{"id":310217,"date":"2025-12-27T06:00:00","date_gmt":"2025-12-27T05:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=310217"},"modified":"2025-12-27T03:02:31","modified_gmt":"2025-12-27T02:02:31","slug":"la-lecon-de-raymond-aron-face-au-tragique-de-lhistoire","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/12\/27\/la-lecon-de-raymond-aron-face-au-tragique-de-lhistoire\/","title":{"rendered":"La le\u00e7on de Raymond Aron face au tragique de l\u2019histoire\u00a0"},"content":{"rendered":"\n

Raymond Aron (1905-1983) a vu les crises, les totalitarismes et la violence antis\u00e9mite d\u00e9chirer le continent europ\u00e9en \u2014 conduire \u00e0 la Shoah et \u00e0 l’asservissement des peuples. Face aux crises, qu\u2019il consid\u00e8re comme une dimension structurante de la modernit\u00e9, il a d\u00e9fini et incarn\u00e9 un chemin original pour le philosophe : diversification des comp\u00e9tences, ouverture au journalisme, volont\u00e9 de conseiller le politique sans engagement direct, refus des id\u00e9ologies, au nom de la n\u00e9cessit\u00e9 de la clairvoyance.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Pour revenir sur le parcours complexe d\u2019un philosophe qui a abandonn\u00e9 le pacifisme et la m\u00e9taphysique<\/a> apr\u00e8s avoir vu le nazisme \u00e9merger alors qu\u2019il \u00e9tudiait la philosophie de l\u2019histoire, nous nous sommes entretenus avec l\u2019une de ses principales sp\u00e9cialistes en France, Perrine Simon-Nahum, professeure au d\u00e9partement de philosophie de l\u2019\u00c9cole normale sup\u00e9rieure, et auteure d\u2019un r\u00e9cent <\/em>Aron critique de Sartre (Calmann-L\u00e9vy, 2025). <\/em><\/p>\n\n\n\n

Raymond Aron explique dans <\/strong>un entretien \u00e0 propos de son s\u00e9jour \u00e0 Berlin<\/strong><\/a> : \u00ab Entre 1931 et 1933, j\u2019ai renonc\u00e9 \u00e0 mes aspirations m\u00e9taphysiques, j\u2019ai renonc\u00e9 \u00e0 la m\u00e9ditation sur les sciences de la nature, convaincu que ma formation math\u00e9matique initiale \u00e9tait insuffisante, et je me suis d\u00e9cid\u00e9 \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir sur les sciences sociales ou plus exactement, sur la conscience que nous prenons de la r\u00e9alit\u00e9 historique et sur les conditions dans lesquelles nous en prenons conscience \u00bb. Par temps de crise, est-ce pr\u00e9f\u00e9rable d\u2019\u00eatre aronien ? Faut-il s\u2019\u00e9loigner de la m\u00e9taphysique pour se plonger dans une philosophie plus concr\u00e8te, plus proche de la science et du politique ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Raymond Aron n\u2019est pas le philosophe des crises, m\u00eame s\u2019il construit sa pens\u00e9e en r\u00e9ponse aux \u00e9v\u00e9nements du XX\u1d49 si\u00e8cle, si\u00e8cle des bouleversements. Son originalit\u00e9 r\u00e9side dans sa mani\u00e8re d\u2019aborder ces crises non comme des objets d\u2019\u00e9tude isol\u00e9s ou des \u00e9v\u00e9nements ponctuels, mais en tant que philosophe \u2014 une position qu\u2019il n\u2019a jamais abandonn\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Sa conception des crises peut \u00eatre envisag\u00e9e \u00e0 quatre niveaux : tout d\u2019abord, sa vision des crises se rapporte \u00e0 une pens\u00e9e de l\u2019histoire. Ce qui frappe chez Aron, c\u2019est en effet la pr\u00e9cocit\u00e9 de son rapport \u00e0 l\u2019histoire. Alors que la plupart des normaliens de sa g\u00e9n\u00e9ration ne rencontrent celle-ci qu\u2019\u00e0 l\u2019occasion de la Seconde Guerre mondiale \u2014 Sartre le rappelle dans ses Carnets de la dr\u00f4le de guerre<\/em>, Merleau-Ponty dans son article paru en 1945, \u00ab La Guerre a eu lieu \u00bb \u2014, Aron en prend conscience \u00e0 l\u2019occasion des deux s\u00e9jours qu\u2019il effectue en Allemagne, le premier \u00e0 Cologne, en 1930, le second, en 1932-1933, \u00e0 Berlin, au cours desquels il assiste \u00e0 la mont\u00e9e du nazisme. Il comprend que les d\u00e9mocraties seront appel\u00e9es \u00e0 combattre, \u00e0 l\u2019aide d\u2019armes qui ne sont pas du seul ressort de la m\u00e9taphysique, ni m\u00eame de la pens\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Comparer son approche de la crise \u00e0 celle d\u00e9velopp\u00e9e par Edmund Husserl, le fondateur de la ph\u00e9nom\u00e9nologie, dans La Crise des sciences europ\u00e9ennes et la ph\u00e9nom\u00e9nologie transcendantale<\/em> (texte plus connu sous le nom de Krisis<\/em> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>), permet notamment de comprendre comment s\u2019articule chez lui l\u2019urgence historique et la profondeur philosophique. Comme Husserl dans ses conf\u00e9rences, Aron insiste sur l\u2019importance de partir des faits observables, en l\u2019occurrence la r\u00e9alit\u00e9 politique. Mais, \u00e0 la diff\u00e9rence de celui-ci, il ne se contente pas de penser ceux-ci au niveau \u00e9pist\u00e9mologique. Il s\u2019interroge sur le processus de connaissance et ses liens avec l\u2019action, et analyse le r\u00f4le d\u2019une raison critique \u00e0 la lumi\u00e8re des dangers croissants qui menacent les d\u00e9mocraties.<\/p>\n\n\n\n

