{"id":286581,"date":"2025-07-04T18:56:51","date_gmt":"2025-07-04T16:56:51","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=286581"},"modified":"2025-07-05T16:15:06","modified_gmt":"2025-07-05T14:15:06","slug":"les-predateurs-de-panama-blackrock-ck-hutchison-et-msc-entre-donald-trump-et-xi-jinping","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/07\/04\/les-predateurs-de-panama-blackrock-ck-hutchison-et-msc-entre-donald-trump-et-xi-jinping\/","title":{"rendered":"Les pr\u00e9dateurs de Panama : BlackRock, CK Hutchison et MSC entre Donald Trump et Xi Jinping"},"content":{"rendered":"\n
Li Ka-shing, fondateur de CK Hutchinson
Laurence \u00ab Larry \u00bb Fink, fondateur et PDG de BlackRock
Gianluigi Aponte, fondateur de la Mediterranean Shipping Company
Donald Trump
Xi Jinping<\/p>\n\n\n\n
<\/p>\n\n\n\n
<\/p>\n\n\n\n
Ce ne sont pas eux qui l\u2019ont fait. C\u2019est nous. Les Panam\u00e9ens n\u2019ont m\u00eame pas fourni la main-d\u2019\u0153uvre, venue de Chine, d\u2019Afrique, de Madagascar, des Cara\u00efbes et d\u2019Inde.<\/em><\/p>\n\n\n\n En 1996, dans son roman d\u2019espionnage Le Tailleur de Panama<\/em>, John Le Carr\u00e9 met en sc\u00e8ne un personnage affirmant que ce sont les \u00c9tats-Unis, et non le Panama, qui auraient b\u00e2ti le canal reliant l\u2019Atlantique au Pacifique.<\/p>\n\n\n\n Parmi les nationalit\u00e9s des ouvriers, un pays est mis en avant : la Chine.<\/p>\n\n\n\n Le 20 janvier 2025, l\u2019\u00e9vocation du canal de Panama est la seule occasion de son discours d\u2019investiture<\/a> o\u00f9 Trump parle directement et ouvertement de la Chine. <\/p>\n\n\n\n Selon lui, avant d\u2019\u00eatre assassin\u00e9, le pr\u00e9sident McKinley aurait \u00ab donn\u00e9 \u00e0 Teddy Roosevelt l\u2019argent pour nombre de ses grandes r\u00e9alisations, y compris le canal de Panama, qui, folie, a \u00e9t\u00e9 offert au Panama, alors que les \u00c9tats-Unis \u2014 imaginez-vous \u2014 y ont investi plus qu\u2019ailleurs et perdu 38 000 vies pour le construire (\u2026). Aujourd\u2019hui, la Chine exploite le canal de Panama. Nous ne l\u2019avons pas c\u00e9d\u00e9 \u00e0 la Chine. Nous l\u2019avons donn\u00e9 au Panama, et maintenant nous le r\u00e9cup\u00e9rons. \u00bb<\/p>\n\n\n\n Le r\u00eave d\u2019un canal reliant les oc\u00e9ans \u00e0 travers l\u2019isthme de Panama datait de plusieurs si\u00e8cles mais avait longtemps \u00e9t\u00e9 jug\u00e9 trop ambitieux. La tentative fran\u00e7aise men\u00e9e par Ferdinand de Lesseps dans les ann\u00e9es 1880 \u00e9choua spectaculairement en raison d\u2019une gestion d\u00e9faillante, de maladies d\u00e9vastatrices, de probl\u00e8mes financiers et d\u2019erreurs d\u2019ing\u00e9nierie.<\/p>\n\n\n\n En 1904, les \u00c9tats-Unis, stimul\u00e9s par Theodore Roosevelt, redonn\u00e8rent vie au projet.<\/p>\n\n\n\n Le canal de Panama devait alors devenir \u2014 et devint \u2014 l\u2019embl\u00e8me de la puissance infrastructurelle et du savoir-faire technique am\u00e9ricains, capables de mobiliser une main-d\u2019\u0153uvre colossale pour un d\u00e9fi exceptionnel et d\u2019\u00ab organiser le monde \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Qui a vraiment construit le canal de Panama ?