Le double r\u00f4le du HR\/VP<\/h2>\n\n\n\n
Dans sa forme actuelle, la fonction de HR\/VP est d\u00e9finie par le trait\u00e9 de Lisbonne de 2007. Le HR\/VP est choisi avant les autres commissaires par le Conseil europ\u00e9en car il a deux r\u00f4les : Haut repr\u00e9sentant de l’Union europ\u00e9enne pour la politique \u00e9trang\u00e8re et de s\u00e9curit\u00e9 (HR) d’une part et vice-pr\u00e9sident de la Commission (VP) d’autre part. L’autorit\u00e9 du haut repr\u00e9sentant \u2014 la premi\u00e8re partie du double r\u00f4le \u2014 d\u00e9coule du Conseil, puisque les affaires \u00e9trang\u00e8res et la politique de d\u00e9fense restent des comp\u00e9tences exclusives des \u00c9tats membres de l’Union. Toute d\u00e9cision dans ces domaines requiert toujours l’unanimit\u00e9 des \u00c9tats membres. J’y reviendrai plus tard.<\/p>\n\n\n\n
Parall\u00e8lement, le haut repr\u00e9sentant est \u00e9galement l’un des vice-pr\u00e9sidents de la Commission afin de faciliter la coordination indispensable avec d’autres politiques communes ayant une forte dimension ext\u00e9rieure, telles que le commerce, l’aide au d\u00e9veloppement, le voisinage ou encore les migrations. Pour souligner le caract\u00e8re unique de ce poste, le HR\/VP dirige une organisation, le Service europ\u00e9en pour l’action ext\u00e9rieure (SEAE), qui est distincte de la Commission europ\u00e9enne et du Conseil. C’est ce service qui g\u00e8re les 144 d\u00e9l\u00e9gations de l’Union dans le monde.<\/p>\n\n\n\n
Lorsque Pedro S\u00e1nchez m’a propos\u00e9 de devenir \u00e0 la fois commissaire europ\u00e9en et HR\/VP, j’\u00e9tais bien conscient que ce poste serait un grand honneur et une lourde charge. C’\u00e9tait le point culminant d’une carri\u00e8re d\u00e9j\u00e0 longue en tant que ministre espagnol \u00e0 de nombreuses reprises, membre de la Convention sur l\u2019avenir de l\u2019Europe entre 2001 et 2003, pr\u00e9sident du Parlement europ\u00e9en et pr\u00e9sident de l’Institut universitaire europ\u00e9en de Florence. Cette exp\u00e9rience vari\u00e9e ne m’avait pas trop mal pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 exercer cette t\u00e2che. Il n’en a pas \u00e9t\u00e9 moins difficile de la mener \u00e0 bien pendant cinq ans dans un contexte g\u00e9opolitique tr\u00e8s tendu.<\/p>\n\n\n\n
Le 7 octobre 2019, j’avais donc \u00e9t\u00e9 invit\u00e9 \u00e0 me pr\u00e9senter devant les commissions des affaires \u00e9trang\u00e8res, du commerce et du d\u00e9veloppement du Parlement europ\u00e9en. Le Parlement europ\u00e9en doit valider en effet les diff\u00e9rentes propositions de nomination \u00e0 la Commission. Cela a \u00e9t\u00e9 bien s\u00fbr pour moi un moment tr\u00e8s fort de me retrouver de nouveau pour la premi\u00e8re fois devant ce Parlement que j’avais pr\u00e9sid\u00e9 quinze ans plus t\u00f4t.<\/p>\n\n\n\n
L’un des rares avantages du poste de HR\/VP est que l’on dispose d’un peu plus de temps que les autres commissaires pour se pr\u00e9parer \u00e0 ses nouvelles fonctions. Ainsi, lorsque je me suis pr\u00e9sent\u00e9 devant les membres du Parlement europ\u00e9en ce jour-l\u00e0, j\u2019avais pu me forger quelques solides convictions quant aux priorit\u00e9s \u00e0 donner \u00e0 mon mandat.<\/p>\n\n\n\n
Je ne pouvais \u00e9videmment pas anticiper la pand\u00e9mie de Covid-19, la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, le massacre du 7 octobre 2023 ou la guerre de Gaza. N\u00e9anmoins, lorsque je relis le discours que j’ai prononc\u00e9 devant les membres du Parlement europ\u00e9en, je pense pouvoir dire sans me tromper que les \u00e9v\u00e9nements ult\u00e9rieurs ne m’ont pas donn\u00e9 tort sur bon nombre des questions que j’avais soulev\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n
Le monde a chang\u00e9 en pire \u2014 en bien pire<\/h2>\n\n\n\n
Le principal message que j’avais adress\u00e9 aux d\u00e9put\u00e9s europ\u00e9ens \u00e0 l’\u00e9poque \u00e9tait que nous vivions une \u00e9poque diff\u00e9rente de celle qui avait suivi la chute du mur de Berlin. Depuis lors, \u00ab le monde a chang\u00e9 de mani\u00e8re spectaculaire, et pour le pire, en bien pire \u00bb, leur ai-je d\u00e9clar\u00e9. \u00ab Nous sommes confront\u00e9s \u00e0 des guerres commerciales, au changement climatique, \u00e0 des crises de r\u00e9fugi\u00e9s, \u00e0 des quartiers instables et \u00e0 des menaces hybrides. L’ordre international fond\u00e9 sur des r\u00e8gles est remis en question par une logique de politique de puissance, qui est bien plus injuste, impr\u00e9visible et sujette aux conflits \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Une exp\u00e9rience vari\u00e9e ne m’avait pas trop mal pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 exercer cette t\u00e2che. Il n’en a pas \u00e9t\u00e9 moins difficile de la mener \u00e0 bien pendant cinq ans dans un contexte g\u00e9opolitique tr\u00e8s tendu. