{"id":249765,"date":"2024-11-02T06:00:00","date_gmt":"2024-11-02T05:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=249765"},"modified":"2024-11-01T20:44:18","modified_gmt":"2024-11-01T19:44:18","slug":"trump-un-abecedaire","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/11\/02\/trump-un-abecedaire\/","title":{"rendered":"Trump : un ab\u00e9c\u00e9daire"},"content":{"rendered":"\n

Comment un homme que l\u2019ancien chef d\u2019\u00e9tat-major des arm\u00e9es des \u00c9tats-Unis, le g\u00e9n\u00e9ral Mark Milley, d\u00e9crit comme \u00ab l\u2019homme le plus dangereux qui soit pour son pays, fasciste jusqu\u2019\u00e0 la mo\u00eblle (<\/em>to the core) \u00bb, est-il \u00e0 nouveau aux portes du pouvoir de la d\u00e9mocratie la plus puissante du monde ? Pourquoi Trump fait-il quotidiennement des d\u00e9clarations qui auraient \u00e9limin\u00e9 n\u2019importe lequel de ses pr\u00e9d\u00e9cesseurs dans la course \u00e0 la pr\u00e9sidence, sans que son \u00e9lectorat en paraisse affect\u00e9 ? Pourquoi cette immunit\u00e9 s\u2019\u00e9tend-t-elle \u00e0 ses affaires judiciaires, \u00e0 ses condamnations p\u00e9nales notamment, et \u00e0 l\u2019\u00e9meute factieuse du 6 janvier 2021 ? Quelle est la part de la r\u00e9surgence des vieux d\u00e9mons de la politique am\u00e9ricaine et celle de la nouveaut\u00e9 radicale dans son discours, et l\u2019\u00e9cho qu\u2019il re\u00e7oit ? Comment un homme \u00e9tranger au syst\u00e8me politique conventionnel, unanimement m\u00e9pris\u00e9 en son sein, est-il rapidement parvenu \u00e0 r\u00e9gner sans partage sur l\u2019une des deux grandes formations politiques am\u00e9ricaines ?<\/em><\/p>\n\n\n\n

Trump \u00e9chappe toujours par quelque c\u00f4t\u00e9 aux analyses organis\u00e9es, qu\u2019elles s\u2019inscrivent dans l\u2019\u00e9tude de la science politique, dans celle des m\u00e9dias num\u00e9riques de masse, dans celle des rapports de force \u00e9conomiques ou des flux migratoires aux \u00c9tats-Unis, dans celle de sa psychologie et de son histoire familiale. Il \u00e9tait tentant d\u2019essayer d\u2019\u00e9clairer autrement, par un ab\u00e9c\u00e9daire exclusivement nourri de sources publiques, un homme qui se cache en pleine lumi\u00e8re.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Pendant tous le weekend et la semaine prochaine, la r\u00e9daction est mobilis\u00e9e pour suivre une \u00e9lection historique<\/a>. Ce travail a un co\u00fbt. Si vous appr\u00e9ciez nos contenus et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser \u00e0 vous abonner au Grand Continent<\/a><\/em><\/p>\n\n\n\n

A<\/p>\n\n\n\n

Ass hole<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019acteur hollywoodien Dennis Quaid, sur CNN le 29 mai 2024, explique pourquoi il votera Trump : \u00ab People might call him an ass hole\u2026 But he\u2019s my ass hole \u00bb<\/em>. <\/p>\n\n\n\n

Le myst\u00e8re est l\u00e0. Dans le possessif. <\/p>\n\n\n\n

Depuis le d\u00e9part de George W. Bush qui les a laiss\u00e9s, en 2008, exsangues et \u00e0 rebours de leurs fondamentaux, du fait de l\u2019explosion des d\u00e9penses publiques entra\u00een\u00e9e par les guerres ext\u00e9rieures, les hi\u00e9rarques r\u00e9publicains cherchent un langage et des relais pour communiquer avec cette base radicale qui les d\u00e9route. Quelque chose d\u2019insaisissable s\u2019est jou\u00e9, crescendo, pendant les ann\u00e9es Obama, de 2008 \u00e0 2016 : une alchimie longtemps ignor\u00e9e par l\u2019establishment<\/em> r\u00e9publicain, entre Donald Trump et ces petits blancs d\u00e9class\u00e9s qui ne veulent pas, \u00e0 l\u2019exemple des r\u00e9publicains conqu\u00e9rants de l\u2019\u00e8re Reagan, que les \u00c9tats-Unis ouvrent des voies d\u2019avenir, mais seulement qu\u2019ils redeviennent comme avant. Retrouver cet \u00e2ge d\u2019or fantasm\u00e9 que les immigrants latinos leur volent, que la Chine leur arrache avec leurs emplois, que les musulmans menacent, que les \u00ab woke \u00bb pervertissent, que les environnementalistes contrarient, que l\u2019\u00e9tatisme des d\u00e9mocrates \u00e9touffe \u00e0 petit feu. <\/p>\n\n\n\n

Lors de la campagne des primaires r\u00e9publicaines qui pr\u00e9c\u00e8de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle de 2016, Donald capte soudain cette ranc\u0153ur victimaire avec un magn\u00e9tisme qui affole tous les indicateurs de popularit\u00e9, d\u2019audience et de suivi sur les r\u00e9seaux sociaux. Non que le programme des extr\u00e9mistes soit vraiment devenu le sien. L\u2019interdiction f\u00e9d\u00e9rale de l\u2019avortement, la bigoterie identitaire, ce n\u2019est pas vraiment lui. De sorte que si sa soudaine ascension donne des cauchemars \u00e0 l\u2019appareil du parti, elle n\u2019emporte pas pour autant l\u2019adh\u00e9sion des innombrables organisations et lobbys activistes qui montent la garde \u00e0 sa droite. Ted Cruz, s\u00e9nateur du Texas, est leur homme, le candidat quasi-officiel des \u00e9vang\u00e9liques et du Tea Party<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Mais Donald, myst\u00e9rieusement, parle mieux \u00e0 l\u2019inconscient de cette mouvance : il n\u2019a m\u00eame pas besoin de faire du \u00ab basisme \u00bb pour plaire \u00e0 la base. En enveloppant chaque sujet ou presque dans un r\u00e9cit victimaire, en transformant la sc\u00e8ne politique en show de t\u00e9l\u00e9-r\u00e9alit\u00e9 dont il est le ma\u00eetre de c\u00e9r\u00e9monie impr\u00e9visible, en attaquant sous la ceinture les cibles qu\u2019il se choisit et en tenant des propos violents, x\u00e9nophobes, misogynes, en apostrophant n\u2019importe qui, n\u2019importe quand, il suscite la r\u00e9probation ou le scepticisme des media et des \u00e9lites politiques. Et par-l\u00e0 m\u00eame, parle \u00e0 l\u2019oreille de tous ceux qui ressassent l\u2019id\u00e9e que ces \u00e9lites les ont oubli\u00e9s, ou sacrifi\u00e9s. En pr\u00eachant le rejet de Washington, ce \u00ab mar\u00e9cage \u00bb qu\u2019il faut \u00ab vider \u00bb, comme il ne cesse de le dire, Trump trouve chez eux un \u00e9cho visc\u00e9ral. <\/p>\n\n\n\n

Au sens de la physique des ondes, on dirait qu\u2019il est entr\u00e9 en r\u00e9sonance avec la fr\u00e9quence propre de cette partie de l\u2019\u00e9lectorat r\u00e9publicain qui, sous la banni\u00e8re d\u2019un retour aux sources de la Constitution des \u00c9tats-Unis et des libert\u00e9s individuelles, exprime en r\u00e9alit\u00e9 le d\u00e9sir des blancs d\u00e9class\u00e9s de restaurer un \u00e2ge d\u2019or. Dans les Trump stores<\/em>, boutiques de gadgets et de f\u00e9tiches exclusivement d\u00e9di\u00e9es \u00e0 la gloire de Donald, se vendent des \u00ab white privilege cards<\/em> \u00bb, fabriqu\u00e9es sur le mod\u00e8le des cartes de cr\u00e9dit. Leur nom parle de lui-m\u00eame. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab People might call him an ass hole\u2026 But he\u2019s my ass hole<\/em> \u00bb clame Dennis Quaid. Dans cette adoption paradoxale r\u00e9side le myst\u00e8re. <\/p>\n\n\n\n

Dans ce besoin instinctif, animal, de prendre sa revanche \u00e0 rebours du bon sens, de d\u00e9chirer l\u2019\u00e9cheveau des injonctions raisonnables dans lesquelles on se sent enferm\u00e9 depuis si longtemps ; d\u2019exister enfin par la peur qu\u2019on inspire aux bien-pensants et de faire un doigt d\u2019honneur \u00e0 l\u2019\u00e9lite invisible, fantasm\u00e9e, qui colonise les esprits. De consommer \u00e0 nouveau sans entrave, d\u2019\u00e9mettre librement tout le carbone qu\u2019on veut avec la radio \u00e0 fond sur la route. De s\u2019armer jusqu\u2019aux dents sans raison, puis d\u2019inventer ces raisons.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019ext\u00e9rioriser son malaise avec des millions d\u2019autres dans un grand incendie de ferveur. De se ressourcer dans la horde en encensant un type qui t\u00e9tanise les \u00e9lites. Besoin de mettre Dieu \u00e0 toutes les sauces, de l\u2019invoquer \u00e0 tout propos, de prier \u00e0 pleine voix et de ha\u00efr sans honte. De ha\u00efr les noirs, les jaunes, les juifs, les transsexuels, les immigrants, les arabes, les pays \u00e9trangers qui profitent des \u00c9tats-Unis. <\/p>\n\n\n\n

De former ensemble un ouragan qui tord le bras aux pouvoirs \u00e9tablis, en d\u00e9cidant que le faux devient le vrai et que d\u00e9sormais, c\u2019est comme \u00e7a. Quel bon tour de passe-passe jou\u00e9 \u00e0 la d\u00e9mocratie : la d\u00e9savouer en son nom, gr\u00e2ce \u00e0 la libert\u00e9 qu\u2019elle donne \u00e0 chacun de le faire. <\/p>\n\n\n\n

Dans cette tension, Donald leur fait sentir qu\u2019il est avec eux.<\/p>\n\n\n\n

My<\/em> ass hole\u2026 <\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

B<\/p>\n\n\n\n

Berlusconi<\/h2>\n\n\n\n

Nous sommes au milieu des ann\u00e9es 1970. Au moment o\u00f9 Donald part \u00e0 l\u2019assaut de Manhattan, un autre promoteur immobilier, jeune et ambitieux, se lance en Italie dans un projet gigantesque qu\u2019il couvre, lui aussi, de superlatifs. Il vise rien moins, d\u00e9clare-t-il, l\u2019air appliqu\u00e9 et encore modeste, qu\u2019\u00e0 contribuer \u00e0 r\u00e9soudre la crise du logement dans une des capitales \u00e9conomiques de l\u2019Europe : Milan. Le projet porte un nom : Milano II, Milano Due<\/em>. <\/p>\n\n\n\n

M\u00eame go\u00fbt des annonces \u00e9normes, m\u00eame absence de scrupules, m\u00eame conviction que la politique et l\u2019\u00ab entertainment \u00bb<\/em> \u2014 un mot que divertissement<\/em> traduit mal : on y perd l\u2019id\u00e9e d\u2019une \u00e9nergie en marche \u2014 ne font qu\u2019un. <\/p>\n\n\n\n

Donald avant Donald  ? <\/p>\n\n\n\n

Oui, mais tellement plus dou\u00e9\u2026 Le jeune Silvio Berlusconi br\u00fble les \u00e9tapes d\u2019une mutation que Donald mettra trente ans \u00e0 accomplir, sans y parvenir tout \u00e0 fait. Car en 1976, une d\u00e9cision de la Cour Constitutionnelle italienne a mis fin au monopole de la t\u00e9l\u00e9vision publique. Et Berlusconi a une id\u00e9e de g\u00e9nie : les habitants de sa cit\u00e9 radieuse aux portes de Milan vont avoir une t\u00e9l\u00e9. Leur<\/em> t\u00e9l\u00e9. Fini les vieux programmes de la RAI, avec ses \u00e9missions d\u2019alphab\u00e9tisation, ses feuilletons inspir\u00e9s des classiques de la litt\u00e9rature, cette ambition \u00e9ducative qui fait, selon ceux qui la servent, l\u2019honneur du service public, mais qui ronronne, selon Silvio et ceux auxquels ses antennes donneront bient\u00f4t la parole, dans une routine ampoul\u00e9e, compass\u00e9e, d\u00e9pass\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Locale, sa t\u00e9l\u00e9 ne le restera pas longtemps. On n\u2019a le droit de faire que des t\u00e9l\u00e9s priv\u00e9es r\u00e9gionales ? Qu\u2019importe : Silvio trouve la martingale, on pr\u00e9fabriquera des programmes d\u00e9j\u00e0 bourr\u00e9s de pub, on les mettra en bo\u00eete, sur des cassettes qu\u2019on enverra la nuit aux quatre coins du pays, dans des camionnettes, puis on les diffusera simultan\u00e9ment. De cette simultan\u00e9\u00eft\u00e9 na\u00eetront, de facto<\/em>, des t\u00e9l\u00e9s nationales. Du point de vue des auditeurs, cette mosa\u00efque bricol\u00e9e proposera les m\u00eames images, au m\u00eame moment, parlera d\u2019une seule voix, deviendra un seul \u00e9cran, une seule antenne. Et on en fera trois, autant que la RAI.<\/p>\n\n\n\n

Cette r\u00e9volte contre l\u2019ennui, il l\u2019orchestre, la met dans la bouche de gens ordinaires choisis pour ressembler \u00e0 des gens ordinaires, qui viennent dire sur son antenne que la RAI les emmerde. <\/p>\n\n\n\n

Partie de rien, sa t\u00e9l\u00e9 assemble les premiers ingr\u00e9dients du cocktail magique : entrer dans le quotidien trivial des gens, le montrer au plus pr\u00e8s, sans vergogne, sans ironie, sans pudeur, sans tabou  ; cultiver une bonne humeur de commande dans une ambiance de f\u00eate permanente, sous une pluie de paillettes  ; ouvrir, \u00e0 jet continu, les vannes de la blague lourde et du clin d\u2019\u0153il \u00e9grillard, en invitant ceux des humoristes que les fonctionnaires de la RAI jugent vulgaires et ind\u00e9sirables  ; inonder les plateaux de pin-up court v\u00eatues, de moins en moins v\u00eatues… <\/p>\n\n\n\n

