{"id":261439,"date":"2025-02-05T20:17:13","date_gmt":"2025-02-05T19:17:13","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=261439"},"modified":"2025-02-05T20:25:53","modified_gmt":"2025-02-05T19:25:53","slug":"contre-la-vassalisation-heureuse-il-est-temps-dagir-lappel-de-sergio-mattarella","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/02\/05\/contre-la-vassalisation-heureuse-il-est-temps-dagir-lappel-de-sergio-mattarella\/","title":{"rendered":"Contre \u00ab la vassalisation heureuse\u2026 il est temps d\u2019agir \u00bb : l\u2019appel de Sergio Mattarella"},"content":{"rendered":"\n

Dans l\u2019Italie de Meloni, alors que la pr\u00e9sidente du Conseil semble jouer une proximit\u00e9 de plus en plus \u00e9vidente avec Trump et Musk, le Quirinal a tenu \u00e0 marquer d\u2019une mani\u00e8re nette des lignes rouges en posant une question structurante : \u00ab L’Europe entend-elle \u00eatre un objet de dispute internationale, un espace d’influence pour les autres, ou au contraire devenir un sujet de politique internationale, dans l’affirmation des valeurs de sa propre civilisation ? Peut-elle accepter d’\u00eatre coinc\u00e9e entre oligarchies et autocraties ? \u00bb<\/p>\n\n\n\n

En reprenant l\u2019intitul\u00e9 de la Lettre du dimanche<\/em> du 18 janvier 2025<\/a> (abonnez-vous pour la recevoir chaque semaine<\/a>), dans un discours prononc\u00e9 \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 d\u2019Aix-Marseille dont il recevait le mercredi 5 f\u00e9vrier le Doctorat Honoris Causa, Sergio Mattarella a fix\u00e9 un cap : \u00ab Avec, tout au plus, la perspective d’une \u2018vassalisation heureuse\u2019, il faut choisir : \u00eatre \u2018prot\u00e9g\u00e9s\u2019 ou \u00eatre \u2018protagonistes\u2019 ? \u00bb.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

En d\u00e9veloppant l\u2019analyse du techno-c\u00e9sarisme<\/a>, il a mis en garde contre \u00ab l\u2019\u00e9mergence des nouveaux seigneurs n\u00e9o-f\u00e9odaux du troisi\u00e8me mill\u00e9naire \u2014 ces nouveaux corsaires auxquels on peut attribuer des brevets \u2014 qui aspirent \u00e0 se voir confier des seigneuries dans la sph\u00e8re publique et \u00e0 g\u00e9rer des parties des biens communs que repr\u00e9sentent le cyberespace et l’espace extra-atmosph\u00e9rique, en devenant presque des usurpateurs de la souverainet\u00e9 d\u00e9mocratique. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Ce n\u2019est pas la premi\u00e8re fois que le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique critique durement Elon Musk.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

En novembre, Mattarella avait fermement r\u00e9pondu \u00e0 une campagne du propri\u00e9taire de X, qui avait mis en doute l\u2019ind\u00e9pendance du syst\u00e8me judiciaire italien apr\u00e8s qu\u2019un tribunal romain avait refus\u00e9 de valider le transfert de migrants vers l\u2019Albanie.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Dans un communiqu\u00e9 d\u2019une duret\u00e9 inhabituelle pour la communication souvent tr\u00e8s institutionnelle du Quirinal, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique italienne avait rappel\u00e9<\/a> que \u00ab L\u2019Italie est un grand pays d\u00e9mocratique [\u2026] qui sait s\u2019occuper d\u2019elle-m\u00eame \u00bb et avait d\u00e9nonc\u00e9 toute ing\u00e9rence ext\u00e9rieure, faisant allusion au futur r\u00f4le de Musk comme conseiller sous l\u2019administration Trump : \u00ab Quiconque, en particulier si, comme annonc\u00e9, il est sur le point d’assumer un r\u00f4le gouvernemental important dans un pays ami et alli\u00e9, doit en respecter la souverainet\u00e9 et ne peut s’arroger le droit de lui donner des directives \u00bb. Face \u00e0 cette prise de position particuli\u00e8rement dure, Musk avait fait transmettre un message \u00e0 l\u2019\u00e9quivalent de l\u2019AFP italien (l\u2019agence ANSA) dans lequel il affirmait son respect pour Mattarella et la Constitution italienne, tout en d\u00e9fendant son droit \u00e0 libert\u00e9 d\u2019expression.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Est-ce la preuve que \u2014 comme l\u2019aurait dit Mike Tyson \u2014 \u00ab tout le monde a un plan, jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il se prenne une droite dans les dents \u00bb ?<\/p>\n\n\n\n

Monsieur le Pr\u00e9sident de l’Universit\u00e9,<\/p>\n\n\n\n

Monsieur le Recteur de l’Acad\u00e9mie,<\/p>\n\n\n\n

Monsieur le Doyen de la Facult\u00e9 de Droit et Science Politique,<\/p>\n\n\n\n

Monsieur le Directeur de l’Institut Portalis,<\/p>\n\n\n\n

Mesdames et Messieurs les Doyens et Professeurs,<\/p>\n\n\n\n

Ch\u00e8res \u00e9tudiantes et chers \u00e9tudiants,<\/p>\n\n\n\n

recevoir le Doctorat Honoris Causa de cette prestigieuse Universit\u00e9, institution acad\u00e9mique majeure en France, est pour moi un r\u00e9el privil\u00e8ge.<\/p>\n\n\n\n

Je tiens \u00e0 remercier le Pr\u00e9sident, Professeur Eric Berton, le Professeur Jean-Baptiste Perrier, Doyen de la Facult\u00e9 de Droit et de Science Politique, ainsi que l’ensemble du corps acad\u00e9mique et du personnel. Je tiens \u00e9galement \u00e0 vous exprimer ma gratitude pour votre engagement quotidien en faveur de la diffusion du savoir.<\/p>\n\n\n\n

