{"id":299819,"date":"2025-10-01T11:02:03","date_gmt":"2025-10-01T09:02:03","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=299819"},"modified":"2025-10-01T11:24:55","modified_gmt":"2025-10-01T09:24:55","slug":"comment-financer-la-defense-de-leurope-une-conversation-avec-jens-stoltenberg-et-andrzej-domanski","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/10\/01\/comment-financer-la-defense-de-leurope-une-conversation-avec-jens-stoltenberg-et-andrzej-domanski\/","title":{"rendered":"Comment financer la d\u00e9fense de l\u2019Europe ? Une conversation avec Jens Stoltenberg et Andrzej Domanski"},"content":{"rendered":"\n
Cet \u00e9change est la transcription \u00e9ditorialis\u00e9e d\u2019<\/em>un panel dans le cadre du Warwas Security Forum<\/em><\/a>, dont la revue est partenaire.<\/em><\/p>\n\n\n\n ANDRZEJ DOMANSKI<\/span> Depuis le d\u00e9but de la guerre, la position de la Pologne a toujours \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s claire : c\u2019est l’agresseur qui doit payer. Donc oui, la Russie doit payer.<\/p>\n\n\n\n Nous disposons de milliards d’actifs russes gel\u00e9s et il est de notre devoir de les utiliser pour reconstruire l’Ukraine.<\/p>\n\n\n\n Si certains pays ont pu avancer des arguments contre cette id\u00e9e, il semble d\u00e9sormais que la Commission europ\u00e9enne ait r\u00e9ussi \u00e0 proposer une solution qui permettra \u00e0 la fois d’utiliser ces actifs pour l’Ukraine d\u00e8s maintenant et de dissiper toute difficult\u00e9 juridique concernant leur r\u00e9gime. <\/p>\n\n\n\n JENS STOLTENBERG<\/span> La d\u00e9fense et les finances sont \u00e9troitement li\u00e9es pour plusieurs raisons.<\/p>\n\n\n\n D\u2019abord, parce qu’une \u00e9conomie dynamique et forte est une condition pr\u00e9alable \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 et \u00e0 la s\u00fbret\u00e9 des soci\u00e9t\u00e9s : historiquement, l’OTAN n\u2019a pas gagn\u00e9 la guerre froide par des victoires militaires sur les champs de bataille mais parce que nos \u00e9conomies \u00e9taient plus fortes et plus comp\u00e9titives que celle de l’Union sovi\u00e9tique. C\u2019est parce qu\u2019elle ne pouvait pas se permettre de poursuivre la Guerre froide que l\u2019Union sovi\u00e9tique a \u00e9t\u00e9 dissoute. Face au Pacte de Varsovie, l\u2019OTAN l\u2019a emport\u00e9 car elle \u00e9tait de fait compos\u00e9e d\u2019\u00e9conomies plus fortes.<\/p>\n\n\n\n Dans le m\u00eame temps, les instruments \u00e9conomiques sont utilis\u00e9s aujourd\u2019hui pour contraindre les pays de l’OTAN.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 long terme, s\u2019endetter n’est pas viable : une \u00e9conomie forte et une croissance \u00e9lev\u00e9e sont le moyen de financer une d\u00e9fense solide.<\/p>Jens Stoltenberg<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n L’exemple le plus flagrant est la mani\u00e8re dont la Russie arsenalise le gaz dans le cadre de son invasion \u00e0 grande \u00e9chelle de l’Ukraine \u2014 nous devons d\u2019ailleurs \u00e0 tout prix \u00e9viter de nous mettre dans la m\u00eame situation avec la Chine en devenant trop vuln\u00e9rables et d\u00e9pendants des min\u00e9raux critiques ou de la technologie chinoise. L’\u00e9conomie est donc d\u2019abord importante pour ne pas devenir une cible d\u2019acteurs coercitifs.<\/p>\n\n\n\n Enfin, avoir une \u00e9conomie forte est n\u00e9cessaire pour financer la d\u00e9fense.<\/p>\n\n\n\n Nous venons de discuter avec le ministre Domanski du d\u00e9fi que repr\u00e9sentent les d\u00e9penses de plus en plus importantes des alli\u00e9s de l’OTAN en mati\u00e8re d’int\u00e9r\u00eats sur la dette par rapport \u00e0 celles consacr\u00e9es \u00e0 la d\u00e9fense.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 long terme, s\u2019endetter n’est pas viable : une \u00e9conomie forte et une croissance \u00e9lev\u00e9e sont le seul moyen de financer une d\u00e9fense solide.<\/p>\n\n\n\n Les ministres des Finances jouent donc un r\u00f4le de plus en plus important dans ce domaine. <\/p>\n\n\n\n ANDRZEJ DOMANSKI<\/span> La s\u00e9curit\u00e9 \u00e9tant un bien commun, notre r\u00e9ponse doit \u00eatre commune.