Et sourire, toujours sourire. <\/p>\n\n\n\n

Crise du logement, lutte contre l\u2019inflation, am\u00e9lioration de la vie quotidienne : Berlusconi m\u00eale au cocktail des pr\u00e9occupations s\u00e9rieuses. Sur l\u2019ingr\u00e9dient principal, il n\u2019a pas de doute : la RAI contingente la pub, s\u00e9lectionne les annonces, s\u2019en m\u00e9fie  ? Silvio inverse cette logique puritaine : \u00ab La t\u00e9l\u00e9vision, c\u2019est tout ce qu\u2019il y a autour de la publicit\u00e9. \u00bb d\u00e9clare-t-il. Le \u00ab temps de cerveau disponible \u00bb, cette expression qui scandalisera la France, vingt ans plus tard, dans la bouche d\u2019un s\u00e9\u00efde gris\u00e2tre du groupe Bouygues, Silvio l\u2019a depuis longtemps mise en \u0153uvre : sa t\u00e9l\u00e9 organise \u00ab la colonisation des cerveaux \u00bb, grince le Corriere della Sera<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Berlusconi fonde sa r\u00e9gie publicitaire, Publitalia 80\u2019. La publicit\u00e9 est factur\u00e9e pas cher, mais le mod\u00e8le \u00e9conomique change : Berlusconi est int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 l\u2019accroissement subs\u00e9quent des ventes. Il invente l\u2019audimat, paie des types \u00e0 lui pour mesurer les chiffres d\u2019audience. Pense la \u00ab contre-programmation \u00bb \u2014 et pas seulement l\u2019alternative : les Schtroumpfs \u00e0 l\u2019heure des repas : les gamins sont tranquilles, les parents se reposent, la famille est contente. Certains l\u2019appellent l\u2019Am\u00e9ricain. Il veut recruter la chanteuse Iva Zanicchi, tr\u00e8s populaire, qui se m\u00e9fie d\u2019abord. Il l\u2019invite, lui joue et lui chante Trenet, Piaf : bluff\u00e9e, amus\u00e9e, elle accepte et devient un pilier de sa t\u00e9l\u00e9. Toujours la ga\u00eet\u00e9. Le sourire. In\u00e9puisable.<\/p>\n\n\n\n

1984. Silvio a ses trois t\u00e9l\u00e9s : Italia 1, Rete 4, Canale 5. Le Procureur de Rome excipe d\u2019un article du code des postes pour l\u2019obliger \u00e0 fermer ses antennes, car il estime qu\u2019elles sont en r\u00e9alit\u00e9 devenues nationales. Menace existentielle. Il mobilise le peuple. Son peuple. Des enfants, des familles, des gens simples qui se sentent l\u00e9s\u00e9s : la \u00ab r\u00e9volte des Schtroumpfs \u00bb. Craxi, Pr\u00e9sident du Conseil depuis 1983, avec lequel Silvio passe souvent ses vacances \u00e0 Hammamet, abr\u00e8ge une visite officielle \u00e0 Londres pour venir signer le d\u00e9cret qui suspend la suspension. Silvio est sauv\u00e9. Rien ne l\u2019arr\u00eatera plus. <\/p>\n\n\n\n

Donald, s\u2019il a, \u00e0 son tour, appliqu\u00e9 \u00e0 la politique toutes les recettes de l\u2019affairisme et du showbiz<\/em>, n\u2019a rien invent\u00e9, et pas r\u00e9ussi grand-chose en propre : ce que l\u2019on peut reconstituer et comprendre de ses projets successifs, \u00e0 travers l\u2019opacit\u00e9 de son \u00ab empire \u00bb montre que l\u2019argent, les r\u00e9seaux et les m\u00e9thodes de son p\u00e8re \u2014 savoir-faire immobilier, gestion inflexible des co\u00fbts, subventions et arrangements fiscaux \u2014 ont permis la r\u00e9ussite de ses premiers projets immobiliers, et donn\u00e9 naissance au mythe de l\u2019entrepreneur \u00e0 succ\u00e8s. 160 millions de dollars d\u2019exemptions fiscales sur 40 ans pour la r\u00e9habilitation et l\u2019exploitation de l\u2019h\u00f4tel Commodore de Manhattan, devenu le Grand Hyatt, r\u00e9habilit\u00e9 \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1970 et rouvert en 1980. 70 millions de dollars, arrach\u00e9s en justice \u00e0 la ville de New York, pour la Trump Tower, achev\u00e9e en 1983. <\/p>\n\n\n\n

Un mythe auquel ce p\u00e8re a voulu, \u00e0 toute force, hisser son second fils apr\u00e8s y avoir sacrifi\u00e9 son a\u00een\u00e9. Ce p\u00e8re qui a fait fortune mais qui, malgr\u00e9 des heures de cours de communication et d\u2019expression publique, n\u2019a jamais pu s\u2019extraire de la carapace o\u00f9 l\u2019enfermaient ses costumes \u00e9triqu\u00e9s, son sourire de grille-pain, la nullit\u00e9 de son verbe, la grisaille de ses apparitions dans le sillage des politiciens de Brooklyn et du Queens auxquels il devait sa fortune.<\/p>\n\n\n\n

Ce p\u00e8re qu\u2019\u00e9blouit l\u2019audace carnassi\u00e8re de son rejeton, de ce g\u00e9ant blond avantageux, h\u00e2bleur, bateleur, qui d\u00e9couvre son go\u00fbt pour les cam\u00e9ras. Sa premi\u00e8re apparition t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e, dans laquelle la journaliste pr\u00e9sente un t\u00eate-\u00e0-t\u00eate avec les super-riches, saisit ce curieux m\u00e9lange d\u2019arrogance et d\u2019ins\u00e9curit\u00e9. L\u2018arrogance enfle rapidement, en ce d\u00e9but des ann\u00e9es 1980  ; mais l\u2019ins\u00e9curit\u00e9 psychologique ne le quittera jamais.<\/p>\n\n\n\n

La diff\u00e9rence entre ces deux monstres sacr\u00e9s du boniment m\u00e9diatique, c\u2019est que Berlusconi, s\u2019il ne croyait qu\u2019\u00e0 l\u2019apparence et au commerce, crut toujours que pour vendre, il fallait avoir quelque chose \u00e0 vendre : ses projets immobiliers, puis audiovisuels, puis politiques, entendaient r\u00e9pondre aux besoins r\u00e9els de la population, tels qu\u2019il les percevait. Trump, lui, n\u2019a vendu que la marque qu\u2019il s\u2019est \u00e9chin\u00e9, toute sa vie, \u00e0 construire : Trump. <\/p>\n\n\n\n

Bien avant l\u2019\u00e8re du tweet et des r\u00e9seaux, Silvio Berlusconi a beaucoup invent\u00e9 : le primat de l\u2019image, la dilution du politique dans le showbiz, la convivialit\u00e9 complice avec les \u00ab vrais gens \u00bb, l\u2019art du rebond judiciaire, la porosit\u00e9 presque parfaite du business et de la politique. <\/p>\n\n\n\n

Donald lui doit quelque chose. <\/p>\n\n\n\n\n

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Une photo du candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence Donald Trump avec un bandage \u00e0 l’oreille est affich\u00e9e sur la fen\u00eatre d’une camionnette avant un \u00e9v\u00e9nement de campagne avec le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence, le s\u00e9nateur JD Vance, R-Ohio, \u00e0 Reno, Nevada, le mardi 30 juillet 2024. \u00a9 AP Photo\/Jae C. Hong<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, sur sc\u00e8ne avant de prendre la parole lors d’un meeting de campagne \u00e0 l’a\u00e9roport de Cherry Capital, le vendredi 25 octobre 2024, \u00e0 Traverse City, Michigan. \u00a9 AP Photo\/Alex Brandon<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Une photo du candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence Donald Trump avec un bandage \u00e0 l’oreille est affich\u00e9e sur la fen\u00eatre d’une camionnette avant un \u00e9v\u00e9nement de campagne avec le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence, le s\u00e9nateur JD Vance, R-Ohio, \u00e0 Reno, Nevada, le mardi 30 juillet 2024. \u00a9 AP Photo\/Jae C. Hong<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, sur sc\u00e8ne avant de prendre la parole lors d’un meeting de campagne \u00e0 l’a\u00e9roport de Cherry Capital, le vendredi 25 octobre 2024, \u00e0 Traverse City, Michigan. \u00a9 AP Photo\/Alex Brandon<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

C<\/p>\n\n\n\n

Cohn<\/h2>\n\n\n\n

Pench\u00e9 sur l\u2019\u00e9paule du S\u00e9nateur McCarthy, un jeune avocat ambitieux lui susurre des arguments pour d\u00e9masquer les affinit\u00e9s communistes de ceux qu\u2019il interroge. C\u2019est son P\u00e8re Joseph, son \u00e2me damn\u00e9e. D\u00e8s l\u2019\u00e2ge de 23 ans, le jeune Roy Cohn, brillant \u00e9tudiant en droit devenu jeune procureur-adjoint, a envoy\u00e9 \u00e0 la mort les \u00e9poux Rosenberg, convaincus d\u2019espionnage au profit de l\u2019Union sovi\u00e9tique. Jug\u00e9s en 1951, ils sont ex\u00e9cut\u00e9s deux ans plus tard. Sa carri\u00e8re s\u2019acc\u00e9l\u00e8re. McCarthy \u2014 \u00e0 qui l\u2019arrestation des Rosenberg permet de \u00ab rebondir \u00bb au moment o\u00f9 le comit\u00e9 \u00e0 majorit\u00e9 d\u00e9mocrate pr\u00e9sid\u00e9 par le s\u00e9nateur Tydings, au S\u00e9nat, d\u00e9savoue ses premi\u00e8res campagnes de harc\u00e8lement, ne peut se passer de Cohn. Edgar Hoover, le fondateur et tout-puissant patron du FBI, soutien prudent et rival cauteleux de McCarthy dans la croisade anti-communiste, observe lui aussi le jeune Cohn avec int\u00e9r\u00eat. <\/p>\n\n\n\n

Homosexuel du placard comme Hoover lui-m\u00eame, Cohn ne traque pas que des communistes. Il anime \u00e9galement, en ce d\u00e9but de guerre froide, la traque des gays dans la haute administration, campagne connue sous le nom de Lavender Scare<\/em> : version pastel, ombre sinistre de la Red Scare<\/em>, \u00e9puration m\u00e9connue dont les victimes sont des agents publics r\u00e9voqu\u00e9s au seul motif que leur homosexualit\u00e9 pr\u00e9sum\u00e9e r\u00e9v\u00e8lerait des failles de la personnalit\u00e9, incompatibles avec la s\u00fbret\u00e9 de l\u2019Etat, ou les exposerait au chantage des \u00ab ennemis de l\u2019Am\u00e9rique. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

McCarthy mourra, alcoolique, d\u00e9savou\u00e9 par Eisenhower et par le S\u00e9nat, d\u00e8s 1957. Cohn, lui, \u00e9chappe de peu au naufrage et reste une figure influente de New York et du tout-Washington, devient l\u2019avocat redout\u00e9 des chefs mafieux Carmine Galante et Tony Salerno, de Rupert Murdoch et de l\u2019archev\u00each\u00e9 de New-York, puis de Nancy Reagan et d\u2019autres personnages alliant la bigoterie \u00e0 une part d\u2019ombre plus ou moins sulfureuse. On murmure que son cabinet accueille, \u00e0 l\u2019abri des micros, les r\u00e9unions de chefs mafieux, et que les pots de vin de l\u2019immobilier et de la construction y circulent librement. <\/p>\n\n\n\n

Cohn est aussi une figure des clubs et de la nuit o\u00f9 en 1973, un grand type blond, play-boy arrogant mais l\u00e9ger, lui demande conseil parce que le D\u00e9partement de la Justice a ouvert une enqu\u00eate sur les discriminations pratiqu\u00e9es \u00e0 l\u2019encontre des afro-am\u00e9ricains dans le parc immobilier qu\u2019il g\u00e8re avec son p\u00e8re. \u00ab Tell them to go to hell<\/em> \u00bb lui r\u00e9pond celui qui va devenir son gourou. Avant de lui sugg\u00e9rer une tactique ultra-offensive qui permettra, un peu plus tard, d\u2019\u00e9teindre cette proc\u00e9dure par une transaction. <\/p>\n\n\n\n

De cet \u00e9change na\u00eetront douze ann\u00e9es de coop\u00e9ration fusionnelle, au cours desquelles Cohn, qui mourra du sida en 1986, devient le Pygmalion de Donald, son conseiller le plus proche, son introducteur dans un monde de coups tordus o\u00f9 Trump n\u2019a, jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, \u00e9t\u00e9 que l\u2019h\u00e9ritier tapageur d\u2019un empire immobilier qui, du Queens et de Brooklyn o\u00f9 son p\u00e8re a construit \u00e0 tout va des programmes pour la classe moyenne, monte \u00e0 l\u2019assaut de Manhattan pour y construire des tours g\u00e9antes. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est aussi son arme ultime, son chien d\u2019attaque, qu\u2019il pr\u00e9sente comme tel. \u00ab Connaissez-vous Roy Cohn  ? \u00bb \u2014 demande-t-il parfois, baissant la voix, quand une discussion s\u2019\u00e9chauffe. Tout le monde le conna\u00eet, en effet, et plus on le conna\u00eet, plus son nom fait peur. \u00ab Et bien c\u2019est mon avocat\u2026  Personne n\u2019a envie d\u2019avoir affaire \u00e0 lui. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Une photo de presse les montre ensemble, \u00e0 cette \u00e9poque : elle est sid\u00e9rante. Trump agit\u00e9, \u00ab \u00e9loquent comme un b\u0153uf et beau comme un boucher \u00bb, comme l\u2019\u00e9crivait Victor Hugo de Ledru-Rollin. Pr\u00e8s de lui, un peu en retrait, Cohn, glacial, couve son prot\u00e9g\u00e9 d\u2019un regard torve de reptile aquatique. <\/p>\n\n\n\n

Dans la transparence livide des yeux de Roy Cohn, de ces yeux blas\u00e9s o\u00f9 passent d\u2019inqui\u00e9tantes lueurs, celles des noces de l\u2019affairisme et de l\u2019\u00e9gout politique, se lit l\u2019initiation aux vrais pouvoirs du jeune Donald. Tout ou presque s\u2019y est fa\u00e7onn\u00e9 : sa fa\u00e7on d\u2019instrumentaliser la justice pour parvenir \u00e0 ses fins en attaquant tous ceux qui entravent ses projets, son instinct des rapports de force et des coups bas, son apprentissage progressif du dessous des cartes\u2026 Tout cela prend forme dans un rapport d\u2019osmose avec un Pygmalion v\u00e9n\u00e9neux qui a \u00e9t\u00e9 l\u2019inquisiteur de l\u2019ombre du maccarthysme, un intrigant dangereux et redout\u00e9, homosexuel traqueur d\u2019homosexuels, avocat des voyous, des escrocs et des bigots.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

D<\/p>\n\n\n\n

Donald et moi <\/h2>\n\n\n\n

Dans ses \u00ab M\u00e9moires d\u2019un allemand \u00bb, ce manuscrit retrouv\u00e9 apr\u00e8s sa mort, S\u00e9bastien Haffner, le futur historien, jeune magistrat \u00e0 Berlin dans les ann\u00e9es 1930, d\u00e9crit son angoisse pendant la mont\u00e9e du nazisme comme une affaire intime, personnelle. Par-del\u00e0 son opposition radicale, r\u00e9fl\u00e9chie, \u00e0 l\u2019id\u00e9ologie national-socialiste, une antipathie obs\u00e9dante, incoercible, envahissait ses journ\u00e9es, l\u2019exilait au sein m\u00eame de sa ville natale, cette capitale progressivement couverte de croix gamm\u00e9es, devenue irrespirable.<\/p>\n\n\n\n

