{"id":284021,"date":"2025-06-25T13:41:18","date_gmt":"2025-06-25T11:41:18","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=284021"},"modified":"2025-06-25T14:09:05","modified_gmt":"2025-06-25T12:09:05","slug":"terre-perdue","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/06\/25\/terre-perdue\/","title":{"rendered":"\u00ab Nous sommes face \u00e0 une convergence id\u00e9ologique et d\u2019int\u00e9r\u00eats industriels, num\u00e9riques et fossiles \u00bb, une conversation avec Charles-Fran\u00e7ois Mathis et Steve Hagimont"},"content":{"rendered":"\n

Commen\u00e7ons par le titre de votre ouvrage, La Terre perdue<\/em>, qui semble dessiner les contours d\u2019une histoire d\u00e9finie par l\u2019appauvrissement progressif des soci\u00e9t\u00e9s occidentales dans leur rapport \u00e0 la nature. Peut-on v\u00e9ritablement opposer un pass\u00e9 \u00ab connect\u00e9 \u00bb \u00e0 la nature \u00e0 une modernit\u00e9 qui l\u2019aurait perdue ?<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont<\/h4>\n\n\n\n

Le titre renvoie \u00e0 deux \u00e9l\u00e9ments. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019un c\u00f4t\u00e9, \u00e0 la perte des conditions d’habitabilit\u00e9 de la plan\u00e8te pour les humains, qui pr\u00e9valaient pendant l’Holoc\u00e8ne et qui sont \u00e0 pr\u00e9sent remises en cause par la multiplication de catastrophes, la destruction \u00e0 vaste \u00e9chelle du vivant et une pollution universelle et multiforme. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, l\u2019ouvrage pose la question du processus qui a men\u00e9 \u00e0 la situation actuelle. Il nous semble en effet que l’une des caract\u00e9ristiques de notre modernit\u00e9 est bien l’oubli du substrat \u00e9cologique sur lequel repose chacune de nos actions, et que cette d\u00e9connexion se lit dans l\u2019\u00e9volution des gestes quotidiens des habitants des soci\u00e9t\u00e9s occidentales, dans la compr\u00e9hension qu\u2019ils ont eue de leurs effets sur les sols, les eaux, les \u00e9cosyst\u00e8mes de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale. Cette d\u00e9connexion est au moins en partie due \u00e0 la r\u00e9volution technique et scientifique, \u00e0 la recherche de puissance et au d\u00e9veloppement des \u00e9nergies fossiles. Ce n\u2019est pas une rupture nette mais bien un processus long qui s\u2019intensifie avec la grande acc\u00e9l\u00e9ration d\u2019apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale. <\/p>\n\n\n\n

Il y a une Terre qui menace mat\u00e9riellement d\u2019\u00eatre perdue par les soci\u00e9t\u00e9s contemporaines et une Terre avec laquelle les relations culturelles et pratiques se sont aussi distendues.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Cette perte de familiarit\u00e9 est accompagn\u00e9e et accentu\u00e9e par une forme de d\u00e9vitalisation de l’ensemble des \u00e9l\u00e9ments terrestres tels qu\u2019ils sont appr\u00e9hend\u00e9s par les sciences et par les techniques, comme des entit\u00e9s que l\u2019on peut isoler et comprendre ind\u00e9pendamment les unes des autres. Cette d\u00e9connexion, donc, passe aussi par cette vision de la nature qualifi\u00e9e de \u00ab m\u00e9caniste \u00bb, que l’on fait syst\u00e9matiquement remonter \u00e0 Descartes et Bacon. <\/p>\n\n\n\n

Ce qui est plus int\u00e9ressant encore, c\u2019est l’institutionnalisation de cette vision m\u00e9caniste, qui n’est certainement jamais compl\u00e8tement partag\u00e9e, mais devient progressivement pr\u00e9valente dans les modes d\u2019action et de gouvernement de la nature \u00e0 partir du milieu du XVIIIe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

Nous \u00e9voquons et retra\u00e7ons le parcours de nombreuses personnes qui ont pens\u00e9 les \u00eatres humains dans un tissu de relations continues, affirmant l’impossibilit\u00e9 d’isoler certains \u00e9l\u00e9ments les uns des autres. Mais d’un autre c\u00f4t\u00e9, il existe des institutions, une ing\u00e9nierie, des sciences agronomiques et l’ensemble des grands domaines de la science et de l’\u00e9conomie qui isolent et d\u00e9vitalisent les \u00e9l\u00e9ments, promouvant une vision purement dualiste de la nature.<\/p>\n\n\n\n

Vous revenez dans votre introduction sur les d\u00e9bats entre \u00ab Anthropoc\u00e8ne \u00bb et \u00ab Capitaloc\u00e8ne \u00bb. Au-del\u00e0 de la simple question terminologique, en se concentrant sur l\u2019Occident et en mettant l\u2019accent, dans beaucoup d\u2019entr\u00e9es, sur la marchandisation, l\u2019intensification, faites-vous du capitalisme l\u2019\u00e9l\u00e9ment central de ce processus de perte de la nature ?<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Nous avons repris le terme \u00ab anthropoc\u00e8ne \u00bb parce qu’il nous semble que c’est le plus commun\u00e9ment utilis\u00e9 aujourd’hui, par commodit\u00e9. Ce n\u2019\u00e9tait pas l\u2019objet du livre que de revenir sur les d\u00e9bats pour savoir si nous nous situerions plut\u00f4t dans un \u00ab capitaloc\u00e8ne \u00bb, un \u00ab plantacionoc\u00e8ne \u00bb, ou autre. Non pas que nous nions la pertinence des dynamiques ainsi d\u00e9crites, mais au contraire parce qu\u2019il nous semble que ces explications ne sont pas exclusives les unes des autres, et qu\u2019on ne voulait pas a priori<\/em> r\u00e9duire des dynamiques profond\u00e9ment enchev\u00eatr\u00e9es \u00e0 une cause principale. <\/p>\n\n\n\n

Cela dit, le fait est que les contributions mettent l\u2019accent sur la particularit\u00e9 de la trajectoire occidentale, qui a entra\u00een\u00e9 le reste du monde avec elle, et sur des dynamiques de puissance nationales et \u00e9conomiques qui p\u00e8sent particuli\u00e8rement fort pour comprendre l\u2019emballement climatique et \u00e9cologique.<\/p>\n\n\n\n

L’une des caract\u00e9ristiques de notre modernit\u00e9 est bien l’oubli du substrat \u00e9cologique sur lequel repose chacune de nos actions. Cette d\u00e9connexion se lit dans l\u2019\u00e9volution des gestes quotidiens des habitants des soci\u00e9t\u00e9s occidentales. <\/p>Steve Hagimont<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

La multiplication des \u00ab \u2026-c\u00e8nes \u00bb ne me semble en effet pas b\u00e9n\u00e9fique, et le terme d\u2019\u00ab Anthropoc\u00e8ne \u00bb me para\u00eet bien suffisant comme point de d\u00e9part de l’ouvrage pour interroger la responsabilit\u00e9 de l’Occident dans la crise plan\u00e9taire. <\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 des termes, il me para\u00eet tr\u00e8s difficile de d\u00e9terminer effectivement ce qui, de la pens\u00e9e des Lumi\u00e8res, du capitalisme, de l’\u00e9conomie de plantation, de l’usage des \u00e9nergies fossiles, est responsable de cette perte de la Terre. Plut\u00f4t que la recherche de coupables, c\u2019est la recherche des dynamiques port\u00e9es par les ph\u00e9nom\u00e8nes que je viens de citer qui me semble \u00eatre la m\u00e9thode la plus fructueuse pour comprendre comment d\u00e9passer et rem\u00e9dier autant que possible \u00e0 la crise actuelle.<\/p>\n\n\n\n

