{"id":239576,"date":"2024-08-07T02:00:00","date_gmt":"2024-08-07T00:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=239576"},"modified":"2024-08-07T11:27:01","modified_gmt":"2024-08-07T09:27:01","slug":"sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/","title":{"rendered":"Sandormokh : histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne"},"content":{"rendered":"\n

Un continuum de violences. Une cha\u00eene de l\u2019impunit\u00e9. La guerre multiforme \u2014 arm\u00e9e, politique, symbolique et culturelle \u2014 men\u00e9e par Poutine contre l\u2019Ukraine rappelle d\u2019autres p\u00e9riodes pass\u00e9es. Les peuples d\u2019Europe centrale et orientale ayant fait l\u2019exp\u00e9rience de l\u2019imp\u00e9rialisme russe et des r\u00e9pressions sovi\u00e9tiques en conservent une m\u00e9moire vive, tandis que ceux d\u2019Europe occidentale en ignorent souvent jusqu\u2019\u00e0 l\u2019existence. Nous poursuivons\u00a0<\/em>notre s\u00e9rie co-dirig\u00e9e par Juliette Cadiot et C\u00e9line Marang\u00e9<\/em><\/a>. Pour ne rater aucun \u00e9pisode, vous pouvez\u00a0<\/em>vous abonner par ici au Grand Continent<\/em><\/a><\/p>\n\n\n\n

Un homme ne devrait pas dispara\u00eetre sans laisser de traces.<\/em>
Il devrait avoir une tombe.<\/em>
Les \u00eatres humains se distinguent en cela des papillons.<\/em>
Les papillons vivent bri\u00e8vement et n\u2019ont pas de m\u00e9moire,<\/em>
les hommes vivent longtemps et se souviennent.<\/em>
Ils devraient se souvenir.<\/em>
La m\u00e9moire, c\u2019est une des choses<\/em>
qui fait qu\u2019un homme est un homme,<\/em>
qu\u2019un peuple est un peuple, et pas uniquement une population.<\/em><\/p>\n\n\n\n

L\u2019auteur de ces lignes, Iouri Dmitriev, arch\u00e9ologue et historien, pr\u00e9sident de la branche car\u00e9lienne de l\u2019association Memorial, a consacr\u00e9 toute sa vie \u00e0 rechercher les traces et les restes des victimes du syst\u00e8me r\u00e9pressif et criminel stalinien en Car\u00e9lie<\/span>1<\/sup><\/a><\/span>. Il a mis au jour, en 1997, avec ses amis de Memorial, Irina Flige et Veniamine Ioffe, l\u2019un des grands charniers de la Grande Terreur de 1937-1938, au lieu-dit Sandormokh, non loin de la ville de Medvejegorsk, o\u00f9 ont \u00e9t\u00e9 ex\u00e9cut\u00e9s, dans le secret le plus total, plus de 6 000 innocents condamn\u00e9s \u00e0 mort par les tribunaux d\u2019exception du NKVD. <\/p>\n\n\n\n

Iouri Dmitriev a, en outre, \u00e9tabli, au terme de vingt ans d\u2019un travail de b\u00e9n\u00e9dictin dans les archives de la S\u00e9curit\u00e9 d\u2019\u00c9tat, la liste nominative de plus de 50 000 personnes victimes des r\u00e9pressions staliniennes en Car\u00e9lie (fusill\u00e9s, d\u00e9port\u00e9s, condamn\u00e9s \u00e0 une peine de travaux forc\u00e9s). <\/p>\n\n\n\n

Depuis 2016, Iouri Dmitriev est en prison. Apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9, en 2018, relax\u00e9 (fait exceptionnel dans les annales judiciaires russes) des accusations infond\u00e9es et infamantes de \u00ab p\u00e9dophilie \u00bb formul\u00e9es contre lui par le Parquet, il a finalement \u00e9t\u00e9, apr\u00e8s cinq ann\u00e9es de d\u00e9tention pr\u00e9ventive et une proc\u00e9dure \u00e0 charge marqu\u00e9e par de tr\u00e8s nombreuses irr\u00e9gularit\u00e9s, condamn\u00e9 en appel le 27 d\u00e9cembre 2021 \u00e0 quinze ans de r\u00e9clusion criminelle dans une colonie p\u00e9nitentiaire \u00e0 r\u00e9gime s\u00e9v\u00e8re \u2014 autant dire, \u00e9tant donn\u00e9 son \u00e2ge, son \u00e9tat de sant\u00e9 et les conditions \u00e9pouvantables de d\u00e9tention dans les prisons russes, \u00e0 une condamnation \u00e0 mort.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e0 Iouri Dmitriev, un homme remarquable que j\u2019ai eu la chance de rencontrer \u00e0 plusieurs reprises, et dont le sort est aujourd\u2019hui largement occult\u00e9 dans le fracas de la guerre d\u2019agression men\u00e9e par la Russie contre l\u2019Ukraine, que je souhaite d\u00e9dier le texte qui suit. <\/p>\n\n\n\n

Gr\u00e2ce aux recherches men\u00e9es par Iouri Dmitriev, Sandormokh est devenu le lieu de massacre de la Grande Terreur le mieux document\u00e9. <\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

\u00c0 la diff\u00e9rence de la terreur l\u00e9niniste, qui avait une vis\u00e9e p\u00e9dagogique, les \u00ab masses \u00bb \u00e9tant encourag\u00e9es \u00e0 \u00ab exterminer les ennemis du peuple \u00bb, les \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives \u00bb de la Grande Terreur de 1937-1938 furent marqu\u00e9es du sceau du secret le plus absolu. Secret des d\u00e9cisions prises au sein du Politburo, la plus haute instance du Parti dirig\u00e9e par Staline ; secret des \u00ab ordres op\u00e9rationnels \u00bb du NKVD, la police politique du r\u00e9gime, dirig\u00e9e par Nikola\u00ef Iejov ; secret des proc\u00e9dures d\u2019instruction et de jugement conduits par des tribunaux d\u2019exception ; secret des condamnations ; secret des ex\u00e9cutions et des lieux d\u2019inhumation des fusill\u00e9s. L\u2019obsession du secret \u00e9tait telle que les condamn\u00e9s \u00e0 mort eux-m\u00eames n\u2019\u00e9taient jamais inform\u00e9s de la sentence, qu\u2019ils d\u00e9couvraient sur le lieu de leur ex\u00e9cution. Quant \u00e0 leurs proches, les fonctionnaires du NKVD les informaient \u00ab qu\u2019un tel ou un tel avait \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9 \u00e0 dix ans de camp sans droit de correspondance \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Avant m\u00eame le d\u00e9but des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb, la direction du NKVD s\u2019inqui\u00e9tait d\u2019une question qualifi\u00e9e de \u00ab technique \u00bb, mais n\u00e9anmoins de la plus haute importance  : comment se d\u00e9barrasser secr\u00e8tement (de \u00ab mani\u00e8re conspirative \u00bb pour reprendre le jargon des agents du NKVD) des corps  ? Fin juillet 1937, quelques jours avant le lancement des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb, Serguei Mironov, le chef du NKVD de la r\u00e9gion de Sib\u00e9rie occidentale, donna les instructions suivantes \u00e0 ses subordonn\u00e9s  :<\/p>\n\n\n\n

