{"id":241106,"date":"2024-08-02T17:03:14","date_gmt":"2024-08-02T15:03:14","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=241106"},"modified":"2024-08-02T17:03:17","modified_gmt":"2024-08-02T15:03:17","slug":"saint-remy-a-eu-un-role-de-refuge-pour-moi-grand-tour-avec-charlotte-casiraghi","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/02\/saint-remy-a-eu-un-role-de-refuge-pour-moi-grand-tour-avec-charlotte-casiraghi\/","title":{"rendered":"\u00ab Saint-R\u00e9my a eu un r\u00f4le de refuge pour moi \u00bb, Grand Tour avec Charlotte Casiraghi"},"content":{"rendered":"\n

Vous avez choisi de parler de Saint-R\u00e9my de Provence, un lieu assez proche de votre lieu de naissance \u2014 Monaco. Pouvez-vous nous expliquer ce choix et les liens qui vous unissent ?<\/h3>\n\n\n\n

J’ai choisi Saint-R\u00e9my parce que c\u2019est avant tout un endroit qui m\u2019est tr\u00e8s cher. J’y ai v\u00e9cu pendant dix ans avec mes fr\u00e8res et ma m\u00e8re et c\u2019est rest\u00e9 une destination de vacances est de week-end. C’est un endroit qui a beaucoup compt\u00e9 dans mon enfance. M\u00eame si, effectivement, il n’est pas tr\u00e8s loin de Monaco, du point de vue de la distance, et dans ma g\u00e9ographie intime, Saint-R\u00e9my repr\u00e9sente une autre perspective et un autre ancrage qui ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9terminants dans la personne que je suis aujourd’hui. <\/p>\n\n\n\n

Comment le lointain s’introduit-il dans Saint-R\u00e9my \u2014 notamment par rapport \u00e0 Monaco ?<\/h3>\n\n\n\n

D\u2019abord, et cela va sans dire, il y a un certain nombre de choses qui rapproche ces deux endroits. Il y a des racines communes, une culture latine, une langue \u2014 entre le proven\u00e7al et l’italien, des paysages, dans la v\u00e9g\u00e9tation, dans les villages o\u00f9 la mer et l’arri\u00e8re pays finissent par se toucher quelque part.<\/p>\n\n\n\n

Mais les diff\u00e9rences sont tout aussi nombreuses, en termes de sensations notamment. C\u2019est, bien s\u00fbr, tr\u00e8s personnel mais, pour moi, il s\u2019agit de deux endroits tr\u00e8s diff\u00e9rents. Saint-R\u00e9my est, \u00e0 mes yeux, un endroit bien moins expos\u00e9 que Monaco qui est beaucoup plus connot\u00e9. \u00c0 l\u2019inverse, je trouve que ce qui est tout \u00e0 fait unique en Provence, dans ce coin l\u00e0 o\u00f9 j’ai grandi en particulier, c’est vraiment cette lumi\u00e8re tr\u00e8s particuli\u00e8re propre \u00e0 cet endroit et qu\u2019on ne trouve, je crois, nulle part ailleurs. Ce n’est pas pour rien que des grands peintres ont cherch\u00e9 cette lumi\u00e8re de mani\u00e8re assez obsessionnelle. <\/p>\n\n\n\n

La Provence, c\u2019est la lumi\u00e8re d’un endroit, c\u2019est la mani\u00e8re dont elle se pose sur les choses et ce monde qu\u2019elle ouvre d\u2019un coup avec ses couleurs et ses odeurs. On sait combien les odeurs y sont aussi tr\u00e8s sp\u00e9cifiques. Et c\u2019est notamment en cela que Saint-R\u00e9my et Monaco ne sont pas du tout les m\u00eames territoires. <\/p>\n\n\n\n

Quel est votre endroit pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 \u00e0 Saint-R\u00e9my ? Y avez-vous une promenade id\u00e9ale que vous pourriez nous raconter ?<\/h3>\n\n\n\n

Je pense \u00e0 un endroit qui a occup\u00e9 une place tr\u00e8s importante dans mon enfance. Quand on sort du village, il y a le c\u00e9l\u00e8bre et tr\u00e8s beau monast\u00e8re Saint-Paul, connu pour l\u2019asile qui a accueilli \u2014 et inspir\u00e9 \u2014 Van Gogh. Le mus\u00e9e Van Gogh se trouve d\u2019ailleurs au premier \u00e9tage du clo\u00eetre, o\u00f9 l\u2019on peut visiter la fameuse chambre du peintre. <\/p>\n\n\n\n