Dans le premier volume d\u2019une Histoire environnementale de la France<\/em><\/a>, les auteur.e.s observent un ph\u00e9nom\u00e8ne d\u2019addition d\u2019anciennes pratiques et de nouvelles, un entrem\u00ealement des syst\u00e8mes de pens\u00e9e parfois qualifi\u00e9s d\u2019\u00ab archa\u00efques \u00bb et de ceux dits \u00ab modernes \u00bb. Est-ce \u00e9galement dans cette logique d\u2019addition et de recomposition, plus que de rupture, que se situe votre ouvrage ?<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Le fait de commencer notre ouvrage au XVIII\u1d49 si\u00e8cle \u00e9tait sous-tendu par l\u2019envie de dessiner des ruptures en m\u00eame temps que des continuit\u00e9s. L\u2019id\u00e9e n\u2019est pas de nier l\u2019existence d\u2019une \u00e9volution, d\u2019un changement et donc de ruptures, dans la vision et les pens\u00e9es de la nature, mais de comprendre ces \u00e9volutions dans toute leur complexit\u00e9, et donc dans cette perspective cumulative d\u2019additions, d\u2019enchev\u00eatrement. <\/p>\n\n\n\n

Nous \u00e9voquons \u00e0 un moment de l\u2019introduction la notion d\u2019\u00e9cheveau pour approcher la mani\u00e8re dont certaines pratiques h\u00e9rit\u00e9es des \u00e9poques pass\u00e9es viennent se m\u00ealer \u00e0 des pratiques nouvelles \u2014 conservation des for\u00eats ou du gibier par exemple.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Les auteurs et autrices qui ont \u00e9crit les diff\u00e9rents chapitres sur le rapport aux montagnes, \u00e0 la mer, \u00e0 tous ces \u00e9l\u00e9ments naturels qui ont fait l\u2019objet de profonds changements de regard, ont tous ou presque choisi une approche chronologique. Celle-ci permet de montrer que les deux derniers si\u00e8cles et demi ont bien \u00e9t\u00e9 des moments d\u2019intenses changements, de nombreuses nouveaut\u00e9s, mais de nouveaut\u00e9s qui ne s\u2019imposent pas brutalement. <\/p>\n\n\n\n

Elles se tissent pour former une nouvelle id\u00e9ologie qui, peu \u00e0 peu, prend une importance institutionnelle et finit par s’imposer, s’acc\u00e9l\u00e9rant \u00e0 certains moments, pour que ce rapport au monde se distingue finalement de ce qui se produisait au d\u00e9but du XVIIIe si\u00e8cle ou \u00e0 la p\u00e9riode moderne ant\u00e9rieure.<\/p>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

On retrouve souvent, dans le champ de l\u2019histoire environnementale, cette tension entre, d\u2019un c\u00f4t\u00e9, la perspective d\u2019une continuit\u00e9 entre nos probl\u00e9matiques actuelles et celles du pass\u00e9 \u2014 qui permet de battre en br\u00e8che l\u2019id\u00e9e d\u2019une rationalit\u00e9 pr\u00e9sente sup\u00e9rieure \u00e0 celles du pass\u00e9, quand celles-ci pensaient clairement les effets de l\u2019anthropisation sur les for\u00eats par exemple \u2014 ; et de l\u2019autre, une perspective qui met l\u2019accent sur la rupture \u2014 et montre par exemple que la pens\u00e9e du changement climatique des XVIIIe et XIXe si\u00e8cles, centr\u00e9e sur les for\u00eats, n\u2019est pas la n\u00f4tre, et que le changement climatique pr\u00e9sent ne pouvait gu\u00e8re \u00eatre conceptualis\u00e9 au XIXe si\u00e8cle, puisque les connaissances sur les gaz \u00e0 effet de serre \u00e9taient encore marginales.<\/p>\n\n\n\n

Les deux derniers si\u00e8cles et demi ont bien \u00e9t\u00e9 des moments de nombreuses nouveaut\u00e9s, mais qui ne s\u2019imposent pas brutalement. Elles se tissent pour former une nouvelle id\u00e9ologie qui, peu \u00e0 peu, prend une importance institutionnelle et finit par s’imposer. <\/p>Charles-Fran\u00e7ois Mathis<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Le texte de Christophe Bonneuil, qui forme comme une premi\u00e8re conclusion de l\u2019ouvrage, montre, \u00e0 travers un d\u00e9veloppement sur les r\u00e9flexivit\u00e9s plan\u00e9taires, que de nouvelles fa\u00e7ons de penser le changement climatique, la plan\u00e8te, la g\u00e9ographie ont fait surface tout au long des deux si\u00e8cles que nous traitons, mais de mani\u00e8re progressive, dans une logique de continuit\u00e9 et d\u2019\u00e9volution. Il ne s\u2019agit pas de dire qu\u2019il n\u2019existait pas de pens\u00e9e moderne sur le changement du climat ou sur les transformations \u00e0 grande \u00e9chelle, mais que ces pens\u00e9es ont \u00e9volu\u00e9 du fait d\u2019un grand nombre de facteurs \u00e9conomiques, sociaux, politiques, scientifiques qui s\u2019agr\u00e8gent au tournant du XIXe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

Un des chapitres de l\u2019ouvrage pointe l\u2019importance du protestantisme dans le d\u00e9veloppement d\u2019associations, de groupements de d\u00e9fense de la nature ou de l\u2019environnement, et dans le parcours personnel d\u2019un certain nombre de figures occidentales comme Jacques Ellul en France. Comment donc jouent ces ph\u00e9nom\u00e8nes de spiritualit\u00e9, et sont-ils univoques ?<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Il y a effectivement eu une tendance \u00e0 raconter l’histoire de l’\u00e9cologie en omettant le fait que les protestants y ont une place centrale. <\/p>\n\n\n\n

Les \u00e9tudes de Mark Stoll en particulier, par ailleurs auteur du chapitre sur ce sujet, sont extr\u00eamement importantes pour essayer de saisir ce qui, dans la pens\u00e9e protestante, am\u00e8ne \u00e0 produire une th\u00e9orie de l’\u00e9cologie. Mais Max Weber a montr\u00e9 que le protestantisme contenait aussi des germes favorables \u00e0 l\u2019\u00e9mergence du capitalisme. <\/p>\n\n\n\n

Il n’y a donc pas une essence \u00e9cologique et \u00e9cologiste dans le protestantisme. De m\u00eame, il n’y a pas un anti-\u00e9cologisme primaire dans le catholicisme, o\u00f9 la nature est aussi pens\u00e9e. Bernardin de Saint-Pierre, par exemple, au moment de la R\u00e9volution fran\u00e7aise, pense le tissu d’interrelations qui lie l\u2019homme et la nature. Chez les progressistes comme chez les r\u00e9actionnaires, on voit se dessiner une vraie pens\u00e9e catholique autour de la d\u00e9gradation de la nature et des inqui\u00e9tudes, notamment quant aux d\u00e9g\u00e2ts engendr\u00e9s par le progr\u00e8s.<\/p>\n\n\n\n

Protestantisme, catholicisme, d\u2019autres religions encore, ont aussi \u00e9t\u00e9 des foyers de r\u00e9flexions sur les questions \u00e9cologiques. La la\u00efcisation de nos soci\u00e9t\u00e9s tend \u00e0 nous faire oublier la centralit\u00e9 de la religion dans le champ intellectuel et dans la culture classique au XIXe si\u00e8cle et davantage encore au XVIIIe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Quand nous avons pens\u00e9 le plan de l’ouvrage, il \u00e9tait \u00e9vident pour nous qu’il fallait un chapitre traitant de cette question. Il y a effectivement un paradoxe saillant \u00e0 propos du rapport entre spiritualit\u00e9 et nature. <\/p>\n\n\n\n

Un article fondateur de 1967 de Lynn White, \u00ab The Historical Roots of Our Ecological Crisis<\/em> \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, incrimine le christianisme pour la crise environnementale d\u00e9j\u00e0 perceptible \u00e0 ce moment-l\u00e0. D\u00e8s la fin des ann\u00e9es 1960, un historien m\u00e9di\u00e9viste pointe donc du doigt l\u2019importance de la spiritualit\u00e9 dans la question \u00e9cologique, ici pour en d\u00e9noncer les cons\u00e9quences n\u00e9fastes. <\/p>\n\n\n\n

