{"id":304543,"date":"2025-11-07T20:49:23","date_gmt":"2025-11-07T19:49:23","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=304543"},"modified":"2025-11-07T21:10:29","modified_gmt":"2025-11-07T20:10:29","slug":"face-a-trump-le-futur-de-leurope-est-avec-lamerique-latine","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/11\/07\/face-a-trump-le-futur-de-leurope-est-avec-lamerique-latine\/","title":{"rendered":"Face \u00e0 Trump, le futur de l\u2019Europe est avec l’Am\u00e9rique latine"},"content":{"rendered":"\n
Depuis janvier, un trumpisme plus radicalis\u00e9, organis\u00e9, strat\u00e9gique et disruptif a pris le contr\u00f4le de la Maison-Blanche. En quelques mois, il a transform\u00e9 les relations h\u00e9misph\u00e9riques et le lien transatlantique.\u00a0Cette nouvelle donne conditionne \u00e9galement le troisi\u00e8me c\u00f4t\u00e9 de ce triangle g\u00e9opolitique : les relations entre l’Union europ\u00e9enne et l’Am\u00e9rique latine.<\/p>\n\n\n\n
Trump souhaite r\u00e9tablir une relation de subordination avec ce que Washington appelle \u00ab l’h\u00e9misph\u00e8re occidental \u00bb. <\/p>\n\n\n\n
Dans son discours d’investiture<\/a>, il a fait appel \u00e0 la vieille doctrine de la \u00ab destin\u00e9e manifeste \u00bb et a annonc\u00e9 une politique \u00e9trang\u00e8re qui convoque l’exceptionnalisme et le providentialisme, affirmant que \u00ab les \u00c9tats-Unis se consid\u00e9reront \u00e0 nouveau comme une nation en croissance, qui accro\u00eet sa richesse et \u00e9tend son territoire\u2026 et nous poursuivrons notre destin\u00e9e manifeste vers les \u00e9toiles \u00bb. <\/p>\n\n\n\n Cette rh\u00e9torique renvoie au nationalisme imp\u00e9rial du XIXe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n Ce n’est pas un hasard si Trump a \u00e9galement rendu hommage \u00e0 des pr\u00e9sidents tels que William McKinley ou Theodore Roosevelt, protagonistes de l’annexion de Porto Rico, de Guam, des Philippines ou d’Hawa\u00ef, de la s\u00e9cession du Panama pour permettre la construction du canal, ou de la guerre de Cuba.<\/p>\n\n\n\n McKinley, en tant que s\u00e9nateur et pr\u00e9sident, est \u00e9galement entr\u00e9 dans l’histoire comme l’initiateur du \u00ab tarif McKinley \u00bb et d’une politique de nationalisme \u00e9conomique fort ; Roosevelt, lui, a formul\u00e9 un c\u00e9l\u00e8bre corollaire \u00e0 la doctrine Monroe, qui en a chang\u00e9 le sens : proclam\u00e9e en 1823 pour freiner les nouvelles tentations coloniales des m\u00e9tropoles europ\u00e9ennes en Am\u00e9rique latine, elle a \u00e9t\u00e9 reformul\u00e9e en 1904 comme pr\u00e9texte \u00e0 un cycle interventionniste brutal des \u00c9tats-Unis dans une r\u00e9gion qui est devenue leur \u00ab arri\u00e8re-cour \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Comme l’affirme Gideon Rachman<\/a>, cet esprit expansionniste et ultranationaliste renouvel\u00e9, ainsi que la volont\u00e9 d’ordonner le monde \u00e0 partir d’un petit groupe d\u2019\u00ab hommes forts \u00bb, placent \u00e9galement Trump aux c\u00f4t\u00e9s de la Russie de Poutine, avec laquelle il partage une affinit\u00e9 id\u00e9ologique \u00e9vidente, ou de la Chine de Xi Jinping <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n Ce discours r\u00e9pond en partie \u00e0 la strat\u00e9gie performative d’une volont\u00e9 de puissance renouvel\u00e9e <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Mais il va plus loin : Trump a directement menac\u00e9 le Canada, le Panama et le Groenland \u2014 qui fait partie d’un \u00c9tat membre de l’Union \u2014 en d\u00e9clarant : \u00ab Nous avons besoin du Groenland pour des raisons de s\u00e9curit\u00e9 nationale \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Il ne s’agit pas tant du risque d’une invasion que de la promotion d’un r\u00e9f\u00e9rendum d’autod\u00e9termination qui conduirait \u00e0 un Groenland formellement ind\u00e9pendant mais d\u00e9pendant des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Ailleurs, on recourt \u00e0 une politique telle qu\u2019une brute en m\u00e8nerait dans une cour de r\u00e9cr\u00e9ation. C’est le cas au Panama, o\u00f9 Trump a remis en question les accords Torrijos-Carter de 1973, accusant faussement la Chine de contr\u00f4ler le canal ; il a m\u00eame d\u00e9cr\u00e9t\u00e9 que le golfe du Mexique serait d\u00e9sormais appel\u00e9 \u00ab golfe d’Am\u00e9rique \u00bb. Google Maps, pr\u00e9venant, s’est empress\u00e9 d’appliquer ce changement pour toutes les connexions Internet depuis les \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Le commerce et les finances ont \u00e9galement \u00e9t\u00e9 utilis\u00e9s comme des armes dans une croisade id\u00e9ologique visible, comme cela a \u00e9t\u00e9 le cas avec l’arsenalisation des droits de douane contre le Br\u00e9sil, en soutien explicite \u00e0 Jair Bolsonaro face \u00e0 sa condamnation judiciaire pour coup d’\u00c9tat. Le cas de l’Argentine illustre \u00e9galement cette ing\u00e9rence sans complexe, Trump recourant dans ce cas \u00e0 la \u00ab diplomatie du ch\u00e9quier \u00bb et \u00e0 l’utilisation du dollar comme arme pour soutenir des alli\u00e9s id\u00e9ologiques lors d’\u00e9lections. <\/p>\n\n\n\n Les \u00c9tats-Unis soutiennent la \u00ab buk\u00e9lisation \u00bb de la s\u00e9curit\u00e9 : plus de fermet\u00e9, plus d’autoritarisme.<\/p>Josep Borrell et Jos\u00e9 Antonio Sanahuja<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le nouvel interventionnisme am\u00e9ricain<\/a> n’exclut pas le recours \u00e0 la force, ni dans les discours ni dans les faits : le d\u00e9ploiement d’un puissant groupe a\u00e9ronaval dans les Cara\u00efbes et les attaques r\u00e9p\u00e9t\u00e9es<\/a> contre de pr\u00e9tendus \u00ab narco-bateaux \u00bb, comme une mise \u00e0 jour de la \u00ab diplomatie de la canonni\u00e8re \u00bb, pourraient annoncer des op\u00e9rations arm\u00e9es visant \u00e0 forcer un changement de r\u00e9gime au Venezuela<\/a>.