{"id":297620,"date":"2025-09-13T14:02:54","date_gmt":"2025-09-13T12:02:54","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=297620"},"modified":"2025-09-13T14:21:56","modified_gmt":"2025-09-13T12:21:56","slug":"la-nouvelle-guerre-baltique-comment-la-russie-de-poutine-prepare-son-prochain-theatre-doperations","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/09\/13\/la-nouvelle-guerre-baltique-comment-la-russie-de-poutine-prepare-son-prochain-theatre-doperations\/","title":{"rendered":"La nouvelle guerre baltique : comment la Russie de Poutine pr\u00e9pare son prochain th\u00e9\u00e2tre d\u2019op\u00e9rations"},"content":{"rendered":"\n
Le Grand Continent<\/span> En 2024, le minist\u00e8re russe de l’Enseignement sup\u00e9rieur lance un tr\u00e8s officiel appel \u00e0 contributions. Son th\u00e8me est technique : il s’agit de proposer une \u00ab analyse syst\u00e9mique des risques et opportunit\u00e9s \u00e9conomiques et politiques de la macror\u00e9gion balto-scandinave \u00bb<\/em>.<\/p>\n\n\n\n L\u2019article que nous traduisons et que nous avons invit\u00e9 des chercheurs sp\u00e9cialistes de la r\u00e9gion \u00e0 commenter r\u00e9pond \u00e0 cette commande. Il a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 dans la principale revue russe de politique \u00e9trang\u00e8re, International Affairs<\/em>, rattach\u00e9e directement au minist\u00e8re des Affaires \u00e9trang\u00e8res de la F\u00e9d\u00e9ration de Russie.<\/p>\n\n\n\n Son auteur, par ailleurs membre du Club Valda\u00ef<\/a>, y soutient une th\u00e8se simple : les pays de la r\u00e9gion baltique \u2014 les trois \u00c9tats baltes en plus de la Finlande et de la Su\u00e8de \u2014 seraient en train de menacer directement la Russie, faisant peser un risque s\u00e9curitaire de grande ampleur.<\/p>\n\n\n\n Nikolay Mezhevich n\u2019est pas Karaganov<\/a> \u2014 ni Sourkov<\/a>. L\u00e0 o\u00f9 les chantres de la guerre et de l\u2019imp\u00e9rialisme poutinien ne cachent pas leurs intentions \u2014 allant jusqu\u2019\u00e0 d\u00e9clarer \u00e0 la revue que \u00ab la guerre est dans les g\u00e8nes des Russes<\/a> \u00bb \u2014 l\u2019auteur de ce papier a recours \u00e0 une d\u00e9monstration alambiqu\u00e9e, lest\u00e9e de d\u00e9tours historiques et de sources pr\u00e9sent\u00e9es comme scientifiques \u2014 en r\u00e9alit\u00e9 souvent caduques ou d\u00e9tourn\u00e9es de leur sens. Dans une mise en sc\u00e8ne de l\u2019expertise au service de la politique \u00e9trang\u00e8re, sa fonction n\u2019est pas d\u2019\u00e9crire un manifeste mais plut\u00f4t d\u2019apporter une contribution \u00ab acad\u00e9mique \u00bb \u00e0 une question d\u2019int\u00e9r\u00eat strat\u00e9gique.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 travers un retournement typique de la rh\u00e9torique guerri\u00e8re dans la Russie de Poutine, il \u00e9tablit une chronologie d\u00e9connect\u00e9e de toute r\u00e9alit\u00e9 dans laquelle les pays bordant la mer Baltique se pr\u00e9parerait \u00e0 affronter son voisin russe.<\/p>\n\n\n\n En d\u00e9tournant des concepts strat\u00e9giques occidentaux de leur sens, Mezhevich monte un dossier d\u2019accusation : l\u2019OTAN voudrait transformer cette r\u00e9gion en \u00ab zone grise \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Au terme d\u2019une construction artificielle \u2014 dans laquelle \u00ab l\u2019ennemi \u00bb est pr\u00e9sent\u00e9 comme mena\u00e7ant tout en \u00e9tant d\u00e9cr\u00e9dibilis\u00e9 comme faible \u2014 il aboutit \u00e0 une conclusion maquill\u00e9e sous des dehors impartiaux : la Russie n\u2019aurait d\u2019autre choix que de \u00ab consid\u00e9rer la partie orientale de la mer Baltique comme un th\u00e9\u00e2tre d’op\u00e9rations militaires potentiel, peut-\u00eatre sous une forme classique, peut-\u00eatre sous une forme \u2018grise\u2019. \u00bb<\/p>\n\n\n\n Alors que l\u2019exercice Zapad-2025 se d\u00e9ploie ces jours-ci \u00e0 la fronti\u00e8re b\u00e9larusse, il faut comprendre ce que cette subversion signifie : acclimater les \u00e9lites strat\u00e9giques russes \u00e0 la guerre baltique.<\/p>\n\n\n\n En 1962, les \u00e9crivains am\u00e9ricains Eug\u00e8ne Burdick et Harvey Wheeler ont \u00e9crit un excellent roman intitul\u00e9 Point limite<\/em> sur une catastrophe technologique et militaire <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Il a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 en URSS en 1991. L’intrigue est la suivante : une panne accidentelle des technologies de communication les plus avanc\u00e9es conduit plusieurs bombardiers \u2014 chacun transportant deux bombes atomiques \u2014 \u00e0 se diriger vers l’URSS. Les Am\u00e9ricains comprennent leur erreur et son prix, et tentent de rattraper et d’abattre leurs bombardiers. L’URSS voit la menace et tente de la pr\u00e9venir. La Troisi\u00e8me Guerre mondiale n’a pas \u00e9clat\u00e9, mais Moscou et New York n’existent plus dans le nouveau monde <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Lukas Milevski<\/span> Dans les mots de Mezhevich, la Russie est un \u00c9tat dont l’image de soi est \u00e9tonnamment contradictoire. <\/p>\n\n\n\n D’une part, elle serait une grande puissance m\u00e9ritant sa propre sph\u00e8re d’influence, au sein de laquelle elle r\u00e8gnerait en ma\u00eetre et dont elle pourrait exclure les autres. <\/p>\n\n\n\n D\u2019autre part, elle ne repr\u00e9senterait jamais un danger pour ses voisins, ne leur causerait jamais de pr\u00e9judice et serait toujours la victime innocente des complots et des agressions des autres, y compris de la part des petits \u00c9tats. <\/p>\n\n\n\n Il en r\u00e9sulte une vision d\u00e9form\u00e9e de l\u2019histoire des relations internationales, dans laquelle la seule affirmation donn\u00e9e comme valable serait le caract\u00e8re de \u00ab grande puissance \u00bb de la Russie. C\u2019est en vertu de cette conception que les ennemis de Moscou \u2014 en particulier ses voisins plus faibles \u2014 subissent les assauts de discours russes diffus\u00e9s \u00e0 l’\u00e9chelle internationale qui d\u00e9l\u00e9gitiment ces \u00c9tats. <\/p>\n\n\n\n Ce processus a atteint son apog\u00e9e avec l’Ukraine, mais les \u00c9tats baltes sont \u00e9galement soumis \u00e0 de tels discours d\u00e9l\u00e9gitimants : cet article en est un exemple clair et concret.