{"id":301571,"date":"2025-10-16T06:30:00","date_gmt":"2025-10-16T04:30:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=301571"},"modified":"2025-10-16T11:41:45","modified_gmt":"2025-10-16T09:41:45","slug":"poutine-la-nation-et-les-nationalismes-russes-une-histoire-de-violence","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/10\/16\/poutine-la-nation-et-les-nationalismes-russes-une-histoire-de-violence\/","title":{"rendered":"Poutine, la nation et les nationalismes russes : une histoire de violence"},"content":{"rendered":"\n

On associe volontiers la Russie de Vladimir Poutine \u00e0 la d\u00e9ferlante nationaliste qui traverse le continent europ\u00e9en. <\/em>La victoire en Tch\u00e9quie du mouvement ANO<\/em><\/a>, qui si\u00e8ge au Parlement europ\u00e9en dans le groupe des Patriots for Europe.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Pourtant, les relations entre le Kremlin et les mouvances nationalistes de la Russie contemporaine restent particuli\u00e8rement conflictuelles. <\/em><\/p>\n\n\n\n

Depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, chaque grand tournant de la politique russe \u2014 crise constitutionnelle de 1993, \u00e9lections de Vladimir Poutine, annexion de l\u2019Ukraine et invasion de 2022 \u2014 a inaugur\u00e9 une nouvelle phase d\u2019un affrontement complexe entre les nationalistes russes et un pouvoir qui s\u2019efforce de s\u2019approprier, en les temp\u00e9rant, certains \u00e9l\u00e9ments de leur vision du monde.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Rodolphe Droalin, chercheur au Centre d\u2019\u00e9tudes russes, caucasiennes, est-europ\u00e9ennes et centrasiatiques, est un sp\u00e9cialiste du nationalisme russe contemporain, auteur d\u2019une th\u00e8se sur la r\u00e9pression des opposants nationalistes de 2010 \u00e0 2022, sur lesquels il a enqu\u00eat\u00e9 pendant quatre ans \u00e0 Moscou, Vilnius et Riga. Nous revenons avec lui sur les moments essentiels de cette histoire complexe, mais absolument d\u00e9terminante pour comprendre la nature du pouvoir russe contemporain. Pour lui, le principal danger pour le r\u00e9gime de Poutine actuellement vient \u00ab des blogueurs pro-guerre critiques \u00e0 l\u2019\u00e9gard du pouvoir et des v\u00e9t\u00e9rans. Ils disposent de la l\u00e9gitimit\u00e9, de l\u2019audience et du savoir-faire en cas de crise violente en Russie. \u00bb<\/em><\/p>\n\n\n\n

Il a exist\u00e9 par le pass\u00e9 des organisations russes ultra-nationalistes, voire fascisantes, notamment dans l\u2019\u00e9migration blanche, mais des formations politiques de cette tendance auraient difficilement pu s\u2019\u00e9panouir \u00e0 l\u2019\u00e9poque sovi\u00e9tique. Pourriez-vous nous expliquer comment s\u2019est constitu\u00e9 le nationalisme russe en tant que mouvement politique dans la Russie post-sovi\u00e9tique  ?<\/h3>\n\n\n\n

\u00c0 la chute de l\u2019URSS, ce qui rassemble les nationalistes russes, c\u2019est le traumatisme de la perte de la puissance. La Russie traverse une crise \u00e9conomique et sociale sans pr\u00e9c\u00e9dent. Les fronti\u00e8res h\u00e9rit\u00e9es de l\u2019Empire sovi\u00e9tique \u00e9clatent, donnant naissance \u00e0 de nouveaux \u00c9tats. Des millions de Russes vivant dans ces nouveaux \u00c9tats deviennent aussit\u00f4t des \u00ab Russes de l\u2019\u00e9tranger \u00bb. Alors que la Russie s\u2019oriente vers un r\u00e9gime d\u00e9mocratique sous l\u2019impulsion de Boris Eltsine, les nationalistes russes accusent les \u00ab valeurs lib\u00e9rales \u00bb venues d\u2019Occident d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019origine de la crise que connaissent les Russes. Des th\u00e9ories antis\u00e9mites<\/a> se r\u00e9pandent \u00e9galement. Les revendications des nationalistes russes se d\u00e9clinent alors en deux grands volets  : la mise en place d\u2019un \u00c9tat autoritaire et la restauration de l\u2019empire et de la puissance. <\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 de ce diagnostic commun, il faut souligner la diversit\u00e9 des nationalistes russes de cette \u00e9poque, qui comprennent par exemple des monarchistes et des nationaux-bolcheviques dont les vues sont oppos\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n

Parmi la multitude d\u2019organisations nationalistes qui \u00e9mergent \u00e0 la suite de la chute de l\u2019URSS, j\u2019en retiendrai deux. Tout d\u2019abord l\u2019Unit\u00e9 nationale russe fond\u00e9e par Alexandre Barkashov en 1990. Ouvertement n\u00e9onazie, cette organisation pr\u00f4ne la primaut\u00e9 des Russes ethniques et l\u2019expulsion des immigr\u00e9s, des Juifs et des Tziganes. Elle se montre \u00e9galement sensible \u00e0 la cause des Russes de l\u2019\u00e9tranger. C\u2019est une organisation paramilitaire dont les militants sont entra\u00een\u00e9s au combat. La deuxi\u00e8me organisation nationaliste notable dans les ann\u00e9es 1990 est le Parti national-bolchevique, fond\u00e9 en mai 1993 par Edouard Limonov et Alexandre Douguine. Inspir\u00e9s par le fascisme et le stalinisme, antilib\u00e9raux et antiam\u00e9ricains, les nationaux-bolcheviques appellent \u00e0 la mise en place d\u2019un pouvoir autoritaire et \u00e0 l\u2019instauration d\u2019un empire eurasien. <\/p>\n\n\n\n

