0, et dont le parti ne s\u2019est hiss\u00e9 au-dessus du minimum requis pour une participation parlementaire que par 73 voix d\u2019avance lors du dernier scrutin, acquiert quant \u00e0 lui pour la premi\u00e8re fois une stature nationale.<\/p>\n\n\n\n Bodo Ramelow perd sa majorit\u00e9 en septembre dernier, malgr\u00e9 un bilan globalement salu\u00e9 par tous les bords politiques, du fait de l\u2019effondrement de la SPD qui perd plus de la moiti\u00e9 de ses d\u00e9put\u00e9s.<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Bj\u00f6rn H\u00f6cke (48 ans, AfD, n\u00e9onationaliste)<\/a> est lui aussi Allemand de l\u2019Ouest, seul point commun avec ses deux rivaux. Professeur d\u2019histoire dans un lyc\u00e9e de Hesse, il est \u00e9lu en 2014 au Parlement de Thuringe apr\u00e8s un parachutage. Leader<\/em> du courant extr\u00e9miste au sein de l\u2019AfD (\u00ab der Fl\u00fcgel<\/em> \u00bb, l\u2019aile), il survit \u00e0 deux tentatives de limogeage en 2015 et 2018 au sein du parti qui cherche alors \u00e0 se distancer de ses proximit\u00e9s avec les sbires de la NPD, le parti n\u00e9o-nazi allemand, et de ses propos graduellement r\u00e9visionnistes, x\u00e9nophobes, racistes et nostalgiques du Troisi\u00e8me Reich. Il remporte lors des \u00e9lections de septembre dernier la deuxi\u00e8me plus grande d\u00e9l\u00e9gation au Parlement de Thuringe, rendant impossible<\/a> toute alliance sans l\u2019extr\u00eame-droite ou l\u2019extr\u00eame-gauche.<\/p>\n\n\n\n Le choc du mercredi 5 f\u00e9vrier a \u00e9t\u00e9 comment\u00e9 progressivement par l\u2019ensemble de la classe politique allemande. La nouvelle situation divise profond\u00e9ment le FDP. Certains ont sembl\u00e9 pendant 24 heures \u00eatre pr\u00eats \u00e0 banaliser la situation, et ont propos\u00e9 aux partis d\u00e9mocratiques de former une coalition sous la direction de Kemmerich. C\u2019est le cas du pr\u00e9sident Christian Lindner, de son vice-pr\u00e9sident Wolfgang Kubicki, de la chef du groupe des lib\u00e9raux allemands au parlement europ\u00e9en Nicola Beer ou l\u2019organisation de jeunesse du parti, les Junge Liberale<\/em>. Mais plusieurs t\u00e9nors ont aussi exig\u00e9 imm\u00e9diatement une d\u00e9mission rapide de Kemmerich, comme Marie-Agnes Strack-Zimmermann, Konstantin Kuhle et Alexander Graf Lambsdorff. <\/p>\n\n\n\n Les principales personnalit\u00e9s de la communaut\u00e9 juive en Allemagne ont \u00e9galement exprim\u00e9 leur col\u00e8re face \u00e0 l\u2019\u00e9lection de Kemmerich. Le pr\u00e9sident du Conseil central des juifs d\u2019Allemagne, (Zentralrat der Juden in Deutschland<\/em>), Joseph Schuster, n\u2019a pas cach\u00e9 sa col\u00e8re, accusant le FDP de \u00ab s\u2019\u00e9loigner du consensus des partis d\u00e9mocratiques \u00bb. Pour la pr\u00e9sidente de la communaut\u00e9 isra\u00e9lite de Munich, Charlotte Knobloch, une des grandes voix du juda\u00efsme en Allemagne, \u00ab il ne peut pas y avoir dans une d\u00e9mocratie un ministre-pr\u00e9sident qui arrive au pouvoir gr\u00e2ce aux voix de l\u2019extr\u00eame-droite \u00bb. <\/p>\n\n\n\n La plupart des repr\u00e9sentants de l\u2019Union CDU\/CSU, comme le secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral de la CDU Paul Ziemiak, le pr\u00e9sident de la CSU et ministre-pr\u00e9sident bavarois Markus S\u00f6der ou la pr\u00e9sidente de la CDU Annegret Kramp-Karrenbauer, ont appel\u00e9 \u00e0 de nouvelles \u00e9lections r\u00e9gionales en Thuringe. Seuls, des repr\u00e9sentants de l\u2019aile droite (WerteUnion, notamment Hans-Georg Maa\u00dfen) ont appel\u00e9 \u00e0 une coop\u00e9ration avec l\u2019AfD. Pour Kramp-Karrenbauer, il s\u2019agit de ne pas perdre \u00e0 nouveau la face. Son rival Friedrich Merz a annonc\u00e9 le jour m\u00eame qu\u2019il quittait le conseil de surveillance du gestionnaire de fonds BlackRock, avec comme objectif probable de briguer \u00e0 nouveau la pr\u00e9sidence de la CDU et l\u2019investiture comme Spitzenkandidat<\/em> pour les \u00e9lections de 2021. Le lendemain de l\u2019\u00e9lection, Angela Merkel, depuis l\u2019Afrique du Sud, a qualifi\u00e9 l\u2019\u00e9lection de Kemmerich d\u2019\u00ab impardonnable \u00bb et appel\u00e9 les responsables politiques \u00e0 \u00ab annuler \u00bb, par un nouveau vote ou une d\u00e9mission, le processus engag\u00e9 le 5 f\u00e9vrier.<\/p>\n\n\n\n Dans la soir\u00e9e du 5 f\u00e9vrier, une manifestation spontan\u00e9e s\u2019est organis\u00e9e devant la centrale f\u00e9d\u00e9rale du FDP \u00e0 Berlin, rassemblant quelques milliers de personnes autour de slogans tr\u00e8s critiques des lib\u00e9raux. <\/p>\n\n\n\n Le refus de toute coop\u00e9ration avec la Linke exprim\u00e9 jusque-l\u00e0 par Mohring compromet la capacit\u00e9 de la CDU \u00e0 trouver une sortie de crise<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Malgr\u00e9 les d\u00e9clarations initiales de la chef du parti AKK, il semble, le 7 f\u00e9vrier, que Mike Mohring, pr\u00e9sident de la CDU en Thuringe<\/a>, ne soit pas pr\u00eat \u00e0 demander une dissolution du Landtag et de nouvelles \u00e9lections <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La section r\u00e9gionale de la CDU favoriserait visiblement une sortie de crise qui verrait Kemmerich demander la confiance du parlement, confiance qui lui serait refus\u00e9e ; mais, selon la constitution thuringeoise, il faudrait pour cela qu\u2019advienne l\u2019\u00e9lection d\u2019un candidat tiers, dont AKK a sugg\u00e9r\u00e9 qu\u2019il pourrait venir du centre-gauche, ce que les int\u00e9ress\u00e9s ont aussit\u00f4t rejet\u00e9 <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le refus de toute coop\u00e9ration avec la Linke exprim\u00e9 jusque-l\u00e0 par Mohring compromet la capacit\u00e9 de la CDU<\/a> \u00e0 trouver une sortie de crise, alors qu\u2019il peut l\u00e9gitimement craindre une d\u00e9b\u00e2cle si un nouveau scrutin est organis\u00e9. Cet \u00e9pisode d\u00e9montre une nouvelle fois que l\u2019autorit\u00e9 de Kramp-Karrenbauer est fragile. <\/p>\n\n\n\n Selon le sondage DeutschlandTrend<\/em> de l\u2019institut infratestDimap men\u00e9 pour l\u2019ARD le 6 f\u00e9vrier, 61 % des sond\u00e9s consid\u00e8rent que Thomas Kemmerich a raison de pr\u00e9senter sa d\u00e9mission, tandis que 24 % pensent qu\u2019il a tort <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Le vice-chancelier social-d\u00e9mocrate et ministre des finances Olaf Scholz a soulign\u00e9 que cette \u00e9lection n\u00e9cessiterait une explication entre les partenaires de coalition au niveau f\u00e9d\u00e9ral, une position reprise par les nouveaux dirigeants du parti Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans. Si l\u2019attitude sans ambigu\u00eft\u00e9 des dirigeants f\u00e9d\u00e9raux de l\u2019Union devrait simplifier les choses, l\u2019affaire fragilise encore la confiance entre les deux partis.