<\/p>\n\n\n\n La politique \u00e9trang\u00e8re de Trump comporte des \u00e9l\u00e9ments de continuit\u00e9, comme l\u2019endiguement de la Chine, mais aussi des changements radicaux, comme le rapprochement avec la Russie \u2014 au d\u00e9triment du lien transatlantique. L’Am\u00e9rique latine occupe \u00e9galement une place clef dans la politique America First<\/em>. Selon le secr\u00e9taire d’\u00c9tat, Marco Rubio, la r\u00e9gion est essentielle pour endiguer l’immigration et le trafic de drogue, contenir la Chine et affronter les ennemis id\u00e9ologiques <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans le cadre de ces objectifs, selon Rubio, \u00ab les pays qui collaborent seront r\u00e9compens\u00e9s ; ceux qui ne le font pas devront faire face \u00e0 la puissance des \u00c9tats-Unis \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Ces objectifs r\u00e9pondent \u00e0 la difficile conciliation des priorit\u00e9s d\u00e9finies par les \u00ab tribus politiques \u00bb qui entourent Trump : certaines accordent la priorit\u00e9 aux questions internes qui mobilisent sa base \u00e9lectorale (drogue et migration), d\u2019autres plaident en faveur d’une politique \u00e9trang\u00e8re centr\u00e9e sur la Chine ; d\u2019autres encore d\u00e9fendent une croisade id\u00e9ologique mondiale fonctionnelle \u00e0 la primaut\u00e9 des \u00c9tats-Unis <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans les relations avec l’Am\u00e9rique latine, comme on le verra, ces priorit\u00e9s conduisent parfois \u00e0 des politiques contradictoires et incoh\u00e9rentes.<\/p>\n\n\n\n La politique d\u2019endiguement et de contr\u00f4le migratoire affecte surtout le plan interne, avec les arrestations et les expulsions massives<\/a> de l’agence de contr\u00f4le des fronti\u00e8res (ICE), qui touchent une population en grande partie d’origine latino-am\u00e9ricaine.<\/p>\n\n\n\n Il est \u00e9vident qu’il n’est pas possible d’expulser les 14 millions de sans-papiers qui vivent aujourd’hui aux \u00c9tats-Unis ; le march\u00e9 du travail ne le supporterait pas, mais cette menace g\u00e9n\u00e8re la peur, l’exploitation au travail et vise \u00e0 intimider les migrants potentiels. Cette politique peut nuire aux pays latino-am\u00e9ricains qui d\u00e9pendent des transferts de fonds ; elle affecte \u00e9galement les r\u00e9fugi\u00e9s et les demandeurs d’asile. La Cour supr\u00eame a d\u00e9j\u00e0 autoris\u00e9 la r\u00e9vocation par d\u00e9cret de la protection juridique pour un demi-million de personnes originaires de Cuba, d’Ha\u00efti, du Nicaragua et du Venezuela.<\/p>\n\n\n\n Pr\u00e8s d’un million de personnes pourraient perdre leur statut et \u00eatre expos\u00e9es \u00e0 l’expulsion, ce qui revient \u00e0 suspendre de facto<\/em> le droit d’asile aux \u00c9tats-Unis. <\/p>\n\n\n\n Trump cherche \u00e9galement \u00e0 externaliser le contr\u00f4le migratoire et \u00e0 faire accepter les expuls\u00e9s par les pays voisins. La Colombie a \u00e9t\u00e9 le premier cas : face \u00e0 la r\u00e9sistance initiale de Gustavo Petro<\/a>, Trump a menac\u00e9 d’imposer des droits de douane et des restrictions de visas. En quelques heures, la Colombie a recul\u00e9, consciente que les \u00c9tats-Unis sont son principal march\u00e9. Paralys\u00e9e par les divisions id\u00e9ologiques, la Communaut\u00e9 des \u00c9tats latino-am\u00e9ricains et cara\u00efbes (CELAC) n’a pas pu r\u00e9pondre \u00e0 l’action coercitive de Trump. <\/p>\n\n\n\n Sous la faible pr\u00e9sidence pro tempore<\/em> hondurienne, elle n’est pas parvenue \u00e0 conclure un accord pour se r\u00e9unir, et encore moins \u00e0 adopter une d\u00e9claration commune de soutien \u00e0 la Colombie ou de condamnation des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Dans ce contexte, les \u00c9tats-Unis soutiennent la \u00ab buk\u00e9lisation \u00bb de la s\u00e9curit\u00e9 : plus de fermet\u00e9, plus d’autoritarisme. L’acceptation des expulsions vers les prisons de haute s\u00e9curit\u00e9 du Salvador a ainsi transform\u00e9 ce pays en un trou noir d’ill\u00e9galit\u00e9 et de violations des droits humains, telles que d\u00e9nonc\u00e9es par les organismes internationaux. Le plus inqui\u00e9tant est que cette cession est pr\u00e9sent\u00e9e comme un service<\/a>, pay\u00e9 par les \u00c9tats-Unis <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. \u00c0 cela s’ajoute le soutien visible que Trump accorde \u00e0 Nayib Bukele<\/a> et \u00e0 sa volont\u00e9 d’autocratisation : le d\u00e9partement d’\u00c9tat a \u00e9valu\u00e9 positivement la r\u00e9forme constitutionnelle au Salvador qui permet la r\u00e9\u00e9lection ind\u00e9finie.<\/p>\n\n\n\n Ce revirement des \u00c9tats-Unis est tr\u00e8s important. Selon l’indice de d\u00e9mocratie de l’Economist Intelligence Unit (EIU), l’Am\u00e9rique latine est encore la deuxi\u00e8me r\u00e9gion la plus d\u00e9mocratique au monde, apr\u00e8s l’Europe et les \u00c9tats-Unis, que cet indice consid\u00e8re d\u00e9j\u00e0 comme une \u00ab d\u00e9mocratie d\u00e9fectueuse \u00bb (flawed democracy<\/em>). Mais l’Am\u00e9rique latine est aussi celle qui recule le plus rapidement dans les scores de cet indicateur <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n La lutte contre le trafic de drogue est directement li\u00e9e \u00e0 l’immigration, celle-ci \u00e9tant \u00e9galement consid\u00e9r\u00e9e comme une menace pour la s\u00e9curit\u00e9 nationale. Par d\u00e9cret, certains cartels ont \u00e9t\u00e9 qualifi\u00e9s d’\u00ab organisations terroristes internationales \u00bb<\/a>, ouvrant la voie \u00e0 des interventions arm\u00e9es unilat\u00e9rales. Sous pr\u00e9texte du fentanyl et en recourant \u00e0 une l\u00e9gislation d’exception, Trump a opt\u00e9 pour la militarisation et l’interventionnisme, plut\u00f4t que pour des solutions coop\u00e9ratives, la justice et le d\u00e9veloppement. Une fois de plus, les causes structurelles du probl\u00e8me \u2013 pauvret\u00e9, in\u00e9galit\u00e9s, demande interne de drogues \u2013 sont ignor\u00e9es et l’on insiste sur le prohibitionnisme, r\u00e9pressif et risqu\u00e9, des deux c\u00f4t\u00e9s de la fronti\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n Trump accuse notamment le Mexique d’avoir perdu sa souverainet\u00e9 face aux cartels. Sous pr\u00e9texte du fentanyl, Trump menace d’imposer des droits de douane \u00e9lev\u00e9s au Mexique, ainsi qu’au Canada ; mais cette mesure nuirait \u00e9galement gravement \u00e0 l’\u00e9conomie am\u00e9ricaine, dont certains secteurs, comme celui de l’automobile, sont tr\u00e8s int\u00e9gr\u00e9s \u00e0 ceux de ses deux partenaires.