{"id":249765,"date":"2024-11-02T06:00:00","date_gmt":"2024-11-02T05:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=249765"},"modified":"2024-11-01T20:44:18","modified_gmt":"2024-11-01T19:44:18","slug":"trump-un-abecedaire","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/11\/02\/trump-un-abecedaire\/","title":{"rendered":"Trump : un ab\u00e9c\u00e9daire"},"content":{"rendered":"\n
Comment un homme que l\u2019ancien chef d\u2019\u00e9tat-major des arm\u00e9es des \u00c9tats-Unis, le g\u00e9n\u00e9ral Mark Milley, d\u00e9crit comme \u00ab l\u2019homme le plus dangereux qui soit pour son pays, fasciste jusqu\u2019\u00e0 la mo\u00eblle (<\/em>to the core) \u00bb, est-il \u00e0 nouveau aux portes du pouvoir de la d\u00e9mocratie la plus puissante du monde ? Pourquoi Trump fait-il quotidiennement des d\u00e9clarations qui auraient \u00e9limin\u00e9 n\u2019importe lequel de ses pr\u00e9d\u00e9cesseurs dans la course \u00e0 la pr\u00e9sidence, sans que son \u00e9lectorat en paraisse affect\u00e9 ? Pourquoi cette immunit\u00e9 s\u2019\u00e9tend-t-elle \u00e0 ses affaires judiciaires, \u00e0 ses condamnations p\u00e9nales notamment, et \u00e0 l\u2019\u00e9meute factieuse du 6 janvier 2021 ? Quelle est la part de la r\u00e9surgence des vieux d\u00e9mons de la politique am\u00e9ricaine et celle de la nouveaut\u00e9 radicale dans son discours, et l\u2019\u00e9cho qu\u2019il re\u00e7oit ? Comment un homme \u00e9tranger au syst\u00e8me politique conventionnel, unanimement m\u00e9pris\u00e9 en son sein, est-il rapidement parvenu \u00e0 r\u00e9gner sans partage sur l\u2019une des deux grandes formations politiques am\u00e9ricaines ?<\/em><\/p>\n\n\n\n Trump \u00e9chappe toujours par quelque c\u00f4t\u00e9 aux analyses organis\u00e9es, qu\u2019elles s\u2019inscrivent dans l\u2019\u00e9tude de la science politique, dans celle des m\u00e9dias num\u00e9riques de masse, dans celle des rapports de force \u00e9conomiques ou des flux migratoires aux \u00c9tats-Unis, dans celle de sa psychologie et de son histoire familiale. Il \u00e9tait tentant d\u2019essayer d\u2019\u00e9clairer autrement, par un ab\u00e9c\u00e9daire exclusivement nourri de sources publiques, un homme qui se cache en pleine lumi\u00e8re.<\/em><\/p>\n\n\n\n Pendant tous le weekend et la semaine prochaine, la r\u00e9daction est mobilis\u00e9e pour suivre une \u00e9lection historique<\/a>. Ce travail a un co\u00fbt. Si vous appr\u00e9ciez nos contenus et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser \u00e0 vous abonner au Grand Continent<\/a><\/em><\/p>\n\n\n\n A<\/p>\n\n\n\n L\u2019acteur hollywoodien Dennis Quaid, sur CNN le 29 mai 2024, explique pourquoi il votera Trump : \u00ab People might call him an ass hole\u2026 But he\u2019s my ass hole \u00bb<\/em>. <\/p>\n\n\n\n Le myst\u00e8re est l\u00e0. Dans le possessif. <\/p>\n\n\n\n Depuis le d\u00e9part de George W. Bush qui les a laiss\u00e9s, en 2008, exsangues et \u00e0 rebours de leurs fondamentaux, du fait de l\u2019explosion des d\u00e9penses publiques entra\u00een\u00e9e par les guerres ext\u00e9rieures, les hi\u00e9rarques r\u00e9publicains cherchent un langage et des relais pour communiquer avec cette base radicale qui les d\u00e9route. Quelque chose d\u2019insaisissable s\u2019est jou\u00e9, crescendo, pendant les ann\u00e9es Obama, de 2008 \u00e0 2016 : une alchimie longtemps ignor\u00e9e par l\u2019establishment<\/em> r\u00e9publicain, entre Donald Trump et ces petits blancs d\u00e9class\u00e9s qui ne veulent pas, \u00e0 l\u2019exemple des r\u00e9publicains conqu\u00e9rants