<\/p>\n\n\n\n Depuis son retour au Bundestag en 2017 apr\u00e8s quatre ans d\u2019absence, le FDP dirig\u00e9 par Christian Lindner se positionne contre ce qu\u2019il qualifie de \u00ab populisme vert \u00bb des manifestations de Fridays for Future<\/a><\/em>, pour les droits des automobilistes, et se montre hostile \u00e0 une \u00ab union de transfert \u00bb (Transferunion<\/em>) entre les Etats membres de l\u2019Union Europ\u00e9enne. Bien que membre du groupe au Parlement europ\u00e9en Renew Europe, le parti lib\u00e9ral s\u2019est r\u00e9solument ancr\u00e9 \u00e0 droite, d\u00e9laissant une tradition centriste sociale-lib\u00e9rale tr\u00e8s vivace qui avait permis au FDP de Walter Scheel et Hans-Dietrich Genscher de gouverner treize ans durant avec les sociaux-d\u00e9mocrates Willy Brandt et Helmut Schmidt (1969-1982). Preuve de ce revirement, les sympathisants de la FDP n\u2019\u00e9taient que 25 % \u00e0 d\u00e9clarer refuser toute coop\u00e9ration avec l\u2019AfD ces derniers jours, contre 69 % des sympathisants conservateurs et environ 80 % des sympathisants de centre-gauche, toujours selon Infratest Dimap. 62 % des sympathisants du parti lib\u00e9ral se disent aussi favorables \u00e0 une \u00e9tude au cas par cas, bien plus que la moyenne des Allemands (22 %) ou m\u00eame que les sympathisants de l\u2019AfD (30 %)<\/p>\n\n\n\n La crise, pas encore r\u00e9gl\u00e9e, a jet\u00e9 la confusion dans la plupart des camps, et d\u00e9voile les incertitudes qui dominent dans les partis allemands dans une p\u00e9riode de recomposition politique majeure, \u00e0 deux semaines d\u2019une \u00e9lection au S\u00e9nat (parlement unicam\u00e9ral) de la ville-\u00c9tat d\u2019Hambourg.<\/p>\n\n\n\n Si la tournure prise par les \u00e9v\u00e9nements, et en particulier le r\u00f4le central du FDP, ont constitu\u00e9 une surprise, la crise politique qui s\u2019annonce \u00e9tait bel et bien pr\u00e9visible. Avant m\u00eame l\u2019\u00e9lection r\u00e9gionale d\u2019octobre dernier<\/a>, nous annoncions d\u00e9j\u00e0 dans ces colonnes l\u2019av\u00e8nement d\u2019une v\u00e9ritable crise de l\u2019alternance politique<\/a>, n\u00e9e de l\u2019impuissance des mod\u00e8les de coalitions traditionnels \u00e0 fournir une majorit\u00e9 de gouvernement dans plusieurs L\u00e4nder<\/em> de l\u2019Est.<\/p>\n\n\n\n Le parti de gauche radicale Die Linke du ministre-pr\u00e9sident Bodo Ramelow avait remport\u00e9 le scrutin avec une avance confortable (31 %), mais sa coalition avec le SPD (8 %) et les Verts (5 %) avait perdu sa majorit\u00e9. Face \u00e0 eux, le centre-droit repr\u00e9sent\u00e9 par la CDU (22 %) et le FDP (5 %) \u00e9tait domin\u00e9 sur sa droite par l\u2019AfD (23 %), arriv\u00e9e deuxi\u00e8me. Alors qu\u2019AfD et Linke fournissent 51 des 90 d\u00e9put\u00e9s au Landtag<\/em>, toute coalition ignorant ces deux partis, m\u00eame une hypoth\u00e9tique alliance centrale Verts-SPD-FDP-CDU (coalition \u00ab zimbabw\u00e9enne \u00bb), est vou\u00e9e \u00e0 la minorit\u00e9. On notera d\u2019ailleurs qu\u2019une telle alliance recueillerait trois si\u00e8ges de moins que la coalition de gauche, elle aussi minoritaire, d\u00e9fendue par Bodo Ramelow.