{"id":54743,"date":"2019-12-13T18:47:52","date_gmt":"2019-12-13T17:47:52","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=54743"},"modified":"2019-12-13T23:26:24","modified_gmt":"2019-12-13T22:26:24","slug":"paris-hors-les-murs-manifeste-pour-un-investissement-litteraire-du-grand-paris","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/12\/13\/paris-hors-les-murs-manifeste-pour-un-investissement-litteraire-du-grand-paris\/","title":{"rendered":"Paris hors les murs. Manifeste pour un investissement litt\u00e9raire du Grand-Paris"},"content":{"rendered":"\n

Rome n\u2019est plus dans Rome, elle est toute o\u00f9 je suis<\/em>
(Corneille, <\/em>Sertorius, III, 1)<\/em><\/p>\n\n\n\n

\u00ab \u00catre valentinois, c\u2019est \u00eatre natif de Valence, draguignanais de Draguignan, et briochin de Saint-Brieuc. Mais \u00eatre de Paris, ce n\u2019est pas \u00eatre n\u00e9 \u00e0 Paris, c\u2019est y rena\u00eetre. Et ce n\u2019est pas non plus y<\/em> \u00eatre, c\u2019est en<\/em> \u00eatre. Et ce n\u2019est pas non plus y<\/em> vivre, c\u2019est en<\/em> vivre. Car on en vit, et on en meurt. \u00catre de Paris, ce n\u2019est pas y avoir vu le jour, mais c\u2019est y voir clair. On n\u2019est pas de Paris comme on est de Clermont, mais on est de Paris comme on serait d\u2019un cercle : on est \u00e9lu Parisien, \u00e9lu \u00e0 vie. C\u2019est une dignit\u00e9, c\u2019est une charge aussi. On doit \u00eatre \u00e0 ses ordres, \u00e0 sa d\u00e9votion, quand Paris nous a fait l\u2019honneur de nous admettre. Aimer Paris rend orgueilleux, car il vous devient \u00e0 ce point n\u00e9cessaire qu\u2019on en arrive \u00e0 croire qu\u2019on peut lui \u00eatre utile. \u00bb\u00a0Ces mots sont de Sacha Guitry, figure par excellence de l\u2019\u00ab Esprit de Paris \u00bb qu\u2019il d\u00e9crit ici, et pourtant n\u00e9 \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg o\u00f9 son p\u00e8re, le com\u00e9dien Lucien Guitry, avait \u00e9t\u00e9 engag\u00e9 pour neuf ans dans un th\u00e9\u00e2tre, justement pour y faire rayonner l\u2019art dramatique parisien. Il est vrai qu\u2019une sp\u00e9cificit\u00e9 des grandes m\u00e9tropoles est bien qu\u2019il n\u2019est pas requis d\u2019y \u00eatre n\u00e9 pour y \u00eatre adopt\u00e9 ou pour s\u2019y sentir chez soi \u2014 la r\u00e9ciproque \u00e9tant \u00e9galement vraie. Rien de plus d\u00e9mocratique au fond que la grande ville, et pourtant rien de plus \u00e9litiste non plus \u2014 ce n\u2019est pas un hasard si Guitry la compare \u00e0 un cercle<\/em>.

Depuis une dizaine d\u2019ann\u00e9es, les propositions politiques visant \u00e0 un d\u00e9cloisonnement de la capitale parisienne, au profit d\u2019une meilleure int\u00e9gration des vingt arrondissements qui la composent aux communes de petite et moyenne couronne qui la ceignent, ont progressivement donn\u00e9 lieu \u00e0 des projets d\u2019investissements immobiliers, sociaux et urbanistiques. On voit peu \u00e0 peu se rapprocher l\u2019horizon concret o\u00f9 la barri\u00e8re du p\u00e9riph\u00e9rique, symbole de la fracture entre une capitale riche et ultra-int\u00e9gr\u00e9e \u00e0 la mondialisation et une banlieue en difficult\u00e9, sera, sinon abolie, du moins largement att\u00e9nu\u00e9e. Plus de 150 ans apr\u00e8s l\u2019agrandissement de 1860, derni\u00e8re \u00e9volution en date des fronti\u00e8res de la capitale, qui avait vu ses limites \u00e9tendues de l\u2019ancien Mur des Fermiers g\u00e9n\u00e9raux \u00e0 l\u2019enceinte de Thiers, le Grand-Paris ouvre la voie \u00e0 une nouvelle red\u00e9finition du p\u00e9rim\u00e8tre de l\u2019espace urbain parisien \u2014 bien qu\u2019il ne s\u2019agisse pas, cette fois (et pour le moment), d\u2019agrandir la superficie de la commune, mais plut\u00f4t de mieux l\u2019int\u00e9grer \u00e0 son agglom\u00e9ration. Pourtant, les discussions et les id\u00e9es qui ont \u00e9merg\u00e9 parall\u00e8lement \u00e0 ce projet de grande ampleur semblent, jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, faire d\u2019un \u00e9l\u00e9ment d\u00e9cisif que l\u2019histoire du \u00ab mythe de Paris  \u00bb, qui atteignit son apog\u00e9e sous le Second Empire, au point que Walter Benjamin en tira le qualificatif de \u00ab Capitale du XIXe si\u00e8cle<\/span>1<\/sup><\/a><\/span> \u00bb, nous a enseign\u00e9 : Paris s\u2019est construit et invent\u00e9 \u00e0 travers la litt\u00e9rature, qui l\u2019a racont\u00e9, r\u00eav\u00e9, conspu\u00e9, ador\u00e9 ou simplement parcouru de fond en comble.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

