{"id":304608,"date":"2025-11-08T18:00:00","date_gmt":"2025-11-08T17:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=304608"},"modified":"2025-11-08T17:25:22","modified_gmt":"2025-11-08T16:25:22","slug":"climat-la-decennie-critique-jorge-vinuales-presente-le-nouveau-numero-de-la-revue-europeenne-du-droit","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/11\/08\/climat-la-decennie-critique-jorge-vinuales-presente-le-nouveau-numero-de-la-revue-europeenne-du-droit\/","title":{"rendered":"\u00ab Climat : la d\u00e9cennie critique \u00bb, Jorge Vi\u00f1uales pr\u00e9sente le nouveau num\u00e9ro de la Revue europ\u00e9enne du droit"},"content":{"rendered":"\n

Vous venez de diriger aux c\u00f4t\u00e9s de Laurent Fabius le nouveau num\u00e9ro de la RED intitul\u00e9 Climat : la d\u00e9cennie critique<\/a>. Quel \u00e9tait l’objet de ce travail, \u00e0 la veille des dix ans de l’Accord de Paris ?<\/h3>\n\n\n\n

Notre objectif \u00e9tait double. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019une part, il s\u2019agissait de prendre du recul par rapport aux vicissitudes de l\u2019application de l\u2019Accord de Paris au cours de sa premi\u00e8re d\u00e9cennie de vie et, en particulier, dans un moment difficile de la coop\u00e9ration internationale en mati\u00e8re de climat.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019autre part, il fallait relier ce que l\u2019on peut appeler le pass\u00e9 profond \u2014 le temps g\u00e9ologique \u2014 et le futur profond \u2014 \u00e9galement en termes g\u00e9ologiques \u2014 pour comprendre que ce que les d\u00e9cideurs politiques et \u00e9conomiques feront, ou non, au cours de cette d\u00e9cennie critique qui d\u00e9terminera, \u00e0 bien des \u00e9gards, l\u2019avenir du climat et donc des rapports entre l\u2019humain et la nature.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019empreinte d\u2019une certaine partie de l\u2019humanit\u00e9 depuis la r\u00e9volution industrielle a pouss\u00e9 le syst\u00e8me Terre vers des limites de r\u00e9silience qui n\u2019avaient jamais \u00e9t\u00e9 autant mises \u00e0 l\u2019\u00e9preuve, du moins dans la br\u00e8ve histoire g\u00e9ologique de l\u2019esp\u00e8ce humaine. <\/p>\n\n\n\n

Nous sommes, litt\u00e9ralement, dans un moment \u2014 une d\u00e9cennie \u2014 charni\u00e8re, o\u00f9 les d\u00e9cisions politiques et \u00e9conomiques auront des r\u00e9percussions profondes et sans pr\u00e9c\u00e9dent. Et pourtant, bien des d\u00e9cideurs h\u00e9sitent encore, trop concentr\u00e9s sur le tr\u00e8s court terme. Relier ces deux temporalit\u00e9s, \u00e0 savoir la temporalit\u00e9 humaine d\u2019une action climatique qui s\u2019organise en ann\u00e9es, voire en d\u00e9cennies (tout juste une d\u00e9cennie pour l\u2019Accord de Paris), et la temporalit\u00e9 g\u00e9ologique du syst\u00e8me Terre, qui se voit d\u00e9sormais v\u00e9ritablement influenc\u00e9e par l\u2019action humaine \u00e0 court terme, voil\u00e0 l\u2019enjeu de ce num\u00e9ro.<\/p>\n\n\n\n

Et tout cela, naturellement, avec l\u2019\u0153il du juriste \u2014 mais aussi de certains d\u00e9cideurs politiques et \u00e9conomiques qui sont au c\u0153ur de l\u2019action.<\/p>\n\n\n\n

Dix ans apr\u00e8s l\u2019Accord de Paris, la COP30 s\u2019ouvre \u00e0 Bel\u00e9m en Amazonie. Le Pr\u00e9sident Lula<\/a> et Andr\u00e9 Aranha Corr\u00eaa do Lago<\/a>, Pr\u00e9sident de cette nouvelle COP, pr\u00e9sentent tous deux dans ce num\u00e9ro de larges ambitions pour cette rencontre. Quelle devrait \u00eatre, selon vous, la ou les priorit\u00e9s absolues de cette COP ?<\/h3>\n\n\n\n