<\/p>\n\n\n\n Au lendemain de l\u2019\u00e9lection r\u00e9gionale, le sc\u00e9nario le plus probable voyait donc la coalition de gauche l\u2019emporter \u00e0 la faveur d\u2019une abstention des autres partis du centre ou de la dispersion des voix au troisi\u00e8me tour de scrutin, Tout l\u2019enjeu semblait r\u00e9sider dans la capacit\u00e9 de la CDU et de La Linke \u00e0 s\u2019engager dans un dialogue constructif, permettant une reconduite d\u2019un ministre-pr\u00e9sident pl\u00e9biscit\u00e9 par ses administr\u00e9s \u00e0 plus de 70 %, avec une participation \u00ab \u00e0 la carte \u00bb du camp conservateur <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Or, Mike Mohring, chef d\u2019une CDU r\u00e9gionale affaiblie lors du dernier scrutin, s\u2019est toujours oppos\u00e9 \u00e0 une coop\u00e9ration avec la Linke et l\u2019AfD, d\u00e9clarant ne pas souhaiter participer, m\u00eame passivement, \u00e0 la reconduction de Bodo Ramelow <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Il suivait en cela la ligne du parti f\u00e9d\u00e9ral, mais pas l\u2019opinion de la majorit\u00e9 des Thuringeois, favorables \u00e0 pr\u00e8s de 60 % \u00e0 une entente. \u00c0 deux semaines de l\u2019\u00e9lection du ministre-pr\u00e9sident, Mohring d\u00e9clarait souhaiter un report du vote pour \u00e9viter la nomination d\u2019un ex\u00e9cutif minoritaire <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Sans la candidature de Kemmerich, m\u00eame sans entente transpartisane, un gouvernement minoritaire aurait pu s\u2019imposer malgr\u00e9 tout au troisi\u00e8me tour de scrutin, o\u00f9 Bodo Ramelow aurait affront\u00e9 seul \u00e0 seul le candidat de l\u2019AfD. S\u2019il est encore difficile de d\u00e9terminer s\u2019il s\u2019agit l\u00e0 d\u2019un coup d\u2019\u00e9clat d\u00e9lib\u00e9r\u00e9 ou d\u2019un hasard de l\u2019histoire, il est clair que cet \u00e9v\u00e9nement n\u2019aurait pu avoir lieu sans une accumulation de tensions politiques non r\u00e9solues qui a suivi l\u2019\u00e9lection d\u2019octobre dernier.<\/p>\n\n\n\n Tant qu\u2019aucune entente entre le centre-droit et le parti de la gauche radicale n\u2019est possible, l\u2019obtention par Die Linke et l\u2019AfD de plus de la moiti\u00e9 des si\u00e8ges conduit math\u00e9matiquement \u00e0 une participation gouvernementale de l\u2019extr\u00eame droite ou \u00e0 une impasse politique. M\u00eame les Tr\u00e8s grandes coalitions<\/a> centrales qui devraient se syst\u00e9matiser \u00e0 l\u2019Est<\/a> deviennent alors insuffisantes. La crise en cours n\u2019a donc rien d\u2019une surprise, non pas tant en raison d\u2019une hypoth\u00e9tique ouverture vers la droite de la CDU et du FDP – par ailleurs r\u00e9elle dans certains cercles -, que par le fait des \u00e9quilibres \u00e9lectoraux. Cette \u00e9volution, comme l\u2019a reconnu Ramelow lui-m\u00eame en tentant d\u2019esquisser un mod\u00e8le durable de gouvernement minoritaire <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>, est probablement durable, et il n\u2019est pas du tout certain qu\u2019une nouvelle \u00e9lection donne au Land<\/em> une majorit\u00e9 claire.<\/p>\n\n\n\n Les derni\u00e8res heures ont clairement d\u00e9coup\u00e9 le spectre politique allemand en responsables, en dommages collat\u00e9raux et en gagnants.<\/p>\n\n\n\n Du c\u00f4t\u00e9 des responsables, Christian Lindner et Thomas Kemmerich tiennent le haut de l\u2019affiche. En effet. apr\u00e8s une campagne ax\u00e9e sur la promesse de mettre en \u00e9chec la r\u00e9\u00e9lection de Bodo Ramelow \u00e0 la t\u00eate de l\u2019ex\u00e9cutif local, ils sont parvenus, en \u00e9tant le plus petit groupe parlementaire, \u00e0 mettre en minorit\u00e9 le dirigeant local de Die Linke et ainsi \u00e0 le d\u00e9tr\u00f4ner. Lorsque la pr\u00e9sidente du Parlement a demand\u00e9 \u00e0 Kemmerich, selon la proc\u00e9dure, s\u2019il acceptait son \u00e9lection \u00e0 la t\u00eate de l\u2019\u00c9tat libre de Thuringe – avec donc le soutien de la frange la plus