{"id":224879,"date":"2024-04-06T06:00:00","date_gmt":"2024-04-06T04:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=224879"},"modified":"2024-04-07T16:05:00","modified_gmt":"2024-04-07T14:05:00","slug":"celle-qui-conte-na-pas-de-haine-dans-son-coeur-une-conversation-avec-scholastique-mukasonga","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/04\/06\/celle-qui-conte-na-pas-de-haine-dans-son-coeur-une-conversation-avec-scholastique-mukasonga\/","title":{"rendered":"\u00ab Celle qui conte n\u2019a pas de haine dans son c\u0153ur \u00bb, une conversation avec Scholastique Mukasonga"},"content":{"rendered":"\n

Il y a tout juste cinq ans, le Grand Continent paraissait pour la premi\u00e8re fois. Mis en ligne dans la nuit du 6 au 7 avril 2019, le premier dossier de la revue \u00e9tait consacr\u00e9 au g\u00e9nocide des Tutsi au Rwanda, dont on comm\u00e9morait alors le 25e anniversaire. \u00c0 cette occasion, en partenariat avec l\u2019\u00c9cole normale sup\u00e9rieure et Sciences Po, le Groupe d\u2019\u00e9tudes g\u00e9opolitiques <\/em>organisait un colloque fondateur pour renouveler ce champ<\/em><\/a>. Depuis, nous n\u2019avons eu de cesse de mobiliser les signatures les plus pertinentes pour continuer ce travail : des historiens <\/em>Florent Piton<\/em><\/a> et <\/em>Vincent Duclert<\/em><\/a> au <\/em>cin\u00e9aste Christophe Cotteret<\/em><\/a>, en passant par les \u00e9crivains <\/em>Ga\u00ebl Faye<\/em><\/a> et, aujourd\u2019hui, Scholastique Mukasonga ou encore <\/em>le survivant Charles Habonimana<\/em><\/a>. Si vous pensez que ce travail est important et qu\u2019il m\u00e9rite d\u2019\u00eatre soutenu, <\/em>nous vous demandons de penser \u00e0 vous abonner \u00e0 la revue<\/em><\/a>.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Dans votre avant-dernier roman, Sister Deborah<\/em> (2022) comme pr\u00e9c\u00e9demment avec C\u0153ur Tambour<\/em> (2016) et Kibogo est mont\u00e9 au ciel<\/em> (2020), vous vous \u00e9loignez de l\u2019histoire r\u00e9cente du Rwanda et du g\u00e9nocide des Tutsi, qui \u00e9taient \u00e9voqu\u00e9s par vos premi\u00e8res \u0153uvres, pour remonter \u00e0 des \u00e9pisodes plus anciens : la colonisation, l\u2019\u00e9vang\u00e9lisation, les l\u00e9gendes et les mythes. Vous \u00e9largissez aussi le domaine g\u00e9ographique de votre \u00e9criture jusqu\u2019aux Antilles, aux \u00c9tats-Unis ou au Br\u00e9sil. Comment cette \u00e9volution s\u2019est-elle op\u00e9r\u00e9e ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Pour vous r\u00e9pondre, il faut d\u2019abord \u00ab remonter dans le pass\u00e9 du Rwanda \u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire d\u00e9construire le fatras de falsifications historiques et id\u00e9ologiques accumul\u00e9 par l\u2019anthropologie raciale du XIXe si\u00e8cle et qui persista jusque dans la premi\u00e8re moiti\u00e9 du XXe. Sur le Rwanda, o\u00f9 l\u2019on situait avec plus ou moins de pr\u00e9cisions les sources du Nil, s\u2019\u00e9taient accumul\u00e9es les l\u00e9gendes : les inaccessibles Montagnes de la Lune se devaient d\u2019\u00eatre habit\u00e9es par des \u00eatres fabuleux, tout juste sortis des temps h\u00e9ro\u00efques. Aux rumeurs rapport\u00e9es par les explorateurs, se m\u00ealaient sans doute pour un public avide d\u2019exotisme et de myst\u00e8re ce que Jean-Lo\u00efc Le Quellec appelle \u00ab les r\u00e9cits du monde perdu \u00bb (lost race tales<\/em>, en anglais) o\u00f9 le h\u00e9ros d\u00e9couvre au c\u0153ur de la jungle ou du d\u00e9sert un monde perdu sur lequel r\u00e8gne une reine, g\u00e9n\u00e9ralement blanche, \u00e0 la beaut\u00e9 fatale et fascinante. L\u2019auteur le plus embl\u00e9matique du genre est sans doute Henry Rider Haggard et son cycle de romans autour de la figure de She, la princesse qui au fond d\u2019un volcan \u00e9teint attend depuis deux mille ans le retour de son amant. Je fais des allusions, bien \u00e9videmment ironiques, \u00e0 ce genre de roman colonial dans C\u0153ur tambour. <\/em>La bande dessin\u00e9e de Julien, l\u2019amant quelque peu platonique de Prisca, d\u00e9veloppe les m\u00eames th\u00e8mes narratifs mais ici la reine est noire puisque Julien dessine Prisca en reine du royaume perdu ; il en est de m\u00eame pour le film pour lequel le tambourinaire James Rwatangabo est engag\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

En 1956, on projeta \u00e0 la cour royale de Nyanza le film Les Mines du roi Salomon, <\/em>adapt\u00e9 du roman de Hagard et tourn\u00e9 en partie au Rwanda. Ce fut une s\u00e9ance solennelle \u00e0 laquelle assistaient le mwami et la reine Rosalie Gicanda, v\u00eatue d\u2019un vaporeux voile rose p\u00e2le. Au Rwanda certains ent\u00e9rinaient dangereusement les mythes b\u00e2tis \u00e0 leur sujet par les Europ\u00e9ens. Dans Notre Dame du Nil, <\/em>V\u00e9ronica accepte de tenir le r\u00f4le d\u2019Isis dans le d\u00e9lire d\u00e9cadent de monsieur de Fontenaille et cela pour son plus grand malheur.<\/p>\n\n\n\n

Sur le Rwanda, o\u00f9 l\u2019on situait avec plus ou moins de pr\u00e9cisions les sources du Nil, s\u2019\u00e9taient accumul\u00e9es les l\u00e9gendes : les inaccessibles Montagnes de la Lune se devaient d\u2019\u00eatre habit\u00e9es par des \u00eatres fabuleux, tout juste sortis des temps h\u00e9ro\u00efques. <\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En cette fin du XIXe si\u00e8cle, le Rwanda est une terra incognita<\/em>, la derni\u00e8re tache blanche sur une carte de l\u2019Afrique que viennent de se partager \u00e0 Berlin les puissances europ\u00e9ennes. Il faut vite occuper le terrain attribu\u00e9 et les Allemands cherchent \u00e0 s\u2019imposer avant les Belges et les Anglais. En 1897, le capitaine Ramsay se pr\u00e9sente \u00e0 la cour du roi Musinga et signe un trait\u00e9 d\u2019amiti\u00e9 avec lui \u2014 il s\u2019agit en r\u00e9alit\u00e9 d\u2019un trait\u00e9 instituant le protectorat. <\/p>\n\n\n\n

