{"id":58205,"date":"2020-02-05T13:15:45","date_gmt":"2020-02-05T12:15:45","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=58205"},"modified":"2022-08-21T09:50:56","modified_gmt":"2022-08-21T07:50:56","slug":"conversation-avec-souleymane-bachir-diagne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2020\/02\/05\/conversation-avec-souleymane-bachir-diagne\/","title":{"rendered":"Une politique de l’humanit\u00e9, conversation avec Souleymane Bachir Diagne"},"content":{"rendered":"\n

Le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron annon\u00e7ait \u00e0 Ouagadougou (Burkina Faso) la mise en \u0153uvre de restitutions, temporaires ou d\u00e9finitives, d\u2019objets d\u2019arts africains dans un d\u00e9lai de cinq ans. Cette annonce mettait en lumi\u00e8re la question \u00e9pineuse de la restitution du patrimoine africain acquis dans le pass\u00e9 par la France, en particulier \u00e0 l\u2019\u00e9poque coloniale. Nous rencontrons Souleymane Bachir Diagne, philosophe s\u00e9n\u00e9galais, professeur de fran\u00e7ais et pr\u00e9sident de l\u2019Institut des African Studies de l\u2019universit\u00e9 de Columbia (New-York) pour discuter de cette question. Nous ouvrons la discussion sur le th\u00e8me de l\u2019universel et nous trouvons imm\u00e9diatement plong\u00e9s au c\u0153ur de la pens\u00e9e du philosophe.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Dans En qu\u00eate d\u2019Afrique(s) : Universalisme et pens\u00e9e d\u00e9coloniale <\/em>paru en 2018 et \u00e9crit avec Jean-Loup Amselle, vous \u00e9crivez que l\u2019Europe s\u2019est construite sur \u00ab l\u2019autod\u00e9finition de soi comme naturel \u00bb. Elle aurait construit les \u00ab autres \u00bb en termes de \u00ab diff\u00e9rences \u00bb et de \u00ab manques \u00bb par rapport \u00e0 la norme qu\u2019elle repr\u00e9sentait. C\u2019est ce que vous appelez l\u2019\u00ab universalisme \u00bb par diff\u00e9renciation avec l\u2019 \u00ab universel \u00bb qui se d\u00e9finit, quant \u00e0 lui, par une vis\u00e9e et un horizon communs. Existe-t-il, dans l\u2019universalisme, un complexe de domination proprement europ\u00e9en ? R\u00e9sulte-t-il simplement d\u2019un processus historique ou de quelque chose de plus essentiel ? Comment rattacher ce concept aux th\u00e9ories postcoloniales ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je ne crois pas que cette posture soit essentiellement<\/em> europ\u00e9enne. Pour la bonne et simple raison que l\u2019Europe ne s\u2019est pas toujours d\u00e9finie de la mani\u00e8re dont le contexte colonial lui a permis de se red\u00e9finir. L\u2019id\u00e9e, par exemple, que l\u2019Europe serait par nature le continent de la philosophie, qui serait n\u00e9e d\u2019un \u00ab miracle grec \u00bb et qui se serait poursuivie jusqu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque moderne, est une construction relativement r\u00e9cente. C\u2019est le XIX\u00e8me<\/sup> si\u00e8cle qui a construit l\u2019Europe comme une exception. <\/p>\n\n\n\n

Avant cette date, le discours \u00e9tait diff\u00e9rent. Roger Bacon, auteur m\u00e9di\u00e9val, explique par exemple que la philosophie a parcouru plusieurs territoires et plusieurs langues, dont l\u2019arabe. Il consid\u00e8re d\u2019ailleurs que la philosophie en arabe est plus importante que la philosophie en latin. De la m\u00eame mani\u00e8re, les philosophes ont toujours consid\u00e9r\u00e9 qu\u2019ils avaient des choses \u00e0 apprendre de la Chine. L\u2019id\u00e9e d\u2019une Europe exceptionnelle qui commande que les autres s\u2019europ\u00e9anisent quand elle-m\u00eame n\u2019a aucune raison de s\u2019indianiser, de se siniser ou de s\u2019africaniser, est une invention relativement r\u00e9cente, et je crois concomitante au colonialisme. L\u2019Europe coloniale s\u2019est construite comme une exception qui serait tout naturellement porteuse d\u2019universalit\u00e9 et d\u2019universalisme. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019id\u00e9e d\u2019une Europe exceptionnelle qui commande que les autres s\u2019europ\u00e9anisent quand elle-m\u00eame n\u2019a aucune raison de s\u2019indianiser, de se siniser ou de s\u2019africaniser, est une invention relativement r\u00e9cente, et je crois concomitante au colonialisme.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais, plus tard, les Romantiques prennent par exemple des positions assez \u00e9tonnantes pour l\u2019\u00e9poque sur la question du voile ou des particularismes, qu\u2019ils soient orientaux ou r\u00e9gionaux. Certains philosophes europ\u00e9ens du XIX\u00e8me<\/sup> si\u00e8cle s\u2019inscrivent donc en contradiction avec cette tradition\u2026<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Absolument. Le discours critique de l\u2019universalisme qui se donne comme allant de soi est \u00e9galement intra-europ\u00e9en. Il est vrai que les Romantiques vont, par exemple, \u00eatre plus attentifs aux langues et \u00e0 leurs diff\u00e9rences. Johann Gottfried von Herder d\u00e9veloppe l\u2019id\u00e9e selon laquelle les langues portent chacune un g\u00e9nie propre qui les rends \u00e9quivalentes. Chaque langue humaine serait une perspective relativement unique sur l\u2019humain et sur le monde. Le Romantisme est par d\u00e9finition porteur de cette machine de guerre contre l\u2019universalisme qu\u2019est le relativisme, dont l\u2019objectif est d\u2019apprendre \u00e0 multiplier les perspectives. <\/p>\n\n\n\n

Ma position, pour essayer de la d\u00e9finir, est pr\u00e9cis\u00e9ment quelque chose qui se situerait entre un universalisme abstrait, s\u00fbr de soi et ne se questionnant pas, et le relativisme \u2014 dont je ne veux pas non plus. Je parlerais de \u00ab pluralisme \u00bb. C\u2019est la raison pour laquelle j\u2019essaye de tenir la position qui consiste \u00e0 dire qu\u2019il faut partir du pluriel. Ne pas accepter, pour prendre un exemple pr\u00e9cis, qu\u2019il y a des langues qui seraient par nature des langues incompl\u00e8tes et qui ne m\u00e9riteraient pas le nom de langue. Vous disiez que l\u2019Europe a d\u00e9fini \u00e0 un moment donn\u00e9 toutes les autres cultures au regard de leurs \u00ab manques \u00bb<\/a>. L\u2019exemple le plus \u00e9vident est celui des langues. On a reproch\u00e9 aux langues africaines de \u00ab manquer \u00bb de concepts abstraits, de \u00ab manquer \u00bb de temps futurs \u2014 manque qui t\u00e9moignerait de l\u2019incapacit\u00e9 des Africains \u00e0 se projeter dans l\u2019avenir \u2014, de surtout \u00ab manquer \u00bb du verbe \u00ab \u00eatre \u00bb. Le verbe \u00ab \u00eatre \u00bb a une importance consid\u00e9rable \u2014 on peut le comprendre \u2014, car toute l\u2019ontologie est construite sur la grammaire du verbe \u00ab \u00eatre \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Aucune langue ne manque de quoi que ce soit. Toutes les langues sont compl\u00e8tes en tant qu\u2019elles sont une exp\u00e9rience humaine du monde.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais de l\u00e0 \u00e0 dire que certaines langues \u00ab manquent de \u00bb, cela n\u2019a aucun sens. Aucune langue ne manque de quoi que ce soit. Toutes les langues sont compl\u00e8tes<\/a> en tant qu\u2019elles sont une exp\u00e9rience humaine du monde. Et donc d\u00e9cider qu\u2019elles sont toutes situ\u00e9es sur une m\u00eame ligne d\u2019\u00e9volution et que si elles ne ressemblent pas aux langues indo-europ\u00e9ennes, \u00e7a signifie qu\u2019il leur manque ceci ou cela, voil\u00e0 un mod\u00e8le tr\u00e8s pr\u00e9cis d\u2019universalisme. Or, le romantisme, et Herder pr\u00e9cis\u00e9ment, remettent justement en question cet \u00e9volutionnisme et ce caract\u00e8re unilin\u00e9aire. <\/p>\n\n\n\n