extr\u00eame de l\u2019AfD -, celui-ci l\u2019a accept\u00e9, ce qui \u00e9tait un risque discut\u00e9 avec la direction du parti lib\u00e9ral. Une fois le scandale lanc\u00e9, et le mal \u00e9tant \u00e9t\u00e9 d\u00e9j\u00e0 fait, ils ont tent\u00e9 pendant une nuit de d\u00e9velopper une ligne en d\u00e9calage total avec la r\u00e9action publique, tenant \u00e0 appeler \u00e0 une coalition des partis mod\u00e9r\u00e9s, sans r\u00e9pondre aux reproches. Ils ont finalement d\u00fb c\u00e9der, le 6 f\u00e9vrier, en annon\u00e7ant la d\u00e9mission prochaine du nouveau ministre-pr\u00e9sident, leur volont\u00e9 de convoquer de nouvelles \u00e9lections, et la convocation d\u2019un bureau de la FDP afin que celui-ci puisse r\u00e9accorder sa confiance \u00e0 Lindner. Leur cr\u00e9dibilit\u00e9 est entam\u00e9e, la carri\u00e8re de Kemmerich et de son groupe au parlement de Thuringe probablement mort-n\u00e9e, et la strat\u00e9gie r\u00e9cente de Lindner visant \u00e0 s\u2019assurer du soutien des d\u00e9\u00e7us de la SPD semble condamn\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Si l\u2019attitude sans ambigu\u00eft\u00e9 des dirigeants f\u00e9d\u00e9raux devrait simplifier les choses, l\u2019affaire fragilise encore la confiance entre les deux partis.<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Responsables indirects de la situation, la f\u00e9d\u00e9ration SPD de Thuringe. qui est la source de la perte de majorit\u00e9 de Bodo Ramelow, et la CDU locale, qui n\u2019a pas su engager un dialogue suffisant avec Die Linke pour aboutir \u00e0 une solution concert\u00e9e, sont ainsi victimes de l\u2019impasse ayant conduit \u00e0 cette situation.<\/p>\n\n\n\n Du c\u00f4t\u00e9 des dommages collat\u00e9raux on retrouve en premier lieu Bodo Ramelow, humili\u00e9 apr\u00e8s sa d\u00e9faite face au chef d\u2019un parti ayant obtenu 6 fois moins de voix lors des \u00e9lections parlementaires locales, et ce apr\u00e8s une campagne r\u00e9ussie, avec un succ\u00e8s incontestable lors du scrutin. Il paie aujourd\u2019hui les faiblesses de ses alli\u00e9s, entre autres en raison du contexte national de grande coalition ayant affaibli la SPD<\/a>. <\/p>\n\n\n\n Autre dommage collat\u00e9ral, Annegret Kramp-Karrenbauer<\/a>, pr\u00e9sidente de la CDU. Apr\u00e8s avoir vraisemblablement mis en garde tant la FDP que la CDU locale du risque de ce sc\u00e9nario, elle a \u00e9t\u00e9 ouvertement d\u00e9savou\u00e9e (une fois de plus<\/a>) par ses troupes, lesquelles ont permis l\u2019\u00e9lection de Kemmerich avec le soutien de son parti et celui de l\u2019AfD, c\u00f4te \u00e0 c\u00f4te. De plus sa r\u00e9action est arriv\u00e9e tardivement, nourrissant les incertitudes sur son autorit\u00e9. Mike Mohring, le chef de la CDU au Parlement de Thuringe, a envisag\u00e9 de d\u00e9missionner et annonc\u00e9<\/a> qu\u2019il ne serait pas candidat \u00e0 sa propre succession. Autres victimes possibles de cet \u00e9pisode, Norbert Walter-Borjans et Saskia Esken, nouveaux co-pr\u00e9sidents de la SPD, qui n\u2019ont pas r\u00e9ussi \u00e0 jouer un r\u00f4le de premier plan dans cet \u00e9pisode quoique leur propre r\u00e9putation ne f\u00fbt pas directement en cause. Enfin Alexander Gauland et Alice Weidel, chefs de l\u2019AfD, se retrouvent en difficult\u00e9 du fait de cette victoire \u00e9clatante de Bj\u00f6rn H\u00f6cke, qui a r\u00e9ussi \u00e0 peser gr\u00e2ce \u00e0 une ligne extr\u00e9miste, face \u00e0 une direction quelque peu mal \u00e0 l\u2019aise qui souhaitait davantage miser sur une strat\u00e9gie de d\u00e9diabolisation.