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les cinq ann\u00e9es qui ont suivi ont \u2014 malheureusement \u2014 confirm\u00e9 et amplifi\u00e9 ce diagnostic. La pand\u00e9mie de Covid-19 et ses cons\u00e9quences g\u00e9o\u00e9conomiques, la guerre d’agression imp\u00e9rialiste lanc\u00e9e par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, foulant aux pieds la Charte des Nations unies, le conflit au Moyen-Orient et les difficult\u00e9s \u00e0 y faire respecter le droit international et le droit humanitaire, les tensions en mer de Chine m\u00e9ridionale et les violations r\u00e9p\u00e9t\u00e9es du droit international de la mer ont pleinement illustr\u00e9 ces tendances depuis 2019.<\/p>\n\n\n\n \u00ab Ce n’est pas le monde que l’Union europ\u00e9enne souhaitait \u00bb, avais-je alors ajout\u00e9, \u00ab mais je suis convaincu que nous avons ce qu’il faut pour faire face \u00e0 cet environnement difficile, car nous avons, et nous devons en \u00eatre fiers, la meilleure combinaison de libert\u00e9 politique, de prosp\u00e9rit\u00e9 \u00e9conomique et de coh\u00e9sion sociale au monde. Nous avons les ressources n\u00e9cessaires. Nous avons le soutien de nos citoyens et des institutions solides, et nous devons construire sur cette base. \u00bb<\/p>\n\n\n\n Ce soutien du citoyen europ\u00e9en existait en 2019 et existe encore aujourd’hui, mais les r\u00e9sultats des derni\u00e8res \u00e9lections europ\u00e9ennes montrent aussi que ce consensus ne peut pas \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme acquis pour toujours si nous ne faisons pas le n\u00e9cessaire pour apporter \u00e0 nos concitoyens la s\u00e9curit\u00e9 et la prosp\u00e9rit\u00e9 qu’ils attendent.<\/p>\n\n\n\n Par ailleurs, si nous disposons incontestablement d’institutions solides, j’ai mesur\u00e9 au cours des cinq derni\u00e8res ann\u00e9es \u00e0 quel point celles-ci n’\u00e9taient pas suffisamment agiles pour r\u00e9agir \u00e0 temps dans un monde devenu \u00e0 la fois plus fluide et plus dangereux. En mati\u00e8re de politique \u00e9trang\u00e8re et de d\u00e9fense, la r\u00e8gle de l’unanimit\u00e9 nous a souvent fait perdre non seulement des semaines, mais m\u00eame de pr\u00e9cieux mois depuis 2019 \u2014 que ce soit lorsqu’il s’agissait de r\u00e9agir \u00e0 la fraude \u00e9lectorale massive au Belarus en 2020, de soutenir l’Ukraine avec suffisamment de rapidit\u00e9 et de force, ou d’agir pour le respect du droit international au Moyen-Orient.<\/p>\n\n\n\n S’il y a une le\u00e7on que j’ai tir\u00e9e de ce mandat, c’est l’urgente n\u00e9cessit\u00e9 de changer de r\u00e8gles du jeu. Je suis pleinement conscient de la sp\u00e9cificit\u00e9 du domaine des affaires \u00e9trang\u00e8res et de la d\u00e9fense : il est au c\u0153ur des pr\u00e9rogatives les plus fondamentales des \u00c9tats-nations. C’est pourquoi la solution politiquement acceptable ne sera sans doute pas d’adopter simplement dans ce domaine le vote \u00e0 la majorit\u00e9 qualifi\u00e9e qui s’applique \u00e0 d’autres domaines de l’action europ\u00e9enne. Il sera probablement n\u00e9cessaire d’introduire une sorte de majorit\u00e9 superqualifi\u00e9e ou au minimum une r\u00e8gle d’unanimit\u00e9 moins un ou deux \u00c9tats. Mais dans la perspective de nouveaux \u00e9largissements, la r\u00e8gle de l’unanimit\u00e9 devra de toute fa\u00e7on \u00eatre remplac\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Je suis convaincu que nous avons ce qu’il faut pour faire face \u00e0 cet environnement difficile, car nous avons, et nous devons en \u00eatre fiers, la meilleure combinaison de libert\u00e9 politique, de prosp\u00e9rit\u00e9 \u00e9conomique et de coh\u00e9sion sociale au monde.<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Comment l’Europe peut-elle faire face \u00e0 ce monde plus hostile ? \u00ab Nous devons mettre en commun nos souverainet\u00e9s nationales pour d\u00e9multiplier le pouvoir de chaque \u00c9tat membre, et je suis convaincu que si nous n’agissons pas ensemble, l’Europe ne sera plus pertinente dans le nouveau monde qui s’annonce \u00bb, avais-je d\u00e9clar\u00e9 aux d\u00e9put\u00e9s europ\u00e9ens en 2019. <\/p>\n\n\n\n Mais je n’\u00e9tais pas compl\u00e8tement na\u00eff et j’ajoutais que \u00ab la mise en commun des souverainet\u00e9s nationales est une d\u00e9cision politique, plus facile \u00e0 proclamer qu’\u00e0 r\u00e9aliser. Mon vieil ami Jacques Delors disait : \u00ab Il faut concilier les discours du dimanche et les actions du lundi \u00bb, mais pour cela il faut une politique \u00e9trang\u00e8re vraiment int\u00e9gr\u00e9e qui combine le pouvoir des \u00c9tats membres, agissant ensemble au sein du Conseil, avec toutes les politiques g\u00e9r\u00e9es par la Commission et la l\u00e9gitimit\u00e9 d\u00e9mocratique de cette Assembl\u00e9e \u00bb. Je dois admettre que cet objectif n’a \u00e9t\u00e9 que partiellement atteint au cours des cinq derni\u00e8res ann\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n Nous l’avons plut\u00f4t bien atteint face \u00e0 la pand\u00e9mie de Covid-19 en coordonnant efficacement le rapatriement de milliers de nos concitoyens bloqu\u00e9s \u00e0 l’\u00e9tranger d\u00e9but 2020, en choisissant d’acheter des vaccins en commun <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et en \u00e9mettant 750 milliards d’euros de dette commune<\/a> pour faire face aux cons\u00e9quences de cette pand\u00e9mie tout en acc\u00e9l\u00e9rant les transitions \u00e9nerg\u00e9tique et num\u00e9rique. La dimension externe de cette solidarit\u00e9 europ\u00e9enne a cependant \u00e9t\u00e9 moins r\u00e9ussie : nous avons fini par \u00eatre l’un des acteurs internationaux qui a le plus contribu\u00e9 \u00e0 soutenir la vaccination dans les pays \u00e9mergents et en d\u00e9veloppement, mais nous avons souvent mis trop de temps \u00e0 le faire. Ce retard a nui \u00e0 notre image dans de nombreux pays.