{"id":231348,"date":"2024-06-04T19:08:12","date_gmt":"2024-06-04T17:08:12","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=231348"},"modified":"2024-06-04T19:08:15","modified_gmt":"2024-06-04T17:08:15","slug":"le-tournant-realiste-de-lesg","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/06\/04\/le-tournant-realiste-de-lesg\/","title":{"rendered":"Le tournant r\u00e9aliste de l\u2019ESG"},"content":{"rendered":"\n
Depuis cinq ans, par nos publications, nos \u00e9tudes et nos cartes nous avons aid\u00e9 plusieurs millions de personnes \u00e0 comprendre l\u2019Europe et le monde.\u00a0Ce travail n’est possible que parce que des lectrices et des lecteurs comme vous d\u00e9cident de soutenir le Grand Continent. Pour franchir le pas et s’abonner \u00e0 la revue \u2014 ou offrir un abonnement \u2014 c’est par ici<\/a>.<\/em><\/p>\n\n\n\n La lutte contre le changement climatique est-elle durablement compromise par les contestations dont les politiques publiques environnementales font aujourd\u2019hui l\u2019objet<\/a> ? En Europe, la critique \u00e9tait traditionnellement l\u2019apanage des partis et gouvernements populistes. Elle s\u2019est \u00e9tendue.<\/p>\n\n\n\n D\u00e8s septembre 2022, les \u00e9lus PPE du Parlement Europ\u00e9en ont appel\u00e9 \u00e0 un \u00ab moratoire \u00bb sur les r\u00e9glementations environnementales europ\u00e9ennes. En mai 2023, Emmanuel Macron <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, puis le Premier ministre belge Alexander De Croo <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> ont r\u00e9clam\u00e9 une \u00ab pause \u00bb dans l\u2019adoption de nouvelles normes environnementales europ\u00e9ennes. Le mois suivant, plusieurs chefs d\u2019\u00c9tat et de gouvernement conservateurs \u2014 Chypre, Lettonie, Su\u00e8de, Gr\u00e8ce, Autriche, Finlande, Croatie et Irlande \u2014 lan\u00e7aient le m\u00eame appel. R\u00e9sultat de cette crispation, plusieurs textes majeurs de fin de l\u00e9gislature n\u2019ont \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9s qu\u2019apr\u00e8s des d\u00e9bats chaotiques \u2014 la directive sur le devoir de vigilance des entreprises par exemple \u2014 s\u2019ils n\u2019ont pas simplement \u00e9t\u00e9 rejet\u00e9s \u2014 comme le r\u00e8glement sur l\u2019usage des pesticides par exemple.<\/p>\n\n\n\n Du c\u00f4t\u00e9 des entreprises, la contestation s\u2019exprime de mani\u00e8re plus ouverte \u00e9galement. D\u2019abord dans le secteur agricole, \u00e0 travers les manifestations contre le Pacte vert qui se sont multipli\u00e9es dans toute l\u2019Europe<\/a> \u2014 France, Allemagne, Roumanie, Pologne, Pays-Bas, etc. \u2014 et ont abouti \u00e0 une r\u00e9vision de la politique agricole commune. Plus largement, en dehors de ce seul secteur, la critique de la politique environnementale prend la forme d\u2019une critique de la \u00ab bureaucratie \u00bb europ\u00e9enne. D\u00e8s juillet 2022, BusinessEurope demandait l\u2019application de la r\u00e8gle \u00ab un ajout, un retrait \u00bb, et appelait mezza voce <\/em>\u00e0 un moratoire r\u00e9glementaire <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La D\u00e9claration d\u2019Anvers <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span> pour un \u00ab Pacte industriel europ\u00e9en \u00bb \u2014 pour compl\u00e9ter le Pacte Vert \u2014, publi\u00e9e en f\u00e9vrier 2024 \u00e0 l\u2019initiative de l\u2019industrie chimique \u2014 et d\u00e9sormais soutenue par pr\u00e8s de 800 entreprises dans 25 secteurs industriels \u2014 appelle de ses v\u0153ux une op\u00e9ration de nettoyage de la r\u00e9glementation europ\u00e9enne \u00ab pour \u00e9liminer l’incoh\u00e9rence r\u00e9glementaire, les objectifs contradictoires, la complexit\u00e9 inutile de la l\u00e9gislation et l’exc\u00e8s de reporting \u00bb, et \u00ab un texte omnibus<\/em> visant \u00e0 corriger toutes les r\u00e9glementations europ\u00e9ennes existantes pertinentes \u00bb. La plupart des textes du Pacte vert europ\u00e9en comportant des clauses de revoyure, le risque de r\u00e9duction des ambitions lors de la prochaine l\u00e9gislature est r\u00e9el. Si un moratoire \u00e9tait institu\u00e9, il faudrait renoncer aux actes d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s qui doivent pr\u00e9ciser certains textes, ce qui pourrait limiter l\u2019ampleur de r\u00e9formes d\u00e9j\u00e0 vot\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n Aux \u00c9tats-Unis, le terme \u00ab ESG \u00bb est d\u00e9sormais clivant et politis\u00e9.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n L\u2019Europe emprunterait-elle le m\u00eame chemin que les \u00c9tats-Unis ? Ces contestations sont-elles l\u2019avant-go\u00fbt d\u2019une remise en cause plus profonde des avanc\u00e9es de la d\u00e9carbonation et de la transformation vers des mod\u00e8les de croissance plus soutenables ?