Les nazis lui pompaient l\u2019air. <\/p>\n\n\n\n

Habitant d\u2019un vieux pays europ\u00e9en o\u00f9 je suis n\u00e9, citoyen d\u2019une d\u00e9mocratie qui doute d\u2019elle-m\u00eame mais r\u00e9siste encore au reflux de l\u2019\u00c9tat de droit dans le monde, je suis, par l\u00e0-m\u00eame, dans une d\u00e9pendance complexe \u00e0 l\u2019\u00e9gard des \u00c9tats-Unis d\u2019Am\u00e9rique. Trump me pompe l\u2019air, me bouche l\u2019horizon. Je crois qu\u2019il m\u2019obs\u00e8de un peu. Alors je veux comprendre. Or tout va tellement vite que chacun l\u00e2che prise, se r\u00e9signe, se persuade que Donald doit porter un projet, que le retour aux affaires l\u2019assagirait un peu.<\/p>\n\n\n\n

Toutes les digues ont saut\u00e9. Chaque jour, un fait ou un propos qui auraient, il y a vingt ans encore, disqualifi\u00e9 un candidat \u00e0 la pr\u00e9sidence des \u00c9tats-Unis, \u00e9mergent dans l\u2019espace public. Donald l\u2019affirme : les d\u00e9mocrates ont l\u00e9galis\u00e9 l\u2019infanticide dans certains \u00c9tats. Donald l\u2019affirme : les immigrants \u00ab empoisonnent le sang am\u00e9ricain \u00bb \u2014 un d\u00e9calque \u00e0 peine voil\u00e9 de Mein Kampf. Donald tient, dans un autobus o\u00f9 il est enregistr\u00e9 \u00e0 son insu, avant un meeting \u00e9lectoral, des propos obsc\u00e8nes et d\u00e9gradants sur les femmes qu\u2019il sait \u00ab attraper par la chatte \u00bb quand elles se ruent vers lui, ce que naturellement elles font toutes car il est une star\u2026 L\u2019affaire sort quelques semaines avant l\u2019\u00e9lection de 2016 : beaucoup de hi\u00e9rarques r\u00e9publicains horrifi\u00e9s envisagent alors de la remplacer par Mike Pence, candidat \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence sur son \u00ab ticket \u00bb. Pence lui-m\u00eame, confit en pri\u00e8res chez lui avec sa femme selon certains t\u00e9moins, se persuade qu\u2019il faut continuer. Donald s\u2019\u00e9bat avec une actrice porno, la paie pour son silence avec l\u2019argent collect\u00e9 aupr\u00e8s de ses donateurs pour sa campagne, est condamn\u00e9 pour cela\u2026 Qu\u2019importe  ?<\/p>\n\n\n\n

Dans un pays o\u00f9 une seule infid\u00e9lit\u00e9 conjugale a bris\u00e9 des carri\u00e8res politiques, et failli entra\u00eener l\u2019impeachment<\/em> d\u2019un Pr\u00e9sident en exercice (Bill Clinton), les ligues de vertu soutiennent \u00e0 pr\u00e9sent Donald, les chr\u00e9tiens \u00e9vang\u00e9liques se rangent, \u00e0 quelques exceptions pr\u00e8s, sous sa banni\u00e8re, les supr\u00e9macistes blancs rient sous cape en attendant le Grand Soir ; les grands donateurs r\u00e9publicains font leur devoir et regardent ailleurs\u2026 Et sa garde rapproch\u00e9e objecte qu\u2019il faut ignorer ses frasques, rire avec lui de ses \u00ab blagues de vestiaire \u00bb, passer \u00e0 autre chose\u2026 Et faire la part des choses, tant il est pers\u00e9cut\u00e9 \u2014 par l\u2019establishment bien-pensant, par une presse et des \u00ab media dominants \u00bb \u00e9videmment hostile, par une justice \u00e9videmment aux ordres, par des stars d\u2019Hollywood \u00e9videmment futiles et vendues \u00ab au syst\u00e8me \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

\u00c9videmment \u2026<\/p>\n\n\n\n

\u00c9tranger \u00e0 ce que les Anglais nomment la d\u00e9cence commune, solitaire en pleine lumi\u00e8re, Donald pratique une transgression qui, tout \u00e0 la fois, recycle les sch\u00e8mes les plus rancis de la violence sociale am\u00e9ricaine, et invente un nouveau langage.<\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"Donald\n <\/picture>\n
Donald Trump et Roy Cohn. \u00a9 AP<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Fred\n <\/picture>\n
Fred Trump et son fils Donald. \u00a9 Adam Scull\/AP<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Donald Trump et Roy Cohn. \u00a9 AP<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Fred Trump et son fils Donald. \u00a9 Adam Scull\/AP<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

E<\/p>\n\n\n\n

Exc\u00e8s de vitesse <\/h2>\n\n\n\n

Car tout est all\u00e9 tellement vite.<\/p>\n\n\n\n

Comptons sur nos doigts : Donald est \u00e0 la fois<\/em> (a) l\u2019homme qui plonge la politique am\u00e9ricaine dans un chaos in\u00e9dit, ravivant ses violences archa\u00efques, amplifiant  ses nouveaux d\u00e9mons ; (b) l\u2019aboutissement de ce \u00ab carnage am\u00e9ricain \u00bb qui a vu une base radicale cannibaliser l\u2019appareil du parti r\u00e9publicain depuis quinze ans, terrorisant les caciques locaux et f\u00e9d\u00e9raux, \u00e9limin\u00e9s pour certains, ralli\u00e9s, pour beaucoup d\u2019autres, dans une r\u00e9signation sid\u00e9r\u00e9e ; © le pape de la post-v\u00e9rit\u00e9 \u2014 c\u2019est \u00e0 dire du mensonge s\u2019autorisant de lui-m\u00eame, dop\u00e9 par les algorithmes des r\u00e9seaux sociaux ; (d) l\u2019avatar am\u00e9ricain de cette r\u00e9gression d\u00e9mocratique qui traverse le monde, de Modi \u00e0 Erdogan et d\u2019Orban \u00e0 Poutine ; (e) le promoteur ambigu mais obstin\u00e9 d\u2019une haine supr\u00e9maciste qui conna\u00eet des \u00ab cycles longs \u00bb dans l\u2019histoire am\u00e9ricaine, sans jamais s\u2019effacer ; (f) le champion de ce fanatisme identitaire qui touche aujourd\u2019hui les grandes religions du monde \u2014 champion paradoxal, car il est l\u2019\u00eatre le moins religieux qui soit ; (g) le porte-voix de ces machos exc\u00e9d\u00e9s qui se dressent en bras de chemise face au culte p\u00e9nitentiel des bigots \u00ab wokistes \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Chacun pourrait compl\u00e9ter la liste\u2026 <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est beaucoup. C\u2019est beaucoup parce que nos cerveaux ont du mal \u00e0 observer ensemble tant de lignes de front. <\/p>\n\n\n\n

Quand il acc\u00e9l\u00e8re, \u00e0 certains moments de l\u2019histoire, le mal \u00e9chappe \u00e0 la pens\u00e9e. Il nous prend, les uns et les autres, de vitesse. On se r\u00e9signe. On l\u00e8ve les bras et les yeux au ciel, on passe \u00e0 autre chose. L\u2019autruche qui est en nous plonge la t\u00eate dans le sable. Les milieux \u00e9conomiques se consolent en se disant qu\u2019apr\u00e8s tout, il baissera les imp\u00f4ts. La science politique court derri\u00e8re lui sans r\u00e9soudre l\u2019\u00e9nigme. Car il y a l\u2019homme, que personne peut-\u00eatre n\u2019a mieux perc\u00e9 \u00e0 jour que Mary, sa ni\u00e8ce, dans son livre honn\u00eate et douloureux : Too much, never enough<\/em>. Sous-titr\u00e9 : comment ma famille a cr\u00e9\u00e9 l\u2019homme le plus dangereux du monde. Un \u00e9go\u00efsme cannibale, une absence compl\u00e8te d\u2019empathie, une vulgarit\u00e9 visc\u00e9rale, qui s\u2019exprime jusque dans les d\u00e9tails. Mary \u00e9voque le d\u00e9tail visqueux des cadeaux de No\u00ebl presque toujours recycl\u00e9s qu\u2019Ivana et Donald lui offrent, alors qu\u2019ils roulent sur l\u2019or quand Fred Jr., son fr\u00e8re a\u00een\u00e9, le p\u00e8re de Mary, tire le diable par la queue et s\u2019enfonce dans la d\u00e9pression. En toutes choses du toc, de la pacotille, des mots vides, des d\u00e9sertions intimes, des trahisons encha\u00een\u00e9es, une ins\u00e9curit\u00e9 surmont\u00e9e dans la proclamation permanente du triomphe.<\/p>\n\n\n\n

Du faux.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

F<\/p>\n\n\n\n

Fred <\/h2>\n\n\n\n

D\u00e8s que j\u2019ai vu les premi\u00e8res images de Fred Trump, le p\u00e8re de Donald, un malaise m\u2019a saisi. <\/p>\n\n\n\n

Une sorte de marionnette inqui\u00e9tante, raide, un regard \u00e9trangement fixe, cruel, m\u00e9fiant, un costard trois pi\u00e8ces de comptable des ann\u00e9es 1950, immuable, une teinture de cheveux puis, sur le tard, une perruque, \u00e9galement impossibles. Un sourire faux de vendeur pr\u00eat \u00e0 tout sur un visage maigre de crocodile. Une incroyable duret\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Puis j\u2019ai lu, ce qu\u2019on pouvait lire, et les contours de cette r\u00e9pulsion se sont pr\u00e9cis\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n

Dans son livre, Mary Trump, psychologue de formation, livre sa vision de Fred, son grand-p\u00e8re, en rapprochant la cruaut\u00e9 de son fils Donald et la sienne. \u00ab Un des rares plaisirs de mon grand-p\u00e8re, \u00e0 part faire de l\u2019argent, \u00e9tait d\u2019humilier les autres. \u00bb \u00e9crit-elle. L\u2019attirance irr\u00e9sistible pour l\u2019humiliation de l\u2019autre, qui a pris chez Donald l\u2019allure d\u2019une manie, au sens clinique du terme, lui semble h\u00e9rit\u00e9e de cette m\u00e9chancet\u00e9 du vieux Fred, sacrifiant ses autres enfants \u00e0 la r\u00e9ussite de son second fils, ce grand fauve blond qui doit lui ressembler en mieux.<\/p>\n\n\n\n

Derri\u00e8re l\u2019hybris exacerb\u00e9 de Donald, on devine l\u2019ombre port\u00e9e de ce p\u00e8re avide de trouver, dans le succ\u00e8s public de son fils pr\u00e9f\u00e9r\u00e9, la part de reconnaissance qui lui a manqu\u00e9. Quitte \u00e0 truquer le jeu pour pr\u00e9senter ce fils comme l\u2019h\u00e9ritier de ses propres m\u00e9rites d\u2019entrepreneur, auxquels il ajouterait un charisme et une audace inou\u00efes. <\/p>\n\n\n\n

Donald, explique Fred, a toutes les qualit\u00e9s. Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1980, il d\u00e9clare : \u00ab Je laisse toute libert\u00e9 (free reins<\/em>) \u00e0 Donald. Il a une vision formidable, et tout ce qu\u2019il touche se transforme en or. Donald est la personne la plus intelligente que je connaisse. \u00bb Le vieux requin des ternes mais juteuses affaires immobili\u00e8res de Brooklyn et du Queens entend s\u2019effacer, au d\u00e9but des ann\u00e9es 1980, devant les premi\u00e8res r\u00e9ussites tapageuses de ce fils qu\u2019il finance sans le dire et inspire encore, mais qui se d\u00e9ploient l\u00e0 o\u00f9 brille la lumi\u00e8re, de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de l\u2019East River, \u00e0 Manhattan, l\u00e0 o\u00f9 le vieux Fred n\u2019a pas os\u00e9 se risquer, prudemment retranch\u00e9 dans le panier de crabes o\u00f9 ses m\u00e9thodes ont fait leurs preuves. <\/p>\n\n\n\n

Dans ce projet paternel entre, selon Mary Trump, une forme de sadisme. \u00c0 l\u2019\u00e9gard de ses autres enfants, rejet\u00e9s dans l\u2019ombre, et m\u00eame dans l\u2019opprobre s\u2019agissant de son a\u00een\u00e9 Fred Junior, qui mourra alcoolique et d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 \u00e0 quarante-deux ans apr\u00e8s une br\u00e8ve carri\u00e8re de pilote de ligne, un m\u00e9tier que son p\u00e8re m\u00e9prisait, le comparant \u00e0 un chauffeur de taxi volant. \u00c0 l\u2019\u00e9gard de Donald lui-m\u00eame, qui fascine son vieux p\u00e8re par l\u2019app\u00e9tit avec lequel il fait sienne cette ambition, mais se doit de r\u00e9pondre par des succ\u00e8s toujours plus \u00e9clatants \u00e0 cette injonction froide, inflexible : r\u00e9ussir et briller.<\/p>\n\n\n\n

La figure obs\u00e9dante, rejou\u00e9e \u00e0 l\u2019infini, du huis clos dans lequel le vieux Fred \u00e9lit ou \u00e9carte ses propres enfants au nom d\u2019un culte effarant de la r\u00e9ussite, comment ne pas la voir resurgir dans l\u2019\u00e9mission de t\u00e9l\u00e9vision qui, \u00e0 partir de 2004, fit de Donald une vedette, The Apprentice<\/em> ? <\/p>\n\n\n\n

Un jeu inqui\u00e9tant o\u00f9 les faibles sont \u00e9limin\u00e9s, o\u00f9 les vaincus doivent \u00eatre ignor\u00e9s, les ind\u00e9cis m\u00e9pris\u00e9s, les malchanceux abandonn\u00e9s, rejet\u00e9s dans les t\u00e9n\u00e8bres du dehors. Et dont Donald fut, dans sa famille, le seul vrai rescap\u00e9, parce qu\u2019il en fut l\u2019\u00e9lu. Sans pour autant en sortir indemne : sa m\u00e9galomanie vertigineuse, son narcissisme insatiable s\u2019allient \u00e0 une personnalit\u00e9 versatile, confuse, \u00e0 une cruaut\u00e9 immature et impr\u00e9visible. Son anxi\u00e9t\u00e9, comme celle de Fred, se r\u00e9sout dans l\u2019humiliation de l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

G<\/p>\n\n\n\n

Guns <\/h2>\n\n\n\n

Encore une tuerie de masse, quelque part aux \u00c9tats-Unis. De ces alignements de maisonnettes o\u00f9 circulent lentement des pickups, de ces faubourgs anonymes, vides d\u2019id\u00e9es et d\u2019\u00e9v\u00e9nements, surgit un tueur.<\/p>\n\n\n\n

Il \u00e9merge de la soupe d\u2019hyper-normalit\u00e9 et d\u2019anomie silencieuse qui mijote dans les chambres d\u2019adolescents attard\u00e9s o\u00f9 de jeunes hommes vivent encag\u00e9s, jour et nuit, sur Internet. Dans les plis o\u00f9 mac\u00e8rent leurs obsessions, une violence se forme qui explose un jour par un massacre sanglant, dans la transparence d\u2019un apr\u00e8s-midi ordinaire.<\/p>\n\n\n\n

Vertige d\u2019un fou auquel rien n\u2019arrive jusqu\u2019au passage \u00e0 l\u2019acte, et que ce rien a rendu fou. <\/p>\n\n\n\n