<\/p>\n\n\n\n S’il y a une le\u00e7on que j’ai tir\u00e9e de ce mandat, c’est l’urgente n\u00e9cessit\u00e9 de changer de r\u00e8gles du jeu.<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Nous avons \u00e9galement plus ou moins r\u00e9ussi \u00e0 faire co\u00efncider les paroles et les actes face \u00e0 la guerre d’agression russe contre l’Ukraine. Nous avons r\u00e9agi ensemble tr\u00e8s rapidement \u00e0 la crise \u00e9nerg\u00e9tique<\/a> majeure provoqu\u00e9e par la guerre. Nous avons \u00e9galement bris\u00e9 un tabou en apportant un soutien militaire massif \u00e0 un pays en guerre<\/a>. Cependant, en plus des obstacles institutionnels d\u00e9j\u00e0 mentionn\u00e9s, la prise de conscience tardive de la nature et des intentions r\u00e9elles du r\u00e9gime de Vladimir Poutine, et les s\u00e9quelles de trente ann\u00e9es de \u00ab d\u00e9sarmement silencieux \u00bb<\/a> apr\u00e8s la chute du mur de Berlin nous ont souvent amen\u00e9s \u00e0 r\u00e9agir sur le mode du trop peu et trop tard, avec de graves cons\u00e9quences pour les Ukrainiens. Il nous faut aujourd’hui amplifier cet effort et, pour y parvenir, relancer notamment nos industries de d\u00e9fense, mais j’y reviendrai.<\/p>\n\n\n\n En revanche, jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent, nous n’avons pas r\u00e9ussi \u00e0 \u00eatre coh\u00e9rents et efficaces au Moyen-Orient. En 2019, je n’avais pas abord\u00e9 la question devant le Parlement europ\u00e9en. \u00c0 l’\u00e9poque, tout le monde m’avait conseill\u00e9 de ne pas y toucher : la situation \u00e9tait fig\u00e9e, il n’y avait pas moyen d’avancer vers une solution \u00e0 deux \u00c9tats. Avec les accords d’Abraham, les Am\u00e9ricains faisaient la paix entre les pays arabes et Isra\u00ebl, et le mieux pour l’Union \u00e9tait de ne pas s’en m\u00ealer. La question palestinienne finirait par se r\u00e9soudre d’elle-m\u00eame. La suite des \u00e9v\u00e9nements a cependant montr\u00e9 \u00e0 quel point ce point de vue \u00e9tait erron\u00e9 et ce statu quo intenable.<\/p>\n\n\n\n Pour ma part, bien avant le 7 octobre 2023, j’avais cependant d\u00e9cid\u00e9 de r\u00e9investir l’Union dans la question de la paix au Proche-Orient. Apr\u00e8s l’explosion du port de Beyrouth en ao\u00fbt 2020, nous avons tent\u00e9, sans succ\u00e8s, de contribuer \u00e0 la r\u00e9solution de la crise politique et institutionnelle au Liban. Et en ce qui concerne le conflit isra\u00e9lo-palestinien, les 11 jours de combats \u00e0 Gaza en 2021<\/a>, la d\u00e9t\u00e9rioration constante de la situation due aux colons isra\u00e9liens ill\u00e9gaux en Cisjordanie et \u00e0 J\u00e9rusalem-Est, et l’affaiblissement de l’Autorit\u00e9 palestinienne avaient d\u00e9j\u00e0 montr\u00e9 que la situation devenait explosive.<\/p>\n\n\n\n En 2022, j’ai reconvoqu\u00e9 le Conseil d’association UE-Isra\u00ebl, qui ne s’\u00e9tait pas r\u00e9uni depuis 11 ans, pour discuter de ces questions avec les autorit\u00e9s isra\u00e9liennes. Et, en 2023, nous avons lanc\u00e9 une initiative conjointe avec l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Ligue arabe pour relancer la solution des deux \u00c9tats <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En septembre 2023, quelques jours avant le massacre du 7 octobre, nous avons r\u00e9uni les repr\u00e9sentants de plus de 60 \u00c9tats pour soutenir cette initiative en marge de l’Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale des Nations unies. Malgr\u00e9 la guerre qui a \u00e9clat\u00e9 le 7 octobre, nous avons poursuivi cet effort en cr\u00e9ant une Alliance globale pour la solution \u00e0 deux \u00c9tats avec les m\u00eames partenaires en septembre 2024 <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Mais apr\u00e8s le 7 octobre, au-del\u00e0 de notre condamnation sans faille de cet horrible massacre, nous n’avons pas \u00e9t\u00e9 en mesure de parler d’une seule voix ni d’agir avec suffisamment d’efficacit\u00e9 pour contribuer \u00e0 l’obtention d’un cessez-le-feu, \u00e0 la lib\u00e9ration des otages et au respect du droit international et des d\u00e9cisions du Conseil de s\u00e9curit\u00e9, de l’Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale des Nations unies et de la Cour internationale de justice dans la r\u00e9gion.<\/p>\n\n\n\n Ce n’est pas par manque de leviers d’influence. Nous sommes le premier fournisseur d’aide au peuple palestinien via l’UNRWA et l’Autorit\u00e9 palestinienne <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Nous sommes \u00e9galement le premier partenaire d’Isra\u00ebl en termes de commerce, d’investissement et d’\u00e9changes de personnes dans le cadre d’un accord d’association qui est l’un des plus \u00e9tendus que nous ayons dans le monde. Certains de nos \u00c9tats membres sont \u00e9galement d’importants fournisseurs d’armes \u00e0 Isra\u00ebl. Ce sont nos profondes divisions sur cette question qui nous ont largement emp\u00each\u00e9s d’influencer le cours des \u00e9v\u00e9nements, malgr\u00e9 le nombre croissant de victimes civiles.