<\/p>\n\n\n Sous la direction de Giuliano da Empoli.<\/p>\n Avec les contributions d\u2019Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cag\u00e9, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t Commandez le nouveau num\u00e9ro papier<\/a><\/span> du Grand Continent chez Gallimard qui para\u00eet cette semaine ou cliquez ici pour vous abonner et recevoir l\u2019int\u00e9gralit\u00e9 de nos produits<\/a><\/span>.<\/strong><\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t Comme on le sait, le sujet est devenu inflammable aux \u00c9tats-Unis, o\u00f9 le terme \u00ab ESG \u00bb, qui d\u00e9signe les crit\u00e8res d\u2019\u00e9valuation des pratiques des entreprises en mati\u00e8re environnementale (E), sociale (S) et de gouvernance (G), est d\u00e9sormais clivant et politis\u00e9. Larry Fink, CEO de BlackRock, premier g\u00e9rant d\u2019actifs dans le monde, a d\u00e9cid\u00e9 de ne plus l\u2019employer <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u2014 en 2020, il avait expliqu\u00e9 en d\u00e9tail dans sa lettre annuelle aux investisseurs comment BlackRock int\u00e9grait d\u00e9sormais l\u2019ESG dans toutes ses proc\u00e9dures d\u2019investissement <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. C\u00f4t\u00e9 R\u00e9publicains, le combat anti-ESG est devenu un argument politique : l\u2019ESG menacerait les libert\u00e9s, le mode de vie am\u00e9ricain et l\u2019emploi. Plusieurs \u00c9tats \u00e0 majorit\u00e9 r\u00e9publicaine ont d\u00e9cid\u00e9 d\u2019interdire aux fonds de pension de l\u2019\u00c9tat d\u2019utiliser des crit\u00e8res ESG dans les choix d\u2019investissement, d\u2019\u00e9carter des march\u00e9s publics les entreprises engag\u00e9es dans la lutte contre le climat, la promotion de la diversit\u00e9, etc., ou\/et de boycotter les institutions financi\u00e8res qui se d\u00e9sengagent ouvertement des \u00e9nergies fossiles \u2014 et des armes \u00e0 feu <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Par prudence, pour \u00e9viter de se retrouver pi\u00e9g\u00e9es dans ce d\u00e9bat politique, plusieurs banques, gestionnaires d\u2019actifs et soci\u00e9t\u00e9s d\u2019assurance se sont retir\u00e9es d\u2019initiatives embl\u00e9matiques de la mobilisation du secteur financier contre le r\u00e9chauffement climatique, comme Climate Action 100+, qui r\u00e9unit plus de 700 investisseurs, ou encore la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), la principale coalition d\u2019institutions financi\u00e8res sur le sujet, qui regroupe la Net-Zero Banking Alliance, la Net-Zero Asset Owner Alliance, la Net-Zero Asset Manager Alliance, et la Net-Zero Insurance Alliance.<\/p>\n\n\n\n Ces retraits interpellent d\u2019autant plus que la politisation de l\u2019ESG aux \u00c9tats-Unis pourrait ne pas en \u00eatre l\u2019unique cause.<\/p>\n\n\n\n Plusieurs banques, gestionnaires d\u2019actifs et soci\u00e9t\u00e9s d\u2019assurance se sont retir\u00e9es d\u2019initiatives embl\u00e9matiques de la mobilisation du secteur financier contre le r\u00e9chauffement climatique<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Plusieurs d\u00e9parts de Climate Action 100+ ont en effet co\u00efncid\u00e9 avec l\u2019annonce d\u2019une nouvelle phase de l\u2019initiative, qui est devenue plus ambitieuse en d\u00e9cidant de travailler sur la mise en \u0153uvre effective des plans de transition climatique dans les entreprises. Quant aux d\u00e9parts de la GFANZ, ils ont eu lieu au moment o\u00f9 l\u2019organisation \u00e9tait anim\u00e9e par des d\u00e9bats internes sur une prise en compte plus stricte des \u00e9missions de carbone des entreprises p\u00e9troli\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n Quel que soit le motif de ces d\u00e9parts, le temps des engagements vagues et g\u00e9n\u00e9raux est termin\u00e9. Et ce n\u2019est pas, en soi, une mauvaise chose.<\/p>\n\n\n\n Au moment de la COP26 de Glascow en 2021, de nombreuses entreprises avaient pris l\u2019engagement d\u2019atteindre la neutralit\u00e9 carbone en 2050 (\u00ab net zero<\/em> \u00bb). Elles avaient deux ans pour le pr\u00e9ciser. La Science Based Targets Initiative (SBTi), un organisme de r\u00e9f\u00e9rence qui v\u00e9rifie la pertinence des objectifs climat et leur conformit\u00e9 \u00e0 la cible de 1,5\u00b0C fix\u00e9e par l\u2019Accord de Paris, vient de refuser la validation \u00e0 239 entreprises <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u2014 le plus souvent en raison de difficult\u00e9s \u00e0 r\u00e9duire les \u00e9missions dans le p\u00e9rim\u00e8tre 3, c\u2019est-\u00e0-dire les \u00e9missions de la cha\u00eene de valeur de l\u2019entreprise autres que celles des activit\u00e9s propres et de l’\u00e9nergie qu’elle utilise.