<\/p>\n\n\n\n Pr\u00e8s de 200 000 ouvriers travaillaient sur le chantier pendant la d\u00e9cennie de construction, et entre 150 000 et 200 000 personnes ont migr\u00e9 vers l\u2019isthme pour y participer. Ils venaient des \u00c9tats-Unis et du Canada, des Cara\u00efbes, d\u2019Europe du Nord et du Sud, d\u2019Inde. G\u00e9rer cette main-d\u2019\u0153uvre diversifi\u00e9e et d\u00e9cider qui recruter repr\u00e9sentait un d\u00e9fi majeur pour les responsables am\u00e9ricains. John F. Stevens, ing\u00e9nieur en chef de 1905 \u00e0 1907, joua un r\u00f4le crucial : il r\u00e9organisa le chemin de fer et optimisa le transport des d\u00e9blais. Avec son \u00e9quipe, il d\u00e9battit longuement des qualit\u00e9s respectives des ouvriers selon leur origine et leur nationalit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Les ouvriers originaires des Antilles britanniques, notamment d\u2019ascendance africaine, constituaient la majorit\u00e9 de la main-d\u2019\u0153uvre sous l\u2019effort fran\u00e7ais et rest\u00e8rent le choix privil\u00e9gi\u00e9 des Am\u00e9ricains, malgr\u00e9 les r\u00e9serves de certains responsables, dont Stevens, sur leur pr\u00e9dominance.<\/p>\n\n\n\n L\u2019id\u00e9e d\u2019importer des travailleurs chinois fut s\u00e9rieusement envisag\u00e9e et soutenue par Stevens, mais elle se heurta \u00e0 l\u2019opposition des \u00c9tats-Unis \u2014 et du gouvernement chinois.<\/p>\n\n\n\n Quand l\u2019Europe en ruine \u00e9tait sur le point de s\u2019autod\u00e9truire, l\u2019Am\u00e9rique incarnait la terre de la construction en se pla\u00e7ant \u00e0 la pointe des infrastructures mondiales.<\/p>Alessandro Aresu et Antonio Caffaro<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Cette question du recrutement \u00e9tait \u00e9troitement li\u00e9e \u00e0 l\u2019urgence pour Theodore Roosevelt d\u2019achever le canal. Lors de sa visite tr\u00e8s m\u00e9diatis\u00e9e sur le chantier en novembre 1906, il inspecta les machines, grimpa sur une pelleteuse \u00e0 vapeur pour en tester la solidit\u00e9, puis d\u00e9clara aux ouvriers que ce chantier repr\u00e9sentait la plus grande \u0153uvre d\u2019ing\u00e9nierie entreprise \u00e0 ce jour et que les critiques finiraient par s\u2019effacer avec le temps. C\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois de l\u2019histoire des \u00c9tats-Unis qu\u2019un pr\u00e9sident en exercice se rendaient \u00e0 l\u2019\u00e9tranger.<\/p>\n\n\n\n Nombreux furent les travailleurs qui sign\u00e8rent un contrat avec le gouvernement am\u00e9ricain, tandis que d\u2019autres vinrent de leur propre initiative. Des milliers de femmes rejoignirent le chantier comme blanchisseuses ou domestiques. R\u00e9duire la construction du canal \u00e0 l\u2019unique m\u00e9rite et aux seules pertes am\u00e9ricaines occulte ainsi l\u2019apport essentiel de ces travailleurs afro-carib\u00e9ens qui cherchaient un meilleur salaire, apprenaient un m\u00e9tier et entamaient une nouvelle vie.<\/p>\n\n\n\n L\u2019ouverture du canal en 1914 \u2014 presque simultan\u00e9ment au d\u00e9but de la Premi\u00e8re Guerre mondiale \u2014 renfor\u00e7a son aura mythique.<\/p>\n\n\n\n Dans les nuages de la guerre, il fut per\u00e7u comme un rayon de soleil : quand l\u2019Europe en ruine \u00e9tait sur le point de s\u2019autod\u00e9truire, l\u2019Am\u00e9rique incarnait la terre de la construction en se pla\u00e7ant \u00e0 la pointe des infrastructures mondiales. Surtout, les \u00c9tats-Unis devenaient une puissance maritime accomplie, conform\u00e9ment aux r\u00eaves du capitaine Alfred Mahan dont les th\u00e9ories avaient influenc\u00e9 Roosevelt.<\/p>\n\n\n\n La zone du canal devint une colonie am\u00e9ricaine.