Vous avez con\u00e7u une \u00ab th\u00e9orie de la traduction \u00bb pour \u00e9clairer votre conception de l\u2019universel. En quoi s\u2019oppose-t-elle \u00e0 l\u2019universalisme ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Maurice Merleau-Ponty et l\u2019article \u00ab De Mauss \u00e0 Claude L\u00e9vi-Strauss \u00bb qu\u2019il \u00e9crit en 1960 dans La Nouvelle Revue Fran\u00e7aise <\/em>ont \u00e9t\u00e9 pour moi une r\u00e9v\u00e9lation. Le philosophe explique que l\u2019\u00e8re de \u00ab l\u2019universel de surplomb \u00bb est termin\u00e9e. Il met \u00e0 mal l\u2019id\u00e9e qu\u2019une r\u00e9gion du monde, l\u2019Europe, se tiendrait \u00e0 la verticale de l\u2019universel, et que cela lui donnerait ce caract\u00e8re unique qui l\u00e9gitimerait, par exemple, l\u2019envoi d\u2019anthropologues dans le reste du monde pour conna\u00eetre les autres. Quand Merleau-Ponty \u00e9crit que c\u2019est termin\u00e9, il est en train de prendre toute la mesure de l\u2019\u00e9poque de d\u00e9colonisation, de l\u2019irruption du pluriel. Les cultures, les nations, les peuples, les langues remettent en question l\u2019Europe comme seule sc\u00e8ne de l\u2019histoire universelle. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab L\u2019Am\u00e9rique a \u00e9t\u00e9 d\u00e9couverte en 1492 \u00bb : il n\u2019y a pas de phrase plus absurde. Merleau-Ponty, en d\u00e9non\u00e7ant \u00ab l\u2019universel de surplomb \u00bb, est le premier me semble-t-il \u00e0 avoir exprim\u00e9 de mani\u00e8re aussi claire ce que signifie cette irruption du pluriel. D\u00e9sormais, plus personne n\u2019est autoris\u00e9 \u00e0 d\u00e9cr\u00e9ter \u00ab je suis l\u2019universel, ralliez-vous \u00e0 mon panache blanc \u00bb. En revanche, si on ne renonce pas \u00e0 l\u2019universel, cela veut dire qu\u2019il va falloir le chercher dans cette nouvelle situation de pluralit\u00e9. Et il va falloir le chercher tous ensemble, comme notre horizon commun. Certaines personnes me demandent : \u00ab mais pourquoi, diantre, te faut-il l\u2019universel ? \u00bb. La derni\u00e8re fois que j\u2019ai vu \u00c9douard Glissant, il m\u2019avait invit\u00e9 \u00e0 donner une conf\u00e9rence \u00e0 l\u2019Institut du Tout-Monde <\/em>et avait trouv\u00e9 que j\u2019\u00e9tais bien trop impatient d\u2019aller vers l\u2019universel. Cette question : \u00ab pourquoi est-ce que c\u2019est l\u2019universel qu\u2019il te faut ? \u00bb est la question qu\u2019il m\u2019a pos\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab L\u2019Am\u00e9rique a \u00e9t\u00e9 d\u00e9couverte en 1492 \u00bb : il n\u2019y a pas de phrase plus absurde. Merleau-Ponty, en d\u00e9non\u00e7ant \u00ab l\u2019universel de surplomb \u00bb, est le premier me semble-t-il \u00e0 avoir exprim\u00e9 de mani\u00e8re aussi claire ce que signifie cette irruption du pluriel.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En parlant d\u2019\u00c9douard Glissant, comment distinguez-vous d\u2019ailleurs \u00ab l\u2019universel \u00bb de son concept de \u00ab Tout-Monde \u00bb ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je crois qu\u2019il y a des choses chez Glissant qui vont dans le sens de ce que je dis. D\u2019un texte \u00e0 l\u2019autre, les d\u00e9finitions du Tout-Monde sont diff\u00e9rentes. Selon le propos qu\u2019il tient, le Tout-Monde ressemble quelque peu \u00e0 ce que je viens de d\u00e9finir comme horizon commun, notamment quand il dit \u00ab j\u2019\u00e9cris en pr\u00e9sence de toutes les langues du monde \u00bb. Je suis d\u2019accord avec l\u2019id\u00e9e selon laquelle, quand j\u2019utilise une langue, j\u2019ai conscience qu\u2019elle est une parmi plusieurs mais que, par ailleurs, les langues du monde, sont autant de perspectives sur l\u2019humain. Toutes \u00e9clairent cette condition commune qui est la n\u00f4tre. En revanche, les mots que l\u2019on multiplie de nos jours, \u00ab pluriversel \u00bb, \u00ab diversel \u00bb, etc., pour aller contre l\u2019universel, je ne comprends pas bien. <\/p>\n\n\n\n