Mais le clo\u00eetre est plut\u00f4t un point de d\u00e9part. C\u2019est \u00e0 partir de l\u00e0 que l\u2019on peut partir se promener dans les Alpilles, dans cette partie de la Provence qui m’a toujours \u00e9blouie. J\u2019associe ce coin-l\u00e0 tr\u00e8s naturellement \u00e0 des romans, \u00e0 Pagnol notamment, au fait de partir dans les collines, de s\u2019en aller dans cet espace sauvage en quittant le village. Pour moi, ce chemin a toujours \u00e9t\u00e9 li\u00e9 \u00e0 un sentiment de libert\u00e9 ; tout autour du clo\u00eetre, c\u2019est un endroit extr\u00eamement apaisant auquel je suis tr\u00e8s attach\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

La Provence, c\u2019est la lumi\u00e8re d’un endroit, c\u2019est la mani\u00e8re dont elle se pose sur les choses et ce monde qu\u2019elle ouvre d\u2019un coup avec ses couleurs et ses odeurs.<\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Il faut dire qu\u2019il y autre chose qui me pla\u00eet beaucoup : on y trouve aussi beaucoup de ruines antiques. Cela ajoute ind\u00e9niablement \u00e0 mes yeux une autre dimension. C\u2019est difficile de ne pas \u00eatre \u00e9mu quand on se prom\u00e8ne dans ce coin-l\u00e0. Que ce soit d\u2019ailleurs \u00e0 pied ou \u00e0 cheval. J’ai mont\u00e9 \u00e0 cheval dans un centre \u00e9questre qui \u00e9tait dans le village et on partait souvent se promener autour de ces endroits, en suivant ces petits chemins qui allaient vers les Alpilles. Je garde pr\u00e9cieusement en m\u00e9moire ces mercredis apr\u00e8s-midis o\u00f9 je partais avec mon poney. Les sensations \u00e9taient diff\u00e9rentes, mais le souvenir plein de joie est le m\u00eame. <\/p>\n\n\n\n

La Provence est une r\u00e9gion vaste et diverse, qui va des Alpilles aux Alpes en passant par des zones plus arides, d\u2019autres plus vertes, par des plateaux. Pouvez-vous nous guider dans votre g\u00e9ographie intime de la Provence ?<\/h3>\n\n\n\n

Je n\u2019ai pas \u2014 pas encore, du moins \u2014 explor\u00e9 toute cette g\u00e9ographie de la Provence qui est effectivement tr\u00e8s vaste et vari\u00e9e. Je suis notamment moins famili\u00e8re des zones montagneuses qui sont peut-\u00eatre plus min\u00e9rales, avec des espaces infinis \u2014 moins centr\u00e9s autour d\u2019un village. La partie de la Provence que j\u2019aime tout particuli\u00e8rement s\u2019\u00e9tend de Saint R\u00e9my \u00e0 Arles, jusqu’\u00e0 la mer. Je suis vraiment tr\u00e8s li\u00e9e \u00e0 ce coin. <\/p>\n\n\n\n

Dans un entretien Grand Tour<\/a> l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re avec le physicien Carlo Rovelli, il nous disait que pour lui, \u00ab la Provence est un nom qui \u00e9voque les troubadours, les champs de lavande et les petites boutiques pour touristes. \u00bb Qu\u2019est-ce que ce nom \u00e9voque pour vous ? <\/h3>\n\n\n\n

