{"id":248015,"date":"2024-10-09T16:16:03","date_gmt":"2024-10-09T14:16:03","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=248015"},"modified":"2024-10-23T22:06:01","modified_gmt":"2024-10-23T20:06:01","slug":"les-questions-ouvertes-du-rapport-draghi","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/10\/09\/les-questions-ouvertes-du-rapport-draghi\/","title":{"rendered":"Les questions ouvertes du rapport Draghi"},"content":{"rendered":"\n
Avec la publication du rapport Draghi<\/em><\/a>, que <\/em>le Grand Continent a accompagn\u00e9 dans les diff\u00e9rentes langues de la revue<\/em><\/a>, l\u2019Union se pr\u00e9pare \u00e0 entrer dans une nouvelle phase. Depuis plusieurs semaines, nous donnons la parole \u00e0 des chercheurs<\/a>, commissaires europ\u00e9ens<\/a>, \u00e9conomistes, ministres<\/a> et industriels pour r\u00e9agir \u00e0 l\u2019une des plus ambitieuses propositions de transformation de l\u2019Union. Si vous appr\u00e9ciez nos travaux et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de <\/em>penser \u00e0 vous abonner au Grand Continent<\/em><\/a><\/p>\n\n\n\n Pr\u00e9sent\u00e9 en septembre par Mario Draghi<\/a>, le rapport sur l’avenir de la comp\u00e9titivit\u00e9 europ\u00e9enne<\/em><\/a>, est un appel \u00e0 l’action. Il invite \u00e0 relever les d\u00e9fis auxquels l’Union europ\u00e9enne est confront\u00e9e au cours de cette d\u00e9cennie et a l\u2019immense m\u00e9rite d’oser quantifier le potentiel d’investissement n\u00e9cessaire : 5 % du PIB par an sur la p\u00e9riode 2025-30. Le message est clair : chaque ann\u00e9e o\u00f9 l’Union tarde \u00e0 agir, l’\u00e9cart avec les \u00c9tats-Unis se creuse davantage. Il n’y a donc pas de temps \u00e0 perdre.<\/p>\n\n\n\n Le rapport affirme que la principale faiblesse de l’Union est sa croissance plus faible que celle des \u00c9tats-Unis \u2014 due principalement \u00e0 sa fragmentation. Cette faiblesse est aggrav\u00e9e par trois nouveaux d\u00e9fis : renforcer la r\u00e9silience de l’\u00e9conomie<\/a> face aux menaces g\u00e9opolitiques et aux guerres commerciales ; faire face au changement climatique et en accompagnant la transition vers l’\u00e9nergie verte ; et renforcer la s\u00e9curit\u00e9 et la d\u00e9fense nationales. La nature de ces nouveaux d\u00e9fis implique de les traiter essentiellement au niveau de l’Union plut\u00f4t qu’au niveau national.<\/p>\n\n\n\n Nous sommes d’accord avec une grande partie du rapport qui, selon nous, soul\u00e8ve toutes les bonnes questions. Si la fragmentation de l’Union est effectivement un obstacle majeur \u00e0 la croissance, sa r\u00e9duction peut en effet avoir de grands avantages et peu de co\u00fbts. Le rapport \u2014 en particulier dans sa partie B \u2014 est une mine d’informations granulaires et de mesures concr\u00e8tes potentielles \u00e0 prendre dans les principaux secteurs de l’\u00e9conomie. Il nous semble cependant que certaines questions n\u00e9cessiteraient une discussion plus approfondie et c\u2019est ce que nous tentons de faire dans cet article, en nous faisant souvent l\u2019avocat du diable pour lancer le d\u00e9bat n\u00e9cessaire sur le rapport.<\/p>\n\n\n\n L’Union europ\u00e9enne n’a pas de probl\u00e8me de comp\u00e9titivit\u00e9 \u2014 sa balance courante, de fait, est m\u00eame exc\u00e9dentaire. Elle a plut\u00f4t un probl\u00e8me de productivit\u00e9.<\/p>Olivier Blanchard et Angel Ubide<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Commen\u00e7ons par une affirmation forte : le titre du rapport \u2014 L’avenir de la comp\u00e9titivit\u00e9 europ\u00e9enne<\/em> \u2014 est trompeur. Le rapport devrait traiter \u2014 et traite de fait \u2014 de la productivit\u00e9 plut\u00f4t que de la comp\u00e9titivit\u00e9. C\u2019est la productivit\u00e9 qui d\u00e9termine le niveau de vie ; la comp\u00e9titivit\u00e9 est une autre question : un pays peut ainsi avoir une faible productivit\u00e9 tout en \u00e9tant comp\u00e9titif \u2014 c\u2019est ce qu’un taux de change flexible est cens\u00e9 pouvoir r\u00e9aliser et c’est ce qu\u2019il parvient \u00e0 faire g\u00e9n\u00e9ralement. \u00c0 cet \u00e9gard, l\u2019Union europ\u00e9enne n’a pas de probl\u00e8me de comp\u00e9titivit\u00e9 \u2014 sa balance courante, de fait, est m\u00eame exc\u00e9dentaire. Elle a plut\u00f4t un probl\u00e8me potentiel de productivit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n\n Comparant l’Union aux \u00c9tats-Unis, Mario Draghi \u00e9tablit un diagnostic : un \u00ab d\u00e9fi existentiel \u00bb et, si rien n’est fait, une \u00ab lente agonie \u00bb. Cette affirmation nous semble exag\u00e9r\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Depuis 2000, la croissance du PIB de l’Union a en effet \u00e9t\u00e9 en moyenne inf\u00e9rieure de 0,5 % par an \u00e0 celle des \u00c9tats-Unis, mais l’essentiel de la diff\u00e9rence est d\u00fb \u00e0 la d\u00e9mographie, pas \u00e0 la productivit\u00e9. La croissance du revenu r\u00e9el par habitant dans l’Union a \u00e9t\u00e9 inf\u00e9rieure d’environ 0,1 % par an \u00e0 celle des \u00c9tats-Unis, une diff\u00e9rence minime mais suffisante pour creuser l’\u00e9cart d’environ 2,5 % sur 25 ans. Ce n’est certes pas n\u00e9gligeable, mais pas assez pour que l’on puisse parler \u00ab d’agonie \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Cela \u00e9tant pos\u00e9, m\u00eame si cet \u00e9cart de productivit\u00e9 par rapport aux \u00c9tats-Unis n’a pas augment\u00e9 de mani\u00e8re substantielle, il subsiste. L’\u00e9poque o\u00f9 l’Europe rattrapait rapidement les \u00c9tats-Unis est r\u00e9volue et la convergence n’est pas r\u00e9alis\u00e9e : l’Europe n’a pas \u00e9t\u00e9 en mesure de franchir le dernier kilom\u00e8tre \u2014 et il faut se demander pourquoi. <\/p>\n\n\n\n Le rapport souligne \u00e0 juste titre les diff\u00e9rences importantes entre les performances de l’Union et celles des \u00c9tats-Unis dans le secteur technologique.<\/p>\n\n\n\n Le constat est sans appel : l’Union ne compte aucune entreprise technologique de premier plan. Mais cela signifie-t-il pour autant que la \u00ab lente agonie \u00bb, si elle n’a pas encore eu lieu, commencera bient\u00f4t ? La r\u00e9ponse est : pas n\u00e9cessairement. De nombreux pays se d\u00e9veloppent \u00e0 des rythmes similaires \u00e0 ceux des \u00c9tats-Unis sans \u00eatre \u00e0 la pointe de l\u2019innovation technologique. \u00c0 l’instar d’un cycliste qui, dans une \u00e9chapp\u00e9e, se met \u00ab dans la roue \u00bb du premier pour se prot\u00e9ger du vent et se contente d’\u00eatre second, les pays n’ont pas n\u00e9cessairement besoin d’innover pour prosp\u00e9rer ; ils peuvent copier et mettre en \u0153uvre les innovations des autres. C’est d’ailleurs ce qui semble se passer pour l’Union : si on laisse de c\u00f4t\u00e9 le secteur des technologies de l’information et de la communication, la croissance de la productivit\u00e9 en Europe est \u00e9gale ou sup\u00e9rieure \u00e0 celle des \u00c9tats-Unis. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est que la question principale n’est donc peut-\u00eatre pas tant la croissance que la s\u00e9curit\u00e9 nationale<\/a>.<\/p>\n\n\n\n En effet, le leadership technologique est surtout important lorsqu’il devient un facteur clef de la s\u00e9curit\u00e9 nationale : c\u2019est ce que montrent les sanctions et les restrictions croissantes impos\u00e9es par les \u00c9tats-Unis dans le secteur des semi-conducteurs. Il est donc essentiel de former des leaders technologiques v\u00e9ritablement europ\u00e9ens pour renforcer la r\u00e9silience et la s\u00e9curit\u00e9 nationale. Et l\u2019approche europ\u00e9enne semble la bonne tant il est vrai que l\u2019effet d\u2019\u00e9chelle n\u00e9cessaire pour prosp\u00e9rer dans le secteur des nouvelles technologies implique qu’il sera presque impossible d’atteindre le leadership technologique \u00e0 l\u2019\u00e9chelle seulement des \u00c9tats membres de l’Union. En d’autres termes, comme l’affirme le rapport, il serait bon que l’Union innove davantage dans tous les secteurs \u2014 mais cela est absolument crucial dans ceux o\u00f9 la s\u00e9curit\u00e9 est essentielle. <\/p>\n\n\n\n L’\u00e9poque o\u00f9 l’Europe rattrapait rapidement les \u00c9tats-Unis est