<\/p>\n\n\n\n Le temps des engagements vagues et g\u00e9n\u00e9raux est termin\u00e9. Et ce n\u2019est pas, en soi, une mauvaise chose.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les crit\u00e8res ESG ont trop souvent \u00e9t\u00e9 le terreau d\u2019engagements sans plan d\u2019action concret, o\u00f9 les indicateurs de r\u00e9sultat \u00e9taient moins nombreux que les d\u00e9clarations d\u2019intention. L\u2019\u00e9cr\u00e9mage en cours est le signe d\u2019une plus grande maturit\u00e9. Les politiques ESG s\u2019\u00e9cartent progressivement du champ de la communication et gagnent en s\u00e9rieux. SBTi a \u00e9cart\u00e9 239 entreprises, mais en a valid\u00e9 4 204 en 2023, le double de 2022. Si plusieurs entreprises importantes ont certes quitt\u00e9 Climate Action 100+, la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) et les alliances sectorielles qui la composent, ces initiatives continuent \u00e0 jouer un r\u00f4le clef dans la mobilisation du secteur financier. Quant au mouvement anti-ESG aux \u00c9tats-Unis, il fait face \u00e0 une r\u00e9action \u00ab anti-anti-ESG \u00bb : plusieurs \u00c9tats ont adopt\u00e9 des l\u00e9gislations qui obligent les fonds de pension de l\u2019\u00c9tat \u00e0 int\u00e9grer les crit\u00e8res ESG dans les d\u00e9cisions d\u2019investissement. Dans d\u2019autres \u00c9tats, o\u00f9 une l\u00e9gislation anti-ESG avait \u00e9t\u00e9 annonc\u00e9e, la proc\u00e9dure l\u00e9gislative est bloqu\u00e9e, faute d\u2019accord entre le gouverneur et les chambres, ou entre les chambres <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Enfin, la Securities and Exchange Commission (SEC), l\u2019agence f\u00e9d\u00e9rale am\u00e9ricaine en charge du contr\u00f4le des march\u00e9s financiers, a adopt\u00e9 en mars 2024 une nouvelle r\u00e8gle qui constitue un progr\u00e8s notable dans la lutte contre le changement climatique. Les entreprises relevant de la comp\u00e9tence de la SEC devront ainsi communiquer sur les risques climatiques significatifs pour leur activit\u00e9, les mesures et la gouvernance mises en place pour y r\u00e9pondre, et leurs \u00e9missions de gaz \u00e0 effet de serre dans les p\u00e9rim\u00e8tres 1 (\u00e9missions des activit\u00e9s propres de l\u2019entreprise) et 2 (\u00e9missions de l’\u00e9nergie qu\u2019elle ach\u00e8te et consomme). Certes, \u00e0 la diff\u00e9rence de la r\u00e9glementation europ\u00e9enne comparable (CSRD), la SEC n\u2019impose pas d\u2019obligation de communication sur le p\u00e9rim\u00e8tre 3. La nouvelle r\u00e8gle a par ailleurs fait imm\u00e9diatement l\u2019objet de plusieurs recours \u2014 qui ont conduit la SEC \u00e0 en suspendre l\u2019application jusqu\u2019aux jugements. Mais il s\u2019agit d\u2019une avanc\u00e9e majeure, qui confirme que l\u2019offensive anti-ESG est tout sauf consensuelle.<\/p>\n\n\n\n En Europe, la contestation contre le Pacte vert europ\u00e9en est, l\u00e0 encore, loin d\u2019\u00eatre univoque.<\/p>\n\n\n\n Il y a clairement un r\u00e9flexe de panique de la part de responsables politiques inquiets de la mont\u00e9e du populisme, qui a pourtant des causes bien plus profondes que les politiques environnementales. C\u00f4t\u00e9 organisations d\u2019employeurs, on saisit le moment pour reprendre les arguments habituels sur le trop plein de r\u00e9glementations. N\u00e9anmoins, et plus profond\u00e9ment, c\u2019est l\u2019approche \u00ab tout-r\u00e9glementaire \u00bb et le d\u00e9s\u00e9quilibre de la politique industrielle europ\u00e9enne qui sont avant tout critiqu\u00e9s. Le Pacte vert a privil\u00e9gi\u00e9 les r\u00e9glementations car il \u00e9tait plus facile aux \u00c9tats membres de s\u2019accorder sur une nouvelle r\u00e9glementation que sur un nouveau fonds \u2014 surtout s\u2019il doit \u00eatre mutualis\u00e9. Mais la lutte contre le changement climatique ne peut pas \u00eatre qu\u2019une affaire de r\u00e9gulations. Face aux co\u00fbts de la transition, reste \u00e0 d\u00e9finir une r\u00e9partition claire de la charge et des financements entre l\u2019Union, les \u00c9tats, les entreprises et les individus. C\u2019est le sens premier de la D\u00e9claration d\u2019Anvers, d\u00e9j\u00e0 mentionn\u00e9e, o\u00f9 les industriels ont r\u00e9clam\u00e9 l\u2019\u00e9quivalent europ\u00e9en de l\u2019Inflation Reduction Act<\/em> (IRA) pour aider les entreprises, notamment l\u2019industrie lourde, dans la transition, et soutenir la comp\u00e9titivit\u00e9 du continent europ\u00e9en. Comme l\u2019indique Enrico Letta dans son r\u00e9cent rapport<\/a> <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>, \u00ab afin d’\u00e9viter un backlash politique, la question du soutien financier et de la r\u00e9partition des co\u00fbts de la transition (…) doit trouver des r\u00e9ponses claires, directes et transparentes \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Les crit\u00e8res ESG ont trop souvent \u00e9t\u00e9 le terreau d\u2019engagements sans plan d\u2019action concret, o\u00f9 les indicateurs de r\u00e9sultat \u00e9taient moins nombreux que les d\u00e9clarations d\u2019intention. L\u2019\u00e9cr\u00e9mage en cours est le signe d\u2019une plus grande maturit\u00e9.