Je vois tr\u00e8s bien ce que Rovelli veut dire, on pense imm\u00e9diatement aux petites boutiques avec les sachets de lavande, des savons et les beaux volets peints en bleu. La Provence, c’est des images qui font r\u00eaver. Le clich\u00e9 n\u2019est d\u2019ailleurs jamais tr\u00e8s loin avec les troubadours et, de mani\u00e8re plus g\u00e9n\u00e9rale, le folklore proven\u00e7al. Il y a, en tout cas, toute une culture en Provence, avec ses traditions comme les l\u00e2chers de taureaux que l\u2019on retrouve dans des moments festifs en Provence \u2014 et qui lui sont tr\u00e8s sp\u00e9cifiques.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019\u00e9vocation de ce nom, je pense aussi \u00e0 la transhumance. On habitait sur un plateau o\u00f9 se trouvaient beaucoup de bergeries ; je revois encore tous ces troupeaux de moutons autour de la maison que l\u2019on croisait d\u00e8s qu\u2019on allait se promener. Cela r\u00e9sonne encore et me manque beaucoup. Cela me touche car nous sommes en plein dans les sensations de l’enfant. Ce sont des souvenirs qui sont profond\u00e9ment ancr\u00e9s dans ma sensibilit\u00e9 et dans un sentiment de qui\u00e9tude et de douceur qui correspond \u00e0 cette p\u00e9riode durant laquelle j\u2019ai v\u00e9cu l\u00e0-bas \u2014 et qui ne me quitte pas. Ce sont des r\u00e9miniscences tout \u00e0 fait fugitives d’odeurs, de couleurs, d\u2019une atmosph\u00e8re particuli\u00e8re. <\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
La F\u00eate de la Transhumance de Saint-R\u00e9my-de-Provence, juin 2022. \u00a9 Patrick Siccoli\/SIPA<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

Y a-t-il quelque chose qui incarne pour vous, ou repr\u00e9sente le mieux, la Provence ? Un objet, une couleur, une odeur, un plat, un paysage, un souvenir \u2014 ou tout \u00e0 la fois ? <\/h3>\n\n\n\n

C’est difficile parce que c’est une m\u00e9moire que j’ai parfois du mal \u00e0 saisir, lointaine et, en m\u00eame temps, toujours tr\u00e8s vivante. Tout se m\u00e9lange, c\u2019est un tout. Mais s\u2019il fallait trancher dans ces synesth\u00e9sies, je choisirais les Alpilles. C\u2019est peut-\u00eatre ma madeleine de Proust spatiale, o\u00f9 on trouve une lumi\u00e8re particuli\u00e8re, une charge \u00e9motive car c\u2019est un territoire qui n\u2019a pas chang\u00e9, qui est pr\u00e9serv\u00e9, assez sauvage. Si vous me transportez l\u00e0 maintenant dans les Alpilles, au milieu de ces chemins, entre les magnifiques pins parasols qui sont tr\u00e8s sp\u00e9cifiques \u00e0 la Provence, je serai certainement tr\u00e8s heureuse. <\/p>\n\n\n\n

Saint-R\u00e9my a eu ce r\u00f4le-l\u00e0, de refuge, pour moi. Je m\u2019y suis sentie tr\u00e8s prot\u00e9g\u00e9e. <\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

J\u2019ajouterais aussi le mistral, si caract\u00e9ristique de cet endroit ; rien ne vaut cette sensation du vent tr\u00e8s fort qui souffle, qui traverse un ciel tr\u00e8s bleu et qui vient frapper les volets contre les murs des maisons. Ce vent m\u2019a toujours fascin\u00e9e, ce vent qui peut vous \u00e9puiser \u2014 vous rendre fou, m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

Il y a, enfin, le bruit \u2014 ou plut\u00f4t la musique, celle des cigales. Leur apparition, en g\u00e9n\u00e9ral fin juin, \u00e9tait toujours associ\u00e9e \u00e0 la fin de l’\u00e9cole. Pour moi, ce bruit est non seulement synonyme de d\u00e9but de l\u2019\u00e9t\u00e9, il est plus pr\u00e9cis\u00e9ment li\u00e9 au moment de d\u00e9part en vacances. On se r\u00e9fugie alors dans le mas, dans la fra\u00eecheur de la pierre et on entend les cigales dehors. Avec l\u2019arriv\u00e9e de la chaleur na\u00eet ce contraste avec l\u2019int\u00e9rieur tr\u00e8s frais des maisons. Voil\u00e0 une autre sensation dont je pourrais parler ; cette odeur de pierre fra\u00eeche \u2014 et toujours le chant des cigales dehors. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est int\u00e9ressant car vous dites que les cigales repr\u00e9sentaient pour vous le signal de d\u00e9part au d\u00e9but de l\u2019\u00e9t\u00e9 alors que l\u2019on a peut-\u00eatre plus l\u2019habitude de l\u2019associer, au contraire, \u00e0 l\u2019arriv\u00e9e dans le lieu de vacances.<\/h3>\n\n\n\n

