{"id":302671,"date":"2025-10-26T16:00:00","date_gmt":"2025-10-26T15:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=302671"},"modified":"2025-10-25T15:33:32","modified_gmt":"2025-10-25T13:33:32","slug":"la-gauche-et-la-violence-sur-la-reception-dune-bataille-apres-lautre-de-paul-thomas-anderson","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/10\/26\/la-gauche-et-la-violence-sur-la-reception-dune-bataille-apres-lautre-de-paul-thomas-anderson\/","title":{"rendered":"La gauche et la violence en Am\u00e9rique : sur la r\u00e9ception d\u2019Une bataille apr\u00e8s l\u2019autre de Paul Thomas Anderson"},"content":{"rendered":"\n
Attention : ce texte divulgue une partie importante de l\u2019intrigue du film et de son d\u00e9nouement.<\/em><\/p>\n\n\n\n 10 septembre 2025 : le militant d\u2019extr\u00eame-droite Charlie Kirk est assassin\u00e9 d\u2019une balle dans la gorge<\/a>. 22 septembre 2025 : tirant profit de l\u2019\u00e9motion nationale suscit\u00e9e par le meurtre et les c\u00e9l\u00e9brations b\u00e9ates d\u2019une partie de l\u2019extr\u00eame-gauche, Donald Trump signe un d\u00e9cret classant la mouvance \u00ab Antifa \u00bb comme terroriste. 26 septembre 2025 : le film One Battle After Another<\/em>, de Paul Thomas Anderson, sort sur les \u00e9crans. 30 septembre 2025 : devant un parterre de 800 grad\u00e9s et g\u00e9n\u00e9raux<\/a>, Trump annonce le lancement d\u2019une \u00ab guerre de l\u2019int\u00e9rieur \u00bb contre les ennemis de la nation.<\/p>\n\n\n\n Un film ne peut \u00eatre tenu responsable ni de sa r\u00e9ception, ni du contexte politique de sa sortie. <\/p>\n\n\n\n Pourtant, en choisissant de mettre en sc\u00e8ne un groupe de r\u00e9volutionnaires \u00ab wokes<\/em> \u00bb <\/em>engag\u00e9s dans une lutte arm\u00e9e contre le gouvernement am\u00e9ricain, le film d\u2019Anderson fait exister dans l\u2019espace public la repr\u00e9sentation d\u2019une violence d\u2019extr\u00eame-gauche qui \u00e9tait, jusqu\u2019\u00e0 l\u2019assassinat de Kirk, rest\u00e9e largement exag\u00e9r\u00e9e ou fictive. Le long-m\u00e9trage n\u2019a, de fait, pas manqu\u00e9 de provoquer une vague d\u2019indignation chez les partisans de Trump qui y ont vu \u2014 au choix \u2014 le film le plus irresponsable de l\u2019ann\u00e9e ou une claire apologie de ce qui est d\u00e9sormais pr\u00e9sent\u00e9 comme un terrorisme antifasciste.<\/p>\n\n\n\n Ce sentiment, largement partag\u00e9 dans une partie des commentaires en ligne sur le film, tranche avec l\u2019accueil plus qu\u2019enthousiaste de la plus grande partie des critiques. <\/p>\n\n\n\n Il serait ais\u00e9 de disqualifier le toll\u00e9 suscit\u00e9 dans la sph\u00e8re MAGA comme une simple manifestation de l\u2019extr\u00e9misme trumpiste.<\/p>\n\n\n\n Ce texte propose plut\u00f4t de prendre du recul et, \u00e0 travers le film et sa r\u00e9ception, de s\u2019interroger le rapport d\u00e9complex\u00e9 d\u2019une partie de l\u2019extr\u00eame-gauche \u00e0 la violence \u2014 et sur les risques que cette banalisation fait peser sur la gauche en g\u00e9n\u00e9ral dans un contexte de pouss\u00e9e autoritariste aux \u00c9tats-Unis et dans le monde. <\/p>\n\n\n\n Le film d\u2019abord.