Les envahisseurs ont d\u00e9j\u00e0 dress\u00e9 le portrait-robot des indig\u00e8nes : les Tutsi, puisque c\u2019est avant tout d\u2019eux qu\u2019il s\u2019agit, sont tous de tr\u00e8s grande taille, ils ont la peau claire, le nez droit. On v\u00e9rifiera en mesurant le volume des cr\u00e2nes, la longueur du nez. La conclusion est imparable : les Tutsi ne sont pas des Africains, c\u2019est-\u00e0-dire des Bantus au nez \u00e9pat\u00e9. Du reste, comment des Africains primitifs auraient-ils pu concevoir autour de la royaut\u00e9 sacr\u00e9e des rituels aussi sophistiqu\u00e9s que ceux des Pharaons ? Il est \u00e9vident qu\u2019ils sont venus d\u2019ailleurs. Les savants ne sont pas en reste pour proposer le point de d\u00e9part de ce peuple : ils viendraient d\u2019\u00c9thiopie bien s\u00fbr, mais peut-\u00eatre aussi d\u2019\u00c9gypte ou du Caucase et pourquoi, avec leur immense troupeau de vaches aux grandes cornes, n\u2019auraient-ils pas d\u00e9val\u00e9 du Tibet, \u00e0 moins que les pasteurs des Mille Collines soient les restes \u00e9gar\u00e9s des dix tribus perdues d\u2019Isra\u00ebl ? La Bible, en fin de compte, pourrait fournir la clef de l\u2019\u00e9nigme : les Tutsi sont des Hamites, descendants de Ham ou de Cham, un des fils de No\u00e9. On a ainsi trouv\u00e9 le nom d\u2019une nouvelle race, les Hamites \u2014 plus tout \u00e0 fait blanche, pas tout \u00e0 fait noire. Charles Seligman, dans son ouvrage Races of Africa <\/em>(1930) fournit une brillante synth\u00e8se de ces \u00e9lucubrations : \u00ab Les civilisations africaines sont des civilisations hamites : leur histoire rapporte l\u2019interaction de ces peuples avec les Noirs et les Bushmen. Les Hamites nouvellement arriv\u00e9s par vagues successives \u00e9taient des bergers \u201ceurop\u00e9ens\u201d, mieux arm\u00e9s, \u00e0 l\u2019esprit plus vif que les agriculteurs Noirs. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Au Rwanda certains ent\u00e9rinaient dangereusement les mythes b\u00e2tis \u00e0 leur sujet par les Europ\u00e9ens.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ainsi les structures \u00e9conomiques de la soci\u00e9t\u00e9 traditionnelle, dans laquelle les Tutsi sont pasteurs, les Hutu agriculteurs, et les Twa potiers ou chasseurs, vont \u00eatre interpr\u00e9t\u00e9es en termes d\u2019invasion, de races, de f\u00e9odalit\u00e9. Les Tutsi vont \u00eatre d\u00e9crits comme des \u00e9trangers dans leur propre pays \u2014 les premiers colonisateurs. De son c\u00f4t\u00e9, l\u2019\u00e9lite Hutu, form\u00e9e dans les s\u00e9minaires, \u00e9tait pr\u00eate \u00e0 renvoyer la minorit\u00e9 Tutsi dans le Nil. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019\u00e9radication des croyances religieuses anciennes fut men\u00e9e avec un succ\u00e8s apparemment \u00e9gal. Les Belges, qui, apr\u00e8s la Premi\u00e8re Guerre mondiale, avaient re\u00e7u un mandat sur le Rwanda et le Burundi de la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations, confi\u00e8rent l\u2019\u00e9ducation aux missions et principalement aux P\u00e8res blancs : \u00e0 eux d\u2019apporter dans les t\u00e9n\u00e8bres de l\u2019Afrique les lumi\u00e8res de la civilisation. L\u2019id\u00e9e de fonder en Afrique un royaume chr\u00e9tien figurait au programme de leur fondateur, monseigneur Lavigerie, archev\u00eaque d\u2019Alger. Ses disciples s\u2019y employ\u00e8rent avec ardeur au Rwanda. La d\u00e9position en 1931 du roi Musinga, hostile au christianisme, entra\u00eena le ralliement des chefs et \u00e0 leur suite de toute la population. Ces bapt\u00eames de masse furent c\u00e9l\u00e9br\u00e9s dans la revue missionnaire Grands Lacs<\/em> comme une v\u00e9ritable tornade du Saint Esprit : \u00eatre trait\u00e9 de pa\u00efen devint la pire des injures. Le bapt\u00eame consacrait l\u2019entr\u00e9e dans la \u00ab civilisation \u00bb. Mon p\u00e8re nous lisait chaque soir un passage de la Bible et il n\u2019\u00e9tait pas peu fier d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 choisi pour diriger, au village, l\u2019important mouvement des Enfants de Marie. Ma m\u00e8re, plus circonspecte, invoquait la Vierge Marie et, dans les cas graves, avait recours \u00e0 Nyabingi \u2014 l\u2019esprit f\u00e9minin sp\u00e9cialiste des maladies propres aux Rwandais.<\/p>\n\n\n\n

Ma m\u00e8re invoquait la Vierge Marie et, dans les cas graves, avait recours \u00e0 Nyabingi \u2014 l\u2019esprit f\u00e9minin sp\u00e9cialiste des maladies propres aux Rwandais.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Apr\u00e8s l\u2019ind\u00e9pendance, l\u2019arriv\u00e9e au pouvoir d\u2019une \u00e9lite hutu form\u00e9e dans les s\u00e9minaires et ayant int\u00e9gr\u00e9e l\u2019id\u00e9ologie raciale de ses ma\u00eetres aggrava encore ce ph\u00e9nom\u00e8ne d’acculturation. Si comme les missionnaires, ils rejetaient violemment les croyances anciennes, ils censuraient avec la m\u00eame vigueur la culture traditionnelle consid\u00e9r\u00e9e comme tutsi et produite \u00e0 la cour royale : po\u00e9sies et rituels furent jug\u00e9s incompatibles avec la r\u00e9publique paysanne et chr\u00e9tienne qui venait d\u2019\u00eatre proclam\u00e9e. Ainsi fut banni le tambour, instrument embl\u00e8me du Rwanda mais trop associ\u00e9 aux manifestations charismatiques du pouvoir royal, ou encore les danses des femmes, jug\u00e9es trop hi\u00e9ratiques et donc \u00e9thiopiennes. La litt\u00e9rature orale traditionnelle, les r\u00e9cits historiques, les g\u00e9n\u00e9alogies, les po\u00e9sies h\u00e9ro\u00efques n\u2019\u00e9taient pas autoris\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9cole, quel que soit le niveau, alors m\u00eame que ces \u0153uvres faisaient l\u2019objet de recherches et de publications de la part d\u2019ethnologues occidentaux, dont les travaux paraissaient dans des revues scientifiques qui restaient n\u00e9anmoins inaccessibles aux Rwandais, m\u00eame lettr\u00e9s. Les fondements racistes des deux r\u00e9publiques hutu amput\u00e8rent le Rwanda d\u2019une grande partie de sa culture et de son histoire. C\u2019est entre autres dans la diaspora tutsi que se perp\u00e9tueront et se transmettront ces arts.<\/p>\n\n\n\n