Lors de la crise constitutionnelle de 1993, les nationalistes russes manifestent leur opposition au nouveau r\u00e9gime d\u00e9mocratique. En septembre 1993, Boris Eltsine annonce la dissolution du Parlement dans le but de faire adopter une nouvelle constitution. Les parlementaires s\u2019y opposent et des militants communistes et nationalistes arm\u00e9s, notamment issus d\u2019Unit\u00e9 nationale russe et du Parti national-bolchevique, \u00e9rigent des barricades autour du Parlement pour le prot\u00e9ger. D\u00e9but octobre, Boris Eltsine ordonne le bombardement du Parlement. Selon les estimations officielles, les affrontements auraient fait 187 morts. \u00c0 la suite de cette confrontation, le Parlement est effectivement dissous et une nouvelle constitution est adopt\u00e9e. L\u2019ann\u00e9e suivante, les militants arr\u00eat\u00e9s b\u00e9n\u00e9ficient d\u2019une amnistie et sont rel\u00e2ch\u00e9s. Cette crise a \u00e9t\u00e9 un moment charni\u00e8re  : c\u2019est \u00e0 ce moment que se sont impos\u00e9s le th\u00e8me de la \u00ab menace rouge-brune \u00bb et la comparaison de la Russie des ann\u00e9es 1990 \u00e0 la R\u00e9publique de Weimar. <\/p>\n\n\n\n

Le pouvoir de Boris Eltsine s\u2019est toutefois maintenu malgr\u00e9 cette opposition. Certains nationalistes, comme ceux de l\u2019Unit\u00e9 nationale russe, ont tent\u00e9 de participer aux \u00e9lections, mais l\u2019enregistrement de leur parti a \u00e9t\u00e9 refus\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000, ces organisations d\u00e9clinent, laissant la place \u00e0 de nouvelles structures nationalistes. Il s\u2019agit notamment du Mouvement contre l\u2019immigration ill\u00e9gale (Dvi\u017eenie protiv nelegal\u2019noj immigracii<\/em> ou DPNI) cr\u00e9\u00e9 en 2002 par deux fr\u00e8res, Alexandre Belov et Vladimir Basmanov. Actifs dans les ann\u00e9es 1990, ils ont particip\u00e9 \u00e0 la d\u00e9fense du Parlement en 1993, mais sans occuper de fonction de premier plan. Le DPNI signe le tournant r\u00e9solument ethno-nationaliste du nationalisme russe. Les nationalistes des ann\u00e9es 1990 s\u2019opposaient en priorit\u00e9 au nouveau r\u00e9gime d\u00e9mocratique et au d\u00e9clin de la puissance russe  ; d\u00e9sormais, ces questions sont rel\u00e9gu\u00e9es au second plan par des critiques toujours plus virulentes de l\u2019immigration, et plus g\u00e9n\u00e9ralement des minorit\u00e9s non-Russes, \u00e0 commencer par celles du Caucase. Le Mouvement contre l\u2019immigration ill\u00e9gale soutient que les Russes ethniques sont syst\u00e9matiquement d\u00e9savantag\u00e9s face aux minorit\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n

Les positions nationalistes du pouvoir de Poutine restent largement instrumentales et ponctuelles.<\/p>Rodolphe Droalin<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les analystes de la politique russe contemporaine sondent contin\u00fbment les d\u00e9clarations de Vladimir Poutine en qu\u00eate de r\u00e9f\u00e9rences \u00e0 des auteurs nationalistes, monarchistes ou contre-r\u00e9volutionnaires du XXe si\u00e8cle, de Nikola\u00ef Berdia\u00efev \u00e0 Alexandre Douguine. Diriez-vous qu\u2019il a exist\u00e9 \u00e0 un moment donn\u00e9 une possible plateforme id\u00e9ologique commune entre les mouvements nationalistes radicaux et le r\u00e9gime de Vladimir Poutine  ? <\/h3>\n\n\n\n

L\u2019orientation nationaliste \u2014 ou patriotique \u2014 du gouvernement russe ne date pas de Vladimir Poutine.<\/p>\n\n\n\n