Pourtant, il y a eu ensuite peu d\u2019\u00e9tudes d’historiens de l’environnement sur le lien entre religion et nature. Mark Stoll vient donc combler un manque historiographique, et il faudrait qu\u2019il y ait bien plus d\u2019\u00e9tudes sur ces liens entre spiritualit\u00e9s, religions \u2014 y compris les diff\u00e9rents courants au sein d\u2019une m\u00eame religion comme le protestantisme \u2014 et les formes du rapport \u00e0 la nature et \u00e0 l\u2019\u00e9cologie.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019\u00e9tude des imaginaires am\u00e8ne \u00e9galement \u00e0 r\u00e9viser l\u2019id\u00e9e d\u2019une rupture pure et simple entre modernit\u00e9 et archa\u00efsme : on peut le voir notamment avec le cas des dauphins dans le chapitre sur la domination des mers et des oc\u00e9ans, qui de partenaires deviennent nuisibles, avant de devenir des esp\u00e8ces \u00e0 prot\u00e9ger, notamment du fait des activit\u00e9s touristiques.<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Dans le passage de l’extermination du bison \u00e0 sa protection en seulement quelques ann\u00e9es, on retrouve \u00e9galement cette dynamique. La lin\u00e9arit\u00e9 est d\u00e9construite par l\u2019\u00e9tude historique puisque le bison sauv\u00e9 est en fait pass\u00e9 par une phase de captivit\u00e9 qui a chang\u00e9 son comportement. L\u2019esp\u00e8ce prot\u00e9g\u00e9e et r\u00e9introduite au XXe si\u00e8cle n\u2019est donc plus v\u00e9ritablement la m\u00eame que celle extermin\u00e9e durant les ann\u00e9es 1870 aux \u00c9tats-Unis, l\u2019\u00e9limination du bison \u00e9tant alors un outil de la guerre contre les Am\u00e9rindiens. <\/p>\n\n\n\n

Les dauphins et les bisons sont un cas parmi d\u2019autres de cette illusion de continuit\u00e9, alors que la mani\u00e8re dont nous nous pr\u00e9occupons des dauphins aujourd\u2019hui n’a rien \u00e0 voir avec la mani\u00e8re dont on pouvait se pr\u00e9occuper des dauphins dans les soci\u00e9t\u00e9s de p\u00eacheurs de l’\u00e9poque moderne.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Comme le montre Violette Pouillard dans son chapitre, on ne peut pas comprendre ces animaux en d\u00e9connexion compl\u00e8te de leur environnement et de leurs \u00e9cosyst\u00e8mes. <\/p>\n\n\n\n

Les \u00e9cosyst\u00e8mes dans lesquels vivent les dauphins aujourd’hui n\u2019ont rien \u00e0 voir avec ce qu\u2019ils \u00e9taient il y a un ou deux si\u00e8cles, tant ils ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9grad\u00e9s. Il y a une sorte de limitation de leur espace de vie ou de leur capacit\u00e9 \u00e0 vivre pleinement leur vie de dauphin \u2014 ou, pour le cas \u00e9tudi\u00e9 par Violette Pouillard, de bison. <\/p>\n\n\n\n

Ce ne sont donc plus les m\u00eames animaux notamment parce qu\u2019ils n\u2019\u00e9voluent plus dans les m\u00eames milieux ; et par extension, du fait de la d\u00e9gradation de ces derniers, nos rapports avec ces animaux ont \u00e9galement \u00e9t\u00e9 substantiellement modifi\u00e9s.  <\/p>\n\n\n\n

Les ann\u00e9es 1960 et 1970 constituent dans l\u2019histoire politique le d\u00e9but de la mise en avant des questions \u00e9cologiques, mais sont aussi des moments d\u2019intensification ou de poursuite de l\u2019exploitation et de la transformation des natures occidentales. De m\u00eame, si le rapport touristique \u00e0 la nature est parfois pr\u00e9sent\u00e9 comme une mani\u00e8re de renouer avec celle-ci, il proc\u00e8de d\u2019un syst\u00e8me qui d\u00e9grade cette m\u00eame nature. Comment comprendre ces paradoxes ?<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Deux tendances coexistent tout au long du XXe si\u00e8cle. D’un c\u00f4t\u00e9, une mise en \u00e9conomie des espaces naturels et une marchandisation de ce d\u00e9sir de nature par le tourisme. De l’autre, une politisation qui remet en cause le syst\u00e8me rendant le tourisme possible, et qui appelle \u00e0 une reconnexion avec la nature que l\u2019on est en train de perdre et de d\u00e9grader. D’un c\u00f4t\u00e9, donc, une nature spectacle, et de l’autre, une nature politique, qui am\u00e8ne \u00e0 l’\u00e9cologie politique des ann\u00e9es 1960 et 1970 imposant de repenser enti\u00e8rement nos mani\u00e8res de faire soci\u00e9t\u00e9 pour pouvoir laisser une place aux autres \u00eatres vivants et pr\u00e9server la qualit\u00e9 des paysages et des milieux. <\/p>\n\n\n\n

Le tourisme, qui est en partie port\u00e9 par un d\u00e9sir de reconnexion \u00e0 la nature, participe en m\u00eame temps d\u2019une forme de d\u00e9politisation de la nature. Il offre, gr\u00e2ce \u00e0 une croissance qui permet la massification du tourisme et la lib\u00e9ration de temps libre, de se \u00ab reconnecter \u00bb \u00e0 une nature qui est d\u00e9grad\u00e9e par cette m\u00eame croissance. C\u2019est ce que d\u00e9non\u00e7ait d\u00e9j\u00e0 Bernard Charbonneau dans ses \u00e9crits des ann\u00e9es 1970 et 1980.<\/p>\n\n\n\n

En somme, le tourisme est l’une des incarnations du rapport moderne \u00e0 la nature et est compl\u00e9mentaire des autres rapports extractiviste, protectionniste ou de destruction de ces espaces. \u00c0 partir du moment o\u00f9 la nature n’est plus per\u00e7ue comme un lieu de vie au quotidien, du fait de la massification de l’urbanisation, il y a, encore une fois, une forme de d\u00e9connexion qui s’op\u00e8re.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

La nature est distanci\u00e9e, tant\u00f4t comme un objet scientifique, tant\u00f4t comme objet de d\u00e9sir ou d’appr\u00e9ciation esth\u00e9tique, amenant au d\u00e9veloppement du tourisme et aux ph\u00e9nom\u00e8nes de protection de la nature. Elle est, dans le m\u00eame mouvement, per\u00e7ue comme une ressource qu’on exploite pour assurer des modes de vie tout aussi confortables que destructeurs. Ces deux ph\u00e9nom\u00e8nes vont de pair, et sont les deux faces de la modernit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Le tourisme est une des incarnations du rapport moderne \u00e0 la nature et est compl\u00e9mentaire des autres rapports extractiviste, protectionniste ou de destruction de ces espaces.<\/p>Steve Hagimont<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Cette tension entre une nature spectacle et une nature porteuse de \u00ab radicalit\u00e9 \u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019une vision qui implique de r\u00e9aliser des changements politiques majeurs, traverse finalement toute notre p\u00e9riode. <\/p>\n\n\n\n

On trouve tr\u00e8s t\u00f4t, d\u00e8s le XIXe si\u00e8cle, une mise en patrimoine de la nature mais aussi, parall\u00e8lement, des id\u00e9ologies et des personnes, certes marginales, mais qui revendiquent un autre rapport \u00e0 la nature, qui serait porteur d’une nouvelle organisation sociale, d\u2019une \u00e9conomie transform\u00e9e, d\u2019un lien diff\u00e9rent au monde. On peut penser aux artistes naturiens de la fin du XIXe si\u00e8cle \u00e0 Montmartre, ou \u00e0 l\u2019\u00e9co-socialiste William Morris, voire \u00e0 George Sand. C\u2019est finalement cette id\u00e9e, avanc\u00e9e par Bernard Charbonneau et Jacques Ellul dans leur texte de 1937, \u00ab Le Sentiment de la nature, force r\u00e9volutionnaire \u00bb <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, que nous sommes des r\u00e9volutionnaires malgr\u00e9 nous, qui est \u00e9galement port\u00e9e par d\u2019autres auteurs ant\u00e9rieurs comme \u00c9lis\u00e9e Reclus.<\/p>\n\n\n\n