\n

\u00ab Et maintenant, quelques aspects techniques de la plus haute importance. Prenons, par exemple, le secteur de Tomsk, ou d\u2019autres secteurs op\u00e9rationnels. Pour chacun d\u2019entre eux, il nous faudra ex\u00e9cuter 1\u00a0000 individus, voire 2\u00a0000 ou peut-\u00eatre plus. Que devra faire le responsable op\u00e9rationnel ? Trouver en premier lieu un lieu ad\u00e9quat pour les ex\u00e9cutions et un autre pour les inhumations. Si l\u2019on enterre les cadavres dans un bois, par exemple, il faudra au pr\u00e9alable d\u00e9couper la mousse, puis en recouvrir la terre fra\u00eechement retourn\u00e9e pour rendre le lieu conspiratif, tr\u00e8s secret, afin qu\u2019il ne devienne pas un jour un endroit o\u00f9 pourrait se donner libre cours le fanatisme contre-r\u00e9volutionnaire\u00a0[\u2026]. Notre appareil policier lui-m\u00eame ne doit absolument pas savoir o\u00f9 les individus ont \u00e9t\u00e9 inhum\u00e9s, personne ne doit rien savoir.<\/em><\/span>2<\/sup><\/a><\/span> \u00bb<\/em><\/p>\n<\/blockquote>\n\n\n\n

Le secret fut bien gard\u00e9. Ce n\u2019est que soixante ans plus tard, au milieu des ann\u00e9es 1990, au terme de patientes recherches s\u2019apparentant \u00e0 une longue enqu\u00eate men\u00e9e par des d\u00e9tectives professionnels, que furent mis au jour, presque toujours par des membres de l\u2019ONG Memorial, un certain nombre de lieux de massacre de la Grande Terreur. <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 ce jour, environ cent cinquante lieux secrets d\u2019ex\u00e9cution et d\u2019inhumation des 750\u00a0000 fusill\u00e9s de la Grande Terreur ont \u00e9t\u00e9 identifi\u00e9s. Ce chiffre ne repr\u00e9sente qu\u2019une fraction \u2014 un quart, tout au plus un tiers \u2014 du nombre total des charniers, r\u00e9partis dans toutes les r\u00e9gions de l\u2019URSS.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
\u00a9 Ninara via Flickr<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

Gr\u00e2ce aux recherches men\u00e9es par Iouri Dmitriev, Sandormokh est devenu le lieu de massacre de la Grande Terreur le mieux document\u00e9. Apr\u00e8s plus de vingt ann\u00e9es de travail, Dmitriev est parvenu \u00e0 identifier chacune des 6\u00a0241 personnes ex\u00e9cut\u00e9es \u00e0 Sandormokh au cours des seize mois de la Grande Terreur (ao\u00fbt 1937-novembre 1938) et \u00e0 donner sur chacune d\u2019entre elles une notice biographique circonstanci\u00e9e<\/span>3<\/sup><\/a><\/span>. Cet exploit s\u2019inscrit naturellement dans un processus plus g\u00e9n\u00e9ral de d\u00e9voilement et d\u2019analyse de ce moment paroxystique de la violence du stalinisme qui a d\u00e9but\u00e9 au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990.\u00a0\u00a0<\/p>\n\n\n\n

L\u2019obsession du secret \u00e9tait telle que les condamn\u00e9s \u00e0 mort eux-m\u00eames n\u2019\u00e9taient jamais inform\u00e9s de la sentence, qu\u2019ils d\u00e9couvraient sur le lieu de leur ex\u00e9cution.<\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La Grande Terreur en Car\u00e9lie<\/h2>\n\n\n\n

En 1991-1992, l\u2019ouverture \u2014 partielle \u2014 des archives du Politburo et des instances centrales du NKVD a permis tout d\u2019abord de d\u00e9couvrir, dans son ensemble, le m\u00e9canisme des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb ainsi que les proc\u00e9dures de condamnation, strictement codifi\u00e9es et centralis\u00e9es : un coll\u00e8ge militaire de la Cour supr\u00eame \u00e0 Moscou et ses \u00ab sessions itin\u00e9rantes \u00bb pour condamner les membres des \u00e9lites politiques, \u00e9conomiques, militaires et intellectuelles ; une tro\u00efka<\/em>, une instance extra-judiciaire de trois membres, compos\u00e9e du Premier Secr\u00e9taire du Comit\u00e9 du Parti, du procureur g\u00e9n\u00e9ral de r\u00e9gion et du chef r\u00e9gional du NKVD, par r\u00e9gion et r\u00e9publique autonome (78 au total) pour condamner les personnes arr\u00eat\u00e9es dans le cadre de \u00ab l\u2019op\u00e9ration 00447<\/span>4<\/sup><\/a><\/span> \u00bb, la plus importante des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb, lanc\u00e9e le 5 ao\u00fbt 1937 et achev\u00e9e d\u00e9but novembre 1938 ; une dvo\u00efka<\/em>, une instance extra-judiciaire de deux membres, compos\u00e9e du procureur g\u00e9n\u00e9ral de r\u00e9gion et du chef r\u00e9gional du NKVD, par r\u00e9gion et r\u00e9publique autonome pour les op\u00e9rations dites \u00ab nationales<\/span>5<\/sup><\/a><\/span> \u00bb. Soit au total, pr\u00e8s de 200 instances extra-judiciaires charg\u00e9es de prononcer, en seize mois, pr\u00e8s de 2 millions de condamnations, dont environ 750\u00a0000 \u00ab en premi\u00e8re cat\u00e9gorie \u00bb (peine de mort) et 800\u00a0000 en \u00ab seconde cat\u00e9gorie \u00bb (dix ans de camp). Lors de chaque session, ces \u00ab tribunaux \u00bb rendaient plusieurs centaines de sentences, \u00e0 huis clos, en l\u2019absence de tout repr\u00e9sentant de la d\u00e9fense et de l\u2019accus\u00e9 lui-m\u00eame.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

