{"id":267864,"date":"2025-03-17T18:52:47","date_gmt":"2025-03-17T17:52:47","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=267864"},"modified":"2025-03-17T18:56:57","modified_gmt":"2025-03-17T17:56:57","slug":"retourner-lamerique-contre-trump-une-strategie-pour-le-sud-global","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/03\/17\/retourner-lamerique-contre-trump-une-strategie-pour-le-sud-global\/","title":{"rendered":"Retourner l\u2019Am\u00e9rique contre Trump : une strat\u00e9gie pour le Sud global"},"content":{"rendered":"\n
Le retour de Donald Trump \u00e0 la Maison-Blanche est consid\u00e9r\u00e9 par beaucoup comme la fin d’une \u00e8re. L’ordre dirig\u00e9 par les \u00c9tats-Unis, d\u00e9crit comme fond\u00e9 sur des normes ou comme un ordre international lib\u00e9ral<\/a> mis en place apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale et qui a triomph\u00e9 dans le monde apr\u00e8s la fin de la guerre froide, n’existe plus. Le secr\u00e9taire d’\u00c9tat am\u00e9ricain, Marco Rubio, a qualifi\u00e9 cet ordre d’\u00ab obsol\u00e8te \u00bb<\/a> lors de ses audiences de confirmation en janvier. \u00c0 sa place, une vision du monde brutale a \u00e9merg\u00e9 : seul l’int\u00e9r\u00eat national r\u00e9git les relations internationales ; la transaction est le nom du jeu \u2014 et la puissance dicte tout.<\/p>\n\n\n\n Cependant, pour beaucoup de pays en d\u00e9veloppement, la mort de l’ordre dirig\u00e9 par les \u00c9tats-Unis n’est pas \u00e0 d\u00e9plorer<\/a>. Apr\u00e8s tout, comme ces pays le font souvent remarquer, l’ordre international lib\u00e9ral n’\u00e9tait souvent ni lib\u00e9ral, ni international, ni ordonn\u00e9 \u2014 et a eu du mal \u00e0 inclure de mani\u00e8re significative les pays non occidentaux. Les gouvernements des puissances dites moyennes, comme le Br\u00e9sil et l’Inde, se plaignent depuis longtemps du fait que les institutions et les structures mondiales restent disproportionnellement align\u00e9es sur les int\u00e9r\u00eats des pays riches au d\u00e9triment de tous les autres.<\/p>\n\n\n\n Le \u00ab Sud global<\/a> \u00bb est une cat\u00e9gorie<\/a> ambigu\u00eb et tr\u00e8s d\u00e9battue<\/a>, qui englobe un large \u00e9ventail de pays. En bref, elle d\u00e9crit l’immense majorit\u00e9 de la population mondiale qui vit dans des pays qui ont \u00e9t\u00e9 colonis\u00e9s en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et en Am\u00e9rique latine. Certains sp\u00e9cialistes y ajoutent la Chine \u2014 aux Nations unies, la Chine figure comme membre du G-77, la coalition des pays en d\u00e9veloppement \u2014 mais son inclusion pr\u00eate \u00e0 confusion. La principale \u00e9conomie manufacturi\u00e8re du monde peut difficilement \u00eatre consid\u00e9r\u00e9e comme un pays en d\u00e9veloppement, m\u00eame si P\u00e9kin persiste \u00e0 affirmer le contraire. La seule chose qui semble unir cet \u00e9norme groupe d’\u00c9tats est une insatisfaction commune \u00e0 l’\u00e9gard de l’ordre international tel qu’il existe.<\/p>\n\n\n\n Les pays du Sud veulent changer cet ordre<\/a> en r\u00e9formant les institutions multilat\u00e9rales, telles que le Conseil de s\u00e9curit\u00e9 de l’ONU, la Banque mondiale et le Fonds mon\u00e9taire international, afin de les rendre plus repr\u00e9sentatives. Cet effort se heurte \u00e0 de s\u00e9rieux obstacles et il semble peu probable qu’il produise des r\u00e9sultats significatifs dans un avenir proche. Ces pays ont \u00e9galement manifest\u00e9 leur int\u00e9r\u00eat pour le remplacement du dollar<\/a> en tant que monnaie de r\u00e9serve et instrument commercial. Et, sciemment ou non, ils soutiennent la Chine sur des questions controvers\u00e9es li\u00e9es \u00e0 l’environnement, aux droits de l’homme et \u00e0 la gouvernance d\u00e9mocratique. \u00c0 