\u00ab Paris s\u2019est construit et invent\u00e9 \u00e0 travers la litt\u00e9rature, qui l\u2019a racont\u00e9, r\u00eav\u00e9, conspu\u00e9, ador\u00e9 ou simplement parcourue de fond en comble. \u00bb<\/p>mathieu roger-lacan<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Paris, capitale du XIXe si\u00e8cle<\/strong><\/h4>\n\n\n\n

Comme toute nation, l\u2019histoire de cette invention litt\u00e9raire du Paris moderne a son panth\u00e9on propre, le plus vaste de toutes les cit\u00e9s europ\u00e9ennes. Le p\u00e8re fondateur de la fl\u00e2nerie parisienne est sans doute Louis-S\u00e9bastien Mercier, dressant son Tableau de Paris<\/em> pendant la d\u00e9cennie de la R\u00e9volution fran\u00e7aise. Cet exemple fondateur a inspir\u00e9 de nombreux travaux de physiologistes de la ville-lumi\u00e8re au XIXe si\u00e8cle, inventant un genre que Walter Benjamin nomma la \u00ab litt\u00e9rature panoramique \u00bb : les chroniques de L\u2019Ermite de la Chauss\u00e9e d\u2019Antin<\/em> d\u2019\u00c9tienne de Jouy sous l\u2019Empire et la Restauration ; sous Louis-Philippe, les entreprises collectives de Paris ou le livre des Cent et Un<\/em>, des Fran\u00e7ais peints par eux-m\u00eames<\/em> ou <\/em><\/strong>Le Diable \u00e0 Paris<\/em> (sous-titr\u00e9 M\u0153urs et coutumes, caract\u00e8res et portraits des habitants de Paris, tableau complet de leur vie priv\u00e9e, publique, politique, artistique, litt\u00e9raire, industrielle<\/em>) ; Paris anecdote <\/em>et Paris inconnu <\/em>d\u2019Alexandre Parent-Duch\u00e2telet sous le Second Empire ; ou encore les Physiologies parisiennes<\/em> d\u2019Albert Millaud sous la Troisi\u00e8me R\u00e9publique. La caisse de r\u00e9sonance de ces productions est la presse satirique : dans Le<\/em> Nain Jaune, Charivari, Le Tintamarre<\/em>, etc., elle inonde l\u2019espace public de caricatures comme celles d\u2019Honor\u00e9 Daumier, qui ancrent ces figures st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9es dans la conscience collective. C\u2019est dans ce laboratoire de la vie sociale parisienne que s\u2019\u00e9laborent progressivement les st\u00e9r\u00e9otypes du chiffonnier pour le Paris populaire<\/span>2<\/sup><\/a><\/span>, du dandy pour le Paris mondain, de la grisette pour le Paris \u00e9rotique, autant de lieux communs de l\u2019imaginaire collectif du et sur le XIXe si\u00e8cle.\u00a0