<\/p>\n\n\n\n Dans les ann\u00e9es 1990, l’auteur travaillait dans les organes du pouvoir public de Saint-P\u00e9tersbourg, dans la r\u00e9gion de L\u00e9ningrad, o\u00f9 il \u00e9tait responsable des relations ext\u00e9rieures et dirigeait le service des migrations de cette r\u00e9gion. C’\u00e9tait une p\u00e9riode de d\u00e9veloppement actif des relations bilat\u00e9rales et des contacts interr\u00e9gionaux, marqu\u00e9e par une certaine mythologie de la \u00ab fen\u00eatre sur l’Europe \u00bb <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Les relations avec la Finlande \u2014 et dans une moindre mesure avec la Su\u00e8de \u2014 \u00e9taient particuli\u00e8rement bonnes, contrairement \u00e0 celles avec les pays baltes. Des deux c\u00f4t\u00e9s, europ\u00e9en et russe, une v\u00e9ritable dynamique s\u2019est manifest\u00e9e dans ce domaine, y compris au niveau r\u00e9gional, par exemple \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg. Comme le soulignait un rapport de l\u2019\u00e9poque : \u00ab L\u2019\u00e9tablissement de relations de partenariat entre la Russie et la Communaut\u00e9 europ\u00e9enne a \u00e9t\u00e9 per\u00e7u d\u00e8s le d\u00e9part par l\u2019ensemble des membres du Comit\u00e9 des relations ext\u00e9rieures comme un processus complexe, exigeant des approches et des solutions non conventionnelles. Des succ\u00e8s notables ont \u00e9t\u00e9 obtenus pr\u00e9cis\u00e9ment dans le domaine de la paradiplomatie, gr\u00e2ce \u00e0 un int\u00e9r\u00eat mutuel pour un cadre de coop\u00e9ration suffisamment efficace au niveau r\u00e9gional, o\u00f9 les contraintes politiques \u2018nationales\u2019 sont inexistantes ou att\u00e9nu\u00e9es. \u00bb <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n Dans ce contexte, il convient de rappeler les propos de l’ancien ambassadeur de Russie en Finlande, l’\u00e9minent diplomate sovi\u00e9tique et russe Yuri Deryabin : \u00ab Dans le cadre europ\u00e9en, la r\u00e9gion de l’Europe du Nord est, selon les crit\u00e8res de s\u00e9curit\u00e9, sans doute la moins probl\u00e9matique et la plus stable, en tout cas par rapport \u00e0 de nombreuses autres parties du continent. Le risque d’\u00e9clatement de conflits ouverts, et a fortiori<\/em> de confrontation militaire, semble pour l’instant peu r\u00e9aliste. \u00bb <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n Notons la prudence des formulations \u2014 et l\u2019expression clef : \u00ab pour l’instant \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, la r\u00e9gion de la mer Baltique, et plus particuli\u00e8rement sa partie orientale, est devenue l’une des r\u00e9gions les plus dynamiques du monde.<\/p>\n\n\n\n R\u00e9unissant d’anciens adversaires de la guerre froide \u2014 des pays aux relations bilat\u00e9rales tr\u00e8s complexes \u2014 le processus de construction r\u00e9gionale dans cette zone a permis, en l’espace d’une d\u00e9cennie, de d\u00e9velopper des relations \u00e0 plusieurs niveaux dans les domaines \u00e9conomique et politique, d\u2019\u00e9tablir des contacts solides dans le domaine de la s\u00e9curit\u00e9 et d\u2019instaurer un climat de confiance <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> Le d\u00e9but des ann\u00e9es 1990 a surtout correspondu \u00e0 la volont\u00e9 des acteurs des diff\u00e9rents pays riverains de la mer Baltique de faire de cette r\u00e9gion un espace de prosp\u00e9rit\u00e9, de coop\u00e9ration et de paix, avec le Conseil des pays de la mer Baltique, comme cadre institutionnel principal, cr\u00e9\u00e9 en 1992. Ce dernier a notamment \u00e9t\u00e9 pens\u00e9 par les pays nordiques comme un moyen pour faire dialoguer les pays baltes ainsi que la Pologne avec la Russie, mais \u00e9galement, d\u00e8s le milieu des ann\u00e9es 1990, avec Bruxelles, afin de promouvoir l\u2019\u00e9largissement de l\u2019Union aux pays baltes. \u00c0 cette p\u00e9riode, les pays nordiques, mais aussi les Europ\u00e9ens en g\u00e9n\u00e9ral, nourrissaient l\u2019espoir d\u2019une transformation d\u00e9mocratique de la Russie et du d\u00e9but d\u2019une nouvelle \u00e8re. <\/p>\n\n\n\n Dans ce contexte, associer cette \u00ab nouvelle \u00bb Russie aux diff\u00e9rents formats de coop\u00e9ration r\u00e9gionale dans la r\u00e9gion baltique \u00e9tait per\u00e7u comme un moyen de garantir la stabilit\u00e9 de la r\u00e9gion.<\/p>\n\n\n\n La Finlande et la Su\u00e8de cherchaient alors \u00e0 jouer le r\u00f4le de m\u00e9diateurs entre la Russie et les autres pays de la r\u00e9gion, tandis que les relations entre la Russie et les pays baltes \u00e9taient effectivement tendues au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, notamment en raison des n\u00e9gociations tr\u00e8s difficiles pour le d\u00e9part des troupes russes rest\u00e9es sur le sol estonien, letton et lituanien apr\u00e8s 1991. Le d\u00e9part de ces troupes fut finalement effectif entre 1992 \u2014 en Lituanie \u2014 et 1994 \u2014 en Estonie et en Lettonie \u2014 gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019aide et l\u2019intervention politiques et financi\u00e8res des pays nordiques et des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Dans le cadre de ses fonctions, l’auteur s’est r\u00e9guli\u00e8rement rendu au minist\u00e8re finlandais des Affaires \u00e9trang\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, lors de discussions formelles et informelles, les diplomates finlandais manifestaient non seulement du scepticisme \u00e0 l’\u00e9gard de l’OTAN, mais aussi du pessimisme \u00e0 l’\u00e9gard de l’Union. L’argumentation avanc\u00e9e \u00e9tait pratiquement incontestable : \u00ab Nous avons atteint la stabilit\u00e9 et m\u00eame la prosp\u00e9rit\u00e9 dans le cadre du mod\u00e8le d’apr\u00e8s-guerre, et nous n’avons aucune envie de renoncer \u00e0 ces acquis. \u00bb Par ailleurs, lorsque des repr\u00e9sentants russes faisaient remarquer que les pays baltes les consid\u00e9raient comme des ennemis sans raison apparente, ces observations ne suscitaient gu\u00e8re de r\u00e9action de la part des Finlandais. D\u00e8s 1992, Andris Krasti\u0146\u0161, le vice-pr\u00e9sident du Conseil supr\u00eame de Lettonie, d\u00e9clarait qu’il fallait faire de la Russie la cible principale des services de renseignement lettons car, selon lui, la Russie constituait le principal ennemi potentiel de la Lettonie et une menace pour son ind\u00e9pendance <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> L’auteur refl\u00e8te la conception manifestement d\u00e9form\u00e9e que les \u00e9lites russes ont de l’histoire. Il d\u00e9crit la pr\u00e9tendue hostilit\u00e9 des pays baltes \u00ab sans raison apparente \u00bb alors que ces derniers ont \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 plus de quarante-cinq ans d’occupation r\u00e9pressive, brutale et ill\u00e9gale, par l’Union sovi\u00e9tique.<\/p>\n\n\n\n En 1992, ils \u00e9taient encore contraints d’accueillir des garnisons militaires russes, dont le Kremlin cherchait ouvertement \u00e0 prolonger la pr\u00e9sence. La Russie manipulait \u00e9galement activement le march\u00e9 de l’\u00e9nergie pour tenter de contraindre les pays baltes. Il est \u00e9vident que les \u00c9tats baltes pouvaient consid\u00e9rer la Russie comme un acteur quelque peu hostile : elle l\u2019\u00e9tait.