La Car\u00e9lie a \u00e9t\u00e9, de toutes les r\u00e9gions et r\u00e9publiques sovi\u00e9tiques, celle o\u00f9 la r\u00e9pression avait proportionnellement frapp\u00e9 le plus de personnes. <\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Une fois le cadre g\u00e9n\u00e9ral des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb \u00e9tabli, il revenait aux chercheurs de se plonger dans les archives r\u00e9gionales du FSB (le nouveau nom de la S\u00e9curit\u00e9 d\u2019\u00c9tat dans la Russie post-sovi\u00e9tique) pour tenter d\u2019identifier les victimes. T\u00e2che \u00f4 combien ardue  ! En effet, le FSB refusait d\u2019ouvrir aux chercheurs ses archives, en particulier les protocoles des s\u00e9ances \u00e0 huis clos des tro\u00efki <\/em>et des dvo\u00efki,<\/em> ainsi que les dossiers d\u2019instruction des personnes arr\u00eat\u00e9es. Il fallut tout l\u2019entregent d\u2019Ivan Tchoukhine, ancien inspecteur-chef (avec le rang de colonel) du minist\u00e8re de l\u2019Int\u00e9rieur de la R\u00e9publique socialiste sovi\u00e9tique autonome (RSSA) de Car\u00e9lie, devenu, en 1993, l\u2019un des d\u00e9put\u00e9s progressistes les plus en vue de la Douma de la F\u00e9d\u00e9ration de Russie, pour forcer les portes closes des archives de la S\u00e9curit\u00e9 d\u2019\u00c9tat de Car\u00e9lie. Assist\u00e9 d\u2019un jeune historien de Petrozavodsk, Iouri Dmitriev, Ivan Tchoukhine se plongea dans les protocoles de la tro\u00efka<\/em> et de la dvo\u00efka<\/em> de Car\u00e9lie et parvint \u00e0 d\u00e9terminer, semaine apr\u00e8s semaine, jour apr\u00e8s jour, district par district, le rythme des condamnations et des ex\u00e9cutions dans cette petite r\u00e9publique autonome de la R\u00e9publique socialiste f\u00e9d\u00e9rative sovi\u00e9tique de Russie, ainsi que le nombre de personnes condamn\u00e9es \u00e0 la peine capitale ou \u00e0 une lourde peine de travaux forc\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n

Dans cette r\u00e9gion peupl\u00e9e d\u2019\u00e0 peine un demi-million d\u2019habitants, pr\u00e8s de 15 000 personnes furent condamn\u00e9es en 1937-1938 par des tribunaux d\u2019exception dont 12 450 \u00e0 la peine de mort. Lorsque, dix ans plus tard, vers le milieu des ann\u00e9es 2000, les historiens eurent enfin dress\u00e9 un tableau plus ou moins complet des r\u00e9pressions de masse des ann\u00e9es de la Grande Terreur, il ressortit que la Car\u00e9lie avait \u00e9t\u00e9, de toutes les r\u00e9gions et r\u00e9publiques sovi\u00e9tiques, celle o\u00f9 la r\u00e9pression avait proportionnellement frapp\u00e9 le plus de personnes. <\/p>\n\n\n\n

Au fur et \u00e0 mesure que la renomm\u00e9e de Sandormokh grandissait, bien au-del\u00e0 de la Car\u00e9lie, des conflits de m\u00e9moire, des concurrences de victimes se faisaient jour.<\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette r\u00e9pression extr\u00eamement f\u00e9roce  : la Car\u00e9lie \u00e9tait \u00e0 la fois une zone frontali\u00e8re particuli\u00e8rement sensible, \u00e0 proximit\u00e9 de L\u00e9ningrad  ; une r\u00e9gion o\u00f9 \u00e9tait concentr\u00e9e une minorit\u00e9 de diaspora, les Finnois, consid\u00e9r\u00e9e comme un \u00ab vivier d\u2019espions \u00e0 la solde de la Finlande \u00bb, alors m\u00eame que la majorit\u00e9 de ces Finnois \u00e9taient des r\u00e9fugi\u00e9s politiques ayant fui le r\u00e9gime finlandais  ; enfin, une r\u00e9gion de camps et de \u00ab villages sp\u00e9ciaux \u00bb de d\u00e9port\u00e9s o\u00f9 le \u00ab gibier \u00bb ne manquait pas pour les agents du NKVD somm\u00e9s de remplir leurs \u00ab quotas de contre-r\u00e9volutionnaires \u00bb, sachant que chaque r\u00e9gion se voyait attribuer un \u00ab quota \u00bb d\u2019ex\u00e9cutions (appel\u00e9es, dans le jargon cod\u00e9 des directives secr\u00e8tes du NKVD, la \u00ab 1re<\/sup> cat\u00e9gorie \u00bb) et de condamnations \u00e0 dix ans de camp (\u00ab 2e<\/sup> cat\u00e9gorie \u00bb)<\/span>6<\/sup><\/a><\/span>. <\/p>\n\n\n\n

Parmi les camps les plus importants de Car\u00e9lie figuraient le fameux ensemble concentrationnaire de l\u2019archipel des Solovki, \u00e0 quelques heures de navigation du petit port car\u00e9lien de Kem, ainsi que l\u2019immense conglom\u00e9rat concentrationnaire du Belbaltlag, dont les for\u00e7ats avaient creus\u00e9, en 1931-1933, le canal Staline reliant la mer Baltique \u00e0 la mer Blanche. La Car\u00e9lie concentrait donc tous les stigmates d\u2019une zone \u00e9minemment suspecte aux yeux des responsables politiques et policiers. <\/p>\n\n\n\n

Recherches crois\u00e9es d\u2019historiens de Memorial<\/h2>\n\n\n\n

Tandis qu\u2019Ivan Tchoukhine et Iouri Dmitriev commen\u00e7aient \u00e0 dresser la liste des milliers de victimes de la r\u00e9pression en Car\u00e9lie, deux autres historiens et militants de l\u2019association Memorial, Irina Flige et Veniamine Ioffe, concentraient leurs recherches sur le sort de pr\u00e8s de deux mille d\u00e9tenus des Solovki soudainement disparus \u00e0 l\u2019automne 1937. Ils d\u00e9couvrirent, en 1994, une directive secr\u00e8te du NKVD n\u00b0 59190 en date du 16 ao\u00fbt 1937 qui ordonnait \u00ab l\u2019ex\u00e9cution d\u2019un quota de 1 200 d\u00e9tenus contre-r\u00e9volutionnaires particuli\u00e8rement endurcis \u00bb, incarc\u00e9r\u00e9s dans la prison sp\u00e9ciale du complexe concentrationnaire des Solovki. Deux \u00ab compl\u00e9ments \u00bb \u00e0 cette directive, dat\u00e9s du 11 novembre 1937 et du 3 janvier 1938, ordonnaient l\u2019ex\u00e9cution de \u00ab deux quotas suppl\u00e9mentaires \u00bb de 425 et de 200 \u00ab contre-r\u00e9volutionnaires \u00bb. Irina Flige et Veniamine Ioffe \u00e9tablirent que seul le dernier \u00ab contingent de 200 contre-r\u00e9volutionnaires \u00bb avait \u00e9t\u00e9 fusill\u00e9 sur l\u2019\u00eele principale des Solovki. Les deux autres contingents avaient \u00e9t\u00e9 embarqu\u00e9s pour Kem, o\u00f9 leur trace avait disparu. <\/p>\n\n\n\n