Il faut plut\u00f4t remonter \u00e0 la deuxi\u00e8me moiti\u00e9 des ann\u00e9es 1990, sous Boris Eltsine. Dans le cadre de la premi\u00e8re guerre de Tch\u00e9tch\u00e9nie (1994-1996) et de sa comp\u00e9tition avec le Parti communiste de Russie, premier parti au Parlement apr\u00e8s les \u00e9lections de d\u00e9cembre 1993, Eltsine multiplie les gestes en direction de l\u2019opinion nationaliste \u2014 pensons au symbole fort qu\u2019a \u00e9t\u00e9 la reconstruction de la cath\u00e9drale du Christ-Sauveur de 1995 \u00e0 2000. Lors de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle de 1996, en difficult\u00e9 face au candidat communiste Leonid Ziouganov, Boris Eltsine obtient le soutien de personnalit\u00e9s du camp patriotique comme Sergue\u00ef Babourine ou le g\u00e9n\u00e9ral Lebed. Il s\u2019\u00e9loigne aussi de l\u2019Occident, notamment sous l\u2019impulsion d\u2019Evgueni Primakov<\/a>, ministre des Affaires \u00e9trang\u00e8res de 1996 \u00e0 1998 qui r\u00e9oriente la politique \u00e9trang\u00e8re russe vers l\u2019Asie et le Sud. Le gouvernement russe est d\u00e9\u00e7u du manque de soutien de l\u2019Occident pendant la guerre de Tch\u00e9tch\u00e9nie et s\u2019oppose aux positions occidentales dans le cadre des guerres en ex-Yougoslavie.<\/p>\n\n\n\n

Lorsque Vladimir Poutine est \u00e9lu pr\u00e9sident en 2000, il se place donc davantage dans la continuit\u00e9 que dans la rupture. <\/p>\n\n\n\n

Son discours et son style sont en revanche plus affirm\u00e9s. Il reprend certaines id\u00e9es d\u00e9fendues par les nationalistes dans les ann\u00e9es 1990  : regret de l\u2019\u00e9clatement de l\u2019empire, remise en ordre du pays, restauration de la puissance russe. Il contribue ainsi au d\u00e9clin de certaines organisations nationalistes des ann\u00e9es 1990 comme Unit\u00e9 nationale russe dont les militants ne voient pas l\u2019int\u00e9r\u00eat de lutter contre un gouvernement qui s\u2019est appropri\u00e9 leurs id\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n

Au cours des d\u00e9cennies suivantes, le r\u00e9gime de Vladimir Poutine deviendra de plus en plus nationaliste : opposition \u00e0 l\u2019Occident et aux id\u00e9es lib\u00e9rales, promotion des valeurs traditionnelles, annexion de la Crim\u00e9e en 2014 au nom de la d\u00e9fense des Russes ethniques, invasion \u00e0 grande \u00e9chelle de l\u2019Ukraine en 2022 justifi\u00e9e de la m\u00eame fa\u00e7on.<\/p>\n\n\n\n

Cependant, les positions nationalistes du pouvoir russe restent largement instrumentales et ponctuelles et ne reprennent pas les id\u00e9es maximalistes des militants nationalistes. Le r\u00e9gime de Vladimir Poutine se veut pragmatique et s\u2019attache \u00e0 conserver une certaine flexibilit\u00e9. En cela, on ne peut pas parler de \u00ab plateforme id\u00e9ologique commune \u00bb entre les radicaux nationalistes et le r\u00e9gime. Sur les questions ethniques et les enjeux d\u2019immigration, le gouvernement russe a pu parfois exprimer des positions dures, mais, dans les faits, la Russie a massivement recours \u00e0 la main-d\u2019\u0153uvre \u00e9trang\u00e8re. De m\u00eame, face aux radicaux ethno-nationalistes, le gouvernement promeut la multinationalit\u00e9 de la Russie et rejette l\u2019id\u00e9e d\u2019une primaut\u00e9 des Russes ethniques. De leur c\u00f4t\u00e9, les radicaux imp\u00e9rialistes comme Alexandre Douguine expriment une certaine frustration face \u00e0 la lenteur de la restauration de l\u2019empire. Ils appelaient d\u2019ailleurs \u00e0 envahir l\u2019ensemble de l\u2019Ukraine d\u00e8s 2014. <\/p>\n\n\n\n

Ainsi, m\u00eame si le r\u00e9gime de Vladimir Poutine est d\u2019une orientation clairement nationaliste, il ne reprend que ponctuellement et partiellement les id\u00e9es des nationalistes radicaux. Le r\u00e9gime de Vladimir Poutine se montre autrement flexible et pragmatique, m\u00eame si l\u2019on assiste \u00e0 sa progressive radicalisation.<\/p>\n\n\n\n

Votre th\u00e8se de doctorat porte pr\u00e9cis\u00e9ment sur la mani\u00e8re dont la r\u00e9pression \u00e9tatique s\u2019est abattue sur les nationalistes russes, avec une virulence croissante depuis les ann\u00e9es 2010. Attribuez-vous cette r\u00e9pression \u00e0 une divergence id\u00e9ologique ou \u00e0 un affrontement purement politique \u2014 \u00e0 un moment o\u00f9 les autorit\u00e9s envisageaient de promouvoir leurs propres cercles nationalistes  ?<\/h3>\n\n\n\n