<\/p>\n\n\n\n Par la suite, la Finlande a justifi\u00e9 son adh\u00e9sion \u00e0 l\u2019Union en s\u2019appuyant sur la d\u00e9cision de la Su\u00e8de, tout en invoquant les traditions s\u00e9culaires de neutralit\u00e9 de son voisin. \u00c0 la fin des ann\u00e9es 1990, un nouveau format a \u00e9t\u00e9 propos\u00e9 : \u00ab L’OTAN est une organisation universelle que nous, Finlandais, ne pouvons ignorer, mais nous n’avons pas l’intention d’y adh\u00e9rer. \u00bb Cette approche s’est impos\u00e9e pour au moins vingt ans au d\u00e9but du nouveau si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> L\u2019auteur fait dans ce passage, de m\u00eame que dans le reste du texte, des raccourcis qui d\u00e9forment le contexte et la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Si le rapport de la Finlande \u00e0 l’OTAN a \u00e9t\u00e9 distanci\u00e9 dans les ann\u00e9es 1990 et 2000, c\u2019est notamment en raison de sa prudence et de sa recherche d\u2019\u00e9quilibre par rapport \u00e0 la Russie voisine. Cette attitude s\u2019explique par le positionnement d\u2019Helsinki \u00e0 l\u2019\u00e9gard de la Russie depuis son annexion \u00e0 l\u2019Empire tsariste en 1809, puis par une politique connue sous le nom de \u00ab finlandisation \u00bb pendant toute la p\u00e9riode de la guerre froide.<\/p>\n\n\n\n Quant \u00e0 l\u2019adh\u00e9sion de la Finlande \u00e0 l\u2019Union, r\u00e9alis\u00e9e en 1995 en m\u00eame temps que celle de la Su\u00e8de, elle \u00e9tait soutenue par une grande majorit\u00e9 de la population et de l\u2019\u00e9lite politique finlandaise. L\u2019int\u00e9gration europ\u00e9enne \u00e9tait per\u00e7ue comme un moyen pour la Finlande d\u2019exercer de l\u2019influence sur la sc\u00e8ne continentale, de renforcer le p\u00f4le nordique en Europe, mais aussi comme un atout sur les plans \u00e9conomique, politique et de la politique \u00e9trang\u00e8re et de s\u00e9curit\u00e9 commune (PESC).<\/p>\n\n\n\n Dans un entretien accord\u00e9 au printemps 2010, Alexander Stubb, l\u2019actuel pr\u00e9sident de la Finlande, a qualifi\u00e9 les relations entre la Finlande et l’OTAN de \u00ab mariage civil \u00bb. Interrog\u00e9 sur la possibilit\u00e9 d’adh\u00e9rer \u00e0 l’OTAN, il avait d\u00e9clar\u00e9 que la Finlande abordait cette question de mani\u00e8re tr\u00e8s pragmatique et qu’elle ne deviendrait probablement pas membre de l’alliance dans un avenir proche. \u00ab Nous [la Finlande et l’OTAN] sommes de tr\u00e8s bons partenaires et, dans un certain sens, nous sommes plus un pays de l’OTAN que certains de ses membres. Nous ne fermons pas la porte \u00e0 l’OTAN, mais nous ne l’ouvrons pas non plus pour l’instant \u00bb, d\u00e9clarait alors le chef du minist\u00e8re finlandais des Affaires \u00e9trang\u00e8res <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> Le texte donne une image tr\u00e8s trompeuse de l’approche de la Finlande \u00e0 l’\u00e9gard de l’Union et de l’OTAN dans les ann\u00e9es 1990. La Finlande avait d\u00e9j\u00e0 d\u00e9ploy\u00e9 tous les efforts possibles pendant la guerre froide pour se rapprocher au maximum des institutions \u00e9conomiques et politiques occidentales. <\/p>\n\n\n\n Elle \u00e9tait devenue membre associ\u00e9 de l’Association europ\u00e9enne de libre-\u00e9change (AELE) et b\u00e9n\u00e9ficiait d’un soutien public ferme en faveur de l’adh\u00e9sion \u00e0 l’Union d\u00e8s la fin des ann\u00e9es 1980. Contrairement \u00e0 ce qui est indiqu\u00e9 dans l\u2019article, l’adh\u00e9sion \u00e0 la Communaut\u00e9 puis \u00e0 l’Union europ\u00e9enne n’a donc jamais \u00e9t\u00e9 per\u00e7ue comme un facteur d’instabilit\u00e9. En 1991, tous les principaux partis politiques ont modifi\u00e9 leur ligne et la demande d’adh\u00e9sion d\u2019Helsinki a \u00e9t\u00e9 d\u00e9pos\u00e9e au d\u00e9but de l’ann\u00e9e 1992. Plus tard, la Finlande est devenue le seul pays nordique \u00e0 adh\u00e9rer \u00e0 tous les volets de l’int\u00e9gration europ\u00e9enne \u2014 y compris l’union mon\u00e9taire<\/a>. <\/p>\n\n\n\n La Finlande a entam\u00e9 un mouvement similaire vers l’OTAN en adh\u00e9rant au programme de Partenariat pour la paix (PPP) en 1994 et en participant \u00e0 la premi\u00e8re op\u00e9ration de gestion de crise men\u00e9e par l’OTAN \u2014 l\u2019IFOR en Bosnie \u2014 en 1996. Si l\u2019opinion publique finlandaise a longtemps \u00e9t\u00e9 divis\u00e9e sur l’adh\u00e9sion \u00e0 l’OTAN, cette situation a chang\u00e9 du jour au lendemain le 24 f\u00e9vrier 2022.<\/p>\n\n\n\n Dans les ann\u00e9es 2000, certains dans les cercles politiques finlandais ont avanc\u00e9 l\u2019id\u00e9e que la Russie pouvait \u00eatre int\u00e9gr\u00e9e institutionnellement \u00e0 l\u2019Occident et que, de cette mani\u00e8re, la d\u00e9mocratisation de la Russie garantirait la s\u00e9curit\u00e9 de la Finlande. C\u2019est dans ce contexte qu\u2019est n\u00e9 le projet \u00ab Dimension septentrionale \u00bb (<\/em>\u0421\u0435\u0432\u0435\u0440\u043d\u043e\u0435 \u0438\u0437\u043c\u0435\u0440\u0435\u043d\u0438\u0435)<\/em>, ainsi que diverses organisations r\u00e9gionales aux objectifs et missions similaires.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 l’initiative du Premier ministre finlandais Paavo Lipponen, une proposition a \u00e9t\u00e9 faite pour cr\u00e9er une \u00ab Dimension septentrionale \u00bb de l’Union europ\u00e9enne. L’histoire du projet remonte au si\u00e8cle dernier et visait \u00e0 l’origine \u00e0 renforcer le r\u00f4le de la Finlande en Europe du Nord \u2014 un choix qui ne suscita pas de critiques de la Russie <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n L’objectif de ce programme \u00e9tait de d\u00e9finir et de d\u00e9velopper les int\u00e9r\u00eats de l’Union europ\u00e9enne dans la r\u00e9gion \u2014 de l’Islande \u00e0 la mer de Barents en passant par la mer Baltique.<\/p>\n\n\n\n Ce projet concernait principalement le nord-ouest de la Russie, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et le nord-est de la Pologne. Outre la Finlande, les autres pays nordiques, \u00e0 savoir la Su\u00e8de, la Norv\u00e8ge, le Danemark et l’Islande, ont \u00e9galement particip\u00e9 \u00e0 sa mise en \u0153uvre. <\/p>\n\n\n\n L’id\u00e9e de la \u00ab Dimension septentrionale \u00bb \u00e9tait tout \u00e0 fait rationnelle et aurait pu servir de base \u00e0 une nouvelle architecture de s\u00e9curit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Toutefois, \u00e0 Helsinki, \u00e0 Stockholm, mais surtout \u00e0 Tallinn, \u00e0 Riga et \u00e0 Vilnius, c\u2019est la voie de l’int\u00e9gration dans l’OTAN qui a \u00e9t\u00e9 privil\u00e9gi\u00e9e, d’abord lentement et avec prudence <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> La Dimension septentrionale de l\u2019Union, dont il est question dans le texte, \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 n\u00e9e en 1999 \u00e0 l\u2019initiative de la Finlande, devenue membre de l\u2019Union, avec l\u2019objectif de cr\u00e9er un instrument et une politique commune pour la r\u00e9gion baltique et le Nord en g\u00e9n\u00e9ral, et d\u2019\u00e9laborer un partenariat entre l\u2019Union, la Russie, la Norv\u00e8ge et l\u2019Islande.