<\/p>\n\n\n\n Cette impuissance et cette passivit\u00e9, qui contrastent avec la vigueur de notre engagement en faveur de l’Ukraine, ont souvent \u00e9t\u00e9 per\u00e7ues \u00e0 l’ext\u00e9rieur de l’Union comme le signe d’un \u00ab double standard \u00bb<\/a> : aux yeux des Europ\u00e9ens, la vie d’un Palestinien ne vaudrait pas autant que celle d’un Ukrainien. La grande majorit\u00e9 des citoyens de l’Union ne partagent certainement pas ce point de vue, mais cela n’emp\u00eache pas cette id\u00e9e de se r\u00e9pandre largement dans les pays de ce que l’on appelle aujourd’hui le \u00ab Sud global \u00bb<\/a>, aid\u00e9e en cela par la propagande russe. Et pas seulement dans les pays musulmans : j’ai \u00e9t\u00e9 frapp\u00e9 de voir \u00e0 quel point cette critique nous \u00e9tait aussi r\u00e9guli\u00e8rement adress\u00e9e \u00e0 travers l’Am\u00e9rique latine ou l’Afrique subsaharienne.<\/p>\n\n\n\n Il s’agit l\u00e0 d’un d\u00e9fi g\u00e9opolitique majeur pour l’Union. L’imp\u00e9rialisme de Vladimir Poutine repr\u00e9sente pour nous une menace existentielle s’il devait \u00eatre victorieux en Ukraine. Si un nombre important de pays du \u00ab Sud Global \u00bb se ralliait \u00e0 son point de vue sur l’Ukraine plut\u00f4t qu’au n\u00f4tre en raison de ce qui se passe au Moyen-Orient, notre position strat\u00e9gique s’en trouverait s\u00e9rieusement affaiblie. Avec la d\u00e9t\u00e9rioration massive de la situation au Sahel<\/a>, nous avons d\u00e9j\u00e0 vu la menace que repr\u00e9sente pour l’Union l’influence croissante de la Russie en Afrique. La r\u00e9union des BRICS \u00e0 Kazan<\/a>, en Russie, \u00e0 l’invitation de Vladimir Poutine, en octobre 2024, a \u00e9t\u00e9 un autre signal d’alarme.<\/p>\n\n\n\n Nous devons imp\u00e9rativement r\u00e9ussir \u00e0 emp\u00eacher la consolidation d\u2019une alliance du \u00ab Reste contre l’Ouest \u00bb, mais je dois admettre qu’\u00e0 la fin de mon mandat, il s’agit encore d’un \u00ab travail en cours \u00bb.<\/p>\n\n\n\n C’est particuli\u00e8rement vrai dans nos relations avec l’Afrique. \u00ab Il ne faut pas regarder [l’Afrique] uniquement sous l’angle des migrations \u00bb, disais-je en 2019, \u00ab c’est aussi une opportunit\u00e9 si nous sommes capables de mettre en place une strat\u00e9gie globale qui int\u00e8gre le commerce, l’investissement, la s\u00e9curit\u00e9, l’\u00e9ducation, surtout l’\u00e9ducation, l’\u00e9mancipation des femmes \u2014 il n’y aura pas de solution sans l’\u00e9mancipation des femmes en Afrique \u2014, la mobilit\u00e9, tout cela ensemble. Nous devons voir grand et \u00eatre cr\u00e9atifs, en d\u00e9veloppant une vision strat\u00e9gique commune \u00bb.<\/p>\n\n\n\n L’imp\u00e9rialisme de Vladimir Poutine repr\u00e9sente pour nous une menace existentielle s’il devait \u00eatre victorieux en Ukraine. L’une des premi\u00e8res actions de la nouvelle Commission europ\u00e9enne avait \u00e9t\u00e9 de se rendre \u00e0 Addis-Abeba d\u00e9but 2020 pour rencontrer nos homologues de l’Union africaine et discuter des moyens de mettre en \u0153uvre ensemble cet ambitieux programme. Malheureusement, quelques jours plus tard, la pand\u00e9mie de Covid-19 a bloqu\u00e9 toute initiative majeure pendant pr\u00e8s de deux ans. Par la suite, l’\u00e9volution n\u00e9gative au Sahel, les conflits de plus en plus meurtriers dans la Corne de l’Afrique et en Afrique centrale, ainsi que le jeu criminel de la Russie de Poutine sur le continent<\/a>, ont rendu tr\u00e8s difficile le rapprochement entre l’Europe et l’Afrique. Et cela, bien qu\u2019il soit clair qu’une part essentielle de l’avenir de l’Europe et du monde se jouera sur ce continent au cours des prochaines d\u00e9cennies. Trouver les moyens de resserrer les liens avec l’Afrique sera l’un des principaux d\u00e9fis que devront relever les nouveaux dirigeants europ\u00e9ens.<\/p>\n\n\n\n En 2019, j’avais r\u00e9sum\u00e9 la mission principale de mon mandat devant le Parlement europ\u00e9en par une phrase souvent reprise depuis : \u00ab L’Union europ\u00e9enne doit apprendre \u00e0 parler le langage de la puissance \u00bb. Et j’ajoutais que \u00ab nous avons les instruments pour mettre en \u0153uvre une politique de puissance. Notre d\u00e9fi est de les mettre au service d’une strat\u00e9gie \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Face \u00e0 l’utilisation croissante par d’autres acteurs \u2014 la Chine, mais pas seulement \u2014 des relations \u00e9conomiques comme des armes au service de leur propre politique de puissance, nous avons longtemps \u00e9t\u00e9 trop na\u00effs. \u00ab Nous sommes une puissance normative clef dans l’\u00e9tablissement de r\u00e8gles et de normes mondiales. Nous avons une politique commerciale commune puissante. Puissante parce qu’elle est commune \u00bb, avais-je soulign\u00e9 \u00e0 l’\u00e9poque devant les membres du Parlement.