<\/p>\n\n\n\n Le trait\u00e9 Hay\u2013Bunau-Varilla de 1903 garantissait aux \u00c9tats-Unis le contr\u00f4le complet et perp\u00e9tuel d\u2019une bande de dix milles coupant en deux la R\u00e9publique de Panama, largement effac\u00e9e par ailleurs du r\u00e9cit dominant sur la construction du canal : lors de l\u2019Exposition Panama-Pacifique de 1915, les repr\u00e9sentants panam\u00e9ens furent m\u00eame \u00e9t\u00e9 exclus des c\u00e9r\u00e9monies d\u2019inauguration, un affront humiliant. <\/p>\n\n\n\n Un observateur britannique en 1910 notait que la R\u00e9publique de Panama \u00e9tait \u00e0 la merci des \u00c9tats-Unis \u2014 qui la traitaient comme leur propri\u00e9t\u00e9. Cette relation coloniale dura jusqu\u2019\u00e0 la fin du XXe si\u00e8cle, quand le trait\u00e9 Torrijos-Carter \u00e9tablit la proc\u00e9dure de transfert progressif du canal et de la zone \u00e0 la R\u00e9publique de Panama.<\/p>\n\n\n\n Ce bref d\u00e9tour historique est essentiel pour comprendre comment sont aujourd\u2019hui structur\u00e9es les rivalit\u00e9s g\u00e9opolitiques autour du canal.<\/p>\n\n\n\n\n N\u00e9 en 1928 \u00e0 Chaozhou, dans la province du Guangdong, en Chine, Li Ka-shing a grandi dans une famille d\u2019intellectuels. <\/p>\n\n\n\n Son enfance est marqu\u00e9e par la guerre sino-japonaise qui conduit ses parents, en 1940, \u00e0 chercher refuge \u00e0 Hong Kong, alors colonie britannique. Depuis, la vie de Li Ka-shing ne cessera d\u2019\u00eatre \u00e9troitement li\u00e9e aux destins \u00e9conomiques et politiques du \u00ab port parfum\u00e9 \u00bb. <\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s ses premiers emplois, il fonde en 1950, \u00e0 l’\u00e2ge de 22 ans, la Cheung Kong Industries. L’entreprise, qui commence son activit\u00e9 avec la production de fleurs en plastique, \u00e9voque le nom du fleuve Yangts\u00e9. \u00c0 partir de ce premier march\u00e9, elle se tourne dans les ann\u00e9es 1960 vers l’investissement immobilier, anticipant la hausse des valeurs \u00e0 Hong Kong et devenant un \u00ab tigre \u00bb immobilier. \u00c0 la fin des ann\u00e9es 1970, avec le rachat de Hutchison Whampoa \u00e0 HSBC, Li Ka-shing entre dans le saint des saints \u00e9conomiques de l’\u00e9lite commerciale britannique : son portefeuille comprend des ports, des magasins et des infrastructures de t\u00e9l\u00e9communications.<\/p>\n\n\n\n Au fil des ann\u00e9es, gr\u00e2ce \u00e0 son sens aigu des affaires, il se taille un surnom : \u00ab Superman \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Li continue de miser sur Hong Kong dans les moments d’incertitude politique, et la croissance de ses entreprises accompagne la transition vers le retour \u00e0 la R\u00e9publique populaire de Chine. Mais il est \u00e9galement un habile diversificateur : non seulement dans les secteurs \u2014 de l’immobilier aux ports, en passant par la vente au d\u00e9tail, l’\u00e9nergie et les op\u00e9rateurs de t\u00e9l\u00e9communications \u2014 tout en gardant \u00e0 l’esprit les domaines offrant des flux de tr\u00e9sorerie stables pour \u00e9quilibrer le risque politique, mais aussi au niveau g\u00e9ographique. Son empire s’\u00e9tend sur plus de cinquante pays et mise de plus en plus sur l’Europe, qui p\u00e8se d\u00e9sormais beaucoup plus lourd dans ses affaires que Hong Kong et la R\u00e9publique populaire de Chine. <\/p>\n\n\n\n \u00ab Superman \u00bb pratique \u00e9galement l’art du d\u00e9sinvestissement : il ne s’attache pas aux actifs et cherche \u00e0 s’en d\u00e9barrasser au bon moment \u2014 comme il l’a fait par exemple \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1990 