{"id":39722,"date":"2019-06-05T04:46:23","date_gmt":"2019-06-05T02:46:23","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=39722"},"modified":"2020-07-14T19:39:02","modified_gmt":"2020-07-14T17:39:02","slug":"aux-origines-du-neoliberalisme","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/06\/05\/aux-origines-du-neoliberalisme\/","title":{"rendered":"Aux origines du n\u00e9olib\u00e9ralisme"},"content":{"rendered":"\n

Le 18 d\u00e9cembre 2018, alors que des dizaines de milliers de gilets jaunes d\u00e9filaient \u00e0 travers la France, un groupe de manifestants s’est rassembl\u00e9 au Berlaymont, le complexe en forme d’\u00e9toile du centre de Bruxelles qui abrite la Commission europ\u00e9enne. L’organisation \u00e9tudiante d’extr\u00eame droite flamande Schild & Vrienden (Bouclier & Amis) s’\u00e9tait organis\u00e9e pour protester contre la participation du gouvernement belge au Pacte mondial des Nations Unies sur la migration, alors en train d\u2019\u00eatre ratifi\u00e9 lors d’une conf\u00e9rence au Maroc. Se qualifiant de \u00ab Marche contre Marrakech \u00bb, le rassemblement a attir\u00e9 plus de cinq mille personnes, qui se sont rassembl\u00e9es autour du b\u00e2timent de la Commission. Les journalistes ont \u00e9t\u00e9 pourchass\u00e9s aux cris de \u00ab rats gauchistes \u00bb, tandis que des dizaines de participants ont \u00e9t\u00e9 bless\u00e9s et 90 personnes arr\u00eat\u00e9es quand les manifestants ont tent\u00e9 d’entrer par effraction dans le Berlaymont. Le fait que l’extr\u00eame droite belge ait choisi de s’opposer \u00e0 un accord de l’ONU sur l’immigration en assi\u00e9geant le si\u00e8ge de la bureaucratie europ\u00e9enne \u00e9tait une d\u00e9cision r\u00e9v\u00e9latrice : la r\u00e9volte identitaire en cours contre le mondialisme \u00e0 tendance \u00e0 regrouper les forces transnationales auxquelles elle s’oppose.<\/p>\n\n\n\n

Lorsque j’ai grandi \u00e0 Bruxelles dans les ann\u00e9es 1990, l’Union semblait une cible improbable pour un tel ressentiment. Mes parents n\u00e9erlandais, qui travaillaient dans le domaine du droit du travail et du journalisme, s’\u00e9taient install\u00e9s \u00e0 Tervuren, une ville tranquille en p\u00e9riph\u00e9rie de la capitale belge. Tous les matins, j’attendais en face d’un palais n\u00e9oclassique construit un si\u00e8cle plus t\u00f4t par le roi L\u00e9opold II pour prendre un tram jaune-bleu en direction du centre de Bruxelles, o\u00f9 j’allais dans une \u00e9cole primaire \u00e0 deux pas du Berlaymont. L’Union europ\u00e9enne venait tout juste de voir le jour et, bien que quelques habitants de la ville, natifs ou n\u00e9s \u00e0 l’\u00e9tranger, croyaient vivre la fin de l’histoire, il y avait aussi peu d’animosit\u00e9 ouverte. Certains \u00ab migrants \u00bb sont arriv\u00e9s des nouveaux \u00c9tats membres ais\u00e9s de l’Union \u2013 la Su\u00e8de, la Finlande et l’Autriche, qui ont adh\u00e9r\u00e9 \u00e0 l\u2019Union en 1995 \u2013 mais les r\u00e9fugi\u00e9s bosniaques et alg\u00e9riens fuyant la guerre civile dans leurs pays d’origine l’ont fait aussi, sans rencontrer d’opposition organis\u00e9e. Peu de petites nations europ\u00e9ennes, y compris les Belges, une population de dix millions d’habitants r\u00e9partis en trois langues et dans sept parlements, pensaient que l’int\u00e9gration serait facile. Mais ils \u00e9taient confiants dans leur propre capacit\u00e9 \u00e0 surmonter les probl\u00e8mes in\u00e9vitables, \u00e0 improviser alors qu’ils se dirigeaient vers un avenir sans nuage.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019ouverture des possibles des ann\u00e9es 1990 est tr\u00e8s \u00e9loign\u00e9e de la situation actuelle de l’Europe. Le krach \u00e9conomique de 2008 a marqu\u00e9 un tournant dans la politique europ\u00e9enne. En menant une r\u00e9action jamais vue \u00e0 l\u2019encontre des r\u00e9fugi\u00e9s, les gouvernements de Londres, Rome, Budapest et Varsovie ont d\u00e9clar\u00e9 que leur souverainet\u00e9 nationale \u00e9tait menac\u00e9e par une bureaucratie europ\u00e9enne despotique. Seul le centre n\u00e9olib\u00e9ral reste attach\u00e9 au march\u00e9 commun existant. Mais de nombreux partis assimilent de plus en plus l’adh\u00e9sion \u00e0 l’Union \u00e0 une soumission d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e aux diktats d’un monstre bruxellois irresponsable.<\/p>\n\n\n\n

Dans sa volont\u00e9 de contrer la tyrannie du march\u00e9, la gauche nationaliste a mal interpr\u00e9t\u00e9 la nature du projet n\u00e9olib\u00e9ral dans la politique europ\u00e9enne. Le n\u00e9olib\u00e9ralisme europ\u00e9en contemporain n’est pas orchestr\u00e9 par un seul \u00c9tat-nation puissant, avec le reste du bloc comme marionnettes, ni par une clique transnationale de mondialistes.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Pour les nationalistes, l’Union europ\u00e9enne est une construction mondialiste par excellence. L’extr\u00eame droite s’en prend \u00e0 la Commission europ\u00e9enne pour avoir forc\u00e9 les populations autochtones \u00e0 accepter un grand nombre de r\u00e9fugi\u00e9s africains et moyen-orientaux. Ils affirment que l’Europe s’est \u00e9tendue trop vite et est devenue trop envahissante, profitant aux \u00ab resquilleurs \u00bb du Sud tout en ne prot\u00e9geant pas la fortune des \u00e9pargnants disciplin\u00e9s des pays \u00ab exc\u00e9dentaires \u00bb du Nord. Ces revendications ont une traction politique, mais peu de fondement en fait. \u00c0 bien des \u00e9gards, ils surestiment la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 des institutions europ\u00e9ennes. L’absorption de r\u00e9fugi\u00e9s en Europe, d\u00e9j\u00e0 bien en de\u00e7\u00e0 de son pic temporaire de 2015, reste malheureusement faible compte tenu de sa capacit\u00e9 \u00e9conomique et institutionnelle. Les contribuables et les banques du Nord ont r\u00e9colt\u00e9 d’importantes richesses et des gains de bilan consid\u00e9rables gr\u00e2ce aux aides accord\u00e9es aux d\u00e9biteurs m\u00e9diterran\u00e9ens. Et la Banque centrale europ\u00e9enne (BCE), qui a contraint l\u2019acc\u00e8s aux capitaux des Grecs au plus fort de la crise, est conservatrice m\u00eame selon les normes de la R\u00e9serve f\u00e9d\u00e9rale am\u00e9ricaine, elle-m\u00eame peu soup\u00e7onnable d\u2019\u00eatre un foyer de radicalisme.<\/p>\n\n\n\n