<\/p>\n\n\n\n C’est l’un des domaines o\u00f9 les choses ont le plus boug\u00e9 au cours du mandat qui s’ach\u00e8ve. Dans le domaine num\u00e9rique, nous avons pris un certain nombre de mesures fortes pour discipliner les g\u00e9ants du secteur<\/a>, notamment les grandes plateformes de r\u00e9seaux sociaux, et les contraindre \u00e0 respecter nos valeurs et les droits et libert\u00e9s des Europ\u00e9ens. Nous avons introduit des contr\u00f4les plus stricts sur les investissements \u00e9trangers en Europe, ainsi que des mesures pour lutter contre le dumping des acteurs \u00e9trangers b\u00e9n\u00e9ficiant de subventions publiques massives<\/a>. Nous avons renforc\u00e9 les contr\u00f4les sur les exportations sensibles<\/a>, notamment celles susceptibles d’\u00eatre utilis\u00e9es \u00e0 des fins militaires. Nous avons commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9valuer pr\u00e9cis\u00e9ment les risques<\/a> li\u00e9s \u00e0 notre trop grande d\u00e9pendance vis-\u00e0-vis de certains pays fournisseurs afin de les r\u00e9duire.<\/p>\n\n\n\n Nous n’avons pas non plus h\u00e9sit\u00e9 \u00e0 recourir, si n\u00e9cessaire, \u00e0 des sanctions \u00e9conomiques<\/a> de grande ampleur. Le double choc de l’\u00e9pid\u00e9mie de Covid-19 et des difficult\u00e9s d’approvisionnement associ\u00e9es, et de la guerre d’agression contre l’Ukraine et de la crise \u00e9nerg\u00e9tique qu’elle a provoqu\u00e9e, a largement contribu\u00e9 \u00e0 pousser les \u00c9tats membres de l\u2019Union \u00e0 agir dans ces domaines, m\u00eame si des divergences importantes subsistent au sein de l’Union sur ces questions.<\/p>\n\n\n\n Il reste cependant \u00e0 rattraper l’\u00e9norme retard technologique accumul\u00e9 au cours des derni\u00e8res d\u00e9cennies et mis en \u00e9vidence par le rapport Draghi<\/a>. Dans son rapport, Mario Draghi a soulign\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 pour l’Union de d\u00e9velopper une v\u00e9ritable \u00ab politique \u00e9conomique ext\u00e9rieure \u00bb et de mieux coordonner \u00ab les accords commerciaux pr\u00e9f\u00e9rentiels et les investissements directs avec les pays riches en ressources, la constitution de stocks dans certains domaines critiques et la cr\u00e9ation de partenariats industriels pour s\u00e9curiser la cha\u00eene d’approvisionnement en ressources cl\u00e9s \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Le fonctionnement en silo que nous avons connu jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent, avec la politique commerciale de l’Union d’un c\u00f4t\u00e9 et sa politique \u00e9trang\u00e8re et de s\u00e9curit\u00e9 de l’autre, est en effet totalement inadapt\u00e9 au contexte g\u00e9opolitique dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Le trait\u00e9 de Lisbonne avait d\u00e9j\u00e0 cherch\u00e9 \u00e0 r\u00e9soudre ce probl\u00e8me. Il \u00e9tablit une distinction entre les relations \u00e9conomiques internationales, telles que le commerce et l’aide au d\u00e9veloppement, qui rel\u00e8vent de la comp\u00e9tence de la Commission, et la politique \u00e9trang\u00e8re et de s\u00e9curit\u00e9, qui est une question intergouvernementale. Selon le trait\u00e9, c’est le HR\/VP qui doit permettre d’int\u00e9grer ces deux dimensions. Outre la pr\u00e9sidence des Conseils des ministres des affaires \u00e9trang\u00e8res, de la d\u00e9fense et du d\u00e9veloppement, il devait \u00e9galement pr\u00e9sider le Conseil des ministres du commerce ext\u00e9rieur. Mais depuis plusieurs ann\u00e9es, cette disposition n’est plus appliqu\u00e9e. Pour limiter cette dichotomie n\u00e9faste, il serait sans doute utile de revenir \u00e0 l’esprit et \u00e0 la lettre du trait\u00e9 dans ce domaine.<\/p>\n\n\n\n Le rapport Draghi propose \u00e9galement d’aller beaucoup plus loin<\/a> que ce que nous avons fait jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent en mati\u00e8re de politique industrielle. Certes, les mesures d\u00e9j\u00e0 prises restent insuffisantes face \u00e0 l’ampleur de notre retard technologique et aux pratiques de plus en plus agressives de nos concurrents. Cependant, nous devons veiller \u00e0 ce que les mesures que nous adoptons n’aient pas d’effets non d\u00e9sir\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n L’Union est all\u00e9e trop loin dans le pass\u00e9 en mati\u00e8re d’ouverture \u00e9conomique, mais il existe aussi un risque que le pendule aille maintenant trop loin dans l’autre sens et que nous nous ali\u00e9nions des partenaires avec lesquels nous devrions au contraire renforcer nos liens, comme les pays du pourtour m\u00e9diterran\u00e9en, l’Afrique subsaharienne, l’Am\u00e9rique latine, l’Asie du Sud et du Sud-Est.<\/p>\n\n\n\n Pour rattraper le retard technologique, Mario Draghi pr\u00e9conise<\/a> d’investir chaque ann\u00e9e 800 milliards d’euros suppl\u00e9mentaires en Europe, soit 5 % du PIB europ\u00e9en. Mais cet important effort d’investissement interne risque de se faire au d\u00e9triment de l’investissement europ\u00e9en \u00e0 l’ext\u00e9rieur de l’Union. Cela pourrait \u00e0 terme fragiliser notre position g\u00e9opolitique, contrairement \u00e0 l’objectif du rapport Draghi.