<\/p>\n\n\n\n Adaptation libre du roman Vineland<\/em>, de Thomas Pynchon (1990), One Battle After Another <\/em>fait le choix de situer l\u2019action non plus dans l\u2019Am\u00e9rique des ann\u00e9es 1960- 1980, comme c\u2019\u00e9tait le cas de l\u2019ouvrage original, mais dans l\u2019Am\u00e9rique actuelle.<\/p>\n\n\n\n Quoique le gouvernement auquel r\u00e9siste les French 75 \u2014 le groupe r\u00e9volutionnaire au c\u0153ur de l\u2019intrigue \u2014 ne soit jamais d\u00e9sign\u00e9, on comprend qu\u2019il pourrait s\u2019agir du gouvernement Trump.<\/p>\n\n\n\n Perfidia (Teyana Taylor), Bob Ferguson (Leonardo DiCaprio) et leurs comp\u00e8res attaquent \u00e0 main arm\u00e9e des centres de r\u00e9tention pour migrants gard\u00e9s par les agents d\u2019ICE \u2014 la police militaris\u00e9e de l\u2019immigration au c\u0153ur de l\u2019actualit\u00e9 politique ces jours-ci \u2014, ils plastiquent les mairies d\u2019\u00e9lus ayant contribu\u00e9 \u00e0 la criminalisation de l\u2019avortement au nom de toutes les \u00ab s\u0153urs \u00bb qui auront \u00e0 souffrir d\u2019une telle mesure, ils font face \u00e0 un appareil militaro-policier gangr\u00e9n\u00e9 par la supr\u00e9matie blanche. <\/p>\n\n\n\n En face et en miroir, le groupe des French 75 est compos\u00e9 en grande partie de personnes racis\u00e9es. \u00c0 ce noyau r\u00e9volutionnaire s\u2019ajoutent, plus tard dans le film, les amis de la fille de Bob Ferguson et Perfidia, Willa (Chase Infiniti), qui sont pour bon nombre d\u2019entre eux queers. Enfin, Willa pratique le karat\u00e9 avec un professeur, Sensei Sergio St. Carlos (Benicio del Toro), qui est lui-m\u00eame latino et la figure principale d\u2019un r\u00e9seau de solidarit\u00e9 visant \u00e0 emp\u00eacher la d\u00e9portation de familles d\u2019exil\u00e9s qu\u2019il abrite dans son appartement au c\u0153ur d\u2019une ville-sanctuaire, donnant lieu \u00e0 des courses-poursuites magistrales dans les rues, la nuit \u2014 en plein milieu d\u2019une manifestation contre une rafle de migrants conduite par ICE. <\/p>\n\n\n\n \u00c0 l\u2019Am\u00e9rique r\u00e9actionnaire trumpiste r\u00e9pond donc une sorte de rainbow coalition <\/em>d\u00e9mocrate incarnant la r\u00e9sistance au trumpisme dans toute sa diversit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Les images de manifestations contre les rafles d\u2019ICE montr\u00e9es dans le film contribuent \u00e0 ancrer l\u2019action dans l\u2019Am\u00e9rique actuelle, rappelant immanquablement les protestations de soutien qui secouent les \u00c9tats-Unis depuis les d\u00e9buts du premier mandat Trump \u2014 le dernier exemple en date \u00e9tant les mobilisations de Los Angeles contre lesquelles le pr\u00e9sident a donn\u00e9 l\u2019ordre in\u00e9dit d\u2019envoyer la Garde nationale. <\/p>\n\n\n\n Difficile donc de dresser une analogie plus explicite entre le gouvernement combattu par les French 75 et l\u2019administration actuelle. <\/p>\n\n\n\n Cette opposition mise en sc\u00e8ne entre Am\u00e9rique r\u00e9actionnaire et progressiste devient encore plus manifeste une fois qu\u2019entre en sc\u00e8ne le colonel Lockjaw (Sean Penn), militaire supr\u00e9maciste blanc charg\u00e9 d\u2019infiltrer le groupe