{"id":296920,"date":"2025-09-07T18:13:01","date_gmt":"2025-09-07T16:13:01","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=296920"},"modified":"2025-10-07T08:39:55","modified_gmt":"2025-10-07T06:39:55","slug":"accelerer-le-capitalisme-pour-sortir-de-lhumanite-les-propheties-de-nick-land-mage-des-lumieres-noires","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/09\/07\/accelerer-le-capitalisme-pour-sortir-de-lhumanite-les-propheties-de-nick-land-mage-des-lumieres-noires\/","title":{"rendered":"Qui est Nick Land ? D\u00e9couvrir le proph\u00e8te des Lumi\u00e8res noires"},"content":{"rendered":"\n
Avec Curtis Yarvin, Nick Land est l\u2019une des figures intellectuelles majeures de la constellation n\u00e9or\u00e9actionnaire<\/a>. Entre mars et d\u00e9cembre 2012, dans une s\u00e9rie d\u2019articles intitul\u00e9e The Dark Enlightenment<\/em>, il propose sa propre interpr\u00e9tation des th\u00e8ses de Yarvin (alors connu sous le pseudonyme Mencius Moldbug).<\/p>\n\n\n\n Son texte, et en particulier le choix de la formule \u00ab dark Enlightenment<\/em> \u00bb, contribuent alors \u00e0 donner un nouvel \u00e9lan \u00e0 la n\u00e9or\u00e9action sur Internet.<\/p>\n\n\n\n Land occupe une position particuli\u00e8re au sein de la constellation n\u00e9or\u00e9actionnaire<\/a>. Cet ancien universitaire, philosophe \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de Warwick, \u00e9tait dans les ann\u00e9es 1990 une figure de proue de la gauche intellectuelle d\u2019avant-garde. Il a notamment contribu\u00e9 \u00e0 fonder le CCRU (Cybernetical Culture Research Unit<\/em>), auquel particip\u00e8rent notamment Sadie Plant ou Mark Fisher, et qui influen\u00e7a largement ce qu\u2019on appelle les \u00ab nouveaux mat\u00e9rialismes \u00bb. <\/p>\n\n\n\n Land est surtout connu pour avoir th\u00e9oris\u00e9 l’acc\u00e9l\u00e9rationnisme. Il critique la scl\u00e9rose de la gauche contemporaine qui s\u2019efforcerait vainement de contenir les effets n\u00e9fastes du capitalisme. Selon lui, il faudrait au contraire \u00e9pouser la dynamique du capitalisme pour l\u2019accentuer. Si son acc\u00e9l\u00e9rationnisme prend ses racines dans la pens\u00e9e critique, Land en vient \u00e0 adopter une position procapitaliste. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 2010, cherchant la voie la plus efficace pour \u00ab r\u00e9acc\u00e9l\u00e9rer \u00bb le capitalisme en Occident, il s\u2019int\u00e9resse \u00e0 la pens\u00e9e n\u00e9or\u00e9actionnaire de Yarvin<\/a>. Les articles de la s\u00e9rie The Dark Enlightenment<\/em> signent sa conversion \u00e0 la pens\u00e9e n\u00e9or\u00e9actionnaire, qu\u2019il contribue activement \u00e0 forger dans les ann\u00e9es 2010 (par l\u2019entremise de son blog Outside In<\/em>).<\/p>\n\n\n\n Les textes que nous traduisons ici sont extraits des derniers articles de la s\u00e9rie.