{"id":298164,"date":"2025-09-19T06:00:00","date_gmt":"2025-09-19T04:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=298164"},"modified":"2025-09-19T05:08:30","modified_gmt":"2025-09-19T03:08:30","slug":"petrole-des-caraibes-trump-prepare-t-il-une-guerre-contre-le-venezuela","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/09\/19\/petrole-des-caraibes-trump-prepare-t-il-une-guerre-contre-le-venezuela\/","title":{"rendered":"P\u00e9trole des Cara\u00efbes : Trump pr\u00e9pare-t-il une guerre contre le Venezuela ?"},"content":{"rendered":"\n
Au d\u00e9but de l’ann\u00e9e, peu apr\u00e8s l\u2019investiture du nouveau pr\u00e9sident am\u00e9ricain, l’administration Trump a ordonn\u00e9 \u00e0 un groupe op\u00e9rationnel compos\u00e9 de huit navires \u2014 dont le sous-marin SSN Newport News<\/em> \u2014 de se d\u00e9ployer dans le sud des Cara\u00efbes, au nord du Venezuela. <\/p>\n\n\n\n Si l’objectif officiel et affich\u00e9 de ce groupe de marine \u00e9tait de lutter contre le trafic de drogue en interceptant les embarcations qui tentaient de se rendre aux \u00c9tats-Unis, on a pu s\u2019\u00e9tonner de l\u2019ampleur d\u2019un tel d\u00e9ploiement.<\/p>\n\n\n\n Le chef de cabinet adjoint de la Maison-Blanche et strat\u00e8ge trumpiste de longue date Stephen Miller a r\u00e9cemment apport\u00e9 un \u00e9l\u00e9ment de r\u00e9ponse.<\/p>\n\n\n\n Interrog\u00e9 en ao\u00fbt 2025, il affirme que le r\u00f4le de cette op\u00e9ration est de \u00ab combattre et d\u00e9manteler les organisations de trafic de drogue, les cartels criminels et ces organisations terroristes \u00e9trang\u00e8res dans notre h\u00e9misph\u00e8re \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n La clef pour comprendre la s\u00e9quence actuelle tient \u00e0 ces deux mots : \u00ab notre h\u00e9misph\u00e8re \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Ils viennent rappeler que, de longue date, les \u00c9tats-Unis se consid\u00e8rent comme une \u00ab puissance h\u00e9misph\u00e9rique \u00bb. Ils font \u00e9galement \u00e9cho \u00e0 la d\u00e9cision de l\u2019administration Trump de rebaptiser le golfe du Mexique en \u00ab golfe d’Am\u00e9rique \u00bb. <\/p>\n\n\n\n En parall\u00e8le, la rh\u00e9torique de la lutte contre la drogue a, elle aussi, chang\u00e9 de nature : les cartels ne sont plus seulement accus\u00e9s de trafic mais requalifi\u00e9s en acteurs du \u00ab narcoterrorisme \u00bb. Ainsi le Tren de Aragua, cartel v\u00e9n\u00e9zu\u00e9lien parmi les plus puissants, a \u00e9t\u00e9 d\u00e9sign\u00e9 comme \u00ab organisation terroriste \u00e9trang\u00e8re \u00bb par Washington.<\/p>\n\n\n\n D\u00e9but septembre, un bateau soup\u00e7onn\u00e9 de se livrer \u00e0 la contrebande de drogue a \u00e9t\u00e9 d\u00e9truit de mani\u00e8re spectaculaire par le groupe de marine. Dans un message publi\u00e9 sur son r\u00e9seau Truth Social, Trump expliquait ainsi les raisons de la destruction de l\u2019embarcation : \u00ab Que cela serve d’avertissement… Onze terroristes sont morts. \u00bb Une vid\u00e9o prise par un drone a ensuite \u00e9t\u00e9 diffus\u00e9e, pr\u00e9tendant montrer le moment exact o\u00f9 le bateau est touch\u00e9 par un projectile et explose. <\/p>\n\n\n\n La r\u00e9ponse du gouvernement v\u00e9n\u00e9zu\u00e9lien a \u00e9t\u00e9 de rejeter les images diffus\u00e9es et de les d\u00e9noncer comme \u00e9tant des faux g\u00e9n\u00e9r\u00e9s par l’intelligence artificielle. <\/p>\n\n\n\n Quelle que soit la provenance r\u00e9elle des images, un point est certain : Donald Trump a fait des Cara\u00efbes un axe central de sa politique, aux c\u00f4t\u00e9s de ses projets d\u2019\u00ab acquisition \u00bb du Groenland et de reprise du contr\u00f4le du canal de Panama. La lutte contre les cartels de drogue en est d\u00e9sormais la justification affich\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n La clef pour comprendre la s\u00e9quence actuelle tient dans deux mots : \u00ab notre h\u00e9misph\u00e8re \u00bb.