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Poser la question du financement et de la r\u00e9partition, c\u2019est admettre la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019agir. En d\u00e9pit des critiques, le mouvement de transformation vers des mod\u00e8les plus soutenables est lanc\u00e9. Il est trop lent au regard de l\u2019urgence climatique et sociale, mais plusieurs dynamiques en cours laissent penser que cette \u00e9volution est irr\u00e9versible.<\/p>\n\n\n\n Tout d\u2019abord les nouvelles r\u00e8gles qui r\u00e9gissent la communication des entreprises sur leurs performances ESG.<\/p>\n\n\n\n Jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent, cette communication, \u00e9galement appel\u00e9e \u00ab communication extra-financi\u00e8re \u00bb ou \u00ab reporting ESG \u00bb, \u00e9tait foisonnante mais peu coh\u00e9rente. Quelques r\u00e9glementations \u00e9parses pr\u00e9cisaient les informations \u00e0 collecter et \u00e0 publier \u2014 par exemple le bilan carbone, l\u2019\u00e9quilibre hommes-femmes, le plan de vigilance droits humains, etc. Ces obligations de communication \u00e9taient toutefois trop incompl\u00e8tes pour permettre de mesurer la performance ESG de l\u2019entreprise. D\u2019o\u00f9 l\u2019\u00e9mergence d\u2019une multitude de standards, labels, et notations utilisant des m\u00e9thodologies diff\u00e9rentes, parfois peu transparentes. Avec des r\u00e9sultats incertains. Souvenons-nous par exemple qu\u2019Orp\u00e9a \u00e9tait tr\u00e8s bien not\u00e9e par les organismes d\u2019\u00e9valuation de la performance ESG avant qu\u2019on ne d\u00e9couvre le syst\u00e8me de maltraitance mis en place\u2026<\/p>\n\n\n\n Dans un tel foisonnement, il \u00e9tait difficile de comparer la performance ESG des entreprises. Pour sortir de cette situation confuse \u2014 \u00e9galement appel\u00e9e \u00ab Alphabet Soup \u00bb \u2014, un mouvement d\u2019harmonisation des standards a \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9, qui a commenc\u00e9 par le climat et touche progressivement l\u2019ensemble du champ de l\u2019ESG. <\/p>\n\n\n\n La directive europ\u00e9enne sur l\u2019information de durabilit\u00e9 (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD) porte sur l\u2019ensemble des crit\u00e8res ESG : climat, pollution, eau, formation, diversit\u00e9, salaires, etc. Elle est applicable depuis le 1er janvier 2024 aux grandes entreprises europ\u00e9ennes et non-europ\u00e9ennes \u2014 plus de 500 salari\u00e9s et chiffre d\u2019affaires sup\u00e9rieur \u00e0 40 millions d\u2019euros ou bilan sup\u00e9rieur \u00e0 20 millions \u2014, et le sera \u00e0 partir de 2025 aux entreprises de plus de 250 salari\u00e9s, puis aux PME cot\u00e9es \u00e0 partir de 2026. \u00c0 terme, cette nouvelle r\u00e9glementation devrait s\u2019appliquer \u00e0 plus de 50 000 entreprises europ\u00e9ennes ou op\u00e9rant en Europe, sans compter les entreprises qui d\u00e9cideront de s\u2019y conformer sans y \u00eatre oblig\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n L\u2019Europe n\u2019est pas isol\u00e9e : la dynamique de renforcement et d\u2019harmonisation du reporting ESG est mondiale. L\u2019International Sustainability Standards Board<\/em> (ISSB), \u00e9manation de l\u2019International Financial Reporting Standards<\/em> (IFRS), qui \u00e9tablit \u00e9galement les standards mondiaux de comptabilit\u00e9 financi\u00e8re via<\/em> l\u2019International Accounting Standards Board<\/em> (IASB), a publi\u00e9 en 2023 un standard mondial sur les principes du reporting de durabilit\u00e9 et un autre centr\u00e9 sur le climat. Le standard ISSB devient la r\u00e9f\u00e9rence de grands standards priv\u00e9s, et de r\u00e9glementations adopt\u00e9es hors de l\u2019Union europ\u00e9enne, par exemple en Turquie, au Br\u00e9sil, \u00e0 Singapour, et au Japon. Les \u00c9tats-Unis, comme mentionn\u00e9 ci-dessus, ont \u00e9galement d\u00e9cid\u00e9, \u00e0 l\u2019initiative la Security Exchange Commission (SEC), de renforcer les r\u00e8gles de reporting<\/em> climat. La Chine vient d\u2019adopter sa propre r\u00e9glementation sur le sujet. Et l\u2019on pourrait continuer la liste.