<\/p>\n\n\n\n Ils t\u00e9moignent de la singularit\u00e9 de la position de Land au sein de la constellation n\u00e9or\u00e9actionnaire \u2014 une forme d\u2019adh\u00e9sion par le d\u00e9passement. En effet, il ne se contente pas de reprendre la rh\u00e9torique antid\u00e9mocratique de Yarvin, mais la place dans une lecture plus g\u00e9n\u00e9rale de l\u2019histoire de la modernit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Selon lui, la fin de la d\u00e9mocratie doit permettre \u00e0 la fois de r\u00e9acc\u00e9l\u00e9rer le capitalisme \u2014 et de nous projeter dans un futur transhumaniste<\/a>. <\/p>\n\n\n\n Au sens large, la modernit\u00e9 est une condition sociale d\u00e9finie par une tendance fondamentale : des taux de croissance \u00e9conomique soutenus qui d\u00e9passent l\u2019augmentation d\u00e9mographique, marquant ainsi une sortie de \u00ab l\u2019histoire normale \u00bb enferm\u00e9e dans le pi\u00e8ge malthusien. <\/p>\n\n\n\n Le \u00ab pi\u00e8ge malthusien \u00bb est une th\u00e9orie d\u00e9mographique d\u00e9velopp\u00e9e par l\u2019\u00e9conomiste Thomas Malthus au tournant du XVIIIe si\u00e8cle. Elle suppose que la croissance d\u00e9mographique est n\u00e9cessairement limit\u00e9e, m\u00eame dans un contexte d\u2019innovation technique. Selon Malthus, l\u2019augmentation des ressources permise par l\u2019innovation conduit n\u00e9cessairement \u00e0 une augmentation du niveau de vie et \u00e0 une croissance de la population. Or cette croissance induirait une diminution proportionnelle des ressources par habitant, et donc, in fine<\/em>, un retour au niveau de vie initial \u2014 ce qui limite l\u2019augmentation d\u00e9mographique. On consid\u00e8re g\u00e9n\u00e9ralement que le mod\u00e8le de Malthus a \u00e9t\u00e9 invalid\u00e9 par l\u2019explosion d\u00e9mographique produite par la r\u00e9volution industrielle. C\u2019est ce que Land sugg\u00e8re quand il \u00e9voque une \u00ab sortie du pi\u00e8ge malthusien \u00bb. <\/p>\n\n\n\n Si, d\u2019un point de vue objectif, l\u2019analyse se limite \u00e0 ce mod\u00e8le quantitatif de base, on distingue alors une division entre des \u00e9l\u00e9ments positifs (scientifiques, industriels, commerciaux, qui acc\u00e9l\u00e8rent le d\u00e9veloppement) et n\u00e9gatifs (tendances socio-politiques \u00e0 la capture de la richesse par des groupes d\u2019int\u00e9r\u00eats d\u00e9mocratiquement habilit\u00e9s, c\u2019est-\u00e0-dire la \u00ab d\u00e9moscl\u00e9rose \u00bb). <\/p>\n\n\n\n Cette phrase r\u00e9sume tr\u00e8s bien la lecture acc\u00e9l\u00e9rationniste du capitalisme selon Land. Selon lui, le capitalisme serait une force de destruction lib\u00e9ratrice qu\u2019il assimile \u00e0 un mouvement d\u2019entropie. Face \u00e0 une telle force, le politique \u2014 et en particulier l\u2019\u00c9tat \u2014 ne cesserait de vouloir capturer cette dynamique \u00e0 son profit. Autrement dit, pour Land, capitalisme est un acc\u00e9l\u00e9rateur entropique tandis que que la d\u00e9mocratie est un ralentisseur n\u00e9guentropique \u2014 ce que le terme de \u00ab d\u00e9moscl\u00e9rose \u00bb illustre bien.<\/p>\n\n\n\n Cette th\u00e9orie est le r\u00e9sultat d\u2019une interpr\u00e9tation libre des th\u00e8ses d\u00e9velopp\u00e9es par Gilles Deleuze et F\u00e9lix Guattari dans Mille plateaux<\/em> (1980). Deleuze et Guattari d\u00e9crivent en effet le capitalisme comme une force de d\u00e9territorialisation que l\u2019\u00c9tat s\u2019efforce tant bien que mal de ressaisir. Ils ajoutent \u2014 ce qu\u2019omet volontairement Land \u2014 que le capitalisme n\u2019est pas seulement une force lib\u00e9ratrice, mais comporte aussi des tendances mortif\u00e8res. <\/p>\n\n\n\n Ce que le lib\u00e9ralisme classique a produit (r\u00e9volution industrielle), le lib\u00e9ralisme tardif finit par le reprendre (par l\u2019\u00c9tat-providence