dans le secteur de la t\u00e9l\u00e9phonie, en profitant du pic du march\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Une restructuration fondamentale de l’empire de Li Ka-shing a eu lieu en 2015, avec la cr\u00e9ation de CK Hutchison Holdings \u2014 ports, vente au d\u00e9tail, infrastructures \u2014 et CK Asset Holdings \u2014 immobilier et h\u00f4tellerie. Les ports sont un pilier historique de son empire, qui part de Hong Kong pour investir dans les ports \u00e0 conteneurs britanniques \u2014 l\u00e0 encore, avec le revers de la subordination coloniale \u2014 d\u00e8s le d\u00e9but des ann\u00e9es 1990 pour s’\u00e9tendre au fil des ans \u00e0 tous les continents.<\/p>\n\n\n\n Les relations entre Li Ka-shing et le Parti communiste chinois ont connu des hauts et des bas.<\/p>\n\n\n\n La p\u00e9riode \u00ab de la r\u00e9forme et de l\u2019ouverture \u00bb sous Deng Xiaoping cr\u00e9e de grandes opportunit\u00e9s pour des entrepreneurs comme lui, y compris en R\u00e9publique populaire. \u00ab Superman \u00bb s’aligne alors sur les int\u00e9r\u00eats du Parti m\u00eame dans les moments difficiles, par exemple en investissant en Chine apr\u00e8s les \u00e9v\u00e9nements de la place Tiananmen. Ses relations avec Jiang Zemin sont solides. <\/p>\n\n\n\n L’acquisition des ports situ\u00e9s aux extr\u00e9mit\u00e9s du canal de Panama en 1997, peu apr\u00e8s la r\u00e9trocession de Hong Kong \u00e0 la Chine, peut \u00e9galement \u00eatre interpr\u00e9t\u00e9e comme un passage des ambitions mondiales de P\u00e9kin, qui ne sont pas poursuivies de mani\u00e8re explicite mais par le biais de capitaux \u00ab amis \u00bb. \u00c0 l’\u00e8re de Xi, en revanche, les critiques \u00e0 l’\u00e9gard de la diversification g\u00e9ographique de l’empire de Li Ka-shing se renforcent.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab Superman des ports \u00bb pratique l’art du d\u00e9sinvestissement : il ne s’attache pas aux actifs et cherche \u00e0 s’en d\u00e9barrasser au bon moment<\/p>Alessandro Aresu et Antonio Caffaro<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n \u00c0 bient\u00f4t cent ans, il \u00e9volue d\u00e9sormais dans un monde radicalement diff\u00e9rent.<\/p>\n\n\n\n Son fils et h\u00e9ritier, Victor Li, est pr\u00e9sident de CK Hutchison. Pour la R\u00e9publique populaire, Hong Kong n’est plus un mod\u00e8le \u00e9conomique \u00e0 suivre ni le carrefour privil\u00e9gi\u00e9 des relations entre l’Occident et les autres \u00e9conomies asiatiques. C’est d\u00e9sormais un territoire int\u00e9gr\u00e9 dans la sph\u00e8re politique chinoise.<\/p>\n\n\n\n Or la croissance \u00e9conomique de P\u00e9kin passe par une ascension impressionnante dans les fili\u00e8res maritimes \u2014 de la construction navale sous toutes ses formes aux transporteurs maritimes, en passant par les terminaux, les c\u00e2bles sous-marins, les grues et les plateformes num\u00e9riques de gestion logistique<\/a>. <\/p>\n\n\n\n D’une part, cette ascension inqui\u00e8te de plus en plus les \u00c9tats-Unis dans le cadre de l’alignement bipartisan anti-chinois qui caract\u00e9rise la politique de Washington dans la guerre des capitalismes politiques<\/a>. D’autre part, le Parti communiste chinois veut pr\u00e9server et renforcer ce pouvoir des infrastructures \u2014 et il est pr\u00eat \u00e0 mobiliser \u00e0 cette fin tous les instruments de contr\u00f4le du march\u00e9 et des transactions au nom de la s\u00e9curit\u00e9 nationale. <\/p>\n\n\n\n D’un c\u00f4t\u00e9, le Parti a besoin des entrepreneurs et de leurs comp\u00e9tences. De l’autre, comme il l’a confirm\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises, il ne tol\u00e9rera jamais que quiconque remette en cause la primaut\u00e9 de sa politique \u2014 qu’il continuera d’affirmer.