Un autre aspect de la d\u00e9politisation des questions \u00e9cologiques est plus ancien, et a trait \u00e0 la gestion de la nature colonis\u00e9e par les Empires. La logique de la conservation, aujourd\u2019hui encore tr\u00e8s populaire, est r\u00e9alis\u00e9e tr\u00e8s souvent au d\u00e9triment des populations colonis\u00e9es ou autochtones, et par une lecture erron\u00e9e de la nature de la part des colons. Pouvez-vous revenir sur cet aspect, qui est \u00e9galement au c\u0153ur de la naissance de l\u2019histoire environnementale, notamment chez Richard White ou William Cronon.<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis<\/h4>\n\n\n\n

La protection de la nature telle qu’elle est port\u00e9e par les Occidentaux en l’occurrence, notamment en Afrique, repose sur une vision particuli\u00e8re de ce continent et de la nature africaine, qui serait une nature sans homme. Cette vision a \u00e9t\u00e9 reprise par les \u00c9tats africains apr\u00e8s les ind\u00e9pendances, pour obtenir des soutiens, financiers et politiques, de grandes institutions internationales comme l’UNESCO, pour cr\u00e9er des parcs ou les entretenir. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019\u00e9tait une mani\u00e8re pour ces \u00c9tats d\u2019affirmer leur l\u00e9gitimit\u00e9 internationale, de favoriser le tourisme, mais aussi de contr\u00f4ler certains pans de leur territoire au d\u00e9triment des populations locales qui en \u00e9taient souvent exclues parce que ces lieux devaient \u00eatre des espaces vierges de toute interf\u00e9rence humaine, alors que dans la r\u00e9alit\u00e9, ils sont profond\u00e9ment anthropis\u00e9s, et ce depuis des si\u00e8cles. Ce sont des ph\u00e9nom\u00e8nes que l\u2019historien Guillaume Blanc met tr\u00e8s bien en \u00e9vidence, notamment dans son ouvrage L\u2019invention du colonialisme vert<\/em> <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Dans cette pens\u00e9e de la conservation, on retrouve des \u00e9l\u00e9ments de continuit\u00e9 avec la pens\u00e9e foresti\u00e8re du XVIIIe si\u00e8cle. Ce terme de conservation y prend une importance consid\u00e9rable, avec l’id\u00e9e que l\u2019on peut \u00e0 la fois sauvegarder une certaine qualit\u00e9 de nature mais, en plus de cela, l’am\u00e9liorer. <\/p>\n\n\n\n

Par la bonne connaissance des milieux, par le savoir des ing\u00e9nieurs, par les savoirs scientifiques, les administrations en m\u00e9tropole et dans les colonies peuvent diffuser de meilleures pratiques dans le rapport \u00e0 la nature et donc r\u00e9ussir \u00e0 concilier ce qui appara\u00eet aujourd’hui comme difficilement conciliable \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire l’expansion \u00e9conomique et la protection des milieux. <\/p>\n\n\n\n

Il s\u2019agit finalement d\u2019am\u00e9liorer cette nature afin qu’elle puisse \u00e0 la fois \u00eatre conserv\u00e9e et donner plus de produits, permettant l’enrichissement des populations locales ou coloniales. Pour ce faire, l\u2019administration se confronte \u00e0 des usages autochtones qu\u2019elle juge presque syst\u00e9matiquement archa\u00efques, routiniers et pr\u00e9judiciables pour la nature.<\/p>\n\n\n\n

Cette fa\u00e7on qu\u2019ont les pays occidentaux et colonisateurs de se pr\u00e9senter comme plus rationnels ou responsables est largement d\u00e9nonc\u00e9e par les diff\u00e9rents mouvements qui revendiquent la d\u00e9fense d\u2019une justice environnementale.  Qu\u2019il s\u2019agisse des femmes, des classes populaires, ou m\u00eame des animaux, il semble qu\u2019aux revendications pour plus de justice soit toujours oppos\u00e9e la stigmatisation \u2014 ce sont les classes populaires qui polluent, ou qui maltraitent les animaux, et qu\u2019il faut \u00e9duquer \u2014 face \u00e0 la rationalit\u00e9, et aux logiques de conservation. Cette rationalit\u00e9 s\u2019applique finalement \u00e0 diviser l\u2019espace \u2014 certains sont productifs, d\u2019autres sont \u00e0 pr\u00e9server \u2014 pour mieux en intensifier l\u2019usage. Pourriez-vous revenir sur cette logique de domination, qui s\u2019impose le plus souvent par une revendication de la rationalit\u00e9 ?<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

C’est une tension que l’on retrouve effectivement constamment. L\u2019administration, les entreprises, notamment \u00e0 travers l\u2019utilisation du savoir d\u2019un certain nombre d\u2019ing\u00e9nieurs, se substituent aux pratiques populaires au nom d’une rationalit\u00e9 sup\u00e9rieure, rationalit\u00e9 \u00e0 la fois \u00e9conomique et scientifique. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019exemple des botanistes est int\u00e9ressant puisque ceux qui sont consid\u00e9r\u00e9s comme des scientifiques vont \u00eatre majoritairement des hommes, tandis que les femmes, \u00ab herboristes \u00bb, vont voir leurs pratiques disqualifi\u00e9es. On constate ainsi une disqualification, ou une appropriation plus g\u00e9n\u00e9rale d’un certain nombre de savoirs et de pratiques populaires autour des plantes et de leur culture.<\/p>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Cela se retrouve au sein des usines \u00e9galement. Nous ne le d\u00e9veloppons pas vraiment dans l\u2019ouvrage, mais dans les forges en France par exemple, les pratiques ouvri\u00e8res permettant de faciliter le travail vont \u00eatre syst\u00e9matiquement disqualifi\u00e9es ou appropri\u00e9es par les ing\u00e9nieurs. Les industriels d\u00e9pendent de ces techniques, et emploient des personnes qui se sont transmis ce savoir de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration. <\/p>\n\n\n\n

Petit \u00e0 petit, un savoir scientifique tente de rationaliser et vise \u00e0 homog\u00e9n\u00e9iser et standardiser les productions. Il y a donc une tension dans le processus de modernisation des savoirs populaires, qui vont \u00eatre analys\u00e9s \u2014 disqualifi\u00e9s pour certains, appropri\u00e9s pour d\u2019autres \u2014 et int\u00e9gr\u00e9s dans un discours qui permet finalement de se passer de ces savoirs et de leurs d\u00e9tenteurs, pour finalement standardiser les productions.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019administration, les entreprises, notamment \u00e0 travers l\u2019utilisation du savoir d\u2019un certain nombre d\u2019ing\u00e9nieurs, se substituent aux pratiques populaires au nom d’une rationalit\u00e9 sup\u00e9rieure, \u00e0 la fois \u00e9conomique et scientifique.<\/p>Charles-Fran\u00e7ois Mathis<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Anna Trespeuch-Berthelot en parle pour les femmes. Les pratiques et savoirs f\u00e9minins vont \u00eatre finalement des cibles cl\u00e9 de l’industrialisation et de la soci\u00e9t\u00e9 de consommation, o\u00f9 ils vont \u00eatre appropri\u00e9s et modifi\u00e9s un \u00e0 un. <\/p>\n\n\n\n

Il ne s\u2019agit \u00e9videmment pas d\u2019id\u00e9aliser les t\u00e2ches et corv\u00e9es domestiques, mais il est int\u00e9ressant de voir comment des savoirs scientifiques vont nier aux pratiques populaires, f\u00e9minines, toute forme de rationalit\u00e9, alors qu\u2019en les analysant de plus pr\u00e8s, notamment lorsque l\u2019on \u00e9tudie les pratiques agricoles traditionnelles dans les campagnes, on observe qu\u2019elles peuvent \u00eatre efficaces et sont m\u00eame assez impressionnantes pour leur \u00e9poque.<\/p>\n\n\n\n

Dans le chapitre sur \u00ab Les soci\u00e9t\u00e9s occidentales, l\u2019atmosph\u00e8re et le climat \u00bb, vous montrez l\u2019importance de la vision de l\u2019Orient comme lieu de l\u2019effondrement climatique d\u00e9j\u00e0 advenu. Il y a plus largement une circulation des savoirs scientifiques, des r\u00e9cits de voyage des territoires et pays colonis\u00e9s vers les m\u00e9tropoles. Cette circulation a-t-elle eu des cons\u00e9quences sur la gestion du territoire m\u00e9tropolitain lui-m\u00eame ?  <\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