<\/p>\n\n\n\n Ce mouvement est profond. Il correspond \u00e0 une demande forte de transparence et de comparabilit\u00e9 de la performance ESG des entreprises, exprim\u00e9e par les gouvernements, les investisseurs et les ONG, mais aussi par certaines entreprises, les plus engag\u00e9es, qui se sont lass\u00e9es du greenwashing<\/em> et du socialwashing<\/em> de leurs concurrentes. L\u2019extraordinaire rapidit\u00e9 avec laquelle ces nouveaux standards ont \u00e9t\u00e9 mis en place doit \u00eatre remarqu\u00e9e : le projet initial de CSRD date d\u2019avril 2021 ; l\u2019ISSB a \u00e9t\u00e9 annonc\u00e9e \u00e0 la COP26 de 2021 ; et la SEC a commenc\u00e9 \u00e0 travailler en 2022. L\u2019adoption de ces textes tr\u00e8s techniques a pris moins de trois ans.\u00a0<\/p>\n\n\n\n L\u2019Europe n\u2019est pas isol\u00e9e : la dynamique de renforcement et d\u2019harmonisation du reporting ESG est mondiale.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ces obligations de transparence constituent de puissants leviers de transformation. Dans un premier temps, cela repr\u00e9sente un co\u00fbt important pour les entreprises \u2014 surtout pour celles qui se contentaient de labels bienveillants. Mais \u00e0 terme, la transparence est une incitation au changement, d\u2019autant plus si l\u2019on y ajoute les nouvelles r\u00e9glementations imposant des obligations de reporting<\/em> sp\u00e9cifique et de tra\u00e7abilit\u00e9 de produit critiques, par exemple le r\u00e8glement europ\u00e9en contre la d\u00e9forestation, la directive europ\u00e9enne sur la due diligence<\/em> en mati\u00e8re de durabilit\u00e9, ou le Uyghur Forced Labor Prevention Act<\/em> (UFLPA) aux \u00c9tats-Unis.<\/p>\n\n\n\n On constate dans le m\u00eame temps un glissement de la d\u00e9marche ESG vers une approche plus \u00ab business \u00bb, fond\u00e9e sur les b\u00e9n\u00e9fices \u00e9conomiques et financiers de la transformation.<\/p>\n\n\n\n Les objectifs ESG \u00e9taient historiquement con\u00e7us comme relevant de l\u2019esprit de responsabilit\u00e9 de l\u2019entreprise vis-\u00e0-vis de ses parties prenantes. Le concept comptable de mat\u00e9rialit\u00e9 a par la suite \u00e9t\u00e9 transpos\u00e9 au champ de l\u2019ESG, en analysant l\u2019impact financier des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance sur l\u2019entreprise. Un sujet ESG devient \u00ab mat\u00e9riel \u00bb \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire important \u2014 s\u2019il a, ou pourrait avoir, une influence sur les r\u00e9sultats de l\u2019entreprise, sa tr\u00e9sorerie, son acc\u00e8s au financement ou le co\u00fbt du capital. L\u2019analyse de la \u00ab mat\u00e9rialit\u00e9 financi\u00e8re \u00bb se retrouve au c\u0153ur de tous les standards de reporting ESG. Certains standards ajoutent une autre dimension de mat\u00e9rialit\u00e9, la \u00ab mat\u00e9rialit\u00e9 d\u2019impact \u00bb, qui analyse les effets de l\u2019activit\u00e9 de l\u2019entreprise sur l\u2019environnement et la soci\u00e9t\u00e9. La combinaison des deux constitue la \u00ab double mat\u00e9rialit\u00e9 \u00bb, qui structure la r\u00e9glementation europ\u00e9enne de la CSRD.<\/p>\n\n\n Sous la direction de Giuliano da Empoli.<\/p>\n Avec les contributions d\u2019Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cag\u00e9, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t Commandez le nouveau num\u00e9ro papier<\/a><\/span> du Grand Continent chez Gallimard qui para\u00eet cette semaine ou cliquez ici pour vous abonner et recevoir l\u2019int\u00e9gralit\u00e9 de nos produits<\/a><\/span>.<\/strong><\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t La \u00ab mat\u00e9rialit\u00e9 financi\u00e8re \u00bb rapproche le langage de la durabilit\u00e9 du langage financier auquel est habitu\u00e9e l\u2019entreprise. C\u2019est un concept clef pour les investisseurs, qui ont \u00e9t\u00e9 largement \u00e0 l\u2019origine des premi\u00e8res lignes directrices mondiales fixant les principes du reporting<\/em> extra-financier pour l\u2019ensemble des standards. Sur le climat tout d\u2019abord, avec les recommandations de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures<\/em> (TCFD) publi\u00e9es en 2017, puis sur la nature, avec les recommandations de la Task Force on Nature-Related Financial Disclosures<\/em> (TNFD) publi\u00e9es en 2023.<\/p>\n\n\n\n La \u00ab mat\u00e9rialit\u00e9 financi\u00e8re \u00bb rapproche le langage de la durabilit\u00e9 du langage financier auquel est habitu\u00e9e l\u2019entreprise.