<\/p>\n\n\n\n Contrairement \u00e0 ce que laisse entendre l\u2019auteur du texte, il n\u2019\u00e9tait toutefois pas question de cr\u00e9er une \u00ab architecture de s\u00e9curit\u00e9 \u00bb via<\/em> cet instrument, mais plut\u00f4t de rapprocher l\u2019espace baltique et nordique \u2014 et notamment les pays non membres de l\u2019Union \u2014 et de favoriser l\u2019int\u00e9gration \u00e9conomique et la coop\u00e9ration sur les questions de d\u00e9veloppement durable. C\u2019est toutefois dans la Strat\u00e9gie europ\u00e9enne de s\u00e9curit\u00e9 de 2003 et dans une communication de la Commission europ\u00e9enne sur la politique europ\u00e9enne de voisinage (PEV) que la Russie a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9e comme un partenaire clef par l\u2019Union.<\/p>\n\n\n\n Le 5 septembre 2014, la Finlande et la Su\u00e8de ont sign\u00e9, lors du sommet de l’OTAN au pays de Galles, un M\u00e9morandum d\u2019accord sur le soutien de la nation h\u00f4te<\/em> (Host Nation Support Memorandum of Understanding<\/em>) <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>, qui permet, avec l\u2019accord de l\u2019\u00c9tat h\u00f4te, de stationner des forces de l’OTAN en Su\u00e8de et en Finlande, ainsi que de faire transiter des forces de l’OTAN par le territoire de ces \u00c9tats en temps de paix, en cas de crise ou en temps de guerre. En 2015, l’accord a \u00e9t\u00e9 ratifi\u00e9 par le Parlement finlandais, puis par le Parlement su\u00e9dois le 1er juin 2016 <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La Russie a fait preuve d’une grande retenue dans son \u00e9valuation de cette d\u00e9cision. L’\u00e9volution de la situation a conduit \u00e0 l’adh\u00e9sion de la Finlande \u00e0 l’OTAN, le 4 avril 2023. La Su\u00e8de a adh\u00e9r\u00e9 \u00e0 l’OTAN le 7 mars 2024. Aujourd’hui, comme l’a d\u00e9clar\u00e9 le vice-ministre russe des Affaires \u00e9trang\u00e8res Alexander Grouchko, \u00ab cette r\u00e9gion est devenue une zone de rivalit\u00e9 militaire intense, ce qui est tr\u00e8s dangereux. Pour notre part, nous prenons toutes les mesures n\u00e9cessaires pour assurer notre s\u00e9curit\u00e9 et notre d\u00e9fense \u00bb <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> Dans ce passage, la transition entre 2000 et 2014 est pr\u00e9sent\u00e9e de mani\u00e8re particuli\u00e8rement \u00e9tonnante. L\u2019auteur ne mentionne ni la guerre entre la Russie et la G\u00e9orgie en 2008, ni le d\u00e9but de l\u2019agression russe en Ukraine en 2014. On sait pourtant \u00e0 quel point ces deux \u00e9v\u00e9nements ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9terminants dans la perception des pays de la r\u00e9gion baltique qui consid\u00e8rent d\u00e9sormais la Russie comme une menace et ressentent le besoin de renforcer leur s\u00e9curit\u00e9, notamment par une int\u00e9gration renforc\u00e9e \u00e0 l\u2019OTAN. \u00c0 titre d\u2019exemple, l\u2019\u00eele su\u00e9doise de Gotland, d\u00e9militaris\u00e9e depuis la fin de la guerre froide, a de nouveau accueilli une pr\u00e9sence militaire \u00e0 partir de 2014-2016. C\u2019est \u00e9galement apr\u00e8s l\u2019annexion de la Crim\u00e9e en 2014 que les pays baltes ont exig\u00e9 des garanties suppl\u00e9mentaires de la part de l\u2019OTAN, qui a alors mis\u00e9 sur le renforcement de son flanc oriental. Cette p\u00e9riode correspond donc \u00e0 un retour de la m\u00e9fiance et \u00e0 des man\u0153uvres militaires de part et d’autre de la mer Baltique.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est v\u00e9ritablement le d\u00e9clenchement de la guerre en Ukraine en 2022 qui a sensiblement augment\u00e9 le niveau d\u2019alerte dans les pays de la r\u00e9gion face \u00e0 la Russie, brisant ainsi l\u2019\u00e9quilibre des relations d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s fragiles qui existait dans cette zone. La sortie de la F\u00e9d\u00e9ration de Russie du Conseil des \u00c9tats de la mer Baltique en mai 2022 et l\u2019adh\u00e9sion de la Finlande et de la Su\u00e8de \u00e0 l\u2019OTAN, avec laquelle ces deux pays ont rompu leur statut de neutralit\u00e9 \u2014 ou de quasi-neutralit\u00e9 \u2014 en sont la preuve. <\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> La mani\u00e8re dont les protocoles d’accord conclus entre la Finlande, la Su\u00e8de et l’OTAN concernant le soutien apport\u00e9 par les pays h\u00f4tes sont pr\u00e9sent\u00e9s dans ce texte est \u00e9galement trompeuse. Ces deux pays ont progressivement enrichi leur coop\u00e9ration avec l’OTAN depuis le milieu des ann\u00e9es 1990 et ont obtenu le statut de partenaires aux possibilit\u00e9s renforc\u00e9es en 2014. Pendant des d\u00e9cennies, ils ont contribu\u00e9 aux op\u00e9rations de gestion de crise de l’OTAN. Ils avaient trouv\u00e9 leur modus operandi<\/em> en coop\u00e9rant avec l\u2019Alliance atlantique sans en \u00eatre membres \u00e0 part enti\u00e8re et aucun changement n’\u00e9tait pr\u00e9vu \u00e0 cet \u00e9gard avant le d\u00e9but de l’agression russe contre l’Ukraine en f\u00e9vrier 2022. <\/p>\n\n\n\n Lorsque le texte fait r\u00e9f\u00e9rence aux \u00ab d\u00e9veloppements ayant conduit \u00e0 leur adh\u00e9sion \u00e0 l’OTAN \u00bb, il y a une part de v\u00e9rit\u00e9 : ce sont bien les \u00ab d\u00e9veloppements \u00bb de la politique russe \u00e0 l’\u00e9gard de l’Ukraine et de l’ensemble de son voisinage qui ont provoqu\u00e9 un changement dans les politiques de s\u00e9curit\u00e9 de la Finlande et de la Su\u00e8de et qui ont men\u00e9 \u00e0 leur adh\u00e9sion \u00e0 l’OTAN. Leur adh\u00e9sion a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9c\u00e9d\u00e9e d’un changement remarquable dans l’opinion publique : en Finlande, le soutien de la population \u00e0 l’adh\u00e9sion \u00e0 l’OTAN est ainsi pass\u00e9 d’environ 25 % \u00e0 plus de 50 % en 2021 et \u00e0 plus de 80 % au moment de l’adh\u00e9sion.<\/p>\n\n\n\n Examinons quelques points li\u00e9s au th\u00e9\u00e2tre potentiel d\u2019op\u00e9rations militaires qui pourrait \u00e9merger dans la r\u00e9gion baltique.<\/p>\n\n\n\n La strat\u00e9gie de nos adversaires consiste \u00e0 transformer la r\u00e9gion en une \u00ab zone grise \u00bb.<\/p>\n\n\n\n La \u00ab zone grise \u00bb est un ph\u00e9nom\u00e8ne li\u00e9 aux conflits asym\u00e9triques, o\u00f9 l’une des parties est nettement inf\u00e9rieure en termes de quantit\u00e9 et de qualit\u00e9 des armements. Il n’est pas tr\u00e8s pratique d’y mener des op\u00e9rations militaires actives \u2014 les risques de destruction des grandes villes sont notamment \u00e9lev\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n Dans la \u00ab zone grise \u00bb, des facteurs tels que la propagande, le renseignement actif avec passage \u00e0 la terreur, les op\u00e9rations psychologiques et l’utilisation d’installations civiles \u00e0 des fins militaires sont particuli\u00e8rement importants.