<\/p>\n\n\n\n Nous sommes heureux que la Pologne en soit d\u2019ailleurs b\u00e9n\u00e9ficiaire \u2014 puisque l\u2019Union lui pr\u00eatera jusqu’\u00e0 43 milliards d’euros pour sa d\u00e9fense.<\/p>\n\n\n\n Il faut ensuite financer celle-ci \u00e0 partir du budget national.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est la raison pour laquelle nous demandons \u00e0 nos amis europ\u00e9ens de d\u00e9penser davantage pour la d\u00e9fense. Pays par pays, c\u2019est ce qui est en train de se produire. <\/p>\n\n\n\n En ce qui concerne les emprunts communs, il nous faudra un consensus. Or certains pays importants en Europe y sont fermement oppos\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est vrai. Cela dit, notre devoir est d’y r\u00e9fl\u00e9chir encore et de plaider en faveur de cette solution. Telle est notre position.<\/p>\n\n\n\n Lorsque nous examinons le nouveau budget de l’Union, nous constatons que les d\u00e9penses consacr\u00e9es aux technologies \u00e0 usage dual \u2014 et \u00e0 la d\u00e9fense au sens large \u2014 augmentent. Nous voyons bien que la Commission europ\u00e9enne partage notre position et, gr\u00e2ce aux discussions que nous menons avec elle, nous sommes vraiment optimistes quant \u00e0 l’avenir. <\/p>\n\n\n\n Nous sommes heureux que de plus en plus de partenaires europ\u00e9ens d\u00e9clarent qu’ils augmenteront leurs d\u00e9penses aux \u00c9tats-Unis.<\/p>Andrzej Domanski<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En ce qui concerne les r\u00e8gles budg\u00e9taires de l’Union, nous sommes tout d\u2019abord sensibles \u00e0 l\u2019existence d\u2019une clause d\u00e9rogatoire qui nous permet de d\u00e9penser davantage. Cela \u00e9tant dit, la dette est la dette et le d\u00e9ficit est le d\u00e9ficit. Un jour ou l\u2019autre, l’argent emprunt\u00e9 devra \u00eatre rembours\u00e9. Il y a donc, bien s\u00fbr, des limites \u00e0 ces instruments.<\/p>\n\n\n\n En ce qui concerne les achats group\u00e9s, nous sommes fiers du montant que nous d\u00e9pensons pour la d\u00e9fense, pr\u00e8s de 5 % de notre PIB. Mais la mani\u00e8re dont nous d\u00e9pensons cet argent est peut-\u00eatre encore plus importante. Cela contribue-t-il \u00e0 renforcer l’\u00e9conomie europ\u00e9enne ? Pour moi, il est essentiel que chaque zloty et chaque euro soient d\u00e9pens\u00e9s de mani\u00e8re \u00e0 cr\u00e9er des emplois en Pologne et dans l’Union. <\/p>\n\n\n\n Il ne s’agit pas seulement d’une question \u00e9conomique. Il en va de la s\u00e9curit\u00e9 \u00e0 long terme de notre continent.<\/p>\n\n\n\n JENS STOLTENBERG<\/span> Je pense que l’Union a un r\u00f4le tr\u00e8s important \u00e0 jouer pour aider \u00e0 renforcer l’industrie europ\u00e9enne de la d\u00e9fense.<\/p>\n\n\n\n La fragmentation de cette industrie est en effet un obstacle majeur \u00e0 la r\u00e9duction des co\u00fbts et \u00e0 l’utilisation des \u00e9conomies d’\u00e9chelle, ainsi qu’\u00e0 l’innovation et \u00e0 l’augmentation des d\u00e9penses de d\u00e9fense parmi les alli\u00e9s europ\u00e9ens. <\/p>\n\n\n\n Mais l’Europe ne se limite pas \u00e0 l’Union. Celle-ci compte environ 450 millions d’habitants ; les pays europ\u00e9ens membres de l’OTAN 600 millions. S\u2019il y a ainsi plus d’Europ\u00e9ens dans l\u2019Europe que dans l\u2019Union, c\u2019est parce que s\u2019y ajoutent des pays comme le Royaume-Uni, la Turquie, la Norv\u00e8ge et d’autres.<\/p>\n\n\n\n L’Union est tr\u00e8s importante ; je suis favorable \u00e0 l\u2019int\u00e9gration de mon pays \u2014 j’ai d\u2019ailleurs tent\u00e9 de convaincre les Norv\u00e9giens de la rejoindre lors d’un grand r\u00e9f\u00e9rendum en 1994, que j’ai perdu \u2014 mais l\u2019Union ne peut pas remplacer l’OTAN pour assurer la s\u00e9curit\u00e9 du continent. D’une part parce qu’il y a plus d’Europ\u00e9ens dans l’OTAN que dans l’Union europ\u00e9enne, mais aussi parce que, si l’on examine les d\u00e9penses totales de d\u00e9fense de l’OTAN, 80 % proviennent d’alli\u00e9s non membres de l’Union \u2014 des \u00c9tats-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et