{"id":45308,"date":"2019-08-14T16:47:57","date_gmt":"2019-08-14T14:47:57","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=45308"},"modified":"2019-09-21T18:44:56","modified_gmt":"2019-09-21T16:44:56","slug":"comprendre-la-croatie-pour-comprendre-leurope-entretien-avec-lambassadeur-de-croatie-en-france-monsieur-filip-vucak","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/08\/14\/comprendre-la-croatie-pour-comprendre-leurope-entretien-avec-lambassadeur-de-croatie-en-france-monsieur-filip-vucak\/","title":{"rendered":"Comprendre la Croatie pour comprendre l’Europe : entretien avec l\u2019ambassadeur de Croatie en France, S.E.M. Filip Vu\u010dak"},"content":{"rendered":"\n

Quels sont aujourd\u2019hui les principaux sujets g\u00e9opolitiques pour la Croatie ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Comme vous le savez, la Croatie est le plus jeune membre de l\u2019Union europ\u00e9enne (UE). C\u2019est un pays qui existe comme un \u00c9tat ind\u00e9pendant depuis 28 ans, mais c\u2019est une vieille nation qui avait son royaume d\u00e9j\u00e0 au Xe si\u00e8cle. Alors, quand vous dites g\u00e9opolitique, on pense d\u2019abord \u00e0 notre entourage, autrement dit les Balkans et l\u2019Europe centrale. <\/p>\n\n\n\n

La Croatie a connu la guerre de 1991 \u00e0 1995, soit quatre ans avec quasiment un tiers du territoire occup\u00e9. Nous avons commenc\u00e9 \u00e0 vivre ind\u00e9pendamment \u00e0 partir de 1995, apr\u00e8s la lib\u00e9ration de ces territoires. Pendant ce temps et dans les ann\u00e9es suivantes tous les pays d\u2019Europe centrale et orientale ont fait leur chemin vers l\u2019Union europ\u00e9enne. Mais nous avons quant \u00e0 nous perdu au moins dix ans pour reconstruire le pays qui \u00e9tait en ruines. C\u2019est pour cela qu\u2019on a \u00e9t\u00e9 retard\u00e9 par rapport aux autres \u00c9tats, comme par exemple la Slov\u00e9nie, qui faisait aussi partie de la Yougoslavie. Nous avons ainsi commenc\u00e9 les d\u00e9marches en 2003, pour entrer dix ans plus tard, en 2013. Avant cela, nous avions adh\u00e9r\u00e9 \u00e0 l\u2019OTAN, en 2009. C\u2019est pour cela que la voie de la Croatie a \u00e9t\u00e9 bien diff\u00e9rente que celle d\u2019autres pays du bloc communiste. M\u00eame avec le grand effort d\u00e9mocratique entrepris, le retard est d\u00fb surtout \u00e0 la guerre des ann\u00e9es 1990. Il faut savoir que la Croatie \u00e9tait beaucoup plus d\u00e9velopp\u00e9e et plus riche avant la guerre que beaucoup de pays d\u2019Europe centrale et orientale. Donc quand on parle de g\u00e9opolitique, il faut prendre en consid\u00e9ration le temps perdu.<\/p>\n\n\n\n

Notre adh\u00e9sion \u00e0 l\u2019Union europ\u00e9enne \u00e9tait un vrai chemin de croix, plein d\u2019obstacles que d\u2019autres candidats n\u2019ont pas connu parce qu\u2019ils ont n\u00e9goci\u00e9 leur adh\u00e9sion en groupe. Nous, on a d\u00fb n\u00e9gocier seuls, avec les nouveaux crit\u00e8res et les nouvelles exigences. C\u2019\u00e9tait une nouvelle voie, et les obstacles se sont multipli\u00e9s. Maintenant, ce sera encore plus difficile pour les nouveaux adh\u00e9rents, comme la Serbie ou la Bosnie-Herz\u00e9govine. <\/p>\n\n\n\n

Comment la Croatie envisage-t-elle sa relation avec ses partenaires europ\u00e9ens ? Quels sont \u00e0 votre avis les sujets o\u00f9 elle a aujourd\u2019hui des points de divergence ? Sur quels sujets y a-t-il des points de convergence ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La Croatie est le plus jeune membre de l\u2019UE, mais nous y sommes arriv\u00e9s bien pr\u00e9par\u00e9s. Nous avons \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9s de faire toutes les r\u00e9formes d\u00e9mocratiques et \u00e9conomiques n\u00e9cessaires pour nous int\u00e9grer. \u00c0 cause de la guerre, la Croatie n\u2019\u00e9tait pas, \u00e0 l\u2019origine, un pays avec un syst\u00e8me d\u00e9mocratique tr\u00e8s d\u00e9velopp\u00e9. Le nationalisme \u00e9tait plus pr\u00e9sent que dans d\u2019autres pays qui n\u2019ont pas connu la guerre. Il y avait aussi les traces du communisme qu\u2019il a fallu surmonter. <\/p>\n\n\n\n

Nous avons de tr\u00e8s bonnes relations avec nos partenaires europ\u00e9ens, et en premier lieu avec les pays d\u2019Europe centrale, m\u00eame si nous sommes plus pauvres et moins d\u00e9velopp\u00e9s que la plupart des pays de l\u2019Union. Nous sommes quasiment \u00e0 la fin de la liste avec la Bulgarie et la Roumanie d\u00e9sormais. Cela ne nous emp\u00eache pas de d\u00e9velopper des relations avec tous nos partenaires europ\u00e9ens. <\/p>\n\n\n\n

La Croatie participe \u00e9galement activement au Conseil europ\u00e9en. Notre Premier ministre Andrej Plenkovi\u0107, qui a travaill\u00e9 dans cette ambassade de 2005 \u00e0 2010, est devenu d\u2019abord d\u00e9put\u00e9 europ\u00e9en. Et il y a trois ans, il est devenu Premier ministre. Quand derni\u00e8rement l\u2019Union europ\u00e9enne devait pr\u00e9senter les candidats aux postes les plus importants, c\u2019est lui qui a \u00e9t\u00e9 d\u00e9sign\u00e9 comme coordinateur de groupe du Parti populaire europ\u00e9en (PPE) pour trouver un candidat \u00e0 la pr\u00e9sidence de la Commission europ\u00e9enne. Comme monsieur Plenkovic vient d\u2019un pays qui est consid\u00e9r\u00e9, disons, comme \u00ab neutre \u00bb, et qu\u2019il entretient de bonnes relations avec le pr\u00e9sident Macron et la chanceli\u00e8re Merkel, il y a eu des sp\u00e9culations comme quoi il aurait pu \u00eatre candidat \u00e0 la pr\u00e9sidence de la Commission si le vote des candidats propos\u00e9s ne passait pas.<\/p>\n\n\n\n