<\/p>\n\n\n\n Enfin, plusieurs gagnants se sont distingu\u00e9s, et en premier lieu Markus S\u00f6der, ministre-pr\u00e9sident CSU bavaroise <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Alors que Merkel \u00e9tait en route pour l\u2019Afrique du Sud, et AKK peu pr\u00e9sente, il a saisi l\u2019occasion de prendre l\u2019autorit\u00e9 morale au sein du centre-droit allemand \u00e0 travers une condamnation vive et totale du comportement de la FDP et de la CDU en Thuringe. Il est parvenu \u00e0 se montrer comme le rempart conservateur au nationalisme, et \u00e0 se pr\u00e9senter en homme d\u2019\u00c9tat, pr\u00eat \u00e0 mener l\u2019alliance CDU-CSU lors des prochaines \u00e9lections nationales, lors du d\u00e9part d\u2019Angela Merkel de la chancellerie, et ainsi lui succ\u00e9der. Autre gagnant incontestable, Bj\u00f6rn H\u00f6cke qui a montr\u00e9 que l\u2019extr\u00e9misme comme strat\u00e9gie \u00e9tait payant pour apporter des succ\u00e8s aux n\u00e9onationalistes et les faire peser r\u00e9ellement sur la vie politique. Enfin, Angela Merkel et Martin Schulz se sont distingu\u00e9s par leurs r\u00e9actions, en opposition \u00e0 leurs successeurs \u00e0 la t\u00eate de leurs partis respectifs. Chez les lib\u00e9raux, Alexander Graf Lambsdorff s\u2019est \u00e9rig\u00e9 en opposant clair \u00e0 toute alliance \u00e0 droite.<\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s avoir vraisemblablement mis en garde tant la FDP que la CDU locale AKK a \u00e9t\u00e9 ouvertement d\u00e9savou\u00e9e par ses troupes qui ont permis l\u2019\u00e9lection de Kemmerich avec le soutien de son parti et celui de l\u2019AfD, c\u00f4te \u00e0 c\u00f4te<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le seul sondage men\u00e9 en Thuringe depuis l\u2019\u00e9lection de Kemmerich donne Die Linke de Bodo Ramelow en forte hausse (37 %, +6pp), retrouvant avec le SPD (9 %, +1pp) et les Verts (7 %, +2pp) une majorit\u00e9, alors que l\u2019AfD est en l\u00e9g\u00e8re hausse (24 %, +1pp), que la CDU s\u2019\u00e9croule (12 %, -9pp) et que le FDP perd sa repr\u00e9sentation parlementaire (4 %, -1pp) <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Au niveau f\u00e9d\u00e9ral, le sondage men\u00e9 par InfratestDimap pour l\u2019ARD indique que le FDP et la CDU font en premier lieu les frais de la crise politique. La CDU a maintenant une moins bonne image aupr\u00e8s de 41 % des sond\u00e9s, le FDP aupr\u00e8s de 44 % d\u2019entre eux. Plus inqui\u00e9tant, 29 % des sympathisants CDU ont une moins bonne image de leur parti, ainsi que 26 % des sympathisants FDP.<\/p>\n\n\n\n Le bilan de ces derniers jours est ambigu. D\u2019un c\u00f4t\u00e9, un parti d\u2019extr\u00eame-droite a effectivement contribu\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9lection d\u2019un ministre-pr\u00e9sident, pour la premi\u00e8re fois dans l\u2019histoire de la R\u00e9publique f\u00e9d\u00e9rale. De l\u2019autre, les r\u00e9actions tr\u00e8s largement hostiles des partis, de l\u2019opinion publique et de la presse ont exerc\u00e9 une pression telle qu\u2019elle a pr\u00e9cipit\u00e9 presque imm\u00e9diatement la chute d\u2019un ministre-pr\u00e9sident qui n\u2019aura finalement jamais eu d\u2019\u00e9quipe gouvernementale. La fermet\u00e9 d\u00e9montr\u00e9e par la plupart des chefs de partis ne doit cependant pas faire oublier que certaines voix au centre-droit, particuli\u00e8rement au FDP, ont dans un premier temps salu\u00e9 le r\u00e9sultat du vote ; il reste donc \u00e0 voir comment les int\u00e9ress\u00e9s seront ou non jug\u00e9s, dans les mois \u00e0 venir, sur le fondement de leur r\u00e9action \u00e0 l\u2019\u00e9lection du 5 f\u00e9vrier. Le parti lib\u00e9ral semble en partie confirmer une d\u00e9rive \u00e0 droite engag\u00e9e sous la pr\u00e9sidence de Lindner, m\u00eame si celui-ci assure avoir \u00e9t\u00e9, en l’esp\u00e8ce, victime d’un pi\u00e8ge de l’AfD.