Alors que la plupart des accusations de la droite port\u00e9es contre l’Union sont difficiles \u00e0 prendre au s\u00e9rieux, la gauche a produit des critiques convaincantes et sophistiqu\u00e9es de cette organisation. Le scepticisme de gauche \u00e0 l’\u00e9gard du projet d’int\u00e9gration remonte aux d\u00e9buts de la Communaut\u00e9 \u00e9conomique europ\u00e9enne, mais \u00e9tait g\u00e9n\u00e9ralement un courant minoritaire ; la crise \u00e9conomique de la zone euro et les tentatives actuelles de la Grande-Bretagne de s’\u00e9loigner de l’Union ont ranim\u00e9 cette tradition, certains pr\u00e9conisant une sortie \u00e0 gauche, ou \u00ab Lexit. \u00bb Le Lexit met en valeur un clivage entre les diff\u00e9rentes critiques de gauche de l’Union : les diagnostics vari\u00e9s de son d\u00e9ficit d\u00e9mocratique et des pr\u00e9jug\u00e9s n\u00e9olib\u00e9raux sugg\u00e8rent \u00e0 leur tour des voies diff\u00e9rentes vers une Europe plus progressiste et d\u00e9mocratique.<\/p>\n\n\n\n

Il existe aujourd\u2019hui deux grandes vari\u00e9t\u00e9s d’anti-europ\u00e9isme de gauche. La premi\u00e8re ligne de critique attaque l’Union en tant que technocratie irresponsable qui s’oppose constitutionnellement \u00e0 la d\u00e9mocratie. Selon cette interpr\u00e9tation, les eurocrates non \u00e9lus \u00e0 la Commission europ\u00e9enne menacent la souverainet\u00e9 nationale dans la mesure o\u00f9 ils appliquent les r\u00e8gles, les lois et les r\u00e8glements budg\u00e9taires sans avoir \u00e0 rendre de comptes. Une accusation, connexe mais distincte, est que l’Union est terrible pour la d\u00e9mocratie nationale parce qu’elle est un v\u00e9hicule pour la puissance allemande. Sur ce point, soit les technocrates ne feraient que suivre les ordres des Allemands, soit les Allemands seraient responsables d’avoir depuis longtemps truqu\u00e9 les r\u00e8gles de l’Union en faveur du pays le plus grand et le plus puissant du continent.<\/p>\n\n\n\n

Ces analyses de gauche pointent un v\u00e9ritable probl\u00e8me : les contraintes des politiques \u00e9conomiques actuelles de l’Union et de la zone euro, qui ont aggrav\u00e9 et prolong\u00e9 la crise du continent. Pourtant, dans sa volont\u00e9 de contrer la tyrannie du march\u00e9, la gauche nationaliste a mal interpr\u00e9t\u00e9 la nature du projet n\u00e9olib\u00e9ral dans la politique europ\u00e9enne. Le n\u00e9olib\u00e9ralisme europ\u00e9en contemporain n’est pas orchestr\u00e9 par un seul \u00c9tat-nation puissant, avec le reste du bloc comme marionnettes, ni par une clique transnationale de mondialistes. Ce \u00e0 quoi la gauche est aujourd’hui confront\u00e9e est enracin\u00e9e dans les transformations internes que plusieurs \u00c9tats membres ont subies dans les ann\u00e9es 1980 et 1990, apr\u00e8s quoi une multitude de puissantes \u00e9lites nationales ont coop\u00e9r\u00e9 pour remodeler les institutions europ\u00e9ennes dans leur int\u00e9r\u00eat.<\/p>\n\n\n\n

Alors que le n\u00e9olib\u00e9ralisme allemand, appel\u00e9 \u00ab ordolib\u00e9ralisme \u00bb, a souvent \u00e9t\u00e9 d\u00e9sign\u00e9 comme le responsable de la rigueur mon\u00e9taire et fiscale, le virage de l’Union vers la discipline de march\u00e9 n’aurait jamais r\u00e9ussi sans la contribution active des cinq autres \u00c9tats membres fondateurs. Les hommes politiques fran\u00e7ais, italiens, n\u00e9erlandais, belges et luxembourgeois ont autant contribu\u00e9 \u00e0 faire de l’Union un ensemble de d\u00e9mocraties \u00ab conformes au march\u00e9 \u00bb que leurs homologues allemands. Depuis lors, un cercle croissant de gouvernements nationaux, en dehors des six principaux, se sont appropri\u00e9s le consensus politique n\u00e9olib\u00e9ral.<\/p>\n\n\n\n

La v\u00e9ritable source du n\u00e9olib\u00e9ralisme en Europe n’est ni la technocratie ni l’h\u00e9g\u00e9monie allemande, mais un probl\u00e8me sp\u00e9cifique au continent : l’intergouvernementalisme.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Cela signifie que la v\u00e9ritable source du n\u00e9olib\u00e9ralisme en Europe n’est ni la technocratie ni l’h\u00e9g\u00e9monie allemande, mais un probl\u00e8me sp\u00e9cifique au continent : l’intergouvernementalisme. Par cons\u00e9quent, les nationalistes de gauche des formations comme le Parti travailliste britannique, la France Insoumise et Die Linke, en Allemagne, ont la bonne intuition quant \u00e0 la mani\u00e8re dont une politique progressiste peut surmonter le n\u00e9olib\u00e9ralisme \u2013 au niveau national \u2013 mais leur flirt avec la sortie de l’Union est la mauvaise strat\u00e9gie pour atteindre cet objectif. Pour r\u00e9soudre les probl\u00e8mes intergouvernementaux, les gauches nationales doivent unir leurs forces au niveau europ\u00e9en. Alors que les \u00e9lecteurs de toute l’Union se pr\u00e9parent \u00e0 \u00e9lire un nouveau Parlement europ\u00e9en le mois prochain, la question qui se pose \u00e0 la gauche europ\u00e9enne est de savoir si elle peut trouver le terrain d’entente n\u00e9cessaire pour contrer la discipline n\u00e9olib\u00e9rale \u00e0 travers et au-del\u00e0 de l’\u00c9tat-nation.<\/p>\n\n\n\n

Les d\u00e9bats autour du caract\u00e8re n\u00e9olib\u00e9ral de l’Union sont aussi, \u00e0 un certain niveau, des d\u00e9bats sur l’histoire et sur l’identit\u00e9. Une premi\u00e8re r\u00e9ponse europ\u00e9enne au choc de 2008 a \u00e9t\u00e9 de rendre l’id\u00e9ologie anglo-am\u00e9ricaine du libre march\u00e9 coupable d\u2019avoir contamin\u00e9 un continent traditionnellement social-d\u00e9mocrate. Cet alibi a toujours \u00e9t\u00e9 fragile \u00e0 un niveau purement mat\u00e9riel : comme Adam Tooze l’a rappel\u00e9, le secteur bancaire europ\u00e9en, qui avait atteint une taille d\u00e9mesur\u00e9e, a jou\u00e9 un r\u00f4le cl\u00e9 dans la crise financi\u00e8re mondiale. L’impression d’innocence europ\u00e9enne n\u2019est pas plus soutenable dans le domaine id\u00e9ologique ; des chercheurs comme Quinn Slobodian ont retrouv\u00e9 les origines en Europe centrale de nombreux penseurs n\u00e9olib\u00e9raux importants des derni\u00e8res d\u00e9cennies. Certains historiens du n\u00e9olib\u00e9ralisme ont pens\u00e9 en termes de \u00ab route du Mont P\u00e8lerin \u00bb, la ville suisse o\u00f9 le r\u00e9seau le plus influent d’\u00e9conomistes et de juristes partisans du Laisser-faire<\/em> est n\u00e9 en 1947. D’un point de vue analytique, cet argument pr\u00e9suppose un mod\u00e8le d’influence qui part d’un seul centre : les id\u00e9es favorables au march\u00e9 peuvent avoir \u00e9t\u00e9 adapt\u00e9es aux contextes locaux, mais elles proviennent essentiellement d’une seule matrice.<\/p>\n\n\n\n