<\/p>\n\n\n\n Tous ces \u00e9l\u00e9ments constituent des moyens d’obtenir un avantage concurrentiel dans cette \u00ab zone grise \u00bb <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> La zone grise est un concept tactique am\u00e9ricain dont l’auteur donne ici une description erron\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Elle n’est en r\u00e9alit\u00e9 pas du tout asym\u00e9trique dans la pens\u00e9e occidentale et se produit essentiellement lorsque les deux parties sont en conflit mais qu’aucune d’entre elles ne souhaite une escalade vers la guerre \u2014 soit par crainte des cons\u00e9quences, soit parce qu’elles pensent pouvoir obtenir ce qu’elles veulent sans avoir recours \u00e0 la guerre. L’exemple typique de la zone grise est le conflit en mer de Chine m\u00e9ridionale \u2014 qui est de fait le principal cas d’\u00e9tude \u00e0 l’origine de l’\u00e9mergence de ce concept.<\/p>\n\n\n\n Si l\u2019on se limite aux actions hostiles non militaires, il est facile de dresser une tr\u00e8s longue liste de celles men\u00e9es par la Russie ou par des mandataires affili\u00e9s au Kremlin dans les \u00c9tats baltes et dans la r\u00e9gion baltique. On peut citer les exemples \u2014 non exhaustifs \u2014 de la manipulation des prix du gaz pour contraindre les \u00c9tats baltes dans les ann\u00e9es 1990 ; de la tentative de la mafia russe de subvertir les \u00e9lections lituaniennes en 2003 ; de l\u2019arr\u00eat du transit du p\u00e9trole russe par la Lettonie en 2003 ; de la cyberattaque contre l\u2019Estonie en 2006 ; de la perturbation de l\u2019approvisionnement des raffineries de p\u00e9trole en Lituanie en 2006 ; des sabotages de c\u00e2bles et de pipelines en mer Baltique en 2023-2024 ; de l\u2019utilisation de l\u2019immigration comme arme pour faire pression sur les fronti\u00e8res baltes ces derni\u00e8res ann\u00e9es ; et, plus largement, de la cr\u00e9ation et du soutien de partis politiques et de r\u00e9seaux culturels pro-Kremlin, ainsi que de la rh\u00e9torique constante visant \u00e0 d\u00e9l\u00e9gitimer les \u00c9tats baltes. <\/p>\n\n\n\n La \u00ab zone grise \u00bb est un espace \u00e0 haut risque, non seulement pour les militaires, mais aussi pour les proxy wars<\/em>. <\/p>\n\n\n\n Les conflits qui s\u2019y d\u00e9roulent peuvent \u00e9clater de mani\u00e8re inopin\u00e9e \u2014 mais ils s\u2019appuient g\u00e9n\u00e9ralement sur des ant\u00e9c\u00e9dents historiques.<\/p>\n\n\n\n Dans la \u00ab zone grise \u00bb, la rivalit\u00e9 ne porte pas sur des objets isol\u00e9s d\u2019importance tactique ou op\u00e9rationnelle, mais sur des avantages plus larges de nature informationnelle, ainsi que sur la poursuite d\u2019objectifs \u00e9conomiques. La particularit\u00e9 des \u00ab zones grises \u00bb est l’absence de moyens juridiques permettant d\u2019atteindre les objectifs fix\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> En faisant r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 un \u00ab conflit dans la zone grise \u00bb comme la \u00ab strat\u00e9gie de l’adversaire \u00bb, l’auteur utilise le proc\u00e9d\u00e9 qui consiste \u00e0 rejeter la responsabilit\u00e9 de ses propres actions sur l’Occident. Par \u00ab tactiques ou conflits dans la zone grise \u00bb, les analystes occidentaux visent en fait la notion russe de \u00ab guerre politique \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Celle-ci trouve son origine dans des documents politiques russes dans lesquels elle est pr\u00e9sent\u00e9e comme une approche globale dont la Russie aurait besoin pour pouvoir r\u00e9pondre \u00e0 la pr\u00e9tendue hostilit\u00e9 occidentale.<\/p>\n\n\n\n Dans cette guerre politique, la Russie aurait besoin de toutes les armes possibles \u2014 des op\u00e9rations d’information aux outils cybern\u00e9tiques et aux outils de guerre asym\u00e9trique \u2014 pour se d\u00e9fendre. <\/p>\n\n\n\n Le droit maritime international contemporain a probablement moins souffert des pratiques politiques des derni\u00e8res d\u00e9cennies \u2014 par rapport, par exemple, au droit de la guerre et de la paix \u2014 et continue de fonctionner en grande partie. Cela s’explique par le fait que les puissances maritimes sont pr\u00e9cis\u00e9ment int\u00e9ress\u00e9es par le droit de libre passage et de transit. Les initiatives de la Finlande, de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie pourraient toutefois cr\u00e9er un pr\u00e9c\u00e9dent permettant de restreindre la navigation britannique ou am\u00e9ricaine, par exemple en mer de Chine m\u00e9ridionale.<\/p>\n\n\n\n De plus, \u00ab en 1996, en r\u00e9ponse \u00e0 une demande de la Lituanie concernant les activit\u00e9s des forces navales russes dans sa zone \u00e9conomique exclusive (ZEE), le d\u00e9partement d’\u00c9tat am\u00e9ricain a confirm\u00e9 que l’article 58 de la convention de 1982 permet \u00e0 tous les \u00c9tats de jouir des libert\u00e9s de navigation, de survol, de pose de c\u00e2bles et de pipelines dans l’exercice de leurs activit\u00e9s dans une ZEE. Pour les navires et a\u00e9ronefs militaires, ces droits incluent les man\u0153uvres, les exercices militaires, la surveillance, la collecte de renseignements, les tirs et les essais d’armes \u00bb <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n En 2024, les services de renseignement et les minist\u00e8res des Affaires \u00e9trang\u00e8res des pays d\u2019Europe du Nord et des pays baltes ont organis\u00e9 une s\u00e9rie de r\u00e9unions afin de recueillir l\u2019avis d\u2019experts sur la possibilit\u00e9 de bloquer l\u00e9galement l\u2019acc\u00e8s de la Russie au golfe de Finlande et d\u2019imposer un blocus \u00e0 Kaliningrad. Les conclusions furent les suivantes : en temps de paix, conform\u00e9ment aux normes du droit maritime international, une telle mesure est impossible. Autrement dit, elle ne pourrait \u00eatre mise en \u0153uvre qu\u2019en cas de conflit arm\u00e9 pleinement reconnu sur le plan juridique. L’alternative serait donc de recourir \u00e0 des actes de sabotage et \u00e0 des actes terroristes. C’est pr\u00e9cis\u00e9ment cette option qui a \u00e9t\u00e9 choisie. De plus, elle a \u00e9t\u00e9 rendue publique dans le but d’exercer une pression psychologique sur la Russie. La chasse aux p\u00e9troliers et aux cargos battant pavillon neutre a alors commenc\u00e9. En revanche, ni en 2024 ni au cours du premier semestre 2025, les navires battant pavillon russe n\u2019ont \u00e9t\u00e9 la cible d\u2019attaques, d\u2019inspections ill\u00e9gales ou de refoulement vers les eaux territoriales.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> Une fois de plus, l\u2019argumentation vise \u00e0 pr\u00e9senter la Russie en victime, passant sous silence le r\u00f4le pr\u00e9sum\u00e9 de sa flotte fant\u00f4me dans la destruction d’infrastructures de communication et d’\u00e9nergie critiques dans les fonds marins de la mer Baltique en 2023-2024 <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Bien qu’il n’existe pour l’instant pratiquement aucune preuve tangible que ces actes aient \u00e9t\u00e9 des sabotages d\u00e9lib\u00e9r\u00e9s men\u00e9s sur ordre du Kremlin, le fait que ces navires \u00e9taient tous au service de la Russie est incontestable. Qualifier la r\u00e9ponse de la Baltique et de l’OTAN de terrorisme est absurde.