<\/p>\n\n\n\n Surtout, les \u00e9quilibres \u00e9lectoraux pr\u00e9caires que nous \u00e9voquions ne seront pas n\u00e9cessairement boulevers\u00e9s par l\u2019\u00e9pisode Kemmerich, avec ou sans nouveau scrutin : la formation d\u2019un gouvernement en Thuringe reste toujours incertaine, d\u2019autant plus que le r\u00f4le peu enviable jou\u00e9 dans la crise par le FDP et la CDU devrait favoriser une redistribution des suffrages vers la p\u00e9riph\u00e9rie du spectre \u00e9lectoral. Dans un premier temps, ceci pourrait bien jouer en la faveur de Bodo Ramelow et de sa coalition de centre-gauche ; \u00e0 terme, les d\u00e9g\u00e2ts caus\u00e9s par la rupture du cordon sanitaire, m\u00eame promptement neutralis\u00e9e, sont difficiles \u00e0 estimer. Seule l\u2019histoire permettra de dire si la crise pr\u00e9sente aura fait la d\u00e9monstration de la vivacit\u00e9 durable de l\u2019opposition \u00e0 l\u2019extr\u00eame-droite en Allemagne, ou si elle aura \u00e9t\u00e9 au contraire le premier pas vers sa normalisation.<\/p>\n\n\n\n La dissolution n\u2019est pas acquise : une majorit\u00e9 des deux-tiers reste n\u00e9cessaire, qui semble pr\u00eate vaciller \u00e0 l\u2019heure o\u00f9 la CDU appelle \u00e0 une troisi\u00e8me voie elle-m\u00eame minoritaire.<\/p><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n La crise en cours d\u00e9montre, de mani\u00e8re in\u00e9dite dans l\u2019histoire r\u00e9cente de l\u2019Allemagne, \u00e0 quel niveau de perte de contr\u00f4le politique peut conduire un morcellement de l\u2019\u00e9lectorat qui s\u2019accompagne, ni d\u2019une r\u00e9vision des pratiques institutionnelles, ni d\u2019un accroissement des \u00e9changes transpartisans, d\u2019une prise en compte renforc\u00e9e des dynamiques r\u00e9gionales. Tous les partis impliqu\u00e9s, \u00e0 l\u2019exception de l\u2019AfD, ont agi pendant 24 heures sur le mode de la gestion de crise, parvenant finalement \u00e0 une issue probable – la dissolution du Parlement – dont l\u2019effet sur les dynamiques politiques et \u00e9lectorales pourrait n\u2019\u00eatre que minime, a fortiori<\/em> en dehors de la seule Thuringe. Mais m\u00eame cette dissolution n\u2019est pas acquise : une majorit\u00e9 des deux-tiers reste n\u00e9cessaire, qui semble pr\u00eate vaciller \u00e0 l\u2019heure o\u00f9 la CDU appelle \u00e0 une troisi\u00e8me voie elle-m\u00eame minoritaire. Reste l\u2019option d\u2019une motion de confiance, qui doit \u00eatre constructive – et donc irr\u00e9alisable au vu de la position actuelle des conservateurs – ou d\u2019une d\u00e9mission simple de Kemmerich. La crise n\u2019est donc pas encore termin\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Dans une p\u00e9riode qui voit l\u2019\u00e9mergence de nombreux formats de coop\u00e9ration gouvernementale in\u00e9dits (gouvernements M5S-Lega et M5S-PD en Italie, coalitions \u00d6VP-FP\u00d6 et \u00d6VP-Verts en Autriche, SP\u00d6-FP\u00d6 au Burgenland, Tr\u00e8s grandes coalitions dans les L\u00e4nder <\/em>allemands), le cas thuringeois, \u00e0 l\u2019instar de l\u2019actuelle formation gouvernementale belge, occupe une place \u00e0 part, consacrant davantage l\u2019impossibilit\u00e9 de toute formation gouvernementale majoritaire que l\u2019\u00e9mergence de mod\u00e8les alternatifs.