La notion de crise peut \u00e9galement s\u2019envisager \u00e0 un second niveau, dans le cadre de la lecture que le jeune Aron fait des th\u00e9ories d\u2019Auguste Comte et d\u2019Augustin Cournot. Il en retient notamment la n\u00e9cessit\u00e9 de prendre en compte, dans l\u2019analyse historique, le hasard et la pr\u00e9sence d\u2019accidents, introduisant ainsi une forme de discontinuit\u00e9. Aron fait du caract\u00e8re al\u00e9atoire des \u00e9v\u00e9nements, th\u00e9oris\u00e9 par Cournot dans ses \u00e9tudes des s\u00e9ries math\u00e9matiques, un \u00e9l\u00e9ment central de sa r\u00e9flexion sur la modernit\u00e9, montrant que, si l\u2019homme va vers le progr\u00e8s, des moments de r\u00e9gression sont envisageables.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Assis, de droite \u00e0 gauche  : Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, Louis Hermant, Paul Nizan. Debout  : 1er rang, \u00e0 droite  : Georges Canguilhem et Daniel Lagache. <\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Le troisi\u00e8me niveau auquel appr\u00e9hender sa pens\u00e9e des crises nous ram\u00e8ne aux \u00e9tudes d\u2019apr\u00e8s-guerre, sur la soci\u00e9t\u00e9 industrielle au cours desquelles Aron d\u00e9veloppe une pens\u00e9e de la modernit\u00e9. Les crises y sont pr\u00e9sentes non comme des accidents, mais bien en tant qu\u2019\u00e9l\u00e9ments constitutifs du fonctionnement des soci\u00e9t\u00e9s modernes. Elles t\u00e9moignent des tensions qui les traversent comme des d\u00e9cisions et des arbitrages pris par les individus. Elles \u00e9clairent les choix qu\u2019ils font dans un processus de connaissance imparfait et pluraliste.<\/p>\n\n\n\n

Enfin, la derni\u00e8re approche des crises d\u00e9coule de sa th\u00e9orie des relations internationales. D\u00e8s la Seconde Guerre mondiale et l\u2019entr\u00e9e en relation avec le monde anglo-saxon, \u00e0 Londres, puis l\u2019entr\u00e9e dans l\u2019\u00e8re atomique, Aron comprend que l\u2019histoire du monde se joue \u00e0 un niveau plan\u00e9taire. \u00ab Pour la premi\u00e8re fois, les soci\u00e9t\u00e9s dites sup\u00e9rieures sont en train de vivre une seule et m\u00eame histoire \u00bb, \u00e9crit-il dans \u00ab L\u2019Aube de l\u2019histoire universelle \u00bb, chapitre conclusif des Dimensions de la conscience historique<\/em> (1961). Cette nouvelle dimension est non seulement li\u00e9e \u00e0 l\u2019entr\u00e9e dans l\u2019\u00e8re de l\u2019atome \u2013 pour la premi\u00e8re fois, l\u2019humanit\u00e9 a le pouvoir de se d\u00e9truire dans son ensemble \u2013, mais \u00e9galement \u00e0 l\u2019unification du champ diplomatique. L\u2019histoire se joue d\u00e9sormais au niveau plan\u00e9taire, et il revient \u00e0 l\u2019historien, th\u00e9oricien des relations internationales, d\u2019en fournir le cadre th\u00e9orique.<\/p>\n\n\n\n

Quel r\u00f4le joue l\u2019histoire des grandes crises du XXe si\u00e8cle dans son \u0153uvre ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Un r\u00f4le essentiel. L\u2019interpr\u00e9tation des \u00e9v\u00e9nements historiques constitue \u00e0 la fois son mode d\u2019entr\u00e9e en philosophie et son mode d\u2019entr\u00e9e dans la compr\u00e9hension de l\u2019histoire. La notion de crise joue un r\u00f4le central dans cette trajectoire, car ce qu\u2019Aron propose n\u2019est pas, contrairement \u00e0 Sartre ou aux tenants du marxisme, une philosophie de l\u2019histoire \u2014 au sens d\u2019une vision t\u00e9l\u00e9ologique qui surmonterait in fine<\/em> les crises les unes apr\u00e8s les autres pour atteindre un objectif, qu\u2019il s\u2019agisse de la victoire du prol\u00e9tariat \u2014, mais une pens\u00e9e de l\u2019histoire. Cela signifie qu\u2019\u00e0 ses yeux, l\u2019histoire ne saurait avoir ni sens pr\u00e9d\u00e9fini, ni fin.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est ce qui rend Aron un penseur des \u00e9chelles ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Aron prend acte du fait que l\u2019humanit\u00e9 vit depuis 1945 une dimension unique de l\u2019histoire, laquelle doit s\u2019entendre au niveau mondial. Les crises ne peuvent plus \u00eatre \u00e9tudi\u00e9es de fa\u00e7on isol\u00e9e : elles prennent place dans un cadre g\u00e9opolitique et \u00e9conomique global dont les r\u00e9percussions se font sentir au niveau national. Autrement dit, il devient impossible \u00e0 ses yeux de dissocier situation int\u00e9rieure et politique ext\u00e9rieure. <\/p>\n\n\n\n

Ces quatre angles d\u2019approche \u2014 la philosophie de l\u2019histoire, la prise en compte du hasard et des accidents, la modernit\u00e9 industrielle et les relations internationales \u2014 forment, \u00e0 mon sens, le socle de la compr\u00e9hension que Raymond Aron propose de la structure des crises de la modernit\u00e9. Ils t\u00e9moignent du fait que, \u00e0 ses yeux, l\u2019histoire n\u2019est pas le reflet des \u00e9v\u00e9nements, mais une construction de l\u2019esprit. Je vous renvoie \u00e0 un article du volume Dimensions de la conscience historique<\/em>, \u00ab De l\u2019objet de l\u2019histoire \u00bb, qui met en lumi\u00e8re le choix que fait l\u2019historien de l\u2019unit\u00e9 historique au niveau de laquelle il situe son enqu\u00eate.<\/p>\n\n\n\n

Abordons d\u00e9sormais le fil chronologique des crises que Raymond Aron a v\u00e9cues. Si nous suivions une logique chronologique, la premi\u00e8re crise qui a marqu\u00e9 Raymond Aron, est l\u2019affaire Dreyfus. S\u2019il ne l\u2019a pas v\u00e9cue directement, n\u2019a-t-elle pas jou\u00e9 un r\u00f4le fondateur sur sa formation et sur le rapport qu\u2019il entretient avec le monde ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

\u00ab Il n\u2019y a pas tous les jours une affaire Dreyfus qui autorise \u00e0 invoquer la v\u00e9rit\u00e9 contre les erreurs \u00bb, \u00e9crit-il en 1937 <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u2019Affaire Dreyfus occupe une place matricielle dans la pens\u00e9e d\u2019Aron, m\u00eame si elle ne constitue pas, \u00e0 proprement parler, pour lui, un \u00e9v\u00e9nement biographique. Je rappelle qu\u2019il na\u00eet en 1905, soit un an avant l\u2019arr\u00eat de la Cour de Cassation du 12 juillet 1906, qui innocente et r\u00e9habilite le capitaine Dreyfus. Pour Aron, il s\u2019agit \u00e0 la fois d\u2019un h\u00e9ritage familial et d\u2019un \u00e9v\u00e9nement, \u00ab heureusement conclu \u00bb, illustrant la victoire des valeurs et de la v\u00e9rit\u00e9 sur les pr\u00e9jug\u00e9s et les mensonges d\u2019\u00c9tat. Il n\u2019emp\u00eache que l\u2019Affaire Dreyfus rappelle \u00e9galement au jeune Aron sa condition de Juif, et inscrit dans son ADN philosophique la mani\u00e8re dont l\u2019individu se d\u00e9finit \u00e0 travers sa condition historique.<\/p>\n\n\n\n

