{"id":286239,"date":"2025-07-02T10:35:24","date_gmt":"2025-07-02T08:35:24","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=286239"},"modified":"2025-07-02T11:04:35","modified_gmt":"2025-07-02T09:04:35","slug":"taxe-zucman-reponses","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/07\/02\/taxe-zucman-reponses\/","title":{"rendered":"Comment taxer les ultrariches ? Cadrer le d\u00e9bat sur l\u2019imp\u00f4t plancher"},"content":{"rendered":"\n
L\u2019Assembl\u00e9e nationale a vot\u00e9 en f\u00e9vrier la cr\u00e9ation d\u2019un imp\u00f4t plancher soumettant les contribuables poss\u00e9dant plus de 100 millions d\u2019euros de patrimoine\u00a0\u00e0 une taxe minimale \u00e9gale \u00e0 2 % de leur fortune <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Bloqu\u00e9 pour le moment par le S\u00e9nat, ce texte devrait revenir tr\u00e8s vite dans la discussion parlementaire <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Il est en effet d\u00e9sormais clair que l\u2019imposition des ultra-riches a un r\u00f4le \u00e0 jouer dans la r\u00e9solution de l\u2019\u00e9quation budg\u00e9taire de la France, du simple fait des masses en jeu : la richesse des 500 plus grandes fortunes recens\u00e9es par le magazine Challenges<\/em> avoisine aujourd\u2019hui l\u2019\u00e9quivalent de 40 % du PIB <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>, contre 6 % en 1996, premi\u00e8re ann\u00e9e du classement.\u00a0<\/p>\n\n\n\n \u00c0 mesure que le d\u00e9bat monte en puissance, les adversaires de l\u2019imp\u00f4t plancher se mobilisent \u2014 et cela va continuer.<\/p>\n\n\n\n La premi\u00e8re salve a \u00e9t\u00e9 tir\u00e9e sur le r\u00e9seau social X (ex-Twitter) par les \u00e9conomistes Sylvain Catherine, Fran\u00e7ois Geerolf et Antoine L\u00e9vy qui pr\u00e9tendent remettre en cause le constat selon lequel les milliardaires sont nettement moins impos\u00e9s que la moyenne des Fran\u00e7ais <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Leurs arguments sont infond\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n Rappelons les faits. Les Fran\u00e7ais s\u2019acquittent en moyenne de 52 % de leurs revenus en imp\u00f4ts et cotisations sociales, tous pr\u00e9l\u00e8vements compris. Nul myst\u00e8re \u00e0 cela : il s\u2019agit du montant total de pr\u00e9l\u00e8vements obligatoires collect\u00e9 par la puissance publique <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>, rapport\u00e9 au revenu national net de la France \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 l\u2019ensemble des revenus touch\u00e9s par les Fran\u00e7ais, quelle que soit leur nature : salaires, int\u00e9r\u00eats, revenus tir\u00e9s de la d\u00e9tention d\u2019entreprise, etc. Ces deux montants, publi\u00e9s par tous les organismes statistiques internationaux (OCDE, Eurostat, etc.), sont incontestables.\u00a0<\/p>\n\n\n\n Pour 1 euro gagn\u00e9 par les milliardaires, 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagn\u00e9 par un Fran\u00e7ais moyen.<\/p>Gabriel Zucman<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ce niveau d\u2019imposition relativement \u00e9lev\u00e9 correspond \u00e0 nos choix de soci\u00e9t\u00e9 en mati\u00e8re d\u2019\u00e9ducation, de sant\u00e9, de retraites et de solidarit\u00e9 nationale. Des choix dont il faut se r\u00e9jouir, car tout laisse \u00e0 penser qu\u2019ils ont eu un r\u00f4le d\u00e9cisif dans la croissance consid\u00e9rable de la productivit\u00e9 depuis un si\u00e8cle, l\u2019av\u00e8nement d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 plus \u00e9galitaire et le progr\u00e8s de la d\u00e9mocratie.<\/p>\n\n\n\n Pour les milliardaires, cependant, le taux de pr\u00e9l\u00e8vements obligatoires s\u2019effondre \u00e0 26 % environ tout compris. Chacun peut \u00e0 nouveau le v\u00e9rifier en consultant l\u2019\u00e9tude de l\u2019Institut des Politiques Publiques sur le sujet <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>, men\u00e9e en partenariat avec l\u2019administration fiscale, dont l\u2019objectivit\u00e9 et la rigueur sont reconnues.