Votre propos peut faire \u00e9cho \u00e0 une exp\u00e9rience de pens\u00e9e formul\u00e9e par Ali Benmaklouf dans La force des raisons<\/em>. Il \u00e9voque deux explorateurs qui, chacun de leur c\u00f4t\u00e9, d\u00e9couvrent une montagne. Le premier, qui explore le versant nord, apprend qu\u2019elle s\u2019appelle \u00ab Afla \u00bb. Le second, parcourant le versant sud, apprend qu\u2019elle est d\u00e9sign\u00e9e par le terme \u00ab Ateb \u00bb. Quand les deux individus se retrouvent ensuite, ils d\u00e9cident de choisir l\u2019un des deux noms pour d\u00e9signer le mont. Selon le philosophe, cette commodit\u00e9 d\u2019usage n\u2019en est pas moins un renoncement \u00e0 \u00ab la richesse anthropologique, li\u00e9e \u00e0 la diversit\u00e9 des expressions et \u00e0 la diversit\u00e9 des langues <\/em> \u00bb. Les deux termes d\u00e9signent en effet des exp\u00e9riences diff\u00e9rentes, une vision enneig\u00e9e du mont d\u2019un c\u00f4t\u00e9, rocailleux de l\u2019autre. Est-ce \u00e0 cet appauvrissement que vous tentez de r\u00e9pondre ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Oui, et je vais continuer \u00e0 citer mon fameux texte de Merleau-Ponty. Il affirme que l\u2019universel \u00ab horizontal \u00bb, \u00e0 rechercher ensemble, est une pure m\u00e9taphore. En effet, on ne sait pas tr\u00e8s bien quelle r\u00e9alit\u00e9 cet universel recouvre. Mais il ajoute qu\u2019il s\u2019agit d\u2019un processus similaire \u00e0 celui d\u2019apprendre une langue \u00e0 partir de la sienne propre. Et c\u2019est de l\u00e0 que me vient le mod\u00e8le des langues et de la traduction : l\u2019id\u00e9e qu\u2019avoir une vis\u00e9e commune est similaire \u00e0 l\u2019apprentissage d\u2019une autre langue. Apprendre une langue n\u00e9cessite d\u2019avoir bien conscience que la traduction n\u2019est pas une solution miracle qui va aboutir \u00e0 une transparence r\u00e9ciproque. Dans la traduction elle-m\u00eame il y a de l\u2019intraduisible, de l\u2019irr\u00e9ductible. On n\u2019arrive jamais \u00e0 une traduction parfaite qui assurerait que les deux mots utilis\u00e9s pour d\u00e9signer le sommet de la montagne recouvrent la m\u00eame r\u00e9alit\u00e9. L\u2019ind\u00e9termination de la traduction, \u00e9nonc\u00e9 par Merleau-Ponty comme ph\u00e9nom\u00e9nologue, est \u00e9galement d\u00e9velopp\u00e9e par le logicien Willard Van Orman Quine dans son article \u00ab Deux dogmes de l\u2019empirisme \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Apprendre une langue n\u00e9cessite d\u2019avoir bien conscience que la traduction n\u2019est pas une solution miracle qui va aboutir \u00e0 une transparence r\u00e9ciproque. Dans la traduction elle-m\u00eame il y a de l\u2019intraduisible, de l\u2019irr\u00e9ductible.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019intraduisible fait partie de la rencontre, de la traduction. Cet intraduisible sauvegarde l\u2019id\u00e9e d\u2019opacit\u00e9 d\u00e9velopp\u00e9e par Glissant. L\u2019opacit\u00e9 est n\u00e9cessaire contre la phagocytose. L\u2019opacit\u00e9 met justement \u00e0 mal la posture qui consiste \u00e0 dire \u00ab je vous envoie mes anthropologues, ils vont non seulement vous comprendre mais vous rendre clairs \u00e0 vous-m\u00eame \u00bb. Cette opacit\u00e9 ne s\u2019oppose pas \u00e0 la relation, elle est au contraire condition de la relation. On le voit \u00e9galement dans l\u2019amour. Si vous voulez \u00e0 tout prix traverser l\u2019esprit et les recoins de la personne aim\u00e9e, vous d\u00e9truirez votre couple. C\u2019est une invasion. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e9galement ce que dit Emmanuel Levinas quand il affirme la n\u00e9cessit\u00e9 de lib\u00e9rer un espace \u00e0 autrui\u2026<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Exactement. Vous construisez votre relation \u00e0 partir de l\u2019espace d\u2019autrui, de l\u2019opacit\u00e9 de l\u2019autre, de l\u2019intraduisibilit\u00e9<\/em> de l\u2019autre aussi. Voil\u00e0, au fond, \u00e0 quoi me sert ce mod\u00e8le de la traduction. \u00ab De Mauss \u00e0 Claude L\u00e9vi-Strauss \u00bb a \u00e9t\u00e9 important pour moi car il m\u2019a permis de prendre la mesure de ce qu\u2019est l\u2019universel. Je lis actuellement Plaidoyer pour l\u2019universel<\/em> de mon ami Francis Wolff. Il reprend une critique renouvel\u00e9e qui consiste \u00e0 affirmer qu\u2019il y avait de l\u2019universel et que les postcoloniaux l\u2019ont mis \u00e0 mal en introduisant du relativisme. Le risque serait d\u2019arriver \u00e0 un point o\u00f9 l\u2019on ne va plus communiquer, o\u00f9 chacun va affirmer son identit\u00e9, \u00e9troitement d\u00e9finie. \u00c9tant un homme noir d\u20191m80, j\u2019aurais une exp\u00e9rience que vous ne comprendriez jamais. <\/p>\n\n\n\n

Mais pourquoi consid\u00e9rer qu\u2019il y avait de l\u2019universel sans probl\u00e8me et que ce seraient les postcoloniaux qui auraient introduit une pluralit\u00e9 ? Ma position consiste \u00e0 dire qu\u2019au contraire, c\u2019est maintenant que tout le monde est assis autour d\u2019une m\u00eame table dans l\u2019\u00e9quivalence totale que la question de l\u2019universel se pose. L\u2019id\u00e9e que l\u2019universel \u00e9tait acquis, qu\u2019il aurait \u00e9t\u00e9 agress\u00e9 et qu\u2019il faudrait maintenant le d\u00e9fendre est totalement folle. Je dirais personnellement, dans une formule un peu provocatrice : \u00ab il n\u2019y a jamais encore eu d\u2019universel, c\u2019est le moment de l\u2019inventer \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019id\u00e9e que l\u2019universel \u00e9tait acquis, qu\u2019il aurait \u00e9t\u00e9 agress\u00e9 et qu\u2019il faudrait maintenant le d\u00e9fendre est totalement folle. Je dirais personnellement, dans une formule un peu provocatrice : \u00ab il n\u2019y a jamais eu d\u2019universel, c\u2019est le moment de l\u2019inventer \u00bb. <\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans son livre Morale minimale, morale maximale<\/em>, le philosophe am\u00e9ricain Michael Walzer tente de trouver l\u2019articulation de l\u2019universel et du particulier. Il se sert notamment d\u2019une photo de manifestants \u00e0 Prague qui r\u00e9clament la v\u00e9rit\u00e9 et la justice. Il \u00e9crit alors : \u00ab En voyant cette image, j\u2019ai su imm\u00e9diatement quel sens donner \u00e0 ces pancartes \u2014 et tous les autres spectateurs avec moi. Mieux encore : j\u2019ai reconnu et accept\u00e9 les valeurs que d\u00e9fendaient ces manifestants \u2013 et tous (ou presque) avec moi (\u2026) Ces manifestants avaient en partage une culture qui m\u2019\u00e9tait profond\u00e9ment \u00e9trang\u00e8re ; ils r\u00e9agissaient \u00e0 une exp\u00e9rience inconnue de moi. Et pourtant, j\u2019aurais pu d\u00e9filer parmi eux sans \u00e9prouver la moindre g\u00eane. J\u2019aurais pu brandir les m\u00eames pancartes<\/em> \u00bb. Est-ce que cette affirmation fait \u00e9cho \u00e0 la pluralit\u00e9 dans l\u2019universel que vous pr\u00e9conisez, r\u00e9ussir \u00e0 articuler irr\u00e9ductibilit\u00e9 de l\u2019exp\u00e9rience et horizon commun ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Absolument. Je viens par exemple de parler de Francis Wolff avec qui je suis profond\u00e9ment d\u2019accord quand il affirme que, quand vous luttez parfois au nom d\u2019une certaine identit\u00e9, c\u2019est en r\u00e9alit\u00e9 au nom de l\u2019humain en g\u00e9n\u00e9ral que vous luttez. Un exemple : l\u2019apartheid. Nelson Mandela ne s\u2019est pas battu contre l\u2019apartheid pour le remplacer par l\u2019apartheid des vainqueurs \u2014 donc le sien \u2014, mais pour y mettre fin. Il propose, \u00e0 cette fin, le concept d\u2019\u00ab ubuntu<\/em> \u00bb. La meilleure traduction possible est \u00ab faire humanit\u00e9 ensemble \u00bb. Faisons humanit\u00e9 ensemble, cr\u00e9ons une nation arc-en-ciel qui nous permet de sortir de la logique de tribus. <\/p>\n\n\n\n

Autrement dit il ne faut pas qu\u2019il y ait une victoire d\u2019une tribu sur l\u2019autre, il ne faut pas non plus chercher \u00e0 \u00e9largir la tribu, il faut sortir \u00e0 pieds joints hors de la tribu vers cette humanit\u00e9 commune. Et comprendre que cette humanit\u00e9 commune n\u2019est pas donn\u00e9e, elle est une t\u00e2che. \u00ab Ubuntu<\/em> \u00bb signifie que l\u2019humain se cr\u00e9e, l\u2019humain est une t\u00e2che vers laquelle aller dans la r\u00e9ciprocit\u00e9. C\u2019est pour cela que l\u2019ubuntu est mon autre mod\u00e8le d\u2019horizon commun. Il renvoie \u00e0 l\u2019id\u00e9e que les exp\u00e9riences humaines sont partageables, que nous ne sommes pas enferm\u00e9s dans des exp\u00e9riences consid\u00e9r\u00e9es comme incommunicables. Si nous les consid\u00e9rons comme incommunicables, on cr\u00e9e une juxtaposition d\u2019identit\u00e9s dont on ne sort pas. <\/p>\n\n\n\n