Le travail d\u2019Aron invite \u00e0 d\u00e9mythologiser sans d\u00e9senchanter.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019affaire Dreyfus d\u00e9finit-elle pour lui le r\u00f4le qu\u2019un intellectuel doit jouer dans la soci\u00e9t\u00e9 ? Est-ce que certains intellectuels dreyfusards sont devenus pour lui des mod\u00e8les ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Aron ne con\u00e7oit pas son r\u00f4le selon le mod\u00e8le habituel de l\u2019intellectuel critique. C\u2019est ce qui fait sa singularit\u00e9, non seulement d\u00e8s l\u2019entre-deux-guerres, mais de fa\u00e7on plus affirm\u00e9e encore \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de l\u2019Universit\u00e9 marxiste des ann\u00e9es 1950-1960. L\u2019Affaire Dreyfus l\u00e8gue en effet aux intellectuels l\u2019id\u00e9e que le r\u00f4le est d\u2019\u00eatre toujours critique du pouvoir, du moins tant que celui-ci se range \u00e0 la droite de l\u2019\u00e9chiquier politique. Aron, au contraire, demeure toujours soucieux de se rapporter \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 politique sans c\u00e9der \u00e0 l\u2019abstraction des id\u00e9ologies. Il se garde d\u2019une opposition syst\u00e9matique et prend ses distances de la cat\u00e9gorie de ceux qu\u2019il d\u00e9signe dans L\u2019Opium des intellectuels<\/em> en 1955 <\/em>comme des \u00ab  hommes de foi  \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Les s\u00e9jours effectu\u00e9s au d\u00e9but des ann\u00e9es trente en Allemagne l\u2019auront en effet d\u00e9finitivement gu\u00e9ri de toute forme d\u2019id\u00e9alisme et constituent une grille de lecture d\u00e9terminante pour appr\u00e9hender la r\u00e9alit\u00e9 qui l\u2019entoure, des difficult\u00e9s du pouvoir comme de ses exigences, et parfois m\u00eame sa grandeur.  Cela explique par exemple qu\u2019il ne participe pas dans les ann\u00e9es 1930 au Comit\u00e9 de vigilance des intellectuels antifascistes, car pour lui, les urgences sont ailleurs. Il s\u2019agit de prendre la mesure de l\u2019adversaire et de se pr\u00e9parer \u00e0 lutter contre la volont\u00e9 h\u00e9g\u00e9monique du pouvoir  ce qui suppose, une fois son camps choisi, de s\u2019int\u00e9resser \u00e0 des \u00e9l\u00e9ments concrets que sont les alliances et les techniques militaires, le fonctionnement des d\u00e9mocraties et le r\u00e9armement moral de nos soci\u00e9t\u00e9s. On ne peut aujourd\u2019hui qu\u2019entendre son message.<\/p>\n\n\n\n

Ainsi, d\u00e8s le d\u00e9part, sa pens\u00e9e de l\u2019histoire se veut-elle aussi une philosophie de l\u2019action. Si l\u2019intellectuel ne saurait se substituer au dirigeant politique, il n\u2019en exerce pas moins une fonction sociale en devenant conseiller du Prince, en lui fournissant les bases d\u2019une r\u00e9flexion sur les cons\u00e9quences de tel ou tel acte politique. La pens\u00e9e aronienne combat les mythes en convoquant r\u00e9solument les r\u00e9alit\u00e9s du monde qui nous entoure mais elle n\u2019est pas pour autant d\u00e9senchant\u00e9e car elle ne prive jamais les acteurs des moyens qu\u2019ils ont  de rendre celui-ci moins violent et plus fraternel.<\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re grande crise que Raymond Aron vit, bien que tr\u00e8s jeune, est la Premi\u00e8re Guerre mondiale. Quels effets cette crise a-t-elle eus sur le tr\u00e8s jeune Aron, puis sur le jeune \u00e9tudiant de l\u2019entre-deux-guerres ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Comme l\u2019a montr\u00e9 l\u2019historien St\u00e9phane Audoin-Rouzeau<\/a>, l\u2019empreinte de la Premi\u00e8re Guerre mondiale sur l\u2019itin\u00e9raire intellectuel d\u2019Aron est plus profonde qu\u2019il n\u2019y para\u00eet. On a souvent ramen\u00e9 celle-ci \u00e0 son adh\u00e9sion au courant pacifiste des ann\u00e9es 1920, alors qu\u2019elle rayonne bien au-del\u00e0. Certes, la famille Aron n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 directement touch\u00e9e par le conflit : Gustave Aron, son p\u00e8re, fut d\u00e9mobilis\u00e9 d\u00e8s 1915. Il n\u2019emp\u00eache que les M\u00e9moires<\/em> \u00e9voquent quelques moments forts comme le 12 novembre 1918, lorsque les parents emm\u00e8nent les trois fr\u00e8res \u00e0 Paris pour c\u00e9l\u00e9brer l\u2019armistice \u2014 une sc\u00e8ne qu\u2019Aron mettra plus tard en parall\u00e8le des r\u00e9jouissances du 8 et 9 mai 1945. <\/p>\n\n\n\n

La fin de la guerre le voit adopter, jusqu\u2019\u00e0 la fin des ann\u00e9es 1920, des positions pacifistes, orientation qui doit beaucoup, comme il le rappelle, \u00e0 la fr\u00e9quentation d\u2019Alain et \u00e0 la lecture de Mars ou la guerre jug\u00e9e<\/em> (1921), qu\u2019il consid\u00e8re comme un grand livre. Encore une fois, les s\u00e9jours en Allemagne auront d\u00e9finitivement raison de ses illusions, et face \u00e0 la mont\u00e9e du nazisme, Aron comprend que seule une r\u00e9ponse militaire convient face au danger qui s\u2019annonce.<\/p>\n\n\n\n