En 1996, Irina Flige et Veniamine Ioffe firent, dans les archives r\u00e9gionales du FSB, une d\u00e9couverte capitale  : ils mirent la main sur le dossier d\u2019instruction secret (num\u00e9rot\u00e9 11602) d\u2019une affaire d\u2019abus de pouvoir visant, au d\u00e9but de 1939, apr\u00e8s la fin de la Grande Terreur, un haut grad\u00e9 du NKVD de Car\u00e9lie, le capitaine Matveiev, charg\u00e9, en octobre 1937, de proc\u00e9der au convoiement, entre les Solovki et Medvejegorsk, petite ville abritant la direction du Belbaltlag, de 1 111 d\u00e9tenus des Solovki condamn\u00e9s \u00e0 mort par la tro\u00efka<\/em> de L\u00e9ningrad dans le cadre de la directive n\u00b0 59190, et de superviser l\u2019ex\u00e9cution de ce \u00ab contingent \u00bb. Matveiev ainsi qu\u2019une dizaine d\u2019officiers subalternes du NKVD \u00e9taient accus\u00e9s \u00ab de s\u2019\u00eatre livr\u00e9s \u00e0 des actes de torture inutiles \u00e0 l\u2019\u00e9gard des condamn\u00e9s \u00e0 la peine capitale \u00bb. Parmi les accus\u00e9s figuraient Bondarenko et Chondych, d\u00e9j\u00e0 identifi\u00e9s par Ivan Tchoukhine comme deux des bourreaux charg\u00e9s de l\u2019ex\u00e9cution des condamn\u00e9s par la tro\u00efka<\/em> de Car\u00e9lie. <\/p>\n\n\n\n

Le dossier contenait, en outre, une autre information de premi\u00e8re importance  : il y \u00e9tait mentionn\u00e9 que les 1 111 d\u00e9tenus des Solovki avaient \u00e9t\u00e9 transf\u00e9r\u00e9s en bateau d\u00e9but octobre 1937 des Solovki \u00e0 Kem, puis de l\u00e0 en camion au \u00ab bloc d\u2019isolation du Belbaltlag \u00bb, situ\u00e9 \u00e0 Medvejegorsk. De Medvejegorsk, ils avaient \u00e9t\u00e9, par groupe de 40 environ, convoy\u00e9s les 27 octobre, 1er<\/sup>, 2, 3 et 4 novembre, en deux camions effectuant cinq rotations par jour, jusqu\u2019au \u00ab lieu d\u2019ex\u00e9cution habituel des d\u00e9tenus du Belbaltlag \u00bb situ\u00e9 \u00ab non loin du 16e<\/sup> kilom\u00e8tre sur la route Medvejegorsk-Povenets, apr\u00e8s le village de Pindouchi \u00bb. Pour la premi\u00e8re fois, un lieu d\u2019ex\u00e9cution secret \u00e9tait mentionn\u00e9 dans un document interne du NKVD  ! <\/p>\n\n\n\n

Les recherches du duo Ivan Tchoukhine et Iouri Dmitriev et du duo Irina Flige et Veniamine Ioffe convergeaient  ; les premiers venaient d\u2019\u00e9tablir la liste des condamn\u00e9s \u00e0 la peine capitale de la tro\u00efka<\/em> et de la dvo\u00efka <\/em>de Car\u00e9lie  : 5 130 d\u2019entre eux relevaient de Medvejegorsk et devaient \u00eatre ex\u00e9cut\u00e9s non loin de cette ville. Sur ce nombre, 2 600 \u00e9taient des d\u00e9tenus ou des d\u00e9port\u00e9s travaillant dans l\u2019immense complexe concentrationnaire du Belbaltlag  ; les autres \u00e9taient des habitants de la r\u00e9gion, dont une forte proportion de Finnois. Il apparaissait, \u00e0 la lecture du dossier du capitaine Matveiev, que les 5 130 condamn\u00e9s de Medvejegorsk et les 1 111 condamn\u00e9s des Solovki avaient tous \u00e9t\u00e9 ex\u00e9cut\u00e9s au m\u00eame endroit, le \u00ab lieu d\u2019ex\u00e9cution habituel des d\u00e9tenus du Belbaltlag \u00bb. Une telle formulation augurait donc d\u2019un nombre encore plus \u00e9lev\u00e9 de victimes mises \u00e0 mort en ce lieu depuis l\u2019instauration du complexe concentrationnaire du Belbaltlag en 1931.  <\/p>\n\n\n\n

L\u2019annexion de la Crim\u00e9e par la Russie en 2014 et le conflit russo-ukrainien qui s\u2019ensuivit port\u00e8rent un rude coup aux comm\u00e9morations \u0153cum\u00e9niques. <\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

De la d\u00e9couverte \u00e0 la m\u00e9morialisation de Sandormokh<\/h2>\n\n\n\n

Il ne restait plus qu\u2019\u00e0 localiser pr\u00e9cis\u00e9ment ce lieu et \u00e0 entreprendre des fouilles. Plusieurs mois de recherches \u00e9prouvantes dans le massif forestier bordant la route Medvejegorsk-Povenets, non loin du village de Pindouchi, attendaient encore Irina Flige, Veniamine Ioffe et Iouri Dmitriev<\/span>7<\/sup><\/a><\/span>. Le trac\u00e9 de la route ayant \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9 au d\u00e9but des ann\u00e9es 1950, le kilom\u00e9trage indiqu\u00e9 dans le dossier du capitaine Matveiev \u00e9tait devenu caduc. Il fallut toute l\u2019exp\u00e9rience de Iouri Dmitriev, qui avait d\u00e9j\u00e0 mis au jour quelques fosses communes, rep\u00e9rables \u00e0 un l\u00e9ger d\u00e9nivel\u00e9 dans le sol \u00e0 la suite de la d\u00e9composition des corps, pour retrouver enfin, au lieu-dit Sandormokh, le 1er<\/sup> juillet 1997, la premi\u00e8re fosse commune \u00e0 un kilom\u00e8tre environ de la route, au milieu de la for\u00eat. Le 17 juillet, les experts mandat\u00e9s par le Parquet reconnurent que les restes humains exhum\u00e9s de trois fosses \u00e9taient bien ceux de personnes ex\u00e9cut\u00e9es \u00ab cinquante \u00e0 soixante ans auparavant \u00bb d\u2019une balle dans la nuque par un pistolet du type Nagan, utilis\u00e9 par les agents du NKVD. <\/p>\n\n\n\n