Mes deux premiers livres, Inyenzi ou les <\/em>cafards et La femme aux pieds nus<\/em> sont essentiellement autobiographiques : ce sont les tombeaux de papier que je me devais d\u2019\u00e9riger pour ceux qui ont p\u00e9ri lors du g\u00e9nocide des Tutsi en 1994. C\u2019est avec mon troisi\u00e8me livre, un recueil de nouvelles, L\u2019Iguifou<\/em>, que je me suis risqu\u00e9e \u00e0 la fiction. Le livre suivant, Notre-Dame du Nil, <\/em>m\u2019a consacr\u00e9e comme romanci\u00e8re \u00e0 part enti\u00e8re en remportant le prix Renaudot. Le roman, il est vrai, m\u2019a permis, en prenant une certaine distance avec mon histoire personnelle, d\u2019aborder par le recours \u00e0 la fiction des th\u00e8mes comme l\u2019histoire du Rwanda et ses falsifications, la condition f\u00e9minine, ou encore le choc des traditions religieuses traditionnelles avec l\u2019importation du christianisme sous toutes ses formes. <\/p>\n\n\n\n

Mes deux premiers livres sont les tombeaux de papier que je me devais d\u2019\u00e9riger pour ceux qui ont p\u00e9ri lors du g\u00e9nocide des Tutsi en 1994.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais le roman m\u2019a permis aussi d\u2019\u00e9largir le domaine de mon \u00e9criture au-del\u00e0 des mille collines du Rwanda. De par sa position g\u00e9ographique, de par son histoire coloniale et r\u00e9cente, le Rwanda est rest\u00e9 un pays enclav\u00e9. Selon les paroles malheureuses d\u2019un pr\u00e9sident fran\u00e7ais, le Rwanda, comme l\u2019Afrique, est entr\u00e9 tardivement dans l\u2019histoire \u2014 l\u2019histoire europ\u00e9enne bien s\u00fbr. Et c\u2019est heureux pour les Rwandais d\u2019y \u00eatre entr\u00e9s encore plus tardivement : au moins, ils ne sont pas entr\u00e9s dans l\u2019histoire des Europ\u00e9ens par l\u2019esclavage ! Mais ils n\u2019ont pas \u00e9chapp\u00e9 au colonialisme et au grand enfermement que leur a fait subir une acculturation culturelle et religieuse sur laquelle je reviendrai \u00e0 propos de la censure qui pesait sur la litt\u00e9rature africaine francophone. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est d\u2019abord par l\u2019exil que j\u2019ai d\u00e9couvert que le monde s\u2019\u00e9tendait bien au-del\u00e0 de l\u2019horizon que l\u2019on pouvait apercevoir depuis les collines du Rwanda. Mais ce sont mes livres qui, ayant acquis une certaine audience internationale, ont consid\u00e9rablement \u00e9largi le domaine g\u00e9ographique de mon \u00e9criture. Des invitations \u00e0 des tourn\u00e9es litt\u00e9raires m\u2019ont conduite un peu partout en Europe, en Afrique, aux \u00c9tats-Unis. J\u2019ai parcouru le Br\u00e9sil, Rio et S\u00e3o Paulo bien s\u00fbr mais aussi Paraty, Tiradentes, Porto Alegre, Maring\u00e0, Belo Horizonte. Je garde un souvenir inoubliable de mon intervention \u00e0 Rio \u00e0 la favela<\/em> Vigidal. Partout ma pr\u00e9sence provoquait une ferveur que je croyais r\u00e9serv\u00e9e \u00e0 un joueur de football ou \u00e0 une rock star. Je fus re\u00e7ue \u00e0 sa demande par le pr\u00e9sident Lula dans son Institut \u00e0 S\u00e3o Paulo : \u00ab L\u2019Atlantique n\u2019est qu\u2019un ruisseau entre le Br\u00e9sil et l\u2019Afrique, m\u2019avait-il alors d\u00e9clar\u00e9 \u00bb Cette phrase m\u2019avait \u00e9mue et troubl\u00e9e : le Rwanda, si \u00e9loign\u00e9 de l\u2019Oc\u00e9an, pouvait-il faire partie de cet Atlantique noir, comme l\u2019a appel\u00e9 Paul Gilroy, que semblait pr\u00f4ner Lula<\/a> ? <\/p>\n\n\n\n

Les fondements racistes des deux r\u00e9publiques hutu amput\u00e8rent le Rwanda d\u2019une grande partie de sa culture et de son histoire. C\u2019est entre autres dans la diaspora tutsi que se perp\u00e9tueront et se transmettront ces arts.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e0 la Guadeloupe que j\u2019obtins une r\u00e9ponse. Sous la conduite de Marie-Line Dahomey, autrice et musicienne passionn\u00e9e par l\u2019h\u00e9ritage africain de son \u00eele, j\u2019effectuai un p\u00e8lerinage sur les lieux de m\u00e9moire de l\u2019esclavage. Elle me conduisit, apr\u00e8s l\u2019escalier monumental dit \u00ab marches des esclaves \u00bb de Petit-Canal et le cimeti\u00e8res des esclaves de l\u2019anse de Sainte-Marguerite, au \u00ab Village international du Ka et des tambours du sud \u00bb, sorte de mus\u00e9e-sanctuaire d\u00e9di\u00e9 aux tambours, que domine le grand tambour Fondal Ka, un tambour monumental de 3,20 m\u00e8tres de haut. Une inscription, sur son socle, pr\u00e9cise : \u00ab Durant l\u2019esclavage, nos anc\u00eatres africains d\u00e9port\u00e9s am\u00e8nent en terre de Guadeloupe leurs tambours sacr\u00e9s et rituels : ainsi na\u00eetra le tambour-ka\u2026<\/em> \u00bb. <\/em>Il me parut urgent d\u2019ajouter les tambours sacr\u00e9s du Rwanda \u00e0 ceux des Cara\u00efbes et c\u2019est ainsi que naquit l\u2019id\u00e9e de mon roman C\u0153ur Tambour <\/em>dans lequel, autour de la rwandaise Prisca alias Kitami et son tambour sacr\u00e9 Rugina, viennent battre les tambours gwoka de la Guadeloupe, rasta de la Jama\u00efque, asotor de Ha\u00efti et bien d\u2019autres que les tambourinaires rencontrent dans leurs tourn\u00e9es. Par le battement des tambours, les vagues de l\u2019Atlantique noir pouvaient bien battre aussi les flancs du volcan Karisimbi !<\/p>\n\n\n\n