La Premi\u00e8re Guerre mondiale r\u00e9appara\u00eet dans ses analyses ult\u00e9rieures, en particulier dans Le Grand Schisme<\/em> (1948) et Les Guerres en cha\u00eene <\/em>(1951). Aron y d\u00e9crit ce conflit comme un bouleversement technique autant que politique, soulignant comment les guerres, leur d\u00e9clenchement et leur conduite, sont aussi le r\u00e9sultat de l\u2019\u00e9tat de d\u00e9veloppement technologique des \u00c9tats qui les m\u00e8nent. Ainsi les guerres ne sont-elles pas, selon Aron, d\u2019abord le reflet des \u00ab \u00e2mes des peuples \u00bb, mais bien le produit d\u2019une situation technologique et puis d\u2019un encha\u00eenement logique d\u2019actions et de faits. Ainsi interpr\u00e8te-t-il la Premi\u00e8re Guerre mondiale comme le r\u00e9sultat de la violence engendr\u00e9e par l\u2019apparition de nouvelles armes, pour appliquer par la suite ce sch\u00e9ma \u00e0 l\u2019\u00e9tude des guerres ult\u00e9rieures.<\/p>\n\n\n\n

Aron ne rejette pas toute forme de r\u00e9cit collectif. Bien au contraire, il en appelle \u00e0 une refondation r\u00e9aliste et lucide des valeurs d\u00e9mocratiques.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Quelle interpr\u00e9tation Raymond Aron fait-il de l’\u00e9mergence du nazisme<\/a> ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les r\u00e9flexions de Raymond Aron sur l\u2019\u00e9mergence du nazisme, contenues dans une s\u00e9rie d\u2019articles intitul\u00e9s Propos d\u2019Allemagne<\/em>, qui paraissent dans la revue d\u2019Alain, Libres propos<\/em>, r\u00e9v\u00e8lent sa rapide compr\u00e9hension du ph\u00e9nom\u00e8ne nazi<\/a>. Ce qui le frappe avant tout, c\u2019est la rapidit\u00e9 avec laquelle les masses adh\u00e8rent \u00e0 son id\u00e9ologie. Il d\u00e9crit comment des jeunes Allemands de son entourage, qui en semblaient fort \u00e9loign\u00e9s, se retrouvent presque du jour au lendemain \u00e0 d\u00e9filer sous l\u2019uniforme brun. <\/p>\n\n\n\n

Il en retire \u00e9galement l\u2019id\u00e9e que, pour analyser avec justesse la transformation des soci\u00e9t\u00e9s, il faut acqu\u00e9rir des comp\u00e9tences qui permettent de comprendre les m\u00e9canismes \u00e9conomiques et sociaux sur lesquels reposent les repr\u00e9sentations. Il analyse en effet l\u2019influence qu\u2019eut, sur une soci\u00e9t\u00e9 allemande min\u00e9e par l\u2019inflation et le ch\u00f4mage, les mesures prises par le r\u00e9gime, qui, m\u00eame si elles menaient \u00e0 l\u2019autarcie et la guerre, semblaient, aux yeux de l\u2019opinion, couronn\u00e9es de succ\u00e8s. Il met en lumi\u00e8re l\u2019erreur commise par les classes dirigeantes allemandes et les milieux d\u2019affaires qui port\u00e8rent Hitler au poste de chancelier, s\u00fbres de pouvoir le contr\u00f4ler.<\/p>\n\n\n\n

Il montre \u00e9galement comment, en militarisant la Rh\u00e9nanie et en annexant les Sud\u00e8tes, en l\u2019absence de toute r\u00e9action de la part des puissances europ\u00e9ennes, le r\u00e9gime nazi a pu se targuer, aupr\u00e8s de son opinion, de mener une politique de puissance, sans susciter le d\u00e9clenchement d\u2019une guerre, mais seulement en profitant de la faiblesse de ses adversaires.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e9galement une mani\u00e8re de mettre en garde ses amis d\u00e9mocrates contre l\u2019erreur d\u2019analyse que ceux-ci commettent, \u00e0 ses yeux, en sous-estimant leurs adversaires, c\u2019est-\u00e0-dire en pensant qu\u2019ils agissent de fa\u00e7on irrationnelle.<\/p>\n\n\n\n

Dans ses travaux entrepris entre 1938 et 1939, apr\u00e8s la soutenance de sa th\u00e8se, Aron se penche sur ce qu\u2019il nomme les machiav\u00e9lismes modernes, en montrant comment les adversaires des d\u00e9mocraties usent de la propagande et subvertissent les institutions de l\u2019int\u00e9rieur. Cette analyse vaut aujourd\u2019hui pour nos propres ennemis<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Pour Aron, beaucoup de d\u00e9mocrates ont sous-estim\u00e9 \u00e0 tort leurs adversaires en attribuant leur ascension \u00e0 des facteurs \u00e9motionnels \u2014 charisme, s\u00e9duction \u2014 plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 une strat\u00e9gie r\u00e9fl\u00e9chie.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ce s\u00e9jour en Allemagne est l\u2019occasion de se rapprocher mais \u00e9galement de se distinguer de Max Weber. Pourriez-vous revenir sur cette filiation ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Son premier s\u00e9jour en Allemagne permet \u00e0 Raymond Aron de d\u00e9couvrir les sciences de l\u2019esprit. Il s\u2019agit de proposer une \u00e9tude des soci\u00e9t\u00e9s fond\u00e9e sur l\u2019id\u00e9e d\u2019une raison critique appliqu\u00e9e \u00e0 l\u2019histoire et \u00e0 ce que W. Dilthey, leur fondateur, nomme les institutions, qui ne sont pas que politiques, mais incluent \u00e9galement la culture. Dans la suite de Kant et de la Critique de la facult\u00e9 de juger<\/em>, les tenants des sciences de l\u2019esprit s\u2019efforcent de d\u00e9finir une forme de causalit\u00e9 propre \u00e0 l\u2019histoire, laquelle n\u2019est jamais ni logique, ni pr\u00e9visible, contrairement \u00e0 la causalit\u00e9 m\u00e9caniste applicable aux sciences exactes. Cette d\u00e9marche tient compte de l\u2019incertitude li\u00e9e aux \u00e9motions des individus, mais prend \u00e9galement en compte la subjectivit\u00e9 de l\u2019historien et les valeurs qui orientent l\u2019interpr\u00e9tation \u00e0 laquelle il aboutit des faits. Il s\u2019agit de rendre compte d\u2019une causalit\u00e9 historique qui prenne en compte la singularit\u00e9 des acteurs.<\/p>\n\n\n\n