<\/p>\n\n\n\n Par exemple, l’Union est d\u00e9sormais pr\u00eate \u00e0 faire sa part pour lutter contre le changement climatique avec le Green Deal, s’il est effectivement mis en \u0153uvre dans les ann\u00e9es \u00e0 venir. C’est l’une des principales r\u00e9alisations du mandat qui s’ach\u00e8ve, gr\u00e2ce en particulier au travail de mon coll\u00e8gue et ami, le vice-pr\u00e9sident ex\u00e9cutif Frans Timmermans<\/a>.<\/p>\n\n\n\n L’Union est all\u00e9e trop loin dans le pass\u00e9 en mati\u00e8re d’ouverture \u00e9conomique, mais il existe aussi un risque que le pendule aille maintenant trop loin dans l’autre sens.<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Cependant, l’enjeu essentiel pour limiter le changement climatique n’est pas l’Europe, mais les pays \u00e9mergents et en d\u00e9veloppement. Ces pays ne pourront s’engager pleinement dans la transition verte que si les pays d\u00e9velopp\u00e9s, qui ont une responsabilit\u00e9 historique majeure dans le changement climatique, les aident suffisamment. Ils nous le disent \u00e0 chaque COP.<\/p>\n\n\n\n Nous sommes d\u00e9j\u00e0 le premier fournisseur de finance climat<\/a> au niveau mondial, mais si nous ne pouvons pas augmenter \u00e0 l’avenir la contribution de l’Europe au financement mondial de la lutte contre le changement climatique, nous risquons de mettre en p\u00e9ril le processus d\u00e9j\u00e0 fragile de l’Accord de Paris et de nous ali\u00e9ner les pays les plus menac\u00e9s. Alors que le changement climatique est l’une des principales menaces pour notre avenir en termes d’instabilit\u00e9 \u00e0 nos fronti\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n Par ailleurs, la Chine a fortement d\u00e9velopp\u00e9 sa position g\u00e9opolitique, notamment en Afrique et en Am\u00e9rique latine, en soutenant massivement la construction d’infrastructures \u00e0 travers l’initiative \u00ab Belt and Road \u00bb, souvent appel\u00e9e \u00ab Nouvelles routes de la soie \u00bb. En 2021, nous avons lanc\u00e9 l’initiative Global Gateway<\/a> en r\u00e9ponse \u00e0 cette initiative. Mais le financement suppl\u00e9mentaire que nous pouvons r\u00e9ellement mobiliser reste trop limit\u00e9 pour l’instant.<\/p>\n\n\n\n Enfin, nous devons r\u00e9duire notre d\u00e9pendance excessive \u00e0 l’\u00e9gard de certains partenaires commerciaux. Mais cela doit nous conduire \u00e0 d\u00e9velopper nos liens \u00e9conomiques avec d’autres r\u00e9gions du monde, notamment pour acc\u00e9der aux mati\u00e8res premi\u00e8res critiques n\u00e9cessaires aux transitions \u00e9nerg\u00e9tique et num\u00e9rique. En la mati\u00e8re, il est essentiel cependant de ne pas adopter \u00e0 nouveau une approche \u00ab extractiviste \u00bb : nous devons aider nos partenaires \u00e0 construire de v\u00e9ritables secteurs industriels pour ajouter de la valeur aux mati\u00e8res premi\u00e8res dont ils disposent.<\/p>\n\n\n\n En d’autres termes, malgr\u00e9 nos difficult\u00e9s \u00e9conomiques et nos besoins massifs d’investissements internes pour rattraper notre retard technologique, acc\u00e9l\u00e9rer nos transitions \u00e9nerg\u00e9tique et num\u00e9rique et renforcer notre d\u00e9fense, nous devons aussi investir davantage \u00e0 l’\u00e9tranger si nous ne voulons pas que l’instabilit\u00e9 se propage \u00e0 nos fronti\u00e8res, laissant le champ libre \u00e0 la Chine et \u00e0 la Russie dans les pays du \u00ab Sud Global \u00bb.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 cet \u00e9gard, j’esp\u00e8re que nous parviendrons enfin \u00e0 conclure les n\u00e9gociations sur notre accord commercial avec le Mercosur<\/a>, en discussion depuis plus de vingt ans. Les enjeux de cet accord vont bien au-del\u00e0 de l’\u00e9conomie et du commerce : ils sont avant tout g\u00e9opolitiques. J’y ai beaucoup travaill\u00e9 pendant cinq ans, mais dans le contexte actuel, il est crucial pour l’Union de renforcer \u00ab l’autre relation transatlantique \u00bb qu’elle entretient depuis longtemps avec l’Am\u00e9rique latine et les Cara\u00efbes.<\/p>\n\n\n\n Mon appel \u00e0 \u00ab apprendre \u00e0 parler le langage de la puissance \u00bb concernait bien s\u00fbr en premier lieu la politique de d\u00e9fense de l’Union. Le HR\/VP a non seulement un double r\u00f4le entre Conseil et Commission, mais aussi dans le domaine des affaires \u00e9trang\u00e8res et de la politique de s\u00e9curit\u00e9. Il pr\u00e9side le Conseil des ministres de la d\u00e9fense et dirige l’Agence europ\u00e9enne de d\u00e9fense, qui est charg\u00e9e de coordonner l’innovation en mati\u00e8re de d\u00e9fense au sein de l’Union et les politiques d’acquisition des forces arm\u00e9es europ\u00e9ennes. Le HR\/VP est assist\u00e9 par un \u00c9tat-major de l’Union et lance et coordonne les missions civiles et militaires europ\u00e9ennes d\u00e9ploy\u00e9es dans le monde. Neuf missions de ce type ont \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9es au cours de mon mandat, dont l’op\u00e9ration Aspides d\u00e9but 2024 pour aider \u00e0 pr\u00e9server la libert\u00e9 de navigation en mer Rouge<\/a>. Le HR\/VP g\u00e8re \u00e9galement la Facilit\u00e9 europ\u00e9enne pour la paix, un fonds intergouvernemental cr\u00e9\u00e9 en 2021 pour aider nos partenaires en mati\u00e8re d’\u00e9quipements de d\u00e9fense, un r\u00f4le que le budget de l’Union ne peut pas jouer. Elle a notamment jou\u00e9 un r\u00f4le central dans notre soutien militaire \u00e0 l’Ukraine. Enfin, le HR\/VP dirige le Centre satellitaire europ\u00e9en, principal outil de l’Europe pour fournir des renseignements aux \u00c9tats membres et aux dirigeants europ\u00e9ens.