<\/p>\n\n\n\n\n L’histoire de BlackRock, le \u00ab rocher noir \u00bb qui g\u00e8re plus de 10 000 milliards d’actifs, est intimement li\u00e9e \u00e0 celle de son fondateur et PDG, Laurence Fink, dit Larry, l’une des personnalit\u00e9s les plus influentes de la finance mondiale depuis des d\u00e9cennies.<\/p>\n\n\n\n N\u00e9 en 1952, Fink grandit en Californie et commence sa carri\u00e8re financi\u00e8re dans les ann\u00e9es 1970 \u00e0 New York dans la banque d’investissement First Boston. Apr\u00e8s \u00eatre devenu le plus jeune directeur g\u00e9n\u00e9ral de la banque et membre du comit\u00e9 de direction, il subit un revers consid\u00e9rable : sa division enregistre de lourdes pertes en raison de pr\u00e9visions erron\u00e9es sur les taux d’int\u00e9r\u00eat. <\/p>\n\n\n\n Mais Fink n\u2019est pas vraiment quelqu\u2019un qui jette l\u2019\u00e9ponge. <\/p>\n\n\n\n Les dirigeants du groupe Blackstone, Stephen Schwarzman et Pete Peterson, voient en lui le candidat id\u00e9al pour diriger un nouveau groupe ax\u00e9 sur les investissements \u00e0 revenu fixe. <\/p>\n\n\n\n \u00c0 la fin des ann\u00e9es 1980, ils proposent \u00e0 Fink et \u00e0 son \u00e9quipe une ligne de cr\u00e9dit pour lancer la coentreprise Blackstone Financial Management (BFM). Blackstone d\u00e9tient une participation de 50 % dans la nouvelle activit\u00e9 ; Fink et son \u00e9quipe, les 50 % restants. Cette \u00ab start-up \u00bb deviendra BlackRock. D\u00e8s la fin des ann\u00e9es 1980, elle g\u00e8re d\u00e9j\u00e0 3 milliards de dollars.<\/p>\n\n\n\n 1994 est une ann\u00e9e d\u00e9cisive, marqu\u00e9e par la s\u00e9paration d’avec BlackStone. Alors que le monde financier est en proie \u00e0 l’euphorie d\u2019Internet \u00e0 la fin, Fink et ses collaborateurs d\u00e9cident de rester fid\u00e8les au march\u00e9 obligataire \u2014 un secteur moins prestigieux, mais sur lequel ils sont en train de b\u00e2tir leur force. Lorsque la bulle \u00e9clate au d\u00e9but des ann\u00e9es 2000, BlackRock consolide sa position et g\u00e8re 200 milliards d’actifs. <\/p>\n\n\n\n Ce n’est que le d\u00e9but.<\/p>\n\n\n\n L’autre \u00e9tape fondamentale est la crise de 2008. Alors que les banques s’effondrent, BlackRock, avec son obsession pour la gestion des risques et ses mod\u00e8les informatiques \u2014 notamment via<\/em> l’infrastructure informatique Aladdin, r\u00e9volutionnaire dans son genre \u2014 se positionne comme un acteur incontournable. Les gouvernements et les banques centrales, aux prises avec des bilans remplis d’actifs toxiques, se tournent vers elle pour demander de l’aide. La soci\u00e9t\u00e9 de Larry Fink est ainsi charg\u00e9e d’analyser et de g\u00e9rer les actifs toxiques pour la R\u00e9serve f\u00e9d\u00e9rale de New York, le d\u00e9partement du Tr\u00e9sor am\u00e9ricain et diverses banques centrales europ\u00e9ennes. BlackRock joue ainsi plusieurs r\u00f4les dans cette com\u00e9die et la voix de Fink devient de plus en plus influente dans le monde financier. <\/p>\n\n\n\n Mais Fink n’aime pas particuli\u00e8rement \u00eatre sous les feux de la rampe. Sa l\u00e9gende est li\u00e9e \u00e0 la croissance impressionnante des actifs sous gestion \u2014 pas aux f\u00eates et au faste. <\/p>\n\n\n\n Larry Fink a qualifi\u00e9 les infrastructures de \u00ab l’une des opportunit\u00e9s d’investissement \u00e0 long terme les plus prometteuses, alors qu’une s\u00e9rie de changements structurels remod\u00e8lent l’\u00e9conomie mondiale \u00bb.