Mais il y a une diff\u00e9rence entre le point d’origine concentr\u00e9 des id\u00e9es n\u00e9olib\u00e9rales et les succ\u00e8s diffus du n\u00e9olib\u00e9ralisme comme programme \u00e9lectoral et politique. Apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne de l’Ouest \u00e9tait un cas particulier en ce sens qu’elle n’a jamais adh\u00e9r\u00e9 au type de politique \u00e9conomique fortement interventionniste qui caract\u00e9risait la croissance d’apr\u00e8s-guerre ailleurs. Pour cette raison, le pays joue un r\u00f4le majeur dans la plupart des r\u00e9cits sur la mani\u00e8re dont l’Union est devenue n\u00e9olib\u00e9rale, la r\u00e9unification de l’Allemagne \u00e9tant un tournant d\u00e9cisif. Les critiques de gauche \u00e0 l’\u00e9gard de l’Union europ\u00e9enne raisonnent souvent \u00e0 l\u2019envers : si les trait\u00e9s de la zone euro et du budget de l’Union ont profit\u00e9 de mani\u00e8re disproportionn\u00e9e \u00e0 l’Allemagne, alors ces institutions devaient \u00eatre des id\u00e9es allemandes au d\u00e9part. Dans cette logique, la monnaie commune et la structure de la discipline budg\u00e9taire sont consid\u00e9r\u00e9es comme des instruments du pouvoir allemand sur le continent. Cela signifie que le fait de reconqu\u00e9rir la souverainet\u00e9 nationale en quittant l’euro ou l’Union permettrait \u00e0 des \u00c9tats membres comme la France, l’Italie et l’Espagne de revenir \u00e0 leur penchant naturel pour des r\u00e9gimes de protection sociale \u00e9tatiques fortement d\u00e9pensiers. Wolfgang Streeck, l’intellectuel nationaliste de gauche le plus connu, a soutenu que les pays du sud de l’Europe \u00e9taient structurellement inaptes \u00e0 s’int\u00e9grer dans une union mon\u00e9taire avec l’Allemagne parce que leur mod\u00e8le social reposait sur une dette publique croissante et une inflation mod\u00e9r\u00e9e. De mani\u00e8re plus g\u00e9n\u00e9rale, nombreux s’accordent \u00e0 penser que Bonn, puis Berlin, ont contraint ces pays \u00e0 prendre la camisole de force anti-inflationniste de la Banque centrale europ\u00e9enne (BCE), elle-m\u00eame pr\u00e9sent\u00e9e par ses critiques comme \u00e9tant essentiellement une copie de l\u2019orthodoxe Bundesbank.<\/p>\n\n\n\n

Les trajectoires politiques des cinq pays non allemands de la Communaut\u00e9 \u00e9conomique europ\u00e9enne dans les ann\u00e9es 80 et au d\u00e9but des ann\u00e9es 90 pr\u00e9sentent un tableau diff\u00e9rent. Les \u00e9lites de ces pays ont poursuivi leurs propres plans, avec des raisons qui leurs \u00e9taient propres. Fran\u00e7ois Mitterrand, \u00e9lu pr\u00e9sident de la R\u00e9publique en 1981 dans l’espoir d’une transformation socialiste, a tent\u00e9 la mise en place d\u2019une \u00e9conomie de gauche pendant moins de deux ans avant de capituler avec son fameux \u00ab tournant de la rigueur \u00bb en mars 1983, apr\u00e8s quoi il est devenu le plus fervent fossoyeur du domaine public de l’histoire fran\u00e7aise. Le programme de lib\u00e9ralisation de Mitterrand a \u00e9t\u00e9 men\u00e9 par un groupe de membres influents du Parti socialiste, qui a finalement men\u00e9 une campagne mondiale pour abolir les contr\u00f4les des capitaux : Jacques Delors, d’abord ministre des Finances de Mitterrand, puis pr\u00e9sident de la Commission europ\u00e9enne, Michel Camdessus, gouverneur de la Banque de France et pr\u00e9sident du FMI de 1987 \u00e0 2000, et Henri Chavranski, responsable des mouvements de capitaux \u00e0 l’OCDE. Loin d’\u00eatre victimes de l’h\u00e9g\u00e9monie allemande, ces d\u00e9cideurs politiques essayaient consciemment de transformer leur \u00e9conomie politique pour s’adapter au nouveau monde cr\u00e9\u00e9 par la fin des taux de change fixes et le d\u00e9but de la financiarisation mondiale. Ils voulaient des \u00c9tats plus maigres et plus efficaces, capables de pr\u00e9server les avanc\u00e9es sociales dans un environnement international beaucoup plus difficile.<\/p>\n\n\n\n

Les Pays-Bas ont connu une transformation nationale similaire, en tenant compte de la concurrence mondiale, lorsque le d\u00e9mocrate-chr\u00e9tien Ruud Lubbers (1982-1994) a contraint les syndicats de son pays \u00e0 conclure un nouveau pacte visant \u00e0 ma\u00eetriser la croissance des salaires. Cela a permis aux N\u00e9erlandais de suivre une trajectoire de croissance tir\u00e9e par les exportations et les politiques de monnaie forte de l’Allemagne, mais cela n’a en aucun cas \u00e9t\u00e9 fait sur l’ordre des Allemands. Au sud, l’Italie a temporairement d\u00e9pass\u00e9 la Grande-Bretagne en termes de PIB en 1987 pour devenir la quatri\u00e8me plus grande \u00e9conomie du monde \u2013 le sorpasso<\/em> ou \u00ab d\u00e9passement \u00bb \u2013 mais les gains in\u00e9gaux de cette croissance ont \u00e9t\u00e9 encore limit\u00e9s par une \u00e9norme expansion de la dette publique. Apr\u00e8s l’implosion du syst\u00e8me politique italien d’apr\u00e8s-guerre en 1992, Silvio Berlusconi et ses successeurs ont commenc\u00e9 \u00e0 mettre en place une politique assum\u00e9e de privatisation et d\u00e9r\u00e9glementation. Une politique budg\u00e9taire similaire en Belgique sous la direction du premier ministre Wilfried Martens (1981-1992), qui a r\u00e9duit les imp\u00f4ts et presque doubl\u00e9 la dette publique, a pr\u00e9par\u00e9 le terrain pour que ses successeurs r\u00e9duisent les acquis sociaux.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, c’est peut-\u00eatre le duch\u00e9 du Luxembourg, le plus petit des six \u00e9tats fondateurs, qui illustre le mieux la conversion des \u00e9lites nationales europ\u00e9ennes au n\u00e9olib\u00e9ralisme. Dans ce territoire vallonn\u00e9 de moins de 400 000 habitants, l’\u00e9conomie sid\u00e9rurgique luxembourgeoise a soutenu un \u00c9tat-providence chr\u00e9tien-d\u00e9mocrate pendant une grande partie de l’apr\u00e8s-guerre. La position interstitielle du duch\u00e9 et sa politique de consensus en ont \u00e9galement fait une source s\u00fbre de pr\u00e9sidents pour la Commission europ\u00e9enne : le Premier ministre Pierre Werner a propos\u00e9 d\u00e8s 1970 une monnaie commune pour garantir l\u2019ind\u00e9pendance face \u00e0 l’h\u00e9g\u00e9monie am\u00e9ricaine. Mais \u00e0 mesure que les id\u00e9es n\u00e9olib\u00e9rales ont balay\u00e9 les capitales europ\u00e9ennes dans les ann\u00e9es 1980, le sens de la poursuite de l’int\u00e9gration \u00e9conomique et financi\u00e8re a chang\u00e9. Sous le premier ministre Jacques Santer (1984-1995), le duch\u00e9 a approfondi une r\u00e9invention ant\u00e9rieure comme un paradis fiscal mondial pour les entreprises et comme un sanctuaire pour les fonds mon\u00e9taires du monde entier. Le programme de Santer a \u00e9t\u00e9 continu\u00e9 par son bras droit, l’affable et effac\u00e9 avocat Jean-Claude Juncker.<\/p>\n\n\n\n