On peut r\u00e9pondre \u00e0 cette question \u00e0 plusieurs niveaux.<\/p>\n\n\n\n

De mani\u00e8re assez fondamentale, je pense que la priorit\u00e9 actuellement est de retrouver la cr\u00e9dibilit\u00e9 de l\u2019ensemble du processus des n\u00e9gociations internationales et, en particulier, des n\u00e9gociations sous l\u2019\u00e9gide de l\u2019Accord de Paris.<\/p>\n\n\n\n

Au cours de ces derni\u00e8res ann\u00e9es, les ambigu\u00eft\u00e9s du texte de l\u2019accord, n\u00e9cessaires pour son adoption en 2015, sont devenues un obstacle majeur, tant les grands \u00e9metteurs de gaz \u00e0 effet de serre et les grands producteurs de combustibles fossiles, en ont tir\u00e9 parti pour continuer, voire \u00e9tendre, le comportement que l\u2019Accord cherche \u00e0 restreindre. Ce d\u00e9tournement a \u00e9t\u00e9 mis \u00e0 nu en d\u00e9cembre 2024, lors des plaidoiries de plus de cent \u00c9tats et organisations internationales, dans la proc\u00e9dure consultative sur le changement climatique devant la Cour internationale de Justice<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Mais la Cour, \u00e0 l\u2019unanimit\u00e9, a rappel\u00e9 l\u2019esprit de l\u2019Accord de Paris<\/a> et, sur cette base, a interpr\u00e9t\u00e9 de mani\u00e8re rigoureuse les obligations qui en d\u00e9coulent pour les \u00c9tats parties. Sur un plan plus \u00e9troit et plus technique, le d\u00e9veloppement et la communication de Contributions d\u00e9termin\u00e9es au niveau national (CDNN) bien plus ambitieuses, ainsi que la question du financement des pertes et pr\u00e9judices li\u00e9s au changement climatique sont, bien entendu, d\u2019une grande importance.<\/p>\n\n\n\n

Sur un troisi\u00e8me plan, des dossiers strat\u00e9giques, dont certains seulement font partie des n\u00e9gociations formelles \u2014 tels que la r\u00e9duction des \u00e9missions de m\u00e9thane, la transformation du syst\u00e8me de production de nourriture et, bien entendu, l\u2019op\u00e9rationnalisation de l\u2019accord obtenu lors de la COP28 visant \u00e0 poursuivre une transition hors des \u00e9nergies fossiles \u2014 devraient \u00e0 mon avis \u00eatre prioritaires.<\/p>\n\n\n\n

Le probl\u00e8me, c\u2019est que dans la situation g\u00e9opolitique actuelle, cela ne va nullement de soi.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s un nouveau retrait des \u00c9tats-Unis de l\u2019Accord de Paris<\/a>, et face aux priorit\u00e9s affich\u00e9es par certains ensembles g\u00e9ographiques en mati\u00e8re de d\u00e9veloppement<\/a>, le multilat\u00e9ralisme climatique semble fragilis\u00e9. Dans un monde aussi fragment\u00e9, des avanc\u00e9es climatiques significatives sont-elles encore possibles ? Est-ce le moment de passer d\u2019un multilat\u00e9ralisme universel \u00e0 un multilat\u00e9ralisme d\u2019alliances \u2014 plus restreint, mais plus efficace ?<\/p>\n\n\n\n

Le multilat\u00e9ralisme climatique \u2014 enclos dans le syst\u00e8me des COP \u2014 a montr\u00e9 qu\u2019il n\u2019est malheureusement pas \u00e0 la hauteur de la t\u00e2che.<\/p>\n\n\n\n

Cela ne veut pourtant pas dire qu\u2019il ne soit pas utile \u00e0 certains \u00e9gards mais uniquement que cette approche ne peut plus \u00eatre l\u2019approche principale.<\/p>\n\n\n\n

Il devrait rester en arri\u00e8re-plan pour certaines questions pr\u00e9cises, telles que la standardisation ou l\u2019harmonisation du commerce d\u2019\u00e9missions, de la comptabilit\u00e9, etc., ou pour son \u00ab convening power<\/em> \u00bb, offrant un rendez-vous annuel pour la conclusion ou l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration d\u2019autres processus qui se d\u00e9roulent en marge.<\/p>\n\n\n\n