<\/p>\n\n\n\n Le trait\u00e9 de Lisbonne visait \u00e0 renforcer la coordination entre le volet intergouvernemental et le volet communautaire, en \u00e9vitant les doubles emplois, les chevauchements et les conflits de comp\u00e9tences. Dans ce contexte, le HR\/VP a \u00e9t\u00e9 charg\u00e9 d’\u00e9laborer une politique de s\u00e9curit\u00e9 et de d\u00e9fense commune, la fameuse PSDC. Dans la nouvelle Commission<\/a>, il existe d\u00e9sormais un commissaire europ\u00e9en d\u00e9di\u00e9 \u00e0 la d\u00e9fense. Il me semble que cette d\u00e9nomination est un abus de langage car la \u00ab d\u00e9fense \u00bb, en tant que partie substantielle de la \u00ab s\u00e9curit\u00e9 \u00bb, reste une comp\u00e9tence nationale. Nous devrions essayer d’\u00e9viter de cr\u00e9er davantage de confusion institutionnelle. En pratique, il s’agit d’un commissaire charg\u00e9 de l’industrie de la d\u00e9fense, domaine dans lequel la Commission a une comp\u00e9tence partag\u00e9e avec les \u00c9tats membres. <\/p>\n\n\n\n Il est s\u00fbr que notre secteur industriel de la d\u00e9fense a grand besoin d’un plus grand soutien, d’une meilleure coordination et d’une stimulation active<\/a>. Mais pour que cet effort soit efficace, ce commissaire devra travailler en \u00e9troite collaboration avec la HR\/VP. Il est en effet essentiel de coordonner pr\u00e9cis\u00e9ment l’action sur la demande du c\u00f4t\u00e9 des arm\u00e9es europ\u00e9ennes, g\u00e9r\u00e9e par la HR\/VP via notamment l’Agence europ\u00e9enne de d\u00e9fense, et l’action sur l’offre, organis\u00e9e par la Commission via sa politique industrielle sp\u00e9cifique \u00e0 ce secteur. Par ailleurs, l’Agence europ\u00e9enne de d\u00e9fense a \u00e9galement elle-m\u00eame un r\u00f4le important dans le d\u00e9veloppement de la base technologique et industrielle de notre d\u00e9fense, comme le stipule le trait\u00e9. Dans ce domaine, l’AED a d\u00e9j\u00e0 accompli un travail silencieux important, peut-\u00eatre trop silencieux, auquel on n’a pas pr\u00eat\u00e9 suffisamment d’attention jusqu’\u00e0 ce que la guerre \u00e9clate et que nous commencions \u00e0 parler de \u00ab lacunes en mati\u00e8re de d\u00e9fense \u00bb.<\/p>\n\n\n\n D\u00e8s le d\u00e9but de mon mandat, j’ai consid\u00e9r\u00e9 que, dans un contexte g\u00e9opolitique de plus en plus tendu, l’aspect d\u00e9fense de la fonction de HR\/VP \u00e9tait aussi important que l’aspect affaires \u00e9trang\u00e8res. C’est pourquoi j’ai imm\u00e9diatement lanc\u00e9 l’\u00e9laboration de la Boussole strat\u00e9gique<\/a>, sorte de livre blanc de la d\u00e9fense europ\u00e9enne destin\u00e9 \u00e0 mettre d’accord nos \u00c9tats membres sur la nature des menaces et \u00e0 d\u00e9finir ensemble les actions prioritaires \u00e0 mettre en \u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n Pr\u00e9par\u00e9 avant l’invasion russe en Ukraine, il a \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9 quelques jours apr\u00e8s son d\u00e9clenchement. C’est notamment dans ce cadre que nous avons r\u00e9alis\u00e9 le premier exercice militaire europ\u00e9en r\u00e9el en 2023 \u00e0 Cadix, en Espagne, et gr\u00e2ce auquel nous disposerons en 2025 d’une force de 5 000 soldats pr\u00eats \u00e0 \u00eatre d\u00e9ploy\u00e9s hors de l’Union en cas de besoin pour des op\u00e9rations du type de l’\u00e9vacuation d’urgence d’Europ\u00e9ens de Kaboul ou du Soudan.<\/p>\n\n\n\n En 2019, j\u2019avais \u00e9galement fait remarquer aux d\u00e9put\u00e9s europ\u00e9ens que nos d\u00e9penses militaires combin\u00e9es \u00e9taient \u00ab sup\u00e9rieures \u00e0 celles de la Chine. Bien sup\u00e9rieures \u00e0 celles de la Russie. Nous sommes les deuxi\u00e8mes apr\u00e8s les \u00c9tats-Unis. Nous d\u00e9pensons 40 % de ce qu’ils d\u00e9pensent, mais notre capacit\u00e9 de d\u00e9fense est beaucoup plus faible en raison de la fragmentation et de la duplication. Nous devons d\u00e9penser mieux et la meilleure fa\u00e7on de d\u00e9penser mieux est de d\u00e9penser ensemble \u00bb.<\/p>\n\n\n\n S’il n’est pas question de cr\u00e9er une v\u00e9ritable arm\u00e9e europ\u00e9enne dans un avenir proche, il est imp\u00e9ratif en effet de coordonner plus \u00e9troitement les arm\u00e9es nationales. Cela vaut en particulier pour leurs \u00e9quipements militaires, afin de parvenir \u00e0 une interop\u00e9rabilit\u00e9 totale tout en comblant les lacunes et en \u00e9vitant les doublons inutiles.