Donald prend son quart sur le rempart du lobby des armes, mais il n\u2019en rajoute pas. Pas besoin. La National Rifle Association veille sur le droit de chacun de s\u2019armer jusqu\u2019aux dents ; les R\u00e9publicains, \u00e0 l\u2019unisson, la soutiennent et la Cour Supr\u00eame va jusqu\u2019\u00e0 limiter, au nom du 2\u00e8me<\/sup> amendement, le droit des \u00c9tats f\u00e9d\u00e9r\u00e9s \u00e0 r\u00e9glementer la vente et le port des armes. Elle d\u00e9clare inconstitutionnelle, en 2022, dans son arr\u00eat NRA vs Bruen<\/em>, une vieille loi de l\u2019\u00c9tat de New York qui r\u00e9glementait depuis 1911, sans l\u2019interdire, le port d\u2019armes dans l\u2019espace public.<\/p>\n\n\n\n

Donald, dans ce domaine, n\u2019a donc rien invent\u00e9. Mais ce qu\u2019il porte \u00e0 l\u2019incandescence, ce qu\u2019il agite, ce qu\u2019il fascise, au sens premier du terme, rassemblant en faisceaux unanimes les arri\u00e8re-pens\u00e9es dispers\u00e9es, c\u2019est la rage recuite des parano\u00efaques survivalistes, des groupes supr\u00e9macistes arm\u00e9s, des r\u00e9seaux complotistes, mentalement et parfois physiquement barricad\u00e9s dans l\u2019attente du bain de sang o\u00f9 se r\u00e9gleront les comptes absurdes qu\u2019ils tiennent jusqu\u2019au vertige. Jusqu\u2019\u00e0 l\u2019Armageddon, cette bataille de la fin des temps qu\u2019ils attendent. Et certains d\u2019entre eux ajoutent que \u00ab l\u2019heure sonnera \u00bb, en 2024, si Trump n\u2019est pas r\u00e9\u00e9lu, car \u00ab on leur volerait leur pays \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Donald ne cesse de leur faire signe. Il ne les sort pas de leur marginalit\u00e9 : il les y rejoint, leur adresse d\u2019incessants clins d\u2019\u0153il, aussit\u00f4t recouverts par un nuage d\u2019ambigu\u00eft\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Et puis un jour, le 13 juillet 2024, un gamin de 20 ans, sorti de nulle part, tente de l\u2019assassiner \u00e0 son tour, le manque d\u2019un cheveu \u2014 au sens propre : la balle lui entaille l\u2019oreille. Et des services secrets aux m\u00e9dias, un monde en effervescence traque le \u00ab profil \u00bb du jeune tueur abattu par les forces de l\u2019ordre, s\u2019interroge sur ses motivations. N\u00e9ant. Pendant des heures, des jours, on creuse, on interroge, on documente : rien n\u2019\u00e9merge de ce n\u00e9ant que le n\u00e9ant lui-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

De ce gamin perdu, imb\u00e9cile, il n\u2019y a rien \u00e0 dire. Sauf une chose : la maison de son p\u00e8re est une sorte d\u2019armurerie. Plus de vingt armes \u00e0 feu de tous calibres, parmi lesquelles des armes de guerre, y sont entrepos\u00e9es. Ce jour-l\u00e0, il en manquait une au ratelier familial\u2026<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

H<\/p>\n\n\n\n

Histoire (fin)<\/h2>\n\n\n\n

En 1989, apr\u00e8s la chute du rideau de fer, un professeur de sciences politiques inconnu du grand public, Francis Fukuyama, \u00e9crivait un article, La fin de l\u2019histoire ou le dernier homme<\/em>, qui connut imm\u00e9diatement un fulgurant succ\u00e8s. Il en tirera en 1992 un essai de renomm\u00e9e mondiale. <\/p>\n\n\n\n

Son id\u00e9e directrice se r\u00e9sumait ainsi : le lib\u00e9ralisme politique et \u00e9conomique, servi par les institutions internationales de l\u2019apr\u00e8s-guerre et les principes juridiques qui les sous-tendent, a d\u00e9finitivement remport\u00e9 la partie contre les dictatures en g\u00e9n\u00e9ral, et le communisme en particulier. C\u2019en est fini du tragique de l\u2019histoire : une \u00e8re tr\u00e8s morne de ti\u00e9deur perp\u00e9tuelle commence, temp\u00e9r\u00e9e par le welfare<\/em> et fermement appuy\u00e9 sur l\u2019\u00c9tat de droit.<\/p>\n\n\n\n

Dans cet avenir r\u00e9gul\u00e9, prot\u00e9g\u00e9, arbitr\u00e9, pacifi\u00e9 par les institutions lib\u00e9rales, purg\u00e9 des id\u00e9ologies violentes, on s\u2019ennuiera, certes, mais confortablement, et comme les gens heureux n\u2019ont pas d\u2019histoire, on n\u2019en aura pas non plus, nous, les post-modernes… Nous allions d\u00e9river dans un espace-temps confortable et un peu flou, planer \u00e9ternellement dans une ouate aseptis\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Ce qui est int\u00e9ressant, plus que la faillite absolue de cette pr\u00e9diction, c\u2019est l\u2019\u00e9normit\u00e9 du succ\u00e8s qui l\u2019avait aussit\u00f4t accueillie.<\/p>\n\n\n\n

Car plus qu\u2019une v\u00e9ritable th\u00e9orie, la fin de l\u2019histoire \u00e9tait une sorte de synth\u00e8se intuitive de l\u2019air du temps : elle cristallisait dans un ensemble d\u2019images et de formules la confiance que les \u00e9lites globales pla\u00e7aient dans l\u2019id\u00e9e que leur mod\u00e8le de soci\u00e9t\u00e9 n\u2019\u00e9tait pas seulement le meilleur mais le seul possible. <\/em>Et que les dictatures de tout poil \u00e9taient, dans un monde \u00e9conomiquement ouvert, gouvern\u00e9 par le droit et adouci par les transferts sociaux, vou\u00e9es \u00e0 dispara\u00eetre, soit en se dissolvant dans les flux d\u2019\u00e9changes d\u2019id\u00e9es, de services et de biens, soit en s\u2019asphyxiant dans une autarcie archa\u00efque.<\/p>\n\n\n\n

Or nous voici, trente-cinq ans plus tard, plong\u00e9s dans un monde o\u00f9 la d\u00e9mocratie r\u00e9gresse partout, o\u00f9 les \u00e9lections manipul\u00e9es par les as des algorithmes et des r\u00e9seaux sociaux, alt\u00e9r\u00e9es par corruption et enflamm\u00e9es par le fanatisme religieux identitaire, ont port\u00e9 au pouvoir, au Br\u00e9sil, en Inde, en Turquie, des \u00ab hommes forts \u00bb qui cultivent la haine sans renier l\u2019\u00e9conomie de march\u00e9. O\u00f9 la Russie, un temps port\u00e9e vers la libert\u00e9 apr\u00e8s la chute du rideau de fer, dans un mouvement qui semblait illustrer parfaitement la pens\u00e9e de Fukuyama, s\u2019est enlis\u00e9e dans le chaos, avant d\u2019\u00eatre reprise en main par un appareil mafieux qui, m\u00ealant dans une pens\u00e9e chauvine, parano\u00efaque et belliciste, l\u2019imp\u00e9rialisme russe, la nostalgie stalinienne et la fibre la plus nationaliste du clerg\u00e9 orthodoxe \u2014 soit tous les vieux d\u00e9mons que Fukuyama assignait au rebut \u2014 assassine ceux qui la g\u00eanent, et vole tous les autres. O\u00f9 la dictature communiste chinoise se renforce, nourrie d\u2019ultra-capitalisme. Un monde qui se r\u00e9arme jusqu\u2019aux dents, et o\u00f9 la libert\u00e9 politique recule chaque jour… O\u00f9 le tragique, que Fukuyama voyait c\u00e9der la place au drame bourgeois, voire au vaudeville global, resurgit partout.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est dans ce monde qu\u2019appara\u00eet Donald, comme un ultime d\u00e9fi au pronostic de Fukuyama. Ce ne sont plus les dictatures vieillissantes, celles qu\u2019on croyait condamn\u00e9es, qui mutent, r\u00e9sistent et se r\u00e9inventent, c\u2019est la d\u00e9mocratie capitaliste elle-m\u00eame, en son hyper-centre, aux \u00c9tats-Unis, qui s\u00e9cr\u00e8te ses monstres, par le jeu crois\u00e9 d\u2019outils num\u00e9riques qui devaient servir la libert\u00e9 de parole et d\u2019opinion, et de la r\u00e9surgence virulente des vieux germes qu\u2019elle abrite : racisme et supr\u00e9macisme meurtriers, isolationnisme d\u00e9fiant fond\u00e9 sur l\u2019id\u00e9e que l\u2019Am\u00e9rique est exploit\u00e9e par les autres, associ\u00e9 \u00e0 un rejet cynique du droit international, qui ne saurait lier le plus fort ; \u00ab extractivisme \u00bb, d\u00e9fini par l\u2019id\u00e9e que le monde appartient \u00e0 ceux qui s\u2019emparent des ressources par la force, sans \u00e9gard aux cons\u00e9quences collectives de leur \u00e9puisement, et les exploitent en soumettant les classes domin\u00e9es \u00e0 leur bon vouloir\u2026 <\/p>\n\n\n\n

Avec lui, la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine, par l\u2019alliage explosif de vieux et de nouveaux d\u00e9mons, semble sur le point d\u2019imploser, et l\u2019ancre du monde libre de c\u00e9der, mena\u00e7ant d\u2019\u00eatre emport\u00e9e \u00e0 son tour dans cet hiver d\u00e9mocratique qui voit la libert\u00e9 reculer partout. Un cauchemar qui est \u00e0 deux doigts de se r\u00e9aliser en direct, le 6 janvier 2021, sur tous les \u00e9crans du monde, quand des hordes chauff\u00e9es \u00e0 blanc par les r\u00e9seaux complotistes (voir ci-apr\u00e8s Q<\/strong>Anon) se jettent sur le Capitole pour y mettre en \u00e9chec le r\u00e9sultat d\u2019une \u00e9lection dont ils n\u2019acceptent plus le principe quand l\u2019issue ne leur en est pas favorable. Le 30 octobre 2024, \u00e0 cinq jours de l\u2019\u00e9lection, un journaliste de CNN qui a pass\u00e9 24 heures en continu sur les \u00ab m\u00e9dias MAGA \u00bb en tire une conclusion sans appel : cette myriade d\u2019\u00e9ditorialistes mart\u00e8le, \u00e0 l\u2019unisson, que Trump a d\u00e9j\u00e0 gagn\u00e9. S\u2019il perd, ce sera donc une forfaiture, le fruit d\u2019un complot. Mais \u00ab on \u00bb ne laissera pas faire\u2026<\/p>\n\n\n\n

Fin de l\u2019histoire, vraiment ?<\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"Le\n <\/picture>\n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, est entour\u00e9 d’agents des services secrets am\u00e9ricains lors d’un rassemblement de campagne, le samedi 13 juillet 2024, \u00e0 Butler, en Pennsylvanie. \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Le\n <\/picture>\n
Le pr\u00e9sident Donald Trump lance une pi\u00e8ce en l’air avant le d\u00e9but du 121e match de football am\u00e9ricain entre l’arm\u00e9e de terre et la marine dans le stade Michie de l’Acad\u00e9mie militaire des \u00c9tats-Unis, le samedi 12 d\u00e9cembre 2020, \u00e0 West Point, dans l’\u00c9tat de New York. \u00a9 AP Photo\/Andrew Harnik<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, est entour\u00e9 d’agents des services secrets am\u00e9ricains lors d’un rassemblement de campagne, le samedi 13 juillet 2024, \u00e0 Butler, en Pennsylvanie. \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Le pr\u00e9sident Donald Trump lance une pi\u00e8ce en l’air avant le d\u00e9but du 121e match de football am\u00e9ricain entre l’arm\u00e9e de terre et la marine dans le stade Michie de l’Acad\u00e9mie militaire des \u00c9tats-Unis, le samedi 12 d\u00e9cembre 2020, \u00e0 West Point, dans l’\u00c9tat de New York. \u00a9 AP Photo\/Andrew Harnik<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

I<\/p>\n\n\n\n

Identit\u00e9 judiciaire <\/h2>\n\n\n\n

Mug shot<\/em>. 24 ao\u00fbt 2023. Bri\u00e8vement d\u00e9tenu par la police du comt\u00e9 de Fulton, G\u00e9orgie, o\u00f9 il est inculp\u00e9, Donald est photographi\u00e9 comme n\u2019importe quel malfaiteur. Il en rajoute dans la fureur mena\u00e7ante (voir plus bas : S<\/strong>torm)<\/em>, de fa\u00e7on si manifeste que l\u2019on se demande presque s\u2019il n\u2019y entre pas une sorte de d\u00e9rision.<\/p>\n\n\n\n

N\u2019importe quel politique poursuivi et photographi\u00e9 ainsi dans un commissariat ou une prison comme un vulgaire malfrat marquerait sa distance avec le contexte, chercherait \u00e0 projeter, sur la photo, un alliage de neutralit\u00e9 bonhomme et de hauteur de vue r\u00e9sign\u00e9e, retranch\u00e9 dans la posture du type qui attend que le malentendu se dissipe.<\/p>\n\n\n\n

Donald fait l\u2019inverse.<\/p>\n\n\n\n

Un bandit  ? Et comment  ! Je surjoue le bandit, l\u2019affreux, le boss \u00e0 qui on ne manque pas impun\u00e9ment de respect <\/p>\n\n\n\n

 : je me fais mena\u00e7ant pour mes adversaires, et j\u2019adresse un message \u00e0 mes fans : ma col\u00e8re relaie la v\u00f4tre, et vise nos adversaires. <\/p>\n\n\n\n

Menace aux uns, clin d\u2019\u0153il complice aux autres : le mug shot<\/em> sert aux deux. \u00c0 21:38 le m\u00eame jour, il poste la photo sur Twitter avec cette l\u00e9gende : \u00ab MUG SHOT – AUGUST 24, 2023, ELECTION INTERFERENCE, NEVER SURRENDER !<\/em> \u00bb Pas mal\u2026<\/p>\n\n\n\n

\u00ab They tortured me at the Fulton County jail, and TOOK my mugshot<\/em> \u00bb \u00e9crit-il un an plus tard dans une lettre \u00e0 ses donateurs, rendue publique le 27 juin 2024, et reprise \u00e0 l\u2019envi par les media. <\/p>\n\n\n\n

La veille du premier d\u00e9bat \u00e9lectoral de 2024, contre Joe Biden, il d\u00e9clare : \u00ab Depuis que c\u2019est arriv\u00e9, le soutien dont je jouis dans la communaut\u00e9 noire et la communaut\u00e9 hispanique est mont\u00e9 en fl\u00e8che (skyrocketed<\/em>). Cela a \u00e9t\u00e9 stup\u00e9fiant. \u00bb <\/p>\n\n\n\n

CQFD  ! Pour plaire \u00e0 ces gens-l\u00e0, aux noirs, aux hispaniques, rien ne vaut une photo faite en prison, car la d\u00e9linquance, n\u2019est-ce pas, c\u2019est leur monde et la prison, c\u2019est un peu chez eux\u2026 Certains l\u2019ont pens\u00e9 \u00e0 part soi<\/em>. Donald l\u2019ass\u00e8ne tranquillement. Comme lorsqu\u2019il parle de \u00ab black jobs \u00bb pour d\u00e9signer les emplois ingrats et peu qualifi\u00e9s, auxquels sont assign\u00e9s, dans son esprit, les afro-am\u00e9ricains. <\/p>\n\n\n\n