une \u00e9poque de conflits entre grandes puissances, ce type de d\u00e9fense du \u00ab Sud global \u00bb risque de faire le jeu de P\u00e9kin, favorisant l’ascension de la Chine et acc\u00e9l\u00e9rant le d\u00e9clin des \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n C’est une erreur, une contradiction et un effort inutile. <\/p>\n\n\n\n Au lieu de chercher un nouvel ordre international, le \u00ab Sud global \u00bb devrait essayer de faire fonctionner l\u2019ordre actuel, m\u00eame si le nouveau locataire de la Maison-Blanche semble vouloir se d\u00e9barrasser des r\u00e8gles internationales<\/a>.<\/p>\n\n\n\n De fait, la r\u00e9\u00e9lection de Trump rend cette approche plus urgente, m\u00eame si le \u00ab Sud global \u00bb ne peut pas s’attendre \u00e0 de grands r\u00e9sultats tant qu’il sera en fonction. L’ordre fond\u00e9 sur des normes \u00e9tait peut-\u00eatre entach\u00e9 d’incoh\u00e9rences, mais il avait au moins des normes, en particulier des trait\u00e9s internationaux visant \u00e0 garantir le bien commun. Le maintien et le renforcement de ces trait\u00e9s sont dans l’int\u00e9r\u00eat du \u00ab Sud global \u00bb. L’ordre international d\u2019aujourd\u2019hui a besoin d’un engagement beaucoup plus important de la part des \u00c9tats-Unis ; le monde n’a pas besoin de moins de participation am\u00e9ricaine \u2014mais bien plus.<\/p>\n\n\n\n Un monde r\u00e9gul\u00e9 et organis\u00e9 autour de lois claires, bien d\u00e9finies et rigoureuses, respect\u00e9es par tous, en particulier par les plus puissants et les plus riches, est tr\u00e8s b\u00e9n\u00e9fique pour les pays les plus pauvres de la plan\u00e8te. Que ce soit en mati\u00e8re de commerce, de droits de l’homme, de droits des femmes, d’environnement, de d\u00e9sarmement, de travail ou d’exploitation mini\u00e8re terrestre ou maritime, le droit international favorise g\u00e9n\u00e9ralement les pays faibles, pauvres et petits. S’\u00e9carter de l’ordre dirig\u00e9 par les \u00c9tats-Unis et soutenir la Chine n’aiderait pas beaucoup \u00e0 prot\u00e9ger le droit international. En r\u00e9alit\u00e9, cela inviterait \u00e0 l’\u00e9rosion constante de ce qui a \u00e9t\u00e9 le r\u00e9gime juridique le plus efficace au monde et laisserait le \u00ab Sud global \u00bb vuln\u00e9rable face \u00e0 une loi plus dangereuse : la loi de la jungle.<\/p>\n\n\n\n Au lieu de chercher un nouvel ordre international, le \u00ab Sud global \u00bb devrait essayer de faire fonctionner l\u2019ordre actuel.<\/p>Jorge G. Casta\u00f1eda<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Il est plus qu’\u00e9vident que les \u00c9tats-Unis se sont retir\u00e9s de l’ordre qu’ils ont construit apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, un mouvement qui s’acc\u00e9l\u00e9rera probablement avec Trump. Les Nations unies restent l’institution paradigmatique de cet ordre et une enceinte clef o\u00f9 le \u00ab Sud global \u00bb cherchera \u00e0 promouvoir ses int\u00e9r\u00eats. La d\u00e9cision de Trump de nommer la d\u00e9put\u00e9e r\u00e9publicaine Elise Stefanik comme ambassadrice aupr\u00e8s de l’ONU sugg\u00e8re que le pr\u00e9sident veut adopter une position hostile \u00e0 l’organisation. Mais avant m\u00eame la r\u00e9\u00e9lection de Trump, les \u00c9tats-Unis avaient syst\u00e9matiquement r\u00e9duit leur participation \u00e0 l’ONU, \u00e0 ses agences et \u00e0 d’autres institutions multilat\u00e9rales.