canc\u00e9reux). <\/p>\n\n\n\n Cette m\u00e9taphore du cancer correspond parfaitement au lexique de la maladie utilis\u00e9 par les n\u00e9or\u00e9actionnaires pour d\u00e9crire la d\u00e9mocratie. La soci\u00e9t\u00e9 est accabl\u00e9e par le cancer \u00e9tatique, le parasitisme des \u00ab profiteurs \u00bb ou encore par la gangr\u00e8ne de la corruption des \u00e9lites d\u00e9mocratiques. Face \u00e0 cette \u00ab d\u00e9moscl\u00e9rose \u00bb, la seule solution est le coup d\u2019\u00c9tat<\/a>.<\/p>\n\n\n\n En empruntant le langage de la g\u00e9om\u00e9trie, on peut ainsi d\u00e9crire une courbe en S de croissance auto-limit\u00e9e. Dans celui de l\u2019\u00e9mancipation, il s\u2019agit simplement d\u2019une promesse trahie.<\/p>\n\n\n\n Con\u00e7ue plus sp\u00e9cifiquement, comme singularit\u00e9, comme une chose r\u00e9elle<\/em>, la modernit\u00e9 a des caract\u00e9ristiques ethno-g\u00e9ographiques qui donnent corps \u00e0 sa puret\u00e9 math\u00e9matique. Elle est n\u00e9e quelque part, s\u2019est largement impos\u00e9e, et a plac\u00e9 les peuples du monde dans des relations in\u00e9dites. Ces relations devinrent \u00ab modernes \u00bb par le d\u00e9passement des limites malthusiennes, l\u2019accumulation de capital ainsi que de nouvelles tendances d\u00e9mographiques \u2014 on parle bien ici de groupes concrets et non plus des fonctions abstraites. Ainsi, la modernit\u00e9 est apparue comme quelque chose fait par<\/em> certains peuples avec<\/em> ou contre<\/em> d\u2019autres, qui leur \u00e9taient nettement diff\u00e9rents. Quand, au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle, elle faiblit sur la pente descendante de sa courbe en S, la r\u00e9sistance \u00e0 ses caract\u00e9ristiques g\u00e9n\u00e9riques (\u00ab l\u2019ali\u00e9nation capitaliste \u00bb) devint presque indiscernable de l\u2019opposition \u00e0 sa particularit\u00e9 (\u00ab l\u2019imp\u00e9rialisme europ\u00e9en \u00bb, \u00ab la supr\u00e9matie blanche \u00bb). <\/p>\n\n\n\n Ce passage est typique des textes de Land. Ce dernier reprend certaines th\u00e8ses issues de la pens\u00e9e critique \u2014 ici le capitalisme racial (th\u00e9oris\u00e9 notamment par Cedric Robinson dans Black Marxism<\/em>), c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019id\u00e9e que l\u2019histoire du capitalisme est inextricable de l\u2019histoire du racisme et du colonialisme \u2014 pour les d\u00e9tourner dans une perspective n\u00e9or\u00e9actionnaire. Tout en reconnaissant le lien entre capitalisme et racisme, il le rend totalement conjoncturel (il ne s\u2019agit que d\u2019une instanciation de la modernit\u00e9) puis fait de cette perspective critique le mod\u00e8le g\u00e9n\u00e9ral d\u2019interpr\u00e9tation du capitalisme dans les d\u00e9mocraties occidentales. <\/p>\n\n\n\n En cons\u00e9quence, la prise de conscience moderne de son propre noyau ethno-g\u00e9ographique glissa vers une panique raciale, processus seulement interrompu par l\u2019ascension puis l\u2019immolation du Troisi\u00e8me Reich.