{"id":310469,"date":"2025-12-28T20:27:53","date_gmt":"2025-12-28T19:27:53","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=310469"},"modified":"2025-12-28T20:30:20","modified_gmt":"2025-12-28T19:30:20","slug":"je-recherche-des-idees-qui-sincarnent-un-entretien-fleuve-avec-benjamin-labatut","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/12\/28\/je-recherche-des-idees-qui-sincarnent-un-entretien-fleuve-avec-benjamin-labatut\/","title":{"rendered":"\u00ab Je recherche des id\u00e9es qui s’incarnent \u00bb, un entretien fleuve avec Benjamin Labatut"},"content":{"rendered":"\n
Pour la fin de l’ann\u00e9e, nous vous r\u00e9servons une surprise sur le site de la revue : un in\u00e9dit de Benjamin Labatut. Pour le recevoir en avant-premi\u00e8re, <\/em>abonnez-vous<\/em><\/a><\/p>\n\n\n\n Oui, tout \u00e0 fait, je viens du Chili, mais j’ai grandi aux Pays-Bas, je suis n\u00e9 \u00e0 Rotterdam.<\/p>\n\n\n\n Et quand je suis revenu au Chili, j’\u00e9tais trop diff\u00e9rent pour qu’on me consid\u00e8re tout \u00e0 fait comme un Chilien.<\/p>\n\n\n\n D’ailleurs, j’\u00e9cris mes livres en anglais, ce qui est plut\u00f4t bizarre aussi. J’aime le fait que les gens ignorent qui je suis. C’est un avantage.<\/p>\n\n\n\n J’appr\u00e9cie particuli\u00e8rement les \u00e9crivains qui sont un peu des \u00ab aliens<\/em> \u00bb, comme William Burroughs ou Roberto Bola\u00f1o.<\/p>\n\n\n\n Je ne sais pas s’il est possible de le qualifier de Chilien, m\u00eame s’il est incroyablement chileno<\/em>. Il a pass\u00e9 la moiti\u00e9 de sa vie au Mexique, o\u00f9 il a \u00e9crit la plupart de ses livres, et en Espagne.<\/p>\n\n\n\n Et sans me comparer \u00e0 l’une de mes idoles, la seule chose que j’ai en commun avec lui, c’est que les Espagnols ne le consid\u00e9raient pas comme un des leurs, les Mexicains ne l’avaient jamais vraiment adopt\u00e9 et les Chiliens allaient jusqu\u2019\u00e0 le ha\u00efr.<\/p>\n\n\n\n Je suis dans une situation similaire.<\/p>\n\n\n\n Je ne suis pas particuli\u00e8rement curieux \u00e0 propos de ma famille, mais j’ai quelques histoires \u00e0 raconter.<\/p>\n\n\n\n Il y a notamment la l\u00e9gende de cet a\u00efeul, ami de Rimbaud, qui vendait des armes en Afrique et l’a laiss\u00e9 sans le sou sur le continent.<\/p>\n\n\n\n Il y a aussi cet autre anc\u00eatre qui a tu\u00e9 beaucoup de gens au Br\u00e9sil et qui figure maintenant dans une l\u00e9gende locale : \u00ab Labatut \u00bb est devenu le nom d’un monstre dans la culture br\u00e9silienne.<\/p>\n\n\n\n Mon arri\u00e8re-arri\u00e8re-grand-p\u00e8re, \u00e9tait un Fran\u00e7ais un peu fou qui est parti au Chili, o\u00f9 il a \u00e9pous\u00e9 une femme issue de notre aristocratie, qui est d’ailleurs plut\u00f4t pauvre.<\/p>\n\n\n\n Il a pris l’argent de sa femme, l’a investi en bourse, l’a perdu, a perdu la raison et a fini ses jours dans un asile.<\/p>\n\n\n\n Quant \u00e0 ma grand-m\u00e8re, c’\u00e9tait une sorte de sorci\u00e8re, une femme qui vivait de son corps \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 cela n’avait rien de banal. Elle a fini par se suicider. <\/p>\n\n\n\n Tout cela constitue mon arri\u00e8re-pays.<\/p>\n\n\n\n Je vis au Chili parce que c’est si ennuyeux.<\/p>\n\n\n\n Santiago est un endroit merveilleux pour r\u00e9fl\u00e9chir, car rien n’y arrive jamais.