Quelle est la position croate vis-\u00e0-vis de la cr\u00e9ation d\u2019une arm\u00e9e europ\u00e9enne ? La cr\u00e9ation d\u2019un budget europ\u00e9en ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je suis cette question de pr\u00e8s. Avant-hier, lors de la r\u00e9ception au minist\u00e8re des Arm\u00e9es, le pr\u00e9sident Macron a \u00e9voqu\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 de fonder l\u2019arm\u00e9e europ\u00e9enne, disant que c\u2019est une de ses priorit\u00e9s. Symboliquement, il a invit\u00e9 de nombreux repr\u00e9sentants politiques des \u00c9tats favorables \u00e0 cette initiative au d\u00e9fil\u00e9 du 14 juillet, dont la chanceli\u00e8re Merkel, le pr\u00e9sident du Portugal, le Premier ministre belge\u2026
<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est une id\u00e9e qui nous pla\u00eet ; en tant que petit pays qui est pass\u00e9 par la guerre, nous voyons cette id\u00e9e fran\u00e7aise avec beaucoup de sympathie. Avant la guerre (1991-95), nous n\u2019avions pas du tout d\u2019arm\u00e9e propre. C\u2019\u00e9tait celle de la Yougoslavie, et elle avait pratiquement commenc\u00e9 la guerre d\u2019agression. Nous avons donc \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9s de former la n\u00f4tre pendant la guerre, et ainsi lib\u00e9rer les territoires occup\u00e9s. A la fin de la guerre il y avait 200 000 soldats, pendant notre derni\u00e8re action militaire \u00ab Temp\u00eate \u00bb en ao\u00fbt 1995. Nous en avons maintenant environ 15 000, tous professionnels, qui participent depuis des ann\u00e9es aux missions de la paix de l\u2019OTAN et de l\u2019ONU. Nous avions envoy\u00e9 des soldats dans les missions en Afghanistan. Ils sont aussi pr\u00e9sents en Pologne et en Lituanie, au Liban, et quelques-uns dans les pays africains. <\/p>\n\n\n\n

Nous soutenons donc cette id\u00e9e, n\u00e9anmoins nous ne sommes pas dans la capacit\u00e9 de satisfaire toutes les demandes. La France demande par exemple de l\u2019aide dans sa mission au Mali, ce qui va \u00eatre compliqu\u00e9. Nous restons tr\u00e8s int\u00e9ress\u00e9s par les nouveaux projets, dynamis\u00e9s par la grande compr\u00e9hension entre les principales puissances europ\u00e9ennes.<\/p>\n\n\n\n

Pour le budget, il n\u2019y a pas encore de strat\u00e9gie clairement d\u00e9velopp\u00e9e. Cette arm\u00e9e, comme le dit le pr\u00e9sident Macron, ne nuira pas \u00e0 la d\u00e9fense nationale, ni aux activit\u00e9s de l\u2019OTAN. En effet, cette initiative au d\u00e9but n\u2019avait pas re\u00e7u beaucoup de soutien de la part de l\u2019organisation ; pourquoi cr\u00e9er une arm\u00e9e quand l\u2019OTAN existe, surtout lorsque la plupart des pays europ\u00e9ens en font partie ? Mais l\u2019Europe a aussi son destin propre et doit avoir des moyens propres pour se d\u00e9fendre. On ne sait jamais ce qui peut arriver.<\/p>\n\n\n\n

Quelle est la position de la Croatie vis-\u00e0-vis de l\u2019agenda europ\u00e9en et international des prochains mois : Brexit, nouvelle Commission, G7 \u00e0 Biarritz ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Le Brexit est devenu une vraie saga sans fin. Nous suivons et soutenons l\u2019opinion de la majorit\u00e9, autrement dit un Brexit doux. Notre Premier ministre a \u00e9t\u00e9, d\u00e8s le d\u00e9but, assez hostile au Brexit en g\u00e9n\u00e9ral. Il a dit qu\u2019il ne pourrait jamais comprendre pourquoi Cameron a propos\u00e9 le r\u00e9f\u00e9rendum en premier lieu, puisqu\u2019il n\u2019y \u00e9tait pas oblig\u00e9. C\u2019est une d\u00e9cision avec des cons\u00e9quences \u00e9normes pour l\u2019avenir. Mais nous esp\u00e9rons trouver une solution pour que personne n\u2019en souffre trop.<\/p>\n\n\n\n

Concernant la nouvelle Commission, notre Premier ministre \u00e9tait tr\u00e8s actif au cours de ces longues et dures n\u00e9gociations. Le Parlement aussi a eu un poids bien plus important qu\u2019avant, et les d\u00e9put\u00e9s n\u2019\u00e9taient pas vou\u00e9s \u00e0 voter comme le Conseil l\u2019exige, notamment les Sociaux-d\u00e9mocrates allemands qui sont en d\u00e9saccord avec les id\u00e9es de la nouvelle pr\u00e9sidente Ursula von der Leyen. L\u2019issue a eu des moments de relative incertitude, m\u00eame si \u00e0 la fin elle est pass\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Concernant le G7, la Croatie observe l’\u00e9v\u00e9nement d\u2019assez loin, mais comme je suis \u00e0 Paris, je dois le suivre un peu plus. Il y a d\u00e9j\u00e0 eu des r\u00e9unions entre ministres \u00e0 ce sujet, peu visibles dans les m\u00e9dias. J\u2019ai particip\u00e9 \u00e0 l\u2019une d\u2019entre elles il y a une semaine organis\u00e9e \u00e0 l\u2019UNESCO, avec les ministres de l\u2019\u00e9ducation. Cela concernait l\u2019\u00e9ducation des femmes et des filles, un des grands projets du G7 pour les pays peu d\u00e9velopp\u00e9s, surtout en Afrique.<\/p>\n\n\n\n