Effectivement, dans mon cas c\u2019est l\u2019inverse car j\u2019habitais \u00e0 Saint-R\u00e9my tout au long de l\u2019ann\u00e9e. C\u2019\u00e9tait mon lieu de r\u00e9sidence et non de vacances. Il s\u2019agissait donc plut\u00f4t dans mon esprit de quitter cet endroit avec toute l\u2019excitation propre \u00e0 cette p\u00e9riode pour un enfant. Ces sensations restent associ\u00e9es aux vacances, mais plut\u00f4t \u00e0 leurs pr\u00e9mices, l\u2019annonce de vacances ailleurs. C\u2019\u00e9tait une sorte de chant du d\u00e9part. <\/p>\n\n\n\n

Mais d\u2019un faux d\u00e9part, du moins dans la mesure qu\u2019il impliquait n\u00e9cessairement un retour \u00e0 la fin de l\u2019\u00e9t\u00e9.<\/h3>\n\n\n\n

Oui, cela ajoutait une sorte de plaisir \u00e0 ce moment. Ce n\u2019\u00e9tait pas une vraie rupture. C\u2019est diff\u00e9rent lorsque nous savons que nous serons de retour. On partait pour mieux revenir. Et ce cadre adoucissait aussi d\u2019ailleurs le retour, la fameuse fin des vacances d\u2019\u00e9t\u00e9 qui peut \u00eatre assez m\u00e9lancolique. Mais c\u2019\u00e9tait une m\u00e9lancolie plus agr\u00e9able au rythme des \u00e9ternelles cigales. <\/p>\n\n\n\n

J\u2019ai l\u2019impression que je n\u2019ai jamais vraiment quitt\u00e9 Saint-R\u00e9my. Tout ce dont on parle reste tr\u00e8s fort. Et paradoxalement, aujourd\u2019hui c\u2019est devenu pour ma famille et moi un lieu de vacances. Mais un lieu de vacances forc\u00e9ment particulier, plein de souvenirs et qui me procure un sentiment d\u2019apaisement chaque fois que j\u2019y reviens. Saint-R\u00e9my a eu ce r\u00f4le-l\u00e0, de refuge, pour moi. Je m\u2019y suis sentie tr\u00e8s prot\u00e9g\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Quand on parle de la Provence, on pense assez rapidement \u00e0 Van Gogh que vous avez mentionn\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure. Quel est votre rapport \u00e0 son \u0153uvre ? Y a-t-il un tableau en particulier qui attire votre attention ? <\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est difficile de choisir un seul tableau. Je dirais que c\u2019est toute son \u0153uvre qui m\u2019est ch\u00e8re. C’est particulier de voir repr\u00e9sent\u00e9s dans un tableau des paysages que l\u2019on conna\u00eet par c\u0153ur \u2014 d\u2019autant plus quand il s\u2019agit des paysages de l\u2019enfance. On y est d\u2019embl\u00e9e affectivement tr\u00e8s attach\u00e9s. Je dirais qu\u2019il y a un rapport plus intime qui se cr\u00e9e avec l’\u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n

Bien que ce ne soit pas tr\u00e8s original, il serait difficile de ne pas \u00e9voquer un des tableaux les plus c\u00e9l\u00e8bres de Van Gogh, La nuit \u00e9toil\u00e9e<\/em>. L\u00e0 aussi j\u2019ai un lien tr\u00e8s personnel : il a \u00e9t\u00e9 peint non loin de chez moi. \u00c0 chaque fois que je l\u2019admire, ce tableau me transporte vers les paysages de mon enfance, ses nuits, ses cieux, ses \u00e9toiles. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019ailleurs, comme la r\u00e9gion est tr\u00e8s li\u00e9e \u00e0 Van Gogh, il \u00e9tait m\u00eame tr\u00e8s pr\u00e9sent \u00e0 l\u2019\u00e9cole, au cours de notre scolarit\u00e9. On faisait notamment des reproductions de tournesol \u00e0 la mani\u00e8re de Van Gogh. Je m\u2019en souviens tr\u00e8s bien, on passait pas mal de temps \u00e0 essayer de reproduire ses tableaux. Cela me plaisait beaucoup. D’ailleurs, il y a quelques jours, je suis retourn\u00e9e dans notre maison \u00e0 Saint-R\u00e9my et j’ai retrouv\u00e9 des aquarelles et des dessins qu\u2019on nous demandait de faire \u2014 en imitant bien modestement Van Gogh. Je ne vous cache pas que le r\u00e9sultat final est un peu ridicule mais c\u2019\u00e9tait tr\u00e8s ludique. Et c\u2019\u00e9tait dr\u00f4le de les revoir par hasard. <\/p>\n\n\n\n