<\/p>\n\n\n\n Le Mexique et le Canada ont r\u00e9pondu par d’importantes concessions dans le domaine de l’immigration et de la s\u00e9curit\u00e9, mais avec plus de fermet\u00e9 dans le domaine commercial. Les va-et-vient des menaces tarifaires de Trump semblent montrer qu’il existe une marge de man\u0153uvre pour r\u00e9pondre et n\u00e9gocier<\/a> l\u00e0 o\u00f9 les interd\u00e9pendances en termes de co\u00fbts r\u00e9ciproques sont plus importantes et o\u00f9 les asym\u00e9tries ne sont pas aussi marqu\u00e9es <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Avec l’imposition \u00e0 l’\u00e9chelle mondiale de \u00ab droits de douane r\u00e9ciproques \u00bb en avril 2025, Trump a annonc\u00e9 une taxe de 10 % sur presque toutes les importations en provenance d’Am\u00e9rique latine.<\/p>\n\n\n\n Depuis ao\u00fbt, Washington a \u00e9galement appliqu\u00e9 des droits de douane plus \u00e9lev\u00e9s aux pays pr\u00e9sentant des d\u00e9ficits commerciaux persistants \u2014 25 % pour le Mexique sur les biens non couverts par l’USMCA ; 10 % + 40 % pour le Br\u00e9sil, soit 50 %, \u00ab pour raisons d’urgence \u00bb.<\/p>\n\n\n\n M\u00eame les gouvernements id\u00e9ologiquement proches, comme l’Argentine, n’ont pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 cette mesure et ont d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 touch\u00e9s par cette action coercitive.<\/p>\n\n\n\n Le Mexique a \u00e9galement \u00e9t\u00e9 contraint d’augmenter ses droits de douane \u00e0 l’\u00e9gard de la Chine afin d’\u00e9viter ceux des \u00c9tats-Unis <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Dans le cas du Br\u00e9sil, les droits de douane r\u00e9pondent avant tout \u00e0 des raisons id\u00e9ologiques. <\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s un droit de douane initial de 10 %, celui-ci a \u00e9t\u00e9 port\u00e9 \u00e0 50 % en ao\u00fbt, en soutien explicite \u00e0 Jair Bolsonaro face \u00e0 son proc\u00e8s pour tentative de coup d’\u00c9tat. Washington a \u00e9galement impos\u00e9 des sanctions contre des juges br\u00e9siliens li\u00e9s au proc\u00e8s de l’ancien pr\u00e9sident.<\/p>\n\n\n\n Le Br\u00e9sil a r\u00e9agi en contestant cette mesure devant l’OMC et en mettant en place un programme de soutien \u00e9conomique d’une valeur de 5 milliards de dollars pour les secteurs exportateurs les plus touch\u00e9s. Cette ing\u00e9rence ext\u00e9rieure flagrante a de fait accru la popularit\u00e9 du gouvernement de Lula.<\/p>\n\n\n\n Face \u00e0 la Chine, Trump et Rubio ont encourag\u00e9 le nearshoring<\/em>, c’est-\u00e0-dire la relocalisation de la production en Am\u00e9rique latine afin de r\u00e9duire la d\u00e9pendance vis-\u00e0-vis de P\u00e9kin, m\u00eame si cette politique entre en contradiction avec l’augmentation des droits de douane \u00e9galement impos\u00e9e \u00e0 la r\u00e9gion. Il s’agit \u00e9galement de r\u00e9duire la pr\u00e9sence et l\u2019influence de la Chine sur le continent.<\/p>\n\n\n\n Dans cette confrontation, le sc\u00e9nario de menace imm\u00e9diat dans l\u2019esprit de l\u2019administration am\u00e9ricaine \u00e9tait le canal de Panama qui, selon Trump, serait d\u00e9j\u00e0 sous contr\u00f4le chinois. Cette accusation faisait r\u00e9f\u00e9rence aux concessions des ports de Balboa et Crist\u00f3bal, aux deux extr\u00e9mit\u00e9s du canal, exploit\u00e9s par la soci\u00e9t\u00e9 hongkongaise CK Hutchison.<\/p>\n\n\n\n Sous la pression de Marco Rubio, qui s’est rendu au Panama lors de son premier voyage officiel, le pr\u00e9sident panam\u00e9en Jos\u00e9 Ra\u00fal Mulino a annonc\u00e9 leur r\u00e9vision imm\u00e9diate. Mulino a \u00e9galement d\u00e9clar\u00e9 qu’il ne renouvellerait pas la participation du Panama \u00e0 l\u2019initiative des Nouvelles routes de la soie, \u00e0 laquelle il avait adh\u00e9r\u00e9 en 2017 sans objection de la part des \u00c9tats-Unis, et a annonc\u00e9 la suspension des n\u00e9gociations de libre-\u00e9change avec la Chine. CK Hutchinson a r\u00e9pondu \u00e0 ces pressions en annon\u00e7ant la vente des concessions de 43 ports \u00e0 travers le monde<\/a> \u2014 y compris les ports panam\u00e9ens, au fonds d’investissement am\u00e9ricain BlackRock. Mais des objections politiques et r\u00e9glementaires ont \u00e9t\u00e9 soulev\u00e9es par le gouvernement chinois, et cette op\u00e9ration est toujours en cours.<\/p>\n\n\n\n Le sauvetage financier de l’Argentine par les \u00c9tats-Unis \u2014 un accord de swap d’au moins 20 milliards de dollars \u2014 r\u00e9pond \u00e9galement \u00e0 une logique \u00e0 la fois id\u00e9ologique et g\u00e9opolitique. <\/p>\n\n\n\n D’une part, il vise explicitement \u00e0 soutenir le gouvernement de Javier Milei dans une conjoncture politique et \u00e9conomique difficile, avec des affaires de corruption en cours, des risques de d\u00e9valuation du peso et d’escalade inflationniste, et la mont\u00e9e \u00e9lectorale de l’opposition p\u00e9roniste. Trump lui-m\u00eame a conditionn\u00e9 les fonds \u00e0 un r\u00e9sultat favorable \u00e0 Milei<\/a> lors des \u00e9lections l\u00e9gislatives d’octobre 2025.