Quelques jours avant No\u00ebl 2018, tous les ambassadeurs accr\u00e9dit\u00e9s en France ont \u00e9t\u00e9 invit\u00e9s \u00e0 Biarritz. M. Macron devait nous pr\u00e9senter ses projets, mais en pleine p\u00e9riode des gilets jaunes, il n\u2019a pas pu venir. Nous \u00e9tions venus voir comment les choses allaient se passer, mais nous avons finalement \u00e9t\u00e9 contraints de rester enferm\u00e9s \u00e0 l\u2019h\u00f4tel. Le ministre Jean-Yves Le Drian, au nom du pr\u00e9sident, nous a donc pr\u00e9sent\u00e9 les grandes id\u00e9es du G7. On attend avec impatience les r\u00e9sultats. La France a \u00e9t\u00e9 ambitieuse d\u00e8s le d\u00e9but, surtout dans des dossiers sur lesquels le pr\u00e9sident Trump ne se penche pas beaucoup. Le pr\u00e9sident Macron n\u00e9anmoins a promis d\u2019obtenir le soutien de toutes les puissances dans l\u2019optique de recevoir une centaine de millions d\u2019euros pour scolariser les femmes et les filles dans les pays cibl\u00e9s.
<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019en est-il des relations avec les pays frontaliers : la Bosnie-Herz\u00e9govine et les liens avec sa communaut\u00e9 croate ? L\u2019\u00e9volution des relations bilat\u00e9rales avec la Serbie ? La Slov\u00e9nie et le contentieux sur la baie de Piran ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce sont des dossiers qui me sont tr\u00e8s familiers, d\u2019abord parce que je suis dans la diplomatie croate depuis 1992, et j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 travaill\u00e9 \u00e0 l\u2019ambassade de Paris entre 1995 et 2000. C\u2019\u00e9tait juste apr\u00e8s notre guerre, pendant la guerre en Bosnie-Herz\u00e9govine et la guerre du Kosovo. Concernant la Bosnie-Herz\u00e9govine, nous y sommes tr\u00e8s int\u00e9ress\u00e9s, mais il nous semble qu\u2019il sera beaucoup plus difficile de trouver une solution que pour le Kosovo. Nous sommes presque s\u00fbrs que la Serbie et le Kosovo trouveront une solution avec le soutien d\u2019autres pays. Mais la Bosnie-Herz\u00e9govine est un pays qui est oubli\u00e9 par tout le monde. La politique n\u2019y fonctionne pas du tout ; on peut m\u00eame se demander si la Bosnie-Herz\u00e9govine existe vraiment comme \u00c9tat fonctionnel. Il est tellement divis\u00e9, il y a tellement de probl\u00e8mes et d\u2019obstacles qui paraissent insurmontables.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons avec la Bosnie-Herz\u00e9govine une fronti\u00e8re de 1 000 kilom\u00e8tres. C\u2019est la fronti\u00e8re la plus longue de l\u2019UE avec un \u00c9tat non-membre. Et comme la Croatie ne fait pas partie de l\u2019espace Schengen, \u00e7a pose pour nous un grand probl\u00e8me. Derni\u00e8rement, beaucoup de r\u00e9fugi\u00e9s qui se trouvent en Bosnie-Herz\u00e9govine, dont au moins 7 000 r\u00e9fugi\u00e9s d\u2019Afghanistan ou de Syrie, tentent tous les jours d\u2019entrer en Croatie. Nous avons maintenant \u00e0 la fronti\u00e8re de la Bosnie-Herz\u00e9govine 7 000 policiers frontaliers qui essaient d\u2019emp\u00eacher l\u2019entr\u00e9e de ces migrants ill\u00e9gaux. Il y a des immigr\u00e9s qui ont essay\u00e9 vingt fois d\u2019entrer en Croatie, ils ont vingt fois \u00e9t\u00e9 renvoy\u00e9s d\u2019o\u00f9 ils viennent. Et ils recommencent. Il y en a certainement des centaines qui r\u00e9ussissent gr\u00e2ce aux aides des trafiquants ; ils entrent ainsi en Slov\u00e9nie puis vers l\u2019Autriche, puis vers l\u2019Allemagne. Il y a donc de grands probl\u00e8mes s\u00e9curitaires.<\/p>\n\n\n\n

En Bosnie-Herz\u00e9govine, il y a aussi des Croates, des Serbes, des Bosniaques de religion musulmane. Avant la guerre, les Croates repr\u00e9sentaient 17 % de la population. D\u00e9sormais, ils sont probablement 12 %, car beaucoup de croates ont quitt\u00e9 la Bosnie et ont trouv\u00e9 refuge soit en Croatie soit \u00e0 l\u2019\u00e9tranger. Il y a au moins 100 000 Croates de Bosnie-Herz\u00e9govine qui se sont install\u00e9s chez nous, car ils sont d\u2019origine croate et ont trouv\u00e9 un emploi. C\u2019est donc primordial pour nous que la Bosnie-Herz\u00e9govine trouve une solution int\u00e9rieure afin que les Croates de Bosnie puissent rester l\u00e0-bas. Nous essayons, surtout notre Premier ministre, de sensibiliser l\u2019Europe dans le but d\u2019assouplir les crit\u00e8res d\u2019adh\u00e9sion pour la Bosnie-Herz\u00e9govine. C\u2019est un pays divis\u00e9 en deux parties : il y a la f\u00e9d\u00e9ration de Bosnie-Herz\u00e9govine, o\u00f9 il y a dix cantons. Chaque canton a son \u00ab gouvernement \u00bb, ses ministres. C\u2019est une administration abondante et extr\u00eamement compliqu\u00e9. La seconde entit\u00e9 \u2013 Republika Srpska \u2013 fonctionne pratiquement comme un \u00c9tat dans l\u2019\u00c9tat. <\/p>\n\n\n\n