On a des allers retours depuis le XVIIIe si\u00e8cle autour du cas de l’\u00eele de France, future \u00eele Maurice, o\u00f9 Pierre Poivre, administrateur colonial, se rend avec des arri\u00e8re-pens\u00e9es tout \u00e0 fait strat\u00e9giques : reprendre en main l\u2019\u00eele et ses plantations pour les int\u00e9r\u00eats de la marine. <\/p>\n\n\n\n

Il pointe alors la responsabilit\u00e9 de l’\u00e9conomie de plantation sur place dans la d\u00e9sertification (on parle alors de \u00ab dessiccation \u00bb) de l\u2019\u00eele. Cette pens\u00e9e va revenir, en partie par Pierre Poivre et par Bernardin de Saint-Pierre, en m\u00e9tropole, et s’articuler aux nouvelles connaissances sur la photosynth\u00e8se pour nourrir un discours extr\u00eamement alarmiste sur les cons\u00e9quences \u00e0 craindre du d\u00e9boisement sur le climat de la France m\u00e9tropolitaine.<\/p>\n\n\n\n

Cette pens\u00e9e quelque peu catastrophiste sur les effets de la d\u00e9forestation a cours durant la quasi-totalit\u00e9 du XIXe si\u00e8cle. Il y a des allers retours constants entre ce que les colons pensent constater dans les colonies du Maghreb \u2014 cette d\u00e9sertification qu\u2019ils attribuent aux populations locales \u2014 et les craintes autour du d\u00e9boisement des montagnes. On craint en effet qu’elles ne causent les catastrophes auxquelles on assiste \u00e0 partir du milieu du XIXe si\u00e8cle, notamment les p\u00e9riodes de crues torrentielles qui correspondent \u00e0 la fin du petit \u00e2ge glaciaire.<\/p>\n\n\n\n

Ce catastrophisme s\u2019articule \u00e0 une certaine philosophie de l’histoire qui pense que cet environnement d\u00e9grad\u00e9 de l\u2019Orient est le reflet du d\u00e9clin des civilisations orientales et pourrait \u00eatre le futur de l\u2019Occident si on ne pr\u00eatait pas attention \u00e0 la mani\u00e8re dont l\u2019environnement est trait\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Une pens\u00e9e quelque peu catastrophiste sur les effets de la d\u00e9forestation a cours durant la quasi-totalit\u00e9 du XIXe si\u00e8cle.<\/p>Steve Hagimont<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

On retrouve cela chez George Perkins Marsh, dans l’ouvrage Man and nature<\/em> de 1864 <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span> qui traite justement de l\u2019impact direct et indirect des soci\u00e9t\u00e9s humaines sur l’environnement \u00e0 travers diff\u00e9rents objets et diff\u00e9rents lieux, et qui s’appuie sur beaucoup d’exemples coloniaux. La question des for\u00eats est en tout cas le lieu o\u00f9 l\u2019on observe le plus ces allers-retours. <\/p>\n\n\n\n

Sans parler du catastrophisme \u00e9voqu\u00e9 \u00e0 l\u2019instant par Steve, ces allers-retours de connaissances des territoires et des v\u00e9g\u00e9taux se retrouvent \u00e9galement avec l\u2019importation de la flore et de v\u00e9g\u00e9taux divers en m\u00e9tropole depuis les colonies, ce que pr\u00e9sente H\u00e9l\u00e8ne Blais dans l\u2019ouvrage.<\/p>\n\n\n\n

La guerre est \u00e9galement un autre champ du d\u00e9veloppement et de la revendication d\u2019une rationalit\u00e9 sp\u00e9cifique. Dans un des chapitres de votre ouvrage, Jean-Baptiste Fressoz argue que les sciences environnementales ont d\u2019abord servi \u00e0 faire la guerre de mani\u00e8re plus efficace, en produisant des connaissances sur le territoire de l\u2019ennemi, sur les trajectoires d\u2019obus … Cette ambivalence primordiale jette-t-elle un soup\u00e7on de discr\u00e9dit sur une science aujourd\u2019hui mobilis\u00e9e par les mouvements \u00e9cologistes ?<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis<\/h4>\n\n\n\n

La science \u00e9cologique s’est effectivement d\u00e9velopp\u00e9e \u00e0 l’occasion de la conqu\u00eate imp\u00e9riale parce que celle-ci permettait une d\u00e9couverte massive de la flore, de la faune, etc. Elle a pu faciliter l’implantation de certains colons, le d\u00e9veloppement de certaines cultures. Mais elle n’est pas seulement li\u00e9e au d\u00e9veloppement d’une science militaire ou imp\u00e9riale, bien entendu. <\/p>\n\n\n\n

Ce que montre Jean-Baptiste Fressoz dans ce chapitre sur les sciences environnementales, c’est comment les guerres ont pu acc\u00e9l\u00e9rer<\/em> le d\u00e9veloppement de certains savoirs sur l’environnement ou certaines techniques de brutalisation de la nature. C’est une certitude. La science du climat et la science m\u00e9t\u00e9orologique, par exemple, ont connu un d\u00e9veloppement massif lors de la guerre froide pour pouvoir mieux contr\u00f4ler l\u2019espace et faciliter les trajectoires d\u2019obus. <\/p>\n\n\n\n

Pour autant, \u00e0 mes yeux, la science ne peut n\u00e9anmoins \u00eatre r\u00e9duite aux usages que l\u2019on en fait, et les sciences du climat permettent aujourd\u2019hui de comprendre et de rem\u00e9dier au d\u00e9r\u00e8glement climatique. J\u2019ai entendu parfois des voix s\u2019en prendre \u00e0 la science parce qu\u2019elle facilite le contr\u00f4le du vivant : s\u2019il y a des exp\u00e9rimentations qui doivent \u00eatre imp\u00e9rativement encadr\u00e9es, bien entendu, ce serait folie que de vouloir restreindre le d\u00e9veloppement des connaissances sur le monde.   <\/p>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Une partie des connaissances dont nous nous servons aujourd\u2019hui pour comprendre la Terre a des liens avec la colonisation, l\u2019imp\u00e9rialisme et la guerre. Mais les origines et usages pass\u00e9s ne les condamnent pas \u00e0 pr\u00e9sent. D\u00e8s lors que ces sciences, du fait m\u00eame des r\u00e9sultats auxquelles elles aboutissent, remettent en cause les int\u00e9r\u00eats des \u00c9tats, des arm\u00e9es et du statu quo<\/em> \u00e9conomique, elles deviennent une menace \u00e0 contr\u00f4ler si ce n\u2019est \u00e0 faire taire.<\/p>\n\n\n\n

Dans votre avant derni\u00e8re partie, vous d\u00e9fendez l\u2019id\u00e9e que la mani\u00e8re toujours tr\u00e8s quantitative de traiter la crise climatique, notamment avec le principe d\u2019internalisation des externalit\u00e9s, s\u2019inscrit dans la m\u00eame logique que les probl\u00e8mes auxquels nous faisons aujourd\u2019hui face : il s\u2019agit de r\u00e9duire la nature \u00e0 un ensemble de ressources quantifiables, une logique qui semble \u00e9galement pr\u00e9gnante dans un certain nombre de concepts tr\u00e8s populaires, comme l\u2019id\u00e9e du \u00ab d\u00e9veloppement durable \u00bb. C\u2019est en fait dans nos concepts m\u00eame, notamment dans celui, central, de l\u2019\u00e9nergie, que cette logique se retrouve. Disposons-nous d\u2019outils, de concepts, qui puissent contrecarrer cette logique ?<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Pour reprendre les cat\u00e9gories de Philippe Descola, on ne va pas, du jour au lendemain, adopter une vision tot\u00e9mique, animiste ou analogique du monde. Je pense qu’on ne peut pas compl\u00e8tement sortir du naturalisme qui caract\u00e9riserait notre \u00e9poque selon Descola, si tant est qu’il soit effectivement g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9. C\u2019est \u00e0 mon avis dans le cadre naturaliste qu\u2019il nous faut essayer de d\u00e9couvrir les moyens d\u2019approcher le monde naturel autrement que comme une ressource.<\/p>\n\n\n\n