<\/p>\n\n\n\n Les \u00c9tats-Unis se sont retir\u00e9s de nouveau de l’Organisation mondiale de la sant\u00e9<\/a>. Dans le pass\u00e9, les gouvernements am\u00e9ricains se sont retir\u00e9s de l’UNESCO, l’organisme culturel de l’ONU, et ont suspendu le paiement de leurs cotisations. Les gouvernements pr\u00e9c\u00e9dents ont refus\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises de reconna\u00eetre la comp\u00e9tence de la Cour internationale de justice et ont insist\u00e9 sur le fait qu’ils ne pouvaient pas se conformer \u00e0 ses d\u00e9cisions. Les \u00c9tats-Unis se sont retir\u00e9s de l’Organisation internationale du travail dans les ann\u00e9es 1970 et n’ont ratifi\u00e9 que 14 de ses 189 conventions. Trump s’est de nouveau retir\u00e9 de l’accord de Paris sur le changement climatique, apr\u00e8s l’avoir rejet\u00e9 lors de son premier mandat.<\/p>\n\n\n\n En mati\u00e8re de commerce mondial et d’autres questions \u00e9conomiques, les \u00c9tats-Unis ont imprudemment sap\u00e9 le syst\u00e8me qu’ils avaient construit. Les guerres tarifaires de Trump<\/a>, tant avec des partenaires de longue date qu’avec des adversaires actuels, ne sont que le dernier exemple d’une tendance \u00e0 s’\u00e9loigner du libre-\u00e9change. Prenons, par exemple, le retrait des \u00c9tats-Unis de l’Organisation mondiale du commerce. Depuis 2017, Washington n’a pas nomm\u00e9 les membres du groupe sp\u00e9cial du m\u00e9canisme de r\u00e8glement des diff\u00e9rends de l’OMC, paralysant ainsi un organisme qui devrait assouplir les difficult\u00e9s du commerce mondial. Cette pratique a commenc\u00e9 sous la premi\u00e8re pr\u00e9sidence de Trump, mais s’est poursuivie sous l’administration Biden et pourrait bien rester un obstacle.<\/p>\n\n\n\n Si les \u00c9tats-Unis n’envisagent pas de se retirer \u00e0 br\u00e8ve \u00e9ch\u00e9ance du Fonds mon\u00e9taire international ou de la Banque mondiale, ils ont entrav\u00e9 leur r\u00e9forme. Il a fallu cinq ans au Congr\u00e8s am\u00e9ricain pour ratifier la derni\u00e8re r\u00e9forme des droits de vote et des quotes-parts du FMI en 2010, lorsque le Fonds a approuv\u00e9 une modification de 6 % des quotes-parts des membres sous-repr\u00e9sent\u00e9s. Depuis 2010, il a \u00e9t\u00e9 presque impossible d’apporter de nouvelles modifications. Tout comme la r\u00e9forme du Conseil de s\u00e9curit\u00e9 de l’ONU est toujours au point mort, celle du FMI et de la Banque mondiale \u2014 des institutions domin\u00e9es depuis longtemps par l’Occident \u2014 l’est \u00e9galement. Il ne semble pas probable que ces deux organisations accordent beaucoup de poids aux pays du \u00ab Sud global \u00bb, ni que d’\u00e9ventuelles r\u00e9formes favorisant la Chine profitent aux pays en d\u00e9veloppement. Et il est tr\u00e8s douteux que la nouvelle administration Trump veuille d\u00e9penser un quelconque capital politique pour ouvrir davantage ces institutions.<\/p>\n\n\n\n Cependant, cette n\u00e9gligence de leur r\u00f4le dans les principales organisations est moins significative que la fa\u00e7on dont les \u00c9tats-Unis ont enfreint le droit international. <\/p>\n\n\n\n Les l\u00e9gislateurs am\u00e9ricains ont refus\u00e9 de ratifier les trait\u00e9s propos\u00e9s par les pr\u00e9sidents. La liste commence par la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations<\/a>, approuv\u00e9e en 1919 par tous les participants \u00e0 la Conf\u00e9rence de Versailles, y compris le pr\u00e9sident am\u00e9ricain Woodrow Wilson. Le S\u00e9nat l’a rejet\u00e9e l’ann\u00e9e suivante et les \u00c9tats-Unis n’ont jamais adh\u00e9r\u00e9 \u00e0 la Soci\u00e9t\u00e9, le premier d’une longue s\u00e9rie d’accords internationaux que Washington a sign\u00e9s mais non ratifi\u00e9s, sign\u00e9s puis retir\u00e9s ou jamais sign\u00e9s d\u00e8s le d\u00e9but.