Gr\u00e2ce aux accords de Dayton, sign\u00e9s ici m\u00eame \u00e0 Paris en d\u00e9cembre 1995, on a trouv\u00e9 une solution pour la paix, mais pas pour le fonctionnement du pays. Il y a des tensions, des conflits politiques tous les jours, ce qui rend la vision d\u2019un avenir difficile. Nous essayons de sensibiliser plus que quiconque les pays comme la France ou l\u2019Allemagne pour s\u2019engager plus, autrement nous sommes assez pessimistes.<\/p>\n\n\n\n

Concernant la Serbie, il y a eu la guerre r\u00e9cemment. Malgr\u00e9 le pass\u00e9, nous avons d\u00e9velopp\u00e9 des relations de bon voisinage. On a encore des probl\u00e8mes pour les questions frontali\u00e8res, ou encore les 1 500 personnes disparues pendant le conflit, qui posent un probl\u00e8me d\u2019ordre psychologique, surtout pour les familles qui ont perdu leurs membres. Maintenant, beaucoup de Serbes viennent passer leurs vacances en Croatie. Des accidents arrivent quelquefois, mais sans grande importance. Il y a des visites bilat\u00e9rales des deux c\u00f4t\u00e9s et notre Premier ministre va se rendre dans quelques mois en Serbie, et dans tous les pays des Balkans occidentaux, pour pr\u00e9parer un sommet \u00e0 Zagreb au d\u00e9but de mai de 2020 qui sera consacr\u00e9 \u00e0 l\u2019adh\u00e9sion de ces pays \u00e0 l\u2019UE.<\/p>\n\n\n\n

Tout le monde attend de la Croatie, qui conna\u00eet la r\u00e9gion, de promouvoir l\u2019adh\u00e9sion de ces pays. La m\u00eame chose a \u00e9t\u00e9 faite par la Bulgarie lorsqu\u2019elle a eu la pr\u00e9sidence du Conseil, et on va essayer de r\u00e9unir tous les pr\u00e9sidents de la r\u00e9gion \u00e0 Zagreb avec ceux de l\u2019UE. Vous savez, quand Chirac \u00e9tait le pr\u00e9sident de la France, qui pr\u00e9sidait d\u2019ailleurs l\u2019UE, il a propos\u00e9 d\u2019organiser \u00e0 Zagreb en novembre 2000 un sommet entre les membres de l\u2019Union europ\u00e9enne, alors au nombre de quinze, et les pays des Balkans. C\u2019\u00e9tait le premier sommet de l\u2019Union europ\u00e9enne qui s\u2019est tenu hors de l\u2019Union. La ville de Zagreb a \u00e9t\u00e9 choisie pour faire passer un message : malgr\u00e9 la guerre, l\u2019avenir des pays concern\u00e9s \u00e9taient dans l\u2019Europe. Cet \u00e9v\u00e9nement a eu une tr\u00e8s grande importance pour notre parcours vers l\u2019UE. La France a jou\u00e9 un grand r\u00f4le dans notre r\u00e9gion \u00e0 cette p\u00e9riode. On va maintenant r\u00e9aliser, 20 ans apr\u00e8s, la m\u00eame chose \u00e0 Zagreb, lors de la premi\u00e8re pr\u00e9sidence croate de l\u2019UE. Pour un pays qui a pass\u00e9 quatre ans en guerre, puis est entr\u00e9 dans l\u2019Union europ\u00e9enne en 2013, organiser un sommet avec tous ces pays dans sa capitale est plus que symbolique.<\/p>\n\n\n\n

Concernant la Slov\u00e9nie\u2026malheureusement, nous avons quelques probl\u00e8mes avec nos amis slov\u00e8nes, d\u2019ordre frontalier. La Croatie et la Slov\u00e9nie \u00e9taient les r\u00e9publiques les plus d\u00e9velopp\u00e9es de l\u2019ex-Yougoslavie. Elles ont proclam\u00e9 l\u2019ind\u00e9pendance le m\u00eame jour, le 25 juin 1991. Au d\u00e9but, nous \u00e9tions tr\u00e8s coordonn\u00e9s et faisions tous les pas ensemble. Heureusement il n\u2019y a pas eu de vraie guerre en Slov\u00e9nie, juste quelques petites batailles. Apr\u00e8s la guerre, les tensions avec les Slov\u00e8nes ont commenc\u00e9, surtout \u00e0 cause de la fronti\u00e8re maritime, en-dehors de \u00e7a nos deux peuples s\u2019entendent bien, on ne peut donc pas trop se plaindre de nos relations bilat\u00e9rales. Mais malheureusement il y a cette question de la fronti\u00e8re maritime qui se pose, et qui est m\u00eame all\u00e9e jusqu\u2019\u00e0 emp\u00eacher la Croatie d\u2019entrer dans l\u2019Union europ\u00e9enne dans un d\u00e9lai plus r\u00e9duit.<\/p>\n\n\n\n

Pendant les n\u00e9gociations de la Croatie avec l\u2019Union, la Slov\u00e9nie \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 membre. Et comme chaque membre, elle peut bloquer l\u2019entr\u00e9e d\u2019un pays avec lequel elle est en d\u00e9saccord. Ce n\u2019\u00e9tait pas le cas des autres pays membres, mais la Slov\u00e9nie a profit\u00e9 de cette position pour emp\u00eacher les n\u00e9gociations avant de trouver une solution pour la fronti\u00e8re maritime. On a perdu pratiquement deux ans sans n\u00e9gociations pour r\u00e9gler le litige. Pour remettre les choses dans leur contexte, il s\u2019agit de quelques kilom\u00e8tres carr\u00e9s de mer. Il y a une baie qui se trouve entre l\u2019Italie, la Slov\u00e9nie et la Croatie : la baie de Piran.<\/p>\n\n\n\n

Suivant la Convention de l\u2019ONU, on a bien voulu la partager moiti\u00e9-moiti\u00e9, et tout le monde aurait \u00e9t\u00e9 content. La Croatie a une c\u00f4te de presque 700 kilom\u00e8tres avec plus de mille \u00eeles, contre 40 kilom\u00e8tres pour la Slov\u00e9nie, avec une mer ferm\u00e9e. La Slov\u00e9nie n\u2019avait pas de sortie vers les eaux internationales, pour y parvenir elle devait passer par la mer croate. Mais leurs navires peuvent rentrer et sortir quand ils veulent vers la mer ouverte, selon le droit de la mer international. Mais ils ont voulu avoir un corridor territorial, une sorte de chemin\u00e9e dans nos eaux territoriales. <\/p>\n\n\n\n

