{"id":30995,"date":"2019-04-18T06:57:54","date_gmt":"2019-04-18T04:57:54","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=30995"},"modified":"2020-03-02T14:35:58","modified_gmt":"2020-03-02T13:35:58","slug":"le-futur-de-lenergie-une-conversation-avec-lex-pdg-de-shell","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/04\/18\/le-futur-de-lenergie-une-conversation-avec-lex-pdg-de-shell\/","title":{"rendered":"Le futur de l’\u00e9nergie, une conversation avec l’ex-PDG de Shell"},"content":{"rendered":"\n
Jeroen van der Veer, ing\u00e9nieur et \u00e9conomiste n\u00e9erlandais, a occup\u00e9 la fonction cruciale de PDG de la compagnie p\u00e9troli\u00e8re et gazi\u00e8re Royal Dutch Shell de 2004 \u00e0 2009 \u2013 soci\u00e9t\u00e9 qu’il a contribu\u00e9 \u00e0 faire progresser vers davantage d\u2019investissements verts et de transparence. Il est actuellement membre du conseil d’administration d’Equinor et pr\u00e9sident du conseil de surveillance de Phillips, Van der Veer est \u00e9galement un membre actif du Forum \u00c9conomique Mondial (Davos) o\u00f9 il a notamment co-pr\u00e9sid\u00e9 le <\/em>Global Future Council on Energy. <\/em><\/p>\n\n\n\n
De votre point de vue, quelles sont les principales tendances des march\u00e9s mondiaux de l\u2019\u00e9nergie d\u2019aujourd\u2019hui ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Pour r\u00e9pondre \u00e0 cette question, il faut jeter un \u0153il au mix \u00e9nerg\u00e9tique global (en termes de consommation d’\u00e9nergie finale) et \u00e0 ses diff\u00e9rentes composantes, et ce dans un march\u00e9 mondial qui continue de cro\u00eetre. Sur la base d\u2019une croissance juste en dessous de 2 % par an \u2013 soit une croissance plus faible que celle du PIB mondial \u2013, on peut supposer que la demande \u00e9nerg\u00e9tique va doubler dans les 50 prochaines ann\u00e9es. On peut d\u2019ores et d\u00e9j\u00e0 compter sur des \u00e9conomies d\u2019\u00e9nergie. D\u00e8s lors, la question est plut\u00f4t : quelle sera l\u2019\u00e9volution de ce mix \u00e9nerg\u00e9tique mondial qui continue de cro\u00eetre parall\u00e8lement \u00e0 la demande ? On peut dire que les \u00e9nergies renouvelables vont prendre de l\u2019importance \u00e0 la fois en volume et en parts de march\u00e9, que le charbon est suppos\u00e9 d\u00e9cliner \u2013 pas forc\u00e9ment maintenant, mais cela arrivera \u2013 car le co\u00fbt total du charbon (c\u2019est-\u00e0-dire son co\u00fbt propre coupl\u00e9 au co\u00fbt de la tarification du CO2) sera \u00e0 long terme plus \u00e9lev\u00e9 que celui d\u2019autres sources d\u2019\u00e9nergie comme l\u2019\u00e9olien et le solaire. Le poids de la taxation carbone va donc rendre le charbon moins comp\u00e9titif. Je n\u2019ai pas encore fait mention d\u2019autres composantes dont je pense qu\u2019elles vont d\u00e9terminer le futur mix \u00e9nerg\u00e9tique. Le gaz naturel correspond \u00e0 une part march\u00e9 d\u2019un peu plus de 20 % dans le mix \u00e9nerg\u00e9tique actuel et cette part ne devrait pas varier. N\u00e9anmoins, sur les 50 prochaines ann\u00e9es, \u00e0 part constante mais sous un r\u00e9gime de croissance, le march\u00e9 du gaz en valeur absolue sera bien plus important qu\u2019il ne l\u2019est aujourd\u2019hui.<\/p>\n\n\n\n
De nombreux analystes pr\u00e9disent la fin de l\u2019\u00e9conomie p\u00e9troli\u00e8re tandis que d\u2019autres anticipent l\u2019av\u00e8nement d\u2019une \u00ab nouvelle \u00e9conomie du p\u00e9trole \u00bb dans laquelle les hydrocarbures liquides non conventionnels \u2013 en particulier le p\u00e9trole de schiste \u2013 joueront un r\u00f4le croissant dans la satisfaction de la demande et la stabilisation des prix. Quelle est votre position dans ce d\u00e9bat sur les changements structurels \u00e0 venir de l\u2019\u00e9conomie du p\u00e9trole ?<\/h3>\n\n\n\n
Lorsqu\u2019il s\u2019agit du p\u00e9trole, il n\u2019y a pas vraiment de consensus, mais beaucoup de sc\u00e9narios \u2013 \u00e0 l\u2019exception des plus extr\u00eames comme celui de Greenpeace \u2013 pr\u00e9disent qu\u2019en terme de quantit\u00e9 totale produite, le pic de production p\u00e9trolier serait atteint entre 2030 et 2040. Cela signifie que le p\u00e9trole perdra un peu de sa part de march\u00e9 chaque ann\u00e9e. Cela peut sembler surprenant, mais le p\u00e9trole repr\u00e9sentait 40 % de l\u2019\u00e9nergie consomm\u00e9e dans le monde en 2004. En 2018 c\u2019\u00e9tait 31 % : le p\u00e9trole a donc perdu environ 9 % en 15 ans. Si, par exemple, vous regardez 2050 en consid\u00e9rant que cette tendance baissi\u00e8re est maintenue, vous obtenez une demande pour le p\u00e9trole d\u2019au maximum 20 %. Une telle tendance va se poursuivre et, bien s\u00fbr, ne s\u2019arr\u00eatera pas.<\/p>\n\n\n\n