Que pensez-vous de la critique de l\u2019universalisme telle qu\u2019elle est formul\u00e9e par L\u00e9vi-Strauss <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span> et de sa r\u00e9appropriation par les populismes de droite, qui affirment que leur rejet des autres cultures n\u2019est pas un m\u00e9pris mais une c\u00e9l\u00e9bration de leurs diff\u00e9rences ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Cette r\u00e9appropriation est effectivement embl\u00e9matique d\u2019une tr\u00e8s contemporaine de conservatisme. Alain De Benoist avait \u00e9crit un livre intitul\u00e9 Europe, Tiers-monde, m\u00eame combat<\/em>. Il affirmait que le combat du \u00ab Tiers-monde \u00bb d\u2019exiger la reconnaissance de son identit\u00e9 \u00e9tait le combat de l\u2019Europe \u00e9galement. En gros, chacun reste chez soi. Il suffit de gratter un peu pour faire surgir toutes ces doctrines du grand remplacement. Si on ne sait pas qui est L\u00e9vi-Strauss et si on lit ce passage sorti de ce contexte, on peut consid\u00e9rer qu\u2019il est une bonne illustration de l\u2019id\u00e9e qu\u2019il faut prot\u00e9ger les cultures les unes des autres.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019\u00e9tait \u00e9galement l\u2019id\u00e9e de l\u2019apartheid. Prenons son sens premier : il s\u2019agit simplement d\u2019un d\u00e9veloppement s\u00e9par\u00e9. L\u2019apartheid disait \u00ab les cultures humaines sont ainsi faites qu\u2019elles sont comme les plantes, elles doivent avoir leurs propres terres, ce qui est bon pour l\u2019une n\u2019est pas bon pour l\u2019autre \u00bb. Ce que dit L\u00e9vi-Strauss sur la cr\u00e9ativit\u00e9 artistique justement \u2014 qu\u2019elle suppose pr\u00e9cis\u00e9ment cette forme d\u2019authenticit\u00e9 qu\u2019on d\u00e9fend contre la phagocytose \u2014 peut parfaitement aller dans cette direction-l\u00e0.<\/p>\n\n\n\n

Je consid\u00e8re pour ma part que le discours sur le pluriel est ineffa\u00e7able. Le pluralisme est \u00e0 la fois la d\u00e9fense du pluriel et la vis\u00e9e de l\u2019horizon commun. Pr\u00e9tendre qu\u2019une culture perd par son hybridation est absurde. C\u2019est tout l\u2019eug\u00e9nisme habituel dont on sait ce que l\u2019extr\u00eame-droite en a fait : la peur du m\u00e9tis. <\/p>\n\n\n\n

Le pluralisme est \u00e0 la fois la d\u00e9fense du pluriel et la vis\u00e9e de l\u2019horizon commun. Pr\u00e9tendre qu\u2019une culture perd par son hybridation est absurde.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La peur du ph\u00e9nom\u00e8ne de cr\u00e9olisation, pour revenir \u00e0 Glissant\u2026<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La peur de la cr\u00e9olisation, en effet. Mais la cr\u00e9olisation se situe \u00e9galement dans l\u2019art, dans la langue, etc. Dans le cas que j\u2019expose, il s\u2019agit d\u2019une peur encore plus primaire : une peur biologique. Cette peur biologique a toujours nourri les racismes les plus ferm\u00e9s. Le grand sch\u00e9ma raciste \u00e9tait la peur de l\u2019homme noir avec la femme blanche. Il s\u2019agissait de l\u2019horreur absolue, d\u2019une image insoutenable pour les racistes, punie de lynchage ! Parce que pr\u00e9cis\u00e9ment cela portait sur le biologique. <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019instar des craintes du grand remplacement. C\u2019est pour cette raison que je ne suis pas relativiste. Pas simplement parce qu\u2019il se trouve qu\u2019esth\u00e9tiquement je pr\u00e9f\u00e8re parler de pluralisme, mais parce que le relativisme porte en lui ces dangers-l\u00e0 : l\u2019insularit\u00e9 des civilisations et l\u2019incapacit\u00e9 de traverser les fronti\u00e8res. Quand j\u2019affirme que \u00ab l\u2019intraduisible fait partie de la traduction \u00bb, je place la traduction en premier. Je trouve que la traduction est cr\u00e9atrice. Et si j\u2019insiste sur l\u2019intraduisible, je fragmente l\u2019humanit\u00e9 en tribus. \u00c9videmment, dans ce cas-l\u00e0, on n\u2019en sort jamais.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 propos de l\u2019unit\u00e9 dans le pluralisme, vous \u00e9crivez que \u00ab s\u2019il faut dire l\u2019Afrique au singulier, ce n\u2019est pas par ignorance de la pluralit\u00e9 constitutive du continent (\u2026) mais c\u2019est qu\u2019il s\u2019agit de nommer une id\u00e9e, un projet, un telos. (\u2026) Parler d\u2019Afrique au singulier n\u2019est pas une marque d\u2019un essentialisme mais d\u2019un d\u00e9sir d\u2019Afrique<\/em> \u00bb, \u00ab D\u00e9sirer l\u2019Afrique, c\u2019est vouloir faire de l\u2019unit\u00e9 dans le pluralisme <\/em> \u00bb. Et vous ajoutez : \u00ab \u00e0 l\u2019instar de parler d\u2019un projet europ\u00e9en qui inclut tous les pays europ\u00e9ens dans leur diversit\u00e9 <\/em> \u00bb. Comment le singulier ne peut-il \u00eatre en m\u00eame temps la n\u00e9gation d\u2019une diversit\u00e9 ? Est-il juste de parler d\u2019une Europe ? N\u2019est-ce pas ce que l\u2019on reproche d\u2019ailleurs \u00e0 Edward Said, entre autres, cette id\u00e9e d\u2019un Occident et d\u2019un Orient, d\u00e9finis par leur opposition ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Oui, et l\u00e0 aussi il faut faire attention. Said a raison de dire qu\u2019il faut \u00e9viter de parler de grandes entit\u00e9s : l\u2019Europe, l\u2019Occident, etc. Pourtant, il tombe dedans d\u2019une certaine mani\u00e8re quand il parle de l\u2019Occident. Quand il parle d\u2019orientalisme, il reproche \u00e0 l\u2019Occident d\u2019unifier l\u2019Orient. Le probl\u00e8me est que ce faisant, il unifie aussi l\u2019Occident. Et donc quand je parle de telos, c\u2019est l\u2019id\u00e9e d\u2019un telos politique. Je consid\u00e8re que le panafricanisme est un projet. Le panafricanisme doit pr\u00e9cis\u00e9ment \u00eatre une mani\u00e8re de cr\u00e9er une unit\u00e9 africaine qui se situe dans le pluralisme. Vous avez des panafricanistes \u00ab extr\u00eames \u00bb, qui affirment qu\u2019on ne pourra parler de communaut\u00e9 \u00e0 l\u2019unique condition d\u2019une langue commune. Je suis personnellement plus proche de Ngugi Wa Thiong’o qui affirme que le \u00ab re-membering of Africa \u00bb \u2014 en jouant en anglais sur les mots \u00ab souvenir \u00bb et \u00ab remembrement \u00bb \u2014 se fera dans le pluriel, \u00e0 l\u2019image de la reconstitution de l\u2019unit\u00e9 premi\u00e8re de la d\u00e9esse Osiris. Que toutes les langues africaines redeviennent des langues de sens et de cr\u00e9ation est pour lui la meilleure mani\u00e8re d\u2019atteindre cette finalit\u00e9 de reconstitution d\u2019une unit\u00e9 africaine.<\/p>\n\n\n\n