\u00a0<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n L\u2019approche business<\/em> de l\u2019ESG conduit \u00e0 se poser plusieurs questions : comment mesurer les b\u00e9n\u00e9fices concrets de l\u2019ESG pour l\u2019entreprise ? Peut-on les chiffrer ? En 2014, Robert Eccles, Ioannis Ioannou, et George Serafeim ont compar\u00e9 les performances financi\u00e8res d\u2019un \u00e9chantillon d\u2019entreprises am\u00e9ricaines consid\u00e9r\u00e9es comme engag\u00e9es sur l\u2019ESG car ayant mis en place des politiques sp\u00e9cifiques sur le sujet, avec d\u2019autres qui ne l\u2019\u00e9taient pas. L\u2019\u00e9tude a conclu que les premi\u00e8res \u00ab surpassaient significativement leurs homologues sur le long terme, \u00e0 la fois en termes de performance boursi\u00e8re et comptable \u00bb <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Fr\u00e9quemment cit\u00e9, cet article a toutefois \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s d\u00e9battu. C\u2019est que le lien entre ESG et performance financi\u00e8re n\u2019est pas facile \u00e0 \u00e9tablir. Certains travaux scientifiques concluent \u00e0 la surperformance des entreprises ESG. D\u2019autres non \u2014 en particulier dans le contexte r\u00e9cent o\u00f9 les profits des entreprises p\u00e9troli\u00e8res ont explos\u00e9. Quand il y a surperformance, \u00e0 quoi est-elle due ? Est-elle caus\u00e9e par des facteurs ESG ? Est-ce une relation de causalit\u00e9 ou une simple corr\u00e9lation ? Est-ce parce que les actifs dits ESG sont s\u00e9lectionn\u00e9s avec plus de soin que les autres ou qu\u2019ils auraient un rendement sup\u00e9rieur ? Ou parce que les entreprises du secteur des nouvelles technologies \u2014 traditionnellement surperformantes \u2014 y sont surrepr\u00e9sent\u00e9es ? <\/p>\n\n\n\n L\u2019un des \u00e9cueils de l\u2019analyse tient \u00e0 la difficult\u00e9 \u00e0 \u00e9laborer un index global de la performance ESG. L\u2019harmonisation des standards de reporting<\/em> autour de concepts, d\u00e9finitions et indicateurs communs devrait y rem\u00e9dier, mais le mouvement d\u2019harmonisation est encore incomplet. Il est tr\u00e8s avanc\u00e9 sur le climat, moins sur la nature, et limit\u00e9 sur le social et la gouvernance. Les informations collect\u00e9es sur un m\u00eame sujet peuvent varier d\u2019un standard \u00e0 l\u2019autre, de m\u00eame que leur pond\u00e9ration dans un index global. De nombreuses \u00e9tudes ont soulign\u00e9 la faible corr\u00e9lation entre les notes \u00e9mises par les principales agences de notation ESG. Cons\u00e9quence du manque de coh\u00e9rence entre les m\u00e9thodologies des agences, le coefficient de corr\u00e9lation se situe en effet entre 0,4 et 0,7 selon les travaux \u2014 ce qui est tr\u00e8s faible. Par comparaison, les coefficients sont sup\u00e9rieurs \u00e0 0,9 pour la notation financi\u00e8re. <\/p>\n\n\n\n En revanche, si l\u2019on mesure les b\u00e9n\u00e9fices des politiques ESG au niveau de chacune de leurs composantes \u2014 climat, biodiversit\u00e9, salaires, \u00e9quilibre femmes-hommes, etc. \u2014 l\u2019analyse reste complexe, mais des tendances se d\u00e9gagent, qui soulignent l\u2019int\u00e9gration croissante de l\u2019ESG dans les processus de d\u00e9cision.<\/p>\n\n\n\n Sur le climat<\/em><\/p>\n\n\n\n Selon une \u00e9tude de la Banque europ\u00e9enne d\u2019investissement, la majorit\u00e9 des entreprises europ\u00e9ennes et am\u00e9ricaines reconnaissent leur vuln\u00e9rabilit\u00e9 au risque climatique <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>. S&P Global a calcul\u00e9 que les co\u00fbts des risques physiques li\u00e9s aux seuls \u00e9v\u00e9nements climatiques extr\u00eames repr\u00e9senteraient, en l\u2019absence de mesures d\u2019adaptation, plus de 3 % de la valeur des entreprises de l\u2019indice S&P Global 1200 \u2014 qui porte sur 70 % de la capitalisation boursi\u00e8re mondiale \u2014 en 2050, et pr\u00e8s de 9 % en 2090 <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Par n\u00e9cessit\u00e9 op\u00e9rationnelle, les entreprises s\u2019engagent donc dans des mesures d\u2019adaptation au d\u00e9r\u00e8glement climatique qui touchent l\u2019ensemble de leur cha\u00eene de valeur, en amont et en aval. L\u2019inaction serait une faute de gestion. Face au risque de rupture en cas d\u2019\u00e9v\u00e9nements climatiques extr\u00eames \u2014 inondation, cyclone, etc. \u2014 les entreprises diversifient leurs cha\u00eenes d\u2019approvisionnement. Pour limiter l\u2019impact n\u00e9gatif du r\u00e9chauffement climatique et de la d\u00e9forestation sur la productivit\u00e9 agricole, elles promeuvent de nouvelles pratiques plus soutenables. Dans un contexte de rar\u00e9faction de la ressource en eau, elles transforment les processus de production industrielle pour r\u00e9duire leur consommation.