de l\u2019\u00e8re Reagan, que les \u00c9tats-Unis ouvrent des voies d\u2019avenir, mais seulement qu\u2019ils redeviennent comme avant. Retrouver cet \u00e2ge d\u2019or fantasm\u00e9 que les immigrants latinos leur volent, que la Chine leur arrache avec leurs emplois, que les musulmans menacent, que les \u00ab woke \u00bb pervertissent, que les environnementalistes contrarient, que l\u2019\u00e9tatisme des d\u00e9mocrates \u00e9touffe \u00e0 petit feu. <\/p>\n\n\n\n Lors de la campagne des primaires r\u00e9publicaines qui pr\u00e9c\u00e8de l\u2019\u00e9lection pr\u00e9sidentielle de 2016, Donald capte soudain cette ranc\u0153ur victimaire avec un magn\u00e9tisme qui affole tous les indicateurs de popularit\u00e9, d\u2019audience et de suivi sur les r\u00e9seaux sociaux. Non que le programme des extr\u00e9mistes soit vraiment devenu le sien. L\u2019interdiction f\u00e9d\u00e9rale de l\u2019avortement, la bigoterie identitaire, ce n\u2019est pas vraiment lui. De sorte que si sa soudaine ascension donne des cauchemars \u00e0 l\u2019appareil du parti, elle n\u2019emporte pas pour autant l\u2019adh\u00e9sion des innombrables organisations et lobbys activistes qui montent la garde \u00e0 sa droite. Ted Cruz, s\u00e9nateur du Texas, est leur homme, le candidat quasi-officiel des \u00e9vang\u00e9liques et du Tea Party<\/em>.<\/p>\n\n\n\n Mais Donald, myst\u00e9rieusement, parle mieux \u00e0 l\u2019inconscient de cette mouvance : il n\u2019a m\u00eame pas besoin de faire du \u00ab basisme \u00bb pour plaire \u00e0 la base. En enveloppant chaque sujet ou presque dans un r\u00e9cit victimaire, en transformant la sc\u00e8ne politique en show de t\u00e9l\u00e9-r\u00e9alit\u00e9 dont il est le ma\u00eetre de c\u00e9r\u00e9monie impr\u00e9visible, en attaquant sous la ceinture les cibles qu\u2019il se choisit et en tenant des propos violents, x\u00e9nophobes, misogynes, en apostrophant n\u2019importe qui, n\u2019importe quand, il suscite la r\u00e9probation ou le scepticisme des media et des \u00e9lites politiques. Et par-l\u00e0 m\u00eame, parle \u00e0 l\u2019oreille de tous ceux qui ressassent l\u2019id\u00e9e que ces \u00e9lites les ont oubli\u00e9s, ou sacrifi\u00e9s. En pr\u00eachant le rejet de Washington, ce \u00ab mar\u00e9cage \u00bb qu\u2019il faut \u00ab vider \u00bb, comme il ne cesse de le dire, Trump trouve chez eux un \u00e9cho visc\u00e9ral. <\/p>\n\n\n\n Au sens de la physique des ondes, on dirait qu\u2019il est entr\u00e9 en r\u00e9sonance avec la fr\u00e9quence propre de cette partie de l\u2019\u00e9lectorat r\u00e9publicain qui, sous la banni\u00e8re d\u2019un retour aux sources de la Constitution des \u00c9tats-Unis et des libert\u00e9s individuelles, exprime en r\u00e9alit\u00e9 le d\u00e9sir des blancs d\u00e9class\u00e9s de restaurer un \u00e2ge d\u2019or. Dans les Trump stores<\/em>, boutiques de gadgets et de f\u00e9tiches exclusivement d\u00e9di\u00e9es \u00e0 la gloire de Donald, se vendent des \u00ab white privilege cards<\/em> \u00bb, fabriqu\u00e9es sur le mod\u00e8le des cartes de cr\u00e9dit. Leur nom parle de lui-m\u00eame. <\/p>\n\n\n\n \u00ab People might call him an ass hole\u2026 But he\u2019s my ass hole<\/em> \u00bb clame Dennis Quaid. Dans cette adoption paradoxale r\u00e9side le myst\u00e8re. <\/p>\n\n\n\n Dans ce besoin instinctif, animal, de prendre sa revanche \u00e0 rebours du bon sens, de d\u00e9chirer l\u2019\u00e9cheveau des injonctions raisonnables dans lesquelles on se sent enferm\u00e9 depuis si longtemps ; d\u2019exister enfin par la peur qu\u2019on inspire aux bien-pensants et de faire un doigt d\u2019honneur \u00e0 l\u2019\u00e9lite invisible, fantasm\u00e9e, qui colonise les esprits. De consommer \u00e0 nouveau sans entrave, d\u2019\u00e9mettre librement tout le carbone qu\u2019on veut avec la radio \u00e0 fond sur la route. De s\u2019armer jusqu\u2019aux dents sans raison, puis d\u2019inventer ces raisons.