<\/p>Alessandro Aresu et Antonio Caffaro<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Au cours de la derni\u00e8re d\u00e9cennie, BlackRock a acquis un r\u00f4le g\u00e9opolitique de plus en plus important, gr\u00e2ce \u00e0 ses produits, \u00e0 sa pr\u00e9sence publique et \u00e0 la g\u00e9ographie de ses investissements. En tant que gestionnaire op\u00e9rant dans ce monde, l’une de ses principales missions consiste \u00e0 identifier les tendances \u00e0 court et \u00e0 long terme de l’\u00e9conomie mondiale susceptibles d’influencer les investissements de ses clients. Cela inclut l’analyse des risques d’investissement \u00e0 long terme tels que l’inflation, la politique et la transition \u00e9nerg\u00e9tique. Dans ses lettres envoy\u00e9es chaque ann\u00e9e aux investisseurs, Fink souligne que BlackRock fournit des perspectives sur les questions susceptibles d’influencer les prix des actifs et aide ses clients \u00e0 naviguer sur des march\u00e9s et dans des secteurs en constante \u00e9volution. Les incertitudes g\u00e9opolitiques sont explicitement mentionn\u00e9es comme facteurs de risque dans les diff\u00e9rents rapports de BlackRock.<\/p>\n\n\n\n R\u00e9cemment, il a manifest\u00e9 un int\u00e9r\u00eat marqu\u00e9 pour les infrastructures. <\/p>\n\n\n\n Larry Fink les a qualifi\u00e9es de \u00ab l’une des opportunit\u00e9s d’investissement \u00e0 long terme les plus prometteuses, alors qu’une s\u00e9rie de changements structurels remod\u00e8lent l’\u00e9conomie mondiale \u00bb. Il estime que l’expansion des infrastructures physiques et num\u00e9riques va continuer \u00e0 s’acc\u00e9l\u00e9rer compte tenu des besoins des gouvernements en mati\u00e8re de s\u00e9curit\u00e9 et des nouvelles politiques industrielles.<\/p>\n\n\n\n Cette attention strat\u00e9gique s’est concr\u00e9tis\u00e9e par une op\u00e9ration de grande envergure. Le 1er octobre 2024, BlackRock a finalis\u00e9 l’acquisition de 100 % des parts de Global Infrastructure Partners (GIP) pour un montant total d’environ 12 milliards de dollars. Cette acquisition est importante car GIP, dirig\u00e9e par son fondateur, pr\u00e9sident et PDG Bayo Ogunlesi, est le plus grand gestionnaire ind\u00e9pendant d’infrastructures en termes d’actifs sous gestion au niveau mondial. GIP g\u00e8re 100 milliards de dollars et dispose d’un portefeuille de plus de 40 entreprises qui g\u00e9n\u00e8rent plus de 75 milliards de dollars de revenus annuels. Le succ\u00e8s de GIP est ancr\u00e9 dans son orientation cibl\u00e9e vers les actifs d’infrastructure dans les secteurs des transports, de l’\u00e9nergie, du num\u00e9rique, de l’eau et des d\u00e9chets.<\/p>\n\n\n\n Parmi ses investissements, on trouve les a\u00e9roports de Gatwick, \u00c9dimbourg et Sydney \u2014 mais aussi Peel Ports et Port of Melbourne.<\/p>\n\n\n\n BlackRock, ce n’est donc plus \u00ab seulement \u00bb 11 500 milliards d’actifs sous gestion \u00e0 la fin de 2024. Ce sont aussi des infrastructures.<\/p>\n\n\n\n Le pouvoir de la firme de Larry Fink ne se limite plus \u00e0 la gestion passive. Il s’\u00e9tend d\u00e9sormais \u00e0 des op\u00e9rations et des actions qui, gr\u00e2ce \u00e0 l’analyse des tendances, fa\u00e7onnent plus activement les march\u00e9s, exer\u00e7ant ainsi une influence consid\u00e9rable qui renforce \u00e0 son tour le pouvoir financier des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n\n N\u00e9 \u00e0 Sorrente en 1940, Gianluigi Aponte a b\u00e2ti, avec son \u00e9pouse Rafaela, un empire maritime aujourd’hui consid\u00e9r\u00e9 comme le premier op\u00e9rateur mondial du transport par conteneurs.