Vous \u00eates entr\u00e9e en litt\u00e9rature par l\u2019exp\u00e9rience du deuil, celle de la perte de tous vos proches dans le g\u00e9nocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Votre \u00ab trilogie rwandaise \u00bb (Inyenzi ou les Cafards<\/em>, 2006, La femme aux pieds nus<\/em>, 2008, Notre-Dame du Nil<\/em>, 2012), est n\u00e9e de la n\u00e9cessit\u00e9 de conserver la trace des disparus. Vous employez souvent les images du tombeau de papier ou du suaire tiss\u00e9 de mots. Seriez-vous devenue \u00e9crivaine sans ce traumatisme ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je l’ai souvent dit et \u00e9crit : \u00ab C’est le g\u00e9nocide des Tutsi au Rwanda en avril\/juin 1994 qui a fait de moi une \u00e9crivaine. \u00bb Mes deux premiers livres, Inyenzi ou les cafards<\/em>, La femme aux pieds nus<\/em>, sont bien ces tombeaux de papier que je me devais d\u2019\u00e9riger pour les miens et tous ceux dont les ossements sont enfouis p\u00eale-m\u00eale dans des fosses communes ou dispers\u00e9s dans la brousse, d\u00e9chiquet\u00e9s sous les dents des hy\u00e8nes et des chacals. Mon devoir de survivante \u00e9tait de les exhumer de l\u2019anonymat du g\u00e9nocide.<\/p>\n\n\n\n

Rien ne me pr\u00e9parait pourtant \u00e0 devenir \u00e9crivaine. Bien s\u00fbr, je parlais et \u00e9crivais le fran\u00e7ais. C\u2019est parce que mon fr\u00e8re Andr\u00e9 et moi le pratiquions couramment que les parents nous avaient choisis pour l\u2019exil : le fran\u00e7ais constituait \u00e0 leurs yeux un passeport international. \u00c0 Nyamata, on apprenait le fran\u00e7ais d\u00e8s la premi\u00e8re ann\u00e9e de l\u2019\u00e9cole primaire. Les instituteurs qui faisaient partie des exil\u00e9s s\u2019\u00e9taient empress\u00e9s de rouvrir des classes, d\u2019abord sous les grands ficus, puis avec l\u2019aide de la mission dans des baraques de briques crues. Pour aller \u00e0 l\u2019\u00e9cole, il suffisait de fournir un certificat de bapt\u00eame \u2014 ou, \u00e0 d\u00e9faut, un pr\u00e9nom chr\u00e9tien suffisait et le mien, Sikolasitika, \u00e9tait irr\u00e9futable \u2014 et se procurer un uniforme : robe bleue pour les filles, short et chemisettes kaki pour les gar\u00e7ons. Payer le tissu et le tailleur constituaient de grosses d\u00e9penses pour les familles. Il fallait y consacrer tout ce qu\u2019avait pu rapporter la vente de notre maigre r\u00e9colte de caf\u00e9 et maman devait renoncer au beau pagne tout neuf que les m\u00e8res de famille se devaient de porter le dimanche pour aller \u00e0 la grand\u2019messe.<\/p>\n\n\n\n

Mon devoir de survivante \u00e9tait d\u2019exhumer mes proches de l\u2019anonymat du g\u00e9nocide.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En classe, nous r\u00e9p\u00e9tions avec ardeur les mots fran\u00e7ais que le ma\u00eetre avait \u00e9crit au tableau et qu\u2019il pronon\u00e7ait en d\u00e9tachant bien les syllabes. Ces mots, nous les retrouvions align\u00e9s en colonne sur quelques feuillets mal stencil\u00e9s qui constituaient notre seul manuel scolaire et nous les apprenions par c\u0153ur tout en accomplissant les innombrables t\u00e2ches m\u00e9nag\u00e8res qui nous attendaient, nous, les filles au retour \u00e0 la maison. Je remplissais ma m\u00e9moire d\u2019un tr\u00e9sor de mots nouveaux.<\/p>\n\n\n\n

Du fran\u00e7ais, nous n\u2019avions gu\u00e8re l\u2019usage en dehors de l\u2019\u00e9cole. Le Rwanda a la chance d\u2019avoir une langue nationale parl\u00e9e par tous les Rwandais : le kinyarwanda. Le fran\u00e7ais est rest\u00e9 longtemps pour moi la langue de l\u2019\u00e9crit. Je l\u2019ai \u00e9crit avant de le parler et aujourd\u2019hui encore, il me semble qu\u2019avant de prononcer un mot fran\u00e7ais, il faut que je l\u2019\u00e9crive dans ma t\u00eate. Au lyc\u00e9e Notre-Dame de C\u00eeteaux, \u00e0 Kigali, o\u00f9 \u00e0 l\u2019\u00e9tonnement g\u00e9n\u00e9ral je fus admise en d\u00e9pit du quota de 10 % qui limitait l\u2019acc\u00e8s des Tutsi au secondaire, parler fran\u00e7ais \u00e9tait obligatoire, et le kinyarwanda proscrit sauf pendant les quelques heures de cours consacr\u00e9es \u00e0 la langue nationale. Mais le fran\u00e7ais que nous enseignaient les professeurs coop\u00e9rant belges ou fran\u00e7ais n\u2019avait aucun rapport avec la litt\u00e9rature. <\/p>\n\n\n\n

Aucun \u00e9cho de la litt\u00e9rature francophone africaine n\u2019\u00e9tait parvenu \u00e0 franchir les murs de l\u2019\u00e9tablissement. Je n\u2019y ai jamais entendu les noms de Camara Laye, Sembene Ousmane, Cheikh Hamidou Kane, Ferdinand Oyono, etc. Le fran\u00e7ais dispens\u00e9 dans les cours \u00e9tait pragmatique, adapt\u00e9 sans doute \u00e0 ce qui \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme les capacit\u00e9s restreintes d\u2019un cerveau africain. Je n\u2019ai pas souvenir de l\u2019existence d\u2019une biblioth\u00e8que dans cet \u00e9tablissement prestigieux, qui \u00e9tait cens\u00e9 former l\u2019\u00e9lite f\u00e9minine du pays. Les intellectuels rwandais de l\u2019\u00e9poque \u2014 et bien s\u00fbr, ce n\u2019\u00e9tait que des hommes puisqu\u2019ils \u00e9taient form\u00e9s dans les s\u00e9minaires \u2014 se voulaient historiens, sociologues, voire th\u00e9ologiens. L\u2019abb\u00e9 Alexis Kagame peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme l\u2019auteur embl\u00e9matique de l\u2019\u00e9poque. On lui doit d\u2019avoir sauv\u00e9 et transcrit les traditions de la cour royale. Il passe sa th\u00e8se \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 gr\u00e9gorienne pontificale de Rome, La philosophie bantoue rwandaise de l\u2019\u00eatre, <\/em>publi\u00e9e en 1966. Il est l\u2019auteur d’une \u0153uvre consid\u00e9rable qu\u2019il signe toujours : Alexis Kagame, pr\u00eatre du clerg\u00e9 indig\u00e8ne. On trouve notamment une \u00e9pop\u00e9e en kinyarwanda, Le chantre du Ma\u00eetre-de-la-Cr\u00e9ation, (Umulilimbyi Nyilibiremwa) <\/em>qu\u2019on a pu comparer \u00e0 La l\u00e9gende des si\u00e8cles <\/em>de Victor Hugo. On voit qu\u2019on est loin des romans des auteurs francophones de l\u2019Afrique de l\u2019Ouest.<\/p>\n\n\n\n