La France et l’Italie entretiennent une relation de proximit\u00e9 g\u00e9ographique, culturelle et civile qui constitue un atout pr\u00e9cieux sur lequel les \u00c9tats amis peuvent compter dans le paysage g\u00e9opolitique, notamment \u00e0 l’heure actuelle. Le Trait\u00e9 du Quirinal en a r\u00e9cemment apport\u00e9 la confirmation.<\/p>\n\n\n\n

Marseille, \u00e0 son tour, en incarne la pleine expression : elle est l’embl\u00e8me et la stratification de cette civilisation m\u00e9diterran\u00e9enne qui nous unit. Une M\u00e9diterran\u00e9e qui a toujours rassembl\u00e9 les peuples depuis l’Antiquit\u00e9 et qui, aujourd’hui, n’est pas d\u00e9nu\u00e9e d’aspects critiques.<\/p>\n\n\n\n

Je salue la Cop4 Etudiante qui, dans les jours \u00e0 venir, se consacrera pr\u00e9cis\u00e9ment au th\u00e8me de la crise en M\u00e9diterran\u00e9e, ce qui t\u00e9moigne de la sensibilit\u00e9 des jeunes g\u00e9n\u00e9rations.<\/p>\n\n\n\n

L’amiti\u00e9, la proximit\u00e9, c’est aussi la responsabilit\u00e9 et l’engagement communs pour relever des d\u00e9fis dont l’ampleur suscite l’inqui\u00e9tude.<\/p>\n\n\n\n

Une telle universit\u00e9, o\u00f9 l’on \u00e9tudie l’histoire et le droit afin de disposer d’outils pour comprendre et g\u00e9rer le pr\u00e9sent et l’avenir, est le lieu appropri\u00e9 pour s’interroger sur la situation des relations internationales et sur l’\u00e9tat de l’ordre que nos pays ont contribu\u00e9 \u00e0 d\u00e9finir.<\/p>\n\n\n\n

Permettez-moi, maintenant, de continuer en italien.<\/p>\n\n\n\n

Les mots \u00e9nonc\u00e9s supra<\/em> ont \u00e9t\u00e9 prononc\u00e9s en fran\u00e7ais par le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique italienne. Nous traduisons son intervention \u00e0 partir d\u2019ici.<\/p>\n\n\n\n

Un ordre international qui, comme tous les contrats sociaux et les structures politiques, r\u00e9affirme sa fonction et confirme sa stabilit\u00e9 s’il est nourri avec engagement, en d\u00e9veloppant une capacit\u00e9 d’\u00e9coute, d’adaptation et de coop\u00e9ration vis-\u00e0-vis des ph\u00e9nom\u00e8nes qui se pr\u00e9sentent.<\/p>\n\n\n\n

L’histoire, en particulier celle du XXe si\u00e8cle, nous a appris que cet ordre est une entit\u00e9 dynamique, soumise \u00e0 des \u00e9quilibres qui, bien s\u00fbr, ne sont pas \u00e0 l’abri des tensions politiques et des changements \u00e9conomiques.<\/p>\n\n\n\n

Souvent, les d\u00e9s\u00e9quilibres qui apparaissent ont des racines lointaines : dans les s\u00e9quelles laiss\u00e9es par les conflits pass\u00e9s. Ou bien ils correspondent aux pulsions, aux ambitions d’acteurs qui croient pouvoir jouer un jeu dans des conditions nouvelles et plus favorables : l\u2019att\u00e9nuation de l\u2019effet de contrainte que constituaient autrefois les r\u00e9actions possibles de la communaut\u00e9 internationale et l’\u00e9mergence d’une d\u00e9sillusion croissante \u00e0 l’\u00e9gard des m\u00e9canismes de coop\u00e9ration dans la gestion des crises. Ces instruments ont \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9s afin de pouvoir faire face \u00e0 des pouss\u00e9es incontr\u00f4l\u00e9es visant \u00e0 rouvrir des situations auparavant r\u00e9gl\u00e9es sur le terrain diplomatique.<\/p>\n\n\n\n

La vie des institutions qui ont vu le jour dans les d\u00e9cennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ponctu\u00e9e de brusques revers et de d\u00e9ceptions, n’a malheureusement pas \u00e9t\u00e9 en mesure de manifester toute leur efficacit\u00e9 potentielle.<\/p>\n\n\n\n

Le jeu des vetos au sein du Conseil de s\u00e9curit\u00e9 a emp\u00each\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises l’ONU de d\u00e9ployer ses efforts de maintien de la paix mais, malgr\u00e9 tout, ce qu\u2019elle a pu r\u00e9aliser a \u00e9t\u00e9 un grand succ\u00e8s.<\/p>\n\n\n\n

Ses d\u00e9tracteurs oublient souvent, entre autres, son r\u00f4le crucial dans le processus de d\u00e9colonisation ou dans l\u2019\u00e9laboration d’un cadre normatif pour enrayer l’escalade militaire et encourager le d\u00e9sarmement.<\/p>\n\n\n\n

Une r\u00e9flexion sur l’avenir de l’ordre international ne peut faire l’\u00e9conomie d’un exercice d’analyse qui, face aux incertitudes g\u00e9opolitiques qui caract\u00e9risent notre monde actuel, rappelle la succession d’\u00e9v\u00e9nements, d’actions ou d’inactions, qui ont conduit \u00e0 la trag\u00e9die de la Seconde Guerre mondiale.<\/p>\n\n\n\n

L’histoire n’a pas vocation \u00e0 se r\u00e9p\u00e9ter de mani\u00e8re servile. Mais on ne cesse jamais d\u2019apprendre des erreurs commises par les hommes dans l’histoire.<\/p>\n\n\n\n

La crise \u00e9conomique mondiale de 1929 a \u00e9branl\u00e9 les fondements de l’\u00e9conomie mondiale et aliment\u00e9 une spirale de protectionnisme et d\u2019unilat\u00e9ralisme alors que les alliances s’\u00e9rodaient. La libert\u00e9 du commerce a toujours \u00e9t\u00e9 un \u00e9l\u00e9ment de compr\u00e9hension et de rencontre. De nombreux \u00c9tats n’ont pas compris la n\u00e9cessit\u00e9 d’aborder cette crise de mani\u00e8re coh\u00e9rente, s\u2019appuyant seulement sur des visions h\u00e9rit\u00e9es du XIXe si\u00e8cle, se concentrant sur la dimension nationale, comptant tout au plus sur les ressources des peuples asservis \u00e0 l’\u00e9tranger.<\/p>\n\n\n\n

