{"id":301384,"date":"2025-10-15T06:00:00","date_gmt":"2025-10-15T04:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=301384"},"modified":"2025-10-14T21:07:26","modified_gmt":"2025-10-14T19:07:26","slug":"la-paix-de-trump-naura-pas-lieu","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/10\/15\/la-paix-de-trump-naura-pas-lieu\/","title":{"rendered":"La paix de Trump n\u2019aura pas lieu"},"content":{"rendered":"\n
Vous nous lisez et souhaitez soutenir une r\u00e9daction ind\u00e9pendante, en plein d\u00e9veloppement de la premi\u00e8re revue europ\u00e9enne ? D\u00e9couvrez nos offres pour s’abonner au Grand Continent<\/a><\/em><\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s deux ans presque exclusivement consacr\u00e9s \u00e0 la conduite de la guerre au Proche-Orient, on reparle enfin de paix et c\u2019est une tr\u00e8s heureuse nouvelle. Les otages sont enfin lib\u00e9r\u00e9s, certains prisonniers palestiniens reviennent chez eux et les bombardements isra\u00e9liens devraient cesser sur Gaza.<\/p>\n\n\n\n Le plan Trump, qui succ\u00e8de au cessez-le-feu obtenu en janvier 2025, s\u2019est impos\u00e9 \u00e0 l\u2019agenda des d\u00e9cideurs r\u00e9gionaux, peu apr\u00e8s l\u2019initiative franco-saoudienne de reconnaissance de l\u2019\u00c9tat de Palestine. \u00c0 ce plan, il faut ajouter celui de Tony Blair pour Gaza, \u00e9labor\u00e9 en \u00e9troite collaboration avec Trump, son gendre Jared Kushner, son envoy\u00e9 au Moyen-Orient Steven Witkoff, et probablement les \u00c9miriens et les Saoudiens.<\/p>\n\n\n\n Lors de son discours \u00e0 la Knesset<\/a>, Donald Trump a multipli\u00e9 les d\u00e9clarations tonitruantes : son accord \u00e9tait un \u00ab triomphe incroyable pour Isra\u00ebl et pour le monde \u00bb, \u00ab la fin d\u2019un long cauchemar \u00bb, \u00ab l\u2019aube historique d\u2019un nouveau Moyen-Orient \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Faut-il y croire ? Malheureusement non, et de hauts diplomates du Golfe que j\u2019ai rencontr\u00e9s tr\u00e8s r\u00e9cemment n\u2019y croient pas non plus.<\/p>\n\n\n\n Rien de tout cela n\u2019aura lieu.<\/p>\n\n\n\n Le plan Trump\/Blair n\u2019a aucune chance d\u2019installer la paix, ni \u00e0 Gaza, ni en Palestine, ni en Isra\u00ebl. Il n\u2019est qu\u2019un cessez-le-feu \u2014 un de plus \u2014 dans cette \u00ab guerre de cent ans \u00bb isra\u00e9lo-palestinienne qui d\u00e9chire les peuples et les \u00e2mes de la r\u00e9gion.<\/p>\n\n\n\n De m\u00eame que Galil\u00e9e disait que \u00ab la nature est \u00e9crite en langage math\u00e9matique \u00bb, de m\u00eame on pourrait dire du plan Trump qu\u2019il est \u00e9crit en langage isra\u00e9lien. Le pr\u00e9sident am\u00e9ricain n\u2019avait d\u2019ailleurs pas vu un seul dirigeant palestinien depuis son retour \u00e0 la Maison-Blanche jusqu\u2019au sommet de Charm el Cheikh, le 13 octobre au soir, quand Emmanuel Macron a emmen\u00e9 \u00e0 lui Mahmoud Abbas ; du reste, Donald Trump ne s\u2019est bien s\u00fbr pas d\u00e9plac\u00e9 \u00e0 Ramallah pour le rencontrer.<\/p>\n\n\n\n Pour faire la paix, il faut cependant \u00eatre deux ; c\u2019est tout le probl\u00e8me de la strat\u00e9gie am\u00e9ricaine et isra\u00e9lienne sur le sujet depuis l\u2019assassinat d\u2019Yitzhak Rabin : les Palestiniens ont disparu de leur horizon. Comme ces derniers existent pourtant bel et bien, la paix sans eux est impossible. <\/p>\n\n\n\n En quoi consiste ce plan de paix<\/a> ?