Le fran\u00e7ais est rest\u00e9 longtemps pour moi la langue de l\u2019\u00e9crit. Il me semble qu\u2019avant de prononcer un mot fran\u00e7ais, il faut que je l\u2019\u00e9crive dans ma t\u00eate.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n\n

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J\u2019\u00e9tais en France pendant ces mois d\u2019avril \u00e0 juin 1994 o\u00f9 l\u2019horreur se d\u00e9cha\u00eenait sur le Rwanda. Je n\u2019avais gu\u00e8re d\u2019espoir \u00e0 propos des miens. Je savais bien qu\u2019\u00e0 Nyamata, puisqu\u2019il n\u2019y avait que des Tutsi, il n\u2019y aurait pas de survivants. C\u2019est une lettre re\u00e7ue tardivement du Rwanda qui m\u2019apporta la confirmation du d\u00e9sastre : une liste de 37 noms. C\u2019\u00e9tait toute ma famille rest\u00e9e au Rwanda qui avait \u00e9t\u00e9 assassin\u00e9e. Il ne restait plus que leurs noms au p\u00e9ril de ma m\u00e9moire. Dans la peur panique de perdre cette m\u00e9moire, je consignai leurs noms sur un cahier d\u2019\u00e9colier \u00e0 couverture bleue. Et j\u2019entrepris de nommer un \u00e0 un, non seulement les miens, mais tous ceux de mon village, tous ceux de Gitagata \u2014 l\u2019un des villages de regroupement des \u00ab d\u00e9plac\u00e9s \u00bb [apr\u00e8s une premi\u00e8re s\u00e9rie de massacres en 1959] o\u00f9 j\u2019ai pass\u00e9 mon enfance. Il fallait les nommer un \u00e0 un, sans en oublier aucun.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est une lettre re\u00e7ue tardivement du Rwanda qui m\u2019apporta la confirmation du d\u00e9sastre : une liste de 37 noms. C\u2019\u00e9tait toute ma famille rest\u00e9e au Rwanda qui avait \u00e9t\u00e9 assassin\u00e9e.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Autour de ces noms, vinrent s\u2019agr\u00e9ger des souvenirs, \u00e9mouvants, dr\u00f4les parfois, tout le quotidien de ce petit monde villageois, toujours menac\u00e9, mais acharn\u00e9 \u00e0 survivre co\u00fbte que co\u00fbte. C\u2019est peut-\u00eatre un mythe que je me suis forg\u00e9 pour att\u00e9nuer la culpabilit\u00e9 d\u2019\u00eatre survivante : comment me justifier d\u2019\u00eatre encore en vie, alors qu\u2019Antoine, mon fr\u00e8re a\u00een\u00e9, sa femme et ses sept enfants et tous les autres avaient \u00e9t\u00e9 massacr\u00e9s ? Si mes parents nous avaient choisis pour l\u2019exil, mon fr\u00e8re Andr\u00e9 et moi, ce n\u2019\u00e9tait pas seulement parce que nous parlions fran\u00e7ais, mais surtout pour conserver la m\u00e9moire de tous ceux dont les meurtriers avaient voulu \u00e9radiquer toutes traces, nier leur existence. Mon p\u00e8re m\u2019avait pouss\u00e9e presque de force jusqu\u2019\u00e0 la porte de l\u2019\u00e9cole alors que pour moi, le seul avenir concevable \u00e9tait de rester pr\u00e8s de ma m\u00e8re \u00e0 cultiver notre champ. Je veux croire qu\u2019il pressentait qu\u2019un jour, je serai leur m\u00e9moire quand viendrait l\u2019heure de leur mort. C\u2019\u00e9tait un devoir sacr\u00e9 dont il m\u2019avait charg\u00e9e et ces mots, ces phrases, jet\u00e9es en d\u00e9sordre sur mon cahier \u00e9taient autant de petites victoires, de d\u00e9fis jet\u00e9s \u00e0 l\u2019oubli qui aurait \u00e9t\u00e9 leur seconde mort.<\/p>\n\n\n\n

Longtemps, je n\u2019ai pas trouv\u00e9 en moi la force de retourner au Rwanda. Ce n\u2019est qu\u2019en 2004, que je me suis r\u00e9solue \u00e0 affronter l\u2019indicible horreur. Comme je m\u2019y attendais, je n\u2019ai rien retrouv\u00e9. J\u2019avais eu bien du mal \u00e0 reconna\u00eetre l\u2019emplacement de la case et du champ familial. La brousse avait tout envahi. Impossible de p\u00e9n\u00e9trer ce taillis d\u2019\u00e9pineux ac\u00e9r\u00e9s. Et comment reconna\u00eetre les siens dans le grand ossuaire de l\u2019\u00e9glise de la mission de Nyamata, cr\u00e2ne parmi les cr\u00e2nes, os parmi tant d\u2019ossements ?<\/p>\n\n\n\n

Comment me justifier d\u2019\u00eatre encore en vie, alors qu\u2019Antoine, mon fr\u00e8re a\u00een\u00e9, sa femme et ses sept enfants et tous les autres avaient \u00e9t\u00e9 massacr\u00e9s ? <\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

C\u2019est au retour de ce vain p\u00e8lerinage que je me suis r\u00e9solue \u00e0 mettre en forme les notes \u00e9parses jet\u00e9es sur mon cahier durant mes nuits sans sommeil. Mon livre serait le tombeau qu\u2019on avait refus\u00e9 \u00e0 tous ceux qui avaient p\u00e9ri sous les machettes des tueurs. Encore fallait-il que cette tombe soit digne d\u2019eux. Mon p\u00e8re ignorait le fran\u00e7ais mais exigeait que ses enfants parlent un \u00ab beau kinyarwanda \u00bb : je m\u2019effor\u00e7ais d\u2019\u00e9crire mon premier livre en \u00ab bon fran\u00e7ais \u00bb. J\u2019envoyais mon tapuscrit \u00e0 divers \u00e9diteurs. Je ne fus m\u00eame pas \u00e9tonn\u00e9e quand je re\u00e7us quelques semaines plus tard un coup de t\u00e9l\u00e9phone de Jean-No\u00ebl Schifano : Gallimard acceptait de publier mon livre dans la collection Continents noirs. Je ne crois pas avoir bien compris alors que j\u2019allais devenir une \u00e9crivaine.<\/p>\n\n\n\n