La r\u00e9pression de l\u2019opposition nationaliste s\u2019inscrit dans un contexte de violences racistes toujours plus radicales, commises en particulier par des groupes de skinheads, depuis la fin des ann\u00e9es 1990. Dans un premier temps, les violences racistes sont minimis\u00e9es par la justice et les services de s\u00e9curit\u00e9. Cependant, elles deviennent de plus en plus massives avec l\u2019\u00e9mergence d\u2019un terrorisme n\u00e9onazi (attentat sur le march\u00e9 de Cherkizovsky \u00e0 Moscou en 2006). En m\u00eame temps, ces violences se politisent, en particulier sous l\u2019impulsion du Mouvement contre l\u2019immigration ill\u00e9gale qui vient justifier les violences racistes. Sous son influence, ces violences s\u2019\u00e9largissent et deviennent un d\u00e9fi politique pour les autorit\u00e9s russes. Ce mouvement a notamment particip\u00e9 aux \u00e9meutes de Kondopoga, une ville de Car\u00e9lie, en 2006. Apr\u00e8s une altercation dans un restaurant entre Russes et Caucasiens, des habitants de Kondopoga se sont attaqu\u00e9s aux habitants d\u00e9sign\u00e9s comme originaires du Caucase, provoquant de telles \u00e9meutes que la police ne parvenait plus \u00e0 r\u00e9tablir l\u2019ordre. Des militants du DPNI en ont profit\u00e9 pour apporter leur soutien et appeler le gouvernement \u00e0 expulser les habitants originaires du Caucase, avant d\u2019\u00eatre finalement arr\u00eat\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Ces \u00e9meutes ont \u00e9t\u00e9 la premi\u00e8re confrontation directe entre le gouvernement de Vladimir Poutine et le DPNI. Le gouvernement russe a alors pris la mesure de la menace que repr\u00e9sentaient les militants nationalistes. De leur c\u00f4t\u00e9, les militants nationalistes ont pris conscience d\u2019\u00eatre entr\u00e9s en opposition politique avec le r\u00e9gime \u2014 m\u00eame si les charges qui les visaient ont finalement \u00e9t\u00e9 abandonn\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e0 la suite de ces \u00e9meutes que le Mouvement contre l\u2019immigration ill\u00e9gale a cherch\u00e9 \u00e0 se constituer en un parti politique appelant \u00e0 un v\u00e9ritable changement de r\u00e9gime. Le mouvement s\u2019est m\u00eame rapproch\u00e9 d\u2019Alexe\u00ef Navalny pour atteindre ses fins. En r\u00e9ponse, le gouvernement russe a durci la r\u00e9pression, ouvrant notamment des enqu\u00eates contre Alexandre Belov.<\/p>\n\n\n\n

Les radicaux imp\u00e9rialistes comme Alexandre Douguine expriment une certaine frustration face \u00e0 la lenteur de la restauration de l\u2019empire.<\/p>Rodolphe Droalin<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En 2010, \u00e0 la suite du meurtre d\u2019un supporteur de football par des jeunes originaires de Tch\u00e9tch\u00e9nie, de nouvelles \u00e9meutes racistes ont \u00e9clat\u00e9 en plein c\u0153ur de Moscou. Le DPNI y \u00e9tait directement impliqu\u00e9 et les autorit\u00e9s, qui percevaient ces affrontements sous les murs du Kremlin comme une v\u00e9ritable humiliation, l\u2019ont d\u00e9clar\u00e9 ill\u00e9gal. Une nouvelle vague de r\u00e9pression a eu lieu autour de 2014, lorsque certains leaders comme Alexandre Belov ou Dmitrii Dyomoushkine ont refus\u00e9 de soutenir les s\u00e9paratistes du Donbass. En somme, la r\u00e9pression des opposants nationalistes r\u00e9pond \u00e0 la fois \u00e0 un probl\u00e8me d\u2019ordre public et \u00e0 l\u2019affirmation d\u2019une opposition nationaliste, m\u00ealant indissociablement enjeux politiques et pr\u00e9occupations s\u00e9curitaires.<\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 de la r\u00e9pression, le gouvernement russe cherche aussi \u00e0 concurrencer l\u2019opposition nationaliste en cr\u00e9ant ses propres organisations nationalistes dans le cadre d\u2019une politique de \u00ab nationalisme administr\u00e9 \u00bb. En constatant le succ\u00e8s du Mouvement contre l\u2019immigration ill\u00e9gale et du ph\u00e9nom\u00e8ne skinhead<\/em> aupr\u00e8s des jeunes, le gouvernement russe a voulu \u00e9loigner cette jeunesse nationaliste de la violence et de l\u2019opposition et l\u2019orienter vers des organisations de jeunesse loyales comme Nashi (fond\u00e9e en 2005) ou encore Russkii Obraz (fond\u00e9e en 2008).<\/p>\n\n\n\n

Le pouvoir russe dispose aujourd\u2019hui d\u2019un arsenal r\u00e9pressif particuli\u00e8rement d\u00e9velopp\u00e9, qu\u2019il exporte d\u2019ailleurs dans certains pays \u2014 pensons aux lois ou projets de loi sur les \u00ab agents de l\u2019\u00e9tranger \u00bb en G\u00e9orgie, en Hongrie et au Kirghizstan. Quels instruments ont \u00e9t\u00e9 mobilis\u00e9s pour lutter contre l\u2019opposition nationaliste  ? L\u2019accent a-t-il \u00e9t\u00e9 plac\u00e9 sur \u00ab l\u2019extr\u00e9misme \u00bb, sur le \u00ab terrorisme \u00bb ou sur d\u2019autres qualifications juridiques  ? <\/h3>\n\n\n\n