Des ph\u00e9nom\u00e8nes autoritaires prirent alors le dessus dans certains pays, attir\u00e9s par le conte de f\u00e9es selon lequel les r\u00e9gimes despotiques et illib\u00e9raux \u00e9taient plus efficaces pour prot\u00e9ger les int\u00e9r\u00eats nationaux.<\/p>\n\n\n\n

Le r\u00e9sultat fut l\u2019\u00e9mergence d\u2019un environnement toujours plus conflictuel \u2014 plut\u00f4t que de coop\u00e9ration \u2014 alors m\u00eame qu\u2019on avait conscience que les probl\u00e8mes devaient \u00eatre abord\u00e9s et r\u00e9solus \u00e0 une plus grande \u00e9chelle. Au lieu de la coop\u00e9ration, c’est le crit\u00e8re de la domination qui a pr\u00e9valu. Et l\u2019\u00e8re des guerres de conqu\u00eate s\u2019est rouverte.<\/p>\n\n\n\n

Tel \u00e9tait le projet du Troisi\u00e8me Reich en Europe.<\/p>\n\n\n\n

L’agression russe d’aujourd’hui contre l’Ukraine est de cette nature.<\/p>\n\n\n\n

Aujourd’hui, nous assistons \u00e9galement au retour du protectionnisme. La pr\u00e9sidente de la Commission europ\u00e9enne, \u00e0 Davos il y a quelques jours, nous a rappel\u00e9 que les barri\u00e8res commerciales mondiales avaient tripl\u00e9 en valeur en 2024 seulement.<\/p>\n\n\n\n

La crise \u00e9conomique, le protectionnisme, la m\u00e9fiance entre les acteurs mondiaux et l’imposition de r\u00e8gles librement consenties ont port\u00e9 un coup d\u00e9finitif \u00e0 la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations n\u00e9e apr\u00e8s la Premi\u00e8re Guerre mondiale, d\u00e9j\u00e0 compromise par la non-participation des \u00c9tats-Unis qui, avec le pr\u00e9sident Wilson, avaient \u00e9t\u00e9 parmi ses inspirateurs.<\/p>\n\n\n\n

C’\u00e9tait, pour les \u00c9tats-Unis, c\u00e9der \u00e0 la tentation de l’isolationnisme. Mais le travail de la Soci\u00e9t\u00e9 n’a pas \u00e9t\u00e9 vain : on lui doit, par exemple, la Convention relative \u00e0 l\u2019esclavage qui vise \u00e0 abolir la traite des esclaves \u2014 et nous sommes en 1926.<\/p>\n\n\n\n

Dans le contexte fragile des ann\u00e9es d’entre-deux-guerres, travers\u00e9es par une sombre mont\u00e9e des nationalismes, par des tendances alarmantes au r\u00e9armement, par la comp\u00e9tition entre les \u00c9tats \u2014 selon la logique des sph\u00e8res d’influence \u2014 il y eut une vingtaine de cas de retrait de la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
\u00ab  Les interlocuteurs internationaux doivent savoir qu’ils ont en Europe une r\u00e9f\u00e9rence solide pour les politiques de paix et de croissance commune. Un gardien et un protecteur des droits de l’individu, de la d\u00e9mocratie, de l’\u00c9tat de droit.  \u00bb \u00a9 Francesco Ammendola\/Ufficio per la Stampa e la Comunicazione della Presidenza della Repubblica<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

L’Allemagne, avec Hitler \u00e0 la chancellerie, s\u2019en retira en 1933. Le Japon fit de m\u00eame. L’Italie \u00e9galement, en 1937. Ces deux derniers pays \u2014 avec la France, l’Empire britannique et l’Allemagne elle-m\u00eame \u2014 \u00e9taient des membres permanents du Conseil de la SDN.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s ses d\u00e9buts, malheureusement, la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations n’a pas \u00e9t\u00e9 en mesure de freiner l’expansionnisme ni les violations r\u00e9p\u00e9t\u00e9es de la souverainet\u00e9 territoriale, en Europe comme sur les autres continents.<\/p>\n\n\n\n

Dans les ann\u00e9es 1930, on assista \u00e0 une d\u00e9composition progressive de l’ordre international, remettant en cause les principes cardinaux de la coexistence pacifique, \u00e0 commencer par la souverainet\u00e9 de chaque nation \u00e0 l’int\u00e9rieur de ses fronti\u00e8res reconnues.<\/p>\n\n\n\n

Les politiques d’apaisement adopt\u00e9es par les puissances europ\u00e9ennes \u00e0 l’\u00e9gard des tenants de ces dynamiques t\u00e9moignent d’une vaine tentative de contenir des ambitions destructrices de m\u00eame ampleur : l’accord de Munich de 1938, qui accorde \u00e0 l’Allemagne nazie l’annexion des Sud\u00e8tes, territoire de la Tch\u00e9coslovaquie, reste embl\u00e9matique \u00e0 cet \u00e9gard.<\/p>\n\n\n\n

Une abdication de responsabilit\u00e9 a conduit ces pays \u00e0 sacrifier les principes de justice et de l\u00e9gitimit\u00e9, dans le but d’\u00e9viter les conflits, au nom d’une solution et d’une stabilit\u00e9 qui \u00e9choueraient in\u00e9vitablement.<\/p>\n\n\n\n

La strat\u00e9gie de l’apaisement n’a pas fonctionn\u00e9 en 1938 : il est tr\u00e8s probable que la fermet\u00e9 aurait permis d’\u00e9viter la guerre.<\/p>\n\n\n\n

Compte tenu des conflits actuels, cette strat\u00e9gie peut-elle fonctionner aujourd’hui ?<\/p>\n\n\n\n

Lorsque nous r\u00e9fl\u00e9chissons aux perspectives de paix en Ukraine, nous devons en \u00eatre conscients.<\/p>\n\n\n\n