Mais la possibilit\u00e9 de v\u00e9ritables avanc\u00e9es se d\u00e9place de plus en plus vers d\u2019autres fronts, tels que le contentieux climatique, notamment national, les politiques industrielles vertes, qu\u2019elles soient pr\u00e9sent\u00e9es ainsi ou non, la r\u00e9glementation des \u00e9missions de m\u00e9thane, et plus g\u00e9n\u00e9ralement le d\u00e9cloisonnement des forums o\u00f9 les questions climatiques peuvent d\u00e9sormais \u00eatre n\u00e9goci\u00e9es \u2014 \u00e0 la suite de la reconnaissance par la CIJ du fait que l\u2019ensemble du droit international comporte des obligations en mati\u00e8re de changement climatique<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019ambition climatique europ\u00e9enne<\/a>, que l\u2019on pr\u00e9sentait nagu\u00e8re comme partie int\u00e9grante de son identit\u00e9, para\u00eet aujourd\u2019hui s\u2019essouffler. L\u2019Europe est-elle en train de perdre le leadership moral et juridique qu\u2019elle revendiquait sur le climat ?<\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est difficile \u00e0 dire. Ce qui est certain, c\u2019est qu\u2019on devrait se pencher sur la r\u00e9alit\u00e9 et le d\u00e9tail des faits plut\u00f4t que sur le discours politique et m\u00e9diatique qui v\u00e9hicule une telle id\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

En tant qu\u2019observateur externe, ce que je constate est que le moteur, aussi bien en Europe qu\u2019ailleurs \u2014 notamment et surtout en Chine<\/a> \u2014 des politiques climatiques rel\u00e8ve en grande partie de la comp\u00e9titivit\u00e9 \u00e9conomique dans l\u2019\u00e9conomie de demain, qui sera tr\u00e8s diff\u00e9rente. <\/p>\n\n\n\n

Cette transformation est par ailleurs aussi dict\u00e9e par des besoins de s\u00e9curit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique. <\/p>\n\n\n\n

Le d\u00e9veloppement d\u2019\u00e9nergies renouvelables pour la production d\u2019\u00e9lectricit\u00e9, l\u2019\u00e9lectrification croissante du transport et des services thermiques et l\u2019investissement en efficience \u00e9nerg\u00e9tique, sont autant de mani\u00e8res de r\u00e9duire les \u00e9missions mais aussi les co\u00fbts de production ainsi que les risques d\u2019approvisionnement de ressources fossiles. Le processus de simplification actuellement en cours en Europe va dans cette direction, m\u00eame si la justification morale semble d\u00e9sormais moins mise en avant. Par ailleurs, l\u2019action climatique est facile \u00e0 pointer du doigt par les partis populistes, alors que la r\u00e9duction des co\u00fbts et la s\u00e9curit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique sont des objets discursifs beaucoup plus difficiles \u00e0 manipuler.<\/p>\n\n\n\n

Vous avez conseill\u00e9 le Vanuatu dans la proc\u00e9dure qui a conduit au premier avis consultatif de la Cour internationale de justice sur le climat. Quels sont, selon vous, les apports majeurs de cet avis pour le droit international ?<\/h3>\n\n\n\n

Il s\u2019agit d\u2019un avis d\u2019une importance sans pr\u00e9c\u00e9dent pour le long terme<\/a>. <\/p>\n\n\n\n

Pourquoi ?<\/h3>\n\n\n\n

Parce que la Cour, \u00e0 l\u2019unanimit\u00e9, affirme que l\u2019ensemble du droit international est potentiellement pertinent pour le changement climatique et que nombre de r\u00e8gles et d\u2019instruments contiennent des obligations en mati\u00e8re de changement climatique.<\/p>\n\n\n\n