Pour r\u00e9pondre aux violences racistes \u2014 mais aussi aux mouvements islamistes, dans le contexte de la guerre en Tch\u00e9tch\u00e9nie et du terrorisme islamiste \u2014, le gouvernement russe adopte une loi de lutte contre l\u2019extr\u00e9misme en 2002. <\/p>\n\n\n\n

Les deux principaux articles sont le 280 qui punit l\u2019incitation \u00e0 commettre des \u00ab actes extr\u00e9mistes \u00bb et le 282 visant \u00ab les appels \u00e0 la haine contre tout groupe social \u00bb. Dans un premier temps, cette loi est peu appliqu\u00e9e. Les auteurs de crimes racistes b\u00e9n\u00e9ficient de l\u2019indulgence de la police et de la justice. Bien souvent, ils ne sont poursuivis que pour \u00ab hooliganisme \u00bb. C\u2019est seulement \u00e0 partir de la deuxi\u00e8me moiti\u00e9 des ann\u00e9es 2000 que cette loi entre vraiment en application, dans un contexte d\u2019intensification des violences racistes \u2014 des \u00e9meutes au terrorisme n\u00e9onazi. En 2008, les autorit\u00e9s russes se dotent de deux structures d\u00e9di\u00e9es \u00e0 la lutte contre l\u2019extr\u00e9misme  : le Centre de lutte contre l\u2019extr\u00e9misme, compos\u00e9 de policiers sp\u00e9cialis\u00e9s, et Roskomnadzor, charg\u00e9 de la r\u00e9gulation des contenus sur Internet. Les militants sont principalement poursuivis pour des propos tenus sur Internet ou lors de manifestations. Ils sont parfois condamn\u00e9s \u00e0 des peines de prison ferme  : cela a par exemple \u00e9t\u00e9 le cas de Dmitrii Dyomoushkine, condamn\u00e9 en 2016 \u00e0 deux ans et demi de prison pour le slogan \u00ab Un pouvoir russe pour la Russie \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Des militants nationalistes sont aussi poursuivis pour violences racistes dans le cadre d\u2019affaires douteuses, voire fabriqu\u00e9es de toutes pi\u00e8ces. Par exemple, Daniil Konstantinov a \u00e9t\u00e9 poursuivi en 2012 pour le meurtre de migrants alors qu\u2019il se trouvait \u00e0 une f\u00eate d\u2019anniversaire. La soci\u00e9t\u00e9 civile russe s\u2019est mobilis\u00e9e et a obtenu sa lib\u00e9ration. <\/p>\n\n\n\n

Il existe enfin des cas de nationalistes condamn\u00e9s pour terrorisme, mais ces affaires restent peu nombreuses. <\/p>\n\n\n\n

La mani\u00e8re dont le r\u00e9gime russe r\u00e9prime les opposants nationalistes diff\u00e8re-t-elle juridiquement ou politiquement des pratiques visant l\u2019opposition lib\u00e9rale ?\u00a0<\/h3>\n\n\n\n

Il faut d\u2019abord souligner que la conception de \u00ab l\u2019extr\u00e9misme \u00bb dans la Russie actuelle concerne l\u2019ensemble des acteurs susceptibles de menacer la stabilit\u00e9 politique. <\/p>\n\n\n\n

La l\u00e9gislation anti-extr\u00e9miste, quant \u00e0 elle, est vague et peut donc \u00eatre appliqu\u00e9e \u00e0 des acteurs \u00e9loign\u00e9s des milieux radicaux. L\u2019article 280 condamne \u00ab l\u2019appel \u00e0 commettre des actes extr\u00e9mistes \u00bb sans d\u00e9finir ces actes eux-m\u00eames. Il peut donc s\u2019agir de simples appels \u00e0 manifester. C\u2019est d\u2019ailleurs pour ce motif \u2014 des appels \u00e0 participer \u00e0 des manifestations non autoris\u00e9es \u2014 que l\u2019organisation d\u2019Alexe\u00ef Navalny a \u00e9t\u00e9 d\u00e9clar\u00e9e extr\u00e9miste en 2021. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019article 282 condamne quant \u00e0 lui \u00ab l\u2019incitation \u00e0 la haine contre tout groupe social \u00bb. Cette notion de \u00ab groupe social \u00bb est mal d\u00e9finie et peut potentiellement concerner de simples critiques contre les repr\u00e9sentants de l\u2019\u00c9tat, comme l\u2019a montr\u00e9 l\u2019exemple d\u2019Irek Murtazin. Ce journaliste tenait un blog et a publi\u00e9 un livre d\u00e9non\u00e7ant la corruption au Tatarstan, qui lui a valu en 2009 d\u2019\u00eatre condamn\u00e9 \u00e0 un an et neuf mois de prison pour \u00ab incitation \u00e0 la haine contre des repr\u00e9sentants de l\u2019\u00c9tat \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Cependant, cette conception extensive de l\u2019extr\u00e9misme n\u2019a pas toujours une signification politique. Il peut s\u2019agir d\u2019agents du Centre de lutte contre l\u2019extr\u00e9misme qui cherchent \u00e0 am\u00e9liorer leurs statistiques. Ils peuvent par exemple consid\u00e9rer une image en r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l\u2019Allemagne nazie post\u00e9e sur Internet comme \u00e9tant une r\u00e9habilitation du nazisme sans tenir compte du contexte de la publication (recherche historique, journalisme\u2026). <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est d\u2019ailleurs en r\u00e9ponse \u00e0 ces exc\u00e8s que l\u2019article 282 a \u00e9t\u00e9 d\u00e9criminalis\u00e9 en 2019. D\u00e8s lors, les incitations \u00e0 la haine ne sont plus condamn\u00e9es qu\u2019\u00e0 des amendes. L\u2019article 280 reste lui inchang\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