Ch\u00e8res \u00e9tudiantes, chers \u00e9tudiants,<\/p>\n\n\n\n

nous vous voyons, aujourd’hui, avec beaucoup de reconnaissance, participatifs, actifs, plein de projets.<\/p>\n\n\n\n

Votre destin actuel \u2014 les conditions dans lesquelles nous vivons en Europe \u2014 sont le r\u00e9sultat des choix faits apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, en pensant pr\u00e9cis\u00e9ment aux millions de personnes qui sont mortes dans les guerres du XXe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

La coop\u00e9ration plut\u00f4t que la comp\u00e9tition. La fraternit\u00e9 l\u00e0 o\u00f9 des r\u00e9gimes et des gouvernements avaient voulu semer la haine.<\/p>\n\n\n\n

Je pense aux centaines de milliers de jeunes que la Seconde Guerre mondiale a arrach\u00e9s aux bancs de l’universit\u00e9, \u00e0 leur famille.<\/p>\n\n\n\n

C’est sur le refus de c\u00e9der \u00e0 la violence de l’arrogance, sur le sacrifice de ces g\u00e9n\u00e9rations, que nous avons construit la plus longue p\u00e9riode de paix que l’Europe ait connue.<\/p>\n\n\n\n

Soixante-dix ans de paix.<\/p>\n\n\n\n

Bien s\u00fbr, dans l’histoire de la France, parle de la guerre dite de Cent Ans \u2014 116 pour \u00eatre exact \u2014 avec l’Angleterre. Pour les guerres europ\u00e9ennes, on retient aussi des p\u00e9riodes \u2014 quatre-vingts ans, trente ans, quinze ans \u2014 des anneaux de la p\u00e9riodisation que les historiens proposent, en la centrant sur les conflits.<\/p>\n\n\n\n

On s’attarde rarement sur les p\u00e9riodes de paix.<\/p>\n\n\n\n

Au lieu de cela, il est bon de parler de la paix de ces d\u00e9cennies comme de la Paix des Soixante-dix ans, avec l’intention qu’elle se prolonge et ne s’interrompe jamais, pour dire que la paix est possible.<\/p>\n\n\n\n

Qu’une paix qui respecte les droits de l’individu, des communaut\u00e9s et des peuples est possible.<\/p>\n\n\n\n

Qu’il ne s’agit pas d’aspirations ir\u00e9niques, non \u00e9tay\u00e9es par des faits. Au contraire.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 la fin du conflit, les puissances alli\u00e9es contre le mal nazi et fasciste ont \u00e9t\u00e9 confront\u00e9es \u00e0 la n\u00e9cessit\u00e9 d’\u00e9tablir un nouvel ordre mondial qui puisse \u00e9viter les erreurs du pass\u00e9 et offrir de nouvelles perspectives \u00e0 l’humanit\u00e9 \u00e9puis\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Le premier r\u00e9sultat fut la Charte de San Francisco, dont nous c\u00e9l\u00e9brons cette ann\u00e9e le 80e anniversaire.<\/p>\n\n\n\n

Il est frappant et passionnant de lire son pr\u00e9ambule qui, ce n’est pas un hasard, s’ouvre sur la formule \u00ab nous, les peuples \u00bb.  Il ne dit pas \u00ab nous les \u00c9tats \u00bb, \u00ab nous les nations \u00bb. Il proclame \u00ab nous, le peuple \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

En effet, on peut y lire :<\/p>\n\n\n\n

Nous, peuples des Nations unies, r\u00e9solus<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 pr\u00e9server les g\u00e9n\u00e9rations futures du fl\u00e9au de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a inflig\u00e9 \u00e0 l’humanit\u00e9 d’indicibles souffrances,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 proclamer \u00e0 nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignit\u00e9 et la valeur de la personne humaine, dans l’\u00e9galit\u00e9 de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 cr\u00e9er les conditions n\u00e9cessaires au maintien de la justice et du respect des obligations n\u00e9es des trait\u00e9s et autres sources du droit international,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 favoriser le progr\u00e8s social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une libert\u00e9 plus grande,<\/p>\n\n\n\n

et \u00e0 ces fins<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 pratiquer la tol\u00e9rance, \u00e0 vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 unir nos forces pour maintenir la paix et la s\u00e9curit\u00e9 internationales,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 accepter des principes et instituer des m\u00e9thodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’int\u00e9r\u00eat commun,<\/p>\n\n\n\n

\u00e0 recourir aux institutions internationales pour favoriser le progr\u00e8s \u00e9conomique et social de tous les peuples,<\/p>\n\n\n\n

 avons d\u00e9cid\u00e9 d’associer nos efforts pour r\u00e9aliser ces desseins.<\/p>\n\n\n\n

Telle \u00e9tait la voie trac\u00e9e avec lucidit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

C’est ainsi qu’est n\u00e9 ce syst\u00e8me complexe d’organisations internationales avec en son centre les Nations unies, premi\u00e8re organisation v\u00e9ritablement universelle de l’histoire de l’humanit\u00e9, qui, bien qu’avec ses parts d\u2019ombres, poursuit depuis quatre-vingts ans l’objectif premier de la paix mondiale, de la croissance, de l’expansion de la prosp\u00e9rit\u00e9, et du r\u00e8glement pacifique des diff\u00e9rends.<\/p>\n\n\n\n

Sans oublier le respect des droits de l’homme et des libert\u00e9s fondamentales, composante essentielle de cette nouvelle architecture.<\/p>\n\n\n\n

Le grand juriste Ren\u00e9 Cassin, \u00e9tudiant puis professeur dans cette universit\u00e9, co-auteur de la D\u00e9claration universelle des droits de l’homme de 1948 et prix Nobel de la paix, a \u00e9crit : \u00ab Il n’y aura jamais de paix sur cette plan\u00e8te tant que les droits de l’homme seront viol\u00e9s, o\u00f9 que ce soit dans le monde \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Le despotisme des syst\u00e8mes fasciste et nazi semblait condamn\u00e9 par l’histoire.<\/p>\n\n\n\n