Cela d\u00e9cloisonne les fronts de n\u00e9gociation et d\u2019action, ouvrant des voies qui autrefois \u00e9taient limit\u00e9es par la r\u00e9f\u00e9rence, tactique, au processus des COP. \u00c0 la diff\u00e9rence des COP, qui op\u00e8re par consensus, des forums comme l\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale de l\u2019ONU peuvent adopter des r\u00e9solutions \u00e0 la majorit\u00e9 des voix. Dans le pass\u00e9, les \u00c9tats en d\u00e9veloppement et nouvellement ind\u00e9pendants se sont fond\u00e9s sur l\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale pour red\u00e9finir, de l\u2019int\u00e9rieur, un droit international dont la formation et le contenu pr\u00e9c\u00e9daient leur ind\u00e9pendance. Cela a certes pris du temps, mais le droit, en particulier le droit international, s\u2019inscrit dans la dur\u00e9e<\/a>. Par ailleurs, la Cour identifie de mani\u00e8re pr\u00e9cise le comportement responsable du changement climatique, \u00e0 la lumi\u00e8re des conclusions scientifiques, notamment du Groupe d\u2019experts intergouvernemental sur l\u2019\u00e9volution du climat (GIEC)<\/a>. Mais c\u2019est fondamental car des comportements qui jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent se cachaient en pleine lumi\u00e8re sont d\u00e9sormais identifi\u00e9s comme susceptibles d\u2019engager la responsabilit\u00e9 internationale de l\u2019\u00c9tat.<\/p>\n\n\n\n

Enfin, l\u2019accent de la Cour sur ce qu\u2019on peut appeler l\u2019esprit de Paris, \u00e0 savoir le texte de l\u2019Accord interpr\u00e9t\u00e9 de bonne foi et \u00e0 la lumi\u00e8re de l\u2019urgence climatique, telle que la science nous la d\u00e9crit, \u00e9tait indispensable. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019avis \u00e9tablit un lien explicite entre changement climatique et droits humains<\/a>. Peut-on dire que le droit du climat est en train de devenir une nouvelle branche du droit des droits fondamentaux ?<\/h3>\n\n\n\n

Je me m\u00e9fie des r\u00e9f\u00e9rences aux \u00ab branches \u00bb du droit international, tant elles ont tendance \u00e0 renfermer dans un cadre \u00e9troit et artificiel des questions qui exigent l\u2019application de r\u00e8gles issues des divers instruments et sources.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019instar du droit du \u00ab d\u00e9veloppement \u00bb ou du droit de l\u2019\u00ab \u00e9nergie \u00bb, le droit du \u00ab climat \u00bb est l\u2019ensemble du droit international examin\u00e9 du point de vue de l\u2019objet climat ou, plus pr\u00e9cis\u00e9ment, des comportements responsables du changement climatique. Dans cet ensemble, les droits fondamentaux ont un r\u00f4le tr\u00e8s important du fait de leur caract\u00e8re \u00ab amphibien \u00bb \u2014 \u00e0 savoir qu\u2019ils s\u2019appliquent de mani\u00e8re directe aussi bien sur le plan national qu\u2019international, et de leur capacit\u00e9 \u00e0 personnaliser ou situer une question qui, autrement, semblerait trop vaste pour \u00eatre saisie par le droit.<\/p>\n\n\n

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\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\tClimat : la d\u00e9cennie critique\t\t\t\t\t<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t
\n\t\t\t\t\t\t\t

Dix ans apr\u00e8s l’accord de Paris, le droit peut-il nous aider \u00e0 affronter la d\u00e9cennie qui vient  ?<\/p>\n

Le nouveau num\u00e9ro de la Revue europ\u00e9enne du droit (RED) est dirig\u00e9 par Laurent Fabius et Jorge Vi\u00f1uales.<\/p>\n

Disponible en pr\u00e9-commande.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t

\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\u2192<\/span> D\u00e9couvrer le num\u00e9ro<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\u2192<\/span> T\u00e9l\u00e9charger le PDF<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\u2192<\/span> Pr\u00e9-commander le num\u00e9ro papier<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\u2192<\/span> En savoir plus sur la RED<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t
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Avec les contributions de Yann Aguila, Andr\u00e9 Anranha Corr\u00eaa do Lago, Fatih Birol, Marko Bo\u0161njak, Etienne Espagne, Daniel Esty, Laurent Fabius, Emanuela Fronza, R\u00e9my Heitz, Anne Hidalgo, Dale Jamieson, Ariane Joab Cornu, Ginevra Le Moli, Zhenmin Liu, Luiz In\u00e1cio Lula, Jean-Fran\u00e7ois Mercure, Alexandria Mishko, Baptiste Morizot, Laurent Neyret, Adam Nieto, Damilola Olawuyi, B\u00e9atrice Parance, Cyril Ramaphosa, Teresa Ribera, Pedro Sanchez, Jim Skea, Christophe Soulard, Anne Stevignon, Didier Tabuteau, Volker T\u00fcrk, Sebastian Valdecantos, Luis Vassy, Jorge Vi\u00f1uales.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t