<\/p>\n\n\n\n Au-travers du r\u00f4le jou\u00e9 par le FDP lors de cette crise, la position des partis lib\u00e9raux vis-\u00e0-vis de l\u2019extr\u00eame-droite est \u00e9galement en question. Une certaine porosit\u00e9 a pu s\u2019observer ici et l\u00e0 entre des membres des groupes Renew Europe (RE, lib\u00e9ral) et des partis n\u00e9onationalistes dans la pratique du pouvoir, comme l\u2019illustra l\u2019alliance PP-Ciudadanos-Vox en Espagne ou PSD-ALDE (depuis exclus) en Roumanie. Historiquement, le Parti de la libert\u00e9 d\u2019Autriche (FP\u00d6) fut aux origines d\u2019ob\u00e9dience lib\u00e9rale, alors qu\u2019une formation telle que l\u2019Union des d\u00e9mocrates fran\u00e7ais (UDF) accueillit dans ses rangs des personnalit\u00e9s telles que Philippe de Villiers<\/a>. Sans y voir un probl\u00e8me propre au groupe lib\u00e9ral lui-m\u00eame (des ph\u00e9nom\u00e8nes similaires existent dans les autres partis europ\u00e9ens) ou une tendance de fond, la r\u00e9surgence de ce ph\u00e9nom\u00e8ne sugg\u00e8re qu\u2019il doive \u00eatre int\u00e9gr\u00e9 pleinement dans la compr\u00e9hension des dynamiques \u00e9lectorales contemporaines.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" \u00ab Dammbruch \u00bb, le barrage rompu \u2014 le mot a fait le tour de la presse allemande. Le barrage s\u2019est rompu, mercredi 5 f\u00e9vrier, avec l\u2019\u00e9lection au Parlement de Thuringe, dans l\u2019Est du pays, d\u2019un ministre-pr\u00e9sident lib\u00e9ral soutenu par l\u2019extr\u00eame-droite. Un ministre-pr\u00e9sident sans gouvernement et sans majorit\u00e9, dont la d\u00e9mission est d\u00e9j\u00e0 programm\u00e9e. Retour sur la crise sans pr\u00e9c\u00e9dent qui secoue toujours la politique allemande.<\/p>\n","protected":false},"author":7,"featured_media":59231,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[],"geo":[536],"class_list":["post-59145","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","staff-geg-centres","staff-pierre-mennerat","staff-theophile-rospars","geo-centres"],"acf":[],"yoast_head":"\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\nPourquoi s\u2019agit-il d\u2019un \u00e9v\u00e9nement historique<\/strong> ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Ramelow – H\u00f6cke – Kemmerich<\/strong> : portraits parall\u00e8les<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Quelles ont \u00e9t\u00e9 les r\u00e9actions des principaux partis allemands et de l\u2019opinion publique<\/strong> ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\nQuelles cons\u00e9quences pour la politique f\u00e9d\u00e9rale<\/strong> ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Une crise annonc\u00e9e<\/strong> ?<\/strong> – \u00e9quilibres politiques pr\u00e9caires en Thuringe<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\nQui sont les vrais responsables<\/strong> ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Qui sont les victimes ? \u00c0 qui profite la situation ?<\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\nDemain, l\u2019extr\u00eame-droite au pouvoir dans les L\u00e4nder<\/em><\/strong> ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Est-ce un s\u00e9isme politique \u00e0 l’\u00e9chelle continental<\/strong>e ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n