J\u2019aimerais aussi citer \u00e9videmment La Chambre \u00e0 coucher <\/em>qui peut donner l\u2019impression d\u2019une grande simplicit\u00e9 tout en \u00e9tant extr\u00eamement \u00e9mouvant. Cette chambre nous dit tellement de choses, avec notamment toute la question de de la prise en charge de la folie \u00e0 l’\u00e9poque. <\/p>\n\n\n\n

Vos aquarelles d\u2019enfance vous ont-elles donn\u00e9 envie d\u2019essayer de repr\u00e9senter ces paysages plus tard, de les peindre de nouveau ou de les d\u00e9crire ? <\/h3>\n\n\n\n

Ces paysages me donnent surtout envie de les regarder. Je m\u2019en tiens tr\u00e8s volontiers au stade de la contemplation. \u00c9trangement, j’\u00e9prouve quelques difficult\u00e9s \u00e0 parler de ces paysages, \u00e0 trouver les mots ou avoir envie de les raconter. C’est un endroit que j’ai quitt\u00e9 vers l’\u00e2ge de quatorze ans quand on a d\u00e9m\u00e9nag\u00e9, et cela a \u00e9t\u00e9 une d\u00e9chirure. C\u2019\u00e9tait cette fois un d\u00e9part pour de bon\u2026 <\/p>\n\n\n\n\n

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\n \n \"Jardin\n <\/picture>\n
Jardin du centre culturel Van Gogh, Saint-R\u00e9my-de-Provence. \u00a9Jose Nicolas\/SIPA<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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\n \n \"Charlotte\n <\/picture>\n
Charlotte Casiraghi \u00e0 Saint-R\u00e9my-de-Provence.<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
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Jardin du centre culturel Van Gogh, Saint-R\u00e9my-de-Provence. \u00a9Jose Nicolas\/SIPA<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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Charlotte Casiraghi \u00e0 Saint-R\u00e9my-de-Provence.<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

Il peut y avoir une forme parfois de nostalgie un peu douloureuse par rapport \u00e0 cet endroit. Cet ancrage affectif peut entra\u00eener une difficult\u00e9 \u00e0 le mettre \u00e0 distance. En r\u00e9alit\u00e9, il peut m\u00eame m\u2019\u00eatre difficile de m\u2019installer dans une position de pure contemplation. L\u2019introspection n\u2019est jamais tr\u00e8s loin : quand je regarde ces paysages, je vois des souvenirs. Je revois mon enfance en \u00e9tant un peu d\u00e9chir\u00e9e par une forme de nostalgie. <\/p>\n\n\n\n

Il serait difficile de ne pas \u00e9voquer un des tableaux les plus c\u00e9l\u00e8bres de Van Gogh, La nuit \u00e9toil\u00e9e<\/em>, auquel j\u2019ai un lien tr\u00e8s personnel ; il a \u00e9t\u00e9 peint non loin de chez moi.<\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Il y a une tr\u00e8s belle entr\u00e9e \u00ab Nostalgie \u00bb dans le livre que vous avez co-\u00e9crit Archipel des passions<\/em> o\u00f9 vous \u00e9crivez : \u00ab L\u2019imagination nous permet de retourner dans le pass\u00e9 et de nous transposer dans un moment \u00e9loign\u00e9 mais pourtant bien r\u00e9el. Ne serait-elle qu\u2019une vaine consolation ? Celle de se rem\u00e9morer une jeunesse perdue, ou une terre natale que l\u2019on ne retrouvera jamais telle qu\u2019on l\u2019a connue ? \u00bb Sentez-vous qu\u2019il y a quelque chose dans Saint-R\u00e9my que vous ne retrouvez plus ? Avez-vous vu l\u2019endroit changer au cours des ann\u00e9es ? <\/h3>\n\n\n\n

Oui, absolument. C\u2019est d\u2019ailleurs pour cela qu\u2019un m\u00e9lange se produit dans la nostalgie de Saint-R\u00e9my ; elle est \u00e0 la fois douce et am\u00e8re. Le retour en arri\u00e8re implique toujours une forme de jouissance. On trouve du plaisir \u00e0 s\u00e9journer dans le pass\u00e9 en se reconnectant avec certaines sensations, celles de l\u2019enfance dans mon cas. Mais on trouve aussi en m\u00eame temps une esp\u00e8ce d\u2019amertume pr\u00e9cis\u00e9ment du fait qu’on ne parviendra jamais \u00e0 retourner et retrouver le moment en question. <\/p>\n\n\n\n