Nous pouvons trouver dans le pass\u00e9 des outils, des mani\u00e8res de penser qui permettraient cela. Comme le disait Steve plus t\u00f4t, des pens\u00e9es alternatives du rapport \u00e0 la nature, y compris dans ce cadre naturaliste, existent et peuvent servir d\u2019appui. <\/p>\n\n\n\n

Je travaille actuellement sur la pens\u00e9e de William Morris (1834-1896), po\u00e8te, designer, artiste, \u00e9co-socialiste : il me semble parfaitement incarner ces figures qui, sans s\u2019affranchir d\u2019un rapport au monde dualiste, proposent d\u2019autres fa\u00e7ons d\u2019\u00eatre sur terre, en vitup\u00e9rant en l\u2019occurrence la soci\u00e9t\u00e9 capitaliste et la soci\u00e9t\u00e9 de consommation \u00e0 laquelle elle donne naissance. Son roman Nouvelles de Nulle Part<\/em> (1891) <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> propose une alternative utopiste, que nous \u00e9voquons dans La Terre perdue<\/em>. <\/p>\n\n\n\n

Je crois de plus en plus en la valeur des utopies pour essayer de penser autrement : l\u2019historien Michael Rawson a \u00e9tudi\u00e9 les fa\u00e7ons dont les Europ\u00e9ens anticipent leur futur environnemental depuis cinq si\u00e8cles dans The Nature of Tomorrow<\/em>, publi\u00e9 en 2021 <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et a montr\u00e9 les le\u00e7ons que nous pouvons en tirer pour penser notre propre avenir. Il nous faut donc aussi bien nous appuyer sur les utopies qui existent et qui, dans le pass\u00e9, ont propos\u00e9 des voies fertiles, qu\u2019envisager d’en \u00e9crire de nouvelles. <\/p>\n\n\n\n

Il me semble qu\u2019il y a une fertilit\u00e9 de l’imaginaire humain qui peut permettre de proposer des pistes pour se projeter autrement dans le monde naturel, et qu\u2019en ce sens, l\u2019art, la litt\u00e9rature, ont un r\u00f4le non n\u00e9gligeable \u00e0 jouer. Apr\u00e8s tout, les techno-solutionnistes parient sur l\u2019ing\u00e9niosit\u00e9 humaine pour r\u00e9soudre tous les probl\u00e8mes par la technique : ne pourrions-nous pas avoir les m\u00eames espoirs en mati\u00e8re d\u2019organisation sociale, de cr\u00e9ation de valeurs autres que simplement mon\u00e9taires et mat\u00e9rialistes ?<\/p>\n\n\n\n

Il nous faut aussi bien nous appuyer sur les utopies qui existent et qui, dans le pass\u00e9, ont propos\u00e9 des voies fertiles, qu\u2019envisager d’en \u00e9crire de nouvelles.<\/p>Charles-Fran\u00e7ois Mathis<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

C’est une question extr\u00eamement importante. Nous h\u00e9ritons d’une pens\u00e9e qui d\u00e9coupe le monde en ressources, en entit\u00e9s bien identifi\u00e9es, avec des fronti\u00e8res bien d\u00e9finies. Et je crois que nous avons bien conscience, aujourd’hui, que cette fa\u00e7on de voir le monde comme un ensemble de ressources qu\u2019on pourrait s\u00e9parer les unes des autres sans causer de dommage est absurde et dangereuse. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est cette vision qui, en n\u00e9gligeant les interactions entre les entit\u00e9s qui composent la Terre, certaines \u00e9tant constitu\u00e9es en ressources pour les besoins humains, a enclench\u00e9 un certain nombre de m\u00e9canismes plus ou moins irr\u00e9versibles.<\/p>\n\n\n\n

Les sciences sociales sont extr\u00eamement importantes dans cette d\u00e9marche pour penser non plus un ensemble d\u2019\u00e9l\u00e9ments isol\u00e9s, mais un tissu de relations sur lequel les actions humaines ont des effets incertains et diffus. M\u00eame en continuant \u00e0 penser culture et nature de mani\u00e8re dualiste, se demander quelles sont les relations entre ces \u00e9l\u00e9ments, ce qu\u2019elles mettent en jeu, les effets de l\u2019exploitation de tel ou tel sol, animal, v\u00e9g\u00e9tal, constitue d\u00e9j\u00e0 une voie pour sortir de l\u2019impasse dans laquelle nous nous trouvons. <\/p>\n\n\n\n

La pens\u00e9e relationnelle est extr\u00eamement importante et pourrait \u00eatre reli\u00e9e aux tentatives de pens\u00e9es syst\u00e9miques qui ont fait flor\u00e8s dans les ann\u00e9es 1970 et qui ont \u00e9t\u00e9 quelque peu oubli\u00e9es, notamment du fait des tentatives de math\u00e9matisation qui ont parfois confin\u00e9 \u00e0 l\u2019absurde.<\/p>\n\n\n\n

Il y a autre chose qui est important pour le pr\u00e9sent, c’est d’avoir conscience que l’histoire n’est pas simplement du pass\u00e9, c’est un pass\u00e9 qui p\u00e8se \u00e0 pr\u00e9sent et qui conditionne notre avenir. Le poids des h\u00e9ritages, de nos h\u00e9ritages mat\u00e9riels, de nos h\u00e9ritages institutionnels p\u00e8se aussi sur notre avenir.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Dans cette pens\u00e9e relationnelle, un autre \u00e9l\u00e9ment essentiel est la mise en avant de la mat\u00e9rialit\u00e9, qui me semble avoir \u00e9t\u00e9 perdue et invisibilis\u00e9e. Il faut rendre visible \u00e0 nouveau, au quotidien, autant que possible, ce que signifie \u00eatre sur terre ou vivre sur terre dans un tissu de relations entre humains, avec le reste du vivant, dans un milieu. <\/p>\n\n\n\n

C’est pour cela que le dernier mot de l’ouvrage est \u00ab retrouvailles \u00bb : car c\u2019est bien de cela qu\u2019il s\u2019agit ; retrouver le sens d\u2019une communaut\u00e9 de destins, et cesser de croire que nous vivons hors-sol. Chacun de nos gestes, si b\u00e9nins soient-ils, p\u00e8sent sur nos environnements, parfois les plus lointains, et nous ne pouvons ni ne devons plus l\u2019ignorer.<\/p>\n\n\n\n

La r\u00e9duction du monde \u00e0 un ensemble de quantit\u00e9s, \u00e0 des chiffres, l\u2019oubli de la qualit\u00e9 des \u00eatres vivants qui peuplent notre plan\u00e8te, peut certes se retrouver \u00e9galement dans les approches du GIEC et de toutes les personnes et organismes qui fournissent effectivement des donn\u00e9es permettant de quantifier des ressources naturelles, des \u00e9missions \u2026 Il s\u2019agit bien d\u2019une vision r\u00e9ductrice du monde, mais dans la mesure o\u00f9 il s\u2019agit d\u2019une n\u00e9gociation \u00e0 plus de 190 pays, il faut bien trouver un d\u00e9nominateur commun et des objectifs qui soient suffisamment clairs pour pouvoir \u00eatre, ou esp\u00e9rer \u00eatre, atteignables. Dans ce cas, la quantification, les chiffres, permettent de tracer des trajectoires, de proposer des objectifs qui sont clairs, qui peuvent \u00eatre relativement consensuels. Ce n\u2019est peut-\u00eatre pas la meilleure des mani\u00e8res, mais c’est peut-\u00eatre la seule envisageable \u00e0 un tel niveau.<\/p>\n\n\n\n

Science, approches quantitatives, la question est finalement celle de l\u2019utilisation d\u2019outils qui ont servi \u00e0 la ma\u00eetrise et \u00e0 la d\u00e9pr\u00e9dation de la nature pour contrecarrer les effets de ces m\u00eames pratiques. Un autre exemple est celui du droit et de la propri\u00e9t\u00e9 priv\u00e9e. Dans son chapitre, Jean B\u00e9rard montre que le droit \u00ab fourmille d\u2019\u00eatres naturels \u00bb. Peut-on donc se servir des outils de domination de la nature \u00e0 bon escient ?<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Jean B\u00e9rard montre tr\u00e8s bien dans ses travaux toute l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 du droit dans son rapport \u00e0 l\u2019environnement : sur une r\u00e8gle g\u00e9n\u00e9rale d\u2019appropriation et d\u2019exploitation, il b\u00e2tit de multiples contraintes et formes de protection. <\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s lors, que faire ? On ne va pas changer notre syst\u00e8me juridique de fond en comble. Ce serait une r\u00e9volution telle qu’elle serait difficilement acceptable pour beaucoup. <\/p>\n\n\n\n

