Entre pragmatisme et polarisation : les contradictions du renouveau politique moldave<\/strong><\/h2>\n\n\n\nCes \u00e9lections ont r\u00e9v\u00e9l\u00e9 une mutation structurelle du paysage politique moldave, marqu\u00e9e par l\u2019\u00e9rosion des rep\u00e8res traditionnels et l\u2019\u00e9mergence de nouvelles configurations partisanes.<\/p>\n\n\n\n
Certes, le Bloc des patriotes, compos\u00e9 du Parti des socialistes de l\u2019ancien pr\u00e9sident Igor Dodon (2016-2020), du Parti des communistes d\u2019un autre ancien pr\u00e9sident, Vladimir Voronine (2001-2009), du Parti pour l\u2019avenir de la Moldavie de Vasile Tarlev (ancien Premier ministre de 2001 \u00e0 2008) reste un rep\u00e8re politique solide. Malgr\u00e9 des ajustements impos\u00e9s par la Commission \u00e9lectorale centrale (exclusion de 26 candidats li\u00e9s \u00e0 \u00ab C\u0153ur de Moldavie \u00bb d\u2019Irina Vlah), le bloc a respect\u00e9 les quotas de genre et pu maintenir sa participation. Sous le slogan \u00ab Nous croyons en la Moldavie ! <\/strong> \u00bb, le BEP s\u2019est affirm\u00e9 comme le principal p\u00f4le pro-russe et souverainiste, en opposition frontale au Parti Action et Solidarit\u00e9 (PAS) au pouvoir, pro-europ\u00e9en. Au soir du scrutin, Vlad Batr\u00eencea, d\u00e9put\u00e9 socialiste et candidat du BEP, a accus\u00e9 le PAS d\u2019avoir intimid\u00e9 la population et emp\u00each\u00e9 des citoyens de voter. Dans ce contexte, le BEP s\u2019est ainsi positionn\u00e9 \u00e0 la fois comme victime d\u2019entraves et comme d\u00e9fenseur de l\u2019unit\u00e9 nationale, cherchant \u00e0 incarner l\u2019opposition populaire face au pouvoir pro-europ\u00e9en.<\/p>\n\n\n\nL\u2019\u00e9mergence du Bloc Alternativa, nouvelle formation fond\u00e9e le 31 janvier 2025 et men\u00e9e par des figures de premier plan comme le maire de Chi\u0219in\u0103u Ion Ceban, l’ancien procureur g\u00e9n\u00e9ral Alexandre Stoianoglo et l’ancien Premier ministre Ion Chicu, illustre cette recomposition. Cette formation politique incarne une tentative de d\u00e9passement de la polarisation g\u00e9opolitique en se positionnant comme \u00ab ni-ni \u00bb (ni Russie, ni Occident), capitalisant sur la lassitude d’un \u00e9lectorat fatigu\u00e9 par la confrontation id\u00e9ologique permanente. Cette posture \u00ab post-id\u00e9ologique \u00bb r\u00e9pond \u00e0 une demande sociale r\u00e9elle, comme en t\u00e9moignent les sondages indiquant qu’une partie significative des \u00e9lecteurs moldaves privil\u00e9gient les pr\u00e9occupations socio-\u00e9conomiques aux enjeux g\u00e9opolitiques. Cette strat\u00e9gie de d\u00e9passement de la polarisation a cependant subi un revers diplomatique majeur le 9 juillet 2025, lorsqu’Ion Ceban s’est vu interdire l’acc\u00e8s \u00e0 la Roumanie et \u00e0 l’espace Schengen pour des raisons de s\u00e9curit\u00e9 nationale.<\/p>\n\n\n\n
Autre parti \u00e0 entrer au Parlement, le Partidul Nostru<\/em>, dirig\u00e9 par Renato Usat\u00eei, qui s\u2019est pr\u00e9sent\u00e9 comme une formation populiste et antisyst\u00e8me, cherchant \u00e0 capter le vote de protestation. Fort d\u2019un discours critique envers la corruption des \u00e9lites et des clivages g\u00e9opolitiques traditionnels, Usat\u00eei s\u2019est positionn\u00e9 comme une alternative \u00ab ni Est ni Ouest \u00bb, centr\u00e9e sur la justice sociale et la proximit\u00e9 avec les citoyens. Lors de la campagne de septembre 2025, le PN a tent\u00e9 de mobiliser son \u00e9lectorat urbain et jeune, en s\u2019appuyant sur le charisme de son leader et sur un style direct, parfois provocateur. Quant au dernier parti \u00e0 entrer au Parlement, Democra\u021bia Acas\u0103, dirig\u00e9 par Vasile Costiuc, est une petite formation politique qui se pr\u00e9sente comme antisyst\u00e8me et contestataire, cherchant \u00e0 incarner la voix des oubli\u00e9s du syst\u00e8me. Sa rh\u00e9torique met en avant la d\u00e9fense du citoyen ordinaire, le rejet de la corruption et une m\u00e9fiance \u00e0 l\u2019\u00e9gard des grandes coalitions dominantes, qu\u2019elles soient pro-europ\u00e9ennes ou prorusses. Lors de la campagne de septembre 2025, le DA a tent\u00e9 d\u2019exister dans un paysage domin\u00e9 par le duel PAS \u2013 Bloc des patriotes, en adoptant un discours percutant et en multipliant les interventions m\u00e9diatiques de Costiuc, connu pour son style direct et son go\u00fbt pour la pol\u00e9mique.<\/p>\n\n\n\nCette recomposition partisane s’articule avec des clivages territoriaux qui fractionnent l’espace national moldave selon des lignes g\u00e9opolitiques et identitaires. La g\u00e9ographie \u00e9lectorale moldave oppose traditionnellement Chi\u0219in\u0103u et les centres urbains, majoritairement pro-europ\u00e9ens, aux campagnes et aux r\u00e9gions p\u00e9riph\u00e9riques, plus r\u00e9ceptives aux messages anti-occidentaux. La superposition de clivages – urbain\/rural, ethnolinguistique, g\u00e9n\u00e9rationnel – cr\u00e9e une mosa\u00efque complexe d’identit\u00e9s et d’appartenances qui complique la formation de majorit\u00e9s stables et coh\u00e9rentes. Elle explique \u00e9galement pourquoi aucun parti ne parvient \u00e0 s’imposer de mani\u00e8re h\u00e9g\u00e9monique sur l’ensemble du territoire national, alimentant la fragmentation politique et l’instabilit\u00e9 gouvernementale chronique.<\/p>\n\n\n\n