Il est donc convaincu que noirs et hispaniques vont venir \u00e0 lui, par une hypnose discr\u00e8te, parce qu\u2019il leur envoie l\u2019image, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, d\u2019un repris de justice, et que cette image appartient n\u00e9cessairement \u00e0 leur monde. R\u00e9v\u00e9lant, au passage, que le fond de sa pratique politique n\u2019est pas la conviction ou l\u2019argumentation, mais l\u2019identification victimaire avec chacun, qu\u2019il esp\u00e8re \u00e9tendre aux publics les plus \u00e9loign\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Le mugshot n\u2019est donc plus un stigmate : c\u2019est une oriflamme. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019ailleurs, dans les Trump stores<\/em>, le mugshot<\/em> est reproduit sur\u2026 des mugs. Trop marrant comme id\u00e9e, non  ? Surmont\u00e9 de ce titre : Never surrender<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Les fans se les arrachent, para\u00eet-il. Comme les nouvelles casquettes o\u00f9 est \u00e9crit, non plus MAGA, \u00ab Make America great again \u00bb, mais, depuis qu\u2019un jury new yorkais l\u2019a reconnu coupable \u00e0 l\u2019unanimit\u00e9 pour avoir achet\u00e9 le silence d\u2019une actrice porno avec ses fonds de campagne, faisant de lui \u00ab un d\u00e9linquant condamn\u00e9 \u00bb (a convicted felon \u00bb<\/em>), ce slogan : <\/p>\n\n\n\n

\u00ab I\u2019m voting for the convicted felon<\/em> \u00bb. <\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"\u00abMug\n <\/picture>\n
\u00ab Mug shot \u00bb de Donald Trump.<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"L'ancien\n <\/picture>\n
L’ancien pr\u00e9sident Donald Trump se rend dans la salle d’audience du tribunal p\u00e9nal de Manhattan, mercredi 29 mai 2024. \u00a9 Charly Triballeau\/Pool Photo via AP<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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\u00ab Mug shot \u00bb de Donald Trump.<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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L’ancien pr\u00e9sident Donald Trump se rend dans la salle d’audience du tribunal p\u00e9nal de Manhattan, mercredi 29 mai 2024. \u00a9 Charly Triballeau\/Pool Photo via AP<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

J<\/p>\n\n\n\n

Joint chiefs of staff <\/h2>\n\n\n\n

Aucun des paradoxes de Trump n\u2019est plus intrigant que sa r\u00e9sistance au d\u00e9saveu des chefs militaires, et aux avertissements qu\u2019ils adressent au peuple am\u00e9ricain.  <\/p>\n\n\n\n

Car si la plus large part de son \u00e9lectorat d\u00e9teste la politique et les politiciens, s\u2019il a pu transformer de l\u2019ext\u00e9rieur, puis de l\u2019int\u00e9rieur, un parti dont il a m\u00e9connu ou transgress\u00e9 tous les dogmes et tous les principes, il ne fait pas de doute que ses \u00e9lecteurs, patriotes ardents et revendiqu\u00e9s, v\u00e9n\u00e8rent l\u2019arm\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Or personne n\u2019a \u00e9t\u00e9 plus net, plus d\u00e9finitif dans la condamnation de son action \u00e0 la pr\u00e9sidence que les chefs militaires am\u00e9ricains.<\/p>\n\n\n\n

En 2020, sous la pr\u00e9sidence de Trump, le g\u00e9n\u00e9ral McMaster, ancien conseiller national \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 de ce dernier, publie ses m\u00e9moires sur ses ann\u00e9es la Maison Blanche, intitul\u00e9s En guerre avec nous-m\u00eames<\/em>. Il y rel\u00e8ve que l\u2019ego de Trump et son narcissisme l\u2019ont conduit \u00e0 \u00ab abandonner son serment de soutenir et d\u00e9fendre la Constitution, ce qui \u00e9tait sa plus haute obligation. \u00bb La m\u00eame ann\u00e9e, l\u2019Amiral McRaven, qui avait conduit l\u2019op\u00e9ration d\u2019\u00e9limination de Ben Laden en 2011, \u00e9crit dans une tribune du Washington Post<\/em> : \u00ab quand l\u2019ego pr\u00e9sidentiel et le souci de soi sont plus importants que la s\u00e9curit\u00e9 nationale, alors rien ne peut plus arr\u00eater le triomphe du mal. \u00bb La m\u00eame ann\u00e9e toujours, l\u2019Amiral Mike Mullen, ancien chef d\u2019\u00e9tat-major des arm\u00e9es, dit, dans The Atlantic<\/em>, son \u00ab d\u00e9go\u00fbt \u00bb (\u00ab sickened \u00bb<\/em>) de la violence avec laquelle sont trait\u00e9es les manifestations pacifiques organis\u00e9es devant la Maison Blanche apr\u00e8s la mort, en mai 2020, de l\u2019afro-am\u00e9ricain Georges Floyd, tu\u00e9 par la police lors d\u2019un contr\u00f4le d\u2019identit\u00e9. Le g\u00e9n\u00e9ral Stanley McChrystol, ancien commandant en chef des forces sp\u00e9ciales, juge Trump \u00ab immoral \u00bb et \u00ab malhonn\u00eate \u00bb, et d\u00e9clare \u00e0 l\u2019\u00e9t\u00e9 2024 qu\u2019il votera pour Kamala Harris. Cit\u00e9 par Bob Woodward dans son livre sorti aux \u00c9tats-Unis en octobre 2024, War<\/em>, un autre ancien chef d\u2019\u00e9tat-major des arm\u00e9es, le g\u00e9n\u00e9ral Mark Milley, d\u00e9clare que Trump est \u00ab l\u2019homme le plus dangereux qui soit pour son pays. Un fasciste jusqu\u2019\u00e0 la mo\u00eblle (to the core<\/em>) \u00bb. Le m\u00eame Woodward d\u00e9clare, le 17 octobre 2024, que le g\u00e9n\u00e9ral Jim Mattis, ancien ministre de la d\u00e9fense de Trump, lui a \u00e9crit pour lui dire qu\u2019il souscrivait aux propos de Milley, et que le danger de Trump ne devait en aucun cas \u00eatre sous-estim\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Le cas de Mattis est int\u00e9ressant. Profond\u00e9ment respect\u00e9 dans l\u2019arm\u00e9e et le milieu politique, v\u00e9ritable l\u00e9gende du corps des Marines, il avait accept\u00e9 de servir Trump comme ministre de la d\u00e9fense, puis spectaculairement d\u00e9missionn\u00e9 du Pentagone en d\u00e9cembre 2018, apr\u00e8s avoir adress\u00e9 son dernier message de No\u00ebl aux forces arm\u00e9es, leur enjoignant de \u00ab tenir le cap jusqu\u2019\u00e0 ce que le pays retrouve la compr\u00e9hension et le respect mutuel \u00bb, et affich\u00e9 dans sa lettre de d\u00e9mission ses d\u00e9saccords profonds avec le Pr\u00e9sident.  Apr\u00e8s la mort de George Floyd en mai 2020, il d\u00e9clare : \u00ab Trump est, de mon vivant, le premier pr\u00e9sident qui n\u2019essaie pas d\u2019unir le peuple am\u00e9ricain, et ne pr\u00e9tend m\u00eame pas essayer. Au lieu de quoi il essaie de nous diviser. \u00bb Apr\u00e8s les \u00e9meutes du 6 janvier 2021, il d\u00e9nonce en Donald Trump quelqu\u2019un qui \u00ab d\u00e9truit la confiance dans nos \u00e9lections et empoisonne le respect que les citoyens ont les uns pour les autres \u00bb. Le 23 octobre 2024, le g\u00e9n\u00e9ral des marines John Kelly, ancien chief of staff<\/em> de Trump \u00e0 la Maison blanche (le chief of staff<\/em> est une sorte de secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral de l\u2019Elys\u00e9e, quand les Joint chiefs of staff<\/em> sont les plus hauts conseillers militaires du Pr\u00e9sident), citant ses fr\u00e9quentes apologies d\u2019Hitler, met en garde dans le New York Times<\/em> contre son retour possible, employant les m\u00eames mots que Milley : \u00ab Il rel\u00e8ve certainement de la d\u00e9finition g\u00e9n\u00e9rale du fasciste \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Le centre de recherche New America, qui a compil\u00e9 les prises de position publiques des hauts grad\u00e9s de l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine, en a recens\u00e9 255 n\u00e9gatives sur Trump, soit 83 % du total. Parmi les 17 %, on trouve quelques figures comme le g\u00e9n\u00e9ral Kellogg, ancien conseiller national \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 de Mike Pence, ou Michael Flynn qui fut, avec McMaster, l\u2019un des deux conseillers nationaux \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 de Trump : il est devenu depuis une figure de proue des r\u00e9seaux complotistes, et sa rh\u00e9torique fascisante \u00e9pouse tous les th\u00e8mes de l\u2019Alt-right. <\/p>\n\n\n\n

Jamais, dans l\u2019histoire des \u00c9tats-Unis, une telle chose ne s\u2019est produite. Jamais de telles condamnations n\u2019ont \u00e9t\u00e9 prononc\u00e9es par ceux-l\u00e0 m\u00eame qui, au sommet de l\u2019appareil militaire, avaient servi un pr\u00e9sident. Et rien ne t\u00e9moigne mieux du vertige qui s\u2019est empar\u00e9 de la politique am\u00e9ricaine que l\u2019indiff\u00e9rence avec laquelle une petite moiti\u00e9 des \u00e9lecteurs, qui s\u2019enflamme dans un patriotisme de revanche et de ressentiment, accueille les avertissements de ces hommes qui, au soir d\u2019une vie qu\u2019ils ont consacr\u00e9e \u00e0 leur pays, disent haut et clair qu\u2019ils voient monter avec Trump un p\u00e9ril d\u2019une nature in\u00e9dite.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

K<\/p>\n\n\n\n

Ku Klux Klan <\/h2>\n\n\n\n

Donald Trump n\u2019est pas un fanatique. La fa\u00e7on dont s\u2019est nou\u00e9e son alliance objective avec les groupes racistes est subtile.<\/p>\n\n\n\n

Certes, on trouve dans l\u2019histoire familiale des signes qui donnent \u00e0 penser que ces id\u00e9ologies ne lui \u00e9taient pas \u00e9trang\u00e8res. Dans les ann\u00e9es 1920, le Klan conna\u00eet son second apog\u00e9e, apr\u00e8s celui qui suivit la guerre de S\u00e9cession. Il se r\u00e9pand dans les \u00c9tats du Nord, plus institutionnel que dans le Sud, moins exclusivement tourn\u00e9 contre les Noirs mais plus ouvertement hostile aux immigrants, juifs en particulier. En 1927, le jour de Memorial Day, Fred Trump, encore lui, est arr\u00eat\u00e9 dans une manifestation du Klan dans le Queens, au cours de heurts avec la police. On ne sait rien de plus de l\u2019\u00e9pisode, qui \u00e9claire fugitivement le fonds du puits o\u00f9 se perdent les d\u00e9buts de la saga familiale.<\/p>\n\n\n\n

Et c\u2019est en colportant sur Twitter, \u00e0 l\u2019encontre du premier Pr\u00e9sident noir des \u00c9tats-Unis, la rengaine raciste d\u2019une naissance pr\u00e9sum\u00e9e inconnue, m\u00eame apr\u00e8s que la diffusion de son extrait de naissance int\u00e9gral aura clos le d\u00e9bat, que Donald commence \u00e0 marquer le d\u00e9bat politique d\u2019une empreinte plus pr\u00e9cise (voir plus bas, O<\/em><\/strong>bama<\/em>).<\/p>\n\n\n\n

Id\u00e9ologiquement agnostique mais fonci\u00e8rement raciste \u2014 l\u2019anecdote des \u00ab black jobs \u00bb le montre parmi beaucoup d\u2019autres \u2014 Donald va peu \u00e0 peu tisser, avec la n\u00e9buleuse dite de l\u2019Alt-Right o\u00f9 se croisent les r\u00e9seaux complotistes, racistes et m\u00eame n\u00e9o-nazis, une connivence solide. Faite de calculs r\u00e9ciproques : les mouvements d\u2019extr\u00eame droite estiment qu\u2019ils ont beaucoup \u00e0 gagner avec Trump : des pions \u00e0 pousser, des points \u00e0 marquer, un climat \u00e0 cr\u00e9er, des juges \u00e0 nommer, un rapport de forces \u00e0 inverser dans ce qui appara\u00eet comme une revanche sur le mouvement de fond qui, depuis l\u2019arr\u00eat Brown vs Board of Education of Topeka<\/em>, rendu par la Cour Supr\u00eame le 17 mai 1954, et mettant fin \u00e0 la s\u00e9gr\u00e9gation scolaire, avait peu \u00e0 peu transform\u00e9 le pays.<\/p>\n\n\n\n

Trump, quant \u00e0 lui, sait qu\u2019il dispose l\u00e0 d\u2019une sorte d\u2019arm\u00e9e de r\u00e9serve diffuse qu\u2019il peut, \u00e0 son gr\u00e9, d\u00e9savouer quand ses exc\u00e8s d\u00e9bordent, ou encourager sous-main quand il n\u2019est pas observ\u00e9. Quand David Duke, ancien \u00ab Grand Sorcier \u00bb du Klan, d\u00e9clare que le mouvement qui porte Trump est \u00ab une insurrection qui r\u00e9veille des millions d\u2019Am\u00e9ricains \u00bb, Trump r\u00e9cuse, du bout des l\u00e8vres, ce soutien\u2026 Qu\u2019il sait acquis. Quand on l\u2019interroge sur son sentiment \u00e0 l\u2019\u00e9gard des violences commises par les groupes paramilitaires vers la fin de son mandat, il leur adresse dans sa r\u00e9ponse un message \u00e0 peine crypt\u00e9 leur enjoignant de \u00ab se tenir pr\u00eats \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

La recomposition de la droite radicale aux \u00c9tats-Unis, qui voit, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des groupes les plus extr\u00e9mistes, converger des mouvements au d\u00e9part \u00e9loign\u00e9s les uns des autres comme les \u00e9vang\u00e9liques et les \u00ab libertariens \u00bb, se fait enti\u00e8rement autour de lui, dans la divine surprise de l\u2019\u00e9lection de 2016 : une bousculade pour les postes, un grand bazar o\u00f9 se m\u00ealent le cynisme \u2014 la pouss\u00e9e collective profite \u00e0 tout le monde \u2014 et l\u2019ambigu\u00eft\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

En d\u00e9saccord sur beaucoup de choses, les composantes de l\u2019archipel trumpiste se rejoignent dans l\u2019id\u00e9e d\u2019une reconqu\u00eate identitaire du pays par une majorit\u00e9 blanche, indissociablement chr\u00e9tienne et nationale, spoli\u00e9e de sa culture et de ses biens. Et dans la conscience de former, sur ce socle, une force composite mais extr\u00eamement puissante. Comme le relevait le Southern Poverty Law Center, <\/em>un observatoire ind\u00e9pendant des mouvements de haine aux \u00c9tats-Unis, en f\u00e9vrier 2017, \u00ab La droite radicale a trouv\u00e9 une nouvelle \u00e9nergie dans la candidature de Donald Trump \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Matt Heimbach, figure montante du supr\u00e9macisme violent aux sympathies n\u00e9o-nazies revendiqu\u00e9es, n\u00e9 en 1991, qui proclame publiquement que \u00ab Votre ennemi est le juif international \u00bb et qualifie la \u00ab juiverie internationale \u00bb de \u00ab vraiment satanique \u00bb, d\u00e9clare ainsi \u00e0 CBSN : \u00ab Nous avons de l\u2019\u00e9nergie parce que l\u2019\u00e9lection de Donald Trump a montr\u00e9 que la majorit\u00e9 de l\u2019Am\u00e9rique blanche \u2014 sp\u00e9cialement l\u2019Am\u00e9rique blanche laborieuse \u2014 croit \u00e0 la souverainet\u00e9. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Dans ce sillage, les images se multiplient sur la Toile. <\/p>\n\n\n\n