<\/p>\n\n\n\n Par l’interm\u00e9diaire de Scott Bessent, secr\u00e9taire au Tr\u00e9sor, les \u00c9tats-Unis ont annonc\u00e9 qu’ils feraient tout ce qui est n\u00e9cessaire pour soutenir politiquement celui qu’ils consid\u00e8rent comme l’un de leurs alli\u00e9s privil\u00e9gi\u00e9s en Am\u00e9rique latine. \u00c9tant donn\u00e9 que cette aide ne s’accompagne d’aucune condition \u00e9conomique cr\u00e9dible \u2014 aucune r\u00e9forme fiscale ni aucun m\u00e9canisme de contr\u00f4le du d\u00e9ficit garantissant la stabilit\u00e9 macro\u00e9conomique \u00e0 long terme n’ont \u00e9t\u00e9 exig\u00e9s \u2014 il s’agit d’une op\u00e9ration risqu\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Selon Gillian Tett, plut\u00f4t que de r\u00e9pondre \u00e0 la politique MAGA (Make Argentina (and America) Great Again<\/em>), elle pourrait conduire \u00e0 un MADA, ou Make Argentina Default Again<\/em> <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La logique g\u00e9opolitique du sauvetage pointe \u00e0 nouveau vers la Chine : Trump lui-m\u00eame a d\u00e9clar\u00e9 que \u00ab nous ne serons pas aussi g\u00e9n\u00e9reux avec l’Argentine si elle continue \u00e0 se tourner vers la Chine \u00bb, avec laquelle l’Argentine a d\u00e9velopp\u00e9 un vaste programme de coop\u00e9ration \u00e9conomique et scientifique \u2014 y compris des accords de swap ant\u00e9rieurs en monnaie chinoise <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Comme mentionn\u00e9 pr\u00e9c\u00e9demment, le cas argentin illustre la tendance \u00e0 l’arsenalisation du dollar, que ce soit par le biais de sanctions ou d’un soutien direct, comme instrument de pression et d’alignement g\u00e9opolitique. Mais les succ\u00e8s qui peuvent \u00eatre obtenus avec cet instrument contribuent \u00e9galement, \u00e0 long terme, \u00e0 r\u00e9duire la confiance dans cette monnaie et \u00e0 encourager la recherche d’alternatives par les BRICS.<\/p>\n\n\n\n Enfin, les \u00c9tats-Unis ont d\u00e9clar\u00e9 leur intention de s’opposer aux r\u00e9gimes dictatoriaux de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela<\/a>. <\/p>\n\n\n\n Il ne faut pas s\u2019y tromper : il ne s’agit pas pour Washington de soutenir leurs peuples, car il n’y a pas eu d’exceptions en mati\u00e8re d’asile ou de refuge. Dans le cas du Venezuela, apr\u00e8s plusieurs \u00e9changes de prisonniers, Washington a retir\u00e9 l’exemption qui permettait \u00e0 la compagnie p\u00e9troli\u00e8re Chevron d’op\u00e9rer librement, mais lui a ensuite accord\u00e9 une licence temporaire. Le discours id\u00e9ologique ne semble ainsi pas incompatible avec certains int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques.<\/p>\n\n\n\n Face \u00e0 l’agenda migratoire ou entrepreneurial, o\u00f9 priment les int\u00e9r\u00eats nationaux, la vision \u00ab primaciste \u00bb et plus id\u00e9ologique de Marco Rubio semble s’imposer : sous pr\u00e9texte de lutter contre le trafic de drogue, les \u00c9tats-Unis ont d\u00e9ploy\u00e9 autour du Venezuela de Maduro une puissante flotte de guerre, comprenant un porte-avions. Dans le cadre d’une action arm\u00e9e disproportionn\u00e9e et ill\u00e9gale, ils ont attaqu\u00e9 de pr\u00e9tendus \u00ab narco-bateaux \u00bb, tuant leurs occupants au lieu de les soumettre \u00e0 une proc\u00e9dure judiciaire r\u00e9guli\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n En plus d’\u00eatre ill\u00e9gales, ces actions sont \u00e9galement d’une utilit\u00e9 douteuse s’il s’agit de lutter contre le trafic de drogue. Elles semblent plut\u00f4t servir une double strat\u00e9gie.<\/p>\n\n\n\n D’une part, ces actions visent \u00e0 justifier devant les tribunaux am\u00e9ricains, par la voie des faits, le recours \u00e0 une l\u00e9gislation d’exception en all\u00e9guant qu’il existe une \u00ab guerre \u00bb ou une \u00ab invasion \u00bb des narcotrafiquants qui le justifie <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n D’autre part, l’objectif semble \u00eatre de forcer un changement de r\u00e9gime au Venezuela, par le biais d’une politique performative qui montre la faiblesse ou le caract\u00e8re non viable du r\u00e9gime de Maduro \u2014 sans exclure des actions arm\u00e9es s\u00e9lectives, ouvertes ou secr\u00e8tes, contre les dirigeants au pouvoir <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Caracas s’est empress\u00e9 de d\u00e9noncer ces men\u00e9es comme une ing\u00e9rence et une menace pour la souverainet\u00e9, justifiant ainsi le durcissement du r\u00e9gime de Maduro. Cependant, elles ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 du soutien explicite de la laur\u00e9ate du prix Nobel de la paix 2025, la leader de l’opposition Mar\u00eda Corina Machado<\/a> <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Une telle intervention, si elle se produisait, s’ajouterait \u00e0 une longue histoire d’interventionnisme des \u00c9tats-Unis en Am\u00e9rique latine et ailleurs qui, dans la plupart des cas, a entra\u00een\u00e9 davantage de violence et n’a pas abouti \u00e0 une issue favorable <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Enfin, \u00e0 la suite d’une action \u00e9clair du \u00ab D\u00e9partement de l’efficacit\u00e9 gouvernementale \u00bb (DOGE) dirig\u00e9 par Elon Musk, l’agence de coop\u00e9ration USAID, cr\u00e9\u00e9e par le pr\u00e9sident Kennedy en 1960 en r\u00e9ponse \u00e0 la r\u00e9volution cubaine, a \u00e9t\u00e9 brusquement ferm\u00e9e. Les \u00c9tats-Unis se privent ainsi d’un outil clef d’influence et de coop\u00e9ration dans des domaines tels que les droits de l’homme, la libert\u00e9 de la presse, l’\u00e9galit\u00e9 des sexes ou le renforcement des institutions. M\u00eame si l’Am\u00e9rique latine ne recevait que 5 % de l’aide mondiale des \u00c9tats-Unis, ces ressources \u00e9taient vitales dans de nombreux contextes.<\/p>\n\n\n\n Cette politique de coercition et d’unilat\u00e9ralisme, qui consiste \u00e0 brandir le b\u00e2ton sans offrir de carotte, a une cons\u00e9quence \u00e9vidente : pour de nombreux pays de la r\u00e9gion, les relations avec la Chine et l’Union europ\u00e9enne peuvent constituer des alternatives plus attrayantes. <\/p>\n\n\n\n La quatri\u00e8me r\u00e9union minist\u00e9rielle du Forum Chine-CELAC, qui s’est tenue \u00e0 P\u00e9kin en mai 2025, a ainsi annonc\u00e9 un plan de coop\u00e9ration ax\u00e9 sur les infrastructures, l’\u00e9nergie et la technologie. <\/p>\n\n\n\n Alors que Washington multiplie les mesures coercitives et augmente l’incertitude, la Chine renforce son image en Am\u00e9rique latine en tant que partenaire alternatif et acteur pr\u00e9visible, offrant aide, investissements et march\u00e9s. Mais la volont\u00e9 de la Chine de gagner du terrain politique et \u00e9conomique dans la r\u00e9gion se heurte \u00e9galement \u00e0 des difficult\u00e9s croissantes. <\/p>\n\n\n\n Les probl\u00e8mes de surcapacit\u00e9 industrielle, de pression \u00e0 l’exportation et de surendettement d\u00e9coulant