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L\u2019avis de la CIJ cite directement des travaux d\u2019experts et des rapports scientifiques. Jim Skea, le Pr\u00e9sident du GIEC<\/a> et Fatih Birol, Directeur ex\u00e9cutif de l’Agence internationale de l’\u00e9nergie<\/a>,  consacrent chacun une contribution \u00e0 ce num\u00e9ro. Jusqu\u2019o\u00f9 les juges peuvent-ils \u2014 ou doivent-ils \u2014 s\u2019appuyer sur la science pour fonder leurs d\u00e9cisions ? En France, la justice reste souvent r\u00e9ticente \u00e0 s\u2019appuyer sur des notions scientifiques complexes. Le droit fran\u00e7ais devrait-il \u00e9voluer pour mieux int\u00e9grer la science du climat ?<\/h3>\n\n\n\n

En pr\u00e9paration de l\u2019audience de d\u00e9cembre 2024, les membres de la CIJ ont rencontr\u00e9 une d\u00e9l\u00e9gation de scientifiques du GIEC.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019\u00e9tait une d\u00e9marche importante qui montre \u00e0 quel point la Cour \u00e9tait consciente de l\u2019importance historique de la proc\u00e9dure ainsi que du besoin de comprendre des notions complexes mais centrales \u00e0 la question climatique. Un \u00e9l\u00e9ment \u00e0 noter est que les R\u00e9sum\u00e9s \u00e0 l\u2019intention des d\u00e9cideurs des rapports du GIEC, o\u00f9 se trouvent les principales conclusions, sont adopt\u00e9s par consensus par les 195 \u00c9tats membres du GIEC. Cela donne au juge, aussi bien international que national, une assurance suppl\u00e9mentaire puisque les \u00c9tats en litige eux-m\u00eames ont d\u00e9j\u00e0 accept\u00e9 ces conclusions. Ils ne peuvent pas, de bonne foi \u2014 et cela a son importance juridiquement \u2014 les contester dans le cadre d\u2019un litige.<\/p>\n\n\n\n

Lorsque la question scientifique se pose dans un contentieux o\u00f9 des \u00c9tats ne sont pas parties, la source de l\u2019argument scientifique est, \u00e9videmment, une question fondamentale. Mais le juge dispose de pouvoirs proc\u00e9duraux suffisants dans la plupart des juridictions pour se former une opinion neutre et ind\u00e9pendante, lorsque cela est n\u00e9cessaire, sur des questions scientifiques. Ceci dit, en mati\u00e8re de changements climatiques, les connaissances scientifiques sont extr\u00eamement d\u00e9velopp\u00e9es et solides, bien plus, par exemple, qu\u2019en mati\u00e8re de politique \u00e9conomique.<\/p>\n\n\n\n

La r\u00e9f\u00e9rence au GIEC ainsi qu\u2019\u00e0 d\u2019autres institutions qui jouissent d\u2019une cr\u00e9dibilit\u00e9 scientifique et institutionnelle comparable, telle que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversit\u00e9 et les services \u00e9cosyst\u00e9miques (IPBES), ne devrait donc pas poser de probl\u00e8me en pratique.<\/p>\n\n\n\n

Si les gouvernements semblent faire du surplace, les juges avancent donc. Les contributions de Christophe Soulard, Premier pr\u00e9sident de la Cour de Cassation<\/a>, Didier Tabuteau, vice-pr\u00e9sident du Conseil d\u2019Etat<\/a> et de Marko Bo\u0161njak, qui vient de terminer son mandat de pr\u00e9sident de la CEDH<\/a> montrent l\u2019apport essentiel du juge sur les questions climatiques depuis l\u2019Accord de Paris. Ne peut-on pas affirmer en ce sens que le juge est aujourd\u2019hui l\u2019acteur le plus r\u00e9silient et ambitieux de la lutte contre le r\u00e9chauffement climatique ? Dans quelle mesure les d\u00e9cisions de la CIJ et de la CEDH tendent-elles \u00e0 dessiner une \u00ab grammaire commune \u00bb des droits humains face au changement climatique  ? <\/h3>\n\n\n\n