r\u00e9volue et la convergence n’est pas r\u00e9alis\u00e9e : l’Europe n’a pas \u00e9t\u00e9 en mesure de franchir le dernier kilom\u00e8tre \u2014 et il faut se demander pourquoi. <\/p>Olivier Blanchard et Angel Ubide<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Toujours selon le rapport, la transition vers l’\u00e9nergie renouvelable pourrait stimuler la croissance. Il s’agit d’une affirmation optimiste. Pour lutter contre le changement climatique, il faut donner un prix \u00e0 une externalit\u00e9 \u2014 comme le CO2 ou un autre gaz \u00e0 effet de serre \u2014 qui \u00e9tait auparavant gratuite. Dans le langage de la macro\u00e9conomie, il s’agit d’un choc n\u00e9gatif de l’offre comme peut l\u2019\u00eatre une augmentation du prix du p\u00e9trole<\/a>. Dans le mod\u00e8le de croissance standard, il entra\u00eene une baisse de la production et une diminution de la croissance jusqu’\u00e0 ce que la transition vers les \u00e9nergies vertes soit achev\u00e9e. Pourrait-il en \u00eatre autrement en l\u2019esp\u00e8ce ? On peut r\u00e9pondre par l\u2019affirmative dans la mesure o\u00f9, malgr\u00e9 un point de d\u00e9part plus d\u00e9favorable, les avanc\u00e9es sont beaucoup plus rapides dans les nouvelles technologies de la transition. La croissance pourrait donc finir par \u00eatre plus \u00e9lev\u00e9e. Cependant, il faut reconna\u00eetre la difficult\u00e9 de la transition pour \u00e9viter de cr\u00e9er des attentes irr\u00e9alistes.<\/p>\n\n\n\n Le rapport attribue une grande partie de l’\u00e9cart de productivit\u00e9 \u00e0 la fragmentation et \u00e0 la r\u00e9glementation. C’est la raison pour laquelle il met l’accent sur les mesures de d\u00e9fragmentation et de d\u00e9r\u00e9glementation partielle. Si tel est le cas, ces r\u00e9formes semblent \u00eatre souhaitables et faciles \u00e0 mettre en \u0153uvre et pourraient produire des b\u00e9n\u00e9fices sans menacer l’architecture plus large de l’\u00c9tat-providence. Toutefois, on peut craindre que le rapport ne surestime les gains effectivement r\u00e9alisables.<\/p>\n\n\n\n Il est certain qu’une grande partie de l’\u00e9cart de productivit\u00e9 est due \u00e0 des facteurs qui n’entrent pas dans le champ d’application du rapport \u2014 comme la protection sociale plus \u00e9lev\u00e9e, l’inad\u00e9quation des syst\u00e8mes d’\u00e9ducation et de formation professionnelle, les co\u00fbts de s\u00e9paration plus \u00e9lev\u00e9s. La fragmentation est sans doute un facteur important dans la mesure o\u00f9 chaque pays continue d\u2019insister pour avoir ses champions nationaux et craignant d’abandonner tout contr\u00f4le politique. Mais la question est de savoir dans quelle mesure cette fragmentation fait obstacle aux rendements d’\u00e9chelle. Du point de vue de l\u2019efficacit\u00e9, est-il toujours pr\u00e9f\u00e9rable d’\u00eatre plus grand ? La partie B du rapport pr\u00e9sente des arguments solides sur le fait que ce serait le cas dans de nombreux secteurs. Mais la r\u00e9alit\u00e9 peut \u00eatre plus nuanc\u00e9e \u2014 apr\u00e8s tout, il existe de nombreux exemples d’investisseurs qui ach\u00e8tent de grandes entreprises seulement pour les d\u00e9manteler et d\u00e9bloquer de la productivit\u00e9 et de la valeur \u2014 et plus propre \u00e0 certains secteurs qu\u2019\u00e0 d\u2019autres \u2014 cette logique est plus pertinente, par exemple, pour les entreprises technologiques qui s’appuient sur des effets de r\u00e9seau que pour les entreprises des t\u00e9l\u00e9coms.<\/p>\n\n\n\nComp\u00e9titivit\u00e9 ou productivit\u00e9 ? <\/h3>\n\n\n\n
\n <\/picture>\n <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
\n <\/picture>\n <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
L’\u00e9cart de productivit\u00e9 explose-t-il vraiment ? <\/h3>\n\n\n\n
Le fait d’\u00eatre un leader de l’innovation est-il essentiel pour la croissance ?<\/h3>\n\n\n\n
La s\u00e9curit\u00e9 plut\u00f4t que la croissance ? <\/h3>\n\n\n\n
Transformation et croissance vertes ? <\/h3>\n\n\n\n
D\u00e9fragmentation et meilleure r\u00e9glementation : les clefs d’une croissance plus forte ? <\/h3>\n\n\n\n