d’autres pays. <\/p>\n\n\n\n Troisi\u00e8mement, si l’on consid\u00e8re la g\u00e9ographie, il faut compter avec la Turquie, qui joue un r\u00f4le essentiel pour le flanc sud dans la lutte contre le terrorisme \u2014 une dimension clef pour la s\u00e9curit\u00e9 de l’Union ; il faut aussi pouvoir compter, au Nord, avec des pays comme la Norv\u00e8ge et l’Islande. Malgr\u00e9 leurs tailles, ils sont extr\u00eamement importants pour le lien transatlantique et pour prot\u00e9ger l’Atlantique Nord. \u00c0 l’ouest, vous avez bien s\u00fbr les \u00c9tats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni.<\/p>\n\n\n\n L\u2019Union est donc clef \u2014 mais ne nous y trompons pas : le format pertinent pour prot\u00e9ger l\u2019Europe, c\u2019est l\u2019OTAN.<\/p>\n\n\n\n Il y a plus d’Europ\u00e9ens dans l’OTAN que dans l’Union europ\u00e9enne.<\/p>Jens Stoltenberg<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Je pense que la meilleure fa\u00e7on de s’int\u00e9grer \u00e0 l’Union est d’y adh\u00e9rer.<\/p>\n\n\n\n Mais nous sommes dans des d\u00e9mocraties : ce sont les citoyens qui d\u00e9cident. Au Royaume-Uni, ils n’\u00e9taient pas d’accord avec la pr\u00e9sence du pays dans l\u2019Union ; ils ont vot\u00e9 pour la sortie.<\/p>\n\n\n\n La Norv\u00e8ge est le seul pays au monde \u00e0 avoir n\u00e9goci\u00e9 un trait\u00e9 d’adh\u00e9sion avec l’Union non pas une, mais deux fois, en 1972 et en 1994 ; \u00e0 deux reprises, les Norv\u00e9giens l’ont rejet\u00e9. J’ai \u00e9t\u00e9 lors de ces deux occasions du c\u00f4t\u00e9 des perdants. <\/p>\n\n\n\n Je suis favorable \u00e0 une forme d\u2019\u00e9largissement, mais la vraie question est de convaincre le peuple norv\u00e9gien, le peuple britannique et tous ceux qui ne sont pas encore convaincus. \u00c0 ce stade, nous devons simplement accepter le fait que certains grands pays europ\u00e9ens comme la Norv\u00e8ge, l’Islande et le Royaume-Uni resteront en dehors de l’Union, que cela nous plaise ou non.<\/p>\n\n\n\n\nLa question de l\u2019utilisation des actifs gel\u00e9s de la Russie est au c\u0153ur du d\u00e9bat europ\u00e9en ces jours-ci. Le chancelier allemand Friedrich Merz a sugg\u00e9r\u00e9 dans les pages du Financial Times<\/em> qu\u2019ils devraient \u00eatre utilis\u00e9s au titre d\u2019un \u00ab pr\u00eat de r\u00e9paration \u00bb. \u00cates-vous d\u2019accord avec cette proposition ?<\/h3>\n\n\n\n
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L\u2019argent et la question du financement jouent-ils d\u00e9sormais un r\u00f4le aussi important que la dimension militaire dans la guerre et la d\u00e9fense de l\u2019Europe ?<\/h3>\n\n\n\n
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Pensez-vous qu\u2019il faille faire peser le poids du financement de la d\u00e9fense sur des budgets nationaux d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s contraints \u2014 ou est-il temps d\u2019ouvrir une discussion sur l\u2019endettement commun ? <\/h3>\n\n\n\n
Pour l\u2019instant, l\u2019Allemagne n\u2019y est pas pr\u00eate.<\/h3>\n\n\n\n
Pendant la pr\u00e9sidence tournante de la Pologne, vous avez r\u00e9ussi \u00e0 faire accepter l’id\u00e9e qu’il devrait y avoir une exception \u00e0 la r\u00e8gle europ\u00e9enne limitant \u00e0 3 % du PIB le d\u00e9ficit des \u00c9tats membres. Le Premier ministre grec a d\u00e9clar\u00e9 r\u00e9cemment que la question de la dette commune \u00e9tait un sujet d\u00e9licat mais qu\u2019il lui semblait qu\u2019une telle mutualisation faisait de plus en plus consensus. Est-ce \u00e9galement votre sentiment ?<\/h3>\n\n\n\n
Vous \u00eates ministre d\u2019un pays europ\u00e9en qui n\u2019est pas membre de l\u2019Union. Partagez-vous l’id\u00e9e que la d\u00e9fense europ\u00e9enne devrait d\u00e9passer le cadre de l’Union pour s\u2019\u00e9tendre \u00e0 tout le continent ?<\/h3>\n\n\n\n
L\u2019Union a ouvert le programme SAFE \u00e0 certains pays comme la Norv\u00e8ge. Pensez-vous qu\u2019elle devrait \u00e9tendre cette possibilit\u00e9 aussi \u00e0 d\u2019autres programmes ?<\/h3>\n\n\n\n
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