Max Weber demeurera pour Aron tout au long de sa vie un mod\u00e8le, non seulement en raison de sa puissance th\u00e9orique mais parce qu\u2019il fut \u00e0 la fois un intellectuel et un politique. Rappelons que Weber s\u2019engagea \u00e0 la fin de sa vie aux c\u00f4t\u00e9s de la R\u00e9publique de Weimar. Aron s\u2019inscrit dans cet h\u00e9ritage th\u00e9orique comme le rappelle le sous-titre de sa th\u00e8se principale : Introduction \u00e0 la philosophie de l\u2019histoire. Essai sur les limites de l\u2019objectivit\u00e9 historique <\/em>\u2014 et en reprenant \u00e0 son compte par exemple les notions de compr\u00e9hension et d\u2019id\u00e9al-type. Sa th\u00e8se de 1938 marque pourtant un d\u00e9passement des analyses de Weber, dans la mesure o\u00f9 Aron, \u00e0 la diff\u00e9rence de Weber, cherche \u00e0 rendre compte dans ses analyses de l\u2019irrationalit\u00e9 possible des acteurs historiques. <\/p>\n\n\n\n

M\u00eame s\u2019il cherche \u00e0 d\u00e9passer la th\u00e9orie w\u00e9b\u00e9rienne des sciences sociales, il en reste profond\u00e9ment marqu\u00e9. La preuve en est l\u2019introduction qu\u2019il r\u00e9dige en 1959 pour la traduction fran\u00e7aise de la conf\u00e9rence intitul\u00e9e en fran\u00e7ais Le Savant et le Politique<\/em>, dans laquelle il d\u00e9finit pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 la suite du mod\u00e8le de M. Weber le r\u00f4le de l\u2019intellectuel, conseiller du Prince mais conscient des limites de l\u2019action politique aussi bien sur le plan des principes que sur celui des r\u00e9alisations.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Raymond Aron dans un studio de t\u00e9l\u00e9vision \u00e0 Paris.<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Alors que Raymond Aron critique sans rel\u00e2che les grands r\u00e9cits mythifiants \u2014 ceux de Sartre, d\u2019une partie des communistes fran\u00e7ais ou des id\u00e9ologies totalitaires \u2014, comment concilier ce rejet des illusions avec la n\u00e9cessit\u00e9, pour les d\u00e9mocraties, de se doter de r\u00e9cits mobilisateurs ? Face \u00e0 des mod\u00e8les autoritaires qui, par leur efficacit\u00e9 apparente et leurs politiques publiques, s\u00e9duisent les masses, les d\u00e9mocraties ne doivent-elles pas aussi s\u2019appuyer sur des r\u00e9cits forts ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Aron n\u2019est pas hostile aux r\u00e9cits collectifs, mais il s\u2019oppose \u00e0 l\u2019usage id\u00e9ologique qui en est g\u00e9n\u00e9ralement fait. Il appelle, au contraire, \u00e0 une adh\u00e9sion r\u00e9aliste et lucide aux valeurs d\u00e9mocratiques. C\u2019est m\u00eame l\u00e0 qu\u2019il inscrit sa vision kantienne de l\u2019histoire, l\u2019id\u00e9e que nous, \u00eatres finis, donnons un sens \u00e0 nos vies en nous projetant au niveau de l\u2019humanit\u00e9. Pour Aron, la d\u00e9mocratie, l\u2019humanisme, ou encore les valeurs port\u00e9es par l\u2019Occident \u2014 je pense \u00e0 son Plaidoyer pour une Europe d\u00e9cadente<\/em>, publi\u00e9 en 1977, titre dans lequel il faut entendre une antiphrase \u2014 constituent des horizons partag\u00e9s, \u00e0 condition de renoncer aux utopies mortif\u00e8res. Son travail invite ainsi \u00e0 d\u00e9mythologiser, sans d\u00e9senchanter : il s\u2019agit de d\u00e9fendre des id\u00e9aux \u2014 la libert\u00e9, la raison critique, la responsabilit\u00e9 individuelle \u2014 sans tomber dans le dogmatisme. Pour lui, l\u2019intellectuel a pr\u00e9cis\u00e9ment pour mission de clarifier ces probl\u00e8mes, en distinguant les mythes qui subvertissent la r\u00e9alit\u00e9 des r\u00e9cits qui \u00e9clairent l\u2019action sans en masquer les difficult\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Pour Aron, les d\u00e9mocraties ne se fondent pas sur de grands r\u00e9cits, mais sur des valeurs auxquelles les individus et les soci\u00e9t\u00e9s doivent se r\u00e9f\u00e9rer, m\u00eame s\u2019ils demeurent conscients du fait que celles-ci constituent un horizon r\u00e9gulateur plut\u00f4t qu\u2019un id\u00e9al atteignable. <\/p>\n\n\n\n

La diff\u00e9rence fondamentale entre les r\u00e9cits mythiques, ce qu\u2019on a appel\u00e9 les \u00ab grands r\u00e9cits \u00bb, comme le marxisme, le mao\u00efsme ou le tiers-mondisme, et les valeurs d\u00e9mocratiques, r\u00e9side dans le refus de sacrifier l\u2019individu au collectif. Il s\u2019agit de toujours reconna\u00eetre la singularit\u00e9 des individus, m\u00eame au sein du collectif \u2014 h\u00e9ritage de l\u2019id\u00e9al-type w\u00e9b\u00e9rien, qui constitue, non pas, comme on le croit souvent, une g\u00e9n\u00e9ralisation du singulier, mais une appr\u00e9hension du collectif \u00e0 partir de ce qui le singularise \u2014, sans jamais subordonner le pr\u00e9sent historique \u00e0 une fin hypoth\u00e9tique de l\u2019Histoire, qu\u2019Aron juge illusoire.<\/p>\n\n\n\n

Cette m\u00e9fiance envers les grands r\u00e9cits s\u2019ancre dans son exp\u00e9rience des catastrophes du XXe si\u00e8cle : il a \u00e9t\u00e9 le t\u00e9moin des massacres engendr\u00e9s par le nazisme, le fascisme et le stalinisme, autant de \u00ab religions s\u00e9culi\u00e8res \u00bb qui ont justifi\u00e9 l\u2019injustifiable, au nom d\u2019une pr\u00e9tendue n\u00e9cessit\u00e9 historique. Pour lui, la philosophie doit servir de garde-fou contre les mythologies meurtri\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n

Aron reconna\u00eet que les d\u00e9mocraties sont des r\u00e9gimes d\u00e9ceptifs, imparfaits, mais il y voit aussi une vertu : celle de la modestie. Modestie philosophique, d\u2019abord, qui refuse les certitudes absolues ; modestie politique, ensuite, qui doit tenir compte de la pluralit\u00e9 des opinions et des existences, composer avec la complexit\u00e9 du monde et construire des institutions respectueuses de la libert\u00e9 de chacun.<\/p>\n\n\n\n

Pour Aron, la philosophie doit servir de garde-fou contre les mythologies meurtri\u00e8res.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