Celle de cette nuit d\u2019\u00e9t\u00e9, en 2016, en G\u00e9orgie, o\u00f9 ce n\u2019est plus seulement une grande croix que le Ku Klux Klan fait br\u00fbler, mais deux : la seconde est une croix gamm\u00e9e, que l\u2019on retrouve tatou\u00e9e sur le torse et les bras de certains manifestants photographi\u00e9s dans les \u00e9meutes o\u00f9, comme \u00e0 Charlotteseville, les saluts nazis se m\u00ealent aux drapeaux de la Conf\u00e9d\u00e9ration. <\/p>\n\n\n\n

Ou cette autre d\u2019un tract du Klan qui montre, de gauche \u00e0 droite, un juif au nez courbe et protub\u00e9rant, caricatur\u00e9 comme au pire du nazisme, un noir hirsute, un hispanique coiff\u00e9 d\u2019un sombrero. Ainsi l\u00e9gend\u00e9 : \u00ab Nous voulons vos emplois. Nous voulons vos maisons\u2026 \u00bb Gliss\u00e9 dans certaines bo\u00eetes aux lettres de Long Island \u00e0 l\u2019\u00e9t\u00e9 2016, il ressemble \u00e0 d\u2019autres, distribu\u00e9s ailleurs. Comment ne pas y entendre, par-del\u00e0 quelques rares et circonstancielles r\u00e9futations des extr\u00eames, l\u2019\u00e9cho exact du discours victimaire que Trump ass\u00e8ne \u00e0 son public  ? M\u00eames mots, m\u00eames figures obs\u00e9dantes de la d\u00e9possession, m\u00eame vindicte, m\u00eame stigmatisation.<\/p>\n\n\n\n

Donald est-il, comme le disent les hauts grad\u00e9s de l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine (voir plus haut J<\/em><\/strong>oint chiefs of staff<\/em>), un fasciste ? Il est en tout cas cet \u00eatre versatile, plastique, transactionnel et tricheur \u00e0 la fois, dont le langage et la psychologie ont trouv\u00e9 un accueil \u00e0 la fois cynique et visc\u00e9ral chez ces forces du ressentiment, et qui a su faire de cet \u00e9trange unisson l\u2019aliment de sa qu\u00eate narcissique.  <\/p>\n\n\n\n\n

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Le pr\u00e9sident Donal Trump avec les Navy Midshipmen pendant la mi-temps du 120e match Army-Navy au Lincoln Financial Field. \u00a9 James Lang\/USA TODAY <\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Donald\n <\/picture>\n
Donald Trump arrive au gala annuel BCF Honors de la Black Conservative Federation au Columbia Metropolitan Convention Center \u00e0 Columbia, S.C., le vendredi 23 f\u00e9vrier 2024. \u00a9 AP Photo\/Andrew Harnik<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Le pr\u00e9sident Donal Trump avec les Navy Midshipmen pendant la mi-temps du 120e match Army-Navy au Lincoln Financial Field. \u00a9 James Lang\/USA TODAY <\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Donald Trump arrive au gala annuel BCF Honors de la Black Conservative Federation au Columbia Metropolitan Convention Center \u00e0 Columbia, S.C., le vendredi 23 f\u00e9vrier 2024. \u00a9 AP Photo\/Andrew Harnik<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

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L<\/p>\n\n\n\n

Limelight <\/h2>\n\n\n\n

Donald Trump est, finalement, venu \u00e0 la politique pour de bon par le tweet (voir plus bas : X<\/strong>). Longtemps avant son premier message sur Twitter, le 4 mai 2009, il avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 de s\u2019y lancer. Sans le moindre projet, mais par une sorte d\u2019effet naturel de sa voracit\u00e9 m\u00e9diatique.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019abord par de petits coups d\u2019\u00e9clat, pour le pur plaisir de briller et d\u2019humilier ses adversaires. Ainsi, au milieu des ann\u00e9es 1980, alors que la patinoire de Central Park est inutilisable depuis des ann\u00e9es et la Ville de New York, incapable de couler une dalle de b\u00e9ton pour la remettre en service : Donald \u00e9crit publiquement au maire Ed Koch, son ennemi intime, pour le ridiculiser et lui dire qu\u2019en quatre mois, il \u00ab fera le job \u00bb. Koch c\u00e8de. En moins de temps encore qu\u2019annonc\u00e9, Trump fait reconstruire la patinoire par une entreprise de b\u00e2timent qu\u2019il conna\u00eet bien. Il la convainc, pour faire bonne mesure, de le faire gratuitement en lui faisant miroiter une \u00e9norme pub, humilie le maire et plastronne sur les t\u00e9l\u00e9s \u00e0 l\u2019inauguration. <\/p>\n\n\n\n

Escarmouches. Enfantillages\u2026<\/p>\n\n\n\n

Mais sa boulimie de notori\u00e9t\u00e9 est telle que les journalistes, de loin en loin, lui demandent s\u2019il ne voudrait pas, un jour, devenir Pr\u00e9sident. Il s\u00e8me de petites pierres d\u2019attente. \u00c0 Oprah Winfrey, la reine du talk show, en 1988 : \u00ab J\u2019aimerais que nos alli\u00e9s paient honn\u00eatement leur part \u00bb. \u00c0 Playboy<\/em> en 1990 \u00ab The working guy would vote for me. He likes me<\/em>. \u00bb \u00c0 la CPAC (Conf\u00e9rence pour l\u2019action politique conservatrice) en 2011 : \u00ab Je sais gagner et c\u2019est de cela que ce pays a besoin \u00e0 pr\u00e9sent : gagner \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Confus\u00e9ment, les choses se dessinent. En 2000, marqu\u00e9 notamment par l\u2019\u00e9lection en 1998 du catcheur Jesse Ventura comme gouverneur du Minnesota sous l\u2019\u00e9tiquette du \u00ab parti r\u00e9formateur \u00bb, Donald envisage de se porter candidat \u00e0 la pr\u00e9sidence des \u00c9tats-Unis pour le compte de ce tiers parti. Les jeux d\u2019appareil des grands partis l\u2019impatientent et l\u2019intimident, et cette posture d\u2019ind\u00e9pendance \u00e9pouse son individualisme gonfl\u00e9 \u00e0 l\u2019h\u00e9lium narcissique, comme elle convient \u00e0 sa paresse. Mais \u00e7a ne marche pas du tout. Pat Buchanan, vieille baderne nixonienne, qui est de l\u2019aventure, obtient l\u2019investiture. Et Donald le laisse faire\u2026 0,4 %.<\/p>\n\n\n\n

Bien jou\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Du fiasco de ce brouillon de conqu\u00eate, il tirera imm\u00e9diatement la conviction qu\u2019il faut, si l\u2019on veut prendre le pouvoir, en passer par l\u2019un des deux grands partis.<\/p>\n\n\n\n

Il se fera r\u00e9publicain, sans adh\u00e9rer au parti ni abdiquer son obsession d\u2019\u00eatre diff\u00e9rent, de transgresser les consignes, de s\u2019\u00e9carter des chemins trac\u00e9s par les \u00e9tats-majors. Non pour suivre une pens\u00e9e propre qu\u2019il n\u2019a pas, mais pour laisser libre cours \u00e0 son mantra : ce qui est ass\u00e9n\u00e9 publiquement acquiert une v\u00e9rit\u00e9 propre, la proph\u00e9tie se r\u00e9alise parce qu\u2019elle est r\u00e9p\u00e9t\u00e9e un nombre de fois suffisant, avec un aplomb suffisant et un \u00e9cho suffisant. Elle enferme ceux qui l\u2019\u00e9coutent dans une forme de sid\u00e9ration dont l\u2019outrance et l\u2019obsc\u00e9nit\u00e9 ne sont pas la limite, mais l\u2019ingr\u00e9dient myst\u00e9rieux.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, est pr\u00e9sent\u00e9 lors de la Convention nationale r\u00e9publicaine, jeudi 18 juillet 2024, \u00e0 Milwaukee. \u00a9 AP Photo\/Morry Gash<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

M<\/p>\n\n\n\n

MAGA <\/h2>\n\n\n\n

Make America Great Again\u2026<\/em>Le slogan \u00e9tait dans les discours de Reagan, il \u00e9tait dans les discours de Clinton. Il est dans beaucoup de discours depuis pr\u00e8s d\u2019un demi-si\u00e8cle. Un vieux truc de politicien pour chauffer les salles. Un truisme. Personne n\u2019y pr\u00eatait plus d\u2019attention que cela. Et l\u00e0, soudain, MAGA devient le cri de guerre d\u2019un chaudron identitaire, l\u2019acronyme f\u00e9d\u00e9rateur de millions de gens unis par la conviction que la v\u00e9rit\u00e9 doit se r\u00e9inventer \u00e0 coup de certitudes et de boucs \u00e9missaires.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019un slogan \u00e9cul\u00e9, Trump a su faire une marque politique, le logo scintillant d\u2019une religion nouvelle. N\u00e9gliger son talent dans ce domaine serait une erreur. Un d\u00e9tail en t\u00e9moigne : tandis que l\u2019\u00e9lection de 2016, encore lointaine, se profile, Donald d\u00e9pose la marque<\/em>. D\u00e9sormais, \u00ab MAGA \u00bb lui appartient. D\u2019un vieux truc, un charlatan g\u00e9nial fait une nouveaut\u00e9, une flamme qui monte dans la nuit comme celle des croix du Klux Klux Klan. <\/p>\n\n\n\n

La lettre clef de l\u2019acronyme, c\u2019est la quatri\u00e8me. <\/p>\n\n\n\n

A. Again<\/em> \u2026 <\/p>\n\n\n\n

Fin 2015, alors que se profilent les primaires r\u00e9publicaines, Reince Priebus, pr\u00e9sident du Congr\u00e8s National R\u00e9publicain (RNC) et les strat\u00e8ges du parti constatent qu\u2019il se passe quelque chose d\u2019anormal dans les audiences de Trump, tous m\u00e9dias confondus. Alors que le parti cherche, depuis 2008, \u00e0 faire sa mue en se rapprochant des jeunes, des hispaniques, des afro-am\u00e9ricains, des femmes, et voit dans cette conqu\u00eate la clef de son possible retour au pouvoir, Donald, qui s\u2019est invit\u00e9 dans la primaire r\u00e9publicaine, encha\u00eene les clich\u00e9s x\u00e9nophobes, racistes, sexistes, ruinant ces ann\u00e9es d\u2019effort\u2026 Et monte en fl\u00e8che dans les sondages. Une partie de la classe moyenne et ouvri\u00e8re blanche, gagn\u00e9s par une paup\u00e9risation multiforme, et qui vit \u00e0 cr\u00e9dit l\u2019extinction de son r\u00eave, l\u2019\u00e9coute. <\/p>\n\n\n\n

Perplexit\u00e9. Panique. Sauve qui peut : Trump est invit\u00e9 \u00e0 s\u2019engager \u00e0 soutenir le candidat r\u00e9publicain s\u2019il perd la primaire \u00e0 laquelle il s\u2019est d\u00e9clar\u00e9 candidat. Il accepte mais exige de signer chez lui, \u00e0 la Trump Tower, et Priebus vient lui faire signer, piteusement, cette lettre d\u2019engagement, sous l\u2019\u0153il des m\u00e9dias goguenards, convoqu\u00e9s par Trump. Rien n\u2019arr\u00eatera plus le mouvement MAGA qui, rapidement, cr\u00e9e l\u2019acronyme sym\u00e9trique de RINO (voir plus bas l\u2019entr\u00e9e correspondante), Republican in name only<\/em>, qu\u2019il utilisera pour \u00e9liminer ses adversaires.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

N<\/p>\n\n\n\n

New York<\/h2>\n\n\n\n

Trump est un enfant du bitume new-yorkais. Un urbain pur. Beaucoup de politiciens am\u00e9ricains mettent en avant une enfance rurale, conforme aux clich\u00e9s de l\u2019Am\u00e9rique \u00e9ternelle. Quand elle ne l\u2019est pas, ils insistent cependant sur leur appartenance \u00e0 la classe moyenne, ordinaire, des faubourgs monotones. Tout cela est \u00e9tranger \u00e0 Donald qui, jeune homme, flambait d\u00e9j\u00e0 l\u2019argent paternel avec ostentation dans les rues du Queens et de Brooklyn, puis de Manhattan.<\/p>\n\n\n\n

Le New York o\u00f9 Donald a fait ses premi\u00e8res armes, \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1960 et dans les ann\u00e9es 1970, n\u2019est pas celui d\u2019aujourd\u2019hui. Au bord de la faillite, la ville \u00e9tale ses rues peupl\u00e9es de junkies et de sans-abri, aligne les immeubles mena\u00e7ant ruine jusque dans Manhattan, voit se succ\u00e9der les faits divers sanglants. L\u2019adr\u00e9naline et la peur y composent un cocktail singulier. Au fil des reportages, les travellings<\/em> des cam\u00e9ras de l\u2019\u00e9poque montrent ses ruelles hagardes, sales et d\u00e9faites, un tissu urbain transform\u00e9 en haillon o\u00f9 les agressions et les trafics s\u2019offrent \u00e0 tous les regards.<\/p>\n\n\n\n

Abe Beame, le maire, une sorte de culbuto affairiste, dirige une administration corrompue, gangr\u00e9n\u00e9e par les mafias et les ententes. Fred Trump, le p\u00e8re, est un de ses plus proches \u00ab amis \u00bb. Dans ce contexte de d\u00e9r\u00e9liction urbaine et de crise du logement, on subventionne largement les programmes immobiliers neufs. Leurs promoteurs sont proches des \u00e9lus locaux dont ils financent les campagnes. C\u2019est principalement \u00e0 cet argent public, g\u00e9n\u00e9reusement distribu\u00e9 pour soutenir ses projets, que Fred doit sa fortune. Donald, pour ses premiers projets, prolongera la martingale. Mais au d\u00e9but des ann\u00e9es 1980, l\u2019\u00e9lection d\u2019Ed Koch \u00e0 la mairie change la donne, et fait reculer les magouilles. Il devient l\u2019ennemi jur\u00e9 de Trump. <\/p>\n\n\n\n

Donald grandit dans cette ambiance \u00e0 la Scorsese. Dans une jungle urbaine qui est aux antipodes de l\u2019Am\u00e9rique \u00ab trumpiste \u00bb qui forme aujourd\u2019hui l\u2019essentiel de son \u00e9lectorat, et aux tripes de laquelle il parle pourtant mieux que quiconque.<\/p>\n\n\n\n