<\/p>\n\n\n\n L\u2019inaction serait une faute de gestion. Face au risque de rupture en cas d\u2019\u00e9v\u00e9nements climatiques extr\u00eames \u2014 inondation, cyclone, etc. \u2014 les entreprises diversifient leurs cha\u00eenes d\u2019approvisionnement.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En mati\u00e8re de r\u00e9duction des \u00e9missions de gaz \u00e0 effet de serre, l\u2019analyse co\u00fbts\/b\u00e9n\u00e9fices au niveau de l\u2019entreprise est plus complexe. D\u2019ailleurs, seule une minorit\u00e9 d\u2019entreprises calcule avec pr\u00e9cision ses \u00e9missions de carbone <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le r\u00f4le des autorit\u00e9s publiques est donc d\u00e9terminant pour s\u2019assurer de l\u2019atteinte de l\u2019objectif collectif de neutralit\u00e9 carbone en 2050. Un cercle vertueux pourrait toutefois se mettre en place avec la diffusion des strat\u00e9gies de d\u00e9carbonation dans les entreprises, et la multiplication d\u2019exemples de retours sur investissement positifs \u2014 am\u00e9lioration de l\u2019efficacit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique, r\u00e9duction de la volatilit\u00e9 des prix de l\u2019\u00e9nergie gr\u00e2ce \u00e0 une diversification des sources d\u2019\u00e9nergie, etc. D\u2019autre part, les obligations de transparence mises en place par les nouveaux standards et r\u00e9glementations de reporting<\/em> extra-financier devraient avoir un effet incitatif puissant. Si elle n\u2019est pas en mesure de pr\u00e9senter une feuille de route s\u00e9rieuse vers la neutralit\u00e9 carbone, une entreprise prend le risque de d\u00e9tourner ses clients, ou de r\u00e9duire ses possibilit\u00e9s de financement aupr\u00e8s d\u2019investisseurs devenus plus exigeants.<\/p>\n\n\n\n Dans le champ social<\/em><\/p>\n\n\n\n La promotion de la diversit\u00e9 dans les entreprises n\u2019est r\u00e9glement\u00e9e que dans quelques pays. Elle est pourtant devenue un principe de bonne gouvernance \u2014 pourquoi ? Parce que la diversit\u00e9 de genres et d’origines dans l\u2019entreprise aurait un impact positif sur sa performance. Plusieurs investisseurs ont lanc\u00e9 des \u00e9tudes pour essayer de le pr\u00e9ciser. Selon BlackRock, par exemple, la diversit\u00e9 femmes-hommes des \u00e9quipes aurait un impact positif sur la performance financi\u00e8re <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Selon Ossiam, ce serait la diversit\u00e9 de genres et de nationalit\u00e9s dans la composition des conseils d\u2019administration <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La promotion de la diversit\u00e9 de genres et d’origines est d\u00e9sormais consid\u00e9r\u00e9e par les responsables de ressources humaines comme un \u00e9l\u00e9ment essentiel de l\u2019attractivit\u00e9 d\u2019une entreprise. Pour les plus grandes d\u2019entre elles, c\u2019est un argument indispensable pour recruter et retenir les jeunes dipl\u00f4m\u00e9s qui sont attentifs \u00e0 la diversit\u00e9 des \u00e9quipes qu\u2019ils rejoignent, et des dirigeants qui incarnent l\u2019entreprise.<\/p>\n\n\n\n En mati\u00e8re de politique salariale, le d\u00e9bat sur la r\u00e9mun\u00e9ration des dirigeants a naturellement conduit \u00e0 se poser la question de l\u2019int\u00e9r\u00eat de l\u2019entreprise. Parmi les \u00e9tudes r\u00e9alis\u00e9es pour mesurer l\u2019impact du niveau de r\u00e9mun\u00e9ration du PDG sur la performance financi\u00e8re, on peut mentionner une nouvelle fois celle d\u2019Ossiam qui, couvrant 440 entreprises de 16 pays europ\u00e9ens, constate que les entreprises o\u00f9 la r\u00e9mun\u00e9ration totale du PDG est plus faible auraient une performance sup\u00e9rieure \u00e0 celles o\u00f9 elle est plus \u00e9lev\u00e9e <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span>. \u00c0 l\u2019autre extr\u00e9mit\u00e9 de l\u2019\u00e9ventail des salaires, l\u2019objectif de garantir un \u00ab salaire d\u00e9cent \u00bb fait l\u2019objet d\u2019un argumentaire int\u00e9ressant de la part des entreprises qui en ont pris l\u2019engagement : elles invoquent l\u2019esprit de responsabilit\u00e9, mais aussi des arguments \u00e9conomiques, en faisant valoir que garantir un salaire d\u00e9cent aurait un effet positif sur la motivation des \u00e9quipes, et diminuerait les co\u00fbts de recrutement en faisant d\u00e9cro\u00eetre le turnover<\/em>. Chez les sous-traitants et les fournisseurs, garantir un salaire d\u00e9cent contribuerait au respect des droits humains, limitant ainsi le risque d’atteinte \u00e0 la r\u00e9putation, et renforcerait la r\u00e9silience de la cha\u00eene d’approvisionnement <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Les entreprises o\u00f9 la r\u00e9mun\u00e9ration totale du PDG est plus faible auraient une performance sup\u00e9rieure \u00e0 celles o\u00f9 elle est plus \u00e9lev\u00e9e.