<\/p>\n\n\n\n Trump a propos\u00e9 un cessez-le-feu qui correspond aux exigences du moment : le retour des otages et de certains prisonniers palestiniens (dont les 1700 emprisonn\u00e9s par Isra\u00ebl apr\u00e8s le 7 octobre pour servir de future monnaie d\u2019\u00e9change), le d\u00e9mant\u00e8lement politique et militaire du Hamas, l\u2019arr\u00eat des bombardements et un horizon tr\u00e8s vague \u00ab de voie cr\u00e9dible vers un \u00c9tat palestinien \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Cet \u00ab \u00c9tat palestinien \u00bb n\u2019est jamais d\u00e9fini, ni dans son principe, ni dans ses fronti\u00e8res \u2014 la Cisjordanie n\u2019est m\u00eame pas mentionn\u00e9e \u2014, ni dans ses fonctions. Il est pr\u00e9sent\u00e9 comme un horizon, et non pas comme un droit pour les Palestiniens. Rien non plus n\u2019est dit sur la colonisation isra\u00e9lienne de la Cisjordanie. Les \u00c9tats-Unis ne reconnaissent pas la Palestine ; les Isra\u00e9liens non plus et Benyamin Netanyahou a pr\u00e9cis\u00e9 qu\u2019Isra\u00ebl ne se retirerait pas de Gaza. Le plan n\u2019esquisse du reste aucun calendrier, si ce n\u2019est pour le retour des otages, et jamais le droit international n\u2019est mentionn\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Le plan Trump est compl\u00e9t\u00e9 par celui de Tony Blair, le plan \u00ab Gaza Riviera \u00bb<\/a>. \u00c9labor\u00e9 par l\u2019ancien Premier ministre britannique, la collaboration d\u2019associ\u00e9s du Boston Consulting Group \u2014 licenci\u00e9s depuis \u2014 et des investisseurs isra\u00e9liens, il propose l\u2019instauration d\u2019un \u00ab conseil de paix \u00bb qui superviserait l\u2019autorit\u00e9 technocratique palestinienne de Gaza. <\/p>\n\n\n\n Le plan pr\u00e9voit la formation d\u2019une autorit\u00e9 supra-politique l\u00e9gale supr\u00eame (l\u2019Autorit\u00e9 internationale de transition de Gaza, AITG)<\/em>, des droits mon\u00e9taires (via<\/em> un token) pour les Palestiniens qui quitteraient Gaza et un grand plan de reconstruction, pens\u00e9 avec les Isra\u00e9liens et dirig\u00e9 par une Autorit\u00e9 de Promotion des Investissements et du D\u00e9veloppement Economique de Gaza (l\u2019APIDEG). Celle-ci fonctionnera comme une autorit\u00e9 \u00e9conomique autonome relevant directement du conseil d\u2019administration de l\u2019AITG : c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019elle interviendra sans les Palestiniens.<\/p>\n\n\n\n\n Le seul r\u00f4le des Palestiniens dans ce plan sera la gestion des questions locales : sant\u00e9, \u00e9ducation, infrastructures, police civile, justice, r\u00e9glementation \u00e9conomique et de la gouvernance municipale. Ces activit\u00e9s seront plac\u00e9es sous la supervision du Secr\u00e9tariat ex\u00e9cutif qui supervisera l\u2019Autorit\u00e9 palestinienne ; un seul Palestinien si\u00e9gera au conseil d\u2019administration de la GITA.<\/p>\n\n\n\n L\u2019Autorit\u00e9 palestinienne aura donc un r\u00f4le de suppl\u00e9tif de la police isra\u00e9lienne, comme en Cisjordanie : elle sera charg\u00e9e de mettre en \u0153uvre la politique d\u00e9finie par la GITA.<\/em> Le vrai pouvoir s\u00e9curitaire sera entre les mains de la Force internationale de s\u00e9curit\u00e9 qui sera compos\u00e9e d\u2019unit\u00e9s fournies par les \u00c9tats participants ; celle-ci sera ind\u00e9pendante de la police palestinienne.