En pr\u00e8s de soixante-dix ans depuis le d\u00e9but de l’int\u00e9gration \u00e9conomique europ\u00e9enne, les Luxembourgeois n’ont jamais faibli dans leur soutien au projet europ\u00e9en. Ce qu’ils ont compris tr\u00e8s t\u00f4t, c’est sa nature essentiellement intergouvernementale. En d\u00e9finitive, les institutions europ\u00e9ennes ne ressemblent pas au Reich allemand \u2013 une f\u00e9d\u00e9ration d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9e autrefois domin\u00e9e par la Prusse \u2013 mais plut\u00f4t au Saint Empire romain, une machine idiosyncrasique et extraordinairement solide qui excellait dans la protection des plus petits \u00c9tats. Loin de cr\u00e9er une m\u00eal\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale sans fronti\u00e8res domin\u00e9e par les grands pays, la Communaut\u00e9 \u00e9conomique europ\u00e9enne a permis des politiques sociales, industrielles et agraires qui ont renforc\u00e9 la souverainet\u00e9 des nations europ\u00e9ennes (un fait d\u00e9montr\u00e9 dans l’\u00e9tude in\u00e9gal\u00e9e de l’historien Alan Milward sur l’int\u00e9gration europ\u00e9enne, The European Rescue of the Nation-State<\/em>).<\/p>\n\n\n\n

Les institutions europ\u00e9ennes ne ressemblent pas au Reich allemand \u2013 une f\u00e9d\u00e9ration d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9e autrefois domin\u00e9e par la Prusse \u2013 mais plut\u00f4t au Saint Empire romain, une machine idiosyncrasique et extraordinairement solide qui excellait dans la protection des plus petits \u00c9tats.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Lors de la cr\u00e9ation de l’Union europ\u00e9enne en 1993, les \u00e9volutions n\u00e9olib\u00e9rales internes de son noyau dur ont donn\u00e9 \u00e0 cette derni\u00e8re un caract\u00e8re plus disciplinaire que sa pr\u00e9d\u00e9cesseure. Les deux institutions les plus importantes de la nouvelle Union \u00e9taient le Pacte de stabilit\u00e9 et de croissance (PSC) et la Banque centrale europ\u00e9enne. Le PSC \u00e9tait un trait\u00e9 intergouvernemental qui exprimait le d\u00e9sir des \u00e9lites nationales des six pays du noyau dur de transformer leurs propres pays en d\u00e9mocraties \u00ab conformes au march\u00e9 \u00bb, capables de faire preuve de r\u00e9silience et de comp\u00e9titivit\u00e9 en toute ind\u00e9pendance ; il limitait donc les d\u00e9ficits budg\u00e9taires annuels \u00e0 3 % du PIB et la dette publique totale \u00e0 60 % du PIB. La force de ces restrictions s’est toutefois r\u00e9v\u00e9l\u00e9e beaucoup plus limit\u00e9e qu’on ne l’avait d’abord imagin\u00e9 : Paris et Berlin ont tous deux enfreint les lignes directrices du trait\u00e9, \u00e0 la fois en mati\u00e8re de dette et de d\u00e9ficit, d\u00e8s la premi\u00e8re d\u00e9cennie de son existence. Il n’y avait pas de m\u00e9canisme de sanctions efficace contre les d\u00e9linquants budg\u00e9taires, de sorte que le PSC n’est s\u2019est pas r\u00e9v\u00e9l\u00e9 plus solide que la volont\u00e9 des gouvernements nationaux de s’y conformer. Normalement, le march\u00e9 obligataire international aurait fourni une autre forme de discipline contre la croissance irraisonn\u00e9e des d\u00e9penses publiques ; les investisseurs refusent habituellement de financer des budgets d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9s. Mais l’effet disciplinaire du march\u00e9 obligataire a \u00e9t\u00e9 \u00e9touff\u00e9 par un \u00e9norme boom mondial du cr\u00e9dit sans pr\u00e9c\u00e9dent dans l’histoire du capitalisme et qui a commenc\u00e9 au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000. \u00c0 la veille de la crise, la Gr\u00e8ce ne b\u00e9n\u00e9ficiait que de co\u00fbts d’emprunt l\u00e9g\u00e8rement sup\u00e9rieurs \u00e0 ceux de l’Allemagne.<\/p>\n\n\n\n

La BCE a \u00e9galement fonctionn\u00e9 comme une plate-forme de collaboration plut\u00f4t que comme un dictateur mon\u00e9taire. Pendant la premi\u00e8re d\u00e9cennie de son existence, elle n’a pas eu \u00e0 emp\u00eacher ses membres de commettre des indiscr\u00e9tions inflationnistes, car les banquiers centraux nationaux repr\u00e9sent\u00e9s \u00e0 son conseil d’administration l’avaient d\u00e9j\u00e0 fait dans leur propre pays pendant des ann\u00e9es. Le premier pr\u00e9sident de la Banque, le social-d\u00e9mocrate n\u00e9erlandais Wim Duisenberg, avait \u00e9t\u00e9 l\u2019avocat de la poursuite d’un florin fort dans les ann\u00e9es 1970 et 1980 comme seule garantie du succ\u00e8s n\u00e9erlandais dans l’\u00e9conomie mondiale \u2013 une conviction qu’il pr\u00e9sentait plus tard comme un mod\u00e8le \u00e0 suivre pour les autres \u00c9tats membres.<\/p>\n\n\n\n

Le virage institutionnel de l’Europe dans les ann\u00e9es 1980 et 1990 vers le n\u00e9olib\u00e9ralisme n’a donc pas seulement \u00e9t\u00e9 motiv\u00e9 par des id\u00e9es mondialistes et les pressions ext\u00e9rieures, mais aussi par la primaut\u00e9 de la politique int\u00e9rieure. Dans un processus chaotique et contingent se d\u00e9roulant ind\u00e9pendamment dans diff\u00e9rents pays, l’ancien contrat entre le capital et le travail, h\u00e9rit\u00e9 de l’apr\u00e8s-guerre, a \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9 par un nouveau consensus entre les groupes d’entreprises, les d\u00e9cideurs politiques et les politiciens de centre-gauche et de centre-droit. Plut\u00f4t qu’une Allemagne h\u00e9g\u00e9monique, ce sont de petits pays comme les Pays-Bas et le Luxembourg, ainsi que les pays nordiques entr\u00e9s en 1995, en particulier la Finlande, qui ont jou\u00e9 un r\u00f4le crucial dans l’expansion de la logique de march\u00e9 sur le continent. C’est sur les nouveaux \u00c9tats membres plut\u00f4t que sur ses anciens membres d’Europe occidentale, m\u00e9ridionale et centrale que le Pacte de stabilit\u00e9 et de croissance a impos\u00e9 une v\u00e9ritable discipline. Suivre les conditions du PSC est devenu le test d\u00e9cisif pour entrer dans la zone mon\u00e9taire commune de la zone euro apr\u00e8s 1999. C’est la raison pour laquelle les \u00c9tats qui sont devenus membres de la zone euro apr\u00e8s 2002 ont acquis un r\u00f4le dominant, mais pas tout-puissant, au sein de l’Union europ\u00e9enne : leurs \u00e9lites pensaient qu’elles avaient r\u00e9ussi \u00e0 se transformer en \u00e9conomies ayant une place dans la comp\u00e9tition mondiale des nations. L’adh\u00e9sion \u00e0 l’euro leur a permis l’acc\u00e8s \u00e0 d’\u00e9normes flux de capitaux internationaux, ce qui a assoupli la rigueur des limites de d\u00e9penses impos\u00e9s par le PSC et de la politique mon\u00e9taire commune.<\/p>\n\n\n\n