Quand Said parle d\u2019orientalisme, il reproche \u00e0 l\u2019Occident d\u2019unifier l\u2019Orient. Le probl\u00e8me est que ce faisant, il unifie aussi l\u2019Occident. <\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019Afrique doit-t-elle tirer des le\u00e7ons du projet europ\u00e9en ? Comment les Africains peuvent-ils concr\u00e8tement agir pour que ce d\u00e9sir d\u2019Afrique aboutisse \u00e0 la cr\u00e9ation d\u2019une Afrique, \u00e9tant donn\u00e9 qu\u2019on a vu en Europe les impasses d\u2019une logique de construction fond\u00e9e sur les questions \u00e9conomiques mais pourvue d\u2019une faible assise politique ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je crois que l\u2019Afrique a des le\u00e7ons \u00e0 apprendre de l\u2019Europe : des positives \u00e0 imiter mais \u00e9galement des n\u00e9gatives \u00e0 \u00e9viter. La premi\u00e8re chose est que ce panafricanisme ne pouvait au fond se penser r\u00e9ellement qu\u2019aujourd\u2019hui, \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 l\u2019Afrique n\u2019est plus ce continent oubli\u00e9 des droits de l\u2019Homme et de la d\u00e9mocratie. Parce que je crois que cette unit\u00e9 dans le pluralisme n\u2019est concevable que dans les d\u00e9mocraties.<\/p>\n\n\n\n

La deuxi\u00e8me chose est qu\u2019il y a une forme de prudence dans la constitution du panafricanisme. Quand l\u2019Union africaine dit qu\u2019il faut consid\u00e9rer en priorit\u00e9 cinq r\u00e9gions africaines \u00e0 int\u00e9grer, il y a derri\u00e8re une logique int\u00e9ressante et importante. J\u2019ai le sentiment que parler ou cr\u00e9er un Ouest africain a une certaine coh\u00e9rence historique. Les grands empires africains correspondent grosso modo<\/em> \u00e0 la Communaut\u00e9 \u00e9conomique des \u00c9tats de l\u2019Afrique de l\u2019Ouest (CEDEAO) aujourd\u2019hui. <\/p>\n\n\n\n

Cela ne suffit pas, \u00e9videmment. Contrairement \u00e0 mes amis un peu id\u00e9alistes et f\u00e9d\u00e9ralistes qui d\u00e9fendent la cr\u00e9ation d\u2019une unit\u00e9 africaine, affirmant que les peuples le veulent mais que les politiques l\u2019emp\u00eachent, je consid\u00e8re que l\u2019unit\u00e9 des peuples n\u2019est pas si \u00e9vidente. On a des exemples de peuples pr\u00eats \u00e0 se trucider. Mais ces ensembles r\u00e9gionaux, que l\u2019on doit consid\u00e9rer comme ouverts, ont leur coh\u00e9rence. Cette mani\u00e8re d\u2019y aller par cercles concentriques me semble int\u00e9ressante. Je suis tr\u00e8s attentif au fait que le Maroc ait par exemple d\u00e9cid\u00e9 de rejoindre l\u2019Afrique de l\u2019Ouest. Cela fait sens historiquement. Apr\u00e8s tout, l\u2019histoire du Maroc est profond\u00e9ment li\u00e9e, pour le meilleur et pour le pire, \u00e0 l\u2019Empire songha\u00ef. Donc l\u2019Ouest africain est aussi, d\u2019une certaine fa\u00e7on, le Maroc. <\/p>\n\n\n\n

Quand le Maroc d\u00e9cide aujourd\u2019hui d\u2019entamer cette d\u00e9marche, c\u2019est au nom d\u2019une certaine coh\u00e9rence \u00e9conomique qui fait, par exemple, que son t\u00eate-\u00e0-t\u00eate avec l\u2019Alg\u00e9rie est totalement improductif et va probablement le rester pour quelque temps. Je d\u00e9fends donc la cr\u00e9ation d\u2019ensembles coh\u00e9rents mais ouverts, avec une d\u00e9marche qui soit flexible. Cela me semble \u00eatre la meilleure fa\u00e7on de mettre en \u0153uvre le panafricanisme. Et \u00e0 ce moment-l\u00e0, tirer des le\u00e7ons des avanc\u00e9es mais aussi des \u00e9checs de l\u2019Europe.<\/p>\n\n\n\n

Vous accordez donc une place particuli\u00e8re \u00e0 la question de la d\u00e9mocratie dans votre panafricanisme, alors m\u00eame qu\u2019on a souvent fait le reproche aux thurif\u00e9raires de la d\u00e9mocratie d\u2019avoir une volont\u00e9 universalisante\u2026<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Oui, mais de ce point-de-vue l\u00e0 je crois en une esp\u00e8ce de d\u00e9nominateur commun de la d\u00e9mocratie. Je ne pense pas que la d\u00e9mocratie soit de l\u2019universalisme europ\u00e9en. Je suis de ceux qui pensent que les peuples ont tous faim de d\u00e9mocratie. <\/p>\n\n\n\n

Sur la question des difficult\u00e9s auxquelles l\u2019Europe fait aujourd\u2019hui face, on peut citer la mont\u00e9e des ethno-nationalismes. Vous affirmez, \u00e0 ce propos, qu\u2019on assiste \u00e0 une \u00ab tribalisation mondiale qui voit se substituer aux luttes de classes les guerres culturelles des ethno-nationalistes<\/em> \u00bb. Pour lutter contre ces mouvements ethno-nationalistes, vous \u00e9crivez que \u00ab nous avons aujourd\u2019hui besoin d\u2019une politique de l\u2019humanit\u00e9<\/em> \u00bb. Par qui et comment doit \u00eatre men\u00e9e cette politique de l\u2019humanit\u00e9 ? Ne risque-t-on de ne pas se voir substituer une nouvelle tutelle accus\u00e9e d\u2019\u00eatre \u00ab universalisante \u00bb ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

L\u2019expression \u00ab politique de l\u2019humanit\u00e9 \u00bb a \u00e9t\u00e9 utilis\u00e9e par Barack Obama venu en Afrique du Sud \u00e0 l\u2019occasion de ce qui aurait \u00e9t\u00e9 le centi\u00e8me anniversaire de la naissance de Nelson Mandela. C\u2019est aussi l\u2019id\u00e9e que d\u00e9fendait Henri Bergson, pour revenir \u00e0 la philosophie : que nos politiques doivent \u00eatre dict\u00e9es par un principe r\u00e9gulateur qu\u2019est l\u2019humanit\u00e9. Les tribus sont donn\u00e9es, imm\u00e9diates. Il ne faut bien \u00e9videmment pas nier la force du tribalisme. <\/p>\n\n\n\n

Quand Jean-Marie Le Pen disait pr\u00e9f\u00e9rer ses filles \u00e0 ses ni\u00e8ces, ses ni\u00e8ces \u00e0 ses cousines, etc., d\u2019une certaine mani\u00e8re c\u2019est une \u00e9vidence. Les philosophes communautariens d\u00e9fendent cette id\u00e9e \u00e9galement. Je vois ma tribu qui est concr\u00e8te, m\u2019entoure, partage la m\u00eame langue, la m\u00eame religion. Mais je ne vois pas tr\u00e8s bien ce qu\u2019est l\u2019humanit\u00e9. Il y a deux sources pour \u00e9clairer l\u2019id\u00e9e de l\u2019humanit\u00e9 : la philosophie \u2014 la raison philosophique nous parle d\u2019une humanit\u00e9 \u2014 et la religion. Bergson disait toujours pr\u00e9f\u00e9rer sur ce plan les religions qui, selon lui, jouent sur l\u2019\u00e9motion. Quand le Christ affirme que votre \u00ab prochain \u00bb doit \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 m\u00eame s\u2019il n\u2019est pas forc\u00e9ment votre \u00ab proche \u00bb, cette parole est performative et l\u2019humanit\u00e9 qui \u00e9tait un concept abstrait devient relativement concr\u00e8te. <\/p>\n\n\n\n

Maintenant, quel est le m\u00e9canisme qui permet d\u2019en faire une politique \u2014 car ce que je dis est g\u00e9n\u00e9reux, \u00e9thique mais il faut aussi pouvoir le mettre en pratique ? Il s\u2019agit du multilat\u00e9ralisme. La seule mani\u00e8re de faire une politique de l\u2019humanit\u00e9 est de renforcer le multilat\u00e9ralisme et cet instrument d\u00e9cri\u00e9 que sont les Nations Unies. Je crois qu\u2019il faut renouer avec l\u2019id\u00e9alisme des Nations Unies et des institutions multilat\u00e9rales. Si l\u2019on veut \u00eatre concrets et ne pas simplement survoler philosophiquement la question, la traduction institutionnelle d\u2019une politique de l\u2019humanit\u00e9 est le multilat\u00e9ralisme.<\/p>\n\n\n\n