de la strat\u00e9gie g\u00e9o\u00e9conomique de la Chine en Am\u00e9rique latine et dans d’autres pays du Sud montrent \u00e9galement que les int\u00e9r\u00eats de la r\u00e9gion et de P\u00e9kin ne convergent pas toujours \u2014 comme le montrent les r\u00e9actions protectionnistes et la plus grande prudence des pays latino-am\u00e9ricains face \u00e0 son influence \u00e9conomique croissante <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n En ce qui concerne l’Europe, le retour de Donald Trump \u00e0 la Maison-Blanche a marqu\u00e9 un tournant profond dans les relations transatlantiques. <\/p>\n\n\n\n D\u00e8s sa premi\u00e8re r\u00e9union de cabinet, le 26 f\u00e9vrier, le pr\u00e9sident am\u00e9ricain a clairement adopt\u00e9 une approche conflictuelle : il a accus\u00e9 l’Union d’\u00eatre \u00ab n\u00e9e pour arnaquer les \u00c9tats-Unis \u00bb, annon\u00e7ant dans le m\u00eame temps qu’il lui imposerait des droits de douane de 25 % <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Ces d\u00e9clarations ont des motivations id\u00e9ologiques, qui servent sa rh\u00e9torique de polarisation interne, ainsi que des raisons g\u00e9opolitiques : Washington entend placer l’Europe dans une position de subordination sur le plan financier et g\u00e9opolitique, et se concentrer sur l\u2019endiguement de la Chine dans la r\u00e9gion indo-pacifique \u2014 une strat\u00e9gie initi\u00e9e par Obama, maintenue par Biden et d\u00e9sormais accentu\u00e9e par Trump.<\/p>\n\n\n\n En mena\u00e7ant de renoncer \u00e0 son engagement traditionnel envers l’Atlantique Nord, les \u00c9tats-Unis exigent de l’Europe une nouvelle relation de vassalisation.<\/p>Josep Borrell et Jos\u00e9 Antonio Sanahuja<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n L’invasion russe de l’Ukraine a contraint les \u00c9tats-Unis \u00e0 s’impliquer \u00e0 nouveau en Europe, mais pour Trump, cette guerre est un probl\u00e8me europ\u00e9en et pas occidental.<\/p>\n\n\n\n Trump ne demande pas pour l’instant le retrait des \u00c9tats-Unis de l’OTAN, mais il exige que les Europ\u00e9ens assument les co\u00fbts de la dissuasion face \u00e0 la Russie, et ne souhaite pas pr\u00e9ciser si le parapluie nucl\u00e9aire am\u00e9ricain restera la garantie ultime de la s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne. <\/p>\n\n\n\n Le secr\u00e9taire \u00e0 la D\u00e9fense, Pete Hegseth, a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s explicite lors de la r\u00e9union du groupe de Ramstein en f\u00e9vrier 2025<\/a> : il a exig\u00e9 que ce soient les Europ\u00e9ens \u2014 avec des troupes non couvertes par l’OTAN \u2014 qui assument un d\u00e9ploiement risqu\u00e9 en Ukraine. Trump a \u00e9galement annonc\u00e9 une r\u00e9duction drastique de l’aide \u00e0 Kiev, proposant une n\u00e9gociation bilat\u00e9rale avec la Russie sans la participation des Europ\u00e9ens ni des Ukrainiens. Quelques jours plus tard, lors d’une r\u00e9union humiliante \u00e0 la Maison-Blanche<\/a>, Trump et son vice-pr\u00e9sident J. D. Vance ont exig\u00e9 de Zelensky qu’il accepte une pax trumpiana<\/em> qui avait tout d\u2019une pax russica<\/em>, accompagn\u00e9e d’un accord d\u00e9favorable sur l’exploitation des min\u00e9raux et des terres rares par des entreprises am\u00e9ricaines.<\/p>\n\n\n\n C\u2019\u00e9tait un revirement net par rapport \u00e0 la politique men\u00e9e par l’administration Biden. Les pays de la frange Est de l’Europe \u2014 la Pologne, les pays baltes, les pays nordiques, entre autres \u2014 ainsi que la Commission actuelle, consid\u00e8rent la Russie comme une menace existentielle ; pour eux, ce revirement est donc \u00e9galement une menace, car il s’inscrit dans le cadre du retrait des \u00c9tats-Unis de la s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne, retrait annonc\u00e9 par Trump lui-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n Trump sait que cette peur existentielle lui donne un avantage consid\u00e9rable ; c’est pourquoi il a fait de l’engagement des \u00c9tats-Unis dans l’OTAN le levier principal de ses exigences en mati\u00e8re de d\u00e9fense et de commerce. Lors du forum de Davos, le 22 f\u00e9vrier 2025, il a exig\u00e9 que les alli\u00e9s europ\u00e9ens consacrent 5 % de leur PIB \u00e0 la d\u00e9fense, r\u00e9partis entre 3,5 % pour les d\u00e9penses militaires directes et 1,5 % pour les infrastructures, la cybers\u00e9curit\u00e9 et l’industrie.<\/p>\n\n\n\n L’objectif est de forcer une augmentation des achats aux \u00c9tats-Unis, compte tenu de la fragmentation et de la capacit\u00e9 r\u00e9duite de l’industrie europ\u00e9enne. Washington cherche ainsi \u00e0 r\u00e9\u00e9quilibrer la relation transatlantique et \u00e0 \u00ab mettre un prix \u00bb sur son engagement en mati\u00e8re de s\u00e9curit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Le sommet de l’OTAN \u00e0 La Haye<\/a>, le 25 juin 2025, a concr\u00e9tis\u00e9 cette pression, avec l’adoption de l’objectif de 5 % pour 2035. Ce fut un rendez-vous d\u2019une extr\u00eame bri\u00e8vet\u00e9, soigneusement orchestr\u00e9 pour apaiser Trump. Et c\u2019est le moment qu\u2019a choisi le pr\u00e9sident am\u00e9ricain pour rendre public le message obs\u00e9quieux \u2014 voire ouvertement servile \u2014 envoy\u00e9 en priv\u00e9 par le secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral, Mark Rutte, attribuant \u00e0 Trump le succ\u00e8s du sommet et le fait que les Europ\u00e9ens finissent par \u00ab payer leur d\u00fb \u00bb.<\/p>\n\n\n\n \u00c9tait-ce un exercice de diplomatie habile \u2014 ou bien la d\u00e9monstration inutile d\u2019un processus de vassalisation ? En quelques mois, les partenaires europ\u00e9ens de l’OTAN sont pass\u00e9s de discours sur l’autonomie strat\u00e9gique \u00e0 des d\u00e9monstrations de vassalit\u00e9, m\u00eame si le possible retrait de l\u2019administration Trump a \u00e9t\u00e9 \u00e9vit\u00e9. D’autre part, cette condition des 5 % a \u00e9t\u00e9 formul\u00e9e de mani\u00e8re ambigu\u00eb \u2014 certains membres sont r\u00e9ticents \u00e0 s’y conformer et il existe diff\u00e9rentes voies de sortie pour les \u00e9viter <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Il s’agissait peut-\u00eatre avant tout de gagner du temps.