On assiste depuis l\u2019attentat du Crocus City Hall de 2024 \u00e0 une vague de descentes de police dans les foyers d\u2019immigr\u00e9s et d\u2019attaques racistes<\/a> \u00e0 l\u2019encontre des populations venues, notamment, d\u2019Asie centrale. Or ces agressions rappellent beaucoup \u2014 au moins dans leur forme et leurs cibles \u2014 celles des ultra-nationalistes des ann\u00e9es 1990-2000. Peut-on dire que le pouvoir russe tol\u00e8re plus qu\u2019avant, voire encourage cette violence anti-immigr\u00e9s qu\u2019il pr\u00e9tendait jadis combattre  ?<\/h3>\n\n\n\n

Il est difficile de dire si le pouvoir russe encourage les violences anti-immigr\u00e9s, mais il cr\u00e9e en tout cas un climat qui les justifie. Plusieurs travaux, comme ceux de Victor Schnirelmann, ont bien montr\u00e9 que le climat politique et m\u00e9diatique de la fin des ann\u00e9es 1990 et des ann\u00e9es 2000 <\/strong>avait l\u00e9gitim\u00e9 les violences racistes de cette p\u00e9riode. Par exemple, le maire de Moscou de l\u2019\u00e9poque, Iouri Loujkov, appelait \u00e0 limiter l\u2019immigration dans la ville, ce qui a \u00e9t\u00e9 interpr\u00e9t\u00e9 comme un appel \u00e0 \u00ab nettoyer les rues des migrants \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Depuis l\u2019attentat du Crocus City Hall<\/a>, on observe en effet une augmentation de la violence contre les immigr\u00e9s, notamment de la part de la police. Des pays comme le Tadjikistan ou l\u2019Azerba\u00efdjan ont protest\u00e9 publiquement contre les mauvais traitements subis par leurs ressortissants en Russie.<\/p>\n\n\n\n

En f\u00e9vrier 2025, le gouvernement russe a adopt\u00e9 une loi sur l\u2019immigration tr\u00e8s restrictive  : expulsions sans d\u00e9cision de justice, mise en place d\u2019un registre d\u2019immigr\u00e9s en situation irr\u00e9guli\u00e8re, limitation du recours \u00e0 l\u2019immigration dans certains secteurs\u2026<\/p>\n\n\n\n

Cependant, les acteurs \u00e0 l\u2019origine de ces violences racistes ne font souvent pas la diff\u00e9rence entre des immigr\u00e9s et des ressortissants issus de minorit\u00e9s de Russie comme les Tch\u00e9tch\u00e8nes. Ce genre de violences est une ligne rouge pour le pouvoir russe car elles peuvent d\u00e9stabiliser la f\u00e9d\u00e9ration.<\/p>\n\n\n\n

Le gouvernement russe cherche aussi \u00e0 concurrencer l\u2019opposition nationaliste en cr\u00e9ant ses propres organisations nationalistes dans le cadre d\u2019une politique de \u00ab nationalisme administr\u00e9 \u00bb<\/p>Rodolphe Droalin<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le 30 ao\u00fbt 2025, Andriy Paroubiy mourait dans une rue de Lviv apr\u00e8s avoir re\u00e7u huit coups de feu. Il avait fond\u00e9 en 1991 le Parti social-national d\u2019Ukraine, une formation n\u00e9ofasciste, ultra-nationaliste, directement inspir\u00e9e par le Parti national-socialiste allemand. Existait-il dans les ann\u00e9es 1990-2000 des similitudes entre les ultra-nationalistes russes et ukrainiens \u2014 au niveau id\u00e9ologique ou strat\u00e9gique par exemple ? Y a-t-il eu des circulations ou des conflits ouverts entre ces groupes  ? <\/h3>\n\n\n\n

Les contacts entre nationalistes russes et nationalistes ukrainiens ont principalement eu lieu au sein de la sous-culture n\u00e9onazie.<\/p>\n\n\n\n

Les rencontres se faisaient dans le cadre de matchs de football, de concerts de black metal ou de combats de MMA.<\/p>\n\n\n\n

Il y avait \u00e9galement quelques contacts intellectuels. \u00c0 ce titre, on peut notamment citer le cas d\u2019Olena Semeniaka, li\u00e9e au mouvement Azov, qui se trouvait aussi en contact avec Alexandre Douguine.<\/p>\n\n\n\n