Les m\u00eames comp\u00e9tences qui avaient aid\u00e9 les \u00e9lites des petits pays \u00e0 construire un consensus au niveau national \u00e9taient d\u00e9sormais appliqu\u00e9es afin de charmer et cajoler les nouveaux venus pour qu’ils se conforment. En 2004, lorsque huit anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale ainsi que Malte et Chypre ont rejoint l’Union, l’ensemble des mesures conformes au march\u00e9 \u00e9tait pr\u00eat \u00e0 \u00eatre imm\u00e9diatement adopt\u00e9 par les n\u00e9ophytes. D\u00e9sireuses de rompre avec les vestiges du socialisme d’\u00c9tat, les \u00e9lites postcommunistes de Sofia \u00e0 Tallinn et de Bratislava \u00e0 Bucarest ont \u00e9t\u00e9, \u00e0 juste titre, enthousiasm\u00e9es par leur int\u00e9gration \u00e0 l’Union dans les ann\u00e9es 2000. L’adh\u00e9sion \u00e0 l’Union n’a pas seulement r\u00e9pandu les forces du march\u00e9, mais aussi des centaines de milliards d\u2019euros de fonds structurels et r\u00e9gionaux et l’acc\u00e8s \u00e0 la masse croissante des cr\u00e9dits bancaires occidentaux. La combinaison des pr\u00eats bancaires, des investissements en capital et des envois de fonds des travailleurs migrants d’Europe occidentale promettait une croissance rapide apr\u00e8s des r\u00e9sultats mixtes et m\u00e9diocres dans les ann\u00e9es 1990. Si cette voie vers la prosp\u00e9rit\u00e9 exigeait d’importants changements internes, elle n’\u00e9tait pas impos\u00e9e d’en haut ; de nombreux gouvernements des nouveaux \u00c9tats membres l’ont suivie avec enthousiasme, comme les \u00c9tats de la CEE, qui s’\u00e9taient lanc\u00e9s dans cette voie dans les ann\u00e9es 1980.<\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re \u00e9tape d’une politique europ\u00e9enne progressiste consiste \u00e0 reconna\u00eetre que le consensus n\u00e9olib\u00e9ral existe dans chaque \u00c9tat membre de l’Union et qu’il doit donc \u00eatre combattu au niveau national.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La transformation n\u00e9olib\u00e9rale de l’Europe a atteint son apog\u00e9e avec le Trait\u00e9 de Lisbonne en 2009, dont la pr\u00e9face d\u00e9finissait l’Union europ\u00e9enne comme une \u00ab \u00e9conomie sociale de march\u00e9 \u00bb \u2013 le slogan ordolib\u00e9ral original d\u00e9velopp\u00e9 dans la RFA des ann\u00e9es 1940, dans lequel le r\u00f4le \u00e9conomique de l’Etat \u00e9tait celui d’un arbitre et non d’acteur. La mesure de cette victoire de la conformit\u00e9 au march\u00e9 a \u00e9t\u00e9 le nombre de gouvernements sociaux-d\u00e9mocrates qui ont mis en \u0153uvre ces r\u00e9formes \u2013 le SPD de Gerhard Schr\u00f6der en Allemagne, le PS de Lionel Jospin en France, les coalitions de L’Ulivo<\/em> de Romano Prodi en Italie, le New Labour de Blair et Brown en Grande-Bretagne \u2013 et l’avidit\u00e9 avec laquelle ils l’ont fait. Les multiples voies politiques qui m\u00e8nent au Trait\u00e9 de Lisbonne, un processus de convergence autoguid\u00e9e qui s’\u00e9tend sur plusieurs d\u00e9cennies, sont tr\u00e8s diff\u00e9rentes de la seule \u00ab route du Mont P\u00e8lerin \u00bb con\u00e7ue comme la diffusion centralis\u00e9e du fondamentalisme de march\u00e9. La premi\u00e8re \u00e9tape d’une politique europ\u00e9enne progressiste consiste \u00e0 reconna\u00eetre que ce consensus n\u00e9olib\u00e9ral existe dans chaque \u00c9tat membre de l’Union et qu’il doit donc \u00eatre combattu au niveau national.<\/p>\n\n\n\n

En m\u00eame temps, il est ind\u00e9niable que les dispositions du PSC et de son successeur sous hormones de 2011, le Pacte fiscal, r\u00e8gnent toujours en ma\u00eetres en Europe. D’o\u00f9 vient l\u2019impulsion \u00e9conomique conservatrice dans la position \u00e9conomique de l’Union ? Une grande partie provient du Conseil de l’Union europ\u00e9enne. Cet organe intergouvernemental est, comme l’a d\u00e9crit Perry Anderson en 1996, \u00ab une quasi-l\u00e9gislature de sessions minist\u00e9rielles, \u00e0 l’abri de tout contr\u00f4le national, fonctionnant comme une sorte de chambre haute \u00bb et il est aussi puissant et conservateur que le S\u00e9nat am\u00e9ricain. Ce que m\u00eame Anderson ne pouvait pr\u00e9voir, c’est que la gestion de l’euro cr\u00e9erait une citadelle int\u00e9rieure au sein de ce S\u00e9nat. Cr\u00e9\u00e9 en 1998, l’Eurogroupe r\u00e9unit les dix-neuf ministres des Finances des pays de la zone euro. Il ne s’agit pas d’une institution europ\u00e9enne officielle, et son existence juridique repose sur un seul article du Trait\u00e9 de Lisbonne, qui stipule qu’il doit se r\u00e9unir \u00ab de mani\u00e8re informelle. \u00bb Gr\u00e2ce \u00e0 son immense pouvoir incontr\u00f4l\u00e9, l’Eurogroupe repr\u00e9sente le principal obstacle \u00e0 la lutte de la gauche europ\u00e9enne contre l’aust\u00e9rit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Ce n’est pas une bureaucratie supranationale, mais un accord intergouvernemental sur l’aust\u00e9rit\u00e9 et contre une restructuration plus g\u00e9n\u00e9reuse de la dette qui a forc\u00e9 Syriza \u00e0 se conformer.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La force disciplinaire de l’Eurogroupe s’est pleinement manifest\u00e9e lors de son affrontement avec le gouvernement grec de gauche de Syriza en 2015. Ce qui a finalement bris\u00e9 la r\u00e9sistance grecque \u00e0 l’aust\u00e9rit\u00e9, c’est le pouvoir r\u00e9uni de dix-huit ministres des finances d\u00e9mocratiquement \u00e9lus, y compris venant d’autres pays profond\u00e9ment touch\u00e9s par la crise, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Chypre, qui ont attaqu\u00e9 le dix-neuvi\u00e8me. Leurs ministres des Finances \u00e9taient issus de coalitions de centre-droit en faveur du march\u00e9 et avaient soumis leurs propres pays \u00e0 des coupes budg\u00e9taires draconiennes au cours des ann\u00e9es pr\u00e9c\u00e9dentes. Ils \u00e9taient donc d\u00e9termin\u00e9s \u00e0 ne pas laisser Ath\u00e8nes se tirer d’affaire. Ce n’est pas une bureaucratie supranationale, mais un accord intergouvernemental sur l’aust\u00e9rit\u00e9 et contre une restructuration plus g\u00e9n\u00e9reuse de la dette qui a forc\u00e9 Syriza \u00e0 se conformer. Le r\u00e9sultat, dans les pays d’origine de ces ministres ainsi qu’en Gr\u00e8ce, a \u00e9t\u00e9 un gigantesque bain de sang social et \u00e9conomique.<\/p>\n\n\n\n