Toujours selon les conventions de l\u2019ONU, il a \u00e9t\u00e9 convenu qu\u2019en cas de probl\u00e8me, la baie en question se partagerait en deux. La Slov\u00e9nie a propos\u00e9 d\u2019en acqu\u00e9rir quasiment 95 %. On a refus\u00e9, et c\u2019est pour cela qu\u2019ils ont bloqu\u00e9 le processus d\u2019adh\u00e9sion. Finalement, on a trouv\u00e9 une solution provisoire (sans rentrer dans les d\u00e9tails), nos n\u00e9gociations avec l\u2019Union ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9bloqu\u00e9es, et nous sommes entr\u00e9s en 2013. Mais ce n\u2019\u00e9tait pas une solution d\u00e9finitive, et le probl\u00e8me s\u2019est de nouveau pos\u00e9 apr\u00e8s une d\u00e9cision du tribunal sp\u00e9cial de la Haye form\u00e9 juste pour cette dispute. C\u2019est vraiment un probl\u00e8me tr\u00e8s compliqu\u00e9 ; il faut \u00eatre un expert pour comprendre. On a toujours \u00e9t\u00e9 pr\u00eats \u00e0 trouver une solution, le tribunal sp\u00e9cial d\u2019arbitrage en question a d\u00e9cid\u00e9 de donner \u2154 de la baie de Piran \u00e0 la Slov\u00e9nie, mais pas de corridor vers la mer ouverte \u2026 pour nous c\u2019\u00e9tait presque acceptable si cette issue \u00e9tait le r\u00e9sultat de n\u00e9gociations bilat\u00e9rales, et non le verdict du tribunal d\u2019arbitrage dont la proc\u00e9dure \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 fort contamin\u00e9e et trois des cinq juges \u00e9taient oblig\u00e9s de d\u00e9missionner. Mais la Slov\u00e9nie n\u2019a pas voulu nous l\u2019accorder, consid\u00e9rant la proposition du tribunal comme d\u00e9finitive. On cherche d\u00e9sormais une solution, sans succ\u00e8s. Actuellement par exemple, la Slov\u00e9nie bloque nos n\u00e9gociations avec l\u2019OCDE \u00e0 Paris, pour les m\u00eames raisons qu\u2019elle a bloqu\u00e9 nos n\u00e9gociations avec l\u2019Union europ\u00e9enne. A part \u00e7a, il n\u2019y a pas de probl\u00e8mes, et encore moins entre peuples, m\u00eame sur la politique au niveau europ\u00e9en d\u2019ailleurs. Mais la question de la fronti\u00e8re maritime p\u00e8se beaucoup.<\/p>\n\n\n\n

Selon le Coalition Explorer<\/em> de l\u2019ECFR, la Croatie est l’un des pays qui compteraient le moins dans la balance des n\u00e9gociations. Comment la Croatie, un pays de 4 millions d’habitants, peut-elle asseoir son influence en Europe ? Est-il envisageable d\u2019\u00e9tablir une alliance ad hoc<\/em> avec la Slov\u00e9nie sur certaines th\u00e9matiques au sein des institutions europ\u00e9ennes ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La Croatie perd beaucoup d\u2019habitants, environ 10 % depuis l\u2019ind\u00e9pendance. C\u2019est moins que la Bulgarie ou la Roumanie par exemple, qui en ont perdus 20 %, mais pour nous, \u00e7a pose un grand questionnement. D\u2019abord parce qu\u2019il y a au moins 50 000 jeunes qui quittent la Croatie chaque ann\u00e9e, et cherchent du travail en Allemagne et en Autriche. Environ 15 000 Croates se sont install\u00e9s en Irlande. Ils acceptent n\u2019importe quel travail, les salaires \u00e9tant parfois trois ou quatre fois plus \u00e9lev\u00e9s qu\u2019en Croatie. Dans la saison touristique, on est oblig\u00e9s de faire venir des travailleurs de Bosnie, de Serbie, de Roumanie ou encore d\u2019Ukraine. <\/p>\n\n\n\n

Et puis la d\u00e9mographie est catastrophique chez nous. Il y a au moins quelques dizaines de milliers de morts en plus par rapport aux nouveaux n\u00e9s. C\u2019est la priorit\u00e9 num\u00e9ro une pour nous de trouver une solution au probl\u00e8me d\u00e9mographique, et donc trouver un moyen de garder les gens en Croatie. Et parce que nous ne sommes pas les seuls, la Hongrie aussi est concern\u00e9e par exemple, nous avons propos\u00e9 au sein de l\u2019Union europ\u00e9enne de chercher une solution au niveau europ\u00e9en. Pas seulement sur la question des d\u00e9parts, mais sur les questions d\u00e9mographiques aussi.<\/p>\n\n\n\n

Concernant la Slov\u00e9nie, nous sommes commun\u00e9ment dans plusieurs projets europ\u00e9ens. Il y a le processus de Berlin, men\u00e9 par l\u2019Allemagne, consacr\u00e9 aux Balkans occidentaux ; c\u2019est dans ce cadre o\u00f9 la Slov\u00e9nie et la Croatie sont les plus actifs, car ils connaissent le mieux la situation dans la r\u00e9gion. Angela Merkel et le pr\u00e9sident fran\u00e7ais ont lanc\u00e9 ce processus, et d\u2019autres pays en font partie, depuis 5-6 ans dans notre cas.<\/p>\n\n\n\n