<\/p>\n\n\n\n Tout se passe comme si, quatre-vingts ans apr\u00e8s la fin du mandat britannique sur la Palestine, un nouveau protectorat voyait le jour <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Le mouvement islamiste Hamas \u2014 press\u00e9 de toute part \u2014 a accueilli la proposition de paix am\u00e9ricaine avec une prudence calcul\u00e9e : ni rejet frontal, ni adh\u00e9sion pleine et enti\u00e8re, mais une ouverture partielle assortie de conditions pr\u00e9cises. Cette position vise \u00e0 pr\u00e9server sa l\u00e9gitimit\u00e9 politique tout en \u00e9vitant d\u2019appara\u00eetre comme un obstacle \u00e0 un \u00e9ventuel arr\u00eat de la guerre \u00e0 Gaza. Le mouvement a aussi favorablement accueilli la cessation des hostilit\u00e9s et la mise en place d\u2019un cessez-le-feu durable garanti par des acteurs internationaux. <\/p>\n\n\n\n Cette ouverture reste strictement encadr\u00e9e par des lignes rouges que le Hamas dit non n\u00e9gociables. Il refuse ainsi de s\u2019engager sur un d\u00e9sarmement complet, condition impos\u00e9e par le plan Trump pour tout r\u00e8glement d\u00e9finitif ; il a d\u2019ailleurs d\u00e8s l\u2019annonce du cessez-le-feu commenc\u00e9 \u00e0 r\u00e9gler des comptes avec des Gazaouis qui n\u2019\u00e9taient visiblement pas sur sa ligne. Le groupe terroriste rejette \u00e9galement toute cession imm\u00e9diate du pouvoir politique \u00e0 Gaza, sans garanties sur son r\u00f4le futur dans le syst\u00e8me palestinien et sans consensus interne incluant le Fatah et les autres factions.<\/p>\n\n\n\n Comment faire pour d\u00e9sarmer r\u00e9ellement le Hamas et le sortir du jeu \u00e0 Gaza ? La Force internationale de s\u00e9curit\u00e9 \u00e9voqu\u00e9e est encore bien n\u00e9buleuse, d\u2019autant que les Am\u00e9ricains ont annonc\u00e9 qu\u2019ils n\u2019enverraient pas de forces dans l\u2019enclave. Du reste, si les pays qui h\u00e9bergeaient certains des cadres du Hamas \u2014 souvent avec l\u2019assentiment des Isra\u00e9liens et des Am\u00e9ricains \u2014 ont pris leurs distances avec lui, qui va garantir qu\u2019il ne gardera pas la m\u00eame influence aupr\u00e8s des Gazaouis, notamment par la violence et la contrainte ? <\/p>\n\n\n\n Pour faire la paix, il faut \u00eatre deux. C\u2019est tout le probl\u00e8me de la strat\u00e9gie am\u00e9ricaine et isra\u00e9lienne sur le sujet : les Palestiniens ont disparu de leur horizon.<\/p>Hakim el Karoui<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le Hamas exige par ailleurs des assurances claires sur le retrait isra\u00e9lien, la lev\u00e9e du blocus et la s\u00e9curit\u00e9 des populations. <\/p>\n\n\n\n Il se dit aussi favorable \u00e0 la cr\u00e9ation d\u2019une administration palestinienne neutre et technocratique, charg\u00e9e de g\u00e9rer la reconstruction de Gaza pendant une p\u00e9riode transitoire, sous supervision des pays arabes et musulmans \u2014 mais pas de Donald Trump et Tony Blair. <\/p>\n\n\n\n Enfin, il d\u00e9nonce l\u2019absence de toute perspective sur les grandes questions nationales : J\u00e9rusalem, les r\u00e9fugi\u00e9s, les fronti\u00e8res de 1967 ou le droit \u00e0 l\u2019autod\u00e9termination. Sur ces points, il s\u2019aligne sur les revendications traditionnelles des Palestiniens, notamment celles de l\u2019Autorit\u00e9 palestinienne \u2014 probablement pour se pr\u00e9senter en seul interlocuteur l\u00e9gitime et seul repr\u00e9sentant des Palestiniens. <\/p>\n\n\n\n Trump et les Isra\u00e9liens connaissent ces revendications ; ils parlent pourtant de paix. Ce serait leur faire injure de les croire incapables de comprendre ce que disent les Palestiniens ; il faut donc prendre au s\u00e9rieux leur discours et comprendre les id\u00e9es implicites.