<\/p>\n\n\n\n Un autre exemple r\u00e9cent : les \u00c9tats-Unis n’ont pas ratifi\u00e9 le Trait\u00e9 sur le commerce des armes (TCA), qui vise \u00e0 contr\u00f4ler le commerce des armes conventionnelles et qui est entr\u00e9 en vigueur en 2014 ; ni l’accord commercial multilat\u00e9ral connu sous le nom d’Association transpacifique, que les \u00c9tats-Unis ont sign\u00e9 en 2016 mais n’ont jamais ratifi\u00e9 et dont Trump finira par se retirer, ni la Convention sur le droit de la mer. L’opposition interne s’est \u00e9galement av\u00e9r\u00e9e \u00eatre un obstacle insurmontable \u00e0 la ratification des trait\u00e9s sur le climat, comme le Protocole de Kyoto de 1997, ce qui rend improbable un pacte mondial sur le climat.<\/p>\n\n\n\n Les l\u00e9gislateurs am\u00e9ricains ont refus\u00e9 de ratifier les principaux trait\u00e9s internationaux pour plusieurs raisons. On peut notamment citer la crainte de compromettre la souverainet\u00e9 nationale, de modifier le syst\u00e8me f\u00e9d\u00e9ral am\u00e9ricain, qui laisse certaines questions entre les mains des \u00c9tats, et de dupliquer la l\u00e9gislation nationale en vigueur. Cette r\u00e9ticence \u00e0 s’engager dans des trait\u00e9s nuit sans aucun doute \u00e0 la construction d’un ordre international cr\u00e9dible. <\/p>\n\n\n\n Il est peut-\u00eatre impossible de r\u00e9former le Conseil de s\u00e9curit\u00e9, le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions de l’ordre international. Mais convaincre les \u00c9tats-Unis de signer et de ratifier cette panoplie d’instruments internationaux pourrait s’av\u00e9rer faisable.<\/p>Jorge G. Casta\u00f1eda<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Un cas embl\u00e9matique est celui de la Cour p\u00e9nale internationale. <\/p>\n\n\n\n En 2000, le pr\u00e9sident am\u00e9ricain Bill Clinton a sign\u00e9 le Statut de Rome qui a cr\u00e9\u00e9 le tribunal ; il n’a jamais \u00e9t\u00e9 ratifi\u00e9, et son successeur, le pr\u00e9sident George W. Bush, a retir\u00e9 la signature am\u00e9ricaine, rendant pratiquement impossible l’\u00e9mergence d’un TPI efficace et dot\u00e9 de pouvoirs \u00e9tendus. Il ne fait aucun doute que, dans certains cas, Washington se conforme aux dispositions de ces trait\u00e9s m\u00eame s’il ne les a pas ratifi\u00e9s, y compris le TCA. Cela peut \u00eatre pr\u00e9f\u00e9rable au non-respect de ces trait\u00e9s. Mais on se demande toujours comment les \u00c9tats-Unis peuvent critiquer d’autres pays qui ne les ont pas non plus ratifi\u00e9s. Cela a fait des \u00c9tats-Unis un free rider<\/em>, ou un b\u00e9n\u00e9ficiaire sans contrepartie : Washington profitait des avantages d’un syst\u00e8me de r\u00e8gles internationales sans assumer aucune responsabilit\u00e9 pour les soutenir ou les faire respecter.<\/p>\n\n\n\n Prenons le cas de la Convention am\u00e9ricaine relative aux droits de l’homme ou Pacte de San Jos\u00e9, adopt\u00e9e par de nombreux pays de l’h\u00e9misph\u00e8re occidental en 1969 et sign\u00e9e mais non ratifi\u00e9e par les \u00c9tats-Unis. La non-ratification de ce trait\u00e9 a affaibli la d\u00e9fense des droits de l’Homme en Am\u00e9rique latine, en permettant une plus grande impunit\u00e9 aux dictatures et aux reculs d\u00e9mocratiques. Ces instruments sont plus n\u00e9cessaires aujourd’hui que jamais. Surtout lorsque les droits de l’Homme sont menac\u00e9s dans de nombreuses parties de l’h\u00e9misph\u00e8re \u2014 y compris aux \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n Pour les pays du \u00ab Sud global \u00bb, ce d\u00e9sint\u00e9r\u00eat am\u00e9ricain pour la pr\u00e9servation de l’ordre d’apr\u00e8s-guerre que les dirigeants des \u00c9tats-Unis ont contribu\u00e9 \u00e0 construire n’est rien d’autre qu’une mauvaise nouvelle. Les pays les plus pauvres et les moins puissants ont int\u00e9r\u00eat \u00e0 ce qu’une structure solide de droit international \u00e9quilibre le comportement des \u00c9tats. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, qui a cr\u00e9\u00e9 l’Autorit\u00e9 internationale des fonds marins bas\u00e9e \u00e0 la Jama\u00efque, est pertinente \u00e0 cet \u00e9gard. Les \u00c9tats-Unis n’ont jamais sign\u00e9 cette convention. Les pays c\u00f4tiers les plus pauvres ne disposent pas de la technologie et du capital n\u00e9cessaires pour extraire les nodules de mangan\u00e8se et autres min\u00e9raux importants qui se trouvent sur les fonds marins. Les pays riches disposent \u00e0 la fois de la technologie et des ressources. Contrairement au TCA, les \u00c9tats-Unis ne respectent pas de nombreuses dispositions de la CNUDM, notamment celles relatives \u00e0 l’exploitation mini\u00e8re des fonds marins et de leur sous-sol. Un r\u00e9gime international des oc\u00e9ans qui r\u00e9glemente l’exploitation mini\u00e8re et l’exploitation des fonds marins et encourage le partage de leurs ressources est pour le \u00ab Sud global \u00bb bien meilleur qu\u2019un ch\u00e8que en blanc avec lequel tout se vaut.<\/p>\n\n\n\n Il est peut-\u00eatre impossible de r\u00e9former le Conseil de s\u00e9curit\u00e9, le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions de l’ordre international. Mais convaincre les \u00c9tats-Unis de signer et de ratifier cette panoplie d’instruments internationaux pourrait s’av\u00e9rer faisable. Washington n’a pas ratifi\u00e9 ou a choisi de se retirer de pr\u00e8s de cinquante trait\u00e9s importants. Mais sous Trump et avec la r\u00e9surgence de l’isolationnisme chez les r\u00e9publicains \u2014 et avec la ratification des trait\u00e9s qui n\u00e9cessite le soutien des deux tiers du S\u00e9nat \u2014 son approbation formelle semble \u00eatre une perspective tr\u00e8s lointaine.<\/p>\n\n\n\n Cela ne doit pas emp\u00eacher les pays du \u00ab Sud global \u00bb d’essayer de faire pression sur les \u00c9tats-Unis pour qu’ils r\u00e9novent la maison qu’ils ont construite. Ils peuvent ainsi jouer un r\u00f4le constructif en encourageant Washington \u00e0 mieux d\u00e9fendre l’ordre fond\u00e9 sur des r\u00e8gles. Ils s’empressent de condamner Washington pour son hypocrisie, mais ne font rien pour persuader les \u00c9tats-Unis de respecter les r\u00e8gles qui d\u00e9finissent l’ordre qu’ils dirigent eux-m\u00eames. Au lieu de cela, ils devraient utiliser une m\u00e9thode courante \u00e0 Washington pour changer les opinions et faciliter la l\u00e9gislation : le lobbying.<\/p>\n\n\n\n Les Am\u00e9ricains, et en particulier les l\u00e9gislateurs r\u00e9publicains, ont tendance \u00e0 ne pas appr\u00e9cier l’ing\u00e9rence des \u00e9trangers dans leurs affaires. Cependant, de nombreux pays ont commenc\u00e9 \u00e0 porter leurs affaires \u00e0 Washington pour fa\u00e7onner les relations bilat\u00e9rales. La Chine, l’Inde, les pays du golfe Persique et les grandes nations europ\u00e9ennes engagent des lobbyistes et des cabinets d’avocats r\u00e9put\u00e9s et co\u00fbteux pour d\u00e9fendre leurs int\u00e9r\u00eats au Congr\u00e8s. Le Canada a fait de m\u00eame \u00e0 grande \u00e9chelle pour d\u00e9fendre ses int\u00e9r\u00eats, des produits laitiers au bois, en passant par la p\u00eache et la r\u00e9glementation frontali\u00e8re. Le Mexique a exerc\u00e9 des pressions intenses et fructueuses sur les l\u00e9gislateurs am\u00e9ricains en 1993 pour faire adopter le Trait\u00e9 de libre-\u00e9change nord-am\u00e9ricain. En principe, ces pratiques pourraient \u00eatre \u00e9tendues pour persuader les \u00c9tats-Unis de ratifier des accords internationaux. Les pays qui ne sont pas align\u00e9s sur la Chine, comme le Br\u00e9sil, l’Inde, le Mexique, le Nigeria et l’Afrique du Sud, pourraient mener cette initiative en convaincant les l\u00e9gislateurs am\u00e9ricains de contribuer \u00e0 compl\u00e9ter, et non \u00e0 d\u00e9faire, l’ordre international fond\u00e9 sur des r\u00e8gles. De telles ratifications attireraient \u00e0 Washington beaucoup de bonne volont\u00e9 dans le \u00ab Sud global \u00bb et affaibliraient P\u00e9kin.