Le syst\u00e8me mis en place apr\u00e8s 1945 a \u00e9t\u00e9 r\u00e9gi, pendant une longue p\u00e9riode, par une grammaire de la bipolarit\u00e9 fond\u00e9e principalement sur des oppositions id\u00e9ologiques \u2014 auxquelles correspondaient cependant aussi des intentions de puissance. La guerre froide a d\u00e9fini les relations internationales pendant pr\u00e8s d’un demi-si\u00e8cle : c\u2019est autour de cette confrontation que se cristallisaient les relations, les alignements et les acteurs m\u00eames de la vie internationale. La terreur de l’holocauste nucl\u00e9aire dominait tout.<\/p>\n\n\n\n

Le 9 novembre 1989, avec l’effondrement du mur de Berlin, l’histoire et la g\u00e9ographie de l’Europe et de la M\u00e9diterran\u00e9e se recomposaient apr\u00e8s la fracture de la guerre froide. Une transformation historique avait lieu \u2014 et l’ordre international changeait \u00e0 nouveau de forme.<\/p>\n\n\n\n

Le XXe si\u00e8cle s’achevait avec l’effondrement de l’Union des r\u00e9publiques sovi\u00e9tiques et un nouvel ordre mondial, dans lequel l’expansion des d\u00e9mocraties lib\u00e9rales semblait pr\u00e9pond\u00e9rante.<\/p>\n\n\n\n

Beaucoup virent dans la fin de la guerre froide l’accomplissement de l’internationalisme kantien : une paix universelle fond\u00e9e sur les valeurs lib\u00e9rales et d\u00e9mocratiques semblait \u00e0 port\u00e9e de main.<\/p>\n\n\n\n

C’\u00e9tait le temps des grandes conf\u00e9rences des Nations unies, de celle sur l’environnement \u00e0 Rio de Janeiro en 1992 \u00e0 celle sur les femmes \u00e0 P\u00e9kin en 1995. Les objectifs du Mill\u00e9naire pour le d\u00e9veloppement (ODD) virent le jour \u00e0 ce moment-l\u00e0 ; la composition des organisations internationales s’\u00e9largissait \u2014 avec l\u2019entr\u00e9e de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001 \u2014 et une int\u00e9gration progressive des acteurs dans l’ordre international se r\u00e9alisait.<\/p>\n\n\n\n

L’humanit\u00e9 semblait avoir pris conscience qu’elle \u00e9tait li\u00e9e \u00e0 un destin commun, \u00e0 une responsabilit\u00e9 unique.<\/p>\n\n\n\n

La mondialisation, avec la croissance du commerce international, le raccourcissement des distances d\u00fb \u00e0 l’augmentation et \u00e0 la facilit\u00e9 des transports intercontinentaux, le flux toujours croissants de passagers, d’id\u00e9es, a \u00e9largi les horizons de la libert\u00e9, incitant de nombreux observateurs \u00e0 penser qu’elle \u00e9tait aussi le vecteur le plus rapide de la paix, de la coop\u00e9ration, voire de la d\u00e9mocratisation.<\/p>\n\n\n\n

La mondialisation contemporaine a produit un niveau d’int\u00e9gration et de croissance internationales sans pr\u00e9c\u00e9dent dans l’histoire. Des milliards de personnes sont sorties de la pauvret\u00e9. Les \u00e9changes de connaissances et d’opportunit\u00e9s ont augment\u00e9 de mani\u00e8re exponentielle, le progr\u00e8s scientifique a fait des avanc\u00e9es inimaginables et a permis des applications pratiques dans tous les domaines de la vie humaine.<\/p>\n\n\n\n

L’utopie d’un monde \u00ab unipolaire \u00bb a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9e en l’espace d’un peu plus de deux d\u00e9cennies. Le processus s’est enray\u00e9 face aux conflits d’int\u00e9r\u00eats, souvent au sein des m\u00eames communaut\u00e9s \u2014 qu\u2019on pense \u00e0 l’ex-Yougoslavie au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, \u00e0 l’instabilit\u00e9 dans de nombreux pays de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique subsaharienne, au conflit jamais r\u00e9solu au Moyen-Orient. Des acteurs, souvent non \u00e9tatiques \u2014 m\u00eame si, parfois, soutenus par des \u00c9tats \u2014 se sont eux aussi mis \u00e0 la \u00ab conqu\u00eate \u00bb, sans exclure la pratique d’actes de terrorisme.<\/p>\n\n\n\n

Au d\u00e9but du XXIe si\u00e8cle, nous avons donc \u00e9t\u00e9 progressivement confront\u00e9s \u00e0 une situation mouvante o\u00f9 pr\u00e9valaient les risques et le sentiment d’incertitude et d’impr\u00e9visibilit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Le d\u00e9fi consiste \u00e0 r\u00e9pondre de mani\u00e8re constructive \u00e0 la nouveaut\u00e9 qui se dessine.<\/p>\n\n\n\n

Aux instances internationales traditionnelles se sont ajout\u00e9s le G7, puis le G20. Le groupe des \u00ab BRICS \u00bb voit le nombre de ses membres augmenter et repr\u00e9sente une part croissante de la population et de la production \u00e9conomique mondiales<\/a>, proposant d’agir comme un groupe de pression dans la d\u00e9finition des normes et la gestion des opportunit\u00e9s, presque une renaissance r\u00e9vis\u00e9e du groupe des pays \u00ab non-align\u00e9s \u00bb \u2014 qui l\u2019\u00e9taient alors vraiment \u2014 qui a commenc\u00e9 avec la conf\u00e9rence de Bandung en Indon\u00e9sie en 1955.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
\u00ab  De nouvelles id\u00e9es sont n\u00e9cessaires \u2014 et non l’application d’anciens mod\u00e8les aux nouveaux int\u00e9r\u00eats de quelques-uns.  \u00bb \u00a9 Francesco Ammendola\/Ufficio per la Stampa e la Comunicazione della Presidenza della Repubblica<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