Comment les nationalistes russes r\u00e9prim\u00e9s par le pouvoir poutinien ont-ils r\u00e9agi au d\u00e9clenchement de la guerre en Ukraine cens\u00e9e \u00ab d\u00e9nazifier \u00bb le pays voisin  ? Se sont-ils reconvertis en combattants ou en propagandistes  ? Combien ont \u00e9t\u00e9 pr\u00eats, au contraire, \u00e0 combattre aux c\u00f4t\u00e9s des Forces arm\u00e9es ukrainiennes pour lutter contre le pouvoir en place en Russie, \u00e0 l\u2019instar du \u00ab Corps des volontaires russes \u00bb  ?<\/h3>\n\n\n\n

Pour comprendre le positionnement des opposants nationalistes sur la question ukrainienne, il faut remonter \u00e0 l\u2019annexion de la Crim\u00e9e et au conflit dans le Donbass en 2014.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 ce moment, la question divise profond\u00e9ment l\u2019opposition nationaliste russe. Il y a d\u2019un c\u00f4t\u00e9 ceux qui s\u2019y opposent et voient Ma\u00efdan comme un mod\u00e8le \u00e0 suivre en Russie. D\u2019autres se r\u00e9jouissent au contraire de l\u2019annexion de la Crim\u00e9e et soutiennent les s\u00e9paratistes \u00e0 travers des missions humanitaires. Ils n\u2019en restent pas moins critiques du r\u00e9gime et estiment que le gouvernement russe n\u2019a pas assez soutenu les s\u00e9paratistes du Donbass et qu\u2019il aurait fallu pousser plus avant en Ukraine, jusqu\u2019\u00e0 Kharkiv ou Odessa. <\/p>\n\n\n\n

Certains nationalistes russes vont jusqu\u2019\u00e0 combattre dans l\u2019un des deux camps. Cela est particuli\u00e8rement visible chez certains n\u00e9onazis russes qui rejoignent les rangs de Kiev \u00e0 partir 2014. L\u2019ONG Sova d\u00e9nombre une centaine de militants nationalistes qui ont rejoint le c\u00f4t\u00e9 ukrainien en 2014-2015. Il s\u2019agit surtout de militants fuyant des poursuites judiciaires en Russie. Parmi eux se trouve notamment Alexe\u00ef Liovkine, leader de l\u2019organisation Wotan Jugend. Il rejoint l\u2019Ukraine en 2014 avec des camarades apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 accus\u00e9 d\u2019un triple meurtre raciste. Ils se rallient au r\u00e9giment Azov et combattent les s\u00e9paratistes du Donbass, justifiant leur combat par l\u2019anticommunisme. Ils estiment que le r\u00e9gime russe est l\u2019h\u00e9ritier de l\u2019URSS \u2014 de fait, les s\u00e9paratistes du Donbass se montraient en effet tr\u00e8s nostalgiques de l\u2019URSS. Ils prennent pour mod\u00e8le Andre\u00ef Vlassov <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, g\u00e9n\u00e9ral sovi\u00e9tique qui a collabor\u00e9 avec les nazis pour s\u2019opposer \u00e0 Staline.<\/p>\n\n\n\n

Pour autant, leurs relations avec les autorit\u00e9s ukrainiennes sont parfois tendues, notamment autour de leur statut migratoire. <\/p>\n\n\n\n

Des nationalistes russes rejoignent aussi les s\u00e9paratistes du Donbass. Il s\u2019agit par exemple d\u2019Ian Petrovsky, membre du Mouvement imp\u00e9rial russe, qui se rend dans le Donbass en 2014 et fonde l\u2019unit\u00e9 paramilitaire Roussitch. Plus g\u00e9n\u00e9ralement, certains de mes contacts ont indiqu\u00e9 que les services sp\u00e9ciaux russes approchaient des militants nationalistes, y compris en prison, pour combattre dans le Donbass, bien avant l\u2019invasion \u00e0 grande \u00e9chelle de 2022.<\/p>\n\n\n\n

Un volontaire que j\u2019ai rencontr\u00e9 a soulign\u00e9 certaines tensions autour de l\u2019engagement de ces nationalistes russes dans le Donbass  : m\u00e9fiance r\u00e9ciproque entre ces militants et les autorit\u00e9s s\u00e9paratistes, plut\u00f4t nostalgiques du communisme ; manque de soutien et de reconnaissance de l\u2019\u00c9tat russe, par exemple en cas de d\u00e9c\u00e8s ou de blessure.<\/p>\n\n\n\n

Ces tendances continuent aujourd\u2019hui, mais on observe un changement d\u2019acteurs. Un certain nombre d\u2019entre eux, actifs pendant le conflit dans le Donbass, ne le sont plus aujourd\u2019hui. Certains sont en prison comme Ian Petrovsky, d\u00e9tenu en Finlande pour crimes de guerre, tout comme Igor Guirkine, condamn\u00e9 \u00e0 quatre ans de prison en 2024 pour \u00ab appels \u00e0 commettre des actes extr\u00e9mistes \u00bb apr\u00e8s avoir critiqu\u00e9 Vladimir Poutine et l\u2019arm\u00e9e, alors qu\u2019il \u00e9tait l\u2019un des principaux leaders des volontaires dans le Donbass. J\u2019ai \u00e9galement constat\u00e9 que des militants nationalistes qui avaient soutenu l\u2019annexion de la Crim\u00e9e et les s\u00e9paratistes du Donbass se sont prononc\u00e9s contre la guerre, y voyant un conflit fratricide entre Slaves. Ils se sont ensuite retir\u00e9s de la vie publique. Il faut bien s\u00fbr \u00e9voquer la mort d\u2019Evgueni Prigojine et la dissolution de Wagner.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Ce qu\u2019il est int\u00e9ressant de constater, surtout du c\u00f4t\u00e9 russe, c\u2019est la r\u00e9pression et la disparition d\u2019acteurs majeurs. Lorsqu\u2019ils sont trop g\u00eanants ou deviennent inutiles, on se \u00ab d\u00e9barrasse \u00bb d\u2019eux, purement et simplement.<\/p>\n\n\n\n