Ce qui est per\u00e7u comme des \u00ab perc\u00e9es \u00bb judiciaires n\u2019est, en r\u00e9alit\u00e9, qu\u2019une application ordinaire du droit, national et international, \u00e0 des circonstances complexes mais tout de m\u00eame susceptibles de d\u00e9termination par voie judiciaire.<\/p>\n\n\n\n

Le probl\u00e8me principal vient du fait que la loi elle-m\u00eame, lorsqu\u2019elle existe, laisse une marge de man\u0153uvre assez large aux gouvernements et que ceux-ci l\u2019ont employ\u00e9e de mani\u00e8re \u00e0 prot\u00e9ger, en priorit\u00e9, les processus \u00e9conomiques plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 y mettre des limites, m\u00eame lorsque le droit et la science l\u2019exigent. J\u2019ai toujours \u00e9t\u00e9 surpris par rapport \u00e0 l\u2019affirmation, totalement erron\u00e9e, que le droit international de l\u2019environnement n\u2019est pas obligatoire du fait de la formulation g\u00e9n\u00e9rale de ses normes. Cela reviendrait \u00e0 affirmer que le droit constitutionnel ou le droit des investissements par exemple \u2014 qui sont \u00e9galement formul\u00e9s de mani\u00e8re tr\u00e8s g\u00e9n\u00e9rale \u2014 ne sont pas obligatoires.<\/p>\n\n\n\n

Dans un tel contexte, le rappel par le juge que le droit pose des exigences concr\u00e8tes en mati\u00e8re de changement climatique est essentiel et, de ce fait, il est per\u00e7u comme \u00ab ambitieux \u00bb ou \u00ab activiste \u00bb. Quant aux grammaires communes, la circulation de concepts et d\u2019approches juridiques peut partir de d\u00e9cisions aussi bien internes qu\u2019internationales.<\/p>\n\n\n\n

Par exemple, les tribunaux des Pays-Bas ont, \u00e0 partir de l\u2019affaire Urgenda<\/em>, \u00e9tabli l\u2019importance d\u2019une norme assez ordinaire de droit civil, le devoir de diligence \u2014 standard of care<\/em> \u2014, en mati\u00e8re de changement climatique, suite \u00e0 quoi cette approche a \u00e9t\u00e9 employ\u00e9e dans d\u2019autres juridictions. De m\u00eame, la conclusion de la Cour Supr\u00eame du Royaume-Uni dans l\u2019affaire Finch selon laquelle les \u00e9tudes d\u2019impact environnemental doivent prendre en compte les \u00e9missions dites \u00ab scope 3 \u00bb, \u00e0 savoir celles qui sont issues de la consommation des combustibles fossiles, a par la suite \u00e9t\u00e9 reprise par d\u2019autres tribunaux nationaux et internationaux, y compris la CIJ et la CEDH. Un ph\u00e9nom\u00e8ne analogue se dessine en mati\u00e8re de responsabilit\u00e9 pour dommage climatique, avec les d\u00e9cisions Lliuya<\/em> en Allemagne et Smith vs. Fonterra<\/em> en Nouvelle-Z\u00e9lande, qui reconnaissent le principe d\u2019une responsabilit\u00e9 dans le cadre des syst\u00e8mes de droit civil et de common law<\/em>. La CIJ a \u00e9galement reconnu le principe d\u2019une responsabilit\u00e9 internationale de l\u2019\u00c9tat pour fait internationalement illicite dans son avis de juillet 2025. Certes, des instances internationales peuvent atteindre un ensemble plus large de tribunaux nationaux et internationaux. Par exemple, la capacit\u00e9 d\u2019agir, telle que con\u00e7ue par la CEDH dans les affaires KlimaSeniorinnen<\/em> et, plus r\u00e9cemment, Greenpeace Nordic<\/em>, a vocation \u00e0 jouer un grand r\u00f4le dans le d\u00e9veloppement d\u2019une grammaire commune.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s le premier retrait am\u00e9ricain de l\u2019Accord de Paris, les villes s\u2019\u00e9taient affirm\u00e9es comme acteurs du climat<\/a>. Peuvent-elles r\u00e9ellement compenser l\u2019inaction des \u00c9tats ? De m\u00eame, on observe en parall\u00e8le un dynamisme croissant du march\u00e9 et des acteurs priv\u00e9s<\/a> \u2014 peuvent-ils devenir des alli\u00e9s cr\u00e9dibles du climat ?<\/h3>\n\n\n\n