<\/p>\n\n\n\n Les \u00e9lites europ\u00e9ennes les plus atlantistes sont convaincues que Trump est un ph\u00e9nom\u00e8ne passager et que les \u00e9lections pr\u00e9sidentielles de 2028 marqueront le retour du bon vieux temps, avec quelqu’un de plus ouvert au dialogue \u00e0 la Maison-Blanche, d\u00e9sireux de r\u00e9tablir l’ancienne relation transatlantique et de pr\u00e9server l’OTAN.<\/p>\n\n\n\n Pourtant, cela rel\u00e8ve peut-\u00eatre davantage du souhait que de la r\u00e9alit\u00e9. Trump pourrait en effet \u00eatre le sympt\u00f4me d’un changement politique et culturel plus profond et de sa traduction g\u00e9opolitique, car l\u2019\u00e9loignement am\u00e9ricain vis-\u00e0-vis de l’Europe et le virage vers l’Indo-Pacifique vont s’accentuer. Les concessions europ\u00e9ennes \u00e0 La Haye ne r\u00e9solvent pas cette question, et des doutes subsisteront quant \u00e0 l’engagement r\u00e9el de Washington en faveur de la s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Quelques jours seulement apr\u00e8s l’accord de La Haye, les \u00c9tats-Unis ont ainsi annonc\u00e9 qu’ils cessaient de fournir une aide militaire \u00e0 l’Ukraine. Apr\u00e8s d’intenses d\u00e9marches diplomatiques, cela ne s’est pas produit ; mais cet \u00e9pisode a clairement montr\u00e9 la fragilit\u00e9 de cet accord. L’incursion de drones russes en Pologne<\/a> en septembre 2025 pourrait \u00eatre une tentative d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e de tester la r\u00e9ponse de l’OTAN ; la r\u00e9ponse de Trump a \u00e9t\u00e9 ambigu\u00eb et a montr\u00e9 de la compr\u00e9hension envers Moscou.<\/p>\n\n\n\n La vision europ\u00e9iste, qui s’oppose \u00e0 la d\u00e9pendance strat\u00e9gique vis-\u00e0-vis des \u00c9tats-Unis, exige une augmentation des d\u00e9penses de d\u00e9fense, que ce soit dans le cadre du \u00ab pilier europ\u00e9en \u00bb de l’Alliance ou dans le cadre d’une politique europ\u00e9enne plus autonome. Cela implique de reconna\u00eetre la solitude strat\u00e9gique de l’Union et les co\u00fbts en cons\u00e9quence ; ceux-ci, bien qu’\u00e9lev\u00e9s, peuvent et doivent \u00eatre pris en charge par l’Europe <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Il s’agit l\u00e0 du vieux dilemme entre europ\u00e9isme et atlantisme ; celui-ci a toujours \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent dans le d\u00e9bat europ\u00e9en sur la s\u00e9curit\u00e9 et la d\u00e9fense, mais il est remis au go\u00fbt du jour par le \u00ab moment Trump \u00bb. <\/p>\n\n\n\n La fragilit\u00e9 de l’accord conclu \u00e0 La Haye fut encore davantage mise en \u00e9vidence lors de la r\u00e9union bilat\u00e9rale en Alaska entre Trump et Poutine le 3 juillet 2025, r\u00e9union au cours de laquelle le pr\u00e9sident am\u00e9ricain a accept\u00e9 une grande partie des exigences russes<\/a>.<\/p>\n\n\n\n Quelques jours plus tard, Zelensky a rencontr\u00e9 \u00e0 Washington les principaux dirigeants europ\u00e9ens, qui ont soutenu le dirigeant ukrainien en cherchant \u00e0 replacer la question dans des termes plus favorables aux int\u00e9r\u00eats europ\u00e9ens et ukrainiens. Ils ont r\u00e9ussi \u00e0 obtenir de Trump un engagement ambigu sur les garanties de s\u00e9curit\u00e9 pour l’Ukraine.<\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s cette r\u00e9union, Poutine, constatant que Trump revenait sur ce qui avait apparemment \u00e9t\u00e9 convenu en Alaska, a repris sa strat\u00e9gie dilatoire : il a refus\u00e9 toute rencontre bilat\u00e9rale avec Zelensky et a d\u00e9clar\u00e9 que la Russie devait avoir un droit de veto sur ces garanties de s\u00e9curit\u00e9 <\/span>20<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En somme, cette dynamique a \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9e par les revirements successifs qui, dans le cadre de sa politique plus favorable \u00e0 la Russie, caract\u00e9risent la politique de Trump <\/span>21<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Le front commercial a \u00e9t\u00e9 un autre moyen de pression. <\/p>\n\n\n\n Trump a menac\u00e9 l’Union de droits de douane \u00ab r\u00e9ciproques \u00bb de 50 % \u00e0 partir d’ao\u00fbt 2025, en plus des 10 % d\u00e9j\u00e0 appliqu\u00e9s de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale \u00e0 l’Union et des 20 % annonc\u00e9s en avril ; ces droits s’ajoutent \u00e0 ceux d\u00e9j\u00e0 en vigueur sur l’acier, l’aluminium et les automobiles.<\/p>\n\n\n\n Il ne s’agit pas seulement de r\u00e9organiser le commerce pour le rendre plus favorable aux \u00c9tats-Unis. Comme l’affirment Michel Pettis et Matthew Klein, \u00ab les guerres commerciales sont des guerres de classe<\/a> <\/span>22<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u00bb, et la confrontation tarifaire d\u00e9clench\u00e9e par Trump s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme fiscal visant \u00e0 r\u00e9duire les imp\u00f4ts des grandes entreprises et des revenus les plus \u00e9lev\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n Le risque d’une guerre commerciale \u00e0 grande \u00e9chelle inqui\u00e8te beaucoup Bruxelles : elle pourrait entra\u00eener une spirale tarifaire d\u00e9vastatrice dans l’\u00e9conomie mondiale et aggraver les probl\u00e8mes de comp\u00e9titivit\u00e9 de l’\u00e9conomie europ\u00e9enne. Avec l’Ukraine toujours dans le r\u00e9troviseur, l’Union et ses \u00c9tats membres ont \u00e9galement opt\u00e9 dans ce domaine pour une strat\u00e9gie d’accommodement et de limitation des d\u00e9g\u00e2ts. Un exemple en est l’accord du G7 \u00e0 Montr\u00e9al, le 29 juin 2025, qui a exempt\u00e9 les entreprises am\u00e9ricaines de l’application de l’accord de l’OCDE sur un imp\u00f4t minimum mondial de 15 % ; un autre est l’autocensure verbale des dirigeants europ\u00e9ens face aux provocations de Trump dans le cadre d’une n\u00e9gociation difficile qui touche plusieurs fronts consid\u00e9r\u00e9s comme vitaux : le commerce, la r\u00e9glementation num\u00e9rique, la s\u00e9curit\u00e9 et le soutien \u00e0 l’Ukraine.