Les Slov\u00e8nes ont initi\u00e9 un projet parall\u00e8le, avec la Croatie et d\u2019autres pays des Balkans. Il s\u2019appelle Brdo-Brijuni, la ville o\u00f9 a commenc\u00e9 cette initiative. Nous sommes les plus actifs dans ce projet avec la Slov\u00e9nie, parce que nous sommes convaincus qu\u2019il n\u2019y aura pas de stabilit\u00e9 dans cette r\u00e9gion tant que les autres pays ne deviennent pas \u00e0 leur tour membres de l\u2019Union. On a beaucoup plus de sensibilit\u00e9 que les pays \u00e9loign\u00e9s, qui ne connaissent pas suffisamment les Balkans. Donc c\u2019est, je crois, un des projets ou la Slov\u00e9nie et la Croatie peuvent participer activement pour l\u2019avenir des Balkans occidentaux. Dans d\u2019autres domaines, il y a certainement la possibilit\u00e9 de partager le m\u00eame point de vue : il n\u2019y a pas de grande diff\u00e9rence concernant la strat\u00e9gie europ\u00e9enne, mais malheureusement, il y a encore cette dispute bilat\u00e9rale. La Commission europ\u00e9enne s\u2019est d\u2019ailleurs offerte d\u2019aider \u00e0 trouver une solution \u00e0 ce litige, car la Slov\u00e9nie tend \u00e0 pr\u00e9f\u00e9rer le tribunal plut\u00f4t que des n\u00e9gociations bilat\u00e9rales.
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Au fond, on partage des points de vue sur la politique \u00e9trang\u00e8re sans aucun probl\u00e8me. On a quand m\u00eame pass\u00e9 70 ans dans le m\u00eame \u00c9tat yougoslave, en \u00e9tant beaucoup plus d\u00e9velopp\u00e9s \u00e9conomiquement et politiquement. Et avant \u00e7a, on faisait partie du m\u00eame empire austro-hongrois. Le pass\u00e9 est semblable d\u2019un point de vue culturel, religieux et linguistique.<\/p>\n\n\n\n

Quelle est la position de la Croatie sur la gouvernance des Balkans et la politique d’\u00e9largissement des Balkans occidentaux au sein de l\u2019Union europ\u00e9enne ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Nous avons pratiquement tout dit \u00e0 ce sujet, mais nous n\u2019avons pas mentionn\u00e9 le cas de la Mac\u00e9doine du Nord. La Croatie a \u00e9t\u00e9 toujours eu de la sympathie envers la Mac\u00e9doine. Parce qu\u2019\u00e0 cause de la dispute avec la Gr\u00e8ce concernant le nom, la Mac\u00e9doine a perdu quasiment 15 ans. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000, la Mac\u00e9doine \u00e9tait plus proche de l\u2019adh\u00e9sion \u00e0 l\u2019Union europ\u00e9enne que la Croatie. Et entre temps la Croatie a fait son chemin vers l\u2019Union, et la Mac\u00e9doine n\u2019a pas boug\u00e9 du tout. Finalement, ils ont trouv\u00e9 un accord. Tout le monde l\u2019applaudit, mais la Mac\u00e9doine pour le moment ne peut pas m\u00eame ouvrir des n\u00e9gociations. Pour nous, c\u2019est une grande d\u00e9solation, parce que, d\u2019abord, elle a fait beaucoup d\u2019efforts. C\u2019est un pays mod\u00e9r\u00e9ment d\u00e9velopp\u00e9 mais tout de m\u00eame, c\u2019est un pays d\u00e9mocratique. Ils se sont mis d\u2019accord pour commencer les n\u00e9gociations, pas pour adh\u00e9rer \u00e0 l\u2019UE, et on croit que l\u2019UE devrait r\u00e9compenser ces efforts. Ce serait un geste symbolique de grande importance et un message fort pour les pays qui se trouvent dans la m\u00eame situation.<\/p>\n\n\n\n

Les n\u00e9gociations ont commenc\u00e9 avec le Mont\u00e9n\u00e9gro et la Serbie, et les autres, Mac\u00e9doine, Albanie, Kosovo et Bosnie-Herz\u00e9govine doivent attendre probablement encore longtemps. Mais la Mac\u00e9doine est pr\u00eate \u00e0 commencer, ainsi que l\u2019Albanie. Mais il reste le grand probl\u00e8me des migrants albanais qui viennent en France. Ils sont presque 7 000 qui demandent l\u2019asile politique. C\u2019est pourquoi la France est tr\u00e8s r\u00e9ticente concernant le d\u00e9but des n\u00e9gociations de l\u2019Albanie avec l\u2019UE. De cette fa\u00e7on la Mac\u00e9doine du Nord devient l\u2019otage de cette h\u00e9sitation fran\u00e7aise. <\/p>\n\n\n\n

Pour ce qui est du Kosovo, tant qu\u2019il n\u2019y a pas de solutions avec la Serbie, il n\u2019y aura pas de n\u00e9gociations. D\u2019autant plus que cinq membres de l\u2019Union n\u2019ont pas encore reconnu le Kosovo, c\u2019est donc difficile d\u2019envisager le d\u00e9part des n\u00e9gociations.<\/p>\n\n\n\n

Enfin, la Bosnie-Herz\u00e9govine, comme je l\u2019ai dit, est un cas \u00e0 part qui pourrait durer encore longtemps. <\/p>\n\n\n\n

\u00cates-vous satisfait de l’Initiative des trois mers depuis le premier sommet en Ao\u00fbt 2016, \u00e0 Dubrovnik ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Cette initiative s\u2019appelle les Trois mers, parce qu\u2019il s\u2019agit de la mer Baltique, la mer Noire et la mer Adriatique. Cette id\u00e9e a \u00e9t\u00e9 initi\u00e9e par notre pr\u00e9sidente et le pr\u00e9sident polonais. C\u2019est donc la Croatie et la Pologne qui ont envisag\u00e9, disons, d\u2019allier tous les pays de ce territoire. C\u2019est plut\u00f4t une initiative qu\u2019un projet avec un message politique. Mais il s\u2019agit surtout de lier ces pays d\u2019Europe orientale et centrale pour trouver une solution d\u2019ind\u00e9pendance \u00e9nerg\u00e9tique, notamment avec les probl\u00e9matiques autour du gaz et du p\u00e9trole.<\/p>\n\n\n\n