C\u2019est en interaction directe avec cette litt\u00e9rature panoramique que les auteurs de romans-feuilletons se sont empar\u00e9s du mat\u00e9riau parisien pour en faire le cadre et parfois le sujet de leurs \u0153uvres. L\u2019apog\u00e9e de cette inter-p\u00e9n\u00e9tration entre l\u2019invention d\u2019un imaginaire romanesque de la ville et la construction de types qui codifient l\u2019espace urbain a \u00e9t\u00e9 atteint sous la Monarchie de Juillet, avec le succ\u00e8s plan\u00e9taire des Myst\u00e8res de Paris<\/em> d\u2019Eug\u00e8ne Sue d\u2019une part, et avec le r\u00e9seau fourmillant des figures et des intrigues d\u00e9velopp\u00e9 par Balzac dans La Com\u00e9die humaine<\/em> d\u2019autre part. Comme l\u2019ont montr\u00e9 les travaux de l\u2019historienne du litt\u00e9raire Judith Lyon-Caen<\/span>3<\/sup><\/a><\/span>, la litt\u00e9rature de ces ann\u00e9es est bien autre chose qu\u2019un document sur son \u00e9poque : elle est un agent social actif qui, selon ses moyens propres, ceux du travail de la langue, de l\u2019imagination et de la tension dramatique, participe \u00e0 configurer une auto-fascination des lecteurs, parisiens ou non, pour la ville de Paris. Pour ceux qui la d\u00e9couvraient ou la visitaient, de l\u2019\u00e9poque romantique \u00e0 la veille de la Premi\u00e8re Guerre mondiale, ce que le nom \u00ab Paris \u00bb recouvre a constitu\u00e9, pourrait-on dire, une exp\u00e9rience de r\u00e9alit\u00e9 augment\u00e9e<\/em> par la production, la diffusion et la r\u00e9ception de repr\u00e9sentations litt\u00e9raires de la ville.\u00a0

N\u00e9anmoins, le roman n\u2019a pas eu le monopole de l\u2019invention litt\u00e9raire de la \u00ab capitale du XIXe si\u00e8cle \u00bb. La po\u00e9sie, elle aussi, par ses moyens all\u00e9goriques et formels propres, y a jou\u00e9 un r\u00f4le majeur. De la section \u00ab Tableaux parisiens \u00bb des Fleurs du Mal<\/em> aux po\u00e8mes en prose du Spleen de Paris<\/em>, Baudelaire est sans doute le po\u00e8te qui a laiss\u00e9 sur la ville la plus grande empreinte pendant les deux d\u00e9cennies du Second Empire, immortalis\u00e9e par le cri du po\u00e8te face au Cygne \u00e9gar\u00e9 parmi les travaux du vieux Carrousel :\u00a0\u00a0

Le vieux Paris n\u2019est plus (la forme d\u2019une ville
Change plus vite, h\u00e9las ! que le c\u0153ur d\u2019un mortel)<\/em><\/span>4<\/sup><\/a><\/span>

Signe m\u00e9lancolique d\u2019une \u00e9corchure vive du fl\u00e2neur parisien perdu dans une capitale que les travaux d\u2019Haussmann transforment \u00e0 la fois en champ de ruines et en boulevards flambant neufs, le spleen <\/em>baudelairien demeure, pour le fl\u00e2neur parisien d\u2019aujourd\u2019hui, l\u2019expression la plus vivante de ce qui a donn\u00e9 naissance \u00e0 son univers urbain quotidien, bien que les caf\u00e9s des boulevards aient \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9s par des Grands Magasins et les fiacres par des automobiles.

Forme populaire et vivante de la po\u00e9sie, la chanson a elle aussi eu sa part dans la construction des mythes et des lieux communs de l\u2019espace parisien : il n\u2019est qu\u2019\u00e0 regarder \u2014 non sans une certaine ironie quand on sait le sort sanglant qui leur fut g\u00e9n\u00e9ralement r\u00e9serv\u00e9 \u2014, le nombre de rues de Montmartre qui portent le nom de chansonniers et de po\u00e8tes ouvriers de la Commune, de la fin du si\u00e8cle ou de la Belle \u00c9poque.

Sans pr\u00e9tendre b\u00e2cler en quelques lignes la g\u00e9n\u00e9alogie de l\u2019invention de la ville par la litt\u00e9rature au XIXe si\u00e8cle, disons tout au moins que, de tous les \u00e9v\u00e9nements politiques, culturels et sociaux qui ont jalonn\u00e9 Paris au cours du si\u00e8cle, des r\u00e9volutions de juillet 1830 et de f\u00e9vrier 1848 aux r\u00e9pressions sanglantes d\u2019avril 1834, juin 1848, d\u00e9cembre 1851 ou mai 1871, il n\u2019y en a pas un qui n\u2019ait \u00e9t\u00e9 racont\u00e9, transmis ou d\u00e9form\u00e9, fantasm\u00e9 ou cauchemard\u00e9, id\u00e9alis\u00e9 ou pleur\u00e9 par la litt\u00e9rature, et pas un non plus dont l\u2019image r\u00e9trospective que nous en avons ne demeure associ\u00e9e aux productions litt\u00e9raires qui l\u2019ont d\u00e9crit.