Devenir \u00e9crivaine ? bien s\u00fbr j\u2019avais pour guide l\u2019amour de mon p\u00e8re pour le \u00ab beau langage \u00bb mais surtout pour mod\u00e8le le talent de ma m\u00e8re : St\u00e9fania \u00e9tait une conteuse r\u00e9put\u00e9e m\u00eame si, dans notre exil de Gitagata, elle avait perdu une grande partie de son auditoire qui se r\u00e9duisait le plus souvent \u00e0 ses trois filles, Julienne, Jeanne et moi-m\u00eame, rest\u00e9es \u00e0 la maison. St\u00e9fania, malgr\u00e9 les menaces de mort, la mis\u00e8re et la faim qui pesaient sur nous, retrouvait chaque soir le plaisir de conter. Et c\u2019est bien pour cela que plut\u00f4t qu\u2019\u00e9crivaine, j\u2019aime me dire conteuse et j\u2019imagine que c\u2019est elle qui se penche \u00e0 mes c\u00f4t\u00e9s sur l\u2019ordinateur. Et je me r\u00e9p\u00e8te souvent le proverbe avec lequel St\u00e9fania aimait conclure ses r\u00e9citals nocturnes : Uca umugani ntagira inabi ku mutima<\/em> (\u00ab Celui ou celle qui conte n\u2019a pas de haine dans son c\u0153ur \u00bb).<\/p>\n\n\n\n

\u00c9crivaine, bien s\u00fbr que je le suis devenue, m\u00eame si c\u2019est un peu malgr\u00e9 moi. Ma vocation premi\u00e8re \u00e9tait d\u2019\u00eatre assistante sociale et j\u2019ai exerc\u00e9 cette profession au Burundi, en France, en Basse-Normandie. J\u2019aime encore me pr\u00e9senter comme assistante sociale. J\u2019ai choisi apr\u00e8s la troisi\u00e8me ann\u00e9e au Lyc\u00e9e de Kigali d\u2019entrer \u00e0 l\u2019\u00e9cole de formation des assistantes sociales de Butare plut\u00f4t que de continuer mes \u00e9tudes jusqu\u2019\u00e0 la classe terminale et \u00e0 l\u2019examen dit des Humanit\u00e9s qui donnait la possibilit\u00e9 d\u2019acc\u00e9der \u00e0 l\u2019universit\u00e9. J\u2019esp\u00e9rais que cette profession me permettrait de revenir \u00e0 Nyamata travailler aupr\u00e8s des exil\u00e9s pour am\u00e9liorer leur condition de vie et partager avec eux le savoir que j\u2019avais acquis, \u00eatre leur ambassadrice aupr\u00e8s des autorit\u00e9s locales.<\/p>\n\n\n\n

Mon livre serait le tombeau qu\u2019on avait refus\u00e9 \u00e0 tous ceux qui avaient p\u00e9ri sous les machettes des tueurs. Encore fallait-il que cette tombe soit digne d\u2019eux.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En 1973, le gouvernement chassa les fonctionnaires et les \u00e9l\u00e8ves tutsi des administrations et des \u00e9tablissements secondaires. J\u2019\u00e9chappai de peu au lynchage par les gar\u00e7ons du coll\u00e8ge voisin guid\u00e9s par mes camarades hutu. J\u2019ai donc \u00e9t\u00e9 contrainte de m\u2019exiler au Burundi voisin. J\u2019ai repris les \u00e9tudes \u00e0 Gitega et j\u2019ai obtenu le dipl\u00f4me burundais. J\u2019ai exerc\u00e9 mon m\u00e9tier dans le cadre de l\u2019UNICEF et de la FAO aupr\u00e8s des paysannes des collines du Burundi.\u00a0Mon mari, fran\u00e7ais, ayant \u00e9t\u00e9 mut\u00e9 \u00e0 Djibouti, j\u2019y ai cherch\u00e9 en vain un emploi : on ignorait apparemment quelle pouvait \u00eatre l\u2019utilit\u00e9 d\u2019une telle profession.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

En France, mon dipl\u00f4me burundais n\u2019\u00e9tant pas reconnu, j\u2019ai repass\u00e9 les concours et les examens et obtenu enfin le bon dipl\u00f4me. J\u2019ai exerc\u00e9 ainsi pendant 20 ans ma profession \u00e0 travers le bocage du Bessin ou les collines du pays d\u2019Auge. J\u2019ai toujours dit que le m\u00e9tier d\u2019assistant sociale ne consiste pas seulement \u00e0 aider \u00e0 faire valoir leurs droits \u00e0 ceux qui risquent de passer \u00e0 c\u00f4t\u00e9 et \u00e0 am\u00e9liorer leur situation. Ce n\u2019est jamais \u00e0 sens unique. Lorsque j\u2019ai eu \u00e0 g\u00e9rer le lourd fardeau d\u2019\u00eatre survivante, j\u2019ai pu trouver un certain r\u00e9confort gr\u00e2ce \u00e0 ma profession qui me permettait de me sentir toujours utile \u00e0 l\u2019autre, que ma vie, m\u00eame apr\u00e8s la mort des miens, n\u2019\u00e9tait pas injuste et inutile. C\u2019est peut-\u00eatre ce qui m\u2019a soutenu et m\u2019a permis de mettre par \u00e9crit cette douloureuse histoire si lourde \u00e0 porter toute seule. \u00c9crire, c\u2019est aussi pr\u00eater ma plume \u00e0 celles et ceux qui n\u2019ont pas eu acc\u00e8s \u00e0 l\u2019\u00e9criture.<\/p>\n\n\n\n

\u00c9crire, c\u2019est aussi pr\u00eater ma plume \u00e0 celles et ceux qui n\u2019ont pas eu acc\u00e8s \u00e0 l\u2019\u00e9criture.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Au moment du g\u00e9nocide des Tutsis en 1994, vous vous trouviez en France : on pourrait dire, comme Viviane Azarian, que votre \u00e9criture rel\u00e8ve du \u00ab t\u00e9moignage de l\u2019absent \u00bb, selon la formule de Catherine Coquio. Cet \u00e9loignement g\u00e9ographique vous est-il apparu comme un obstacle \u00e0 votre appr\u00e9hension m\u00e9morielle des faits, ou l\u2019a-t-il au contraire facilit\u00e9e ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je ne suis pas rescap\u00e9e, je suis survivante. Cependant je me d\u00e9finirais comme une rescap\u00e9e-survivante. Certes, je n\u2019\u00e9tais pas au Rwanda quand on versait des torrents de sang tutsi. Mais je suis de Nyamata et Nyamata, ce n\u2019\u00e9tait plus le Rwanda : c\u2019\u00e9tait le pays de d\u00e9portation des Tutsi. \u00c0 Nyamata, le g\u00e9nocide fut facile et rapide : il n\u2019y avait que des Tutsi. Il n\u2019\u00e9tait pas n\u00e9cessaire de ralentir le \u00ab travail \u00bb, comme disaient les tueurs, en v\u00e9rifiant sur la carte d\u2019identit\u00e9 \u00e0 quelle \u00ab ethnie \u00bb vous apparteniez. \u00c0 Nyamata, vous ne pouviez \u00eatre que Tutsi : bon \u00e0 tuer. \u00c0 Gitagata, mon village, tous ont \u00e9t\u00e9 extermin\u00e9s. Si j\u2019avais \u00e9t\u00e9 \u00e0 Nyamata en ces mois du g\u00e9nocide, je n\u2019avais aucune chance d\u2019\u00e9chapper \u00e0 la machette des miliciens.<\/p>\n\n\n\n