Naturellement, quand on se prom\u00e8ne \u00e0 Saint-R\u00e9my on voit les effets du temps, de l’usure, les transformations urbaines. Les choses ont beaucoup chang\u00e9 en trente ans, de telle sorte qu\u2019il est impossible de retrouver ce que garde pr\u00e9cieusement ma m\u00e9moire. Dans mes souvenirs, tout est plus sauvage. Il ne faut pas oublier aussi que les yeux de l\u2019enfant voient diff\u00e9remment, les cassures temporelles varient, les dimensions ne sont pas les m\u00eames, la mani\u00e8re dont on per\u00e7oit les espaces, tout para\u00eet plus grand, parfois plus mena\u00e7ant, souvent plus beau \u2014 bien que dans ce dernier cas ce soit peut-\u00eatre plus l\u2019oeuvre des yeux de la m\u00e9moire, comme dirait Proust. <\/p>\n\n\n\n

Avez-vous un caf\u00e9 ou une librairie \u00e0 Saint-R\u00e9my o\u00f9 vous aimez encore vous rendre ? <\/h3>\n\n\n\n

J’ai un endroit qui est tr\u00e8s important \u00e0 mes yeux. Pour les gens qui ont v\u00e9cu en Province, c’est assez significatif. C’est la Maison de la presse ; une librairie particuli\u00e8re o\u00f9 on peut donc trouver des livres, des magazines mais aussi des bonbons. J\u2019y allais tout le temps apr\u00e8s l’\u00e9cole le mercredi.<\/p>\n\n\n\n

\u00c9trangement, j’\u00e9prouve quelques difficult\u00e9s \u00e0 parler de ces paysages, \u00e0 trouver les mots ou avoir envie de les raconter. <\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ce genre d\u2019endroit est un peu le c\u0153ur battant de la ville. Fin ao\u00fbt, on y croise un peu tout le monde, les gens vous reconnaissent et vous saluent. Ce sont toujours les m\u00eames personnes qui tiennent encore aujourd\u2019hui la maison de la presse. C\u2019est aussi un des \u00e9l\u00e9ments qui fait le charme de cet endroit qui, d\u2019une certaine fa\u00e7on, ne bouge pas. Quand je retourne \u00e0 Saint-R\u00e9my, je vais toujours \u00e0 la Maison de la presse. Pour le coup, j\u2019ai vraiment l’impression d\u2019y retrouver quelque chose de mon enfance et de mon rapport au livre.<\/p>\n\n\n\n

Y a-t-il un \u00e9crivain ou un livre que vous associez \u00e0 la Provence \u2014 pour quelque raison que ce soit ? Quelle est votre biblioth\u00e8que proven\u00e7ale id\u00e9ale d\u2019auteurs qui en viennent, qui en parlent ou simplement que vous aimez lire l\u00e0-bas ?<\/h3>\n\n\n\n

Pagnol m\u2019a profond\u00e9ment marqu\u00e9e. Son \u0153uvre a fa\u00e7onn\u00e9 mon imaginaire et influenc\u00e9 mon rapport \u00e0 la Provence. C\u2019est un \u00e9crivain qui est tr\u00e8s important pour moi. Manon des Sources<\/em> et Jean de Florette<\/em> sont deux livres qui m\u2019ont particuli\u00e8rement boulevers\u00e9e. Ils comptent beaucoup dans ma biblioth\u00e8que. Et je dois dire que les films sont magnifiques aussi, notamment La gloire de mon p\u00e8re<\/em> et Le ch\u00e2teau de ma m\u00e8re<\/em>. Lorsque je les regarde de nouveau j\u2019ai l\u2019impression de revoir et de revivre mon enfance, la relation \u00e0 la famille, un lieu dans lequel on se sent prot\u00e9g\u00e9, le fait d\u2019y grandir \u2014 avec un peu de m\u00e9lancolie et de chagrin. \u00c0 chaque fois, je pleure. <\/p>\n\n\n\n\n

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Le Ch\u00e2teau de Roussan, Saint-R\u00e9my-de-Provence. \u00a9 Frilet\/SIPA<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
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Le Ch\u00e2teau de Roussan, Saint-R\u00e9my-de-Provence. \u00a9 Frilet\/SIPA<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
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\n <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