L’Eurogroupe n’est pas soumis \u00e0 un contr\u00f4le d\u00e9mocratique externe. Mais ses membres sont des ministres issus de gouvernements nationaux d\u00e9mocratiquement \u00e9lus. La prise de d\u00e9cision sur les budgets europ\u00e9ens n’est donc pas tant d\u00e9ficiente d\u00e9mocratiquement que d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9e sur le plan d\u00e9mocratique : elle permet \u00e0 des coalitions de gouvernements nationaux d’imposer des budgets conservateurs au reste de la zone mon\u00e9taire (et \u00e0 l’Union dans son ensemble en raison des retomb\u00e9es \u00e9conomiques). En th\u00e9orie, un Parlement europ\u00e9en dot\u00e9 de ses propres partis politiques pourrait constituer une puissante force contre le consensus disciplinaire de l’Eurogroupe. Cependant, le Parlement europ\u00e9en actuel est domin\u00e9 par des constellations de partenaires contradictoires et peu maniables. Les h\u00e9ritages de la d\u00e9mocratie chr\u00e9tienne et du centrisme d’apr\u00e8s-guerre pr\u00e9dominent, si bien que jusqu’en mars 2019, Angela Merkel et Viktor Orb\u00e1n partageaient le m\u00eame parti, tandis que les progressistes \u00e9taient dispers\u00e9s dans les blocs de partis de gauche \u2013 verts de gauche, sociaux-d\u00e9mocrates, verts et lib\u00e9raux. Une assembl\u00e9e aussi fragment\u00e9e ne peut r\u00e9sister \u00e0 l’\u00e9norme pouvoir des organes intergouvernementaux de l’Union, qui restent domin\u00e9s par les chefs de gouvernement nationaux, qui d\u00e9cident en dernier recours du sort des politiques europ\u00e9ennes.<\/p>\n\n\n\n

Emmanuel Macron a tent\u00e9 d’obtenir le soutien de Merkel pour \u00e9tendre les institutions de la zone euro, proposant un budget autonome pour la zone euro et m\u00eame un parlement. Pourtant, ces efforts de r\u00e9forme sont actuellement bloqu\u00e9s non pas par un seul pays h\u00e9g\u00e9monique ou une bureaucratie hors de contr\u00f4le, mais par un groupe de petits pays, les Pays-Bas, le Danemark, la Su\u00e8de, la Finlande, les trois \u00c9tats baltes et l’Irlande, qui se nomment officiellement la Nouvelle Ligue hans\u00e9atique. \u00c0 l’instar de la Vieille Ligue hans\u00e9atique, dans laquelle les prosp\u00e8res villes marchandes de la mer du Nord et de la Baltique se sont unies pour prot\u00e9ger leurs richesses des imp\u00f4ts du Saint Empire romain, les petites d\u00e9mocraties d’Europe du Nord ont tenu t\u00eate aux grands \u00c9tats membres \u2013 \u00e0 la diff\u00e9rence importante qu’elles ne sont menac\u00e9es par aucune force ext\u00e9rieure, \u00e0 l\u2019exception des trait\u00e9s budg\u00e9taires qu’elles ont elles-m\u00eames \u00e9crits.<\/p>\n\n\n\n

L’histoire de la fa\u00e7on dont l’Europe est venue remplacer les politiques de soutien par des politiques de discipline \u00e0 l’\u00e9chelle continentale explique la profondeur de la crise actuelle. Mais cela n’explique pas pourquoi un large renouveau de la gauche ou m\u00eame du centre-gauche ne s’est pas mat\u00e9rialis\u00e9. Au lieu de cela, les gouvernements europ\u00e9ens ont redoubl\u00e9 d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 et de nationalisme.<\/p>\n\n\n\n

Partout sur le continent, le soutien traditionnel de la classe ouvri\u00e8re aux partis de centre-gauche s’est pratiquement \u00e9vapor\u00e9 au cours des trois derni\u00e8res d\u00e9cennies \u2013 un ph\u00e9nom\u00e8ne connu sous le nom de \u00ab Pasokisation \u00bb, d\u2019apr\u00e8s le sort du parti social-d\u00e9mocrate grec PASOK, dont le r\u00f4le dans l’exacerbation du boom financier grec a \u00e9rod\u00e9 sa base politique apr\u00e8s 2009. En Grande-Bretagne, le Labour a \u00e9t\u00e9 d\u00e9fait s\u00e8chement lors des \u00e9lections de 2010 et 2015 avant sa r\u00e9orientation sous la direction de Jeremy Corbyn. Mais c’est en 2017 que les \u00e9lecteurs ont vraiment puni les partis sociaux-d\u00e9mocrates pasokis\u00e9s de l’ancien noyau dur de l’Europe. Lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives n\u00e9erlandaises de mars, le parti travailliste (qui abrite Jeroen Dijsselbloem, pr\u00e9sident de l’Eurogroupe qui \u00e9crasa Syriza) a subi une d\u00e9faite sans pr\u00e9c\u00e9dent en 70 ans d’histoire. La victoire au centre de Macron aux \u00e9lections pr\u00e9sidentielles fran\u00e7aises en mai a cannibalis\u00e9 les votes et le personnel du Parti socialiste, moribond. En septembre, personne n’a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s surpris lorsque le SPD allemand a enregistr\u00e9 ses pires r\u00e9sultats \u00e9lectoraux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.<\/p>\n\n\n\n

Tandis que la gauche parlementaire se d\u00e9sint\u00e8gre, la combinaison de la crise \u00e9conomique et de l’anxi\u00e9t\u00e9 de la droite face \u00e0 la vague de migration de 2015 a produit une reconfiguration nationaliste du n\u00e9olib\u00e9ralisme, ce que le g\u00e9ographe \u00e9conomique Reijer Hendrikse a justement appel\u00e9 le \u00ab n\u00e9o-illib\u00e9ralisme. \u00bb Bien qu’ils aient des points de vue diff\u00e9rents sur les institutions europ\u00e9ennes et internationales et sur les migrations, tous les partis europ\u00e9ens de centre-droit sont devenus plus nationalistes. L’exemple le plus flagrant et le plus connu de cette tendance est Viktor Orb\u00e1n et son parti Fidesz. Depuis ses origines en tant que formation lib\u00e9rale dans les ann\u00e9es 1990, Orb\u00e1n et le Fidesz se sont transform\u00e9s en un parti nationaliste chauvin qui permet \u00e0 ses alli\u00e9s de s’enrichir de mani\u00e8re oligarchique tout en r\u00e9\u00e9crivant la constitution hongroise pour renier le r\u00f4le du pays dans l’Holocauste et en pla\u00e7ant les r\u00e9fugi\u00e9s du Moyen Orient dans des camps de concentration.<\/p>\n\n\n\n