<\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> Les experts nordiques et baltes mentionn\u00e9s n’ont \u00e9videmment pas envisag\u00e9 de bloquer l’acc\u00e8s de la Russie au golfe de Finlande mais ont discut\u00e9 de mesures juridiques pour r\u00e9agir aux actes de sabotage contre les infrastructures sous-marines critiques qui se sont multipli\u00e9s en mer Baltique. Or comme la convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) n\u2019accorde pas aux \u00c9tats c\u00f4tiers pleine juridiction pour arraisonner les navires soup\u00e7onn\u00e9s de telles activit\u00e9s et ouvrir des enqu\u00eates que dans leurs eaux territoriales, les incidents survenant au-del\u00e0 de cette zone constituent un d\u00e9fi pour la s\u00e9curit\u00e9 de l\u2019\u00c9tat et cr\u00e9ent des vuln\u00e9rabilit\u00e9s exploitables \u00e0 des fins malveillantes.<\/p>\n\n\n\n Le calcul \u00e9tait que la Russie ne d\u00e9fendrait pas par la force militaire les navires battant pavillon neutre et n’assurerait pas leur escorte.<\/p>\n\n\n\n Les \u00e9v\u00e9nements du 13 mai 2025, au cours desquels une tentative de capture directe d’un p\u00e9trolier a \u00e9t\u00e9 men\u00e9e dans les eaux neutres, ont conduit \u00e0 l’apparition d’un chasseur Su-35, qui a emp\u00each\u00e9 l’aviation de l’OTAN et les forces navales estoniennes de capturer le p\u00e9trolier \u00ab JAGUAR \u00bb dans les eaux neutres de la mer Baltique. Il est important de noter que les dirigeants politiques estoniens n’avaient pas \u00e9t\u00e9 inform\u00e9s des plans de l\u2019arm\u00e9e, qui semblait suivre la maxime \u00ab on ne juge pas les vainqueurs \u00bb \u2014 mais ils n’ont pas gagn\u00e9.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> L\u2019auteur d\u00e9peint ici le gouvernement estonien comme d\u00e9pourvu d\u2019agency <\/em>et n’\u00e9tant pas pleinement aux commandes mais confront\u00e9 \u00e0 de puissants \u00e9l\u00e9ments rebelles agissant ind\u00e9pendamment de lui.<\/p>\n\n\n\n Il s’agit d’une tentative de d\u00e9l\u00e9gitimer \u00e0 la fois le gouvernement de l\u2019Estonie et les mesures qu’il a prises pour assurer sa propre s\u00e9curit\u00e9 en r\u00e9ponse aux violations de ses eaux territoriales par la Russie.<\/p>\n\n\n\n Dans les capitales des pays baltes et nordiques, les conclusions suivantes ont \u00e9t\u00e9 tir\u00e9es : 1. Il est n\u00e9cessaire d’acc\u00e9l\u00e9rer la pr\u00e9paration des \u00ab gouvernements en exil \u00bb. 2. Il est n\u00e9cessaire de passer des provocations sous son propre drapeau \u00e0 des actes terroristes directs et \u00e0 des \u00ab diversions anonymes \u00bb.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> L\u2019auteur pr\u00e9tend ici citer des sources mais ne fournit aucune r\u00e9f\u00e9rence. Si les gouvernements baltes r\u00e9fl\u00e9chissent aux pratiques et aux probl\u00e8mes des gouvernements en exil, c’est \u00e9videmment en r\u00e9ponse \u00e0 une invasion russe hypoth\u00e9tique, ce que l\u2019auteur refuse ou n\u00e9glige de reconna\u00eetre. Les all\u00e9gations concernant le terrorisme sont clairement fausses et ne sont que le reflet des actions r\u00e9elles de la Russie ces derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n En outre, les dirigeants politiques non seulement des pays baltes, mais aussi de la Finlande, ont commenc\u00e9 \u00e0 approfondir leurs contacts avec les pays ayant une exp\u00e9rience historique d’ing\u00e9rence dans les affaires int\u00e9rieures de cette r\u00e9gion <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span>. <\/em>\u00ab La situation g\u00e9n\u00e9rale dans les provinces baltes est critique, notamment sur le plan militaire. Des mesures imm\u00e9diates doivent \u00eatre prises par les gouvernements alli\u00e9s et associ\u00e9s. L’importance des provinces baltes et de la Lituanie est sans commune mesure avec leur superficie et leur population \u00bb <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Ces mots ont \u00e9t\u00e9 \u00e9crits il y a 100 ans.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> Dans ces paragraphes, l\u2019auteur op\u00e8re un renversement pour montrer que la menace viendrait des autres pays de la Baltique. Il passe ainsi sous silence toute une s\u00e9rie d\u2019actions de d\u00e9stabilisation, d’intimidation et de pression men\u00e9es par la Russie contre les territoires des pays voisins et dans la mer Baltique : en plus de celles mentionn\u00e9es pr\u00e9c\u00e9demment, citons le brouillage des signaux GPS au-dessus de la mer Baltique g\u00eanant le trafic a\u00e9rien<\/a>, la disparition des bou\u00e9es de navigation dans la Narva servant \u00e0 marquer le d\u00e9but de la fronti\u00e8re entre l\u2019Estonie et la Russie, ou encore, plus r\u00e9cemment, la pr\u00e9sence d\u2019un p\u00e9trolier de la flotte fant\u00f4me russe dans les eaux \u00e9conomiques estoniennes \u2014 et non dans des \u00ab eaux neutres \u00bb comme le mentionne l\u2019auteur de ce texte.<\/p>\n\n\n\n S\u2019il est vrai que les ministres des Affaires \u00e9trang\u00e8res des pays baltes, des pays nordiques et de la Pologne, notamment dans le cadre d\u2019un format de coop\u00e9ration informel \u2014 NB8, Baltic-Nordic 8, cr\u00e9\u00e9 en 1992 et auquel on associe de plus en plus la Pologne, l\u2019Allemagne et la Grand-Bretagne \u2014 ont multipli\u00e9 les r\u00e9unions ces derni\u00e8res ann\u00e9es, il s\u2019agit d\u2019une tentative de coordination des moyens et des actions permettant de faire face \u00e0 ces menaces hybrides.<\/p>\n\n\n\n Aujourd’hui, les pays baltes et les pays d’Europe du Nord d\u00e9veloppent activement leur coop\u00e9ration en mati\u00e8re de s\u00e9curit\u00e9 et de d\u00e9fense avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, renouant ainsi avec l’exp\u00e9rience historique de la r\u00e9gion depuis des si\u00e8cles. Cette coop\u00e9ration poursuit l’objectif strat\u00e9gique de cr\u00e9er une menace militaire, politique et \u00e9conomique \u00e0 l\u2019encontre de la Russie et du B\u00e9larus. La logique est claire : cela a fonctionn\u00e9 une fois, cela fonctionnera une deuxi\u00e8me fois, mais les conditions de la paire logique ne sont pas respect\u00e9es. La Russie de 1919, tout comme celle de 1991, pr\u00e9sente des param\u00e8tres diff\u00e9rents de ceux de la Russie de 2025.