<\/p>\n\n\n\n L’accord commercial<\/a> entre les \u00c9tats-Unis et la Commission europ\u00e9enne annonc\u00e9 le 27 juillet 2025 \u00e0 Turnberry r\u00e9pond \u00e0 ces craintes et contraintes, et plus imm\u00e9diatement aux menaces tarifaires de Trump. Face au d\u00e9ficit commercial, cette derni\u00e8re a accept\u00e9 d’augmenter ses achats de gaz naturel liqu\u00e9fi\u00e9, jusqu’\u00e0 700 milliards d’euros en trois ans, ainsi que ceux de produits agricoles et d’armement. Elle a \u00e9galement accept\u00e9 de revoir les normes r\u00e9glementaires en mati\u00e8re environnementale, sanitaire et phytosanitaire, dans les secteurs de l’automobile, de l’agriculture et de la biotechnologie.<\/p>\n\n\n\n En \u00e9change, les \u00c9tats-Unis ont temporairement suspendu la menace de droits de douane de 50 % \u2014 tout en maintenant ceux de 25 % sur l’acier, l’aluminium et les automobiles \u2014 et ont fix\u00e9 un droit de douane g\u00e9n\u00e9ral de 15 % sur les importations de biens europ\u00e9ens. Celui-ci touche environ 70 % des exportations de l’Union, triplant la moyenne pr\u00e9-Trump de 4,8 %.<\/p>\n\n\n\n L’accord, pr\u00e9sent\u00e9 comme un grand succ\u00e8s par les deux parties, refl\u00e8te en r\u00e9alit\u00e9 l’asym\u00e9trie des n\u00e9gociations<\/a> : les concessions europ\u00e9ennes peuvent aggraver la d\u00e9pendance \u00e9conomique, technologique et \u00e9nerg\u00e9tique de l\u2019Union. Il ne s’agit pas seulement du droit de douane de 15 % : en affaiblissant le dollar par rapport \u00e0 l’euro, plus encore qu\u2019on ne l\u2019a fait jusqu\u2019ici, Trump appliquerait d\u00e9j\u00e0 un \u00ab droit de douane invisible \u00bb suppl\u00e9mentaire, s\u2019ajoutant aux tr\u00e8s importants droits pr\u00e9vus pour l\u2019Union.<\/p>\n\n\n\n Depuis cet accord, les donn\u00e9es pr\u00e9liminaires sur le commerce entre l\u2019Union et les \u00c9tats-Unis montrent d\u00e9j\u00e0 une baisse importante des exportations europ\u00e9ennes vers ce pays. <\/p>\n\n\n\n La Commission europ\u00e9enne a d\u00e9fendu l’accord de Turnberry comme une option pragmatique pour \u00e9viter une guerre commerciale avec les \u00c9tats-Unis. Selon Bruxelles, cet accord \u00e9viterait des droits de douane qui auraient durement frapp\u00e9 les industries automobile, pharmaceutique et technologique europ\u00e9ennes. Il permettrait \u00e9galement de stabiliser les relations transatlantiques et de gagner du temps et de \u00ab l’espace politique \u00bb \u00e0 un moment o\u00f9 les relations avec Washington \u00e9taient tendues en raison de la guerre en Ukraine.<\/p>\n\n\n\n La Commission europ\u00e9enne a \u00e9galement soulign\u00e9 que les r\u00e8gles europ\u00e9ennes sur le num\u00e9rique avaient \u00e9t\u00e9 exclues, pr\u00e9servant ainsi la souverainet\u00e9 r\u00e9glementaire de l’Union. Certaines voix ont fait remarquer que l’accord avait laiss\u00e9 derri\u00e8re lui le moment \u00ab TACO \u00bb (Trump Always Chickens Out<\/em> <\/span>23<\/sup><\/a><\/span><\/span>) et que l’Union europ\u00e9enne, comme d’autres pays, s’\u00e9tait laiss\u00e9e entra\u00eener dans un nouveau moment \u00ab WACO \u00bb (World Always Chicken Out<\/em>). Cependant, certaines concessions sont peu susceptibles d’\u00eatre respect\u00e9es, ce qui refl\u00e9terait le fait que face \u00e0 Trump, l’attitude g\u00e9n\u00e9rale serait plut\u00f4t celle que Tim Sahay a qualifi\u00e9e d\u2019\u00ab EMPANADA \u00bb (Everyone Makes Promises And Never Actually Does Anything<\/em> <\/span>24<\/sup><\/a><\/span><\/span>).<\/p>\n\n\n\n Face \u00e0 Trump, l’Union est confront\u00e9e \u00e0 un double dilemme, entre fragmentation ou unit\u00e9, et entre subordination ou autonomie strat\u00e9gique.<\/p>Josep Borrell et Jos\u00e9 Antonio Sanahuja<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Certaines voix ont accept\u00e9 cet accord comme un moindre mal \u2014 The Economist<\/em> a ainsi soulign\u00e9 que l’alternative aurait \u00e9t\u00e9 bien pire <\/span>25<\/sup><\/a><\/span><\/span> : Trump avait d\u00e9j\u00e0 augment\u00e9 les droits de douane, et il est difficile d’imaginer un retour \u00e0 une p\u00e9riode de faible protectionnisme tant qu’il restera \u00e0 la Maison-Blanche. Des pays comme le Japon ont accept\u00e9 des concessions similaires, et il existe des cas pires, comme ceux de la Chine ou de l’Inde. M\u00eame avant l’accord, cet hebdomadaire rappelait que la faiblesse de l’Europe provient de ses propres lacunes structurelles : un march\u00e9 int\u00e9rieur encore fragment\u00e9, un manque d’innovation et des march\u00e9s de capitaux peu int\u00e9gr\u00e9s, comme l’ont soulign\u00e9 les rapports d’Enrico Letta<\/a> et de Mario Draghi<\/a>.<\/p>\n\n\n\n Les failles de cet accord sont pourtant tr\u00e8s \u00e9videntes.<\/p>\n\n\n\n Pour Dominique de Villepin<\/a>, il s’agit d’une \u00ab capitulation pure et simple \u00bb, et pour Thierry Breton, ancien commissaire charg\u00e9 du march\u00e9 int\u00e9rieur et des services num\u00e9riques, d’une humiliation qui, de surcro\u00eet, est inutile, car elle n’emp\u00eachera pas non plus un avenir instable <\/span>26<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Ni l\u2019instrument anti-coercition ni les autres instruments disponibles n’ont \u00e9t\u00e9 activ\u00e9s, et la Commission a opt\u00e9 pour l’ob\u00e9issance \u00e0 Trump et le compromis au m\u00e9pris de sa propre identit\u00e9 \u2014 normalisant ainsi le style de politique performative du pr\u00e9sident am\u00e9ricain.<\/p>\n\n\n\n Malgr\u00e9 son engagement d\u00e9clar\u00e9 en faveur du multilat\u00e9ralisme, l’Union a valid\u00e9 des violations du principe de la nation la plus favoris\u00e9e de l’OMC<\/a>, au prix de la perte du capital politique qui lui aurait permis de diriger une coalition internationale en faveur d’un commerce fond\u00e9 sur des r\u00e8gles, \u00e0 laquelle auraient pu participer des partenaires latino-am\u00e9ricains de poids, comme le Br\u00e9sil.