Aux XXe et XXIe si\u00e8cles, les amoureux de Paris et de ses vingt arrondissements couvrant 100 km2 <\/sup><\/span>5<\/sup><\/a><\/span> non pas manqu\u00e9 non plus, de Guillaume Apollinaire \u00e0 Charles Tr\u00e9net, de Jacques Pr\u00e9vert \u00e0 Patrick Modiano : innombrables figures du \u00ab Pi\u00e9ton de Paris \u00bb, comme se nommait l\u2019un d\u2019entre eux \u2014 et non des moindres \u2014, L\u00e9on-Paul Fargue. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab La r\u00e9alisation effective<\/em> du Grand-Paris passera par le grand pari de donner \u00e0 celui-ci une \u00e9paisseur litt\u00e9raire. C\u2019est par ce moyen seul qu\u2019on parviendra \u00e0 faire de cette conurbation une entit\u00e9 imaginaire enviable. \u00bb<\/p>Mathieu Roger-Lacan<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le vieux Paris n\u2019est plus…<\/strong><\/h4>\n\n\n\n

Au regard de cette histoire longue et dense de la constitution du mythe de Paris, le nouvel \u00e9largissement de l\u2019horizon parisien au XXIe si\u00e8cle prend un autre visage. La r\u00e9alisation effective<\/em> du Grand-Paris passera par le grand pari de donner \u00e0 celui-ci une \u00e9paisseur litt\u00e9raire. C\u2019est par ce moyen seul qu\u2019on parviendra \u00e0 faire de cette conurbation une entit\u00e9 imaginaire enviable, \u00e0 la fois aussi d\u00e9mocratique et aussi \u00e9litiste que celle que la voix de Guitry nous rappelait plus haut. Bien au contraire, pour l\u2019instant, s\u2019il s\u2019agit de comparer Paris \u00e0 Cr\u00e9teil ou Neuilly-sur-Seine \u00e0 Aubervilliers, en \u00eatre<\/em> et y \u00eatre<\/em>, y avoir vu le jour <\/em>et y voir clair<\/em> demeurent cruellement indissociables. Donner au Grand-Paris une dignit\u00e9 litt\u00e9raire est le seul moyen de rendre r\u00e9el<\/em> le sens de ce nouvel horizon de la ville.Ainsi, le \u00ab peintre de la vie moderne \u00bb, pour reprendre le titre de l\u2019essai de Baudelaire sur Constantin Guys, le fl\u00e2neur parisien du XXIe si\u00e8cle, devra \u00eatre celui qui saura donner voix et corps en litt\u00e9rature \u00e0 cet espace urbain nouveau. Et, l\u00e0 comme ailleurs, la po\u00e9sie a sans doute eu, bien que timidement, un r\u00f4le pr\u00e9curseur. D\u00e8s 1982, le po\u00e8te \u00e9minemment parisien qu\u2019est Jacques R\u00e9da, parcourait la proche banlieue de Paris dans Hors les murs <\/em> : Malakoff, Bagneux, Cr\u00e9teil, Asni\u00e8res, V\u00e9lizy, Fontenay-aux-Roses, Boulogne\u2026 Le terrain du fl\u00e2neur parisien moderne s\u2019ouvre \u00e0 des lieux, des lumi\u00e8res, des exp\u00e9rience sensorielles et des points de vue in\u00e9dits, qui constituent autant de cadres formels que la litt\u00e9rature pourra investir de mythologies contemporaines :

La corde en b\u00e9ton musical, de Clichy vers Asni\u00e8res,
Vibre au ciel pur de tout fant\u00f4me et, badaud comme un chien,
Je file en amont sur la berge aux odeurs buissonni\u00e8res.<\/em><\/span>6<\/sup><\/a><\/span>