<\/p>\n\n\n\n \u00c9tant donn\u00e9 la tendance inh\u00e9rente de la modernit\u00e9 \u00e0 la d\u00e9g\u00e9n\u00e9rescence et \u00e0 l\u2019autodestruction, trois grandes perspectives s\u2019ouvrent (non exclusives, mais pr\u00e9sent\u00e9es sch\u00e9matiquement comme alternatives) :<\/p>\n\n\n\n 1. Modernit\u00e9 2.0. La modernisation globale est revigor\u00e9e par un nouveau c\u0153ur ethno-g\u00e9ographique ; elle est lib\u00e9r\u00e9e des structures d\u00e9cadentes de son pr\u00e9d\u00e9cesseur europ\u00e9en mais incontestablement menac\u00e9e par une m\u00eame tendance lourde au caract\u00e8re mortif\u00e8re. C\u2019est de loin le sc\u00e9nario le plus plausible et encourageant (d\u2019un point de vue promoderne), et si la Chine continue sur cette dynamique, elle en sera certainement l\u2019incarnation. <\/p>\n\n\n\n Ce premier sc\u00e9nario, que Land consid\u00e8re comme le plus plausible, t\u00e9moigne de sa fascination pour le mod\u00e8le chinois. Dans son texte de science-fiction Meltdown <\/em>(1994), cette id\u00e9e est d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sente : \u00ab La n\u00e9o-Chine arrive du futur \u00bb. \u00c9migr\u00e9 \u00e0 Shangha\u00ef au tournant des ann\u00e9es 2000, Land a \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9 par l\u2019intensit\u00e9 de l\u2019urbanisation dans cette zone du monde. Sur son blog Urban Future<\/em>, Land pr\u00e9sente les villes asiatiques comme des \u00ab acc\u00e9l\u00e9rateurs \u00bb, des lieux d\u2019intensification extr\u00eame du capitalisme. Il les oppose d\u2019ailleurs aux villes occidentales, qu\u2019il d\u00e9crit comme rong\u00e9e par la stagnation, le crime et condamn\u00e9e \u00e0 \u00eatre vampiris\u00e9e par une population de \u00ab zombies \u00bb. <\/p>\n\n\n\n (L\u2019Inde, malheureusement, semble trop englu\u00e9e dans sa propre version de \u00ab d\u00e9moscl\u00e9rose \u00bb pour rivaliser s\u00e9rieusement.)<\/p>\n\n\n\n Ce texte a \u00e9t\u00e9 \u00e9crit en 2012, c\u2019est-\u00e0-dire avant l\u2019ascension politique du nationaliste Narendra Modi et sa d\u00e9signation au poste de premier ministre en 2014.<\/p>\n\n\n\n 2. Postmodernit\u00e9. En gros, le retour \u00e0 un nouveau Moyen \u00c2ge, dans lequel les limites malthusiennes se r\u00e9imposent brutalement \u00e0 nous. Ce sc\u00e9nario part du principe que la Modernit\u00e9 1.0 a tellement diffus\u00e9 sa morbidit\u00e9 que le futur du monde entier s\u2019effondre avec elle. Si la Cath\u00e9drale<\/a> \u00ab gagne \u00bb, c\u2019est ce qui nous attend.<\/p>\n\n\n\n Ce sc\u00e9nario \u00e9voque la possibilit\u00e9 d\u2019une stagnation totale, d\u2019un triomphe (au moins provisoire) de la n\u00e9guentropie.<\/p>\n\n\n\n 3. Renaissance occidentale. Rena\u00eetre implique d\u2019abord de mourir, et plus le red\u00e9marrage sera dur, meilleur en sera le fruit. Une crise totale et une d\u00e9sint\u00e9gration syst\u00e9mique sont les plus propices (probablement comme cons\u00e9quences de l\u2019option 1).<\/p>\n\n\n\n Dans ce troisi\u00e8me sc\u00e9nario, Land \u00e9voque la solution n\u00e9or\u00e9actionnaire d\u00e9fendue par Yarvin. La n\u00e9or\u00e9action occidentale serait avant tout une alternative au triomphe du mod\u00e8le capitaliste chinois.