Alors, m\u00eame si le droit actuel a bien une faiblesse structurelle, il faut peut-\u00eatre essayer de trouver des failles pour, progressivement, renforcer le droit de l’environnement en essayant de jouer un peu sur ces failles, sur ces \u00ab plis \u00bb comme les appelle Jean B\u00e9rard. Cela peut passer par des contraintes nouvelles, notamment sur le droit de propri\u00e9t\u00e9 \u2014 qu\u2019il faut manier avec pr\u00e9caution, car on peut tr\u00e8s bien le consid\u00e9rer comme une libert\u00e9 fondamentale. On peut imaginer ainsi des servitudes nouvelles de propri\u00e9t\u00e9 pour prot\u00e9ger des entit\u00e9s naturelles absolument essentielles dont il faut assurer la survie. On peut aussi songer \u00e0 la cr\u00e9ation d\u2019un droit des non-humains dans la continuit\u00e9 des penseurs du droit animalier depuis le d\u00e9but du XXe si\u00e8cle et dans la continuit\u00e9 des travaux de Christopher Stone depuis 1972 et de son ouvrage Should Trees Have Standing ?<\/em> <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>. <\/p>\n\n\n\n

Le droit est une structure fondamentale de nos soci\u00e9t\u00e9s, il dit ce qu\u2019elles sont et comment elles doivent agir : il faut le manier avec pr\u00e9caution, car ces d\u00e9bats deviennent vite, et \u00e0 raison, conflictuels.<\/p>\n\n\n\n

Alors que la revendication d\u2019une rationalit\u00e9 sup\u00e9rieure, scientifique, est centrale pour la domination de la nature, il est frappant d\u2019observer que, dans la sant\u00e9 comme dans la gestion du risque, l\u2019oubli pr\u00e9vaut sur l\u2019adoption de mesures permettant de diminuer les vuln\u00e9rabilit\u00e9s. Des catastrophes comme celles de la r\u00e9gion de Valence<\/a> ou de Los Angeles n\u2019ont pas conduit \u00e0 une action \u00e9tatique forte.<\/h3>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Il y avait, jusqu\u2019\u00e0 r\u00e9cemment, l’id\u00e9e que, tant que les effets du changement climatique et de la d\u00e9gradation g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e de l’environnement ne seraient pas sensibles dans les soci\u00e9t\u00e9s occidentales, on n\u2019agirait pas. En revanche, au moment o\u00f9 ces effets se pr\u00e9senteraient, quand les catastrophes se multiplieraient, devant l’\u00e9vidence du danger, on se mobiliserait. <\/p>\n\n\n\n

Ce qui se passe, c’est que dans les territoires o\u00f9 se produisent ces grandes catastrophes, il y a plut\u00f4t une tendance au d\u00e9ni, voire \u00e0 la stigmatisation des scientifiques, des \u00e9cologistes, de celles et ceux qui avaient alert\u00e9 sur les dangers. C\u2019est le cas aux \u00c9tats-Unis avec les m\u00e9ga-feux de Los Angeles, dont la gravit\u00e9 serait la faute de la protection d\u2019une esp\u00e8ce de poissons qui aurait limit\u00e9 les ressources en eau. C\u2019est aussi le cas dans la r\u00e9gion de Valence ou dans le nord de la France, qui a subi plusieurs inondations en 2024.<\/p>\n\n\n\n

C’est ce que l’on retrouve aussi en partie dans la crise agricole o\u00f9 la vuln\u00e9rabilit\u00e9 du secteur agricole face aux march\u00e9s mondiaux et aux effets futurs du changement climatique ne produit pas un discours \u00e9cologiste mais au contraire la d\u00e9signation de l\u2019\u00e9cologie et de ses d\u00e9fenseurs comme l\u2019ennemi principal. <\/p>\n\n\n\n

Dans les territoires o\u00f9 se produisent des grandes catastrophes \u2014 Los Angeles, Valence \u2014, il y a plut\u00f4t une tendance au d\u00e9ni, voire \u00e0 la stigmatisation des scientifiques, des \u00e9cologistes, de celles et ceux qui avaient alert\u00e9 sur les dangers.<\/p>Steve Hagimont<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La rationalit\u00e9 que l’on aurait pu imaginer surgir de la catastrophe n\u2019advient pas. Il s\u2019agit d\u2019une des interrogations du chapitre sur les catastrophes. <\/p>\n\n\n\n

On tend \u00e0 imaginer que les soci\u00e9t\u00e9s anciennes sont des soci\u00e9t\u00e9s fatalistes devant les catastrophes qui seraient l’\u0153uvre de Dieu. Cette vision est d\u2019abord tout \u00e0 fait r\u00e9ductrice, mais elle obstrue de plus notre capacit\u00e9 \u00e0 remettre en question nos propres choix. Ne sommes-nous pas nous-m\u00eames des fatalistes, puisque seule l\u2019adaptation est envisag\u00e9e, tandis que le traitement des causes de la catastrophe climatique fait l\u2019objet d\u2019un refus d\u2019obstacle ? <\/p>\n\n\n\n

De mani\u00e8re plus frappante encore, certains instrumentalisent la crise climatique pour renforcer le business as usual, <\/em>au nom de l\u2019innovation et de la puissance du march\u00e9, et l\u2019ordre politique et \u00e9conomique en place.<\/p>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

Je pense que ce refus d\u2019affronter les d\u00e9fis est l\u2019un des points centraux des probl\u00e8mes actuels. Nous savons, c\u2019est \u00e9tabli scientifiquement, que le r\u00e9chauffement climatique provoque des troubles climatiques, et est responsable des catastrophes auxquelles nous assistons. Mais la causalit\u00e9 n\u2019est pas imm\u00e9diatement tangible pour les populations, y compris pour les victimes de ces catastrophes. Et du fait de cette abstraction, il est plus compliqu\u00e9 d\u2019appeler \u00e0 la mobilisation, ou de voir des personnes s\u2019engager spontan\u00e9ment.<\/p>\n\n\n\n

De plus, du fait de cette complexit\u00e9, de cette abstraction, de l\u2019ampleur du probl\u00e8me, l\u2019ignorance est pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e \u00e0 une action qui semble impossible. Des \u00e9tudes int\u00e9ressantes montrent que les populations qui sont dans une vall\u00e9e \u00e0 quelques kilom\u00e8tres d\u2019un barrage sont tr\u00e8s inqui\u00e8tes parce qu’elles craignent qu’il casse et qu’elles soient noy\u00e9es, tandis que celles qui sont au pied du barrage, au plus pr\u00e8s, finissent par \u00e9luder le risque pour se prot\u00e9ger psychologiquement contre l\u2019angoisse constante du danger. Je crains que nous n\u2019en soyons un peu l\u00e0 aujourd\u2019hui, dans un aveuglement et une fuite en avant\u2026<\/p>\n\n\n\n

Pour un habitant de la r\u00e9gion de Valence ou de Los Angeles dont la maison a \u00e9t\u00e9 d\u00e9truite et qui peut la reconstruire parce qu\u2019il est assur\u00e9, parce qu\u2019il en a les moyens, que choisir ? Changer compl\u00e8tement son mode de vie, ou revenir \u00e0 l\u2019identique ou presque ? <\/p>\n\n\n\n

Il faut un courage politique immense pour effectuer ces changements, et il faut \u00e9galement des solutions qui parfois manquent. Donc plut\u00f4t que d\u2019agir concr\u00e8tement, en profondeur, on pr\u00e9f\u00e8re proposer quelques ajustements, voire oublier. C\u2019est en cela qu\u2019on assiste aussi \u00e0 cette \u00ab fait-diversification \u00bb qu\u2019Anne-Claude Ambroise-Rendu d\u00e9crit dans son chapitre. On parle des catastrophes, du nombre de morts et des d\u00e9g\u00e2ts sur les infrastructures, on diffuse quelques images choc, puis on retourne \u00e0 la vie quotidienne, ou bien un autre \u00e9v\u00e9nement catastrophique vient prendre la place du pr\u00e9c\u00e9dent.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019heure o\u00f9 Donald Trump combat la science<\/a>, en particulier la science climatique, jusqu\u2019\u00e0 en effacer les donn\u00e9es, et o\u00f9, plus largement, l\u2019\u00e9cologie fait l\u2019objet d\u2019un stigmate et d\u2019attaques constantes, notamment en France, souscrivez-vous, en tant qu\u2019historiens, \u00e0 cette id\u00e9e d\u2019un \u00ab backlash<\/em> \u00bb face \u00e0 la question \u00e9cologique ?<\/h3>\n\n\n\n