Tandis que les recherches se poursuivaient activement (des dizaines de nouvelles fosses furent d\u00e9couvertes avant la fin de l\u2019ann\u00e9e 1997  ; trois ans plus tard, on en d\u00e9nombrait 236), les autorit\u00e9s de Car\u00e9lie d\u00e9cidaient, en ao\u00fbt 1997, d\u2019ouvrir \u00e0 Sandormokh un cimeti\u00e8re m\u00e9moriel, inaugur\u00e9 solennellement le 27 octobre suivant, en pr\u00e9sence de 900 personnes.  En attendant l\u2019\u00e9rection d\u2019un monument aux victimes des r\u00e9pressions, des croix orthodoxes et catholiques furent dress\u00e9es sur le site. Rapidement, des centaines de proches des disparus investirent les lieux, accrochant aux arbres des photos de leurs morts, des textes, des m\u00e9dailles, des fleurs. En 1998, un monument repr\u00e9sentant un ange se penchant sur les corps des supplici\u00e9s fut \u00e9rig\u00e9 par les autorit\u00e9s \u00e0 l\u2019entr\u00e9e du site, sur lequel \u00e9tait inscrit ce commandement universel hors de tout contexte historique  : \u00ab Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres. \u00bb <\/p>\n\n\n\n

Le site rassemblait un nombre croissant de personnes venues de toutes les ex-r\u00e9publiques sovi\u00e9tiques \u00e0 l\u2019approche du 5 ao\u00fbt, proclam\u00e9 en 2000, \u00e0 l\u2019initiative de l\u2019association Memorial, \u00ab Jour annuel de m\u00e9moire des victimes de la Grande Terreur \u00bb pour comm\u00e9morer le d\u00e9but des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb, le 5 ao\u00fbt 1937. Au fur et \u00e0 mesure que la renomm\u00e9e de Sandormokh grandissait, bien au-del\u00e0 de la Car\u00e9lie, des conflits de m\u00e9moire, des concurrences de victimes se faisaient jour. La publication, en 2002, de la premi\u00e8re \u00e9dition du \u00ab Livre de m\u00e9moire de la Car\u00e9lie \u00bb, dans lequel Iouri Dmitriev donnait une courte biographie des 6 241 personnes ex\u00e9cut\u00e9es \u00e0 Sandormokh durant la Grande Terreur fit ressortir l\u2019extraordinaire diversit\u00e9 sociologique et nationale des victimes.  Dans le \u00ab convoi des 1 111 d\u00e9tenus des Solovki \u00bb pr\u00e9dominaient largement les repr\u00e9sentants des \u00e9lites (intellectuels, responsables politiques et \u00e9conomiques, repr\u00e9sentants les plus en vue des \u00e9lites nationales, notamment ukrainiennes). Parmi les victimes des \u00ab op\u00e9rations r\u00e9pressives de masse \u00bb en Car\u00e9lie, on comptait, en revanche, une majorit\u00e9 de simples paysans, ouvriers, artisans, instituteurs, employ\u00e9s (dont un grand nombre avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9 et purgeait une peine d\u2019exil ou de camp) et une tr\u00e8s forte proportion (plus d\u2019un tiers) de Finnois, dont de nombreux \u00e9migr\u00e9s politiques r\u00e9fugi\u00e9s en URSS. <\/p>\n\n\n\n

Une formidable op\u00e9ration de r\u00e9vision historique a \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9e, au d\u00e9but de l\u2019ann\u00e9e 2017, par la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de la Russie.<\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019\u00e9ventail national \u00e9tait encore plus vari\u00e9  : les principaux groupes de victimes, par nationalit\u00e9<\/span>8<\/sup><\/a><\/span>, \u00e9taient les Finnois (plus de 1 000), les Ukrainiens (pr\u00e8s de 700, dont 300 dans le \u00ab convoi des Solovki \u00bb), les Car\u00e9liens (plus de 600), les Russes (600), les Polonais (400), les Allemands (pr\u00e8s de 300), les Juifs (pr\u00e8s de 200), les Lituaniens (plus de 150), les Tch\u00e9tch\u00e8nes et Ingouches (plus de 150), les G\u00e9orgiens, les Tatars, les Az\u00e9ris, etc.  Au cours des ann\u00e9es 2000, les repr\u00e9sentants de ces nationalit\u00e9s \u00e9rig\u00e8rent chacun un monument \u00e0 \u00ab leurs victimes \u00bb. Ainsi apparurent des monuments ukrainien (2005), juif (2006), estonien (2007), lituanien (2008), polonais (2008), az\u00e9ri (2008), car\u00e9lien (2010), tch\u00e9tch\u00e8ne-ingouche (2011), finlandais (2014), moldave-roumain (2015), tatar (2015), g\u00e9orgien (2016). Sans oublier le monument d\u00e9di\u00e9 \u00e0 la m\u00e9moire du \u00ab convoi des 1 111 d\u00e9tenus des Solovki \u00bb et les 360 \u00ab signes de m\u00e9moire individuels \u00bb accroch\u00e9s aux arbres par les proches des victimes. <\/p>\n\n\n\n

\n \n \t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\t\r\n\t\t\t\t\r\n\t<\/picture>\r\n \n
\u00a9 Ninara via Flickr<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n\n\n

En quelques ann\u00e9es, la journ\u00e9e du 5 ao\u00fbt \u00e0 Sandormokh s\u2019imposa comme le seul et unique \u00ab Jour international de la m\u00e9moire de la Grande Terreur de 1937-1938<\/span>9<\/sup><\/a><\/span> \u00bb, en pr\u00e9sence de tr\u00e8s nombreuses d\u00e9l\u00e9gations \u00e9trang\u00e8res des pays issus des ex-r\u00e9publiques sovi\u00e9tiques, mais aussi de Pologne et de Finlande. L\u2019annexion de la Crim\u00e9e par la Russie en 2014 et le conflit russo-ukrainien qui s\u2019ensuivit port\u00e8rent un rude coup \u00e0 ces comm\u00e9morations \u0153cum\u00e9niques. Depuis 2014, plus aucune d\u00e9l\u00e9gation ukrainienne ne s\u2019est rendue aux comm\u00e9morations du 5 ao\u00fbt \u00e0 Sandormokh. Plus aucun repr\u00e9sentant \u2013 m\u00eame au niveau le plus modeste \u2013 des autorit\u00e9s r\u00e9gionales de Car\u00e9lie, non plus. Deux nouveaux monuments ont \u00e9t\u00e9 \u00e9rig\u00e9s, l\u2019un \u00ab aux victimes russes \u00bb, l\u2019autre aux \u00ab victimes cosaques \u00bb. Sur la croix \u00ab Aux cosaques innocents supplici\u00e9s en ce lieu \u00bb, on peut lire \u00ab Que cette Sainte Croix nous garde de tous les ennemis de notre Terre russe \u00bb. Quand on sait que les Cosaques sont aujourd\u2019hui le \u00ab fer de lance \u00bb des mouvements nationalistes russes anti-ukrainiens, on mesure \u00e0 quel point Sandormokh est devenu une ar\u00e8ne politique. <\/p>\n\n\n\n