des French 75 et qui tombe amoureux de Perfidia. Ce dernier parvient, au d\u00e9but du film, \u00e0 contraindre Perfidia \u00e0 un rapport sexuel en mena\u00e7ant de la d\u00e9noncer pour ses activit\u00e9s r\u00e9volutionnaires, apr\u00e8s l\u2019avoir prise en flagrant d\u00e9lit lors de la pose d\u2019une bombe. On apprendra au milieu du film que Willa est en fait la fille de Lockjaw et non de Bob Ferguson. Plus tard, alors que Lockjaw souhaite rejoindre le Christmas Adventurers Club<\/em> \u2014 un club de supr\u00e9macistes blancs haut-plac\u00e9s dans l\u2019administration civile et militaire am\u00e9ricaine \u2014 il doit prouver n\u2019avoir jamais eu de relation interraciale. Il se lance donc dans une qu\u00eate effr\u00e9n\u00e9e pour retrouver sa fille, Willa, et la tuer \u2014 lan\u00e7ant pour cela tous les agents de ICE sous ses ordres \u00e0 sa poursuite. <\/p>\n\n\n\n Willa, fille m\u00e9tisse n\u00e9e du viol d\u2019une femme noire par un militaire am\u00e9ricain, est donc poursuivie par une horde de militaires supr\u00e9macistes blancs qui veulent la mettre \u00e0 mort : elle sera sauv\u00e9e par un tueur \u00e0 gages au service des militaires mais dont les origines comanches autant que les scrupules \u00e0 ex\u00e9cuter une enfant le conduiront \u00e0 la sauver, au prix de sa vie. Difficile de ne pas voir ici une m\u00e9taphore de l\u2019histoire am\u00e9ricaine telle qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9 d\u00e9peinte par les \u00e9tudes f\u00e9ministes et d\u00e9coloniales au cours des d\u00e9cennies \u00e9coul\u00e9es : \u00e0 savoir celle d\u2019un pays dont une partie de la population m\u00e9tiss\u00e9e est n\u00e9e du viol, par les propri\u00e9taires blancs, des esclaves noires des plantations, et qu\u2019une partie de la population blanche voudrait aujourd\u2019hui voir expuls\u00e9e, voire supprim\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Au-del\u00e0 de l\u2019opposition imm\u00e9diate au gouvernement Trump, le film met ainsi en sc\u00e8ne de mani\u00e8re dramatique la fracture raciale qui parcourt l\u2019Am\u00e9rique, \u00e0 travers l\u2019opposition entre un groupe r\u00e9volutionnaire d\u2019extr\u00eame-gauche et un appareil policier et militaire gangren\u00e9 par l\u2019id\u00e9ologie d\u2019extr\u00eame-droite. <\/p>\n\n\n\n D\u00e8s lors, la violence dont font usage les membres du groupe des French 75 est apparue comme non seulement pleinement l\u00e9gitime pour certains spectateurs de gauche du film, mais m\u00eame jouissive et cathartique. <\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s des d\u00e9cennies ou peut-\u00eatre des si\u00e8cles \u00e0 subir la violence terrible de la domination blanche aux \u00c9tats-Unis, le film met en sc\u00e8ne une riposte, conduite au d\u00e9part par Perfidia, dont la sc\u00e8ne d\u2019ouverture donne le ton. Pistolets au poing, le groupe investit un centre de r\u00e9tention pour migrants, en d\u00e9coupe les grilles, en lib\u00e8re les prisonniers et en humilie les gardes, avant de s\u2019enfuir sous une pluie de fus\u00e9es \u00e9clairantes qui doit marquer le d\u00e9but de la r\u00e9volution. <\/p>\n\n\n\n Dans la premi\u00e8re heure du film, le