Dans un registre diff\u00e9rent, le po\u00e8te Franck Venaille, n\u00e9 dans le XIe arrondissement et mort en 2018, racontait dans L\u2019Enfant rouge <\/em>et dans son recueil Hourra les morts !<\/em> son enfance, et notamment ses souvenirs de jeune supporter parisien du Red Star, qu\u2019il allait applaudir au stade Bauer, \u00e0 Saint-Ouen. L\u2019\u00e9chelle g\u00e9ographique du football parisien est d\u2019ailleurs une voie stimulante pour nous aider \u00e0 op\u00e9rer le d\u00e9centrement relatif que le Grand-Paris exige de nous. En effet, les stades o\u00f9 \u00e9voluent les trois clubs de la capitale se trouvent tous \u00e0 la lisi\u00e8re de la ville ou hors de ses murs : le Red Star au stade Bauer de Saint-Ouen ; le Paris FC au stade Charl\u00e9ty, entre le boulevard Jourdan et la commune de Gentilly ; et le Paris-Saint-Germain, qui porte dans son nom celui d\u2019une ville situ\u00e9e \u00e0 25 km de Paris, au Parc des Princes, \u00e0 la fronti\u00e8re entre Paris et Boulogne-Billancourt. D\u2019autres sports invitent d\u2019ailleurs au m\u00eame exercice de d\u00e9centrement : les seules \u00e9quipes de franciliennes de la premi\u00e8re division du championnat de France de basket-ball sont celles de Nanterre et Levallois. Et le Stade de France, qui accueille les \u00e9v\u00e9nements sportifs les plus importants du pays, est \u00e0 Saint-Denis, o\u00f9 se trouvera \u00e9galement le village olympique des Jeux Olympiques de 2024, \u00e9v\u00e9nements qui montrera au monde entiers le visage d\u2019un Paris aux fronti\u00e8res rebattues. \u00c0 condition que la litt\u00e9rature, les arts du langage, les \u0153uvres de fiction au sens large, aient, d\u2019ici l\u00e0, engag\u00e9 un travail d\u2019investissement imaginaire de ces nouvelles fronti\u00e8res. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab Longer une voie de RER, un immeuble v\u00e9tuste ou un pont d\u2019autoroute tagu\u00e9s, c\u2019est faire l\u2019exp\u00e9rience de la mani\u00e8re dont des espaces urbains construits par des pouvoirs publics peu scrupuleux au m\u00e9pris de l\u2019environnement humain et esth\u00e9tique qu\u2019ils venaient d\u00e9chiqueter, peuvent \u00eatre reconquis, recoin par recoin, par la main<\/em> humaine. \u00bb<\/p>Mathieu roger-lacan<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La diss\u00e9mination du continent litt\u00e9raire parisien dans sa p\u00e9riph\u00e9rie est une t\u00e2che essentielle au d\u00e9cloisonnement d\u2019une capitale qui \u00e9touffe d\u2019\u00eatre enferm\u00e9e sur elle-m\u00eame et s\u2019uniformise peu \u00e0 peu, ce dont les records historiques des prix de l\u2019immobilier sont un sympt\u00f4me parmi d\u2019autres. Dans cette perspective, outre la voie que nous indique la pratique du football, un medium artistique peut nous servir de boussole : ce sont les graffitis. Non pas tous les tags indistinctement, non pas les simples d\u00e9gradations faites par des apprentis provocateurs, mais l\u2019\u00e9ruption de couleur, de rage et d\u2019\u00e9nergie sensible que les tags nous montrent aussi bien dans et qu\u2019hors de Paris. Longer une voie de RER, un immeuble v\u00e9tuste ou un pont d\u2019autoroute tagu\u00e9s, c\u2019est faire l\u2019exp\u00e9rience de la mani\u00e8re dont des espaces urbains construits par des pouvoirs publics peu scrupuleux au m\u00e9pris de l\u2019environnement humain et esth\u00e9tique qu\u2019ils venaient d\u00e9chiqueter, peuvent \u00eatre reconquis, recoin par recoin, par la main<\/em> humaine. Cette voie que le street art<\/em> nous indique constitue un paradigme f\u00e9cond pour le travail que la litt\u00e9rature, et plus g\u00e9n\u00e9ralement les arts du langage, dont le ressassement constant de l\u2019imaginaire parisien a fait les inventeurs de cette ville fascinante, doivent suivre, pour que le pari d\u2019\u00e9tendre les fronti\u00e8res de horizon urbain ne se limite pas \u00e0 des op\u00e9rations de promotions immobili\u00e8res et \u00e0 des agrandissements du r\u00e9seau de transports, conditions n\u00e9cessaires, mais largement insuffisantes pour r\u00e9volutionner la forme d\u2019une ville<\/em>. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

La r\u00e9alisation pleine et enti\u00e8re du Grand-Paris doit passer par un investissement litt\u00e9raire de cet espace \u00e0 r\u00e9inventer, si ce n’est \u00e0 inventer, et \u00e0 aimer, comme l’a \u00e9t\u00e9 \u2013 et l’est encore \u2013 Paris au travers des si\u00e8cles.<\/p>\n","protected":false},"author":570,"featured_media":54748,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[2048],"tags":[],"geo":[1876],"person":[],"acf":[],"yoast_head":"\nParis hors les murs. 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