<\/p>Klaus Dodds<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Un d\u00e9cret pr\u00e9sidentiel datant d’ao\u00fbt 2025 a ainsi explicitement autoris\u00e9 le recours \u00e0 des frappes militaires. <\/p>\n\n\n\n Toutefois, les cons\u00e9quences de cet incident demeurent floues : l\u2019embarcation d\u00e9truite et ses passagers n\u2019ont pas \u00e9t\u00e9 identifi\u00e9s, et aucun \u00e9l\u00e9ment mat\u00e9riel n\u2019a confirm\u00e9 la pr\u00e9sence de drogue \u00e0 bord. Les autorit\u00e9s v\u00e9n\u00e9zu\u00e9liennes, pour leur part, n\u2019ont fourni aucune pr\u00e9cision suppl\u00e9mentaire sur l\u2019origine du navire.<\/p>\n\n\n\n Dans ses d\u00e9clarations publiques, Trump accuse directement le pr\u00e9sident v\u00e9n\u00e9zu\u00e9lien Nicol\u00e1s Maduro d\u2019\u00eatre complice des trafics. Caracas d\u00e9nonce une mise en sc\u00e8ne et affirme que la pr\u00e9sence am\u00e9ricaine viserait en r\u00e9alit\u00e9 \u00e0 pr\u00e9parer une intervention militaire. Ces craintes ont \u00e9t\u00e9 renforc\u00e9es par la r\u00e9v\u00e9lation que la task force<\/em> \u2014 forte de 4 500 personnels, dont 2 200 marines \u2014 s\u2019\u00e9tait exerc\u00e9e \u00e0 des d\u00e9barquements sur les plages de Porto Rico.<\/p>\n\n\n\n\n La comparaison avec l\u2019op\u00e9ration \u00ab Just Cause \u00bb de 1989 au Panama permet toutefois de relativiser ces inqui\u00e9tudes : l\u2019invasion avait alors mobilis\u00e9 environ 28 000 militaires am\u00e9ricains, une force sans commune mesure avec le dispositif actuel.<\/p>\n\n\n\n Mais les soup\u00e7ons de Maduro ne sont pas non plus d\u00e9nu\u00e9s de tout fondement.<\/p>\n\n\n\n Les relations entre Caracas et Washington se sont fortement d\u00e9grad\u00e9es sous la premi\u00e8re administration Trump.<\/p>\n\n\n\n En 2017, puis de nouveau en 2019, les \u00c9tats-Unis avaient impos\u00e9 des sanctions cibl\u00e9es apr\u00e8s ce qu\u2019ils qualifiaient d\u2019\u00ab \u00e9lections truqu\u00e9es \u00bb. Les mesures visaient directement Maduro et son entourage, mais aussi le secteur p\u00e9trolier : l\u2019embargo am\u00e9ricain avait priv\u00e9 le Venezuela de son principal d\u00e9bouch\u00e9, provoquant une chute des exportations et une perte de devises.<\/p>\n\n\n\n Contraint de diversifier ses partenaires, le gouvernement v\u00e9n\u00e9zu\u00e9lien s\u2019\u00e9tait tourn\u00e9 vers l\u2019Inde et la Chine, qui importent aujourd\u2019hui environ 400 000 barils par jour. Ce r\u00e9alignement n\u2019a pas \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 Washington, d\u2019autant que Maduro a \u00e9t\u00e9 reconduit lors de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle de 2024. Les \u00c9tats-Unis, pour l\u2019heure, n\u2019entretiennent toujours pas de relations diplomatiques officielles avec Caracas.<\/p>\n\n\n\n La question demeure toutefois de savoir ce que le groupe am\u00e9ricain cherche exactement \u00e0 accomplir.<\/p>\n\n\n\n Pour Washington, il s\u2019agit de veiller \u00e0 ce que des pays comme le Venezuela soient maintenus sous une pression \u00e9conomique et militaire permanente. <\/p>Klaus Dodds<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n De nombreux observateurs ont remis en cause \u00e0 la fois la l\u00e9galit\u00e9 et l\u2019efficacit\u00e9 d\u2019un recours pr\u00e9sidentiel aux d\u00e9crets pour autoriser des frappes militaires.