Un processus plus large de \u00ab Fideszisation \u00bb a affect\u00e9 les d\u00e9mocraties \u00e0 travers le continent. Les gouvernements lib\u00e9raux et conservateurs de centre-droite qui d\u00e9pendent de l’extr\u00eame droite dans leur coalition ont \u00e9t\u00e9 les plus vuln\u00e9rables. Le Danemark et l’Autriche se trouvent dans cette situation. En 2016, le gouvernement danois a \u00e9t\u00e9 le pionnier d’une loi qui prive les demandeurs d’asile de leurs biens de valeur, y compris leurs bijoux ; cette politique a rapidement \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9e par le chancelier autrichien de 32 ans, Sebastian Kurz, un crois\u00e9 de la fermeture des fronti\u00e8res qui r\u00e8gne avec le FP\u00d6, n\u00e9o-fasciste. Pendant ce temps, \u00e0 Rome, la Lega de Matteo Salvini est pass\u00e9e d’un petit parti s\u00e9paratiste pro-entreprise \u00e0 une puissante formation nationaliste italienne de plus en plus populaire pour son traitement brutal des r\u00e9fugi\u00e9s et son conflit ouvert avec Bruxelles.<\/p>\n\n\n\n

M\u00eame dans les partis plus ostensiblement respectables, la tendance est similaire. Le premier ministre n\u00e9erlandais Mark Rutte s’est positionn\u00e9 comme un n\u00e9gociateur \u00e9clair\u00e9 sur la question de l’immigration. Mais sa r\u00e9cente d\u00e9nonciation des \u00ab \u00e9lites des grandes villes qui d\u00e9gustent du vin blanc \u00bb sugg\u00e8re qu’il joue lui aussi le jeu d’Orb\u00e1n et de Kurz. Rutte a ouvertement tent\u00e9 d’imposer des quotas d’immigration aux pays d’Europe de l’Est. Mais une telle coordination europ\u00e9enne n’est internationaliste qu’en apparence ; les quotas permettent \u00e0 Rutte d’apaiser l’extr\u00eame droite n\u00e9erlandaise en pleine croissance en acceptant moins de migrants aux Pays-Bas. En 2017, il a fait campagne, en reprenant le langue nixonienne, au nom d’une \u00ab majorit\u00e9 silencieuse \u00bb qui veut que les \u00e9trangers \u00ab agissent normalement ou partent. \u00bb Pendant ce temps, le gouvernement n\u00e9erlandais a emp\u00each\u00e9 les tentatives de la Commission europ\u00e9enne de remettre en cause le r\u00f4le de paradis fiscal des Pays-Bas pour des entreprises multinationales. Pourtant, l’effet global a \u00e9t\u00e9 de c\u00e9der le contr\u00f4le discursif de la politique n\u00e9erlandaise \u00e0 l’extr\u00eame droite, dont la nouvelle incarnation, le Forum pour la d\u00e9mocratie (FvD), est devenu le plus grand parti national aux derni\u00e8res \u00e9lections provinciales. En Allemagne, l’\u00e9mergence de l’ultra-nationaliste Alternative pour l’Allemagne (AfD) en tant que troisi\u00e8me parti au Bundestag a mis fin \u00e0 l’h\u00e9g\u00e9monie politique de la CDU de Merkel, l’obligeant \u00e0 se d\u00e9placer vers la droite en mati\u00e8re d’immigration et limitant sa marge de man\u0153uvre dans les futures initiatives europ\u00e9ennes.<\/p>\n\n\n\n

Le tournant nationaliste du centre-droit europ\u00e9en combine une ouverture accrue \u00e0 la mobilit\u00e9 des capitaux et des r\u00e9formes en faveur des entreprises avec une r\u00e9pression contre les immigrants et les populations non autochtones. La Fideszisation est une strat\u00e9gie d’\u00e9quilibre. Capable de d\u00e9fendre le statu quo<\/em> quand c’est possible et pr\u00eate \u00e0 flirter avec le radicalisme d’extr\u00eame droite quand c’est n\u00e9cessaire, la droite est positionn\u00e9e pour s\u00e9duire \u00e0 la fois les \u00e9lecteurs prudents et les \u00e9lecteurs en col\u00e8re. Cela lui a donn\u00e9 une domination naturelle dans les pays o\u00f9 la gauche a \u00e9t\u00e9 divis\u00e9e entre des partis de centre-gauche Pasokis\u00e9s vaincus et une extr\u00eame gauche eurosceptique.<\/p>\n\n\n\n

La Fideszisation est une strat\u00e9gie d’\u00e9quilibre. Capable de d\u00e9fendre le statu quo<\/em> quand c’est possible et pr\u00eate \u00e0 flirter avec le radicalisme d’extr\u00eame droite quand c’est n\u00e9cessaire, la droite est positionn\u00e9e pour s\u00e9duire \u00e0 la fois les \u00e9lecteurs prudents et les \u00e9lecteurs en col\u00e8re.<\/p>Nicholas Mulder<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Une r\u00e9elle politique de gauche progressiste, \u00e0 la fois anti-n\u00e9olib\u00e9rale et pro-europ\u00e9enne, est presque absente dans ce paysage. Le gambit de Yanis Varoufakis qui visait \u00e0 combiner l’appartenance \u00e0 la zone euro avec une \u00e9conomie expansionniste et un all\u00e9gement de la dette au printemps 2015 s’est sold\u00e9 par un \u00e9chec. L’ancien ministre grec des Finances a poursuivi sa lutte contre le n\u00e9olib\u00e9ralisme au niveau paneurop\u00e9en par la cr\u00e9ation d’une nouvelle \u00ab internationale progressiste \u00bb, le Mouvement pour la d\u00e9mocratie en Europe 2025 (DiEM25). Sous la banni\u00e8re d’un New Deal vert mondial, DiEM25 a fait cause commune avec l’aile progressiste du Parti d\u00e9mocratique am\u00e9ricain sous la direction d\u2019Elizabeth Warren, Bernie Sanders, et Alexandria Ocasio-Cortez. Le programme du mouvement est intelligent, mais il est douteux qu’il puisse b\u00e9n\u00e9ficier d’un large soutien populaire dans toute l’Europe. La gauche radicale dans des pays comme la Grande-Bretagne et la France souffre du probl\u00e8me inverse : elle a une dynamique \u00e9lectorale, mais est profond\u00e9ment divis\u00e9e sur la question de savoir si elle veut faire partie ou non du projet europ\u00e9en. Dans ces conditions, les perspectives d’un europ\u00e9anisme de gauche sont incertaines.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, il y a une exception importante. Si le nom de Lisbonne \u00e9voque le triomphe du mod\u00e8le n\u00e9olib\u00e9ral en Europe, il peut aussi pr\u00e9figurer une sortie possible des griffes de ce mod\u00e8le. Depuis novembre 2015, le Portugal est le seul \u00c9tat membre de la zone euro et de l’Union \u00e0 avoir r\u00e9ussi \u00e0 combiner des politiques \u00e9conomiques et sociales de gauche avec une reprise mat\u00e9rielle tout en restant attach\u00e9 aux institutions europ\u00e9ennes. L’exp\u00e9rience progressiste portugaise men\u00e9e sous la direction de l’ancien maire de Lisbonne, le Premier ministre socialiste Ant\u00f3nio Costa, illustre une voie possible pour la gauche europ\u00e9enne : s’emparer du pouvoir lors des \u00e9lections nationales et r\u00e9duire les coupes budg\u00e9taires et les privatisations, stimulant ainsi la croissance et r\u00e9duisant la dette.<\/p>\n\n\n\n