groupe fait le choix d\u2019actions qui, si elles reposent sur le plastiquage des institutions et infrastructures qui mettent en \u0153uvre les politiques r\u00e9actionnaires combattues par le groupe, ne doivent pas faire de victimes \u2014 on voit ainsi Perfidia t\u00e9l\u00e9phoner \u00e0 une mairie conservatrice pour permettre l\u2019\u00e9vacuation du personnel avant l\u2019explosion de celle-ci. <\/p>\n\n\n\n Pourtant, d\u00e8s le d\u00e9but, la violence est bien pr\u00e9sente.<\/p>\n\n\n\n La m\u00eame Perfidia force, lors de l\u2019attaque du centre de r\u00e9tention, Lockjaw \u00e0 se masturber devant elle sous la menace d\u2019une arme \u2014 ce qui constitue d\u00e9j\u00e0 une agression sexuelle. Plus tard, cette m\u00eame Perfidia abat de sang-froid un policier d\u00e9sarm\u00e9 lors du braquage d\u2019une banque, d\u00e9clenchant ainsi la spirale infernale de la violence qui transforme ensuite le film en gigantesque affrontement entre le groupe r\u00e9volutionnaire et les forces de l\u2019ordre qui n\u2019ont d\u00e8s lors plus qu\u2019un seul objectif : ex\u00e9cuter sommairement, un \u00e0 un, les membres du groupe. <\/p>\n\n\n\n Le film bascule d\u00e8s lors dans une sorte de remake soft<\/em> de La<\/em> Bataille d\u2019Alger <\/em>(1970), de Gillo Pontecorvo, que Bob Ferguson visionne au d\u00e9but du film et dont on sent qu\u2019il a inspir\u00e9 \u00e0 l\u2019auteur l\u2019id\u00e9e de ces cellules interconnect\u00e9es, mais dont les membres ne se connaissent que de proche en proche.<\/p>\n\n\n\n Cette configuration oblige Lockjaw et ses comp\u00e8res \u00e0 briser psychologiquement un par un les membres du groupe pour acc\u00e9der \u00e0 l\u2019\u00e9chelon suivant et, ultimement, localiser Willa.<\/p>\n\n\n\n Mais comme long m\u00e9trage doit rester un film d\u2019action aux accents de com\u00e9die grand public, la forme de cette r\u00e9pression est compl\u00e8tement \u00e9dulcor\u00e9e par rapport \u00e0 La Bataille d\u2019Alger<\/em>. Ici, point de torture \u00e0 la g\u00e9g\u00e8ne ou de viol utilis\u00e9 comme arme de guerre : quelques ex\u00e9cutions sommaires certes, mais \u00e0 peine montr\u00e9es, puis l\u2019un des sbires de Lockjaw qui menace \u00e0 un moment un des membres du groupe de tuer sa s\u0153ur \u2014 ciel ! \u2014 s\u2019il ne r\u00e9v\u00e8le pas la position de Willa.<\/p>\n\n\n\n La violence s\u2019en trouve d\u00e9r\u00e9alis\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Le spectateur peut jouir de l\u2019effet cathartique que provoque la vision d\u2019un centre de r\u00e9tention pour migrants arros\u00e9 de grenades lacrymog\u00e8nes lanc\u00e9es, pour une fois, par les r\u00e9volutionnaires ; ou de voir une mairie conservatrice r\u00e9duite en cendres par quelques explosifs bien plac\u00e9s. Mais cette violence n\u2019a jamais aucune v\u00e9ritable cons\u00e9quence pour le groupe qui en est l\u2019auteur. Du fait des accents de com\u00e9die du film, faire la r\u00e9volution a l\u2019air presque dr\u00f4le \u2014 canarder des policiers et des militaires au fusil de chasse ou au semi-automatique aussi. <\/p>\n\n\n\n En fait, le ton du film r\u00e9sonne \u00e9trangement avec le caract\u00e8re absurde des messages laiss\u00e9s par l\u2019assassin de Charlie Kirk sur les douilles retrouv\u00e9es sur le site du crime : comme si abattre des supr\u00e9macistes blancs relevait au fond d\u2019un geste esth\u00e9tique, quelque part entre le clip de rap et les m\u00e8mes \u00ab Punching N*zis \u00bb qui fleurissent, par p\u00e9riode, sur Instagram.