La Pologne, qui voulait \u00eatre \u00e9nerg\u00e9tiquement ind\u00e9pendante de la Russie, a construit avec les pays baltes les \u00e9l\u00e9ments qu\u2019il faut pour le devenir. Tous les pays baltes, la Pologne, la Tch\u00e9quie, la Turquie et les Balkans ont trouv\u00e9 cette initiative tr\u00e8s int\u00e9ressante. Alors tous les ans, il y a des r\u00e9unions entre pr\u00e9sidents, et notre pr\u00e9sidente a toujours exprim\u00e9 sa satisfaction de leurs avanc\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Mais c\u2019est un projet qui demande d\u2019abord des soutiens financiers, donc pour le moment, \u00e7a ne bouge pas beaucoup. Il y a des id\u00e9es, des conf\u00e9rences, et finalement, tout cela d\u00e9pend des int\u00e9r\u00eats de chacun. L\u2019\u00c9tat est concern\u00e9, mais pas de mani\u00e8re d\u00e9cisive. On va voir comment le projet va se d\u00e9velopper, mais pour le moment, ce sont des id\u00e9es qui plaisent \u00e0 tout le monde et sans grands effets.<\/p>\n\n\n\n

M\u00eame l\u2019Europe occidentale n\u2019a pas tr\u00e8s bien accueilli cette initiative et est un peu dubitative : pourquoi les pays l\u2019Europe orientale et centrale veulent-ils faire quelque chose entre eux. On voit qu\u2019il y a une rupture entre l\u2019Europe orientale et l\u2019Europe occidentale. M\u00eame le pr\u00e9sident Trump a soutenu cette id\u00e9e, et il s\u2019est rendu \u00e0 Varsovie l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re au Sommet des trois mers. Il a publiquement soutenu ce projet, et, depuis, a pris ses distances. Mais comme il \u00e9tait pr\u00e9sent, cela a soulev\u00e9 le m\u00e9contentement des pays occidentaux envers cette initiative.<\/p>\n\n\n\n

Comment la Croatie g\u00e8re-t-elle ses relations avec la Chine, et notamment les investissements chinois dans ses infrastructures (cf. Pont de Pelje\u0161ac) ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est int\u00e9ressant\u2026 la semaine derni\u00e8re, j\u2019avais un d\u00e9jeuner de travail au S\u00e9nat avec le groupe d\u2019amiti\u00e9 franco-croate. Les s\u00e9nateurs de ce groupe m\u2019ont invit\u00e9 au d\u00e9jeuner, et ils m\u2019ont pos\u00e9 la m\u00eame question. En g\u00e9n\u00e9ral, la Croatie n\u2019est pas connue dans le milieu parlementaire, mais tout le monde m\u2019a demand\u00e9 : pourquoi ce pont de Pelje\u0161ac sera construit par les Chinois ? <\/p>\n\n\n\n

Bon. La Chine n\u2019est pas tellement pr\u00e9sente en Croatie. Il y a tr\u00e8s peu de Chinois, hormis les touristes, tr\u00e8s peu de restaurants et magasins chinois en Croatie. Mais nous entretenons avec P\u00e9kin de tr\u00e8s bonnes relations bilat\u00e9rales, politiques et \u00e9conomiques, il faut le dire. Maintenant, il y a une initiative \u00e9conomique r\u00e9gionale tr\u00e8s similaire avec les Trois mers : 16 pays d\u2019Europe centrale et orientale d\u00e9veloppent un projet ambitieux avec la Chine. Alors tous les ans, un des 16 pays organise un sommet avec le Premier ministre chinois. Cette ann\u00e9e, le sommet s\u2019est tenu \u00e0 Dubrovnik, il y a trois mois. Le Premier ministre chinois est venu \u00e0 ce sommet pour rencontrer les Premiers ministres des 16 pays ; ce sont pratiquement les m\u00eames pays que ceux de l\u2019initiative des Trois mers. C\u00f4t\u00e9 chinois, il y a une promesse d\u2019investissement et de coop\u00e9ration \u00e0 grande \u00e9chelle et \u00e0 long-terme. Nous savons que l\u2019Allemagne et la France ne sont pas tr\u00e8s contentes de cette initiative. Mais en m\u00eame temps la France, l\u2019Allemagne et la Grande-Bretagne augmentent leur coop\u00e9ration avec la Chine, vendent et ach\u00e8tent les produits chinois en nombre, re\u00e7oivent leurs dirigeants et se rendent r\u00e9guli\u00e8rement en Chine pour signer des dizaines des contrats commerciaux. Je crois que la Croatie, du point de vue de la coop\u00e9ration \u00e9conomique avec la Chine, \u00e0 l\u2019\u00e9chelle europ\u00e9enne, repr\u00e9sente un pourcentage n\u00e9gligeable.<\/p>\n\n\n\n

Notre pont, pour information, doit \u00eatre construit car il y a une petite partie de la c\u00f4te adriatique, 12 km, au sein de la Croatie, qui appartient \u00e0 la Bosnie-Herz\u00e9govine. Il s\u2019agit d\u2019un petit bout de la c\u00f4te qui coupe la Croatie en deux. Historiquement quand les Turcs ottomans gouvernaient en Bosnie-Herz\u00e9govine, ils ont achet\u00e9 ce territoire de la R\u00e9publique de Venise, pour avoir un acc\u00e8s \u00e0 la mer Adriatique mais aussi pour limiter l\u2019influence de la tr\u00e8s puissante R\u00e9publique de Dubrovnik (Ragusa).<\/p>\n\n\n\n

Aujourd\u2019hui pour arriver \u00e0 Dubrovnik par route vous \u00eates oblig\u00e9s de passer par ce corridor \u00ab bosnien \u00bb et faire deux fois le contr\u00f4le frontalier… Et maintenant que la Croatie est membre de l\u2019Union, et la Bosnie-Herz\u00e9govine non, cela complique \u00e9norm\u00e9ment les choses au niveau du contr\u00f4le douanier. Avec la construction de ce pont et de quelques dizaines de kilom\u00e8tres de nouvelles routes sur la presqu’\u00eele de Pelje\u0161ac, on ne sera plus oblig\u00e9 de passer par la Bosnie-Herz\u00e9govine pour aller vers Dubrovnik et l\u2019extr\u00eame sud de la Croatie. Ce projet est approuv\u00e9 par l\u2019Union europ\u00e9enne : ils pr\u00e9f\u00e8rent aussi que les citoyens europ\u00e9ens ne soient pas oblig\u00e9s de passer par les contr\u00f4les douaniers d\u2019un tiers \u00c9tat pour voyager \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur d\u2019un pays membre de l\u2019UE. C\u2019est pour cela que la Commission europ\u00e9enne a d\u00e9cid\u00e9 de financer la construction de ce pont \u00e0 85 %. Le reste, c\u2019est principalement la Croatie. On a eu un appel d\u2019offres de plusieurs entreprises, il y avait m\u00eame un Fran\u00e7ais, mais le Chinois \u00e9tait 30 % moins cher. D\u2019o\u00f9 notre d\u00e9cision, bonne ou mauvaise, nous verrons, mais qui d\u2019un point de vue \u00e9conomique, \u00e9tait l\u00e9gitime. <\/p>\n\n\n\n