\u00c0 son retour d\u2019Allemagne, Raymond Aron se trouve confront\u00e9 \u00e0 la crise prot\u00e9iforme des ann\u00e9es 1930. Plusieurs \u00e9v\u00e9nements cl\u00e9s permettent d\u2019\u00e9clairer son \u00e9volution, notamment la question de son positionnement face au pacifisme. On sait qu\u2019il revient en France avec une vision transform\u00e9e, mais o\u00f9 situer pr\u00e9cis\u00e9ment la bascule ? Est-ce une rupture nette ou une \u00e9volution progressive ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Face \u00e0 la mont\u00e9e du nazisme, Aron abandonne le pacifisme. Il prend conscience de l\u2019ampleur du danger et de l\u2019impossibilit\u00e9 de maintenir une telle position.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, au cours des ann\u00e9es 1930, je l\u2019ai dit, il ne rejoint aucun parti ni aucun mouvement intellectuel. Dans ses M\u00e9moires<\/em>, il explique \u00eatre rest\u00e9 en marge des d\u00e9bats politiques et id\u00e9ologiques de l\u2019\u00e9poque. En revanche, en m\u00eame temps qu\u2019il \u00e9labore sa propre pens\u00e9e de l\u2019histoire, il livre une analyse pr\u00e9cise des \u00e9v\u00e9nements marquants \u00e0 travers certains articles qui feront date. Je pense notamment \u00e0 ses deux grands articles sur la politique \u00e9conomique du Front populaire dans lesquels il se montre critique envers la politique \u00e9conomique suivie. Par la suite, il adoptera une vision plus nuanc\u00e9e, reconnaissant les apports politiques et soci\u00e9taux, notamment la politique de Jean Zay.<\/p>\n\n\n\n

Comment analyse-t-il les \u00e9meutes du 6 f\u00e9vrier 1934 ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il l\u2019analyse sous un angle politique classique, comme un affrontement entre partis oppos\u00e9s. S\u2019il \u00e9tudie le r\u00f4le des ligues, il refuse toutefois d\u2019\u00e9tablir une comparaison avec la situation allemande.<\/p>\n\n\n\n

Aron rejette en effet l\u2019id\u00e9e d\u2019un fascisme fran\u00e7ais. Il le rappellera d\u2019ailleurs \u00e0 la fin de sa vie en critiquant les th\u00e8ses de l\u2019historien isra\u00e9lien Zeev Sternhell. Selon lui, il n\u2019existe aucune analogie possible entre les \u00e9v\u00e9nements du 6 f\u00e9vrier 1934 et l\u2019arriv\u00e9e d\u2019Hitler au pouvoir en 1933. Bien qu\u2019il y ait des mouvements d\u2019extr\u00eame droite en France, il refuse d\u2019admettre l\u2019existence d\u2019un fascisme fran\u00e7ais.<\/p>\n\n\n\n

En revanche, il est fortement marqu\u00e9, en 1936, par la remilitarisation de la Rh\u00e9nanie et par la guerre d\u2019\u00c9thiopie.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019engagement dans la vie politique de Raymond Aron a pris une dimension tr\u00e8s concr\u00e8te \u00e0 partir de son exil \u00e0 Londres en 1940, au cours duquel il devient journaliste, \u00e9crit pour La France Libre<\/em>, avant de devenir chroniqueur au Figaro<\/em> pendant de nombreuses ann\u00e9es. Comment con\u00e7oit-il ses relations avec le monde du journalisme ?<\/h3>\n\n\n\n

Son approche du m\u00e9tier de journaliste n\u2019est pas tr\u00e8s diff\u00e9rente de celle du philosophe. Elle consiste en deux temps : d\u2019une part, comprendre les \u00e9v\u00e9nements, d\u2019autre part, les rendre compr\u00e9hensibles aux lecteurs. Son art du journalisme est fascinant, par sa capacit\u00e9 \u00e0 ancrer l\u2019\u00e9v\u00e9nement imm\u00e9diat dans une perspective historique et politique plus large. Il y a donc ce double effort constant : saisir le pr\u00e9sent, tout en l\u2019\u00e9clairant par le pass\u00e9, et en formulant des hypoth\u00e8ses pour l\u2019avenir.<\/p>\n\n\n\n

Aron condamne la philosophie sartrienne, non pas pour son marxisme, mais pour sa l\u00e9gitimation de la violence \u2014 une trahison, selon lui, de la vocation m\u00eame de la philosophie.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Comment distingue-t-il son r\u00f4le de philosophe journaliste qui \u00e9crit dans Le Figaro de l\u2019approche de Jean-Paul Sartre, philosophe journaliste qui fonde Lib\u00e9ration<\/em> ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Aron reste avant tout un observateur de la r\u00e9alit\u00e9, tandis que Sartre, \u00e0 partir de 1952, devient un id\u00e9ologue, compagnon de route du Parti communiste fran\u00e7ais et des causes r\u00e9volutionnaires.<\/p>\n\n\n\n

Cette divergence s\u2019enracine dans leurs philosophies respectives. D\u00e8s L\u2019\u00catre et le N\u00e9ant<\/em>, Sartre entend r\u00e9pondre \u00e0 l\u2019Introduction \u00e0 la philosophie de l\u2019histoire <\/em>d\u2019Aron. Dans la d\u00e9dicace qu\u2019il lui adresse, il r\u00e9sume son projet : proposer une ontologie, l\u00e0 o\u00f9 son petit camarade \u00e9tudie la libert\u00e9 dans ses limites, au croisement des d\u00e9terminismes sociaux et des marges d\u2019action politique. Ce qu\u2019il nomme notre \u00ab  condition historique  \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Pour Sartre, le sujet se d\u00e9finit comme une libert\u00e9 absolue, ce qu\u2019il traduit \u00e0 travers les notions de projet et de praxis. Cette conception est tr\u00e8s \u00e9loign\u00e9e de celle d\u2019Aron lequel situe sa philosophie de l\u2019action au point de rencontre entre les d\u00e9terminismes qui nous contraignent et la libert\u00e9 dont nous sommes porteurs. Leurs trajectoires se s\u00e9parent d\u00e8s lors de mani\u00e8re irr\u00e9versible.<\/p>\n\n\n\n