La seule mani\u00e8re de faire une politique de l\u2019humanit\u00e9 est de renforcer le multilat\u00e9ralisme et cet instrument d\u00e9cri\u00e9 que sont les Nations Unies. Je crois qu\u2019il faut renouer avec l\u2019id\u00e9alisme des Nations Unies et des institutions multilat\u00e9rales.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En m\u00eame temps, le multilat\u00e9ralisme est aussi beaucoup critiqu\u00e9. Comment faire face \u00e0 ce rejet des institutions multilat\u00e9rales qui semble s\u2019\u00e9tendre avec la mont\u00e9e des populismes ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

\u00c0 mon avis, Jair Bolsonaro, par exemple, est totalement anti-multilat\u00e9raliste sur le sujet de l’Amazonie, et c\u2019est coh\u00e9rent avec le fait qu\u2019il soit un ethno-nationaliste et un tribaliste. Nous ne pouvons plus ignorer que l\u2019Amazonie est, selon l\u2019image consacr\u00e9e, un des poumons du monde. Cela signifie que chacun a personnellement une forme de droit sur l\u2019Amazonie, ou sur la for\u00eat congolaise. Parce que ma maison en tant qu\u2019\u00eatre humain respire avec l\u2019Amazonie. Mais qui peut nous faire l\u00e9gitimement consid\u00e9rer que l\u2019Amazonie est un bien commun et opposer \u00e0 Bolsonaro une critique qu\u2019il ne puisse d\u00e9noncer comme \u00e9tant \u00ab un discours colonialiste du pr\u00e9sident Macron \u00bb ? La communaut\u00e9 internationale, si cette notion existe. La communaut\u00e9 internationale est la repr\u00e9sentation de l\u2019id\u00e9e d\u2019humanit\u00e9. C\u2019est l\u2019humanit\u00e9 en tant que telle qui habite la terre et qui a la responsabilit\u00e9 de faire que la terre reste habitable.<\/p>\n\n\n\n

Partant de l\u00e0, l\u2019\u00c9tat, la structure \u00e9tatique m\u00eame est un probl\u00e8me\u2026 Car les personnes comme Jair Bolsonaro s\u2019opposent non seulement aux notions d\u2019humanit\u00e9 et de communaut\u00e9 internationale, mais \u00e9galement aux tribus amazoniennes, \u00e0 l\u2019\u00e9chelon r\u00e9duit. Le Pr\u00e9sident br\u00e9silien ne porte pas la voix des tribus dans le cas amazonien. L\u2019\u00c9tat devient donc un mauvais relais entre le tr\u00e8s particulier et la communaut\u00e9 internationale. Est-il, d\u00e8s lors, l\u2019\u00e9chelle r\u00e9ellement pertinente pour la construction d\u2019une humanit\u00e9 ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est pour cela que les d\u00e9cisions se prennent \u00e0 des niveaux multiples. Les grandes questions plan\u00e9taires comme l\u2019environnement doivent conduire \u00e0 un renforcement de la communaut\u00e9 dite internationale. Je r\u00e9p\u00e8te qu\u2019il s\u2019agit du seul moyen d\u2019avoir la l\u00e9gitimit\u00e9 consistant \u00e0 dire \u00e0 Bolsonaro \u00ab nous avons un droit de regard sur votre for\u00eat amazonienne et nous ne sommes ni le Pr\u00e9sident Macron, ni la France, mais la communaut\u00e9 internationale, les Nations Unies \u00bb \u2014 m\u00eame s\u2019il n\u2019est \u00e9videmment pas question de supprimer la souverainet\u00e9 de l\u2019\u00c9tat br\u00e9silien d\u2019un trait de plume sur ces questions environnementales. <\/p>\n\n\n\n

La signification et le r\u00f4le des tribus va changer selon la strat\u00e9gie mise en place et le jeu des acteurs. Dans ce cadre pr\u00e9cis, les tribus sont du c\u00f4t\u00e9 du multilat\u00e9ralisme. Elles refusent \u00e0 l\u2019\u00c9tat br\u00e9silien le droit de transformer toute la nature en ressource \u00e9conomique et d\u2019abattre des arbres ou de br\u00fbler des terres. Leur relation \u00e0 la nature se r\u00e9percute \u00e0 un niveau international, au-del\u00e0 de la nation br\u00e9silienne. <\/p>\n\n\n\n

La restitution des biens culturels africains \u00e0 l\u2019Afrique fait-elle partie de cette \u00ab politique de l\u2019humanit\u00e9 \u00bb que vous pr\u00e9conisez ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je dirais que cette politique de l\u2019humanit\u00e9 appelle effectivement \u00e0 la restitution des objets d\u2019art africains. On ne fait pas suffisamment attention au sous-titre du rapport \u00e9crit par Felwine Sarr et B\u00e9nedicte Savoy [rapport remis au Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique le 23 novembre 2018, ndlr.] et qui s\u2019intitule \u00ab Restituer le Patrimoine africain : vers une nouvelle \u00e9thique relationnelle \u00bb. Ce qui est vis\u00e9 dans la restitution de ces objets est leur capacit\u00e9 \u00e0 cr\u00e9er de la relation, de la r\u00e9ciprocit\u00e9. Les auteurs citent en particulier le mandat du pr\u00e9sident s\u00e9n\u00e9galais de l\u2019UNESCO de 1974 \u00e0 1987, Amadou-Mahtar M\u2019Bow, dont un des combats a \u00e9t\u00e9 celui de la restitution. Il prononce un discours magnifique en 1978 o\u00f9 il affirme que les objets qui ont circul\u00e9 ont fait pousser des racines dans leur lieu d\u2019accueil, ils ont cr\u00e9\u00e9 de la \u00ab signification \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

La politique de l\u2019humanit\u00e9 appelle effectivement \u00e0 la restitution des objets d\u2019art africains.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le fait que certains de ces objets se soient trouv\u00e9s au Mus\u00e9e d\u2019ethnographie du Trocad\u00e9ro, pour prendre un exemple fran\u00e7ais, explique en grande partie leur influence sur Pablo Picasso, Georges Braque et d\u2019autres peintres modernes. Il ne s\u2019agit donc pas de se couper de ces significations et de consid\u00e9rer que ces objets qui sont partis vont revenir \u00ab \u00e0 la maison \u00bb inchang\u00e9s. Ces objets ont cr\u00e9\u00e9 du lien et il faut penser ce lien. Je crois que le meilleur endroit pour cela est l\u2019UNESCO. <\/p>\n\n\n\n