Ce succ\u00e8s national de la gauche n’a pas \u00e9t\u00e9 \u00e9cras\u00e9 par l’Eurogroupe en raison d’un m\u00e9lange de chance et de comp\u00e9tence. Tout a commenc\u00e9 par une \u00ab gaffe \u00bb majeure du pr\u00e9sident de l’organe, le ministre n\u00e9erlandais des finances Jeroen Dijsselbloem. En mars 2017, Dijsselbloem a d\u00e9clar\u00e9 au Frankfurter Allgemeine Zeitung<\/em> que, s’il croyait en la solidarit\u00e9, les \u00e9conomies touch\u00e9es par la crise \u00ab ont aussi des obligations. On ne peut pas d\u00e9penser tout l’argent en boissons et en femmes et ensuite demander de l’aide. \u00bb Cette remarque intol\u00e9rante a illustr\u00e9 comment la discipline budg\u00e9taire de la zone euro a \u00e9t\u00e9 vendue aux \u00e9lecteurs du Nord : sur la base de st\u00e9r\u00e9otypes culturels grossiers et comme un rem\u00e8de aux habitudes d\u00e9pensi\u00e8res m\u00e9diterran\u00e9ennes. Cette remarque a suscit\u00e9 une vague d’indignation dans les pays du Sud, ce qui a rendu difficile la poursuite du mandat de Dijsselbloem. Quatre candidats, tous originaires de petits \u00c9tats membres, se sont pr\u00e9sent\u00e9s pour le remplacer, et le vainqueur s’est av\u00e9r\u00e9 \u00eatre le seul Sudiste qui s’est pr\u00e9sent\u00e9 aux \u00e9lections, le ministre portugais des Finances, M\u00e1rio Centeno. \u00c9conomiste form\u00e9 \u00e0 Harvard et ancien universitaire, M. Centeno \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 par nombre de ses coll\u00e8gues du Nord comme un fauteur de troubles potentiel lorsqu’il a pris ses fonctions \u00e0 l’automne 2015. Mais la reprise du Portugal a parl\u00e9 d’elle-m\u00eame, et, lorsqu’il est devenu pr\u00e9sident de l’Eurogroupe en janvier 2018, Centeno n’a pas seulement \u00e9t\u00e9 son premier pr\u00e9sident venant de l\u2019ext\u00e9rieur du groupe originel des 6 pays de la CEE, mais \u00e9galement le premier \u00e0 repr\u00e9senter un gouvernement socialiste anti-aust\u00e9rit\u00e9 dans l’histoire de l’euro.<\/p>\n\n\n\n

Le Portugal a b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de la patience de la Banque centrale europ\u00e9enne. En tant que seule institution europ\u00e9enne totalement ind\u00e9pendante des gouvernements nationaux, la BCE continue d’avoir le potentiel de bouleverser les priorit\u00e9s politiques des conservateurs mon\u00e9taires et budg\u00e9taires. Depuis 2012, le pr\u00e9sident de la BCE, Mario Draghi, a utilis\u00e9 son autonomie pour mener des politiques d’assouplissement mon\u00e9taire, mettant en col\u00e8re les gouvernements conservateurs, de La Haye \u00e0 Helsinki, en passant par Berlin. Comme l’ont \u00e9crit Danilo Scholz et Adam Tooze dans le p\u00e9riodique allemand Merkur<\/em>, une banque centrale engag\u00e9e dans l’expansion \u00e9conomique pourrait fournir aux progressistes du continent la marge de man\u0153uvre politique dont ils ont tant besoin. Leur proposition s’inspire des r\u00e9sultats de la mise en place d’institutions technocratiques dans les ann\u00e9es 1990. Une strat\u00e9gie politique encore plus imm\u00e9diatement utile pourrait \u00eatre ce que la coalition de gauche portugaise a fait : utiliser les victoires \u00e9lectorales nationales pour entrer dans les institutions europ\u00e9ennes, en suivant les traces des premiers r\u00e9volutionnaires n\u00e9olib\u00e9raux des ann\u00e9es 1980. \u00c0 partir de l\u00e0, la gauche sera mieux \u00e0 m\u00eame de construire des coalitions de partis transcontinentaux pour ouvrir et ren\u00e9gocier les trait\u00e9s budg\u00e9taires de l’Union.<\/p>\n\n\n\n

Il y a de la place pour une coop\u00e9ration entre nationalistes de gauche et internationalistes progressistes. Les objectifs europ\u00e9istes peuvent \u00eatre atteints par des moyens nationaux. Pourtant, l’inauguration d’une nouvelle \u00e9tape progressiste dans le projet europ\u00e9en ne r\u00e9ussira que si les partis de gauche reconnaissent l’Europe comme le champ du pouvoir \u00e0 contester. Les partis nationaux de gauche devraient se concentrer sur les in\u00e9galit\u00e9s \u00e9conomiques au lieu de suivre la droite dans les inqui\u00e9tudes concernant l’immigration. Les internationalistes progressistes peuvent les aider en reliant les efforts \u00e9galitaires nationaux aux institutions europ\u00e9ennes et en renfor\u00e7ant les pouvoirs r\u00e9glementaires dont dispose Bruxelles en mati\u00e8re de droit antitrust, de droits de l’homme, de protection de l’environnement et des donn\u00e9es, de d\u00e9veloppement r\u00e9gional et de surveillance bancaire. Ceux qui sont sceptiques \u00e0 l’\u00e9gard d’une telle coop\u00e9ration devraient se pencher sur la mani\u00e8re dont le processus d’int\u00e9gration europ\u00e9enne apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale a renforc\u00e9 plut\u00f4t que sap\u00e9 l’appartenance nationale. Ce n’est que par ces moyens que l’Union europ\u00e9enne peut offrir quelque chose de prometteur \u00e0 une r\u00e9gion qui, autrement, risque de devenir un mar\u00e9cage de l’histoire mondiale au XXIe si\u00e8cle : un petit peu de d\u00e9mocratie sociale dans un seul continent.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

En s’enfermant dans un repli nationaliste qui donne tous les torts \u00e0 l’Union, la gauche se trompe de combat  : ni la technocratie bruxelloise, ni l’h\u00e9g\u00e9monie qu’on pr\u00eate \u00e0 l’Allemagne sur le continent ne sont responsables du primat de la doctrine n\u00e9olib\u00e9rale. Celle-ci trouve ses origines ailleurs  : dans un syst\u00e8me de gouvernance intergouvernemental. <\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":39734,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-editorials.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1727],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-39722","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-economie","staff-nicholas-mulder","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nAux origines du n\u00e9olib\u00e9ralisme | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/06\/05\/aux-origines-du-neoliberalisme\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Aux origines du n\u00e9olib\u00e9ralisme | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"En s'enfermant dans un repli nationaliste qui donne tous les torts \u00e0 l'Union, la gauche se trompe de combat : ni la technocratie bruxelloise, ni l'h\u00e9g\u00e9monie qu'on pr\u00eate \u00e0 l'Allemagne sur le continent ne sont responsables du primat de la doctrine n\u00e9olib\u00e9rale. 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