Les acteurs nationalistes russes aujourd\u2019hui au premier plan de la guerre proviennent de milieux diff\u00e9rents. Les blogueurs pro-guerre russes sont souvent issus des milieux m\u00e9diatiques ou militaires. Par exemple, Semyon Pegov (WarGonzo) a \u00e9t\u00e9 reporter de guerre dans divers conflits post-sovi\u00e9tiques. Du c\u00f4t\u00e9 des nationalistes russes combattant avec l\u2019Ukraine, on cite en effet beaucoup le Corps des volontaires russes. Son fondateur, Denis Kapoustine, est un Russe qui a v\u00e9cu en Allemagne et s\u2019est install\u00e9 en Ukraine en 2017. Avant cela, il \u00e9tait essentiellement connu dans le monde du MMA et pour sa marque de v\u00eatements WhiteRex.<\/p>\n\n\n\n

Il est difficile de dire si le pouvoir russe encourage les violences anti-immigr\u00e9s, mais il cr\u00e9e en tout cas un climat qui les justifie.<\/p>Rodolphe Droalin<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans la Russie d\u2019apr\u00e8s Poutine, les ultra-nationalistes auraient-ils une chance de peser dans les affrontements politiques qui pourraient s\u2019ensuivre  ? Existe-t-il dans leurs rangs des milices susceptibles de jouer un r\u00f4le si ces affrontements d\u00e9g\u00e9n\u00e9raient en une v\u00e9ritable guerre civile ou un conflit ouvert de divers groupes avec l\u2019\u00c9tat russe  ? <\/h3>\n\n\n\n

Au cours de mon enqu\u00eate de terrain, j\u2019ai rencontr\u00e9 des militants n\u00e9onazis qui affirmaient s\u2019entra\u00eener au combat dans la perspective d\u2019une crise grave en Russie.<\/p>\n\n\n\n

J\u2019ai pu les voir partager sur Telegram des actions commises par leurs  camarades. Mais ces actions restent limit\u00e9es \u2014 elles peuvent par exemple consister \u00e0 mettre le feu \u00e0 une voiture portant le sigle pro-guerre \u00ab Z \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

En 2023, la police russe a annonc\u00e9 avoir d\u00e9mantel\u00e9 des cellules n\u00e9onazies russes qui pr\u00e9paraient des actes violents contre l\u2019\u00c9tat.<\/p>\n\n\n\n

Cette annonce s\u2019inscrit ind\u00e9niablement dans les op\u00e9rations de propagande des autorit\u00e9s russes, mais des arrestations ont \u00e9t\u00e9 confirm\u00e9es par certains de leurs camarades sur Telegram.<\/p>\n\n\n\n

Ces groupes, m\u00eame s\u2019ils sont entra\u00een\u00e9s et d\u00e9termin\u00e9s, restent peu nombreux et leur influence politique est tr\u00e8s faible \u2014 de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale, il n\u2019y a quasiment plus de leader actif qui pourrait diriger l\u2019opposition nationaliste sur le sol russe.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 mon sens, le danger pour le r\u00e9gime viendrait plut\u00f4t des blogueurs pro-guerre critiques \u00e0 l\u2019\u00e9gard du pouvoir et des v\u00e9t\u00e9rans. Si une crise violente se d\u00e9clarait demain en Russie, ce sont eux qui disposent de la l\u00e9gitimit\u00e9, de l\u2019audience et du savoir-faire pour tenter de s\u2019emparer du pouvoir.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

En Russie, des groupes de militants n\u00e9onazis s\u2019entra\u00eenent au combat  : ils disent pr\u00e9parer la guerre civile qui viendra apr\u00e8s Poutine.<\/p>\n

L\u2019histoire du pouvoir russe avec les nationalistes est faite d\u2019une spirale de violence \u2014 et ce spectre hante toujours le Kremlin.<\/p>\n

Apr\u00e8s quatre ans d\u2019enqu\u00eate \u00e0 Moscou, le chercheur Rodolphe Droalin nous livre ses enseignements dans un entretien de fond.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":301574,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-interviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":true,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[3715],"tags":[],"geo":[],"class_list":["post-301571","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-doctrines-de-la-russie-de-poutine","staff-guillaume-lancereau"],"acf":[],"yoast_head":"\nPoutine et les nationalismes russes : une histoire de violence<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/10\/16\/poutine-la-nation-et-les-nationalismes-russes-une-histoire-de-violence\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Poutine et les nationalismes russes : une histoire de violence\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"En Russie, des groupes de militants n\u00e9onazis s\u2019entra\u00eenent au combat : ils disent pr\u00e9parer la guerre civile qui viendra apr\u00e8s Poutine. 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