<\/p>\n\n\n\n Donald Trump s’est montr\u00e9 plus transactionnel que beaucoup ne le soup\u00e7onnaient.<\/p>Jorge G. Casta\u00f1eda<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les n\u00e9gociations pourraient \u00eatre encore plus fructueuses. Comme nous l’avons vu avec les crises en Ukraine et \u00e0 Gaza, le \u00ab Sud global \u00bb est de plus en plus r\u00e9ticent \u00e0 soutenir<\/a> Washington sur ces sujets et d’autres questions internationales. De m\u00eame, les \u00c9tats-Unis sont de plus en plus pr\u00e9occup\u00e9s par cette distanciation, d’autant plus qu’elle ouvre de plus en plus la porte \u00e0 la Russie et \u00e0 la Chine. Des pays comme l’Inde, le Br\u00e9sil, le Nigeria, l’\u00c9gypte, et m\u00eame l’Iran et le Pakistan, tentent de tirer le meilleur parti de l’intensification de la rivalit\u00e9 entre les \u00c9tats-Unis et la Chine. Les pays d’Am\u00e9rique latine ont invent\u00e9 un concept<\/a> \u2014 le non-alignement actif<\/a> \u2014 qui vise \u00e0 tirer parti des points forts de la r\u00e9gion pour obtenir des avantages des deux superpuissances, sans s’aligner ni se mettre en conflit avec l’une d’entre elles.<\/p>\n\n\n\n Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer que le \u00ab Sud global \u00bb change son soutien \u00e0 la position de Washington sur la mer de Chine m\u00e9ridionale ou l’Ukraine en \u00e9change de l’entr\u00e9e des \u00c9tats-Unis \u00e0 la CPI. Encore plus farfelue serait une approche transactionnelle avec les s\u00e9nateurs r\u00e9publicains conservateurs et isolationnistes sur l’une des questions d\u00e9crites ci-dessus.<\/p>\n\n\n\n Mais Donald Trump s’est montr\u00e9 plus transactionnel que beaucoup ne le soup\u00e7onnaient.<\/p>\n\n\n\n Pendant la guerre froide, Washington a g\u00e9n\u00e9reusement pay\u00e9 \u00e0 de nombreuses reprises le soutien de plusieurs pays du tiers monde contre l’Union sovi\u00e9tique. Plusieurs nations ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de cette \u00ab g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 \u00bb. Il n’y a aucune raison de croire qu’un \u00ab Sud global \u00bb beaucoup plus influent et s\u00fbr de lui ne puisse pas obtenir aujourd’hui des r\u00e9sultats similaires mais dans le sens du multilat\u00e9ralisme. Une fois de plus, c’est une question de volont\u00e9 politique et de subordination des griefs id\u00e9ologiques au calcul froid de l’int\u00e9r\u00eat personnel. Qu’est-ce qui favoriserait le plus les objectifs de nombreuses nations africaines, asiatiques et latino-am\u00e9ricaines aujourd’hui : une place permanente pour le Br\u00e9sil au Conseil de s\u00e9curit\u00e9 ou la ratification par Washington des 46 trait\u00e9s encore en suspens ? Avant de construire un nouvel ordre<\/a>, pourquoi ne pas am\u00e9liorer et compl\u00e9ter l’existant ? Cela pourrait \u00eatre un exercice plus efficace et moins rh\u00e9torique pour le \u00ab Sud global \u00bb, bien que peut-\u00eatre moins \u00e9loquent ou mobilisateur.<\/p>\n\n\n\n L\u2019horizon de cette t\u00e2che n\u2019est pas \u00e0 court terme. Cela prendrait au moins une d\u00e9cennie et n\u00e9cessiterait donc de savoir naviguer aussi bien dans les complexit\u00e9s de l’administration Trump et que des suivantes. Mais avec les comp\u00e9tences, les ressources et la patience suffisantes, un tel effort pourrait avoir des r\u00e9sultats significatifs. Le \u00ab Sud global \u00bb devrait faire comprendre aux \u00c9tats-Unis que le seul moyen de relever le d\u00e9fi chinois \u2014 et russe \u2014 serait de nouer des alliances et des partenariats qui vont au-del\u00e0 de l’Occident traditionnel. L’un des meilleurs moyens de construire et de consolider ces liens est de garantir le respect du droit international.<\/p>\n\n\n\n