Mais \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de cette nouvelle articulation multipolaire de l’\u00e9quilibre mondial et en contradiction avec elle, le concept de \u00ab sph\u00e8res d’influence \u00bb, qui a \u00e9t\u00e9 \u00e0 l’origine des maux du XXe si\u00e8cle et que ma g\u00e9n\u00e9ration a combattu, r\u00e9appara\u00eet avec force.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 ce th\u00e8me s’ajoute celui de l\u2019\u00e9mergence des nouveaux seigneurs n\u00e9o-f\u00e9odaux du troisi\u00e8me mill\u00e9naire \u2014 ces nouveaux corsaires auxquels on peut attribuer des brevets \u2014 qui aspirent \u00e0 se voir confier des seigneuries dans la sph\u00e8re publique et \u00e0 g\u00e9rer des parties des biens communs que repr\u00e9sentent le cyberespace et l’espace extra-atmosph\u00e9rique, en devenant presque des usurpateurs de la souverainet\u00e9 d\u00e9mocratique.<\/p>\n\n\n\n

Rappelons ce que dit le Trait\u00e9 sur l’espace extra-atmosph\u00e9rique dans son article II : <\/p>\n\n\n\n

L\u2019espace extra-atmosph\u00e9rique, y compris la Lune et les autres corps c\u00e9lestes, ne peut faire l\u2019objet d\u2019appropriation nationale par proclamation de souverainet\u00e9, ni par voie d\u2019utilisation ou d\u2019occupation, ni par aucun autre moyen.<\/p>\n\n\n\n

L’\u00e8re moderne s’est caract\u00e9ris\u00e9e par la \u00ab Conqu\u00eate \u00bb des terres, des richesses et des ressources. Au fil des si\u00e8cles, l’abandon progressif des territoires qui n’\u00e9taient plus fertiles s’est accompagn\u00e9 de migrations vers de nouveaux rivages. Jusqu\u2019\u00e0 une \u00e9poque relativement r\u00e9cente, avec le mythe, en Am\u00e9rique, de la Frontier<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Les r\u00e8gles et les instruments seraient l\u00e0 pour affronter cette phase, alors pourquoi le syst\u00e8me multilat\u00e9ral semble-t-il ne pas le faire, avec le risque d’une r\u00e9p\u00e9tition de ce qui s’est pass\u00e9 dans les ann\u00e9es 1930 \u2014 m\u00e9fiance \u00e0 l’\u00e9gard de la d\u00e9mocratie, r\u00e9\u00e9mergence de l’unilat\u00e9ralisme et du nationalisme ?<\/p>\n\n\n\n

Aujourd’hui comme hier, le camp de ceux qui, jugeant les organisations internationales superflues, voire nuisibles \u00e0 leurs propres int\u00e9r\u00eats, songent \u00e0 les abandonner, s’\u00e9largit.<\/p>\n\n\n\n

Les int\u00e9r\u00eats de qui ? Ceux des citoyens ? Des peuples du monde ? Il ne semble pas que ce soit le cas.<\/p>\n\n\n\n

Les cons\u00e9quences de ces choix \u2014 l’histoire nous l’enseigne \u2014 sont malheureusement d\u00e9j\u00e0 \u00e9crites.<\/p>\n\n\n\n

Il est temps d’agir : en se rappelant les le\u00e7ons de l’histoire et en gardant \u00e0 l’esprit que l’ordre international n’est pas statique. Il s’agit d’une entit\u00e9 dynamique, qui doit pouvoir s’adapter aux changements, sans c\u00e9der sur les principes, les valeurs et les droits que les peuples ont conquis et affirm\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Cette ann\u00e9e \u2014 j’ai mentionn\u00e9 Bandung et la Charte de San Francisco \u2014 marque \u00e9galement le cinquanti\u00e8me anniversaire de la conclusion de la Conf\u00e9rence d’Helsinki sur la s\u00e9curit\u00e9 et la coop\u00e9ration en Europe, ainsi que le trenti\u00e8me anniversaire de l’OSCE qui en est issue.<\/p>\n\n\n\n

Il y a soixante-quinze ans, en octobre, le plan Pleven pour une d\u00e9fense europ\u00e9enne \u00e9tait lanc\u00e9. Il faisait suite \u00e0 la d\u00e9claration Schuman de mai de la m\u00eame ann\u00e9e, qui allait conduire \u00e0 la cr\u00e9ation de la Communaut\u00e9 europ\u00e9enne du charbon et de l’acier.<\/p>\n\n\n\n

Il y a quarante ans, sur le lac L\u00e9man, le pr\u00e9sident am\u00e9ricain Ronald Reagan et celui de l’URSS, Mikha\u00efl Gorbatchev, amor\u00e7aient le d\u00e9gel qui a conduit \u00e0 la signature du trait\u00e9 FNI, \u00e9liminant les missiles dits de th\u00e9\u00e2tre de l’Europe.<\/p>\n\n\n\n

En 1990, Paris a vu la signature du trait\u00e9 FCE pour la r\u00e9duction des forces conventionnelles en Europe.<\/p>\n\n\n\n

La d\u00e9tente a d\u00e9bouch\u00e9 sur les dividendes de la paix, qui se sont traduits par des r\u00e9ductions significatives des d\u00e9penses d’armement, et sur une saison de rapprochement et de partage.<\/p>\n\n\n\n

Ce fut le d\u00e9but d’une nouvelle architecture de s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne et mondiale.<\/p>\n\n\n\n

Une fois de plus, le dialogue et l’esprit de coop\u00e9ration ont pr\u00e9valu.<\/p>\n\n\n\n

Qu’est-ce que cela signifie ?<\/p>\n\n\n\n

Que la paix n’est pas un cadeau gratuit de l’histoire.<\/p>\n\n\n\n

Que les hommes d’\u00c9tat et les peuples doivent s’engager en sa faveur pour la r\u00e9aliser.<\/p>\n\n\n\n

Que la paix doit \u00eatre d\u00e9sir\u00e9e, construite et pr\u00e9serv\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

M\u00eame en d\u00e9ployant patiemment des mesures de confiance.<\/p>\n\n\n\n

Pensez \u00e0 la v\u00e9ritable batterie d’accords et de trait\u00e9s internationaux qui, au fil des d\u00e9cennies, l’ont soutenue.<\/p>\n\n\n\n

Que reste-t-il de tout cela ?<\/p>\n\n\n\n

Pas \u00e0 pas, les principaux protagonistes ont commenc\u00e9 \u00e0 les violer, puis \u00e0 les d\u00e9noncer.<\/p>\n\n\n\n