Cela d\u00e9pend largement de la structure interne de l\u2019\u00c9tat qu\u2019on consid\u00e8re et, plus sp\u00e9cifiquement, de la marge de man\u0153uvre dont dispose chaque ville.<\/p>\n\n\n\n

Par exemple, Tokyo a lanc\u00e9 un syst\u00e8me de plafonnement et d\u2019\u00e9change de cr\u00e9dits carbone d\u00e8s 2010. M\u00eame lorsqu\u2019une telle initiative n\u2019est pas prise au niveau d\u2019une ville, elle peut \u00eatre adopt\u00e9e \u00e0 un niveau sub-\u00e9tatique, comme c\u2019est le cas de la Californie, du Qu\u00e9bec et de nombre d\u2019autres entit\u00e9s sub-\u00e9tatiques. Parfois, deux syst\u00e8mes peuvent op\u00e9rer en parall\u00e8le, comme dans le cas du syst\u00e8me ETS de la Chine et du Tianjin \u2014 ou d\u2019autres unit\u00e9s r\u00e9gionales. La question principale n\u2019est donc pas tant le fait que les villes concentrent la plupart de la population mondiale et sont donc une source majeure d\u2019\u00e9missions \u2014 c\u2019est act\u00e9. Mais encore faut-il d\u00e9terminer leur marge d\u2019action, notamment lorsque le contexte politique interne cr\u00e9e des vitesses diff\u00e9rentes \u00e0 diverses \u00e9chelles nationales.<\/p>\n\n\n\n

Quant aux acteurs priv\u00e9s, je pense que le principal d\u00e9veloppement n\u2019est pas \u00e0 chercher dans les promesses z\u00e9ro carbone, les politiques d\u2019entreprise ou le reporting<\/em> ESG, mais plut\u00f4t sur l\u2019\u00e9mergence d\u2019une \u00e9conomie verte extr\u00eamement performante. D\u2019apr\u00e8s des \u00e9tudes portant sur le Royaume-Uni et la Chine, les secteurs que l\u2019on peut appeler z\u00e9ro carbone ont une vitesse de croissance trois fois plus \u00e9lev\u00e9e que la moyenne nationale.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019engagement cr\u00e9dible est donc \u00e0 chercher dans le fait qu\u2019une partie croissante de l\u2019\u00e9conomie priv\u00e9e choisit et investit dans ces secteurs.<\/p>\n\n\n\n

Quels sont les outils prioritaires dont le juge ou un ex\u00e9cutif devrait pouvoir disposer pour avancer ? Les fondements de la responsabilit\u00e9 environnementale doivent-ils \u00eatre revus ? Par exemple, Laurent Neyret et Baptiste Morizot consacrent dans ce num\u00e9ro une contribution essentielle sur la d\u00e9finition d\u2019un \u00ab principe habitabilit\u00e9 \u00bb<\/a>. Le droit p\u00e9nal est-il en train de devenir le bras arm\u00e9 de la protection de l\u2019environnement<\/a> \u2014 comme il continue de l\u2019\u00eatre pour les droits humains ? La question de l\u2019\u00e9cocide est elle aussi sp\u00e9cifiquement trait\u00e9e par Emanuela Fronza et Adan Nieto dans le num\u00e9ro<\/a>\u2026<\/h3>\n\n\n\n

Cela d\u00e9pend de l\u2019objectif recherch\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

De mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale, si l\u2019on vise sp\u00e9cifiquement la transformation du syst\u00e8me \u00e9nerg\u00e9tique, y compris l\u2019\u00e9lectricit\u00e9, le transport et les services thermiques, l\u2019exp\u00e9rience montre qu\u2019un mix de politiques \u2014 subventions, taxes, r\u00e9glementations, mandats \u2014 cibl\u00e9es sur certaines technologies fonctionne beaucoup mieux que les politiques sp\u00e9cifiques \u2014 une taxe carbone cens\u00e9e internaliser une externalit\u00e9 n\u00e9gative et laisser le march\u00e9 faire sa magie \u2014 pr\u00f4n\u00e9es par une th\u00e9orie \u00e9conomique n\u00e9oclassique qui semble d\u00e9pass\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Le droit structure ces politiques de plusieurs mani\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n