Mais j\u2019\u00e9tais en France depuis 1992.<\/p>\n\n\n\n

Je suis donc survivante mais je ne suis pas \u00ab t\u00e9moin du dehors \u00bb puisque j\u2019ai \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 Nyamata puis \u00e0 Butare \u00e0 ce que j\u2019ai toujours appel\u00e9 des pr\u00e9-g\u00e9nocides. \u00c0 ce moment-l\u00e0, on n\u2019\u00e9tait pas dans le gutsembatsemba bwoko<\/em>, le slogan n\u2019\u00e9tant pas encore : \u00ab tuez-les tous \u00bb. On pr\u00e9cisait ceux \u00e0 \u00e9liminer : les rares intellectuels tutsi, les \u00e9tudiants et les fonctionnaires. <\/p>\n\n\n\n

Je me d\u00e9finirais comme une rescap\u00e9e-survivante.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans Inyenzi ou les cafards<\/em>, je reprends mots pour mots le t\u00e9moignage de mon beau-fr\u00e8re Emmanuel que j\u2019ai pu enregistrer \u00e0 sa demande et les confidences de Jeanne-Fran\u00e7oise, ma ni\u00e8ce, rescap\u00e9e alors \u00e2g\u00e9e de treize ans, qui a assist\u00e9 au supplice de son p\u00e8re Pierre Ntereye, \u00e0 l\u2019assassinat de sa m\u00e8re, ma grande s\u0153ur Alexia et de ses trois jeunes fr\u00e8res \u00e2g\u00e9s de 9, 5 et 3 ans. <\/p>\n\n\n\n

Je suis le t\u00e9moin de la naissance et de la construction du g\u00e9nocide et cela a dur\u00e9 plus de trente ans. Je peux donc me d\u00e9finir comme \u00ab rescap\u00e9e-survivante \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Votre \u00e9criture comprend de nombreux mots en kinyarwanda, que vous traduisez quand c\u2019est possible. Comment ce tressage linguistique participe-t-il de l\u2019entreprise m\u00e9morielle ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce n\u2019est pas par exotisme que je pars\u00e8me mon \u00e9criture de mots en kinyarwanda. Comme tous les exil\u00e9s, j\u2019ai conserv\u00e9 ma langue maternelle comme mon bien le plus pr\u00e9cieux. Et m\u00eame si, lorsque je reviens au Rwanda, les jeunes peuvent la trouver un peu archa\u00efque, loin de s\u2019en moquer, ils la consid\u00e8rent avec respect. J\u2019aime comparer ces mots kinyarwanda ins\u00e9r\u00e9s dans mes textes aux cailloux dont le Petit Poucet remplit ses poches et qui lui permettront de retrouver le chemin de la maison maternelle \u2014 et moi de ne pas oublier d\u2019o\u00f9 je viens.<\/p>\n\n\n\n

Comme tous les exil\u00e9s, j\u2019ai conserv\u00e9 ma langue maternelle comme mon bien le plus pr\u00e9cieux. J\u2019aime comparer ces mots kinyarwanda ins\u00e9r\u00e9s dans mes textes aux cailloux dont le Petit Poucet remplit ses poches.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les femmes sont d\u2019ailleurs presque toujours au premier plan dans votre \u0153uvre, figures h\u00e9ro\u00efques et puissantes, notamment par la parole. Plusieurs d\u2019entre elles, comme Kitami (C\u0153ur Tambour<\/em>) ou Ikirezi (Sister Deborah<\/em>) surmontent leurs faiblesses et se r\u00e9v\u00e8lent : pourrait-on parler d\u2019une forme d\u2019empowerment<\/em> de la femme, et notamment de la femme noire ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

J\u2019ai toujours aim\u00e9 d\u00e9crire les femmes dans le quotidien des innombrables t\u00e2ches \u00e0 la maison ou aux champs m\u00eame si dans un article, je demandais pour elles le droit \u00e0 l\u2019oisivet\u00e9. Dans Inyenzi<\/em>, j\u2019ai d\u00e9crit avec amour la communaut\u00e9 de femmes que, dans l\u2019exil de Nyamata, ma m\u00e8re avait tiss\u00e9e autour d\u2019elle. C\u2019\u00e9tait un v\u00e9ritable parlement de femmes qui si\u00e9geait dans l\u2019arri\u00e8re-cour de \u00ab l\u2019inzu \u00bb, cette maison de paille tress\u00e9e \u00ab aux rondeurs maternelles \u00bb que St\u00e9fania avait reconstitu\u00e9e autour d\u2019elle, sur la termiti\u00e8re qui servait de banc. On y enseignait aux jeunes filles les bonnes mani\u00e8res et les canons de la beaut\u00e9 rwandaise. On y arrangeait les mariages les plus avantageux pour les jeunes filles selon la loi des clans. C\u2019\u00e9taient les vigilantes gardiennes des traditions, allant jusqu\u2019\u00e0 contraindre \u00e0 l\u2019exil celle qu\u2019on soup\u00e7onnait de porter malheur au village, mais elles \u00e9taient aussi pr\u00eate \u00e0 inventer de nouveaux rites pour sauver Viviane, viol\u00e9e <\/em>par les miliciens, de l\u2019anath\u00e8me qui p\u00e8se sur les filles-m\u00e8res. <\/p>\n\n\n\n

Je d\u00e9cris aussi la communaut\u00e9 de jeunes filles exil\u00e9es que nous avions form\u00e9e \u00e0 Gitega, au Burundi, dans un vieux b\u00e2timent colonial d\u00e9labr\u00e9. \u00c0 la lueur d\u2019une lampe-temp\u00eate, nous \u00e9changions sans fin nos r\u00eaves d\u2019avenir. Dans mon livre, Un si beau dipl\u00f4me<\/em>, j\u2019\u00e9voque avec nostalgie cette \u00ab petite r\u00e9publique f\u00e9minine \u00bb. \u00c0 Djibouti, des jeunes filles avaient choisi le modeste appartement o\u00f9 nous avions \u00e9t\u00e9 log\u00e9es pour parler librement des mutilations intimes que les traditions leur avaient fait subir.<\/p>\n\n\n\n