Quel est alors le prix de la s\u00e9curit\u00e9 ? La menace de l’usage, sinon de la pratique, de la violence ?<\/p>\n\n\n\n

Ces questions concernent avant tout l’Union europ\u00e9enne elle-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

L’Europe entend-elle \u00eatre un objet de dispute internationale, un espace d’influence pour les autres \u2014 ou au contraire devenir un sujet de politique internationale, dans l’affirmation des valeurs de sa propre civilisation ?<\/p>\n\n\n\n

Peut-elle accepter d’\u00eatre coinc\u00e9e entre oligarchies et autocraties ?<\/p>\n\n\n\n

Avec, tout au plus, la perspective d’une \u00ab vassalisation heureuse \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Il faut choisir : \u00eatre \u00ab prot\u00e9g\u00e9s \u00bb ou \u00eatre \u00ab protagonistes \u00bb ?<\/p>\n\n\n\n

L’Italie des Communes, aux XIIe et XIIIe si\u00e8cles, ambitieuse mais retranch\u00e9e dans la d\u00e9fense des identit\u00e9s de chacun, pris acte de l’impossibilit\u00e9 de devenir une masse critique, de survivre de mani\u00e8re autonome et finit par \u00eatre envahie, puis subit la partition.<\/p>\n\n\n\n

L’Europe semble \u00eatre \u00e0 la crois\u00e9e des chemins, divis\u00e9e comme elle l’est entre des \u00c9tats plus petits et des \u00c9tats qui n’ont pas encore r\u00e9alis\u00e9 qu’ils \u00e9taient eux aussi petits face \u00e0 la nouvelle situation mondiale.<\/p>\n\n\n\n

L’Union est l’un des exemples les plus concrets d’int\u00e9gration r\u00e9gionale et constitue peut-\u00eatre le projet \u2014 et l’exemple r\u00e9ussi \u2014 de paix et de d\u00e9mocratie le plus avanc\u00e9 de l’histoire.<\/p>\n\n\n\n

Elle repr\u00e9sente sans aucun doute un espoir de contrer le retour des conflits caus\u00e9s par le nationalisme. C’est un mod\u00e8le de coexistence qui, ce n’est pas un hasard, a fait des \u00e9mules sur d’autres continents, en Afrique, en Am\u00e9rique latine, en Asie.<\/p>\n\n\n\n

Elle constitue un point de r\u00e9f\u00e9rence dans les affaires internationales, pour un multilat\u00e9ralisme dynamique et constructif, avec une proposition de valeurs et de normes qui abandonne concr\u00e8tement le r\u00e9cit sp\u00e9cieux qui voudrait que le comportement des \u00ab m\u00e9chants \u00bb soit plus concret et plus fructueux que celui des soi-disant \u00ab gentils \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

L’Union s\u00e8me et diffuse l’avenir de l’humanit\u00e9. En t\u00e9moignent les accords internationaux de stabilisation sign\u00e9s avec le Canada, le Mexique ou le Mercosur. Les m\u00eames politiques de voisinage, les intentions mises en place apr\u00e8s la d\u00e9claration de Barcelone sur le partenariat euro-m\u00e9diterran\u00e9en (nous sommes trente ans apr\u00e8s cette date).<\/p>\n\n\n\n

Les interlocuteurs internationaux doivent savoir qu’ils ont en Europe une r\u00e9f\u00e9rence solide pour les politiques de paix et de croissance commune. Un gardien et un protecteur des droits de l’individu, de la d\u00e9mocratie, de l’\u00c9tat de droit.<\/p>\n\n\n\n

Quiconque pense que ces valeurs peuvent \u00eatre remises en cause sait que, dans le sillage de ses pr\u00e9curseurs, l’Europe ne trahira pas la libert\u00e9 et la d\u00e9mocratie.<\/p>\n\n\n\n

Les alliances elles-m\u00eames ne se justifient-elles que par des convergences d’int\u00e9r\u00eats \u2014 transitoires \u2014 et donc, par d\u00e9finition, \u00e0 g\u00e9om\u00e9trie variable, ou portent-elles aussi sur des valeurs ?<\/p>\n\n\n\n

L’Europe, rappelait Simone Veil au Parlement europ\u00e9en en 1979, sait que \u00ab des \u00eelots de libert\u00e9 sont entour\u00e9s de r\u00e9gimes o\u00f9 r\u00e8gne la force brute. Notre Europe est l’une de ces \u00eeles \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Rester retranch\u00e9 sur cette \u00eele n’est pas la solution : nous avons besoin d’un ordre international stable et mature pour r\u00e9agir \u00e0 l’entropie et au d\u00e9sordre caus\u00e9s par la politique de puissance, et pour faire face aux grands d\u00e9fis transnationaux de notre \u00e9poque.<\/p>\n\n\n\n

Les institutions actuelles ne suffisent cependant pas, et les r\u00e9flexions propos\u00e9es par la Conf\u00e9rence sur l’avenir de l’Europe ces derni\u00e8res ann\u00e9es m\u00e9ritent d’\u00eatre reprises et mises en \u0153uvre, avec une politique \u00e9trang\u00e8re et de d\u00e9fense commune plus incisive, capable de transmettre la confiance dans le r\u00f4le de l’Europe pour r\u00e9pondre aux d\u00e9fis mondiaux.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons montr\u00e9 que nous \u00e9tions capables d’agir efficacement en cas de crise, comme lors de la pand\u00e9mie, et de nous opposer \u00e0 des violations inacceptables des droits des peuples en faisant preuve d’unit\u00e9, comme dans le cas de l’agression russe contre l’Ukraine.<\/p>\n\n\n\n

C’est avec la m\u00eame efficacit\u00e9, la m\u00eame unit\u00e9 que nous devons maintenant nous renouveler pour sauvegarder la s\u00e9curit\u00e9 et le bien-\u00eatre des peuples europ\u00e9ens et contribuer \u00e0 la paix dans le monde, \u00e0 commencer par la dimension m\u00e9diterran\u00e9enne et les relations avec le continent africain voisin.<\/p>\n\n\n\n