Les objets d\u2019art dont la question de la restitution se pose ont parfois \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9s par des communaut\u00e9s qui sont \u00e0 cheval sur plusieurs fronti\u00e8res nationales. Le rapport Savoy-Sarr pr\u00e9conise que les proc\u00e9dures de restitution soient \u00ab engag\u00e9es dans une relation d\u2019\u00c9tat \u00e0 \u00c9tat. (\u2026) Les biens de l\u2019\u00c9tat seraient donc rendus \u00e0 l\u2019\u00c9tat demandeur, \u00e0 charge pour celui-ci, apr\u00e8s n\u00e9gociation, de rendre l\u2019objet \u00e0 sa communaut\u00e9 ou propri\u00e9taire initial<\/em> \u00bb. Que r\u00e9pondez-vous \u00e0 ceux qui soutiennent que pour \u00eatre \u00e9thiquement fond\u00e9es, les restitutions doivent d\u2019abord poser la question de l\u2019interlocuteur l\u00e9gitime (tribus, communaut\u00e9s, etc.) ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est effectivement un reproche qui leur a \u00e9t\u00e9 fait. Mais je crois qu\u2019il s\u2019agit d\u2019un mauvais proc\u00e8s. C\u2019est l\u2019\u00c9tat fran\u00e7ais qui a d\u00e9clench\u00e9 cette question de la restitution. Emmanuel Macron parle, en tant que pr\u00e9sident de la R\u00e9publique, au nom de l\u2019\u00c9tat fran\u00e7ais. Les relations qu\u2019il s\u2019agit d\u2019activer sur cette question sont les relations entre nations. L\u2019id\u00e9e selon laquelle ces objets auraient \u00e9t\u00e9 pris non pas \u00e0 l\u2019\u00c9tat du S\u00e9n\u00e9gal mais disons \u00e0 la tribu Diola \u2014 pour prendre un exemple au hasard \u2014 est inextricable. Si ces objets ont \u00e9t\u00e9 pris \u00e0 la tribu Diola, il faudrait les rendre \u00e0 la tribu Diola. Mais la tribu Diola est-elle toujours la tribu Diola ? Est-ce qu\u2019entre temps, cette tribu qui avait cr\u00e9\u00e9 ces objets pour son culte religieux ne s\u2019est pas convertie en partie au christianisme, mais surtout \u00e0 l\u2019islam ? Et d\u2019ailleurs, l\u2019islam n\u2019est-elle pas une religion iconoclaste qui d\u00e9teste ces objets qui ressemblent \u00e0 des f\u00e9tiches qu\u2019il faut d\u00e9truire ?<\/p>\n\n\n\n

Ma r\u00e9ponse est de dire \u00ab qui \u00eates-vous, directeurs de mus\u00e9e, pour sous-peser la question de savoir s\u2019il faut rendre ces objets \u00e0 l\u2019\u00c9tat s\u00e9n\u00e9galais ? \u00bb. Voil\u00e0 une attitude proprement colonialiste. Un fonctionnaire de l\u2019\u00c9tat fran\u00e7ais se met \u00e0 juger un \u00c9tat ind\u00e9pendant et souverain, en se demandant s\u2019il convient de lui donner des objets, ou pas. C\u2019est la raison pour laquelle je pr\u00f4ne le multilat\u00e9ralisme. Qu\u2019il ne faille pas rendre ces objets \u00e0 Paul Biya, pr\u00e9sident de la R\u00e9publique du Cameroun, dans l\u2019\u00e9tat actuel des choses, je suis le premier d\u2019accord. Premi\u00e8rement, parce que c\u2019est un tyran. Deuxi\u00e8mement, parce que je peux imaginer un tel \u00e9tat tyrannique se servir de ce genre de revendications \u00e0 des fins totalement nationalistes. On peut m\u00eame imaginer que \u00e7a soit une mani\u00e8re de renforcer une tribu contre d\u2019autres tribus, etc. Donc bien \u00e9videmment que la restitution \u00e0 certains \u00c9tats peut \u00eatre sujette \u00e0 r\u00e9serves. Simplement personne d\u2019autre que l\u2019Unesco n\u2019a le droit d\u2019en juger. Se positionner sur ces questions doit \u00eatre du ressort de la communaut\u00e9 internationale.<\/p>\n\n\n\n

Qui \u00eates-vous, directeurs de mus\u00e9e, pour sous-peser la question de savoir s\u2019il faut rendre ces objets \u00e0 l\u2019\u00c9tat s\u00e9n\u00e9galais ? Voil\u00e0 une attitude proprement colonialiste. Un fonctionnaire de l\u2019\u00c9tat fran\u00e7ais se met \u00e0 juger un \u00c9tat ind\u00e9pendant et souverain, en se demandant s\u2019il convient de lui donner des objets, ou pas. C\u2019est la raison pour laquelle je pr\u00f4ne le multilat\u00e9ralisme.<\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Une fois que la d\u00e9cision de restituer a \u00e9t\u00e9 prise, plusieurs options se pr\u00e9sentent au Pr\u00e9sident s\u00e9n\u00e9galais. Soit ces objets ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9territorialis\u00e9s en quelque sorte et ont acquis une signification nouvelle, il d\u00e9cide alors de les placer dans un mus\u00e9e national. Soit les conditions sont r\u00e9unies pour une forme de reterritorialisation. Savoy et Sarr laissent la porte ouverte \u00e0 ces possibilit\u00e9s. Il y a des endroits en Afrique o\u00f9 des groupes culturels souhaitent \u00ab recharger \u00bb des objets restitu\u00e9s. C\u2019est la m\u00e9taphore utilis\u00e9e dans le rapport. Ces groupes culturels souhaitent recharger les objets spirituellement, leur rendre leur signification et ils pourront, d\u00e8s lors, reprendre une place \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur d\u2019une sorte d\u2019\u00e9conomie spirituelle ou religieuse. Dans ces cas-l\u00e0, l\u2019\u00c9tat peut d\u00e9cider de faire des mus\u00e9es communautaires. Il y en a par exemple dans le sud du S\u00e9n\u00e9gal, au Cameroun, etc. Les chefferies traditionnelles \u00e9mettent le d\u00e9sir de r\u00e9cup\u00e9rer des objets et c\u2019est \u00e0 l\u2019\u00c9tat souverain d\u2019en d\u00e9cider. <\/p>\n\n\n\n

Pourtant, d\u00e9cider de ne pas rendre des objets \u00e0 un \u00ab tyran \u00bb suppose un jugement normatif souvent contest\u00e9, et pr\u00e9sente le risque de ne pas respecter les souverainet\u00e9s. Certains chefs d\u2019\u00c9tats ne reconnaissent par exemple pas la l\u00e9gitimit\u00e9 de l\u2019UNESCO ou de la communaut\u00e9 internationale. Que faire si un \u00c9tat souverain, qui souhaite que certains objets lui soient restitu\u00e9s, refuse la position de l\u2019UNESCO ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce sont des difficult\u00e9s effectives dont j\u2019ai conscience. Je souhaite simplement que cette discussion difficile sur la restitution ait pour cadre l\u2019UNESCO et non le bureau d\u2019un fonctionnaire.<\/p>\n\n\n\n

Un autre point probl\u00e9matique concerne le statut de l\u2019objet. Les objets d\u2019art non-occidentaux avaient souvent une fonction rituelle avant d\u2019\u00eatre artistique. Et alors qu\u2019ils sont devenus des objets d\u2019art par le prisme d\u2019une vision fran\u00e7aise, ils sont restitu\u00e9s sous cette d\u00e9nomination \u00e0 des propri\u00e9taires qui les consid\u00e9raient autrement. Revient-il d\u00e8s lors aussi aux \u00c9tats africains de se prononcer sur la nature de l\u2019objet quand il est r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Sur ce plan, il y a deux philosophies. Je consid\u00e8re que l\u2019art commence quand les dieux sont partis des objets. Je consid\u00e8re que ces objets ont acquis des significations nouvelles et l\u2019id\u00e9e m\u00eame qu\u2019ils redeviennent des objets rituels me semble purement artificielle. Je crois qu\u2019aujourd\u2019hui ces objets parlent le langage de leur forme plastique. Ils sont, par la force des choses, devenus ces formes plastiques. Pour dire tout le bien que je pense du Mus\u00e9e du quai Branly, je fais partie de ceux qui ont trouv\u00e9 que c\u2019\u00e9tait une bonne chose de sortir de l\u2019ethnologisme quand ces objets \u00e9taient au Mus\u00e9e de l\u2019Homme. <\/p>\n\n\n\n

Ces objets parlent d\u2019eux-m\u00eames et une pr\u00e9sentation minimale sur leur origine et non sur leur fonction \u2014 que c\u2019\u00e9taient, par exemple, des masques port\u00e9s pendant les saisons des pluies \u2014 suffit. Ils parlent le langage des formes. Laissons ce langage des formes parler au spectateur. Cela dit, je con\u00e7ois tr\u00e8s bien que j\u2019exprime un point de vue rationaliste et philosophique. J\u2019admets que c\u2019est probablement parce que ces objets n\u2019ont plus aucune signification religieuse pour moi, bien au contraire, que j\u2019accepte plus facilement qu\u2019ils ne soient que le langage de leur propre forme et de leur beaut\u00e9 plastique. Peut-\u00eatre que quelqu\u2019un qui serait rest\u00e9 proche des religions en question penserait qu\u2019il y a encore une dynamique ou une force de l\u2019\u0153uvre. Je laisse cette question ouverte\u2026<\/p>\n\n\n\n