\u00a0<\/p>\n\n\n\n Concr\u00e8tement, cela signifie que pour 1 euro gagn\u00e9 par les milliardaires \u2014 quelle que soit la fa\u00e7on dont cet euro est per\u00e7u \u2014 26 centimes environ vont aux charges communes, contre 52 centimes pour un euro gagn\u00e9 par un Fran\u00e7ais moyen. <\/p>\n\n\n\n 52 % contre 26 % : la r\u00e9alit\u00e9 ne pourrait pas \u00eatre plus simple ni plus limpide. Comment donc la nier ? Il faut pour cela soit contester le taux de 52 %, soit r\u00e9futer celui de 26 %, soit pr\u00e9tendre que ces deux taux ne peuvent pas \u00eatre compar\u00e9s l\u2019un \u00e0 l\u2019autre. <\/p>\n\n\n\n Ce serait peine perdue car ces deux chiffres sont \u00e0 la fois exacts \u2014 au-del\u00e0 des marges d\u2019erreurs inh\u00e9rentes \u00e0 toute statistique \u00e9conomique, qui en l\u2019occurrence sont faibles \u2014 et comparables. <\/p>\n\n\n\n Commen\u00e7ons par les arguments avanc\u00e9s pour contester le taux moyen de 52 %. <\/p>\n\n\n\n Ils sont de trois types et consistent soit \u00e0 ignorer certains pr\u00e9l\u00e8vements, soit \u00e0 soustraire des imp\u00f4ts pay\u00e9s les d\u00e9penses publiques per\u00e7ues, soit \u00e0 remettre en cause le calcul du revenu utilis\u00e9 au d\u00e9nominateur de ce taux. Ces arguments m\u00e9ritent d\u2019\u00eatre entendus, afin que chacun puisse comprendre leur faiblesse.<\/p>\n\n\n\n Sans surprise, on peut r\u00e9duire le taux moyen de 52 % en sortant certains pr\u00e9l\u00e8vements du champ des pr\u00e9l\u00e8vements obligatoires. Si l\u2019on exclut par exemple les cotisations retraites, alors le taux d\u2019imposition du Fran\u00e7ais moyen tombe \u00e0 41 % environ. Si l\u2019on oublie en plus la TVA, alors ce dernier tombe \u00e0 32 %. En grignotant assez, on peut finir par tomber sous les 26 %.<\/p>\n\n\n\n Mais ces soustractions n\u2019ont gu\u00e8re de justification.<\/p>\n\n\n\n Il n\u2019y a en effet pas de raison valable d\u2019exclure tel pr\u00e9l\u00e8vement ou tel autre, pas m\u00eame les cotisations retraite. Tous les organismes statistiques du monde les y incluent et les \u00e9conomistes conservateurs le font \u00e9videmment toujours eux-m\u00eames quand il s\u2019agit de d\u00e9noncer le poids de l\u2019imp\u00f4t en France. Les cotisations retraite sont certes associ\u00e9es \u00e0 des transferts, mais c\u2019est le cas pour tous les imp\u00f4ts et toutes les cotisations : la puissance publique ne br\u00fble pas l\u2019argent qu\u2019elle collecte, fort heureusement, mais le d\u00e9pense \u2014 en pensions de retraites, services de sant\u00e9 et d\u2019\u00e9ducation, etc.<\/p>\n\n\n\n Il y a des diff\u00e9rences de degr\u00e9 \u2014 certains pr\u00e9l\u00e8vements, comme les cotisations retraite, sont plus directement associ\u00e9s \u00e0 des transferts individuels que d\u2019autres \u2014 mais pas de nature. Tous ces pr\u00e9l\u00e8vements s\u2019imposent aux m\u00e9nages, qu\u2019ils les approuvent ou non, et le lien entre pr\u00e9l\u00e8vements et transferts n\u2019est jamais parfait \u2014 m\u00eame pour les retraites, loin s\u2019en faut.<\/p>\n\n\n\n L\u2019approche suivie par les chercheurs qui s\u2019int\u00e9ressent \u00e0 la distribution des taxes \u2014 depuis les travaux pionniers de Gerhard Colm et Helen Tarasov aux \u00c9tats-Unis dans les ann\u00e9es 1940 <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u2014 consiste donc \u00e0 inclure tous les pr\u00e9l\u00e8vements, car c\u2019est la d\u00e9marche qui minimise l\u2019arbitraire statistique.\u00a0Et c\u2019est bien ce que fait l\u2019INSEE dans ses propres Comptes nationaux distribu\u00e9s, qui montrent que toutes les cat\u00e9gories sociales \u2014 \u00e0 l\u2019exception des ultra-riches, non couverts par la statistique publique \u2014 paient entre 40 % et 55 % de leurs revenus en imp\u00f4ts et cotisations.\u00a0<\/p>\n\n\n\n52 % vs. 26 % : des chiffres incontestables\u00a0<\/h2>\n\n\n\n
Comprendre le taux d\u2019imposition moyen<\/h2>\n\n\n\n
Pourquoi exclure certains pr\u00e9l\u00e8vements n\u2019a pas grand sens<\/h3>\n\n\n\n