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Dans chacun de ces exemples, les pratiques ESG affectent des activit\u00e9s au c\u0153ur de l\u2019entreprise : op\u00e9rations, recrutements, salaires, achats, etc. <\/p>\n\n\n\n Elles ne sont pas p\u00e9riph\u00e9riques, mais sont int\u00e9gr\u00e9es au processus de cr\u00e9ation de valeur dans l\u2019entreprise. Elles font l\u2019objet d\u2019une analyse en termes de co\u00fbts et de b\u00e9n\u00e9fices, de retour sur investissement et d\u2019avantages comparatifs par rapport \u00e0 la concurrence. <\/p>\n\n\n\n Nous proposons d\u2019appeler cette approche pragmatique la \u00ab RealESG<\/em> \u00bb. <\/p>\n\n\n\n Comme la Realpolitik<\/em>, sa logique est fond\u00e9e sur l\u2019int\u00e9r\u00eat de l\u2019entreprise \u2014 ananogue ici \u00e0 l\u2019int\u00e9r\u00eat national \u2014 influenc\u00e9 par le jeu des concurrents \u2014 les sph\u00e8res d\u2019influence \u2014 et ind\u00e9pendant de toute consid\u00e9ration morale ou id\u00e9ologique. Elle n\u2019est pas exclusive d\u2019une approche en termes de responsabilit\u00e9 vis-\u00e0-vis des parties prenantes \u2014 de m\u00eame que la Realpolitik <\/em>peut s\u2019articuler \u00e0 des m\u00e9canismes de s\u00e9curit\u00e9 collective \u2014, et elle peut \u00eatre influenc\u00e9e par les incitations publiques. Mais elle est dot\u00e9e d\u2019une dynamique propre, ancr\u00e9e dans une vision business<\/em> des b\u00e9n\u00e9fices de l\u2019action et du co\u00fbt de l\u2019inaction.<\/p>\n\n\n\n La RealESG<\/em> est dot\u00e9e d\u2019une dynamique propre, ancr\u00e9e dans une vision business<\/em> des b\u00e9n\u00e9fices de l\u2019action et du co\u00fbt de l\u2019inaction.<\/p>Camille Putois<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Pour autant, l\u2019int\u00e9r\u00eat bien compris des entreprises ne suffit pas \u00e0 lui seul \u00e0 promouvoir la transition des entreprises vers des mod\u00e8les plus soutenables. Les limites de l\u2019approche volontaire sont connues. <\/p>\n\n\n\n Les entreprises ont tendance \u00e0 sous-\u00e9valuer les risques environnementaux et sociaux, en raison de leur complexit\u00e9 et de leurs interactions, et \u00e0 donner la priorit\u00e9 aux risques \u00e0 court et moyen terme, quand ceux du long terme pourraient \u00eatre plus d\u00e9vastateurs. L\u2019aversion au changement ralentit la transformation des pratiques. H\u00e9ritage d\u2019ann\u00e9es de politiques ESG floues et superficielles, les b\u00e9n\u00e9fices de l\u2019ESG sont encore mal mesur\u00e9s \u2014 et rarement mon\u00e9tis\u00e9s. Quand ils le sont, l\u2019in\u00e9gale r\u00e9partition des co\u00fbts, l\u2019incertitude sur leur financement et l\u2019instabilit\u00e9 du cadre r\u00e9glementaire freinent la transition. Derni\u00e8re limite de l\u2019approche volontaire, probablement la plus difficile \u00e0 d\u00e9passer, la pression du court terme p\u00e8se sur les dirigeants, dans un contexte o\u00f9 le turnover<\/em> des PDG s\u2019acc\u00e9l\u00e8re <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n N\u00e9anmoins, l\u2019approche pragmatique de la transformation environnementale et sociale se diffuse, sous l\u2019effet des obligations de transparence, et d\u2019arguments concrets, op\u00e9rationnels, et de plus en plus financiers, en faveur d\u2019un mod\u00e8le plus soutenable et plus \u00e9quitable. Cette approche n\u2019est ni universelle, ni consensuelle. Elle repose encore trop sur les initiatives individuelles. Mais elle s\u2019enracine \u2014 et elle ne s\u2019effondrera pas si les gouvernements reculent. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Pour les entreprises, une nouvelle \u00e8re s\u2019est ouverte. Elle est in\u00e9luctable.<\/p>\n Longtemps pr\u00e9textes \u00e0 des d\u00e9clarations d\u2019intention sans plan d\u2019action concrets, les crit\u00e8res ESG sont en train de changer de nature. Politis\u00e9s par les uns, d\u00e9cri\u00e9s par les autres, ils s\u2019\u00e9cartent progressivement du champ de la communication pour gagner en s\u00e9rieux. 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\n\t\t\t\t\t\t\t\t<\/a> \n\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t<\/div>\n<\/section>\n\n\n\nLe d\u00e9but des engagements s\u00e9rieux ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
De nouvelles r\u00e8gles pour changer la donne<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\n\t\t\t\t\t\t\t\t<\/a> \n\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t<\/div>\n<\/section>\n\n\n\nL\u2019\u00e8re de la <\/strong>RealESG<\/em><\/strong><\/h2>\n\n\n\n