Pourquoi cette tendance se poursuivrait-elle ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Notamment parce qu\u2019il existe \u00e0 pr\u00e9sent des alternatives \u00e0 l\u2019utilisation du p\u00e9trole en mati\u00e8re de transport. Concernant le mod\u00e8le de la \u00ab nouvelle \u00e9conomie du p\u00e9trole \u00bb, je dirais que les sables p\u00e9trolif\u00e8res vont entra\u00eener une forte tarification du CO2, de sorte que leur extraction ne sera jamais r\u00e9ellement low cost<\/em>. Existe l\u2019option de la capture et du stockage du CO2 (CCS en anglais) mais, globalement, c\u2019est encore relativement cher. Maintenant, s\u2019agissant de l\u2019usage du p\u00e9trole : le p\u00e9trole peut \u00eatre utilis\u00e9 pour la production d\u2019\u00e9lectricit\u00e9, ce qui n\u2019est pas tr\u00e8s judicieux \u00e9tant donn\u00e9 qu\u2019il existe de nombreuses alternatives. Le p\u00e9trole est aussi largement utilis\u00e9 pour les transports, les voitures particuli\u00e8res ou le transport routier, surtout pour les transports de longue distance. Les voitures \u00e9lectriques arriveront, et pas seulement en Europe. Mais en Afrique, en Asie, aux \u00c9tats-Unis, au Canada et en Am\u00e9rique du Sud, il restera des \u00ab voitures fossiles \u00bb dans les temps \u00e0 venir. Les bateaux, surtout les plus gros, utiliseront probablement encore du p\u00e9trole bien que les GNL (gaz naturels liqu\u00e9fi\u00e9s) puissent repr\u00e9senter une alternative ad\u00e9quate. Les appareils pour lesquels la demande de p\u00e9trole ne devrait pas d\u00e9cro\u00eetre sont les avions : on peut am\u00e9liorer leur efficacit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique, mais il y a du chemin d\u2019ici \u00e0 les rendre \u00e9lectriques. Et enfin, il y a le p\u00e9trole utilis\u00e9 par l\u2019industrie p\u00e9trochimique (plastiques) et les lubrifiants. Voil\u00e0 les perspectives directrices de la future utilisation du p\u00e9trole, et elles sont la raison pour laquelle la demande en p\u00e9trole ne tombera pas \u00e0 z\u00e9ro \u2013 ou alors seulement \u00e0 tr\u00e8s long terme.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019\u00e9nergie nucl\u00e9aire sera-t-elle plus importante en 2050 ? Restera-t-elle stable ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Certains rapports indiquent que le futur du nucl\u00e9aire devrait \u00eatre assez bon avec une part de march\u00e9 aux alentours de 10 % de la consommation globale d\u2019\u00e9nergie finale, gr\u00e2ce \u00e0 la Chine qui construit de nouvelles centrales et \u00e0 la France qui d\u00e9veloppe une nouvelle technologie fonctionnelle et plus s\u00fbre (l\u2019EPR). Mais personne ne sait combien de r\u00e9acteurs seront commercialis\u00e9s dans les 30 prochaines ann\u00e9es. Je n\u2019ai aucun pronostic particulier pour les 10 \u00e0 20 prochaines ann\u00e9es, mais au-del\u00e0 les pays peuvent choisir d\u2019augmenter ou de diminuer l\u2019\u00e9nergie nucl\u00e9aire. Personne ne sait !<\/p>\n\n\n\n
Shell a d\u00e9velopp\u00e9 une division \u00ab Gaz Int\u00e9gr\u00e9 \u00bb d\u2019envergure mondiale. Quel r\u00f4le le gaz naturel va-t-il jouer dans le futur mix \u00e9nerg\u00e9tique de l\u2019Europe ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
\u00c0 mon avis, \u00e0 \u00e9chelle mondiale, le gaz va conserver sa part de march\u00e9 totale du fait de la combinaison entre la croissance rapide des gaz naturels liqu\u00e9fi\u00e9s (GNL), l\u2019augmentation du nombre de gazoducs et le gaz de schiste. Si l\u2019on pense au gaz d\u2019un point de vue europ\u00e9en, on pense au gaz provenant de Russie, de Norv\u00e8ge et de la mer du Nord, des Pays-Bas, d\u2019Alg\u00e9rie, et de petites poches en Irlande. Mais si l\u2019on regarde l\u2019ensemble, les tendances en Europe occidentale montrent que l\u2019Europe va importer davantage qu\u2019elle ne le fait aujourd\u2019hui ; que l\u2019approvisionnement norv\u00e9gien va devenir de plus en plus insuffisant et que le choix sera alors entre la Russie ou la voie des gazoducs en provenance de l\u2019Azerba\u00efdjan ou du Turkm\u00e9nistan \u2013 ce qui pose des questions complexes au vu des nombreux pays \u00e0 traverser. L\u2019Europe peut aussi obtenir son gaz d\u2019autres pays nord-africains. Il faut aussi consid\u00e9rer les GNL. Ils peuvent \u00eatre achemin\u00e9s par voie maritime depuis le Moyen-Orient en passant par le Canal de Suez, ou \u00e0 long terme depuis le Mozambique et la Tanzanie, ou depuis les USA avec le gaz de schiste. Les GNL ont \u00e0 peine commenc\u00e9 \u00e0 jouer un r\u00f4le en Europe, mais ils en auront un plus grand dans le futur<\/a>, car une d\u00e9pendance compl\u00e8te vis-\u00e0-vis de l\u2019Alg\u00e9rie et de la Russie ne peut \u00eatre souhaitable. <\/p>\n\n\n\n