<\/p>\n\n\n\n D\u2019ext\u00e9rioriser son malaise avec des millions d\u2019autres dans un grand incendie de ferveur. De se ressourcer dans la horde en encensant un type qui t\u00e9tanise les \u00e9lites. Besoin de mettre Dieu \u00e0 toutes les sauces, de l\u2019invoquer \u00e0 tout propos, de prier \u00e0 pleine voix et de ha\u00efr sans honte. De ha\u00efr les noirs, les jaunes, les juifs, les transsexuels, les immigrants, les arabes, les pays \u00e9trangers qui profitent des \u00c9tats-Unis. <\/p>\n\n\n\n De former ensemble un ouragan qui tord le bras aux pouvoirs \u00e9tablis, en d\u00e9cidant que le faux devient le vrai et que d\u00e9sormais, c\u2019est comme \u00e7a. Quel bon tour de passe-passe jou\u00e9 \u00e0 la d\u00e9mocratie : la d\u00e9savouer en son nom, gr\u00e2ce \u00e0 la libert\u00e9 qu\u2019elle donne \u00e0 chacun de le faire. <\/p>\n\n\n\n Dans cette tension, Donald leur fait sentir qu\u2019il est avec eux.<\/p>\n\n\n\n My<\/em> ass hole\u2026 <\/p>\n\n\n\n <\/p>\n\n\n\n B<\/p>\n\n\n\n Nous sommes au milieu des ann\u00e9es 1970. Au moment o\u00f9 Donald part \u00e0 l\u2019assaut de Manhattan, un autre promoteur immobilier, jeune et ambitieux, se lance en Italie dans un projet gigantesque qu\u2019il couvre, lui aussi, de superlatifs. Il vise rien moins, d\u00e9clare-t-il, l\u2019air appliqu\u00e9 et encore modeste, qu\u2019\u00e0 contribuer \u00e0 r\u00e9soudre la crise du logement dans une des capitales \u00e9conomiques de l\u2019Europe : Milan. Le projet porte un nom : Milano II, Milano Due<\/em>. <\/p>\n\n\n\n M\u00eame go\u00fbt des annonces \u00e9normes, m\u00eame absence de scrupules, m\u00eame conviction que la politique et l\u2019\u00ab entertainment \u00bb<\/em> \u2014 un mot que divertissement<\/em> traduit mal : on y perd l\u2019id\u00e9e d\u2019une \u00e9nergie en marche \u2014 ne font qu\u2019un. <\/p>\n\n\n\n Donald avant Donald ? <\/p>\n\n\n\n Oui, mais tellement plus dou\u00e9\u2026 Le jeune Silvio Berlusconi br\u00fble les \u00e9tapes d\u2019une mutation que Donald mettra trente ans \u00e0 accomplir, sans y parvenir tout \u00e0 fait. Car en 1976, une d\u00e9cision de la Cour Constitutionnelle italienne a mis fin au monopole de la t\u00e9l\u00e9vision publique. Et Berlusconi a une id\u00e9e de g\u00e9nie : les habitants de sa cit\u00e9 radieuse aux portes de Milan vont avoir une t\u00e9l\u00e9. Leur<\/em> t\u00e9l\u00e9. Fini les vieux programmes de la RAI, avec ses \u00e9missions d\u2019alphab\u00e9tisation, ses feuilletons inspir\u00e9s des classiques de la litt\u00e9rature, cette ambition \u00e9ducative qui fait, selon ceux qui la servent, l\u2019honneur du service public, mais qui ronronne, selon Silvio et ceux auxquels ses antennes donneront bient\u00f4t la parole, dans une routine ampoul\u00e9e, compass\u00e9e, d\u00e9pass\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Locale, sa t\u00e9l\u00e9 ne le restera pas longtemps. On n\u2019a le droit de faire que des t\u00e9l\u00e9s priv\u00e9es r\u00e9gionales ? Qu\u2019importe : Silvio trouve la martingale, on pr\u00e9fabriquera des programmes d\u00e9j\u00e0 bourr\u00e9s de pub, on les mettra en bo\u00eete, sur des cassettes qu\u2019on enverra la nuit aux quatre coins du pays, dans des camionnettes, puis on les diffusera simultan\u00e9ment. De cette simultan\u00e9\u00eft\u00e9 na\u00eetront, de facto<\/em>, des t\u00e9l\u00e9s nationales. Du point de vue des auditeurs, cette mosa\u00efque bricol\u00e9e proposera les m\u00eames images, au m\u00eame moment, parlera d\u2019une seule voix, deviendra un seul \u00e9cran, une seule antenne. Et on en fera trois, autant que la RAI.