<\/p>\n\n\n\n Dans un \u00e9ditorial s\u00e9v\u00e8re, le Financial Times<\/em> a soulign\u00e9 que l’accord implique une augmentation des droits de douane effectifs des \u00c9tats-Unis \u00e0 des niveaux jamais vus depuis 90 ans, encourage les d\u00e9localisations et consolide la d\u00e9pendance technologique et en mati\u00e8re de d\u00e9fense de l\u2019Union <\/span>27<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En mati\u00e8re d’environnement, l’accord repr\u00e9sente un pari clair en faveur du gaz am\u00e9ricain et accentue l’\u00e9rosion des normes environnementales par la suppression des barri\u00e8res non tarifaires : dans le secteur automobile, le principe de reconnaissance mutuelle des normes ouvre la porte du march\u00e9 europ\u00e9en aux v\u00e9hicules am\u00e9ricains, dont les normes d’\u00e9missions et de s\u00e9curit\u00e9 sont moins strictes.<\/p>\n\n\n\n La simplification des certificats sanitaires affaiblit \u00e9galement les exigences environnementales et sanitaires europ\u00e9ennes dans le domaine agricole. Bruxelles s’engage aussi \u00e0 revoir \u00e0 la baisse son r\u00e8glement contre la d\u00e9forestation \u2014 qui imposait jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent des contr\u00f4les stricts sur le soja, le cacao, le caf\u00e9, la viande bovine ou le bois \u2014 ainsi que les directives sur la diligence raisonnable des entreprises, r\u00e9duisant ainsi les obligations des grandes entreprises en mati\u00e8re de droits humains, d’environnement et de transition climatique.<\/p>\n\n\n\n Dans l’ensemble, ces concessions impliquent un recul r\u00e9glementaire important, qui affecte non seulement l’agenda vert europ\u00e9en, mais aussi sa capacit\u00e9 \u00e0 projeter son propre mod\u00e8le r\u00e9glementaire face \u00e0 Washington. Paradoxalement, elles peuvent \u00eatre bien accueillies par l’Am\u00e9rique latine, qui a critiqu\u00e9 ces r\u00e8gles comme \u00e9tant le signe d’un nouveau \u00ab protectionnisme vert \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Tout cela fut fait en \u00e9change de l’apaisement des menaces de Trump et d’un horizon incertain et instable d’accords mal conclus \u2014 horizon que Washington peut modifier \u00e0 tout moment.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est un v\u00e9ritable acte de vassalisation<\/a> : la plus grande puissance commerciale du monde se soumet volontairement au harc\u00e8lement am\u00e9ricain. En \u00e9change du report des sanctions, elle renonce \u00e0 son autonomie strat\u00e9gique, d\u00e9grade le march\u00e9 unique, affaiblit l’agenda climatique et \u00e9rode la capacit\u00e9 d\u00e9mocratique \u00e0 d\u00e9fendre ses propres normes. <\/p>\n\n\n\n Au-del\u00e0 du jugement moral, il faut rappeler que l’Europe a renonc\u00e9 \u00e0 utiliser les cartes dont elle dispose, telles que la taille de son march\u00e9, et des outils tels que les repr\u00e9sailles commerciales et l’instrument anti-coercition. D’autre part, il convient de souligner que l\u2019Union dispose de moyens suffisants pour soutenir \u00e9conomiquement et militairement l’Ukraine, avec ou sans l’utilisation des avoirs gel\u00e9s de la Russie, et pour s\u2019\u00e9pargner le chantage am\u00e9ricain sur cette question. Elle est d\u00e9j\u00e0 le principal donateur dans ces deux domaines et, selon une estimation de The Economist<\/em>, cela repr\u00e9senterait une augmentation de 0,2 % \u00e0 0,4 % du PIB europ\u00e9en \u2014 un montant important mais qui semble justifi\u00e9 au regard des objectifs d\u00e9clar\u00e9s de l\u2019Union concernant l\u2019autonomie strat\u00e9gique <\/span>28<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Cet accord asym\u00e9trique ne garantit pour l\u2019Europe ni la stabilit\u00e9 ni la pr\u00e9visibilit\u00e9. Face aux critiques, la Commission europ\u00e9enne a fait valoir qu’elle n’avait fait aucune concession en mati\u00e8re de r\u00e9glementation des services num\u00e9riques et que ces r\u00e8gles ne faisaient pas partie de l’accord commercial.<\/p>\n\n\n\n Cependant, quelques jours plus tard, Trump a utilis\u00e9 son compte Truth Social pour lancer de nouvelles menaces contre les pays qui r\u00e9glementent ou taxent les grandes entreprises technologiques am\u00e9ricaines. Plus pr\u00e9cis\u00e9ment, il a annonc\u00e9 des droits de douane suppl\u00e9mentaires et des contr\u00f4les \u00e0 l’exportation pour les \u00c9tats qui, selon lui, \u00ab discriminent \u00bb la Silicon Valley <\/span>29<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n En r\u00e9alit\u00e9, en mena\u00e7ant de renoncer \u00e0 son engagement traditionnel envers l’Atlantique Nord, les \u00c9tats-Unis exigent de l’Europe une nouvelle relation de subordination.<\/p>\n\n\n\n Sous le mandat de Trump, les \u00c9tats-Unis ont transform\u00e9 pour le pire le syst\u00e8me des relations internationales.<\/p>Josep Borrell et Jos\u00e9 Antonio Sanahuja<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Face \u00e0 Trump, l’Union<\/a> est confront\u00e9e \u00e0 un double dilemme, entre fragmentation ou unit\u00e9, et entre subordination ou autonomie strat\u00e9gique. Les anciennes \u00e9lites atlantistes \u2014 von der Leyen, Rutte, Starmer, Kallas, entre autres \u2014 continuent de miser sur une politique de damage control<\/em>, afin de pr\u00e9server le lien avec Washington \u2014 m\u00eame si le prix \u00e0 payer est de plus en plus \u00e9lev\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Parall\u00e8lement, le discours sur l’autonomie strat\u00e9gique europ\u00e9enne reste pr\u00e9sent dans des projets tels que ReArmEU ou dans les politiques \u00e9nerg\u00e9tiques, industrielles et de d\u00e9fense. Il est \u00e9galement pr\u00e9sent dans la recherche de nouveaux partenaires commerciaux, comme avec le Mercosur<\/a> ou avec l’Inde. Cependant, dans la pratique, c’est la logique de l’apaisement qui domine afin d’\u00e9viter un effondrement imm\u00e9diat du lien transatlantique. Pour l\u2019Union, c’est une \u00ab temp\u00eate parfaite \u00bb : si elle ne c\u00e8de pas sur le commerce ou les d\u00e9penses militaires, Trump fait pression avec l’Ukraine et l’engagement envers l’OTAN, ce qui laisse l’Europe prise dans une triple n\u00e9gociation tr\u00e8s ardue <\/span>L’Union europ\u00e9enne face au trumpisme : de l’autonomie strat\u00e9gique \u00e0 la vassalisation heureuse<\/h2>\n\n\n\n