Du r\u00e9visionnisme historique \u00e0 la condamnation de Dmitriev<\/h2>\n\n\n\n

Le d\u00e9tournement le plus spectaculaire de ce lieu de massacre et de m\u00e9moire s\u2019est produit peu apr\u00e8s l\u2019arrestation, en d\u00e9cembre 2016, de Iouri Dmitriev. Une formidable op\u00e9ration de r\u00e9vision historique a \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9e, au d\u00e9but de l\u2019ann\u00e9e 2017, par la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de la Russie, fond\u00e9e en 2012 \u00e0 l\u2019initiative de Vladimir Poutine dans le but de \u00ab donner un nouvel \u00e9lan \u00e0 l\u2019\u00e9tude du glorieux pass\u00e9 militaire de la Russie et de lutter contre les tentatives de d\u00e9nigrement du patriotisme \u00bb. Pr\u00e9sid\u00e9e par le ministre de la Culture, Vladimir Medinski, elle \u00e9tait tout particuli\u00e8rement charg\u00e9e de promouvoir le patriotisme et \u00ab l\u2019esprit combattant \u00bb en milieu scolaire en mettant sur pied une \u00ab Iounarmija \u00bb (\u00ab Arm\u00e9e de la jeunesse \u00bb) et en organisant des excursions scolaires sur les \u00ab grands lieux de la gloire militaire de la Russie \u00bb (Borodino, Elnia, Brest-Litovsk, S\u00e9bastopol, Volgograd, etc.). En 2017-2018, cette institution a patronn\u00e9 les travaux de deux historiens de l\u2019universit\u00e9 de Petrozavodsk, Iouri Kiline et Serguei Veriguine, charg\u00e9s explicitement de \u00ab d\u00e9monter les sp\u00e9culations sur le charnier de Sandormokh \u00bb. Lors d\u2019une table ronde largement couverte par les m\u00e9dias tant r\u00e9gionaux que nationaux, nonobstant l\u2019absence de notori\u00e9t\u00e9 de ces jeunes historiens de province, ces derniers ont \u00e9mis, en mars 2017, l\u2019hypoth\u00e8se selon laquelle les fosses communes de Sandormokh abriteraient les restes de prisonniers de guerre sovi\u00e9tiques fusill\u00e9s par les Finlandais qui ont occup\u00e9 partiellement la Car\u00e9lie orientale entre l\u2019\u00e9t\u00e9 1941 et la fin de 1943.<\/p>\n\n\n\n

Malgr\u00e9 tous les efforts de la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de la Russie, la tentative de r\u00e9vision a fait long feu. <\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Durant l\u2019\u00e9t\u00e9 2018, la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de Russie a engag\u00e9 une campagne de fouilles sur le site de Sandormokh, apr\u00e8s avoir re\u00e7u cette \u00ab lettre de mission \u00bb explicite du ministre de la Culture de Car\u00e9lie, Serguei Soloviev  : \u00ab Les sp\u00e9culations sur le charnier de Sandormokh portent tort \u00e0 l\u2019image internationale de la Russie [\u2026], renforcent dans l\u2019opinion un sentiment de culpabilit\u00e9 injustifi\u00e9 vis-\u00e0-vis des soi-disant r\u00e9prim\u00e9s et deviennent un facteur de consolidation des forces antigouvernementales en Russie. \u00bb Apr\u00e8s avoir exhum\u00e9 les restes de cinq corps d\u2019une fosse commune, des repr\u00e9sentants de la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire ont affirm\u00e9, au troisi\u00e8me jour des fouilles, sans m\u00eame attendre les r\u00e9sultats de l\u2019expertise m\u00e9dico-l\u00e9gale, que \u00ab les preuves sont r\u00e9unies que les restes exhum\u00e9s sont ceux de prisonniers de guerre sovi\u00e9tiques ex\u00e9cut\u00e9s par l\u2019occupant finlandais \u00bb. Peu apr\u00e8s, lors d\u2019une conf\u00e9rence de presse tenue \u00e0 Moscou, Mikha\u00efl Miagkov, pr\u00e9sident de la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire, dut temp\u00e9rer \u2013 devant l\u2019indigence des preuves \u2013 par cette affirmation  : \u00ab Qui a \u00e9t\u00e9 fusill\u00e9, et par qui, \u00e0 Sandormokh reste, pour l\u2019instant, une question ouverte. \u00bb Par cette formule habile, le doute fut instill\u00e9. La \u00ab version de Memorial \u00bb, comme la nomment les d\u00e9tracteurs de l\u2019ONG, ne serait, apr\u00e8s tout, qu\u2019\u00ab une version parmi d\u2019autres \u00bb sur une \u00ab question qui demeure ouverte \u00bb. Et comment pourrait-on raisonnablement soutenir cette \u00ab version \u00bb lorsque l\u2019on sait que le d\u00e9couvreur de Sandormokh n\u2019est qu\u2019un mis\u00e9rable p\u00e9dophile  ?<\/p>\n\n\n\n