En 2016, cet homme qui n\u2019a jamais eu un regard pour les petits et les sans-grades a ramen\u00e9 au parti r\u00e9publicain un \u00e9lectorat populaire des \u00c9tats du Midwest et des grands lacs qui s\u2019\u00e9tait \u00e9loign\u00e9 de lui avec Obama, et galvanis\u00e9 les petits blancs du vieux sud, qui abhorrent le symbole new-yorkais, dont il est portant une incarnation rutilante, caricaturale. Mitch McConnell, le vieux renard du S\u00e9nat, qui d\u00e9teste Trump, mais sait le prix d\u2019un grand succ\u00e8s \u00e9lectoral, rend les armes quand tombe, le 5 novembre 2016, le verdict d\u2019une triple victoire : celle de Donald et celles des R\u00e9publicains dans les deux chambres du Congr\u00e8s. Je ne crois pas, d\u00e9clare-t-il, qu\u2019un autre d\u2019entre nous aurait su parler comme lui aux \u00e9lecteurs populaires qui sont revenus vers les R\u00e9publicains.<\/p>\n\n\n\n

En regardant Donald faire campagne dans cette Am\u00e9rique des pickups<\/em>, des rangers<\/em>, des casquettes et des armes \u00e0 feu qui revendique sa m\u00e9fiance \u00e0 l\u2019\u00e9gard des grandes villes et des pouvoirs qui s\u2019y concentrent, puis en observant le mouvement de sa vie sur une dur\u00e9e plus longue, on reste pensif. D\u2019autant plus que, fid\u00e8le \u00e0 un style qu\u2019il n\u2019a jamais infl\u00e9chi, il ne cherche pas \u00e0 se fondre dans cet \u00e9lectorat. Il atterrit pr\u00e8s du lieu de ses meetings dans un avion peint \u00e0 ses couleurs. En descend comme une diva. Ne quitte jamais le costume cravate. \u00c9tale sans rel\u00e2che sa richesse et ses succ\u00e8s pr\u00e9sum\u00e9s. Seule sa casquette rouge le lie, visuellement, \u00e0 la horde\u2026<\/p>\n\n\n\n

Mais sa fascination pour la ville est intacte. \u00c0 l\u2019\u00e9t\u00e9 2024, il d\u00e9cide d\u2019y faire campagne, malgr\u00e9 le scepticisme de son \u00e9quipe. Elle fait valoir que l\u2019\u00c9tat de New York est hors de port\u00e9e des R\u00e9publicains pour l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle, que les enjeux y sont circonscrits \u00e0 quelques si\u00e8ges critiques pour conserver la majorit\u00e9 \u00e0 la chambre des Repr\u00e9sentants. Rien n\u2019y fait. Ses tripes reviennent toujours vers ce fief qui lui reste hostile, comme il ne manquera pas de le rappeler lorsque son proc\u00e8s de juin 2024 se conclut par une reconnaissance unanime de culpabilit\u00e9, qu\u2019il attribue \u00e0 la partialit\u00e9 du jury local, \u00e0 la s\u00e9lection duquel ses avocats ont pourtant particip\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Non, rien n\u2019y fait. Il a New-York dans le sang. Il prend la pose chez un barbier du Bronx, en train de flatter une poign\u00e9e de clients devant les cam\u00e9ras, se d\u00e9crivant comme un p\u2019tit gars du Queens. Une semaine avant le scrutin, il tient un meeting monstre au Madison Square Garden. La ville a la forme de son r\u00eave. Depuis toujours.<\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"Une\n <\/picture>\n
Une manifestante trumpiste du nom de Cowboy Barbie, avec un fusil AR-15. \u00a9 Ty O’Neil\/SOPA Images<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Un\n <\/picture>\n
Un partisan de Donald Trump brandit un drapeau am\u00e9ricain invers\u00e9 lors d’une manifestation devant la Trump Tower, vendredi 31 mai 2024, \u00e0 New York. \u00a9 AP Photo\/John Minchillo<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Une manifestante trumpiste du nom de Cowboy Barbie, avec un fusil AR-15. \u00a9 Ty O’Neil\/SOPA Images<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Un partisan de Donald Trump brandit un drapeau am\u00e9ricain invers\u00e9 lors d’une manifestation devant la Trump Tower, vendredi 31 mai 2024, \u00e0 New York. \u00a9 AP Photo\/John Minchillo<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

O<\/p>\n\n\n\n

Obama<\/h2>\n\n\n\n

Le premier th\u00e8me qui hantera durablement les tweets de Trump sera le fantasme complotiste selon lequel Barack Obama \u2014 Barack Hussein <\/em>Obama ira-t-il r\u00e9p\u00e9tant apr\u00e8s d\u2019autres, en insistant sur le second pr\u00e9nom \u2014 n\u2019est pas n\u00e9 aux \u00c9tats-Unis. La dissimulation suppos\u00e9e de son certificat de naissance sera l\u2019aliment de cette campagne. Sa publication tardive en version int\u00e9grale, en avril 2011, par un Obama r\u00e9ticent \u00e0 r\u00e9pondre \u00e0 tant de bassesse, finira par d\u00e9gonfler peu \u00e0 peu l\u2019affaire, et vaudra \u00e0 Donald, quelques jours plus tard, une humiliation sans pr\u00e9c\u00e9dent au d\u00eener des correspondants de presse de la Maison Blanche. <\/p>\n\n\n\n

Mais cela ne changera rien pour quelques enrag\u00e9s, pour les 25 % d\u2019\u00e9lecteurs R\u00e9publicains qui, en mai 2011, croient encore \u00e0 une fraude et se retranchent dans leur bulle complotiste. <\/p>\n\n\n\n

Donald les y suit discr\u00e8tement et ses tweets, \u00e7\u00e0-et-l\u00e0, les soutiennent : il continue \u00e0 distiller le poison. Sous forme de questions faussement na\u00efves, de doutes, d\u2019insinuations : \u00ab S\u2019il est vraiment n\u00e9 aux \u00c9tats-Unis, comment se fait-il que personne ne se rappelle de lui \u00e0 l\u2019\u00e9cole etc. etc. ? \u00bb. Un crin-crin v\u00e9n\u00e9neux qui suinte la haine raciale, et vient murmurer \u00e0 l\u2019oreille de chacun que cette haine est permise, comme le doute est permis\u2026 <\/p>\n\n\n\n

Les ann\u00e9es Obama sont celles d\u2019une fermentation politique malsaine qui ne laisse personne indemne, et dont Donald \u00e9mergera comme le seul vainqueur. Car la droite radicale s\u2019engage, de 2008 \u00e0 2016, dans une v\u00e9ritable \u00e9puration du parti r\u00e9publicain qui \u00e9carte m\u00eame certains de ses t\u00e9nors conservateurs, tels John Boehner ou Eric Cantor \u00e0 la Chambre des Repr\u00e9sentants\u2026 Inspir\u00e9e et relay\u00e9e par les innombrables organisations de la mouvance \u00ab Tea Party \u00bb, elle st\u00e9rilise, au Parlement, les possibilit\u00e9s de compromis bipartisans qui sont au c\u0153ur de la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine. Ses lobbys verrouillent chaque vote, surveillent chaque prise de position individuelle d\u2019\u00e9lus r\u00e9publicains menac\u00e9s d\u2019\u00eatre battus lors des primaires de leurs \u00c9tats ou circonscriptions d\u2019origine s\u2019ils fl\u00e9chissent sur les positions extr\u00e9mistes qui sont en train de devenir le nouvel ADN de la base sectaire du parti \u2014 sur le climat, l\u2019avortement, les armes \u00e0 feu, le mariage gay, l\u2019environnement, l\u2019assurance maladie. <\/p>\n\n\n\n

Simultan\u00e9ment, cette extr\u00eame droite \u00e9mergente engage une  guerre \u00e0 mort, existentielle, avec le premier pr\u00e9sident noir des \u00c9tats-Unis. Au c\u0153ur de ce basculement, de cette catalyse sectaire, une rumeur qui va devenir le \u00ab birtherism \u00bb<\/em>, que \u00ab nativisme \u00bb traduirait imparfaitement : on ne sait pas d\u2019o\u00f9 vient Obama, cet homme trop noir pour \u00eatre clair, et il n\u2019est sans doute pas am\u00e9ricain. \u00ab He came out of nowhere<\/em> \u00bb ass\u00e8ne Donald. Jamais depuis la d\u00e9route de Walter Mondale face \u00e0 Reagan en 1984, les blancs am\u00e9ricains n\u2019ont aussi peu vot\u00e9 pour un candidat d\u00e9mocrate que pour Obama en 2012. Cette tendance s\u2019accuse chez les \u00e9lecteurs de sexe masculin, et s\u2019accentue encore dans le vieux Sud.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est dans ce chaos que Trump, peu \u00e0 peu, se faufile, tweet apr\u00e8s tweet. Sans inqui\u00e9ter s\u00e9rieusement, avant d\u00e9but 2016, les t\u00e9nors du parti qui voient en lui un brouillon lunatique, assoiff\u00e9 de pub, incapable de se \u00ab pr\u00e9sidentialiser \u00bb vraiment. Les dirigeants r\u00e9publicains ne comprennent pas que le climat de haine, instable, qu\u2019ils tol\u00e8rent ou encouragent, va engendrer le pire, et que ce pire va leur \u00e9chapper. <\/p>\n\n\n\n

Quand Obama est \u00e9lu une premi\u00e8re fois, en 2008, avec une \u00ab super-majorit\u00e9 \u00bb de 60 membres au S\u00e9nat et la majorit\u00e9 \u00e0 la Chambre des Repr\u00e9sentants, l\u2019effet de souffle est terrible chez les strat\u00e8ges r\u00e9publicains, qui redoutent une longue cure d\u2019opposition. La fracture apparue en leur sein pendant la campagne s\u2019est r\u00e9fract\u00e9e jusqu\u2019au sein du \u00ab ticket \u00bb perdant, qui a vu le challenger, John Mc Cain, s\u00e9nateur de l\u2019Arizona, h\u00e9ros gravement bless\u00e9 du Vietnam, esprit ind\u00e9pendant et impr\u00e9visible, centriste int\u00e8gre au temp\u00e9rament bouillonnant, tr\u00e8s mal vu de la droite identitaire et bigote du parti, s\u2019adjoindre comme Vice-Pr\u00e9sidente potentielle Sarah Palin, ic\u00f4ne fanatique du Tea Party, inculte et virulente jusqu\u2019\u00e0 l\u2019absurde. Une carnassi\u00e8re posant dans la ruralit\u00e9 neigeuse de son \u00c9tat, l\u2019Alaska, entour\u00e9e de b\u00fbcherons en bras de chemise, incarnant cette \u00ab Am\u00e9rique des valeurs \u00bb sectaire, aigrie et soucieuse de passer \u00e0 l\u2019action, qui a commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9ferler sur le parti. Tout cela \u00e9choue pourtant. Comme Mitt Romney, pris en otage lui aussi par les fanatiques de son parti et incapable de se rapprocher du peuple, \u00e9chouera quatre ans plus tard, en 2012, face \u00e0 un Obama pourtant en grande difficult\u00e9 dans l\u2019opinion. <\/p>\n\n\n\n

Car l\u2019\u00e9tat de gr\u00e2ce de 2008 a dur\u00e9 moins longtemps, pour Obama, que ne le craignaient les huiles r\u00e9publicaines. Un refus maladroit d\u2019\u00e9couter les R\u00e9publicains sur son premier plan de relance, o\u00f9 il n\u00e9glige les infrastructures essentielles qu\u2019attendaient, notamment, les \u00e9lus du Midwest, puis la longue bataille de tranch\u00e9es de l\u2019\u00ab Obamacare \u00bb, am\u00e8nent la perte de la majorit\u00e9 \u00e0 la chambre des repr\u00e9sentants et de la \u00ab super-majorit\u00e9 \u00bb au S\u00e9nat, d\u00e8s les \u00e9lections \u00e0 mi-mandat, les mid-terms<\/em> de 2010. Cette reconqu\u00eate parlementaire des r\u00e9publicains, de 2010 \u00e0 2016, va de pair avec la mont\u00e9e en son sein d\u2019une droite chr\u00e9tienne-identitaire x\u00e9nophobe, qui se ressource dans son refus de tout compromis. <\/p>\n\n\n\n

Donald le sait. Indiff\u00e9rent aux faits et aux preuves, flairant l\u2019opinion et suivant son instinct, il distille sur la toile sa chansonnette haineuse : Barack Hussein<\/em> ne peut pas \u00eatre am\u00e9ricain. C\u2019est le fil rouge de ses tweets de 2009 \u00e0 2012. C\u2019est sous ce signe qu\u2019il entre, peu \u00e0 peu, en politique pour de bon.<\/p>\n\n\n\n

<\/p>\n\n\n\n

P<\/p>\n\n\n\n

Ph\u00e9nix<\/h2>\n\n\n\n

Rena\u00eetre de ses cendres\u2026 <\/p>\n\n\n\n

En 1991, le Taj Mahal, ce casino g\u00e9ant dont Donald voulait faire le joyau de son empire, \u00e0 Atlantic city, cette hyperbole de tous ses fantasmes et de toutes les vulgarit\u00e9s, fait faillite. Acclam\u00e9e \u00e0 son ouverture par des hordes de gogos ahuris, la grande basilique de l\u2019argent facile et du kitsch ferme lamentablement au bout d\u2019une petite ann\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Les analystes de l\u2019\u00e9conomie des casinos et des jeux de hasard en avaient pronostiqu\u00e9 l\u2019\u00e9chec, calculant que son activit\u00e9 ne permettrait jamais de rembourser l\u2019investissement qu\u2019elle avait exig\u00e9. Arrim\u00e9 \u00e0 son vertige de grandeur, Donald les ignorait. <\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s une petite ann\u00e9e, l\u2019\u00e9l\u00e9phant blanc, rutilant d\u2019or et de parures clinquantes, s\u2019effondre, entra\u00eenant dans sa d\u00e9b\u00e2cle emplois et cr\u00e9anciers. Tous succombent dans le sillage de l\u2019illusionniste qui, enti\u00e8rement insensible \u00e0 cette confiance trahie, impavide, poursuit pour lui seul son chemin d\u2019hypnose et de mensonge, pr\u00e9sentant les accords qui soldent la faillite comme un chef d\u2019\u0153uvre de la n\u00e9gociation, comme il l\u2019avait fait peu avant du b\u00e2timent lui-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

Rien n\u2019est r\u00e9gl\u00e9 pourtant, et les ann\u00e9es qui suivent sont sem\u00e9es de gros titres sur l\u2019incapacit\u00e9 de Trump \u00e0 r\u00e9gler ses dettes, sur ses faillites, ses \u00e9checs, l\u2019effondrement possible de son groupe. Un accord avec les banques cr\u00e9ditrices l\u2019oblige \u00e0 vendre sa compagnie a\u00e9rienne \u00e0 US Airways en 1992, \u00e0 vendre son yacht, \u00e0 r\u00e9duire ses participations dans ses actifs immobiliers et son train de vie. Deux autres casinos, et l\u2019h\u00f4tel Plaza de New York, autre \u00ab joyau de la couronne \u00bb, font faillite en 1992. Et pourtant\u2026 Peu apr\u00e8s, il met en Bourse ses affaires, l\u00e8ve 1,2 milliard de dollars sur son nom, qui attire envers et contre tout. Et \u00e9chappe vaille que vaille \u00e0 la banqueroute de son empire. Ce qui n\u2019emp\u00eachera pas deux faillites de sa holding<\/em> d\u2019h\u00f4tels et de casinos, en 2004 puis en 2009. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab Dans le cochon, tout est bon \u00bb. Dans les tribulations de Donald aussi : pas d\u2019\u00e9chec, pas de trahison, pas de d\u00e9lit, pas de situation d\u00e9shonorante qui r\u00e9siste \u00e0 l\u2019imm\u00e9diate inversion de signe que produit le discours trumpien, et qui ne lui serve in fine<\/em> de combustible.<\/p>\n\n\n\n