<\/p>\n\n\n\n Le plan Trump traduit une vision de la paix issue de la droite isra\u00e9lienne, qui consid\u00e8re que la paix n\u2019adviendra que le jour o\u00f9 Isra\u00ebl sera suffisamment fort pour imposer ses conditions. <\/p>\n\n\n\n Cette proposition, comme le plan Blair, disent la m\u00eame chose : Gaza sera un protectorat am\u00e9ricano-isra\u00e9lien-golfiote, avec Tony Blair comme cheville ex\u00e9cutive et un gouvernement local transform\u00e9 en conseil d\u2019administration de Gaza Inc.<\/p>\n\n\n\n Son mod\u00e8le est peut-\u00eatre celui pr\u00e9conis\u00e9 par Curtis Yarvin<\/a>, un id\u00e9ologue trumpiste ; il est \u00e0 coup s\u00fbr inspir\u00e9 par les acteurs du Golfe, qui m\u00e9langent all\u00e8grement la politique et les affaires. Les \u00c9mirats se pensent comme une grande entreprise dirig\u00e9e par Mohamed Ben Zayed, et \u00ab Duba\u00ef Inc. \u00bb est inspir\u00e9 et dirig\u00e9 par le cheikh Mohamed Ben Rachid Al Maktoum. Ce que proposent Trump et Blair, c\u2019est de transformer Gaza en protectorat americano-isra\u00e9lo-golfiote, avec une pr\u00e9sence sans doute longue de l\u2019arm\u00e9e isra\u00e9lienne, qui ne fera que reculer un peu. Pendant ce temps, l\u2019annexion rampante <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> de la Cisjordanie se poursuit.<\/p>\n\n\n\n Pourquoi le Hamas dispara\u00eetrait-il, lui qui compte aujourd\u2019hui plus de combattants qu\u2019il y a deux ans ? Pourquoi les Palestiniens renonceraient-ils \u00e0 leur \u00c9tat ? Comment d\u2019autres groupes arm\u00e9s ne surgiraient-ils pas sur les ruines de Gaza, suivant un processus bien connu dans la r\u00e9gion ?<\/p>\n\n\n\n Aucune de ces questions existentielles pour la paix n\u2019est m\u00eame effleur\u00e9e. Netanyahou et Trump croient que \u00ab dire la paix \u00e0 leurs conditions, c\u2019est la faire \u00bb. Une telle mani\u00e8re de proc\u00e9der ne conduira pas \u00e0 la paix, mais \u00e0 la poursuite de la guerre. Il faut que les Am\u00e9ricains et les Isra\u00e9liens voient la r\u00e9alit\u00e9 telle qu\u2019elle est, et non seulement telle qu\u2019ils voudraient qu\u2019elle soit.<\/p>\n\n\n\n En 1942 et 1944 se tinrent les conf\u00e9rences de Biltmore et d\u2019Atlantic City qui virent le rapprochement des sionistes de droite et de gauche. Durant ces m\u00eames ann\u00e9es, Hannah Arendt \u00e9crivait : \u00ab La Palestine et l\u2019existence d\u2019un foyer national juif constituent aujourd\u2019hui le grand espoir et la grande fiert\u00e9 des Juifs dans le monde entier. Il n\u2019en reste pas moins que \u2018la question arabe\u2019 demeure, quoique inabord\u00e9e, la seule question politique et morale de la politique isra\u00e9lienne \u00bb <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Quatre-vingts ans apr\u00e8s, la \u00ab question arabe \u00bb, devenue la \u00ab question palestinienne \u00bb, n\u2019est toujours pas r\u00e9solue. Tant qu\u2019elle ne le sera pas, aucun plan de paix ne sera cr\u00e9dible.<\/p>\n\n\n\n Les Palestiniens existent m\u00eame si le gouvernement isra\u00e9lien ne veut pas le voir. Cette non-reconnaissance s\u2019enracine dans une combinaison d\u2019\u00e9l\u00e9ments historiques, id\u00e9ologiques et politiques qui structurent depuis plus d\u2019un si\u00e8cle la logique du sionisme et du projet national isra\u00e9lien.