Durant l\u2019\u00e9t\u00e9 2019, la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire a organis\u00e9 une seconde \u00ab campagne de fouilles \u00bb sur le site de Sandormokh. Seize corps ont \u00e9t\u00e9, cette fois, exhum\u00e9s \u2014\u00a0dont dix qui s\u2019av\u00e9r\u00e8rent \u00eatre de sexe f\u00e9minin\u00a0\u2013, ainsi qu\u2019un certain nombre d\u2019objets personnels (lunettes, timbales, boutons, pi\u00e8ces de monnaie), des restes, tr\u00e8s d\u00e9grad\u00e9s, de v\u00eatements (tous civils) et des balles de calibre 7,65 ou 7,63 tir\u00e9es par des pistolets de type Nagan, Mauser et Browning, utilis\u00e9s par les agents du NKVD<\/span>10<\/sup><\/a><\/span>. La pr\u00e9sence importante de restes humains de sexe f\u00e9minin, l\u2019absence de toute trace de tenue militaire et de pi\u00e8ces de monnaie post\u00e9rieures \u00e0 1937 indiquent clairement que les corps exhum\u00e9s sont ceux de victimes civiles ex\u00e9cut\u00e9es en 1937, et non de militaires fusill\u00e9s en 1941-1943<\/span>11<\/sup><\/a><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019exemple de Sandormokh (…) illustre h\u00e9las la r\u00e9gression des libert\u00e9s en Russie et la formidable d\u00e9faite de l\u2019esprit qui accompagne l\u2019imposition  de toute dictature. <\/p>Nicolas Werth<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Allant dans le m\u00eame sens, Antti Kujala, professeur d\u2019histoire \u00e0 l\u2019universit\u00e9 d\u2019Helsinki, a d\u00e9montr\u00e9 dans une \u00e9tude r\u00e9cente, cartes d\u2019\u00e9tat-major de l\u2019\u00e9poque de l\u2019occupation finlandaise \u00e0 l\u2019appui, que le camp de prisonniers de guerre sovi\u00e9tiques le plus proche de Sandormokh \u00e9tait le camp n\u00b0\u00a074, situ\u00e9 \u00e0 la p\u00e9riph\u00e9rie nord-est de la ville de Medvejegorsk, \u00e0 une trentaine de kilom\u00e8tres de Sandormokh, et que le commandement militaire finlandais n\u2019avait pas connaissance du lieu de massacre de masse o\u00f9 le NKVD ex\u00e9cutait, dans les ann\u00e9es 1930 et notamment durant la Grande Terreur de 1937-1938, les condamn\u00e9s \u00e0 mort. En r\u00e9alit\u00e9, les autorit\u00e9s finlandaises avaient depuis longtemps publi\u00e9 \u2013\u00a0et transmis \u00e0 leurs homologues russes\u00a0\u2014 les documents d\u2019archives relatifs aux s\u00e9pultures des quelque 19\u00a0000 prisonniers de guerre sovi\u00e9tiques ayant p\u00e9ri au cours de leur captivit\u00e9 entre 1941 et 1944. Sur ce nombre, 1\u00a0019 avaient \u00e9t\u00e9, sous divers pr\u00e9textes, fusill\u00e9s, dont 22 dans le camp no<\/sup>\u00a074<\/span>12<\/sup><\/a><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Toutes ces donn\u00e9es contredisent donc formellement les all\u00e9gations de la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de la Russie et des historiens russes Kiline et Veriguine selon lesquels une partie des restes humains retrouv\u00e9s \u00e0 Sandormokh seraient ceux de prisonniers de guerre sovi\u00e9tiques ex\u00e9cut\u00e9s par les Finlandais. Face \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, les historiens russes ont d\u00fb faire marche arri\u00e8re. Malgr\u00e9 tous les efforts de la Soci\u00e9t\u00e9 d\u2019histoire militaire de la Russie, la tentative de r\u00e9vision a fait long feu. Sandormokh ne deviendra pas un second Katyn.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

*<\/p>\n\n\n\n

En attendant, Iouri Dmitriev est derri\u00e8re les barreaux depuis plus de sept ans et demi ; les c\u00e9r\u00e9monies du 5 ao\u00fbt ne rassemblent plus qu\u2019une poign\u00e9e de personnes courageuses qui savent que leur pr\u00e9sence peut leur valoir des poursuites judiciaires, voire une peine d\u2019emprisonnement ; l\u2019ONG Memorial a \u00e9t\u00e9 dissoute par la Cour supr\u00eame de la F\u00e9d\u00e9ration de Russie le 28 d\u00e9cembre 2021<\/a> ; et Vladimir Poutine entame un cinqui\u00e8me mandat\u2026 L\u2019exemple de Sandormokh \u2014 un lieu de massacre de la Grande Terreur, d\u00e9couvert gr\u00e2ce \u00e0 des recherches patientes et minutieuses de militants de l\u2019ONG Memorial s\u2019apparentant \u00e0 une v\u00e9ritable enqu\u00eate criminelle, devenu un lieu de m\u00e9moire et de comm\u00e9moration gr\u00e2ce \u00e0 la participation active des proches des victimes, avant de faire l\u2019objet d\u2019une sordide tentative de r\u00e9vision de la part d\u2019un organisme \u00e9tatique de propagande \u2014 illustre h\u00e9las la r\u00e9gression des libert\u00e9s en Russie et la formidable d\u00e9faite de l\u2019esprit qui accompagne l\u2019imposition\u00a0 de toute dictature.\u00a0<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Dans la Russie poutinienne, l’histoire est un champ de bataille o\u00f9 la m\u00e9moire des atrocit\u00e9s pass\u00e9es lutte contre la r\u00e9\u00e9criture officielle. Le site de Sandormokh en Car\u00e9lie, charnier embl\u00e9matique de la Grande Terreur stalinienne de 1937-1938, est devenu un symbole de la r\u00e9sistance historienne face aux tentatives r\u00e9visionnistes \u2014 et la date du 5 ao\u00fbt, un jour de m\u00e9moire pour ne pas oublier l’horreur.<\/p>\n

C’est \u00e0 l’historien Iouri Dmitriev que l’on doit la documentation de ce massacre. Injustement prisonnier des ge\u00f4les poutiniennes dans des conditions atroces, il n’\u00e9tait pas sur la liste des personnalit\u00e9s lib\u00e9r\u00e9es il y a quelques jours.<\/p>\n