<\/p>\n\n\n\n En Europe, il est impossible d’avoir la moindre id\u00e9e, tout est trop riche et beau \u2014 tout est noy\u00e9 dans la culture.<\/p>\n\n\n\n Certes, le Chili est un petit pays tr\u00e8s conservateur, mais c’est aussi un lieu d’exp\u00e9riences d’avant-garde. Nous avons d\u00e9mocratiquement \u00e9lu le premier pr\u00e9sident socialiste de la plan\u00e8te. Nous avons \u00e9galement connu la dictature la plus \u00e9trange au monde : des gens stupides et cruels qui, un jour, ont tout abandonn\u00e9 de mani\u00e8re tr\u00e8s surprenante. Cela n’arrive jamais ailleurs.<\/p>\n\n\n\n Entre 2018 et 2020, des r\u00e9voltes ont \u00e9clat\u00e9 un peu partout. Au Chili, notre contrat social s’est effondr\u00e9 en quelques jours, laissant place \u00e0 une v\u00e9ritable explosion. Le pr\u00e9sident n’avait plus aucun contr\u00f4le sur le pays et les militaires refusaient d’intervenir. Nos rues ressemblaient \u00e0 celles du film Joker<\/em>. On pouvait faire du v\u00e9lo du centre-ville jusqu’\u00e0 la Moneda, le si\u00e8ge du gouvernement, sans que les policiers ne puissent circuler dans la rue. \u00c0 un moment donn\u00e9, la police n’arrivait m\u00eame plus \u00e0 se d\u00e9placer en m\u00e9tro. C’\u00e9tait une exp\u00e9rience \u00e9trange. <\/p>\n\n\n\n J’adore Lovecraft pour ses id\u00e9es de mythologies \u00e9tranges qui \u00e9mergent \u00e0 l’\u00e8re moderne. Les gens ne lisent pas suffisamment Lovecraft pour comprendre comment il utilise le langage scientifique pour cr\u00e9er de nouveaux monstres dans un monde moderne. Et Philip K. Dick est le proph\u00e8te du XXIe si\u00e8cle. Il faut \u00eatre fou \u00e0 lier pour \u00eatre capable de voir la forme du monde qu’il d\u00e9crit. <\/p>\n\n\n\n Mes livres traitent plut\u00f4t de la singularit\u00e9, je retiens des math\u00e9matiques tout concept qui permet de tendre vers l’infini. Je m\u2019int\u00e9resse aux id\u00e9es qui sont incompr\u00e9hensibles dans le cadre de nos mod\u00e8les actuels. Aux mondes profond\u00e9ment obscurs. Je recherche des id\u00e9es que nous ne comprenons pas aujourd’hui et que nous ne sommes m\u00eame pas s\u00fbrs de comprendre un jour. <\/p>\n\n\n\n Aujourd’hui, c’est l’utilisation de la langue par Lovecraft qui m’attire, ce qui n’\u00e9tait pas le cas auparavant. C’est un styliste qui utilise la langue de mani\u00e8re d\u00e9su\u00e8te, \u00e0 l’instar de Sebald ou de Conrad. Je ne pense pas pouvoir \u00e9crire comme lui, mais je m’inspire de gens qui parviennent \u00e0 \u00e9crire comme Borges. Chez certains \u00e9crivains, la langue prend des formes nouvelles et inhabituelles. <\/p>\n\n\n\n Je suis fascin\u00e9 par les personnes qui donnent l’impression d’\u00eatre ordinaires et qui se transforment compl\u00e8tement lorsqu’elles se mettent \u00e0 \u00e9crire. L’\u00e9criture demande une m\u00e9tamorphose. Pour moi, un \u00e9crivain est quelqu’un comme Pascal Quignard<\/a>, qui semble vivre dans un temps diff\u00e9rent, ou comme Bruno Schulz, qui para\u00eet si \u00e9loign\u00e9 de la normalit\u00e9 qu’il pourrait venir d’une autre plan\u00e8te. C’est ce que je cherche et aspire \u00e0 faire.