<\/p>\n\n\n\n Le trafic de drogue vers les \u00c9tats-Unis emprunte en effet une multitude de voies, dont les plus importantes passent par la fronti\u00e8re terrestre sud-ouest et par les airs. En volume, la r\u00e9gion frontali\u00e8re avec le Mexique demeure ainsi le principal point de passage. Les flux de coca\u00efne destin\u00e9s au march\u00e9 am\u00e9ricain proviennent surtout de Colombie, d\u2019\u00c9quateur et du P\u00e9rou <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le Venezuela sert certes de pays de transit, mais son r\u00f4le est secondaire par rapport aux routes du Pacifique oriental. Les vols clandestins, notamment \u00e0 partir d\u2019a\u00e9rodromes isol\u00e9s, sont consid\u00e9r\u00e9s comme beaucoup plus significatifs que la contrebande maritime dans les Cara\u00efbes. Le d\u00e9partement de la Justice am\u00e9ricain estime ainsi que vingt points d\u2019entr\u00e9e concentrent pr\u00e8s de 90 % des saisies et les \u00e9valuations ind\u00e9pendantes convergent : la route pacifique reste la voie dominante <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Malgr\u00e9 cela, c\u2019est Caracas qui est dans le viseur de Washington.<\/p>\n\n\n\n Nicol\u00e1s Maduro, d\u00e9j\u00e0 inculp\u00e9 par un tribunal f\u00e9d\u00e9ral am\u00e9ricain pour des accusations li\u00e9es au trafic de drogue, a d\u00e9nonc\u00e9 la pr\u00e9sence de la task force<\/em> et fait d\u00e9coller deux avions militaires pour survoler une partie du dispositif. Le trafic de drogue conserve d\u2019ailleurs une imperm\u00e9abilit\u00e9 et une capacit\u00e9 d\u2019adaptation qui \u00e9chappent aux effets directs de la d\u00e9monstration de force navale.<\/p>\n\n\n\n Alors pourquoi frapper le Venezuela \u2014 et pourquoi maintenant ?<\/p>\n\n\n\n Une hypoth\u00e8se pour expliquer cette s\u00e9quence pourrait \u00eatre les r\u00e9centes \u00e9lections au Guyana et le ressentiment croissant au Venezuela face au succ\u00e8s de son voisin dans le d\u00e9veloppement de champs p\u00e9troliers et gaziers offshore<\/em> \u2014 aid\u00e9 et encourag\u00e9 par l’engagement commercial des \u00c9tats-Unis et de la Chine.<\/p>\n\n\n\n Le d\u00e9ploiement naval am\u00e9ricain s’inscrit dans le cadre plus large de ce que l’on a propos\u00e9 d\u2019appeler la matrice g\u00e9opolitique de Donald Trump<\/a> : un mod\u00e8le fond\u00e9 sur une s\u00e9rie d’hypoth\u00e8ses concernant la \u00ab domination \u00e9nerg\u00e9tique \u00bb, les sph\u00e8res d’influences, les calculs transactionnels, l’engagement militaire limit\u00e9 et la d\u00e9termination \u00e0 g\u00e9rer la concurrence strat\u00e9gique avec la Chine et d’autres grandes puissances en veillant \u00e0 ce que les petits alli\u00e9s et les puissances r\u00e9gionales comprennent leur r\u00f4le et leur place dans un monde domin\u00e9 par les \u00c9tats-Unis. <\/p>\n\n\n\n\n Ces orientations ne sont pas sans pr\u00e9c\u00e9dent. Les \u00c9tats-Unis ont d\u00e9j\u00e0 men\u00e9 au XXe si\u00e8cle des interventions directes \u00e0 Cuba, en R\u00e9publique dominicaine, au Nicaragua et au Panama. Durant la Guerre froide, ces op\u00e9rations avaient pour finalit\u00e9 d\u2019endiguer l\u2019influence id\u00e9ologique et militaire de l\u2019Union sovi\u00e9tique. La logique aujourd\u2019hui est diff\u00e9rente, mais la continuit\u00e9 avec une tradition interventionniste