J\u2019ai relu r\u00e9cemment certains textes de Giono sur la Provence qui sont absolument extraordinaires. On y retrouve toutes les images sanctifi\u00e9es de la Provence mais il introduit surtout un rapport compl\u00e8tement diff\u00e9rent avec les paysages, avec l\u2019ambiance et les \u00e9l\u00e9ments \u2014 avec la chaleur notamment, o\u00f9 il est question de la violence du soleil. Nous parlions tout \u00e0 l\u2019heure du mistral ; dans ce cas c\u2019est le soleil qui peut aussi rendre fou. J\u2019ai remarqu\u00e9 une diff\u00e9rence dans le rapport au soleil entre les gens qui vivent en Provence et ceux qui y viennent passer quelques jours en vacances. Ces derniers en g\u00e9n\u00e9ral cherchent le soleil \u00e0 tout prix, ils s\u2019y exposent volontiers ; les premiers quant \u00e0 eux le fuient d\u2019une certaine fa\u00e7on. <\/p>\n\n\n\n

Nous avons parl\u00e9 de Van Gogh, on associe aussi la Provence \u00e0 C\u00e9zanne. Avez-vous une pr\u00e9f\u00e9rence entre les deux ? <\/h3>\n\n\n\n

Ces deux peintres ont peint en Provence et ses paysages, mais pour moi, ils repr\u00e9sentent respectivement deux mondes compl\u00e8tement diff\u00e9rents. Du c\u00f4t\u00e9 de C\u00e9zanne on trouve La montagne Sainte-Victoire<\/em> et Aix-en-Provence \u2014 ce qui est un tout autre rapport \u00e0 la Provence que celui que j\u2019entretiens. Plus architectonique, c\u00e9r\u00e9bral, un regard de peintre qui d\u00e9compose et reconstruit. Je suis vraiment beaucoup plus sensible \u00e0 Van Gogh qui rend des sensations o\u00f9 je retrouve mes propres affects, li\u00e9s \u00e0 la nuit, \u00e0 la lumi\u00e8re, aux vibrations de la mati\u00e8re et m\u00eame des sons. Certes, Aix n\u2019est pas si loin de Saint-R\u00e9my, mais ce sont, \u00e0 mes yeux, deux c\u00f4t\u00e9s diff\u00e9rents de la Provence. <\/p>\n\n\n\n

Les choses ont beaucoup chang\u00e9 en trente ans, de telle sorte qu\u2019il est impossible de retrouver ce que garde pr\u00e9cieusement ma m\u00e9moire. Dans mes souvenirs, tout est plus sauvage.<\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En quoi les lieux, et la Provence en particulier dans votre cas, influencent-ils l\u2019orientation de la pens\u00e9e et le travail philosophique, selon vous ?<\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est une question tr\u00e8s importante. J’ai \u00e9t\u00e9 au primaire et j’ai fait une grande partie de mon coll\u00e8ge dans un \u00e9tablissement public o\u00f9 il y avait une grande mixit\u00e9 sociale et culturelle. La diversit\u00e9 qu\u2019on y trouvait \u00e9tait notamment d\u00fbe au nombre d\u2019\u00e9trangers qui venaient s\u2019installer en Provence, des Hollandais, des Belges, les communaut\u00e9s des gens du voyage s\u00e9dentaris\u00e9s, la deuxi\u00e8me g\u00e9n\u00e9ration des gens venus du sud de la M\u00e9diterran\u00e9e. J\u2019ai donc eu l\u2019opportunit\u00e9 de pouvoir aller dans une \u00e9cole assez mixte, o\u00f9 se produisaient ce m\u00e9lange des cultures et des nationalit\u00e9s, ces diff\u00e9rents rapports \u00e0 la France. Cela a \u00e9t\u00e9 crucial pour moi. Si j\u2019\u00e9tais all\u00e9e en pension en Suisse ou en Angleterre, dans un cadre plus uniforme et plus \u00e0 l\u2019image de mon milieu d\u2019origine, je ne serais pas la m\u00eame personne.<\/p>\n\n\n\n