<\/p>\n\n\n\n La folie est l’un des terrains les plus fertiles pour la litt\u00e9rature. La litt\u00e9rature est l’une des seules cr\u00e9ations humaines o\u00f9 la folie joue un r\u00f4le essentiel. Pour moi, le d\u00e9lire est le c\u0153ur de la litt\u00e9rature, cette sorte de possession \u00e9trange. <\/p>\n\n\n\n Roberto Calasso<\/a> \u2014 l\u2019un des \u00e9crivains que j\u2019aime le plus \u2014 affirmait que la possession est la forme la plus \u00e9lev\u00e9e d\u2019intelligence. C\u2019est une id\u00e9e que je trouve fascinante. J\u2019ai le sentiment que tous les \u00e9crivains, et plus largement les artistes, aspirent \u00e0 \u00eatre travers\u00e9s par quelque chose qui ne rel\u00e8ve pas enti\u00e8rement d\u2019eux-m\u00eames. Il y a l\u00e0 un d\u00e9sir de d\u00e9possession, de disponibilit\u00e9 \u00e0 une force autre. Pour moi, entrer en relation avec cet ailleurs est au c\u0153ur m\u00eame de l\u2019acte d\u2019\u00e9crire. Lovecraft et Dick \u00e9taient connect\u00e9s \u00e0 quelque chose d\u2019immense, une pr\u00e9sence qui pouvait, ou non, habiter celui qui la laissait entrer.<\/p>\n\n\n\n L\u2019immuable doit demeurer au centre de l\u2019art \u2014 et c\u2019est d\u00e9j\u00e0, en soi, une position politique. Je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 certains aspects de la politique, mais cela reste pour moi un jeu assez ennuyeux, o\u00f9 chacun sait d\u2019avance ce qu\u2019il pense et o\u00f9 personne ne remet r\u00e9ellement en doute ses propres certitudes.<\/p>\n\n\n\n J\u2019\u00e9cris sur ce qui m\u2019int\u00e9resse, sans pour autant confondre int\u00e9r\u00eat et importance. Je crois que le pouvoir et la litt\u00e9rature ne font pas bon m\u00e9nage. \u00c9crire suppose de garder \u00e0 l\u2019esprit ce que, faute de meilleur terme, j\u2019appellerais \u00ab l\u2019\u00e9ternit\u00e9 \u00bb. Les jeux de pouvoir cherchent \u00e0 orienter le cours de la r\u00e9alit\u00e9, mais certaines choses demeurent inchang\u00e9es avec le temps, m\u00eame dans un monde de plus en plus immat\u00e9riel depuis deux d\u00e9cennies. <\/p>\n\n\n\n Nos r\u00eaves et nos cauchemars n’ont ni empir\u00e9 ni am\u00e9lior\u00e9 depuis vingt ans \u2014 ce sont les m\u00eames que ceux dont les \u00eatres humains font l’exp\u00e9rience chaque nuit. Il en va de m\u00eame pour le sexe : les Romains avaient sans doute une exp\u00e9rience assez proche de la n\u00f4tre.<\/p>\n\n\n\n Pour moi, c\u2019est cette \u00e9ternit\u00e9 concr\u00e8te qui doit \u00eatre au c\u0153ur de l\u2019art. C’est la raison pour laquelle il faut les aborder en partant de la mati\u00e8re m\u00eame de sa propre vie. Pour ma part, j’ai puis\u00e9 dans les sciences. <\/p>\n\n\n\n Les livres que vous connaissez, et qui ont \u00e9t\u00e9 traduits, sont n\u00e9s d\u2019une exp\u00e9rience que j\u2019ai v\u00e9cue autour de mes trente ans \u2014 une exp\u00e9rience qui demeure pour moi largement incompr\u00e9hensible, m\u00eame si je n\u2019ai cess\u00e9 de la sonder par la suite. Ce fut un moment o\u00f9 un certain aspect de la r\u00e9alit\u00e9 m\u2019a mis en contact avec le vide. Il y a des vides dans chacun de mes livres : je les cherche, et j\u2019\u00e9cris autour d\u2019eux.<\/p>\n\n\n\n Je m\u2019efforce toujours de parler de ce que les mots ne peuvent pas dire, de singularit\u00e9s, de trous noirs \u2014 ce sont pr\u00e9cis\u00e9ment ces trous noirs qui m\u2019attirent. Ces id\u00e9es sont vivantes parce qu\u2019elles semblent aller au-del\u00e0 de nous. D\u00e8s lors qu\u2019une chose devient enti\u00e8rement compr\u00e9hensible \u2014 la politique, par exemple, me para\u00eet l\u2019\u00eatre \u2014 elle cesse de m\u2019int\u00e9resser. Ce sont les zones de myst\u00e8re qui, \u00e0 mes yeux, nous maintiennent en vie, rendent l\u2019existence digne d\u2019\u00eatre v\u00e9cue et continuent de nous porter.