<\/p>\n\n\n\n De fait, au cours des 2h50 du film, le r\u00e9alisateur ne propose au spectateur de prendre quasiment aucune distance par rapport \u00e0 la violence qui lui est montr\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Certes, Perfidia appara\u00eet comme un personnage ambigu, qui symbolise peut-\u00eatre par moments les exc\u00e8s de la violence r\u00e9volutionnaire.<\/p>\n\n\n\n Mais son r\u00f4le est tellement complexe, et la distance qu\u2019on pourrait avoir vis-\u00e0-vis d\u2019elle tellement noy\u00e9e dans tous les st\u00e9r\u00e9otypes qu\u2019elle incarne \u00e0 la fois \u2014 celui de la femme noire hypersexualis\u00e9e, nymphomane et impulsive, dont l\u2019image d\u2019elle enceinte en train de tirer \u00e0 la mitrailleuse en poussant des hurlements sauvages utilis\u00e9e comme affiche du film suffit \u00e0 saisir le caract\u00e8re probl\u00e9matique. Finalement, on a du mal \u00e0 la voir autrement que comme un personnage sensiblement d\u00e9rang\u00e9 et un peu p\u00e9nible dont les actions se d\u00e9roulent dans un univers parall\u00e8le \u00e0 l\u2019intrigue.<\/p>\n\n\n\n Ce qui reste donc, ce sont ces images, confuses et sans orientation claire, de l\u2019Am\u00e9rique woke <\/em>en train de faire sa r\u00e9volution contre l\u2019Am\u00e9rique supr\u00e9maciste blanche, \u00e0 grands coups d\u2019explosifs, de fusils mitrailleurs et de \u00ab Viva la Revoluci\u00f3n ! \u00bb<\/em> l\u00e2ch\u00e9s par un Leonardo DiCaprio survolt\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Ce sont en effet ces images qui ont marqu\u00e9 la sph\u00e8re MAGA \u00e0 la sortie du film, donnant \u00e0 l\u2019Am\u00e9rique r\u00e9actionnaire tout ce dont elle avait besoin de voir dans ce moment de furie nationale contre la gauche apr\u00e8s la mort de Charlie Kirk.<\/p>\n\n\n\n Partout, dans les avis en ligne laiss\u00e9s sur le film, sur les cha\u00eenes conservatrices, c\u2019est la m\u00eame rengaine qui revient : One Battle After Another <\/em>serait un film qui fait l\u2019apologie de la violence d\u2019extr\u00eame-gauche, la m\u00eame qui aurait conduit au meurtre de Charlie Kirk ; le film serait le sympt\u00f4me d\u2019un terrorisme int\u00e9rieur qui gangr\u00e8nerait le pays et contre lequel Trump devrait lutter par tous les moyens disponibles. <\/p>\n\n\n\n Un \u00e9ditorial de Fox News, \u00e9loquemment intitul\u00e9 \u00ab DiCaprio\u2019s \u2018One Battle After Another\u2019 an ill-timed apologia for left-wing violence \u00bb, se concluait ainsi : \u00ab Tout le film m\u2019a un peu \u00e9nerv\u00e9, puis je me suis rappel\u00e9 que l\u2019administration Trump s\u2019appr\u00eate \u00e0 r\u00e9primer les\u00a0Antifas \u2014 ces \u00ab terroristes int\u00e9rieurs \u00bb bien r\u00e9els d\u2019aujourd\u2019hui \u2014 et peut-\u00eatre que ce sera un film sympathique pour eux \u00e0 regarder une fois qu\u2019ils seront tous en prison \u00bb<\/em> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Le lien entre le film et l\u2019arrestation de tous les Antifas est loin d\u2019\u00eatre fortuit.