En pratique, ces objets perdent g\u00e9n\u00e9ralement cette force spirituelle apr\u00e8s les rituels pour lesquels ils sont cr\u00e9\u00e9s, de l\u2019aveu m\u00eame de leurs auteurs\u2026<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Oui, vous avez des gens qui consid\u00e8rent que leur cr\u00e9ation \u00e9tait cyclique. Ces objets avaient un temps de vie qu\u2019ils n\u2019ont plus. Ils \u00e9taient donc vou\u00e9s \u00e0 \u00eatre jet\u00e9s ou recycl\u00e9s d\u2019une mani\u00e8re ou d\u2019une autre. S\u2019ils nous int\u00e9ressent maintenant, c\u2019est simplement par le langage de leur forme.<\/p>\n\n\n\n

Une fois le caract\u00e8re artistique admis, n\u2019existe-t-il pas une mani\u00e8re de contourner ces enjeux de la restitution en insistant sur la question du telos de l\u2019\u0153uvre et du spectateur ? Pensons \u00e0 la pol\u00e9mique r\u00e9currente autour de la demande, formul\u00e9e par les grecs aupr\u00e8s du British Museum, d\u2019un retour des frises du Parth\u00e9non au mus\u00e9e d\u2019Ath\u00e8nes construit pour l\u2019occasion \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l\u2019Acropole. Certains philosophes s\u2019\u00e9taient exprim\u00e9s pour d\u00e9placer le d\u00e9bat de la question de l\u2019appartenance \u00e0 celle de la finalit\u00e9 de l\u2019\u0153uvre, \u00e0 savoir celle d\u2019\u00eatre vue dans les conditions les plus conformes au souhait de l\u2019artiste. \u00c0 ce titre, Ath\u00e8nes apparaissait comme l\u2019endroit id\u00e9al pour en appr\u00e9cier la qualit\u00e9, notamment du point de vue de la lumi\u00e8re. Que pensez-vous de ce type de raisonnement, s\u00e9duisant d\u2019un point de vue philosophique mais complexe \u00e0 mettre en pratique ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est l\u00e0, \u00e0 mon avis, que la discussion sur la circulation devient importante. Restitution va avec circulation. Les interlocuteurs de Sarr et de Savoy ont essay\u00e9 de se servir de la circulation en affirmant que ces objets n\u2019\u00e9taient pas vou\u00e9s \u00e0 \u00eatre restitu\u00e9s mais plut\u00f4t \u00e0 circuler. Il valait donc mieux trouver le moyen de les faire circuler. Sauf qu\u2019il y a un titre de propri\u00e9t\u00e9 n\u00e9cessaire \u00e0 la circulation des \u0153uvres. Nous sommes dans un monde o\u00f9 les choses ont des propri\u00e9taires, o\u00f9 la propri\u00e9t\u00e9 intellectuelle a un sens. \u00ab Qui pr\u00eate \u00e0 qui ? \u00bb est une question l\u00e9gale \u00e0 laquelle il faut r\u00e9pondre. <\/p>\n\n\n\n

En revanche, il faut effectivement faire en sorte que ces objets circulent. Je crois que ces fresques, une fois les questions de propri\u00e9t\u00e9 l\u00e9gale r\u00e9gl\u00e9es, offriront deux visages et donc deux significations possibles. Un visage \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du British Museum qui saura comment les disposer pour obtenir un certain effet et une certaine conversation de ces fresques avec les autres objets environnants. Et il y a aussi la signification dont se chargent ces fresques si on les met en Gr\u00e8ce sous les lumi\u00e8res originelles m\u00e9diterran\u00e9ennes. Mais c\u2019est ind\u00e9pendant, me semble-t-il, de la question de la restitution. C\u2019est li\u00e9 par contre \u00e0 la question de l\u2019\u00e9thique relationnelle, qui fait que nous pouvons imaginer des mus\u00e9es mondiaux, universels de ce point de vue. Le Metropolitan Museum of Art (Met) de New-York va organiser \u00e0 partir de janvier, une exposition sur l\u2019Art africain. Le S\u00e9n\u00e9gal lui a pr\u00eat\u00e9 trois pi\u00e8ces magnifiques : un m\u00e9galithe, un petit bouclier en or, et une pierre pr\u00e9historique l\u00e9g\u00e8rement creus\u00e9e qui ressemble \u00e0 une vierge. <\/p>\n\n\n\n

Voil\u00e0 de la belle circulation. C\u2019est le d\u00e9but d\u2019une \u00e9thique relationnelle entre le Met et Dakar. Simplement, il est clair que ces objets appartiennent \u00e0 Dakar. Vous ne pouvez vous-m\u00eame entrer dans ce circuit du pr\u00eat et de la circulation que si vous \u00eates propri\u00e9taire de quelque chose. Un des aspects du rapport \u00e9tait de dire que l\u2019Afrique a \u00e9t\u00e9 tellement d\u00e9pourvue, qu\u2019on peut estimer que 95 % des biens sont \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur. C\u2019est \u00e9norme. Ces taux sont sujets \u00e0 discussion. Mais m\u00eame si ce n\u2019est pas exact et qu\u2019il s\u2019agit de 80 %, cela reste \u00e9norme. Cela signifie que pour qu\u2019un continent autant d\u00e9poss\u00e9d\u00e9 puisse entrer dans cette \u00e9thique relationnelle, il faut que des objets lui soient restitu\u00e9s. Cela a d\u2019ailleurs commenc\u00e9. Faire circuler est important.<\/p>\n\n\n\n

Pour qu\u2019un continent autant d\u00e9poss\u00e9d\u00e9 puisse entrer dans l’\u00e9thique relationnelle, il faut que des objets lui soient restitu\u00e9s. <\/p>souleymane bachir diagne<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

S\u2019il y a bien un march\u00e9 qui subit des trafics en tout genre de particulier \u00e0 particulier, c\u2019est le march\u00e9 de l\u2019art non-occidental (africain, pr\u00e9colombien, etc.). De ce point de vue, des pi\u00e8ces parfois plus belles que celles acquises par les mus\u00e9es sont d\u00e9tenues par des particuliers. Comment travailler sur cette question ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est pour cela que l\u2019effet de ce rapport ne va pas simplement \u00eatre de restituer. Le plus important est que l\u2019id\u00e9e de provenance entre dans les mentalit\u00e9s des opinions publiques. \u00c0 Londres, une vente aux ench\u00e8res a par exemple \u00e9t\u00e9 emp\u00each\u00e9e par la soci\u00e9t\u00e9 civile car une pi\u00e8ce mise en vente \u00e9tait litigieuse. \u00c0 la diff\u00e9rence des ann\u00e9es 70 o\u00f9 l\u2019on parlait d\u00e9j\u00e0 de restitution, il s\u2019agit aujourd\u2019hui d\u2019une pr\u00e9occupation publique. Les d\u00e9tenteurs d\u2019objets doivent prouver que leur provenance est l\u00e9gale et l\u00e9gitime. Car l\u2019espace colonial \u00e9tait \u00e9galement un espace de transaction. Il est faux de dire que tout a \u00e9t\u00e9 pris par violence. Des objets ont \u00e9t\u00e9 achet\u00e9s, vendus, \u00e9chang\u00e9s. Il est important de le dire. Ces questions de provenance et de l\u00e9gitimit\u00e9 vont dor\u00e9navant \u00eatre plus souvent pos\u00e9es et j\u2019esp\u00e8re que le march\u00e9 sera mieux r\u00e9gul\u00e9 du fait de cette atmosph\u00e8re nouvelle install\u00e9e. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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