L’historien Nicolas Werth lui rend hommage.<\/p>\n","protected":false},"author":23898,"featured_media":241723,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-studies.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[3729],"tags":[],"geo":[550],"acf":[],"yoast_head":"\nSandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Sandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Dans la Russie poutinienne, l'histoire est un champ de bataille o\u00f9 la m\u00e9moire des atrocit\u00e9s pass\u00e9es lutte contre la r\u00e9\u00e9criture officielle. Le site de Sandormokh en Car\u00e9lie, charnier embl\u00e9matique de la Grande Terreur stalinienne de 1937-1938, est devenu un symbole de la r\u00e9sistance historienne face aux tentatives r\u00e9visionnistes \u2014 et la date du 5 ao\u00fbt, un jour de m\u00e9moire pour ne pas oublier l'horreur. C'est \u00e0 l'historien Iouri Dmitriev que l'on doit la documentation de ce massacre. Injustement prisonnier des ge\u00f4les poutiniennes dans des conditions atroces, il n'\u00e9tait pas sur la liste des personnalit\u00e9s lib\u00e9r\u00e9es il y a quelques jours. L'historien Nicolas Werth lui rend hommage.\" \/>\n<meta property=\"og:url\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/\" \/>\n<meta property=\"og:site_name\" content=\"Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"article:published_time\" content=\"2024-08-07T00:00:00+00:00\" \/>\n<meta property=\"article:modified_time\" content=\"2024-08-07T09:27:01+00:00\" \/>\n<meta property=\"og:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/gc-sandormokh-scaled.jpg\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:width\" content=\"2560\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:height\" content=\"1440\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:type\" content=\"image\/jpeg\" \/>\n<meta name=\"author\" content=\"henrigasquet\" \/>\n<meta name=\"twitter:card\" content=\"summary_large_image\" \/>\n<meta name=\"twitter:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/gc-sandormokh-scaled.jpg\" \/>\n<meta name=\"twitter:label1\" content=\"\u00c9crit par\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data1\" content=\"henrigasquet\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:label2\" content=\"Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data2\" content=\"23 minutes\" \/>\n<script type=\"application\/ld+json\" class=\"yoast-schema-graph\">{\"@context\":\"https:\/\/schema.org\",\"@graph\":[{\"@type\":\"WebPage\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/\",\"name\":\"Sandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent\",\"isPartOf\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\"},\"primaryImageOfPage\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage\"},\"image\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage\"},\"thumbnailUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg\",\"datePublished\":\"2024-08-07T00:00:00+00:00\",\"dateModified\":\"2024-08-07T09:27:01+00:00\",\"author\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/cea98f71417d384cddb305ab1a85dab6\"},\"breadcrumb\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#breadcrumb\"},\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"ReadAction\",\"target\":[\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/\"]}]},{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg\",\"contentUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg\",\"width\":2560,\"height\":1706},{\"@type\":\"BreadcrumbList\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#breadcrumb\",\"itemListElement\":[{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":1,\"name\":\"Accueil\",\"item\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\"},{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":2,\"name\":\"Sandormokh : histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne\"}]},{\"@type\":\"WebSite\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\",\"name\":\"Le Grand Continent\",\"description\":\"L'\u00e9chelle pertinente\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"SearchAction\",\"target\":{\"@type\":\"EntryPoint\",\"urlTemplate\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}\"},\"query-input\":\"required name=search_term_string\"}],\"inLanguage\":\"fr-FR\"},{\"@type\":\"Person\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/cea98f71417d384cddb305ab1a85dab6\",\"name\":\"henrigasquet\",\"image\":{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/\",\"url\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/97f9b27bc3f12eaf1f8edbc4f508ca6d?s=96&d=mm&r=g\",\"contentUrl\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/97f9b27bc3f12eaf1f8edbc4f508ca6d?s=96&d=mm&r=g\",\"caption\":\"henrigasquet\"}}]}<\/script>\n<!-- \/ Yoast SEO plugin. -->","yoast_head_json":{"title":"Sandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent","robots":{"index":"index","follow":"follow","max-snippet":"max-snippet:-1","max-image-preview":"max-image-preview:large","max-video-preview":"max-video-preview:-1"},"canonical":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/","og_locale":"fr_FR","og_type":"article","og_title":"Sandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent","og_description":"Dans la Russie poutinienne, l'histoire est un champ de bataille o\u00f9 la m\u00e9moire des atrocit\u00e9s pass\u00e9es lutte contre la r\u00e9\u00e9criture officielle. Le site de Sandormokh en Car\u00e9lie, charnier embl\u00e9matique de la Grande Terreur stalinienne de 1937-1938, est devenu un symbole de la r\u00e9sistance historienne face aux tentatives r\u00e9visionnistes \u2014 et la date du 5 ao\u00fbt, un jour de m\u00e9moire pour ne pas oublier l'horreur. C'est \u00e0 l'historien Iouri Dmitriev que l'on doit la documentation de ce massacre. Injustement prisonnier des ge\u00f4les poutiniennes dans des conditions atroces, il n'\u00e9tait pas sur la liste des personnalit\u00e9s lib\u00e9r\u00e9es il y a quelques jours. L'historien Nicolas Werth lui rend hommage.","og_url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/","og_site_name":"Le Grand Continent","article_published_time":"2024-08-07T00:00:00+00:00","article_modified_time":"2024-08-07T09:27:01+00:00","og_image":[{"width":2560,"height":1440,"url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/gc-sandormokh-scaled.jpg","type":"image\/jpeg"}],"author":"henrigasquet","twitter_card":"summary_large_image","twitter_image":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/gc-sandormokh-scaled.jpg","twitter_misc":{"\u00c9crit par":"henrigasquet","Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e":"23 minutes"},"schema":{"@context":"https:\/\/schema.org","@graph":[{"@type":"WebPage","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/","name":"Sandormokh: histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne | Le Grand Continent","isPartOf":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website"},"primaryImageOfPage":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage"},"image":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage"},"thumbnailUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg","datePublished":"2024-08-07T00:00:00+00:00","dateModified":"2024-08-07T09:27:01+00:00","author":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/cea98f71417d384cddb305ab1a85dab6"},"breadcrumb":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#breadcrumb"},"inLanguage":"fr-FR","potentialAction":[{"@type":"ReadAction","target":["https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/"]}]},{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#primaryimage","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg","contentUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2024\/07\/31229922338_3cfe87391a_o-scaled.jpg","width":2560,"height":1706},{"@type":"BreadcrumbList","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/08\/07\/sandormokh-histoire-et-memoire-dun-charnier-de-la-grande-terreur-stalinienne\/#breadcrumb","itemListElement":[{"@type":"ListItem","position":1,"name":"Accueil","item":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/"},{"@type":"ListItem","position":2,"name":"Sandormokh : histoire et m\u00e9moire d\u2019un charnier de la Grande Terreur stalinienne"}]},{"@type":"WebSite","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/","name":"Le Grand Continent","description":"L'\u00e9chelle pertinente","potentialAction":[{"@type":"SearchAction","target":{"@type":"EntryPoint","urlTemplate":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}"},"query-input":"required name=search_term_string"}],"inLanguage":"fr-FR"},{"@type":"Person","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/cea98f71417d384cddb305ab1a85dab6","name":"henrigasquet","image":{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/","url":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/97f9b27bc3f12eaf1f8edbc4f508ca6d?s=96&d=mm&r=g","contentUrl":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/97f9b27bc3f12eaf1f8edbc4f508ca6d?s=96&d=mm&r=g","caption":"henrigasquet"}}]}},"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/239576"}],"collection":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/23898"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=239576"}],"version-history":[{"count":18,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/239576\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":241737,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/239576\/revisions\/241737"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media\/241723"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=239576"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=239576"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=239576"},{"taxonomy":"geo","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/geo?post=239576"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}