Ce n’est pas la r\u00e9signation qui doit nous guider, mais la volont\u00e9 de donner un contenu aux d\u00e9marches n\u00e9cessaires pour atteindre ces r\u00e9sultats.<\/p>\n\n\n\n

Aldo Moro, l’homme d’\u00c9tat italien assassin\u00e9 par les Brigades rouges, en sa qualit\u00e9 de pr\u00e9sident en exercice des Communaut\u00e9s europ\u00e9ennes de l’\u00e9poque \u2014 qui regroupaient neuf pays \u2014 s’exprimant lors de la session finale de la conf\u00e9rence d’Helsinki, avait propos\u00e9 de donner un sens \u00e0 la phase de d\u00e9tente internationale qui s’annon\u00e7ait, en soulignant qu’elle signifiait \u00ab l’exaltation des id\u00e9aux de libert\u00e9 et de justice, une protection toujours plus efficace des droits de l’homme, un enrichissement des peuples gr\u00e2ce \u00e0 une meilleure connaissance mutuelle, des contacts plus libres, une circulation toujours plus grande des id\u00e9es et des informations \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

L’Union europ\u00e9enne \u2014 et en son sein la France et l’Italie \u2014 doit prendre la t\u00eate d’un mouvement qui, en revendiquant les principes fondateurs de notre ordre international, sache le renouveler, en \u00e9tant attentif aux demandes de ceux qui se sentent marginalis\u00e9s par la construction actuelle.<\/p>\n\n\n\n

Une voie qui n’est pas celle de l’abandon des organismes internationaux ni celle de la r\u00e9pudiation des principes et des r\u00e8gles qui nous gouvernent, mais celle d’une r\u00e9forme profonde et partag\u00e9e du syst\u00e8me multilat\u00e9ral, plus inclusive et \u00e9galitaire que ce qu’ont pu faire les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, \u00e0 laquelle il faut cependant reconna\u00eetre le grand m\u00e9rite de r\u00e9unir les gagnants et les perdants pour un monde nouveau.<\/p>\n\n\n\n

De nouvelles id\u00e9es sont n\u00e9cessaires \u2014 et non l’application d’anciens mod\u00e8les aux nouveaux int\u00e9r\u00eats de quelques-uns.<\/p>\n\n\n\n

Ici, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique italienne semble pol\u00e9miquer avec les id\u00e9ologues du trumpisme qui pensent<\/a>, comme Peter Thiel, que \u00ab l’avenir exige des id\u00e9es nouvelles et \u00e9tranges \u00bb, mais qu\u2019il faut mettre fin \u00e0 \u00ab l\u2019exp\u00e9rience d\u00e9mocratique rat\u00e9e des deux derniers si\u00e8cles \u00bb (Curtis Yarvin<\/a>).<\/p>\n\n\n\n

Les universit\u00e9s sont des lieux id\u00e9aux pour faire \u00e9merger ces id\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Ch\u00e8res \u00e9tudiantes, chers \u00e9tudiants, <\/p>\n\n\n\n

l’histoire est grav\u00e9e dans le comportement humain.<\/p>\n\n\n\n

L’avenir de la plan\u00e8te d\u00e9pend de la capacit\u00e9 \u00e0 fa\u00e7onner l’ordre international de mani\u00e8re \u00e0 le mettre au service de la personne humaine.<\/p>\n\n\n\n

Les choix du multilat\u00e9ralisme et de la solidarit\u00e9 d’aujourd’hui d\u00e9termineront la qualit\u00e9 de votre avenir.<\/p>\n\n\n\n

Il s’agit de ne pas r\u00e9p\u00e9ter les erreurs du pass\u00e9, mais de cr\u00e9er un nouveau r\u00e9cit.<\/p>\n\n\n\n

Ce n’est qu’ensemble, en tant que communaut\u00e9 mondiale, que nous pouvons esp\u00e9rer construire un avenir prosp\u00e8re, inspir\u00e9 par l’\u00e9quit\u00e9 et la stabilit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Je vous souhaite, \u00e0 chacun d’entre vous, beaucoup de succ\u00e8s dans les \u00e9tudes que vous poursuivez, dans l’espoir qu’elles vous conduiront \u00e0 \u00eatre des acteurs conscients et participatifs de la communaut\u00e9 internationale.<\/p>\n\n\n\n

Je vous adresse mes meilleurs v\u0153ux !<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Le premier chef d\u2019\u00c9tat europ\u00e9en \u00e0 opposer une r\u00e9sistance frontale et articul\u00e9e au projet imp\u00e9rial qui se d\u00e9gage depuis que la nouvelle Silicon Valley s\u2019est install\u00e9e avec Donald Trump \u00e0 la Maison Blanche est un d\u00e9mocrate-chr\u00e9tien sicilien de 83 ans. <\/p>\n

\u00c0 Marseille, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique italienne, Sergio Mattarella, a prononc\u00e9 aujourd\u2019hui une allocution pour d\u00e9noncer la \u00ab  vassalisation heureuse  \u00bb.<\/p>\n

Nous le traduisons.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":261440,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-speeches.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":true,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-261439","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","staff-le-grand-continent","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nContre \u00abla vassalisation heureuse\u2026 il est temps d\u2019agir\u00bb: l\u2019appel de Sergio Mattarella | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2025\/02\/05\/contre-la-vassalisation-heureuse-il-est-temps-dagir-lappel-de-sergio-mattarella\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Contre \u00abla vassalisation heureuse\u2026 il est temps d\u2019agir\u00bb: l\u2019appel de Sergio Mattarella | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Le premier chef d\u2019\u00c9tat europ\u00e9en \u00e0 opposer une r\u00e9sistance frontale et articul\u00e9e au projet imp\u00e9rial qui se d\u00e9gage depuis que la nouvelle Silicon Valley s\u2019est install\u00e9e avec Donald Trump \u00e0 la Maison Blanche est un d\u00e9mocrate-chr\u00e9tien sicilien de 83 ans. \u00c0 Marseille, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique italienne, Sergio Mattarella, a prononc\u00e9 aujourd\u2019hui une allocution pour d\u00e9noncer la \u00ab vassalisation heureuse \u00bb. 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