est manifeste : il s\u2019agit de veiller \u00e0 ce que des pays comme le Venezuela soient maintenus sous une pression \u00e9conomique et militaire permanente. <\/p>\n\n\n\n La br\u00e8ve visite du secr\u00e9taire d’\u00c9tat Marco Rubio dans les Cara\u00efbes en mars 2025 a mis en \u00e9vidence les questions clefs pour l’administration Trump : le trafic de drogue, l’immigration clandestine et les nouvelles opportunit\u00e9s d’investissement avec les \u00c9tats-Unis <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Washington suit de pr\u00e8s la pr\u00e9sence croissante de puissances rivales dans la r\u00e9gion \u2014 alors que la Chine s\u2019affirme par ses investissements \u00e9conomiques tandis que la Russie maintient un r\u00f4le militaire et \u00e9nerg\u00e9tique au Venezuela <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n En janvier 2025, Donald Trump a publiquement exprim\u00e9 ses inqui\u00e9tudes concernant le canal de Panama, qu\u2019il consid\u00e8re comme expos\u00e9 \u00e0 une influence chinoise grandissante, notamment dans les zones portuaires strat\u00e9giques. Le gouvernement panam\u00e9en, soumis \u00e0 de fortes pressions, a finalement annonc\u00e9 en f\u00e9vrier son retrait officiel de l\u2019initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie.<\/p>\n\n\n\n Washington suit de pr\u00e8s la pr\u00e9sence croissante de puissances rivales dans la r\u00e9gion \u2014 alors que la Chine s\u2019affirme par ses investissements \u00e9conomiques tandis que la Russie maintient un r\u00f4le militaire et \u00e9nerg\u00e9tique au Venezuela.<\/p>Klaus Dodds<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n D\u00e9but septembre, le pr\u00e9sident Irfaan Ali, chef du Parti progressiste du peuple (PPP), a obtenu un second mandat \u00e0 la t\u00eate du Guyana.<\/p>\n\n\n\n Contrairement aux r\u00e9cents succ\u00e8s \u00e9lectoraux \u00e9crasants de son voisin Nicolas Maduro, le r\u00e9sultat n’a \u00e9t\u00e9 contest\u00e9 ni par ses opposants nationaux ni par les observateurs internationaux. Ayant obtenu environ 55 % des suffrages populaires guyanien, Ali a vu sa promesse \u00e9lectorale de consacrer davantage de revenus p\u00e9troliers \u00e0 des programmes de d\u00e9veloppement social et \u00e9conomique et de lutte contre la pauvret\u00e9 trouver un \u00e9cho favorable parmi la population. La campagne avait \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9e par des avertissements sur de possibles op\u00e9rations de d\u00e9sinformation venues du Venezuela <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Dans le m\u00eame temps, Nicol\u00e1s Maduro a r\u00e9affirm\u00e9 sa revendication de longue date sur la r\u00e9gion d\u2019Essequibo, administr\u00e9e par le Guyana. Caracas conteste en effet la validit\u00e9 de la d\u00e9cision arbitrale internationale de Paris qui fixe les fronti\u00e8res actuelles, et a multipli\u00e9 les initiatives symboliques : en 2024, une loi a interdit la diffusion de cartes ne repr\u00e9sentant pas un Venezuela \u00ab agrandi \u00bb incluant l\u2019Essequibo. La Cour internationale de justice (CIJ) a mis en garde Caracas contre toute tentative d\u2019organiser des consultations populaires sur la cr\u00e9ation d\u2019une province \u00ab Guyana Esequiba \u00bb.<\/p>\n\n\n\n
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\n <\/picture>\n Washington dans le brouillard des Cara\u00efbes<\/h2>\n\n\n\n
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\n <\/picture>\n Les barils du Guyana : ce que Maduro cherche en Essequibo<\/h2>\n\n\n\n