Tout d\u2019abord, les politiques elles-m\u00eames doivent \u00eatre traduites en forme de droit, qu\u2019il s\u2019agisse de lois, de r\u00e9glementations, de circulaires ou d\u2019autres instruments. <\/p>\n\n\n\n

Ensuite, cet outillage juridique n\u2019intervient pas dans un vide, mais dans un cadre hautement \u00ab juridifi\u00e9 \u00bb \u2014 que ce soit par des lois g\u00e9n\u00e9rales, des droits et garanties constitutionnels, des droits de propri\u00e9t\u00e9 et, bien entendu, la norme en mati\u00e8re de protection de l\u2019environnement. Enfin, le droit national reste tout de m\u00eame soumis au droit international, que ce soit du point de vue des accords environnementaux \u2014 comme avec l\u2019Accord de Paris \u2014, des droits fondamentaux de la personne humaine \u2014 comme le droit de la CEDH \u2014 ou du droit \u00e9conomique \u2014 comme le syst\u00e8me d\u2019accords de l\u2019OMC ou les trait\u00e9s en mati\u00e8re d\u2019investissements.<\/p>\n\n\n\n

En Europe, le droit europ\u00e9en op\u00e8re \u00e9galement aussi bien comme partie du droit interne que comme droit international.<\/p>\n\n\n\n

Le point principal, \u00e0 mon avis, consiste donc \u00e0 organiser des trajectoires juridiquement solides et difficiles \u00e0 attaquer, permettant de guider la transformation du syst\u00e8me \u00e9nerg\u00e9tique. <\/p>\n\n\n\n

Vous avez longtemps plaid\u00e9 pour un grand pacte \u00e9cologique, notamment aux c\u00f4t\u00e9s de Yann Aguila, \u00e9galement auteur d\u2019une contribution ce num\u00e9ro<\/a>. \u00c0 quoi ressemblerait, selon vous, un tel pacte au XXIe si\u00e8cle ? Dans un monde travers\u00e9 par la d\u00e9fiance, les guerres et les replis nationaux, pensez-vous qu\u2019un nouveau pacte \u00e9cologique mondial est encore possible \u2014 ou faut-il plut\u00f4t construire un droit du climat \u00ab par morceaux \u00bb, \u00e0 plusieurs vitesses ? <\/h3>\n\n\n\n

Je pense que, pr\u00e9cis\u00e9ment du fait des divisions, il est important d\u2019asseoir des principes communs.<\/p>\n\n\n\n

Le Pacte mondial pour l\u2019environnement que nous avons soutenu avec bien d\u2019autres coll\u00e8gues cherchait, au fond, \u00e0 asseoir deux piliers, \u00e0 savoir un droit fondamental \u00e0 un environnement d\u2019une certaine qualit\u00e9 et un devoir de diligence en rapport avec les comportements susceptibles de nuire \u00e0 l\u2019environnement. Ces deux piliers existent d\u00e9j\u00e0 dans nombre de l\u00e9gislations internes.<\/p>\n\n\n\n

Sur le plan international, la reconnaissance d\u2019un droit \u00e0 un environnement propre, sain et durable s\u2019est fray\u00e9 un chemin depuis 2021.<\/p>\n\n\n\n

Dans son avis de juillet 2025 sur le changement climatique, la CIJ l\u2019a express\u00e9ment reconnu en tant que tel, soulignant qu\u2019il est n\u00e9cessaire \u00e0 l\u2019exercice des autres droits et, m\u00eame si elle ne l\u2019a pas dit express\u00e9ment, acceptant son ancrage en droit international coutumier. Le devoir de diligence, quant \u00e0 lui, fait partie de l\u2019obligation de pr\u00e9vention qui est fermement ancr\u00e9e en droit international, mais il reste \u00e0 clarifier l\u2019\u00e9tendue du sujet de l\u2019obligation.<\/p>\n\n\n\n

Le Pacte aurait fourni une solution claire \u00e0 ces questions, mais comme nous le constatons, les diverses pi\u00e8ces du puzzle peuvent se mettre en place de diff\u00e9rentes mani\u00e8res, plus simples ou plus complexes.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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