<\/p>\n\n\n\n Parce que la comp\u00e9tition est fertile, une pinc\u00e9e de Renaissance occidentale pimenterait un peu le tout, m\u00eame si \u2014 de mani\u00e8re quasi-certaine \u2014 la Modernit\u00e9 2.0 reste la voie principale vers le futur. Cela impliquerait en effet que l\u2019Occident cesse et inverse pratiquement tout ce qu\u2019il a fait depuis plus d\u2019un si\u00e8cle, \u00e0 l\u2019exception de l\u2019innovation scientifique, technologique et commerciale. Il est ici important de conserver un discours strictement hypoth\u00e9tique, car la cr\u00e9dibilit\u00e9 d\u2019un tel sc\u00e9nario est tr\u00e8s faible, mais voici ce qu\u2019il faudrait :<\/p>\n\n\n\n 1. Remplacement de la d\u00e9mocratie repr\u00e9sentative par un r\u00e9publicanisme constitutionnel (ou des m\u00e9canismes de gouvernement encore plus antipolitiques).<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab r\u00e9publicanisme constitutionnel \u00bb fait ici r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 une interpr\u00e9tation antilib\u00e9rale de la Constitution am\u00e9ricaine. Cela implique notamment de minimiser les contre-pouvoirs l\u00e9gislatifs et judiciaires en faveur du pouvoir ex\u00e9cutif. C\u2019est ce que pr\u00f4nent certains th\u00e9oriciens postlib\u00e9raux<\/a> comme Adrian Vermeule<\/a>. Les \u00ab m\u00e9canismes de gouvernement encore plus antipolitiques \u00bb font \u00e9cho au monarchisme de Yarvin.<\/p>\n\n\n\n 2. R\u00e9duction massive de la taille de l\u2019\u00c9tat et confinement rigoureux de celui-ci \u00e0 ses fonctions essentielles (au maximum).<\/p>\n\n\n\n 3. Restauration de la monnaie fiduciaire (pi\u00e8ces de m\u00e9tal pr\u00e9cieux et certificats de d\u00e9p\u00f4t d\u2019or) et abolition des banques centrales.<\/p>\n\n\n\n 4. D\u00e9mant\u00e8lement de la discr\u00e9tion mon\u00e9taire et budg\u00e9taire de l\u2019\u00c9tat, abolissant ainsi l\u2019intervention macro\u00e9conomique et lib\u00e9rant par la m\u00eame occasion l\u2019\u00e9conomie autonome (ou \u00ab catallactique \u00bb). (Ce point est redondant, puisqu\u2019il d\u00e9coule logiquement des points 2 et 3, mais il est essentiel, donc m\u00e9rite d\u2019\u00eatre soulign\u00e9.)<\/p>\n\n\n\n Ces trois autres positions sont assez caract\u00e9ristiques des positions libertariennes que Land commente dans les articles pr\u00e9c\u00e9dents de la s\u00e9rie. <\/p>\n\n\n\n Il y aurait \u00e9videmment plus \u00e0 faire \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire moins, sur le plan politique \u2014 mais il est d\u00e9j\u00e0 parfaitement clair que rien de tout cela ne peut se produire en dehors d\u2019un cataclysme civilisationnel. Demander aux hommes politiques de limiter leurs propres pouvoirs est par essence vou\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9chec, m\u00eame si c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment dans cette direction qu\u2019il faut tendre. Par ailleurs, ce n\u2019est m\u00eame pas le probl\u00e8me le plus profond.<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9mocratie a beau \u00eatre \u00e0 l\u2019origine un m\u00e9canisme proc\u00e9dural pour limiter le pouvoir du gouvernement, elle se transforme rapidement et inexorablement en quelque chose de tout \u00e0 fait diff\u00e9rent : une culture du vol syst\u00e9matique. D\u00e8s que les hommes politiques comprennent qu\u2019ils peuvent s\u2019acheter du soutien politique avec l\u2019\u00ab argent public \u00bb et qu\u2019ils conditionnent les \u00e9lecteurs \u00e0 accepter le pillage et la corruption, le processus d\u00e9mocratique se r\u00e9duit \u00e0 la formation de \u00ab coalitions d\u2019int\u00e9r\u00eat \u00bb (Mancur Olson) \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire de majorit\u00e9s \u00e9lectorales unies dans leur int\u00e9r\u00eat commun \u00e0 profiter d\u2019un larcin collectif. <\/p>\n\n\n\n Land fait ici r\u00e9f\u00e9rence aux distributional coalitions<\/em> \u00e9voqu\u00e9es par Mancur Olson dans Rise and Decline of Nations<\/em>, son deuxi\u00e8me ouvrage majeur apr\u00e8s The Logic of Collective Action <\/em>(1965). Les \u00ab coalitions d\u2019int\u00e9r\u00eats \u00bb sont \u00ab des groupes d\u2019action collective [\u2026] dont l\u2019objectif est de mettre la main sur la distribution des revenus et des richesses plut\u00f4t que de produire une plus-value. \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n Pire encore, comme les gens ne sont, en moyenne, pas tr\u00e8s intelligents, l\u2019ampleur de la pr\u00e9dation de la caste politique d\u00e9passe tr\u00e8s largement les malversations visibles du grand public. Piller l\u2019avenir \u2014 par la d\u00e9pr\u00e9ciation mon\u00e9taire, l\u2019accumulation de dettes, la destruction de la croissance ou le retard techno-industriel \u2014 est particuli\u00e8rement facile \u00e0 dissimuler, et passe ainsi toujours pour une mesure populaire. La d\u00e9mocratie est par essence tragique, car elle donne au peuple une arme pour s\u2019autod\u00e9truire, une arme qu\u2019il s\u2019empresse d\u2019ailleurs toujours de saisir. Personne ne dit jamais \u00ab non \u00bb \u00e0 quelque chose de gratuit. Presque personne ne comprend que rien n\u2019est jamais gratuit.<\/p>\n\n\n\n Land reprend ici l\u2019adage \u00ab There is no such thing as a free lunch \u00bb, popularis\u00e9 par Milton Friedman avec son livre \u00e9ponyme de 1975. C\u2019est une formule largement utilis\u00e9e dans les cercles libertariens, parfois sous l\u2019acronyme TNSTAAFL (ou TANSTAAFL).<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9cadence culturelle compl\u00e8te est la seule issue possible.<\/p>\n\n\n\n Dans la phase finale de la Modernit\u00e9 1.0, l\u2019histoire am\u00e9ricaine devient le grand r\u00e9cit du monde entier. Le grand convoyeur culturel abrahamique culmine dans le n\u00e9o-puritanisme s\u00e9cularis\u00e9 de la Cath\u00e9drale, lorsque celle-ci \u00e9tablit la Nouvelle J\u00e9rusalem \u00e0 Washington D.C. <\/p>\n\n\n\n Land reprend ici la rh\u00e9torique de la Cath\u00e9drale telle qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9 th\u00e9oris\u00e9e par Curtis Yarvin. Pour ce dernier, intellectuels et journalistes seraient les pr\u00eatres d\u2019une nouvelle religion \u2014 celle de l\u2019universalisme et de la bien-pensance. Il consid\u00e8re que cette id\u00e9ologie progressiste est le produit d\u2019une s\u00e9cularisation du protestantisme am\u00e9ricain.<\/p>\n\n\n\n L\u2019appareil de la mission messianique-r\u00e9volutionnaire se consolide dans l\u2019\u00c9tat \u00e9vang\u00e9lique, autoris\u00e9 par tous les moyens n\u00e9cessaires \u00e0 instaurer un nouvel ordre mondial de fraternit\u00e9 universelle, au nom de l\u2019\u00e9galit\u00e9, des droits de l\u2019homme, de la justice sociale et \u2014 surtout \u2014 de la d\u00e9mocratie. La confiance morale absolue de la Cath\u00e9drale justifie la poursuite enthousiaste d\u2019un pouvoir centralis\u00e9 sans limite, illimit\u00e9 \u00e0 la fois dans sa p\u00e9n\u00e9tration intensive et dans son \u00e9tendue extensive.<\/p>\n\n\n[Partie 4e]<\/h2>\n\n\n\n