<\/p>\n\n\n\n N\u00e9anmoins, la situation dans la mer Baltique est complexe pour la Russie. <\/p>\n\n\n\n \u00ab Ouvrir la voie \u00bb vers la mer du Nord par exemple est militairement tr\u00e8s difficile. Il existe quelque part, recouverts de poussi\u00e8re, des plans de d\u00e9ploiement op\u00e9rationnel de la flotte baltique sovi\u00e9tique \u00e9labor\u00e9s \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 la Finlande et la Su\u00e8de \u00e9taient neutres et o\u00f9 les flottes de la RDA et de la Pologne populaire participaient. Mais m\u00eame dans ce cas, il n’y avait pas lieu d’\u00eatre particuli\u00e8rement optimiste. Dans les conditions actuelles, l\u2019acc\u00e8s \u00e0 la mer du Nord n\u2019offre de toute fa\u00e7on aucun avantage.<\/p>\n\n\n\n Certes, Pierre le Grand a finalement choisi la mer Baltique comme axe strat\u00e9gique de d\u00e9veloppement de la Russie, mais auparavant, il avait \u00ab lorgn\u00e9 \u00bb vers les mers du Nord, la mer Noire et la mer d’Azov. La mer Baltique et le bassin de la mer Noire sont soumis \u00e0 des r\u00e9gimes \u00e9conomiques particuliers, m\u00eame en temps de paix. En temps de guerre, le blocus \u00e9conomique y devient l\u00e9gal et peut \u00eatre appliqu\u00e9 instantan\u00e9ment. Saint-P\u00e9tersbourg, qui peut facilement \u00eatre isol\u00e9e, se retrouve paralys\u00e9e, contrairement au port de Mourmansk, reli\u00e9 par le chemin de fer et situ\u00e9 \u00e0 proximit\u00e9 du canal de la mer Blanche. Quant au th\u00e9\u00e2tre nordique, il offre la possibilit\u00e9 d\u2019engager un dialogue avec l\u2019Europe selon nos propres conditions.<\/p>\n\n\n\n Dans l’Empire russe, la question \u00ab balte \u00bb a \u00e9t\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises d’une actualit\u00e9 br\u00fblante. Les fonctionnaires, les militaires et les hommes politiques soulignaient que jusqu’\u00e0 K\u00f6nigsberg et Stockholm, la mer \u00e9tait bien s\u00fbr la n\u00f4tre, mais qu’au-del\u00e0, il s’agissait des eaux allemandes.<\/p>\n\n\n\n Cela signifiait qu’en cas de conflit, Saint-P\u00e9tersbourg, Helsingfors \u2014 l\u2019ancien nom de Helsinki \u2014, Reval, Riga et Libava ne constituaient en aucun cas une \u00ab fen\u00eatre sur l’Europe \u00bb.<\/p>\n\n\n\n En 1895, le conseil municipal de Saint-P\u00e9tersbourg a cr\u00e9\u00e9 une commission charg\u00e9e des voies ferr\u00e9es et fluviales du Nord, qui a travaill\u00e9 en \u00e9troite collaboration avec les minist\u00e8res gouvernementaux. M\u00eame si les d\u00e9cisions relatives \u00e0 la construction des chemins de fer relevaient des plus hautes autorit\u00e9s, parfois m\u00eame du sommet de l\u2019\u00c9tat, la commission n\u2019h\u00e9sitait pas \u00e0 d\u00e9fendre son point de vue lorsque les int\u00e9r\u00eats de Saint-P\u00e9tersbourg \u00e9taient menac\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n En 1895, elle a ainsi pr\u00e9sent\u00e9 un rapport sur la n\u00e9cessit\u00e9 de construire la ligne ferroviaire Saint-P\u00e9tersbourg\u2013Viatka. Cette initiative faisait suite \u00e0 la prise de connaissance par la Douma de projets gouvernementaux visant \u00e0 cr\u00e9er des voies ferr\u00e9es entre Viatka et Kotlas, ainsi qu\u2019entre Nijni Novgorod et Viatka. La mise en \u0153uvre de ces projets risquait de d\u00e9tourner les flux d’exportation vers le port d’Arkhangelsk. <\/p>\n\n\n\n \u00ab Arkhangelsk ou Saint-P\u00e9tersbourg doit-elle \u00eatre le principal point de d\u00e9part du chemin de fer sib\u00e9rien ? \u00bb \u2014 telle \u00e9tait la question pos\u00e9e par la commission. <\/p>\n\n\n\n Elle a alors r\u00e9pondu de la mani\u00e8re suivante : \u00ab Saint-P\u00e9tersbourg doit \u00eatre, conform\u00e9ment au testament de Pierre le Grand, le principal port de l’Empire, et c’est pourquoi, dans l’\u00e9tat actuel des choses, la Viatka devrait \u00eatre reli\u00e9e non pas \u00e0 Kotlas, mais \u00e0 Vologda, puis \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg. Dans ce cas, le tron\u00e7on initial de la ligne Saint-P\u00e9tersbourg\u2013Viatka doit faire partie int\u00e9grante des futures lignes Saint-P\u00e9tersbourg\u2013Oural et Saint-P\u00e9tersbourg\u2013Mourmansk. \u00bb <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s de multiples requ\u00eates, rapports et explications de la Douma, le tsar donna, le 6 mai 1901, l\u2019ordre supr\u00eame de construire la ligne Saint-P\u00e9tersbourg\u2013Viatka.<\/p>\n\n\n\n En 1899, la commission r\u00e9digea un rapport intitul\u00e9 \u00ab L’importance de Saint-P\u00e9tersbourg dans le commerce ext\u00e9rieur de la Russie \u00bb. Selon les conclusions de la commission, Saint-P\u00e9tersbourg devait conserver son statut de principal port de l’empire. Le document proposait un ensemble de mesures concr\u00e8tes visant \u00e0 garantir le statut particulier de ce port, mais un examen attentif r\u00e9v\u00e9lait une certaine inqui\u00e9tude quant \u00e0 la fermeture \u00e9ventuelle de la Baltique.<\/p>\n\n\n\n Il existait alors de r\u00e9els espoirs d’une d\u00e9limitation efficace des zones d’influence avec l’Allemagne. \u00ab En raison du d\u00e9sir de S.M. l’Empereur de toutes les Russies, S.M. l’Empereur de l\u2019Allemagne, le roi de Prusse, S.M. le roi du Danemark et S.M. le roi de Su\u00e8de de renforcer les liens de bon voisinage et d’amiti\u00e9 qui unissent leurs \u00c9tats et de contribuer ainsi au maintien de la paix universelle […]. Au cas o\u00f9 des \u00e9v\u00e9nements viendraient \u00e0 menacer l’ordre territorial actuel dans les pays de la mer Baltique, les quatre gouvernements signataires de la pr\u00e9sente d\u00e9claration entreront en consultation afin de convenir des mesures qu’ils jugeraient utiles dans l’int\u00e9r\u00eat du maintien de cet ordre. \u00bb <\/span>20<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n La Premi\u00e8re Guerre mondiale mit rapidement fin au commerce maritime dans la Baltique, mais la marine allemande, malgr\u00e9 son avantage \u00e9vident, ne parvint toutefois pas \u00e0 vaincre la forteresse maritime de Pierre le Grand.<\/p>\n\n\n\n L’adh\u00e9sion de la Finlande et de la Su\u00e8de \u00e0 l’OTAN est encore aujourd’hui consid\u00e9r\u00e9e par la presse scandinave comme un succ\u00e8s diplomatique remarquable. L’argument clef : \u00ab nous avons cr\u00e9\u00e9 pour la Russie un probl\u00e8me s\u00e9curitaire le long de 1 300 kilom\u00e8tres de fronti\u00e8re, nous avons remilitaris\u00e9 Gotland, nous renfor\u00e7ons la pression sur Kaliningrad \u00bb. Or plusieurs \u00e9l\u00e9ments importants sont ignor\u00e9s par ce discours.<\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> L’adh\u00e9sion de la Finlande \u00e0 l’OTAN n’a \u00e9videmment pas pour but de militariser la fronti\u00e8re, mais de lui permettre de rejoindre et de contribuer \u00e0 la d\u00e9fense collective de l’OTAN.<\/p>\n\n\n\n Premi\u00e8rement<\/em>, en URSS et en Russie, la fronti\u00e8re avec la Finlande est d\u00e9j\u00e0 \u00e9quip\u00e9e de syst\u00e8mes de surveillance et de patrouille continus \u2014 en r\u00e9alit\u00e9, \u00ab d\u00e9j\u00e0 \u00bb signifie depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 1950. Du c\u00f4t\u00e9 finlandais, la fronti\u00e8re est gard\u00e9e par des patrouilles, ce qui est nettement moins co\u00fbteux, mais certes, moins efficace.