<\/p>\n\n\n\n La Mediterranean Shipping Company S.A. (MSC) a \u00e9t\u00e9 fond\u00e9e en 1970.<\/p>\n\n\n\n Depuis lors, l’histoire publique de Gianluigi Aponte est celle de sa cr\u00e9ation, et vice versa. Dipl\u00f4m\u00e9 de l’Institut nautique, il commence sa carri\u00e8re en conduisant des ferries de passagers. C\u2019est \u00e0 bord d\u2019un de ceux-l\u00e0 \u2014 voguant pour Capri, dit la l\u00e9gende \u2014 qu\u2019il aurait rencontr\u00e9 sa future \u00e9pouse. Elle \u00e9tait suisse, et le couple trouve \u00e0 Gen\u00e8ve les premiers fonds pour lancer l’entreprise. C\u2019est aujourd\u2019hui depuis la Suisse qu\u2019elle contr\u00f4le pr\u00e8s d’un cinqui\u00e8me du trafic conteneuris\u00e9 mondial, apr\u00e8s un d\u00e9veloppement d\u2019une rapidit\u00e9 sans pr\u00e9c\u00e9dent dans l’histoire des compagnies maritimes.<\/p>\n\n\n\n Fid\u00e8le \u00e0 son c\u0153ur de m\u00e9tier \u2014 qui a vu MSC cro\u00eetre organiquement depuis son premier navire dans les ann\u00e9es 1970 jusqu’\u00e0 ses quelque 900 porte-conteneurs actuels \u2014, ce n\u2019est que tr\u00e8s r\u00e9cemment qu\u2019Aponte a commenc\u00e9 \u00e0 adopter une strat\u00e9gie d’int\u00e9gration verticale de plus en plus affirm\u00e9e. MSC, ce sont non seulement des navires \u2014 y compris des navires \u00e0 passagers comme des ferries et, depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, des navires de croisi\u00e8re \u2014 mais aussi des terminaux, des services logistiques \u00e0 terre, des avions cargo, des biens immobiliers, des trains de marchandises et de passagers, ainsi qu’une tentative de diversification dans le secteur de la sant\u00e9 priv\u00e9e, dans le sillage des \u00e9normes b\u00e9n\u00e9fices suppl\u00e9mentaires g\u00e9n\u00e9r\u00e9s par le transport par conteneurs au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es de la pand\u00e9mie.<\/p>\n\n\n\n La discr\u00e9tion de Gianluigi Aponte est d\u00e9sormais proverbiale dans le secteur : un navire \u00e0 la fois, sans jamais s’adresser au march\u00e9 boursier.<\/p>Alessandro Aresu et Antonio Caffaro<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les chiffres du groupe \u2014 qui n\u2019est pas cot\u00e9 en bourse \u2014 ont \u00ab fuit\u00e9 \u00bb \u00e0 l\u2019occasion de l’acquisition de 50 % d’Italo, op\u00e9rateur ferroviaire \u00e0 grande vitesse pour passagers en Italie : son EBITDA aurait \u00e9t\u00e9 de 6,8 milliards en 2020, de 40 milliards en 2021 et de 43,2 milliards en 2022. La devise n’est pas pr\u00e9cis\u00e9e. Mais qu’ils soient exprim\u00e9s en dollars, en euros ou en francs suisses, ces montants sont atypiques pour un secteur qui a toujours eu de faibles marges.<\/p>\n\n\n\nLes ouvriers du canal et la pelleteuse de Roosevelt<\/h2>\n\n\n\n
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Li Ka-shing : le \u00ab Superman des ports \u00bb<\/h2>\n\n\n\n
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Laurence Fink : le gestionnaire de l\u2019infrastructure-monde<\/h2>\n\n\n\n
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Gianluigi Aponte : de Sorrente \u00e0 la flotte verticale, le capitaine discret de la mondialisation maritime<\/h2>\n\n\n\n