Charles-Fran\u00e7ois Mathis <\/h4>\n\n\n\n

J\u2019ai longtemps cru, peut-\u00eatre na\u00efvement, dans la force intrins\u00e8que de la science pour convaincre : il suffisait de s\u2019adresser \u00e0 la raison des \u00eatres humains pour parvenir \u00e0 trouver la voie d\u2019un avenir commun viable. Je d\u00e9chante aujourd\u2019hui \u2013 plus encore depuis les attaques ahurissantes de Trump \u2013 et suis de plus en plus convaincu d\u00e9sormais qu\u2019il y a un combat \u00e0 mener, et qu\u2019il ne suffit pas d\u2019exposer des travaux scientifiques pour \u00e9clairer, convaincre, proposer des voies d’action pour les hommes et femmes politiques. <\/p>\n\n\n\n

Notre ouvrage, \u00e0 mes yeux, fait donc partie de ce combat. <\/p>\n\n\n\n

Il a \u00e9t\u00e9 pens\u00e9 avant l\u2019arriv\u00e9e de Donald Trump \u00e0 la pr\u00e9sidence des \u00c9tats-Unis et avant la phase la plus extr\u00eame de ce \u00ab backlash<\/em> \u00bb contre l\u2019\u00e9cologie, mais il avait tout de m\u00eame pour but de sensibiliser un public plus important que la seule communaut\u00e9 universitaire. \u00c0 cette fin, nous avons refus\u00e9 les notes de bas de page, choisi des bibliographies tr\u00e8s resserr\u00e9es, \u00e9crit des chapitres aussi fluides et compr\u00e9hensibles que possible. Et en m\u00eame temps, le fond scientifique de cet ouvrage est extr\u00eamement solide : ce sont uniquement des chercheurs et chercheuses tr\u00e8s reconnus qui y ont particip\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Il nous importe maintenant de diffuser cet ouvrage, et plus g\u00e9n\u00e9ralement de faire conna\u00eetre les autres travaux scientifiques, pour ne pas se laisser intimider par les mensonges qui sont prof\u00e9r\u00e9s de fa\u00e7on de plus en plus grossi\u00e8re par un certain nombre de responsables politiques. Nous en sommes \u00e0 ce moment dramatique o\u00f9 les signes de la catastrophe \u00e9cologique sont plus que jamais tangibles et o\u00f9 la science, dont on ne saurait se passer pour trouver une issue, est ignor\u00e9e, critiqu\u00e9e, emp\u00each\u00e9e par des entrepreneurs et politiciens sans scrupule, dont la responsabilit\u00e9 historique est immense.<\/p>\n\n\n\n

Steve Hagimont <\/h4>\n\n\n\n

Nous sommes en train, avec des coll\u00e8gues, de pr\u00e9parer un ouvrage sur cette question du backlash<\/em>. Il me semble que nous sommes dans une phase de radicalisation. <\/p>\n\n\n\n

De radicalisation des effets de la catastrophe environnementale globale d\u2019abord, o\u00f9 des seuils plus ou moins irr\u00e9versibles sont franchis, tandis que les courbes d\u2019\u00e9missions, de pollutions, de production continuent d\u2019augmenter. <\/p>\n\n\n\n

De radicalisation des forces politiques et \u00e9conomiques ensuite, qui n’ont pas int\u00e9r\u00eat au changement ou qui veulent absolument ma\u00eetriser ce changement pour maintenir leurs int\u00e9r\u00eats. C’est tr\u00e8s visible aux \u00c9tats-Unis, mais c\u2019est un ph\u00e9nom\u00e8ne global.<\/p>\n\n\n\n

Eve Darian-Smith, pr\u00e9sidente du d\u00e9partement d’\u00e9tudes mondiales et internationales \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 de Californie Irvine, a essay\u00e9 de cartographier les relations entre la droite et l’extr\u00eame droite conservatrice et n\u00e9o-conservatrice et les int\u00e9r\u00eats de l’\u00e9conomie fossile et de l’agro-industrie. Elle montre qu\u2019une s\u00e9rie de personnalit\u00e9s politiques de premier plan, dans les campagnes \u00e9lectorales, se fascisent ou sont fascisantes. J’avais, il y a quelques ann\u00e9es, beaucoup de r\u00e9ticence \u00e0 employer ce terme de fascisme. Mais Darian-Smith montre tr\u00e8s bien que nous sommes ici face \u00e0 une vague n\u00e9ofasciste mondiale qui proc\u00e8de d\u2019une convergence id\u00e9ologique et d’int\u00e9r\u00eats industriels, num\u00e9riques et fossiles. <\/p>\n\n\n\n

Ces int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques soutiennent ces mouvements n\u00e9oconservateurs qui sont en retour pr\u00eats \u00e0 tout, y compris donc au mensonge, pour prot\u00e9ger ces int\u00e9r\u00eats. Dans les campagnes \u00e9lectorales, de Jair Bolsonaro au Br\u00e9sil, de l\u2019ex-premier ministre australien Scott Morrison, d\u2019un certain nombre de partis conservateurs en Europe, des financements viennent des industries de la p\u00e9trochimie et de l\u2019agro-industrie, et l\u2019\u00e9lection de Donald Trump en est le dernier exemple en date.<\/p>\n\n\n\n

Nous sommes face \u00e0 une vague n\u00e9ofasciste mondiale, qui proc\u00e8de d\u2019une convergence id\u00e9ologique et d’int\u00e9r\u00eats industriels, num\u00e9riques et fossiles.<\/p>Steve Hagimont<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le combat n\u2019est pas perdu, mais nous luttons \u00e0 armes in\u00e9gales, car les moyens financiers mis \u00e0 la disposition de ces candidats sont absolument consid\u00e9rables.<\/p>\n\n\n\n

Il y a eu des contre-offensive anti-\u00e9cologistes depuis les ann\u00e9es 1960-1970. La sp\u00e9cificit\u00e9 du mouvement r\u00e9actionnaire actuel est de se produire alors que nous sommes en train de basculer dans des horizons climatiques et \u00e9cologiques absolument terrifiants, o\u00f9 chaque d\u00e9cision et chaque instant compte. De se produire dans une situation o\u00f9 l’\u00e9cologisation des soci\u00e9t\u00e9s est tr\u00e8s insatisfaisante \u2014 \u00e0 l\u2019exemple du Green Deal<\/em> europ\u00e9en, en cours de d\u00e9tricotage, alors qu\u2019il n\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pas \u00e0 la hauteur des enjeux. <\/p>\n\n\n\n

Celles et (plus souvent) ceux qui d\u00e9tiennent aujourd\u2019hui le pouvoir \u00e9conomique et politique ont une responsabilit\u00e9 historique gigantesque et in\u00e9dite. Ils menacent par leurs d\u00e9cisions, alors que l\u2019on n\u2019a jamais autant eu de connaissances sur l\u2019\u00e9tat de la Terre, l\u2019avenir de l\u2019humanit\u00e9 et plus imm\u00e9diatement encore des d\u00e9mocraties qui ne pourront que difficilement s\u2019\u00e9panouir dans un environnement ravag\u00e9.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Comment les r\u00e9volutions de la modernit\u00e9 occidentale ont-elles reconfigur\u00e9 notre rapport \u00e0 la nature  ?<\/p>\n

Du rapport \u00e0 la montagne aux m\u00e9tamorphoses du droit en passant par l’abattage puis la protection des bisons, Steve Hagimont et Charles-Fran\u00e7ois Mathis ont coordonn\u00e9 une tr\u00e8s utile somme couvrant trois si\u00e8cle d’histoire.<\/p>\n

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