<\/p>\n\n\n\n Deuxi\u00e8mement.<\/em> Gotland \u00e9tait initialement consid\u00e9r\u00e9e comme un territoire rapidement militarisable. L’hypoth\u00e8se des Su\u00e9dois selon laquelle nous ne tirerions pas d\u2019enseignement de notre propre exp\u00e9rience avec \u00ab l\u2019\u00eele des Serpent \u00bb est pour le moins \u00e9trange. Quant \u00e0 la r\u00e9gion de Kaliningrad, le d\u00e9bat sur les moyens de s’en emparer fait rage dans la presse scandinave depuis plus de 15 ans. On ne peut plus parler de surprise.<\/p>\n\n\n\n Troisi\u00e8mement.<\/em> Les plans finlandais, estonien et letton visant \u00e0 miner la fronti\u00e8re sont extr\u00eamement int\u00e9ressants. Personne ne sait comment miner du granit nu, des mar\u00e9cages ou des lacs. Les m\u00e9thodes qui conviennent aux steppes de Kherson ne fonctionnent pas dans la r\u00e9gion consid\u00e9r\u00e9e. Cela permet une fois de plus de supposer que la campagne d\u00e9ploy\u00e9e dans les m\u00e9dias finlandais et baltes a pour objectif fondamental d’exercer une influence informationnelle sur la F\u00e9d\u00e9ration de Russie et repose sur la reconnaissance de sa faiblesse militaire.<\/p>\n\n\n\n Quatri\u00e8mement.<\/em> Penchons-nous sur les questions financi\u00e8res. Le minage continu et la construction d\u2019une \u00ab cl\u00f4ture \u00bb devraient \u00eatre \u00e9valu\u00e9s \u00e0 environ 3 % du PIB du pays, en plus de toutes les autres d\u00e9penses militaires. Il s\u2019agit de projets totalement irr\u00e9alistes, ce dont les minist\u00e8res de l’\u00c9conomie des gouvernements estonien et finlandais sont parfaitement conscients.<\/p>\n\n\n\n Cinqui\u00e8mement. <\/em>Soulignons que l’effectif total des gardes-fronti\u00e8res finlandais est d’environ 4 000 personnes. Il y a probablement environ 3 400 personnes \u00e0 la fronti\u00e8re russe. Compte tenu du rapport entre les unit\u00e9s de terrain et les quartiers g\u00e9n\u00e9raux, pas plus de 2 000 personnes peuvent \u00eatre affect\u00e9es \u00e0 la protection directe de la fronti\u00e8re. Or, la fronti\u00e8re entre la Finlande et la Russie s’\u00e9tend sur environ 1 300 km. M\u00eame pour un r\u00e9gime de simple patrouille, c’est un effectif absolument d\u00e9risoire, qu\u2019on qualifierait en math\u00e9matiques \u00ab d’imaginaire \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Sixi\u00e8mement. <\/em>Toutes les villes de l’est de la Finlande connaissent une baisse constante de leur population, un processus qui dure depuis plus de 100 ans, \u00e0 l’exception partielle de la p\u00e9riode 2005-2013. Hamina, Lappeenranta, Imatra et Savonlinna sont des villes qui ont perdu environ un quart de leur population depuis 1975, la plus forte baisse \u00e9tant enregistr\u00e9e pour 2022-2024.<\/p>\n\n\n\n Dans le m\u00eame temps, rien qu’en 2024, la population d’Espoo a augment\u00e9 de 6 700 personnes, celle de Turku de 4 200 personnes, celle de Vantaa de 3 826 personnes, celle de Tampere de 5 100 personnes, celle d’Oulu de 1 519 personnes et celle de Helsinki de 9 600 personnes. Ainsi, la population finlandaise continue de se d\u00e9placer du nord vers le sud et de l’est vers l’ouest.<\/p>\n\n\n\n TEIJA TIILIKAINEN<\/span> L’\u00e9volution d\u00e9mographique en Finlande n’a rien \u00e0 voir avec l’obligation de l’\u00c9tat de contr\u00f4ler et de d\u00e9fendre ses fronti\u00e8res. Au cours des ann\u00e9es 1990, une coop\u00e9ration transfrontali\u00e8re active et fructueuse s’est mise en place avec la Russie, notamment dans les domaines du commerce, du tourisme et de la coop\u00e9ration universitaire. Tout cela a pris fin en raison de l’annexion ill\u00e9gale de la Crim\u00e9e par la Russie en 2014 et de la guerre totale qui a suivi.<\/p>\n\n\n\n La situation est similaire en Estonie, o\u00f9 les r\u00e9gions orientales se d\u00e9peuplent rapidement. La population de Narva a pratiquement diminu\u00e9 de moiti\u00e9 en 35 ans. Le nord-est se vide rapidement, ce qui n’est pas nouveau, mais la m\u00eame chose se produit dans le sud-est de l’Estonie, tandis que le Grand Tallinn avec le comt\u00e9 de Harju ne cesse de cro\u00eetre. La Latgale (sud-est de la Lettonie) compte moins d’habitants qu’au XVIIIe si\u00e8cle. Dans ce contexte, soulignons une fois de plus qu’il est possible de construire des bunkers en b\u00e9ton, des barri\u00e8res et des cl\u00f4tures, de miner des milliers de kilom\u00e8tres, mais qu’il faudra ensuite entretenir en permanence les infrastructures \u00e9rig\u00e9es. Il existe une r\u00e8gle connue de tout \u00e9l\u00e8ve de deuxi\u00e8me ann\u00e9e en \u00e9cole d’ing\u00e9nierie militaire : plus la construction est co\u00fbteuse, plus l’entretien est co\u00fbteux.<\/p>\n\n\n\n KATERINA KESA<\/span> Dans les passages qui suivent, l\u2019auteur cherche \u00e0 disqualifier les pays baltes en mettant l\u2019accent sur les difficult\u00e9s que ces voisins rencontreraient dans leur capacit\u00e9 \u00e0 renforcer la fronti\u00e8re qu\u2019ils partagent avec la Russie. Cependant, la baisse d\u00e9mographique est un ph\u00e9nom\u00e8ne commun, que l\u2019on observe non seulement dans les zones frontali\u00e8res de la Finlande, de l\u2019Estonie et de la Lettonie, mais \u00e9galement dans les r\u00e9gions frontali\u00e8res du c\u00f4t\u00e9 russe. La faible densit\u00e9 de population dans ces r\u00e9gions est un ph\u00e9nom\u00e8ne ancien, car la population est largement concentr\u00e9e autour des capitales.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> Il y a une autre contradiction dans l’analyse implicite de l’auteur. Les \u00c9tats qui perdent de la population dans leurs territoires orientaux ne devraient pas d\u00e9fendre leurs fronti\u00e8res, car ils sont trop faibles en raison de leurs d\u00e9fis d\u00e9mographiques, en particulier dans leurs zones frontali\u00e8res. Pourtant, ils constitueraient toujours une menace offensive pour la Russie et la s\u00e9curit\u00e9 russe. Cela fait \u00e9cho \u00e0 un lieu commun de la rh\u00e9torique fasciste : l’ennemi est \u00e0 la fois faible et fort.<\/p>\n\n\n\n La conscience de leurs limites pousse les pays de la r\u00e9gion baltique \u00e0 promouvoir le concept de \u00ab zones grises \u00bb. Cependant, nos adversaires partent du principe que les conflits dans les \u00ab zones grises \u00bb peuvent \u00eatre d\u00e9clench\u00e9s et arr\u00eat\u00e9s relativement facilement <\/span>21<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n LUKAS MILEVSKI<\/span> Il s\u2019agit encore d\u2019une nouvelle all\u00e9gation absurde, fond\u00e9e sur une compr\u00e9hension erron\u00e9e de ce qu’est la zone grise et qui ignore manifestement la longue histoire de la Russie en mati\u00e8re d’activit\u00e9s de ce type.<\/p>\n\n\n\nLa Baltique : les garanties du danger<\/h2>\n\n\n\n
Un historique de la question<\/h3>\n\n\n\n
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