<\/p>\n\n\n\n D\u00e8s les origines du mouvement sioniste \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle, la Palestine est per\u00e7ue comme une terre quasi vide, une terra nullius<\/em> pr\u00eate \u00e0 accueillir le \u00ab foyer national juif \u00bb. Les habitants arabes \u2014 pourtant majoritaires \u2014 ne sont mentionn\u00e9s que de mani\u00e8re p\u00e9riph\u00e9rique.<\/p>\n\n\n\n Comme le rappelle Jean-Pierre Filiu, la population comptait en 1881 environ 465 000 personnes, dont 405 000 musulmans, 45 000 chr\u00e9tiens et 15 000 juifs <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Pourtant, les promoteurs du sionisme et les puissances occidentales trait\u00e8rent la Palestine comme un espace \u00ab sans nation \u00bb avec l\u2019id\u00e9e que de simples \u00ab Arabes \u00bb y habitaient, que le monde arabe \u00e9tait grand alors qu\u2019Eretz Isra\u00ebl<\/em> <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u00e9tait petit.<\/p>\n\n\n\n Plus tard, cette vision s\u2019est nourrie d\u2019une double matrice : d\u2019une part, la dimension religieuse du sionisme qui s\u2019appuie sur la promesse biblique du \u00ab retour \u00bb \u00e0 Sion, un th\u00e8me qui prit une importance consid\u00e9rable ; d\u2019autre part, la lecture politique occidentale qui, apr\u00e8s la Shoah, vit dans la cr\u00e9ation d\u2019Isra\u00ebl un imp\u00e9ratif moral et historique. Dans ce contexte, la souffrance juive effa\u00e7a symboliquement celle des Arabes de Palestine : la question de leur pr\u00e9sence ne se posait toujours pas.<\/p>\n\n\n\n Cette c\u00e9cit\u00e9 s\u2019est traduite par des discours politiques explicites. En 1969, Golda Meir affirmait : \u00ab Il n\u2019y a jamais eu rien de tel que les Palestiniens \u00bb ; en 1991, Yitzhak Shamir, lors de la conf\u00e9rence de Madrid, n\u2019\u00e9voquait les Palestiniens qu\u2019\u00e0 travers le prisme du \u00ab terrorisme \u00bb et des \u00ab Arabes palestiniens \u00bb auxquels on conc\u00e9dait une autonomie. L\u2019\u00c9tat isra\u00e9lien refusa d\u2019ailleurs longtemps tout contact officiel avec l\u2019Organisation de lib\u00e9ration de la Palestine (OLP), pr\u00e9f\u00e9rant confier la repr\u00e9sentation palestinienne \u00e0 la Jordanie, jusqu\u2019\u00e0 la conf\u00e9rence de Madrid en 1991.<\/p>\n\n\n\n Cette n\u00e9gation se renforce encore dans les d\u00e9cennies r\u00e9centes. La politique de colonisation et la Loi fondamentale de 2018, qui d\u00e9finit Isra\u00ebl comme \u00ab l\u2019\u00c9tat-nation du peuple juif \u00bb et r\u00e9serve le droit \u00e0 l\u2019autod\u00e9termination nationale au seul peuple juif, institutionnalisent une hi\u00e9rarchie identitaire : 20 % de la population \u2014 musulmane, chr\u00e9tienne ou druze \u2014 se voit rel\u00e9gu\u00e9e en marge du projet national.<\/p>\n\n\n\n Il ne s\u2019agit pas de diviser la terre, mais d\u2019apprendre \u00e0 l\u2019habiter ensemble, autrement.<\/p>Hakim el Karoui<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Pour comprendre Benyamin Netanyahou et la droite isra\u00e9lienne, il faut partir de Vladimir Jabotinsky, fondateur du sionisme r\u00e9visionniste et figure tut\u00e9laire de la droite isra\u00e9lienne. Il fut sans doute le premier \u00e0 penser avec lucidit\u00e9 \u2014 et une brutalit\u00e9 assum\u00e9e \u2014 la question palestinienne telle qu\u2019elle se posait au mouvement sioniste.