<\/p>\n\n\n\n D\u00e8s le d\u00e9but de mon mandat, j’ai consid\u00e9r\u00e9 que, dans un contexte g\u00e9opolitique de plus en plus tendu, l’aspect d\u00e9fense de la fonction de HR\/VP \u00e9tait aussi important que l’aspect affaires \u00e9trang\u00e8res. Nos budgets de d\u00e9fense ont augment\u00e9 de mani\u00e8re significative<\/a> ces derni\u00e8res ann\u00e9es, en particulier nos budgets d’\u00e9quipement, qui ont augment\u00e9 de 30 % depuis 2022. N\u00e9anmoins, malgr\u00e9 l’urgence soulign\u00e9e par l’agression de la Russie contre l’Ukraine, les progr\u00e8s ont \u00e9t\u00e9 lents jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent dans la coordination des achats d’\u00e9quipements militaires : seuls 18 % de nos achats sont actuellement effectu\u00e9s en coop\u00e9ration, alors qu’il y a de nombreuses ann\u00e9es d\u00e9j\u00e0, nous nous \u00e9tions d\u00e9j\u00e0 fix\u00e9 un objectif de 35 %, soit deux fois plus. De plus, notre industrie de d\u00e9fense ne parvient pas \u00e0 suivre notre effort de r\u00e9armement, ni quantitativement ni qualitativement : depuis 2022, 45 % des achats suppl\u00e9mentaires d’\u00e9quipements militaires ont \u00e9t\u00e9 effectu\u00e9s en dehors de l’Union.<\/p>\n\n\n\n Si nous voulons \u00eatre en mesure de reconstituer les stocks de nos forces arm\u00e9es, de soutenir l’Ukraine au niveau n\u00e9cessaire, de r\u00e9duire notre trop grande d\u00e9pendance ext\u00e9rieure et de pr\u00e9parer l’avenir en d\u00e9veloppant les \u00e9quipements de d\u00e9fense de demain, il est urgent de faire un effort important pour consolider et dynamiser nos industries de d\u00e9fense. Depuis 2022, nous avons d\u00e9j\u00e0 doubl\u00e9 notre capacit\u00e9 de production de munitions d’artillerie<\/a>, notamment gr\u00e2ce \u00e0 l’action de mon coll\u00e8gue le commissaire Thierry Breton, mais il faut encore faire plus dans ce secteur et dupliquer cet effort dans les autres.<\/p>\n\n\n\n C’est pourquoi, au printemps 2024, nous avons pr\u00e9par\u00e9 et pr\u00e9sent\u00e9 la premi\u00e8re strat\u00e9gie europ\u00e9enne de l’industrie de d\u00e9fense<\/a>. Mais il faut encore trouver les moyens de la mettre en \u0153uvre. Le rapport Draghi \u00e9value l’effort n\u00e9cessaire \u00e0 500 milliards d’euros sur les dix prochaines ann\u00e9es. Pour mobiliser ces ressources, il faut tout d’abord lever les obstacles existants au financement priv\u00e9 des industries de d\u00e9fense <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span> et permettre \u00e0 la Banque europ\u00e9enne d’investissement de soutenir davantage les projets dans ce domaine <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Mais cela ne suffira pas : des montants importants d’argent public europ\u00e9en seront \u00e9galement n\u00e9cessaires.<\/p>\n\n\n\n Pouvons-nous attendre 2028 et le prochain cadre financier pluriannuel europ\u00e9en pour commencer \u00e0 soutenir notre industrie de la d\u00e9fense de mani\u00e8re plus substantielle qu’aujourd’hui <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span> ? Je ne le crois pas. Comme nous l’avons d\u00e9cid\u00e9 face \u00e0 l’urgence majeure que repr\u00e9sente la pand\u00e9mie Covid-19, la menace existentielle que repr\u00e9sente pour l’Europe l’agression de la Russie de Poutine justifierait pleinement, \u00e0 mon sens, l’\u00e9mission d’une dette commune europ\u00e9enne pour y faire face, et en particulier pour soutenir notre d\u00e9fense et notre industrie de d\u00e9fense. Je suis bien conscient de la sensibilit\u00e9 politique du sujet, mais \u00e0 l’heure o\u00f9 l’engagement des \u00c9tats-Unis en faveur de la s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne devient de plus en plus incertain, je ne pense pas qu’il existe d’alternatives \u00e0 la hauteur des besoins.<\/p>\n\n\n\n En 2019, j’avais aussi consacr\u00e9 une partie de mon discours d’audition \u00e0 l’OTAN. \u00ab Elle est et restera la pierre angulaire de notre d\u00e9fense collective \u00bb, avais-je d\u00e9clar\u00e9. \u00ab En d\u00e9veloppant la d\u00e9fense europ\u00e9enne, nous renforcerons l’Alliance atlantique, et en pesant davantage au sein de l’OTAN, nous contribuerons \u00e0 une relation transatlantique plus \u00e9quilibr\u00e9e. \u00bb \u00c0 l’\u00e9poque, il existait encore une tension importante au sein de l’Union europ\u00e9enne entre les partisans d’une plus grande \u00ab autonomie strat\u00e9gique \u00bb et ceux qui craignaient que tout effort sp\u00e9cifique en faveur d\u2019une d\u00e9fense europ\u00e9enne n’affaiblisse l’OTAN et, par cons\u00e9quent, la s\u00e9curit\u00e9 europ\u00e9enne.<\/p>\n\n\n\n
<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\nDes institutions solides \u2014 mais pas assez agiles<\/h2>\n\n\n\n
R\u00e9concilier les discours du dimanche et l’action du lundi<\/h2>\n\n\n\n
Relancer la solution des deux \u00c9tats<\/h2>\n\n\n\n
Critique du \u00ab double standard \u00bb<\/h2>\n\n\n\n
<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\nApprendre \u00e0 parler la langue de la puissance<\/h2>\n\n\n\n
![](\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/12\/1W2A7653-125x83.jpg\")
\r\n <\/picture>\r\n \n Une v\u00e9ritable \u00ab politique \u00e9conomique ext\u00e9rieure \u00bb<\/h2>\n\n\n\n
\u00ab D\u00e9-risquer \u00bb bien s\u00fbr \u2014 mais rester ouvert sur le monde<\/h2>\n\n\n\n
Dans le mandat de HR\/VP, la s\u00e9curit\u00e9 et la d\u00e9fense sont aussi importantes que les affaires \u00e9trang\u00e8res<\/h2>\n\n\n\n
<\/p>Josep Borrell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\nConsolider et dynamiser nos industries de d\u00e9fense<\/h2>\n\n\n\n
L’urgence d’un soutien financier \u00e0 notre d\u00e9fense<\/h2>\n\n\n\n