Aron \u00e9met une double critique \u00e0 l\u2019\u00e9gard de la philosophie sartrienne. Il est, \u00e0 ses yeux, philosophiquement incons\u00e9quent de pr\u00e9tendre, comme le fait l\u2019existentialisme sartrien, affirmer la compatibilit\u00e9 entre une libert\u00e9 absolue au niveau individuel et le projet d\u2019une histoire t\u00e9l\u00e9ologique d\u00e9bouchant sur la victoire du prol\u00e9tariat annonc\u00e9e par le marxisme. Non pas pour son marxisme, mais en raison de sa l\u00e9gitimation de la violence \u2014 une trahison, selon lui, de la vocation m\u00eame de la philosophie. Ceci d\u00e9bouche sur une aporie que Sartre \u00e9chouera \u00e0 r\u00e9soudre, sauf \u00e0 convoquer le moyen de la violence comme fondement d\u2019une praxis collective \u00e9mancipatrice, comme il le fait dans sa Critique de la raison dialectique<\/em> publi\u00e9e en 1961. Aron lui reprochera dans l\u2019\u00e9tude qu\u2019il y consacre en 1973 (Histoire et dialectique de la violence<\/em>) de l\u00e9gitimer philosophiquement la violence. <\/p>\n\n\n\n

Pour lui, il faut d\u00e9sormais repenser l\u2019histoire et les relations entre \u00c9tats \u00e0 l\u2019\u00e9chelle plan\u00e9taire, au-del\u00e0 des r\u00e9cits nationaux traditionnels.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La Seconde Guerre mondiale a-t-elle constitu\u00e9 un tournant dans son parcours intellectuel et engag\u00e9, ou plut\u00f4t une confirmation de ses convictions ant\u00e9rieures ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La Seconde Guerre mondiale repr\u00e9sente \u00e0 la fois une confirmation des analyses du jeune philosophe mais aussi un tournant. Elle valide les positions qu\u2019Aron avait d\u00e9velopp\u00e9es durant l\u2019entre-deux-guerres : rejet du pacifisme, abandon de l\u2019id\u00e9alisme philosophique, et n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019ancrer la r\u00e9flexion dans la condition historique concr\u00e8te des individus. <\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s sa soutenance de th\u00e8se en 1938, il affirme que les d\u00e9mocraties peuvent triompher des totalitarismes \u00e0 condition toutefois de le vouloir c\u2019est-\u00e0-dire de s\u2019en donner les moyens non seulement intellectuels et moraux mais aussi concrets. Le conflit mondial va structurer sa pens\u00e9e autour d\u2019une opposition fondamentale entre les r\u00e9gimes autoritaires qui poursuivent un projet id\u00e9ologique au d\u00e9triment de l\u2019existence et des droits des individus et les d\u00e9mocraties, imparfaites, mais soucieuses de maintenir les id\u00e9aux d\u2019\u00e9galit\u00e9 et de libert\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

En outre, la guerre confirme une id\u00e9e centrale : avec les bouleversements de l\u2019\u00e9poque et notamment l\u2019entr\u00e9e dans l\u2019\u00e8re atomique, l\u2019humanit\u00e9 partage d\u00e9sormais une histoire commune. Pour la premi\u00e8re fois, elle dispose des moyens de s\u2019autod\u00e9truire. Pour lui, il faut d\u00e9sormais repenser l\u2019histoire et les relations entre \u00c9tats \u00e0 l\u2019\u00e9chelle plan\u00e9taire, et pour cela de s\u2019engager en faveur de la construction puis du renforcement de l\u2019entit\u00e9 europ\u00e9enne qui a un r\u00f4le \u00e0 jouer, ind\u00e9pendamment des deux super grands, m\u00eame si Aron s\u2019engage chaque fois en faveur de l\u2019Alliance atlantique.<\/p>\n\n\n\n

Aron a toujours cultiv\u00e9 une dualit\u00e9 : reconna\u00eetre l\u2019importance de la politique tout en se d\u00e9finissant comme un observateur et commentateur, \u00e0 distance. <\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, on observe chez Aron un engagement politique plus concret, au sein du Parti gaulliste. Ce choix peut sembler en d\u00e9calage avec l\u2019id\u00e9e d\u2019un philosophe se tenant au-dessus de la m\u00eal\u00e9e. Comment concilier cette position avec son statut d\u2019intellectuel ? Quelle est la diff\u00e9rence entre Sartre et Aron de ce point de vue-l\u00e0 ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce que l\u2019on doit entendre par \u00ab engagement \u00bb chez Aron et Sartre \u2014 car la notion d\u2019engagement ne vaut pas seulement pour Sartre \u2014 n\u2019a, \u00e0 mes yeux, rien \u00e0 voir. L\u00e0 o\u00f9 Sartre a des engagements purement id\u00e9ologiques, dont on trouve la raison dans les apories de sa philosophie, sans que cela donne r\u00e9ellement lieu \u00e0 des manifestations concr\u00e8tes, l\u2019engagement se con\u00e7oit chez Aron \u00e0 hauteur d\u2019homme, c\u2019est-\u00e0-dire dans les limites d\u2019une action r\u00e9aliste, mais sans retenue, dans le p\u00e9rim\u00e8tre des valeurs de l\u2019humanisme qu\u2019il d\u00e9fend. Telle est, \u00e0 ses yeux, la vocation de sa philosophie. On per\u00e7oit la diff\u00e9rence d\u00e8s juin 1940, o\u00f9 Aron part pour Londres et s\u2019engage dans le mouvement de la France libre, tandis qu\u2019on sait ce qu\u2019il en sera de la r\u00e9sistance de Sartre.<\/p>\n\n\n\n

S\u2019agissant d\u2019un engagement politique, Aron en fera une courte exp\u00e9rience, \u00e0 son retour \u00e0 Paris, pendant deux mois, directeur du cabinet d\u2019Andr\u00e9 Malraux, alors ministre de l\u2019Information. Il est revenu \u00e0 plusieurs reprises sur son envie d\u2019action politique, comme sur ce qui l\u2019en avait tenu \u00e0 l\u2019\u00e9cart. Je pense notamment au chapitre qu\u2019il consacre \u00e0 son ami Henry Kissinger, dans ses M\u00e9moires<\/em>. Il explique qu\u2019\u00e0 sa place, il n\u2019aurait jamais pu dormir en sachant que des populations civiles \u00e9taient bombard\u00e9es au Vietnam.<\/p>\n\n\n\n

Aron a toujours cultiv\u00e9 cette dualit\u00e9 : reconna\u00eetre l\u2019importance de la politique tout en se d\u00e9finissant comme un observateur et un commentateur, plus utile \u00e0 distance, conscient de son influence sur les d\u00e9cideurs, mais refusant de confondre les r\u00f4les. Pour lui, la position la plus difficile \u00e0 tenir pour un intellectuel est celle d\u2019une voie m\u00e9diane \u2014 formuler des avis et prendre position en int\u00e9grant les contraintes de l\u2019exercice du pouvoir et en continuant de d\u00e9fendre des valeurs.<\/p>\n\n\n\n