<\/p>\n\n\n\n Paul Ehrenfest est quelqu\u2019un qui m\u2019est tr\u00e8s cher. <\/p>\n\n\n\n C\u2019\u00e9tait un physicien qui n\u2019a jamais fait de d\u00e9couverte destin\u00e9e \u00e0 bouleverser l\u2019univers, et pourtant il \u00e9tait profond\u00e9ment aim\u00e9 par la communaut\u00e9 scientifique. \u00c0 bien des \u00e9gards, il ressemblait \u00e0 Socrate : il voulait comprendre, il devait comprendre. Pour certaines personnes, la compr\u00e9hension n\u2019est pas un choix mais une n\u00e9cessit\u00e9 vitale. Elles portent en elles un d\u00e9sir irr\u00e9pressible de saisir ce que la science dit du monde, sans jamais se contenter d\u2019enregistrer passivement les d\u00e9couvertes. <\/p>\n\n\n\n Ehrenfest savait que, au XXe si\u00e8cle, les soci\u00e9t\u00e9s occidentales avaient travers\u00e9 un moment d\u2019extr\u00eame lumi\u00e8re. Il devenait impossible de regarder le monde sans se confronter aux \u00e9quations. Nous avons d\u00e9couvert que la r\u00e9alit\u00e9 pouvait d\u00e9fier le bon sens, sans pour autant parvenir \u00e0 la comprendre pleinement.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est un peu comme si l\u2019humanit\u00e9 avait surpris quelque chose qu\u2019elle n\u2019aurait jamais d\u00fb voir : une r\u00e9v\u00e9lation troublante, presque monstrueuse, qu\u2019elle a ensuite tent\u00e9 d\u2019oublier faute de pouvoir l\u2019assimiler. Ehrenfest, lui, a voulu prendre cette d\u00e9couverte au s\u00e9rieux. Le probl\u00e8me, c\u2019est que ce qu\u2019elle r\u00e9v\u00e9lait ne relevait pas seulement de la physique, mais touchait \u00e0 quelque chose de profond\u00e9ment humain.<\/p>\n\n\n\n Lorsque le nazisme s\u2019est impos\u00e9 en Allemagne, Ehrenfest a \u00e9t\u00e9 confront\u00e9 \u00e0 une vision de l\u2019humanit\u00e9 qu\u2019il a jug\u00e9e radicalement inhumaine. Cette exp\u00e9rience l\u2019a plong\u00e9 dans un d\u00e9sespoir absolu, auquel il n\u2019a pas surv\u00e9cu.<\/p>\n\n\n\n La folie et certaines d\u00e9cisions extr\u00eames peuvent appara\u00eetre, dans des circonstances particuli\u00e8res, non pas comme une fuite hors de la r\u00e9alit\u00e9, mais comme une r\u00e9ponse tragiquement coh\u00e9rente \u00e0 ce qu\u2019elle r\u00e9v\u00e8le.<\/p>\n\n\n\n Ehrenfest a ouvert la voie \u00e0 une forme d\u2019intelligence qui s\u2019est ensuite incarn\u00e9e chez John von Neumann. <\/p>\n\n\n\n Contrairement \u00e0 ce que l\u2019on a dit ou pens\u00e9 ce n\u2019est pas la bombe atomique qui constitue son h\u00e9ritage le plus d\u00e9cisif, mais le premier ordinateur \u2014 l\u2019appareil que tous les autres ont ensuite imit\u00e9. Von Neumann est, \u00e0 mes yeux, l\u2019\u00eatre humain le plus intelligent du XXe si\u00e8cle. Il a offert \u00e0 l\u2019humanit\u00e9 une part de son esprit \u00e0 travers l\u2019ordinateur. C\u2019\u00e9tait une sorte de Bouddha logique, scientifiquement \u00e9clair\u00e9. Quelle que soit la discipline scientifique que l\u2019on \u00e9tudie aujourd\u2019hui, on finit toujours par croiser le chemin de ses \u00e9quations. Il est aussi le fondateur de la th\u00e9orie des jeux. Nous vivons dans un monde structur\u00e9 par ses d\u00e9couvertes. <\/p>\n\n\n\n C\u2019\u00e9tait aussi un homme difficile \u00e0 saisir : profond\u00e9ment contradictoire, parfois infantile, et en m\u00eame temps d\u2019une puissance intellectuelle hors norme. Dandy, multimillionnaire, il menait une existence qui d\u00e9passe l\u2019imagination.