<\/p>\n\n\n\n Contrairement \u00e0 nombre de ses contemporains, Jabotinsky ne niait pas l\u2019existence des Arabes de Palestine ; il refusait simplement de croire qu\u2019ils puissent consentir volontairement \u00e0 leur propre d\u00e9possession. Dans son texte fondateur \u00ab Le Mur de fer \u00bb<\/em> (1923) <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>, il \u00e9crivait : \u00ab Toute population indig\u00e8ne dans le monde r\u00e9siste aux colonisateurs tant qu\u2019elle garde l\u2019espoir de se d\u00e9barrasser d\u2019eux. Voil\u00e0 toute l\u2019histoire de la colonisation. \u00bb Les Palestiniens, ajoutait-il, \u00ab ne sont pas des enfants, et ce n\u2019est pas une race arri\u00e9r\u00e9e. Ils ont la m\u00eame mentalit\u00e9 nationale que nous. \u00bb<\/p>\n\n\n\n De ce constat, Jabotinsky tire une conclusion sans appel : puisque la r\u00e9sistance palestinienne est rationnelle, il faut la briser par la force. \u00ab La colonisation sioniste, \u00e9crivait-il encore, ne peut se poursuivre et se d\u00e9velopper que sous la protection d\u2019un mur de fer que les Arabes ne pourront pas franchir. \u00bb Ce \u00ab mur \u00bb n\u2019\u00e9tait pas, \u00e0 l\u2019origine, une barri\u00e8re physique, mais une doctrine politique : juger que le projet sioniste ne pouvait s\u2019imposer qu\u2019en rendant toute opposition inutile, voire impensable. \u00ab Ce n\u2019est qu\u2019apr\u00e8s qu\u2019ils auront perdu tout espoir de nous vaincre, concluait Jabotinsky, que leurs dirigeants viendront n\u00e9gocier avec nous. Pas avant. \u00bb<\/p>\n\n\n\n Jabotinsky ne cherchait donc pas \u00e0 effacer la pr\u00e9sence arabe, mais \u00e0 la neutraliser. Les Palestiniens, pour lui, ne constituaient pas un peuple porteur de droits concurrents : ils \u00e9taient un fait \u00e0 g\u00e9rer, une r\u00e9sistance \u00e0 dompter. Dans une lettre \u00e9crite en 1937, il reconnaissait sans d\u00e9tour : \u00ab Je ne crois pas qu\u2019il soit possible d\u2019obtenir le consentement volontaire des Arabes de Palestine \u00e0 transformer ce pays de majorit\u00e9 arabe en un pays de majorit\u00e9 juive. \u00bb La conclusion \u00e9tait claire : puisque l\u2019accord \u00e9tait impossible, seule la contrainte garantirait la s\u00e9curit\u00e9 et la p\u00e9rennit\u00e9 du foyer juif. \u00ab L\u2019\u00e9thique du mur de fer est la seule \u00e9thique possible, \u00e9crivait-il encore. Si nous voulons vivre, il faut b\u00e2tir un mur de fer. Tout le reste est mensonge et faiblesse. \u00bb<\/p>\n\n\n\n Sous sa plume, la question palestinienne cesse d\u2019\u00eatre un probl\u00e8me moral pour devenir un probl\u00e8me de puissance. La justice ne pouvait, selon lui, \u00eatre invoqu\u00e9e par deux peuples pour la m\u00eame terre : \u00ab Nous ne pouvons rien leur donner, car leur revendication nationale est la m\u00eame que la n\u00f4tre. Deux nations ne peuvent y r\u00e9gner. \u00bb Ce raisonnement, d\u2019un cynisme glac\u00e9, a pos\u00e9 les bases de ce qui allait devenir la doctrine s\u00e9curitaire isra\u00e9lienne : une coexistence mat\u00e9rielle possible \u2014 mais sans reconnaissance politique de l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n\nLe plan Trump\/Blair : un protectorat sur Gaza <\/h2>\n\n\n\n
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Le Hamas veut garder son emprise sur les Palestiniens<\/h2>\n\n\n\n
La paix du plus fort<\/h2>\n\n\n\n
Aux racines du probl\u00e8me<\/h2>\n\n\n\n
Les sources id\u00e9ologiques de Netanyahou : la doctrine Jabotinsky<\/h2>\n\n\n\n
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