<\/p>\n\n\n\n Cette r\u00e9volte contre l\u2019ennui, il l\u2019orchestre, la met dans la bouche de gens ordinaires choisis pour ressembler \u00e0 des gens ordinaires, qui viennent dire sur son antenne que la RAI les emmerde. <\/p>\n\n\n\n Partie de rien, sa t\u00e9l\u00e9 assemble les premiers ingr\u00e9dients du cocktail magique : entrer dans le quotidien trivial des gens, le montrer au plus pr\u00e8s, sans vergogne, sans ironie, sans pudeur, sans tabou ; cultiver une bonne humeur de commande dans une ambiance de f\u00eate permanente, sous une pluie de paillettes ; ouvrir, \u00e0 jet continu, les vannes de la blague lourde et du clin d\u2019\u0153il \u00e9grillard, en invitant ceux des humoristes que les fonctionnaires de la RAI jugent vulgaires et ind\u00e9sirables ; inonder les plateaux de pin-up court v\u00eatues, de moins en moins v\u00eatues… <\/p>\n\n\n\n Et sourire, toujours sourire. <\/p>\n\n\n\n Crise du logement, lutte contre l\u2019inflation, am\u00e9lioration de la vie quotidienne : Berlusconi m\u00eale au cocktail des pr\u00e9occupations s\u00e9rieuses. Sur l\u2019ingr\u00e9dient principal, il n\u2019a pas de doute : la RAI contingente la pub, s\u00e9lectionne les annonces, s\u2019en m\u00e9fie ? Silvio inverse cette logique puritaine : \u00ab La t\u00e9l\u00e9vision, c\u2019est tout ce qu\u2019il y a autour de la publicit\u00e9. \u00bb d\u00e9clare-t-il. Le \u00ab temps de cerveau disponible \u00bb, cette expression qui scandalisera la France, vingt ans plus tard, dans la bouche d\u2019un s\u00e9\u00efde gris\u00e2tre du groupe Bouygues, Silvio l\u2019a depuis longtemps mise en \u0153uvre : sa t\u00e9l\u00e9 organise \u00ab la colonisation des cerveaux \u00bb, grince le Corriere della Sera<\/em>.<\/p>\n\n\n\n Berlusconi fonde sa r\u00e9gie publicitaire, Publitalia 80\u2019. La publicit\u00e9 est factur\u00e9e pas cher, mais le mod\u00e8le \u00e9conomique change : Berlusconi est int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 l\u2019accroissement subs\u00e9quent des ventes. Il invente l\u2019audimat, paie des types \u00e0 lui pour mesurer les chiffres d\u2019audience. Pense la \u00ab contre-programmation \u00bb \u2014 et pas seulement l\u2019alternative : les Schtroumpfs \u00e0 l\u2019heure des repas : les gamins sont tranquilles, les parents se reposent, la famille est contente. Certains l\u2019appellent l\u2019Am\u00e9ricain. Il veut recruter la chanteuse Iva Zanicchi, tr\u00e8s populaire, qui se m\u00e9fie d\u2019abord. Il l\u2019invite, lui joue et lui chante Trenet, Piaf : bluff\u00e9e, amus\u00e9e, elle accepte et devient un pilier de sa t\u00e9l\u00e9. Toujours la ga\u00eet\u00e9. Le sourire. In\u00e9puisable.