<\/p>\n\n\n\nIl m’est arriv\u00e9 une chose \u00e9trange <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span> : j’ai d\u00e9couvert votre dernier ouvrage, Maniac, publi\u00e9 chez Grasset, par pur hasard. Vous vous \u00eates donn\u00e9 pour d\u00e9fi de raconter les pr\u00e9mices de l’intelligence artificielle. Un petit nombre de personnes en France ont \u00e9t\u00e9 extr\u00eamement \u00e9tonn\u00e9es par ce livre et se sont demand\u00e9 qui \u00e9tait Benjamin Labatut. C’est une dr\u00f4le de chose, car votre nom sonne tr\u00e8s fran\u00e7ais, alors que j’ai cru comprendre que vous \u00e9tiez Chilien.<\/h3>\n\n\n\n
Roberto Bola\u00f1o \u00e9tait chilien\u2026<\/h3>\n\n\n\n
Dans quel type de famille \u00eates-vous n\u00e9 ? Qu’est-ce qui vous a men\u00e9 \u00e0 la litt\u00e9rature ?<\/h3>\n\n\n\n
L’ennui occupe-t-il une place importante dans votre vie ? Santiago du Chili est-elle une ville ennuyeuse pour vous ?<\/h3>\n\n\n\n
Pourtant, sans \u00eatre un expert de l\u2019Am\u00e9rique latine, le Chili semble un pays qui a connu des exp\u00e9riences politiques intenses \u2014 entre Allende et Pinochet jusqu\u2019\u00e0 Jos\u00e9 Antonio Kast<\/a> aujourdh\u2019ui.<\/h3>\n\n\n\n
Vos deux livres traduits en fran\u00e7ais, Maniac et Lumi\u00e8res aveugles, traitent de science et de folie, ce qui rappelle Lovecraft ou K. Dick, avec une imbrication inextricable entre les deux, comme si la science et la folie proc\u00e9daient des m\u00eames racines. <\/h3>\n\n\n\n
Lovecraft et Philip K. Dick sont souvent per\u00e7us comme des \u00e9crivains de la folie. En tant qu\u2019\u00e9crivain, qu\u2019est-ce que leur lecture vous a apport\u00e9 ? <\/h3>\n\n\n\n
On a l\u2019impression que pour vous la folie est centrale\u2026<\/h3>\n\n\n\n
Calasso, Lovecraft, Philip K. Dick sont des \u00e9crivains profond\u00e9ment politiques, \u00e0 l\u2019image de votre travail, puisque vous abordez des sujets comme l\u2019intelligence artificielle ou les math\u00e9matiques mais qu\u2019ils ne parlent jamais de politique de mani\u00e8re explicite. <\/h3>\n\n\n\n
Il n\u2019est pas certain que Lovecraft et Philip K. Dick choisissaient r\u00e9ellement leurs sujets ; on a plut\u00f4t l\u2019impression qu\u2019ils s\u2019imposaient \u00e0 eux. Et vous ?<\/h3>\n\n\n\n
C\u2019est pour cette raison que vous avez d\u00e9cid\u00e9 de vous int\u00e9resser \u00e0 ces deux scientifiques \u2013 Paul Ehrenfest et John Von Neumann \u2013 dans Maniac<\/em> ? <\/h3>\n\n\n\n
Vous le d\u00e9crivez comme un proph\u00e8te qui aurait jou\u00e9 le r\u00f4le le plus important dans la crise des sciences. En vous lisant, ce physicien devient une sorte de personnage religieux\u2026<\/h3>\n\n\n\n
L\u2019une des figures centrales de votre livre est Von Neumann, que vous qualifiez de l\u2019humain le plus intelligent du XXe si\u00e8cle. Il a particip\u00e9 au projet Manhattan, qui a conduit \u00e0 la cr\u00e9ation de la bombe atomique am\u00e9ricaine, et au d\u00e9veloppement du premier v\u00e9ritable ordinateur moderne, surnomm\u00e9 Maniac<\/em>, ce qui donne le titre de votre roman\u2026<\/h3>\n\n\n\n