Je crois que cela m\u2019a beaucoup fa\u00e7onn\u00e9e dans la mesure o\u00f9, au d\u00e9part, mon arriv\u00e9e \u00e0 Saint-R\u00e9my a pu \u00eatre quelque peu rude. Forc\u00e9ment \u00e0 cet \u00e2ge, les changements de la sorte ne sont pas toujours simples. On cherche une forme d\u2019hospitalit\u00e9 mais il faut avant tout r\u00e9ussir \u00e0 s\u2019adapter pour \u00eatre accept\u00e9. Quand on y arrive, c\u2019est bien plus simple plus tard et je l\u2019ai exp\u00e9riment\u00e9 lors des d\u00e9m\u00e9nagements et des rencontres qui sont venus par la suite. J\u2019ai toujours r\u00e9ussi \u00e0 m\u2019adapter assez naturellement. Il y a chez moi une certaine plasticit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Vous \u00eates encore en contact avec des personnes de votre enfance \u00e0 Saint-R\u00e9my ?<\/h3>\n\n\n\n

J\u2019ai gard\u00e9 quelques liens bien s\u00fbr. Je croise parfois, \u00e0 la fameuse Maison de la presse par exemple, des gens avec qui j\u2019\u00e9tais \u00e0 l\u2019\u00e9cole. Mais la plupart est partie faire ses \u00e9tudes et vivre ailleurs. Qu\u2019on habite ou pas au m\u00eame endroit de notre enfance, je crois qu\u2019on perd de vue de toute fa\u00e7on un grand nombre de nos camarades de classe. En revanche, il y a notamment une personne qui compte beaucoup. Elle ne vivait pas \u00e0 Saint-R\u00e9my mais \u00e0 Arles, sa m\u00e8re \u00e9tait ma professeure de piano, on est devenues meilleures amies et on l\u2019est toujours aujourd\u2019hui. <\/p>\n\n\n\n

Rilke, qui est un auteur que vous appr\u00e9ciez, a voyag\u00e9 en Provence, r\u00e9gion qu\u2019il appr\u00e9ciait beaucoup et \u00e0 laquelle il aimait se r\u00e9f\u00e9rer dans les voyages qu\u2019il a pu faire plus tard. Il tombe par exemple sous le charme du Valais et explique que c\u2019est parce qu\u2019il y retrouve \u00ab un peu de Provence et un peu d\u2019Espagne \u00bb. Dans votre cas, y a-t-il un autre endroit \u2014 en France ou ailleurs \u2014 o\u00f9 vous trouvez, vous aussi, \u00ab un peu de Provence \u00bb ? <\/h3>\n\n\n\n

Je crois que la Toscane est un endroit o\u00f9 on peut retrouver un peu de Provence. Du moins, c\u2019est celle qui s\u2019en rapproche le plus, dans les couleurs notamment. On pourrait peut-\u00eatre ajouter certaines r\u00e9gions espagnoles \u2014 que je connais moins mais que j\u2019aime beaucoup.<\/p>\n\n\n\n

Pagnol m\u2019a profond\u00e9ment marqu\u00e9e. Son \u0153uvre a fa\u00e7onn\u00e9 mon imaginaire et influenc\u00e9 mon rapport \u00e0 la Provence.<\/p>Charlotte Casiraghi<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais je suis all\u00e9e r\u00e9cemment \u00e0 S\u00e9ville et \u00e0 la fois la culture, les traditions, la musique, le soleil, les taureaux, les couleurs m\u2019ont rappel\u00e9 la Provence. Il est vrai d\u2019ailleurs que dans les moments festifs en Provence on est tr\u00e8s proche de l\u2019Espagne avec les f\u00e9rias. Je repense \u00e0 ce tr\u00e8s beau rouge, un peu vernis, que l\u2019on trouve dans les bars, dans les ar\u00e8nes. Mais je connais moins l\u2019Espagne ; c\u2019est un pays que j\u2019ai d\u00e9couvert surtout \u00e0 travers la litt\u00e9rature, avec ses grands romanciers et po\u00e8tes. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Dans ce troisi\u00e8me \u00e9pisode de notre s\u00e9rie d\u2019\u00e9t\u00e9 Grand Tour, Charlotte Casiraghi nous fait d\u00e9couvrir sa g\u00e9ographie intime de la Provence, des Alpilles de ses promenades au Saint-R\u00e9my de son enfance, en \u00e9voquant le chant du mistral et la violence du soleil \u2014 de Pagnol \u00e0 Giono, en passant par Van Gogh.<\/p>\n","protected":false},"author":23898,"featured_media":241145,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-interviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[2984],"tags":[],"geo":[1917],"acf":[],"yoast_head":"\n\u00abSaint-R\u00e9my a eu un r\u00f4le de refuge pour moi\u00bb, Grand Tour avec Charlotte Casiraghi | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" 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