<\/p>\n\n\n\n 1984. Silvio a ses trois t\u00e9l\u00e9s : Italia 1, Rete 4, Canale 5. Le Procureur de Rome excipe d\u2019un article du code des postes pour l\u2019obliger \u00e0 fermer ses antennes, car il estime qu\u2019elles sont en r\u00e9alit\u00e9 devenues nationales. Menace existentielle. Il mobilise le peuple. Son peuple. Des enfants, des familles, des gens simples qui se sentent l\u00e9s\u00e9s : la \u00ab r\u00e9volte des Schtroumpfs \u00bb. Craxi, Pr\u00e9sident du Conseil depuis 1983, avec lequel Silvio passe souvent ses vacances \u00e0 Hammamet, abr\u00e8ge une visite officielle \u00e0 Londres pour venir signer le d\u00e9cret qui suspend la suspension. Silvio est sauv\u00e9. Rien ne l\u2019arr\u00eatera plus. <\/p>\n\n\n\n Donald, s\u2019il a, \u00e0 son tour, appliqu\u00e9 \u00e0 la politique toutes les recettes de l\u2019affairisme et du showbiz<\/em>, n\u2019a rien invent\u00e9, et pas r\u00e9ussi grand-chose en propre : ce que l\u2019on peut reconstituer et comprendre de ses projets successifs, \u00e0 travers l\u2019opacit\u00e9 de son \u00ab empire \u00bb montre que l\u2019argent, les r\u00e9seaux et les m\u00e9thodes de son p\u00e8re \u2014 savoir-faire immobilier, gestion inflexible des co\u00fbts, subventions et arrangements fiscaux \u2014 ont permis la r\u00e9ussite de ses premiers projets immobiliers, et donn\u00e9 naissance au mythe de l\u2019entrepreneur \u00e0 succ\u00e8s. 160 millions de dollars d\u2019exemptions fiscales sur 40 ans pour la r\u00e9habilitation et l\u2019exploitation de l\u2019h\u00f4tel Commodore de Manhattan, devenu le Grand Hyatt, r\u00e9habilit\u00e9 \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1970 et rouvert en 1980. 70 millions de dollars, arrach\u00e9s en justice \u00e0 la ville de New York, pour la Trump Tower, achev\u00e9e en 1983. <\/p>\n\n\n\n Un mythe auquel ce p\u00e8re a voulu, \u00e0 toute force, hisser son second fils apr\u00e8s y avoir sacrifi\u00e9 son a\u00een\u00e9. Ce p\u00e8re qui a fait fortune mais qui, malgr\u00e9 des heures de cours de communication et d\u2019expression publique, n\u2019a jamais pu s\u2019extraire de la carapace o\u00f9 l\u2019enfermaient ses costumes \u00e9triqu\u00e9s, son sourire de grille-pain, la nullit\u00e9 de son verbe, la grisaille de ses apparitions dans le sillage des politiciens de Brooklyn et du Queens auxquels il devait sa fortune.<\/p>\n\n\n\n Ce p\u00e8re qu\u2019\u00e9blouit l\u2019audace carnassi\u00e8re de son rejeton, de ce g\u00e9ant blond avantageux, h\u00e2bleur, bateleur, qui d\u00e9couvre son go\u00fbt pour les cam\u00e9ras. Sa premi\u00e8re apparition t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e, dans laquelle la journaliste pr\u00e9sente un t\u00eate-\u00e0-t\u00eate avec les super-riches, saisit ce curieux m\u00e9lange d\u2019arrogance et d\u2019ins\u00e9curit\u00e9. L\u2018arrogance enfle rapidement, en ce d\u00e9but des ann\u00e9es 1980 ; mais l\u2019ins\u00e9curit\u00e9 psychologique ne le quittera jamais.<\/p>\n\n\n\n La diff\u00e9rence entre ces deux monstres sacr\u00e9s du boniment m\u00e9diatique, c\u2019est que Berlusconi, s\u2019il ne croyait qu\u2019\u00e0 l\u2019apparence et au commerce, crut toujours que pour vendre, il fallait avoir quelque chose \u00e0 vendre : ses projets immobiliers, puis audiovisuels, puis politiques, entendaient r\u00e9pondre aux besoins r\u00e9els de la population, tels qu\u2019il les percevait. Trump, lui, n\u2019a vendu que la marque qu\u2019il s\u2019est \u00e9chin\u00e9, toute sa vie, \u00e0 construire : Trump. <\/p>\n\n\n\n Bien avant l\u2019\u00e8re du tweet et des r\u00e9seaux, Silvio Berlusconi a beaucoup invent\u00e9 : le primat de l\u2019image, la dilution du politique dans le showbiz, la convivialit\u00e9 complice avec les \u00ab vrais gens \u00bb, l\u2019art du rebond judiciaire, la porosit\u00e9 presque parfaite du business et de la politique. <\/p>\n\n\n\n Donald lui doit quelque chose. <\/p>\n\n\n\n\nAss hole<\/h2>\n\n\n\n
Berlusconi<\/h2>\n\n\n\n