On touche l\u00e0 \u00e0 la dimension vraiment exceptionnelle du personnage, et \u00e0 la plus myst\u00e9rieuse. Un ogre du rebond, un type qui, quand ses mensonges laissent place \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 d\u2019un \u00e9chec, se galvanise dans l\u2019affirmation paradoxale de son succ\u00e8s, hypnotisant son public et puisant dans ces turbulences, dans ce d\u00e9sordre, une sorte de philtre magique qui nourrit sa r\u00e9surrection.<\/p>\n\n\n\n

Dans cette vision abrupte et violente de la vie que Donald, devant les micros, livre parfois avec un m\u00e9lange de candeur et de cynisme, les faibles sont ici-bas pour servir d\u2019instrument et de p\u00e2ture aux forts, destin\u00e9s par leur caract\u00e8re \u00e0 les dominer toujours. Cet univers a son test supr\u00eame : la capacit\u00e9 \u00e0 surmonter les coups du sort, \u00e0 les tourner en sa faveur, \u00e0 forcer le passage au milieu de l\u2019orage. <\/p>\n\n\n\n

Telle est l\u2019ultime \u00e9preuve du h\u00e9ros trumpien : celle qui le voit arracher son mythe individuel \u00e0 la d\u00e9ch\u00e9ance qui menace de le rel\u00e9guer au pays des vaincus sans visage, d\u00e9fier ce masque de pierre du Commandeur qui, du fond de son subconscient, se tourne lentement vers lui, et s\u2019appr\u00eate \u00e0 lui murmurer \u00e0 son tour, d\u2019une voix de s\u00e9pulcre \u00ab You\u2019re fired<\/em> \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Rena\u00eetre et se venger. <\/p>\n\n\n\n

\u00ab I\u2019m not<\/em> fired. \u00bb<\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"Lors\n <\/picture>\n
Lors du gala annuel de l’Association des correspondants de la Maison Blanche, Barack Obama projette l’image, alors irr\u00e9aliste, d’une Maison Blanche \u00ab Trump \u00bb. Washington, le 30 avril 2011. \u00a9 Rex Features<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Sur\n <\/picture>\n
Sur cette photographie du 6 janvier 2021, des partisans de Trump participent \u00e0 un rassemblement \u00e0 Washington \u2014 quelques heures avant l’assaut du Capitole. \u00a9 AP Photo\/John Minchillo<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Lors du gala annuel de l’Association des correspondants de la Maison Blanche, Barack Obama projette l’image, alors irr\u00e9aliste, d’une Maison Blanche \u00ab Trump \u00bb. Washington, le 30 avril 2011. \u00a9 Rex Features<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Sur cette photographie du 6 janvier 2021, des partisans de Trump participent \u00e0 un rassemblement \u00e0 Washington \u2014 quelques heures avant l’assaut du Capitole. \u00a9 AP Photo\/John Minchillo<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

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Q<\/p>\n\n\n\n

QAnon<\/h2>\n\n\n\n

On descend dans le crat\u00e8re du volcan.<\/p>\n\n\n\n

Pour parler de QAnon<\/a>, il faut s\u2019accrocher solidement aux faits dans un univers absurde o\u00f9 ils perdent toute r\u00e9alit\u00e9, trouver des mots pour d\u00e9crire une chose qui ne se laisse pas facilement saisir ou qualifier, suivre la piste d\u2019un syst\u00e8me de manipulation qui efface ses traces \u00e0 mesure qu\u2019il se d\u00e9ploie. Qui s\u2019y int\u00e9resse un peu s\u00e9rieusement en sort avec un \u00e9trange sentiment de naus\u00e9e, semblable \u00e0 celui que laisse un mauvais film d\u2019\u00e9pouvante. <\/p>\n\n\n\n

En octobre 2017 appara\u00eet sur Internet une rumeur port\u00e9e par un myst\u00e9rieux \u00ab Q \u00bb. L\u2019initiale d\u00e9signe l\u2019accr\u00e9ditation dont b\u00e9n\u00e9ficient certains membres de l\u2019administration am\u00e9ricaine pour acc\u00e9der \u00e0 des informations sensibles.<\/p>\n\n\n\n

La rumeur prolonge et amplifie celle qui, sous le nom de Pizzagate, accuse depuis mars 2016 des figures d\u00e9mocrates marquantes \u2014 au premier rang desquelles Hillary Clinton et Barack Obama \u2014 des vedettes d\u2019Hollywood ou des \u00e9toiles du showbiz<\/em>, toutes proches des d\u00e9mocrates, comme Oprah Winfrey, et d\u2019autres personnalit\u00e9s comme George Soros, de se retrouver dans le sous-sol d\u2019une pizzeria pour y pratiquer, sur des enfants, des sacrifices humains, les abuser sexuellement, et se repa\u00eetre d\u2019une substance d\u00e9riv\u00e9e de leur sang, l’adr\u00e9nochrome, r\u00e9put\u00e9e psychotrope et rajeunissante. Ces pratiques s\u2019inscriraient dans un r\u00e9seau mondial de pr\u00e9dateurs prot\u00e9g\u00e9s par leur pouvoir et leur argent. Des ploutocrates vampires, infanticides, diaboliques. Donald Trump, \u00e9lu en 2016, serait, aux yeux de Q et des adeptes de sa th\u00e9orie, le h\u00e9ros qui utilisera secr\u00e8tement son pouvoir pour d\u00e9jouer cette conspiration odieuse, et mettre aux fers, ou \u00e0 mort, les adeptes de ces rites sataniques. Cette \u00e9puration culminera dans une sorte de Grand Soir d\u00e9nomm\u00e9 \u00ab The Storm \u00bb.  <\/p>\n\n\n\n

Il n\u2019est pas besoin d\u2019une longue ex\u00e9g\u00e8se pour retrouver, derri\u00e8re ce sc\u00e9nario, les \u00e9l\u00e9ments d\u2019un mythe qui a nourri, des si\u00e8cles durant, les pogroms antis\u00e9mites : celui des meurtres rituels d\u2019enfants chr\u00e9tiens \u00e0 la veille de la P\u00e2ques juive, pour boire leur sang. On y retrouve aussi des \u00e9l\u00e9ments des Protocoles des sages de Sion, ce faux r\u00e9dig\u00e9 par la police secr\u00e8te tsariste au d\u00e9but du XXe si\u00e8cle pour \u00e9tayer la rumeur d\u2019un complot juif mondial. Et tout un bazar de chim\u00e8res qui ressuscitent \u00e0 la fois les grandes peurs mill\u00e9naristes, un imaginaire de la sorcellerie qui a nourri des si\u00e8cles de pers\u00e9cutions, et des sch\u00e9mas sectaires classiques, comme celui qui convie les adeptes au \u00ab Grand \u00c9veil \u00bb (The Great Awakening<\/em>), une sorte de r\u00e9v\u00e9lation eschatologique qui confondra les man\u0153uvres des p\u00e9do-criminels suppos\u00e9s dans un grand \u00e9clair de lucidit\u00e9. R\u00e9sonnent enfin dans les fictions de QAnon, de fa\u00e7on plus diffuse, les th\u00e8mes apocalyptiques qui n\u2019ont cess\u00e9 de monter en puissance dans les m\u00e9dias \u00e9vang\u00e9liques am\u00e9ricains depuis les ann\u00e9es 1980.<\/p>\n\n\n\n

QAnon est rapidement relay\u00e9 par des dizaines de sites et de blogs d\u2019inspiration complotiste, ainsi que par des officines d\u00e9pendant notamment du pouvoir russe ou chinois. Les grands r\u00e9seaux sociaux \u2014 Facebook, Telegram notamment \u2014 h\u00e9bergent des dizaines de sites reli\u00e9s \u00e0 QAnon, malgr\u00e9 des efforts progressifs \u2014 et tardifs \u2014 pour en \u00e9liminer certains. \u00c0 partir de 2018, ses adeptes, arborant les insignes, les codes et les slogans de QAnon, apparaissent r\u00e9guli\u00e8rement dans les meetings<\/em> de Donald Trump. Des voix de la n\u00e9buleuse d\u2019extr\u00eame droite comme Sean Hannity, l\u2019une des vedettes de Fox News, et de nombreux conspirationnistes de la Toile, relaient ses th\u00e8mes. On ne connut jamais le nombre de ses adeptes, la notion m\u00eame \u00e9tant difficile \u00e0 appr\u00e9hender. Selon l\u2019Institute for Strategic Dialogue, cit\u00e9 par l\u2019Encyclopedia Britannica, d\u2019octobre 2017 \u00e0 juin 2020, 487 000 posts sur Facebook, 281 000 sur Instagram et 69 millions de tweets porteront les hashtags de QAnon, ou en utiliseront les codes verbaux de reconnaissance.<\/p>\n\n\n\n

QAnon culminera avec l\u2019\u00e9meute factieuse du 6 janvier 2021<\/a>, avant de d\u00e9cliner peu \u00e0 peu, notamment parce qu\u2019aucune des pr\u00e9dictions apocalyptiques annonc\u00e9es par le myst\u00e9rieux Q ne se r\u00e9alisait. L\u2019homme aux cornes de bison, au visage couvert de peintures rituelles, dont l\u2019image domine, dans nos esprits, celle de la foule enrag\u00e9e qui prit d\u2019assaut le Capitole ce jour-l\u00e0, \u00e9tait le \u00ab chamane \u00bb Jacob Chansley, un pilier de QAnon condamn\u00e9 depuis \u00e0 trois ans et demi de prison ferme.<\/p>\n\n\n\n

Qui \u00e9tait Q  ? Un ensemble d\u2019enqu\u00eates utilisant notamment des moteurs de recherche stylistiques et lexicologique<\/a>, crois\u00e9s avec d\u2019autres analyses, ont donn\u00e9 \u00e0 penser que Paul Furber et Ron Watkins, deux professionnels de la manipulation sur internet, li\u00e9s au site 8chan qui a succ\u00e9d\u00e9 \u00e0 4chan comme principal vecteur de diffusion de QAnon, \u00e9taient les auteurs qui se cachaient derri\u00e8re \u00ab Q \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Au fond, cela importe peu. Deux choses, en revanche, doivent retenir l\u2019attention avant d\u2019en venir \u00e0 la question principale : celle des liens de Trump avec QAnon. <\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re concerne les techniques de manipulation utilis\u00e9es. QAnon est un agr\u00e9gateur de mensonges \u00e0 haut d\u00e9bit. Dans la narration arborescente qui s\u2019orne sans cesse de nouvelles p\u00e9rip\u00e9ties, tout ce qui menace Trump est presque instantan\u00e9ment retourn\u00e9 \u00e0 son profit. Un exemple  ? L\u2019enqu\u00eate du Procureur sp\u00e9cial Robert Mueller, ancien directeur du FBI, sur les contacts de l\u2019entourage de Trump avec les Russes et leurs services sp\u00e9ciaux pendant la campagne de 2016, est, de 2017 \u00e0 2019, la grande frayeur, l\u2019obsession de Trump et de ses conseillers. Qu\u2019\u00e0 cela ne tienne : QAnon fabriquera une inversion de signe : Trump et Mueller auraient \u00e9t\u00e9 de m\u00e8che pour permettre au second, sous couvert d\u2019enqu\u00eate sur les connexions russes du Pr\u00e9sident, de traquer secr\u00e8tement les responsables suppos\u00e9s du r\u00e9seau p\u00e9do-criminel mondial invent\u00e9 par QAnon.<\/p>\n\n\n\n

La seconde concerne les adeptes de cette secte complotiste que le FBI r\u00e9pertoriera comme un danger pour les \u00c9tats-Unis, et leur motivation. QAnon fonctionne comme un grand jeu vid\u00e9o, un jeu de piste digital nourri de sch\u00e8mes sataniques : des m\u00e9chants personnages y sont invent\u00e9s en permanence, livr\u00e9s \u00e0 la vindicte des initi\u00e9s qui les pourchassent ; l\u2019intrigue se ramifie, de nouvelles pistes s\u2019ouvrent, de nouveaux suspects apparaissent. Le \u00ab QAnoniste \u00bb se vit donc comme le vigile d\u2019une arm\u00e9e secr\u00e8te, un soldat en guerre contre le complot qui gangr\u00e8ne le \u00ab deep state<\/em> \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

On retrouve l\u00e0 une figure-clef de l\u2019emprise que le trumpisme exerce sur la partie la plus endurcie de son \u00e9lectorat : des gens obs\u00e9d\u00e9s par leur rel\u00e9gation se sentent enfin initi\u00e9s au th\u00e9\u00e2tre de l\u2019ombre, invit\u00e9s au c\u0153ur des rouages du pouvoir. Comme ils le sont par les tweets au moyen desquels Trump, Pr\u00e9sident, r\u00e8gle la nuit, sur Twitter, ses comptes avec ceux qui le servent le jour (voir plus bas : X<\/strong>). L\u2019adepte de QAnon a le sentiment de prendre \u00ab l\u2019\u00c9tat profond \u00bb \u00e0 revers, et l\u2019on voit au sein des familles des gens se couper du monde et s\u2019obs\u00e9der de cette traque \u00e0 laquelle ils participent.<\/p>\n\n\n\n

Et Trump lui-m\u00eame dans tout \u00e7a  ? Le r\u00e9seau le d\u00e9nommera \u00ab Q+ \u00bb, une sorte de Guide Supr\u00eame invisible, presque de Messie. Mais est-ce sa faute, apr\u00e8s tout, si des cingl\u00e9s l\u2019encensent ? Comme tout ce qui structure l\u2019arsenal trumpiste de la haine, la relation de QAnon avec Trump lui-m\u00eame plonge dans un clair-obscur o\u00f9 il faut entrer pour y relever des faits, certains et publics. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019ONG de recherche progressiste Media Matters for America<\/em> relevait ainsi qu\u2019en ao\u00fbt 2020, Trump, alors Pr\u00e9sident des \u00c9tats-Unis, avait retweet\u00e9 216 fois des messages port\u00e9s par 129 comptes affili\u00e9s \u00e0 QAnon. Interrog\u00e9 en conf\u00e9rence de presse le 19 ao\u00fbt 2020, Trump d\u00e9clare : \u00ab Je ne sais pas grand-chose du mouvement, si ce n\u2019est qu\u2019ils m\u2019aiment beaucoup, ce que j\u2019appr\u00e9cie. \u00bb Sur NBC News le 15 octobre 2020, il refuse de d\u00e9savouer les th\u00e8ses de QAnon, relevant que personne ne peut se prononcer sur le bien-fond\u00e9 de la th\u00e9orie que l\u2019organisation v\u00e9hicule. Et ajoutant qu\u2019\u00e0 sa connaissance, elle combat la p\u00e9dophilie, ce qui est positif.<\/p>\n\n\n\n

La m\u00e9thode Trump, quand sont en cause ses relations avec des r\u00e9seaux extr\u00e9mistes, est r\u00e9sum\u00e9e dans ces r\u00e9ponses. O\u00f9 l\u2019on discerne quatre composantes : <\/p>\n\n\n\n