Il y a pourtant toujours cette question : pourquoi les Chinois ? Je dois dire, c\u2019\u00e9tait une offre, pas un choix du gouvernement juste parce qu\u2019ils sont chinois. <\/p>\n\n\n\n

Quelles sont les sources de doctrines croates ? Quels sont les espaces de d\u00e9bat strat\u00e9gique (revue, think tanks<\/em>\u2026) en Croatie ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les Croates sont le plus souvent consid\u00e9r\u00e9s comme un peuple profond\u00e9ment catholique, voir tr\u00e8s conservateur et traditionaliste. Au fond, c\u2019est vrai, la plupart des gens se d\u00e9clarent catholiques mais ils ne sont pas vraiment pratiquants. C\u2019est aussi la cons\u00e9quence de l\u2019histoire difficile et complexe, surtout pendant le communisme. Mais aujourd\u2019hui les choses ont profond\u00e9ment chang\u00e9. La pens\u00e9e lib\u00e9rale \u00e9tait toujours tr\u00e8s pr\u00e9sente chez nos \u00e9crivains et intellectuels en g\u00e9n\u00e9ral, surtout entre les deux guerres mondiales. Pendant le r\u00e9gime de Tito, surtout dans les ann\u00e9es 1970, il y avait des discussions politiques tr\u00e8s ouvertes dans le milieu intellectuel, plus ou moins tol\u00e9r\u00e9es par les autorit\u00e9s communistes. Plusieurs instituts publiaient des revues politiques de grande qualit\u00e9, mais exclusivement de gauche. Zagreb et son universit\u00e9 \u00e9tait toujours le haut lieu de pens\u00e9e philosophique et de la culture. Notre Science-Po a une longue tradition de gauchisme ainsi que plusieurs instituts en Croatie. Votre ex-ministre des Affaires europ\u00e9ennes Nathalie Loiseau, \u00e9tait en visite l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re \u00e0 Zagreb. Elle a donn\u00e9 une conf\u00e9rence \u00e0 Sciences-Po et c\u2019\u00e9tait le vrai d\u00e9but de la campagne de consultation avec les citoyens, propos\u00e9e par le pr\u00e9sident Macron.<\/p>\n\n\n\n

Depuis l\u2019ind\u00e9pendance, beaucoup de think tanks<\/em> ont vu le jour, ils ne sont pas tr\u00e8s nombreux mais ils jouent une certaine influence dans la vie publique. La soci\u00e9t\u00e9 civile est assez forte et tous les gouvernements doivent compter sur elle, parce qu\u2019elle est bien organis\u00e9e, surtout quand il s\u2019agit d\u2019organiser un r\u00e9f\u00e9rendum. Les ONG sont tr\u00e8s, tr\u00e8s nombreuses. La plupart sont de gauche et posent souvent, avec l\u2019aide des m\u00e9dias et des r\u00e9seaux sociaux de graves probl\u00e8mes aux autorit\u00e9s croates. Mais la plupart de ONG peuvent compter sur le financement, au moins partiel de leurs activit\u00e9s, des fonds du gouvernement pr\u00e9vus par la loi dans le budget annuel. <\/p>\n\n\n\n

Encore une chose qui n\u2019est pas tellement connue. Chez nous, les minorit\u00e9s nationales (une vingtaine) sont vraiment tr\u00e8s appr\u00e9ci\u00e9es et tr\u00e8s pr\u00e9sentes dans la vie publique. Les Serbes sont les plus nombreux bien qu\u2019une bonne partie des Serbes a quitt\u00e9 la Croatie apr\u00e8s la guerre. Notre Constitution est, du point de vue de traitement des minorit\u00e9s, je crois la plus d\u00e9mocratique en Europe. Les minorit\u00e9s sont repr\u00e9sent\u00e9s dans notre Parlement (Sabor) par huit d\u00e9put\u00e9s, sur 151, dont trois Serbes. M\u00eame s\u2019ils n\u2019obtiennent que quelques centaines de voix aux \u00e9lections l\u00e9gislatives, ils ont trois places garanties, et les autres minorit\u00e9s en ont cinq. Ils peuvent participer aux \u00e9lections en tant que minorit\u00e9s, mais aussi en tant que citoyens normaux de la Croatie, ce qui signifie qu\u2019ils peuvent voter deux fois – discrimination positive. La Croatie est le seul pays qui garantit que les minorit\u00e9s soient repr\u00e9sent\u00e9es telles quelles. Il y a environ 60 000 musulmans bosniaques en Croatie, et ils ont toujours un repr\u00e9sentant bosniaque au Parlement. Les Italiens aussi, ils sont environs 15 000.<\/p>\n\n\n\n

Malgr\u00e9 les pr\u00e9jug\u00e9s pr\u00e9sents dans quelques vieilles d\u00e9mocraties europ\u00e9ennes qui sont toujours pr\u00eates \u00e0 donner des le\u00e7ons, la Croatie a l\u00e9gif\u00e9r\u00e9 sur la question de ses minorit\u00e9s d\u2019une mani\u00e8re exemplaire. Les d\u00e9put\u00e9s des minorit\u00e9s sont le plus souvent les membres de la coalition du gouvernement, soit de gauche, soit de droite, parce qu\u2019ils sont conscients de l\u2019importance de ce choix. Actuellement, la minorit\u00e9 serbe est dans la coalition du gouvernement de centre-droit. Comme la coalition gouvernementale est instable, si leurs trois d\u00e9put\u00e9s refusaient de voter les lois, le gouvernement tomberait. Les Serbes ne sont donc pas oblig\u00e9s de participer \u00e0 la coalition, mais ils pr\u00e9f\u00e8rent \u00eatre proches du gouvernement en prenant en compte les cons\u00e9quences \u00e9ventuelles d\u2019une chute du gouvernement. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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