<\/p>\n\n\n\n Les mois qui viennent seront en effet cruciaux pour d\u00e9terminer le p\u00e9rim\u00e8tre de la r\u00e9pression qui a d\u00e9j\u00e0 commenc\u00e9 \u00e0 s\u2019abattre sur les personnes de gauche aux \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Le fait que la mouvance soit largement informelle, sans secr\u00e9tariat ni carte de membre, a conduit certains observateurs optimistes \u00e0 conclure que le d\u00e9cret classant les Antifas comme terroristes serait juridiquement inapplicable \u2014 comme si la l\u00e9galit\u00e9 avait jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent \u00e9t\u00e9 une base contraignante pour l\u2019administration Trump. <\/p>\n\n\n\n Le 8 octobre, le pr\u00e9sident, accompagn\u00e9 de la procureure g\u00e9n\u00e9rale Pam Bondi, a d\u00e9j\u00e0 utilis\u00e9 son intention de d\u00e9truire les Antifas \u00ab du sommet \u00e0 la base \u00bb comme un pr\u00e9texte pour envoyer l\u2019arm\u00e9e mater les manifestations contre sa politique migratoire dans les villes d\u00e9mocrates.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 travers ce mouvement, c\u2019est toute la gauche am\u00e9ricaine qui se trouve r\u00e9prim\u00e9e<\/a>, puisque le pr\u00e9sident a promis d\u2019incarc\u00e9rer tous les \u00e9diles d\u00e9mocrates qui n\u2019auraient selon lui pas su s\u2019opposer aux menaces que les manifestants auraient fait peser sur les agents de ICE, \u00e0 l\u2019image du maire de Chicago Brandon Johnson et du gouverneur de l\u2019Illinois, J. B. Pritzker. Ce faisant, il d\u00e9courage activement toute tentative d\u00e9mocrate potentielle pour s\u2019opposer \u00e0 l\u2019envoi de l\u2019arm\u00e9e dans les villes. <\/p>\n\n\n\n Dans ce contexte, le tribunal de l\u2019opinion sera un facteur pour comprendre jusqu\u2019o\u00f9 peut aller la r\u00e9pression trumpiste : le pays est-il m\u00fbr pour traiter ceux qu\u2019il d\u00e9signe d\u00e9sormais comme \u00ab ennemis int\u00e9rieurs de la nation \u00bb comme des terroristes et si oui, qui et comment ? S\u2019agit-il uniquement des Antifas revendiqu\u00e9s ou de toute personne arborant un sticker Antifa sur son ordinateur \u2014 comme c\u2019est le cas de dizaines de milliers d\u2019\u00e9tudiants aujourd\u2019hui \u2014, toute personne se revendiquant antifasciste, ou toute personne participant \u00e0 un rassemblement o\u00f9 des Antifas sont pr\u00e9sents ? Quant au fait de les traiter comme des terroristes, cela veut-il dire \u00ab simplement \u00bb les mettre en prison ou agir contre eux avec une \u00ab l\u00e9talit\u00e9 maximale \u00bb, comme cela a \u00e9t\u00e9 le cas pour les membres des cartels de drogue un fois qu\u2019ils ont \u00e9t\u00e9 class\u00e9s comme terroristes et comme le pr\u00e9sident a appel\u00e9 \u00e0 le faire lors de son allocution du 30 septembre 2025 sur les ennemis int\u00e9rieurs de la nation devant les g\u00e9n\u00e9raux am\u00e9ricains ? <\/p>\n\n\n\n Une partie de ces questions se trancheront dans l\u2019opinion. Nul doute que, dans un contexte aussi tendu, toute la gauche raisonnable a, imm\u00e9diatement apr\u00e8s l\u2019assassinat de Kirk, tent\u00e9 de r\u00e9futer le lien que le pr\u00e9sident et ses supporters cherchaient \u00e0 \u00e9tablir entre gauche et violence.