Il critique d\u2019ailleurs s\u00e9v\u00e8rement les intellectuels de son temps, qui, \u00e0 ses yeux, soit se cantonnent dans un id\u00e9alisme d\u00e9tach\u00e9 des r\u00e9alit\u00e9s, soit s\u2019enferment dans des positions dogmatiques. Il se con\u00e7oit comme un spectateur engag\u00e9 : analyser, conseiller, influencer, sans jamais confondre son r\u00f4le avec celui des acteurs directs de la politique.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Henry Kissinger et Raymond lors de la journee France – \u00c9tats-Unis \u00e0 Draguignan, le 17 juin 1983.<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Quelle est l\u2019actualit\u00e9 de Raymond Aron aujourd\u2019hui ? Son h\u00e9ritage est-il toujours utile pour penser et agir dans un monde en crise, ou doit-on en d\u00e9passer les enseignements ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

J\u2019en reviens \u00e0 la notion de crise, et \u00e0 la mani\u00e8re dont Aron analyse la modernit\u00e9 comme une p\u00e9riode de crises et de tensions. Les crises que nous affrontons aujourd\u2019hui ne sont pas exceptionnelles : elles ressortissent de l\u2019essence de la modernit\u00e9, m\u00eame si elles prennent chaque fois une forme in\u00e9dite.<\/p>\n\n\n\n

Il est d\u2019ailleurs un domaine o\u00f9 la pens\u00e9e d\u2019Aron conna\u00eet aujourd\u2019hui une renaissance notable  : celui de la strat\u00e9gie militaire et de la g\u00e9opolitique aupr\u00e8s des strat\u00e8ges militaires et des g\u00e9opoliticiens<\/a>. Ses r\u00e9flexions sur la dissuasion nucl\u00e9aire, la conduite des \u00c9tats en p\u00e9riode de conflit ou les \u00e9quilibres g\u00e9opolitiques sont d\u2019une grande pertinence pour ceux qui r\u00e9fl\u00e9chissent aux enjeux actuels de d\u00e9fense et de s\u00e9curit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Plus largement, ses combats n\u2019ont cess\u00e9 d\u2019\u00eatre actuels. Dans Les D\u00e9sillusions du progr\u00e8s<\/em>, Aron expose ce qu\u2019il nomme les antinomies fondamentales de la modernit\u00e9, qui n\u2019ont jamais disparu depuis la parution du livre en 1969, \u00e0 savoir les tensions qui caract\u00e9risent notre \u00e9poque entre \u00e9galit\u00e9 et libert\u00e9, entre aspirations individuelles et revendications collectives, entre volont\u00e9 des individus de se voir reconna\u00eetre une existence singuli\u00e8re et appartenances collectives. Comment mieux penser le ressentiment de nos concitoyens \u00e0 l\u2019\u00e9gard d\u2019un \u00c9tat-providence en voie d\u2019essoufflement ? Comment mieux appr\u00e9hender la violence que l\u00e9gitiment les discours de puissance ? Comment mieux comprendre les ravages produits par les fondamentalismes religieux ?<\/p>\n\n\n\n

Son objectif est d\u2019\u00e9largir le cercle de ceux qui r\u00e9fl\u00e9chissent avec nuance, et de donner les arguments pour faire entendre raison, avec modestie mais fermet\u00e9, \u00e0 un public toujours plus large.<\/p>Perrine Simon-Nahum<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Comment une telle approche se manifeste-t-elle concr\u00e8tement ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Aron est un intellectuel qui s\u2019est fix\u00e9 la mission de comprendre son temps, conscient des limites de son savoir mais toujours \u00e0 la recherche de la v\u00e9rit\u00e9 la plus proche possible des faits. Le d\u00e9fi \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 \u00e9norme  : il n\u2019a cess\u00e9 pour cela de se former aux nouvelles disciplines, l\u2019\u00e9conomie, la strat\u00e9gie militaire sans jamais se contenter de sp\u00e9culations th\u00e9oriques. Il ne parle pas depuis le ciel \u00e9th\u00e9r\u00e9 des id\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, il nous rappelle que la politique n\u2019est pas la morale. Son objectif est d\u2019\u00e9largir le cercle de ceux qui r\u00e9fl\u00e9chissent avec nuance, exercent leur esprit critique et de donner les arguments pour faire entendre raison, avec modestie mais fermet\u00e9, \u00e0 un public toujours plus large.<\/p>\n\n\n\n

En somme, son travail se caract\u00e9rise par une capacit\u00e9 \u00e0 d\u00e9velopper un discours et une argumentation, raisonnables, si ce n\u2019est rationnel, de telle sorte que th\u00e9orie et pratique puissent se rejoindre.<\/p>\n\n\n\n

Quand on \u00e9tudie le parcours d\u2019Aron, on ne peut qu\u2019\u00eatre frapp\u00e9 par la mani\u00e8re dont sa pens\u00e9e fait \u00e9cho \u00e0 l\u2019action, tout en gardant une distance critique. On en tire une inspiration pr\u00e9cieuse, m\u00eame si les crises semblent se d\u00e9velopper de mani\u00e8re in\u00e9luctable. Cela ne doit pas nous rendre pessimistes pour autant. Il n\u2019a \u00e9videmment pas tout anticip\u00e9, mais il nous a l\u00e9gu\u00e9 des outils de r\u00e9flexion. Ceux-ci peuvent para\u00eetre d\u00e9cevants par moments, mais il faut apprendre \u00e0 les utiliser. Car si nous nous pla\u00e7ons sur le terrain de nos adversaires, nous y serons toujours en position de faiblesse. Nous n\u2019avons ni leur capacit\u00e9 \u00e0 la violence, ni leur propension au manich\u00e9isme ou \u00e0 l\u2019id\u00e9ologie. Notre force r\u00e9side ailleurs, dans les valeurs, dans la nuance, dans la conscience de notre humanit\u00e9 commune. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

\u00ab  D\u00e8s sa soutenance de th\u00e8se en 1938, Aron affirmait que les d\u00e9mocraties pouvaient triompher\u2026  \u00bb<\/p>\n

Le r\u00e9alisme n’est pas l’esprit de d\u00e9faite \u2014 une conversation de fond sur Raymond Aron avec l’une de ses principales sp\u00e9cialistes, Perrine Simon-Nahum.<\/p>\n","protected":false},"author":11,"featured_media":310315,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-interviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[4751],"tags":[],"geo":[],"class_list":["post-310217","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-les-intellectuels-face-a-la-crise","staff-florian-louis","staff-pierre-ramond"],"acf":[],"yoast_head":"\nLa le\u00e7on de Raymond Aron face au tragique de l\u2019histoire\u00a0 | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" 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