<\/p>\n\n\n\n En dehors de quelques irresponsables c\u00e9l\u00e9brant l\u2019assassinat de Kirk, la gauche s\u2019est employ\u00e9e, \u00e0 raison, \u00e0 minimiser la politisation du meurtrier, \u00e0 rappeler que cette vague de violence touche l\u2019ensemble du spectre politique \u2014 comme en a encore t\u00e9moign\u00e9 l\u2019assassinat d\u2019\u00e9lus d\u00e9mocrates cet \u00e9t\u00e9 \u2014 et \u00e0 montrer qu\u2019\u00e0 bien y regarder c\u2019est surtout l\u2019extr\u00eame-droite qui a jou\u00e9 un r\u00f4le central dans l\u2019\u00e9pid\u00e9mie de gun violence <\/em>qui d\u00e9vaste le pays depuis quelques ann\u00e9es <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 rebours de cet exercice de r\u00e9futation, One Battle After Another <\/em>fait exister \u00e0 l\u2019\u00e9cran dans toute sa splendeur une violence d\u2019extr\u00eame-gauche qui, avant l\u2019assassinat de Kirk, constituait en grande partie un fantasme trumpiste \u2014 donnant ainsi \u00e0 Trump toutes les cartouches dont il a besoin pour pers\u00e9cuter le camp progressiste \u00e0 grande \u00e9chelle dans les ann\u00e9es qui viennent.<\/p>\n\n\n\n De fait, si Trump avait d\u00e9j\u00e0 tent\u00e9 de d\u00e9signer les Antifas comme organisation terroriste lors de son premier mandat, en 2019, il avait \u00e9chou\u00e9 \u00e0 le faire \u2014 l\u00e0 o\u00f9, dans la nouvelle s\u00e9quence, il y est parvenu sans probl\u00e8me, pr\u00e9parant sans doute bien pire encore.<\/p>\n\n\n\n Bien s\u00fbr, des observateurs g\u00e9n\u00e9reux ont tent\u00e9 d\u2019exon\u00e9rer le film de sa responsabilit\u00e9 dans la s\u00e9quence actuelle en notant son \u00e9criture avait d\u00e9but\u00e9 bien avant que Trump ne revienne au pouvoir \u2014 et que l\u2019actualit\u00e9 de son retour avait finalement donn\u00e9 une r\u00e9sonance nouvelle au film plut\u00f4t que l\u2019inverse. Mais les manifestations anti-ICE qui situent immanquablement le film dans l\u2019Am\u00e9rique actuelle \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 des symboles de la r\u00e9sistance \u00e0 Trump lors du premier mandat.<\/p>\n\n\n\n Le fait que le r\u00e9alisateur ait pris la d\u00e9cision de mettre en sc\u00e8ne ce qui allait n\u00e9cessairement appara\u00eetre comme une provocation aux yeux des \u00e9lecteurs de Trump avant <\/em>de savoir que ce dernier allait revenir au pouvoir t\u00e9moigne simplement de son incons\u00e9quence s\u2019il entendait par-l\u00e0 narguer les \u00e9lecteurs de MAGA, alors que la dangerosit\u00e9 du pr\u00e9sident actuel et de ses partisans pour la d\u00e9mocratie est connue de longue date. <\/p>\n\n\n\nOne Battle After Another <\/em> : le portrait d\u2019une Am\u00e9rique fractur\u00e9e <\/h2>\n\n\n\n
La violence comme spectacle <\/h2>\n\n\n\n
Quand la fiction nourrit la r\u00e9action <\/h2>\n\n\n\n
Par-del\u00e0 la r\u00e9ception : la gauche am\u00e9ricaine \u00e0 l\u2019\u00e9preuve de la violence <\/h2>\n\n\n\n