Autour de ma m\u00e8re, c\u2019\u00e9tait un v\u00e9ritable parlement de femmes qui si\u00e9geait dans l\u2019arri\u00e8re-cour de \u00ab l\u2019inzu \u00bb, cette maison de paille tress\u00e9e \u00ab aux rondeurs maternelles \u00bb.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais je ne peux oublier comment les femmes et les jeunes filles tutsi ont \u00e9t\u00e9 les victimes du mythe de leur pr\u00e9tendue beaut\u00e9. Dans mon recueil L\u2019Iguifou<\/em>, la nouvelle Le malheur d\u2019\u00eatre belle <\/em>retrace la descente aux enfers d\u2019H\u00e9l\u00e9na dont la beaut\u00e9 fascine tout le monde mais que les autorit\u00e9s burundaises livrent en p\u00e2ture \u00e0 l\u2019ogre Mobutu et qui finit assassin\u00e9e d\u2019une dizaine de coups de couteau, ex\u00e9cut\u00e9e comme la grande prostitu\u00e9e, porteuse du sida. La fascination des premiers explorateurs et colons pour les femmes tutsi m\u00ealent mythe racial et exotisme. On en trouve les premi\u00e8res traces avant m\u00eame que les Europ\u00e9ens aient p\u00e9n\u00e9tr\u00e9 au Rwanda. Dans son livre, \u00c0 travers le continent myst\u00e9rieux <\/em>(1878), Stanley rapporte les rumeurs que lui a fourni Hamed un marchand arabe qui enrage de ne pouvoir commercer avec le Rwanda sur lequel, pr\u00e9tend-il, r\u00e8gne une \u00ab imp\u00e9ratrice \u00bb, descendante d\u2019une race du nord. Les Rwandais, dit-il, sont un grand peuple mais aussi malfaisants et fourbes puisqu\u2019ils refusent de trafiquer avec lui. Pour autant, il \u00e9pouserait volontiers une femme rwandaise aussi bien qu\u2019une femme de Mascate. Les femmes tutsi seront vues par les Europ\u00e9ens au travers des filtres d\u00e9formants de leurs fantasmes. Ainsi, dans mon livre Notre-Dame du Nil, <\/em>monsieur de Fontenaille fait jouer aux lyc\u00e9ennes les r\u00f4les d\u2019Isis et de reine Candace.<\/p>\n\n\n\n

Les jeunes filles et les femmes tutsi furent les proies de l\u2019acharnement sadique des g\u00e9nocidaires. Elles ont \u00e9t\u00e9 viol\u00e9es, tortur\u00e9es, r\u00e9duites \u00e0 la condition d\u2019esclaves sexuelles. On les infecta d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment du sida. Il faut se venger de ces \u00ab serpentes \u00bb tentatrices dont les charmes v\u00e9n\u00e9neux s\u2019insinuent aupr\u00e8s des Europ\u00e9ens pour calomnier et discr\u00e9diter le peuple majoritaire et comploter contre la r\u00e9publique du peuple de la houe. Il faut rabaisser \u00e0 jamais leur arrogance. Dans Notre-Dame du Nil<\/em>, l\u2019assassinat atroce de V\u00e9ronica qui dans le d\u00e9lire de monsieur de Fontenaille a accept\u00e9 de tenir le r\u00f4le d\u2019Isis pr\u00e9figure les meurtres sadiques des jeunes filles et des femmes tutsi durant le g\u00e9nocide.<\/p>\n\n\n\n

La fascination des premiers explorateurs et colons pour les femmes tutsi m\u00ealent mythe racial et exotisme.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Je ne sais si, comme on le fait tr\u00e8s souvent, on peut me qualifier de f\u00e9ministe. Certes, n\u2019\u00e9tant pas Parisienne, je ne bats pas le pav\u00e9 lors des manifestations pour la d\u00e9fense ou la promotion des femmes. C\u2019est en tant qu\u2019\u00e9crivaine que j\u2019entends participer au combat. Dans Sister Deborah<\/em>, j\u2019ai imagin\u00e9, sous couvert de la fiction, une gr\u00e8ve g\u00e9n\u00e9rale des femmes, africaines surtout : une gr\u00e8ve de la houe et des ventres. Plus concr\u00e8tement, j\u2019ai particip\u00e9 \u00e0 de nombreux r\u00e9unions et colloques sur ce th\u00e8me. \u00c0 New York par exemple, o\u00f9 j\u2019ai \u00e9t\u00e9 invit\u00e9e en 2019 au Pen World Voices Festival \u00e0 un s\u00e9minaire consacr\u00e9 \u00e0 la violence faite aux femmes : Voices of the Silenced<\/em>. \u00c0 Rio de Janeiro, j\u2019ai particip\u00e9 \u00e0 une conf\u00e9rence sous l\u2019\u00e9gide de l\u2019organisation Woman of the World, intitul\u00e9e : \u00ab Violent Death : Dealing With Pain In Woman\u2019s Daily Life<\/em> \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Je garde un souvenir \u00e9mu de ma conversation avec Concei\u00e7ao Evaristo, \u00e9crivaine reconnue pour son combat contre les discriminations et la m\u00e9moire tue de l\u2019esclavage, et de ma rencontre avec Marinete da Silva, la m\u00e8re de Marielle Franco, assassin\u00e9e pour son action politique en faveur des femmes noires et des jeunes des favelas. \u00c0 mon retour, j\u2019ai publi\u00e9 dans Lib\u00e9ration <\/em>un article sur la condition des femmes noires au Br\u00e9sil intitul\u00e9 : \u00ab Au Br\u00e9sil, une femme noire ne compte pour rien \u00bb. Je garde de nombreux contacts avec des groupes de lectrices br\u00e9siliennes et mon livre La femme aux pieds nus<\/em> est propos\u00e9 aux professeurs parmi les lectures \u00e0 donner prioritairement \u00e0 leurs \u00e9l\u00e8ves. Membre du jury Femina, j\u2019ai soutenu le livre de l\u2019autrice br\u00e9silienne Patricia Melo Celles qu\u2019on tue, <\/em>sur les f\u00e9minicides impunis en Amazonie.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est en tant qu\u2019\u00e9crivaine que j\u2019entends participer au combat f\u00e9ministe. <\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais comment ne pas \u00eatre fi\u00e8re de mon pays, le Rwanda ? Dans Un si beau dipl\u00f4me<\/em>, \u00ab les femmes \u00bb, dit Faustin qui fut mon guide dans le Rwanda nouveau, \u00ab elles sont partout. Je crois qu\u2019elles ont pris le pouvoir. Elles sont ministres et pas n\u2019importe quelles ministres !… Elles sont d\u00e9put\u00e9s, procureurs, m\u00e9decins, et tout ce que tu ne peux m\u00eame pas imaginer, policiers, femmes d\u2019affaires, agronomes, militaires. Et qu\u2019est-ce qu\u2019on va devenir, nous les hommes ? \u00bb <\/p>\n\n\n\n

Sans doute aurais-je d\u00fb conseiller \u00e0 Faustin de fr\u00e9quenter l\u2019ONG Rwamrec charg\u00e9e d\u2019enseigner aux hommes \u00ab la masculinit\u00e9 positive \u00bb pour leur faire comprendre que les travaux des champs et les t\u00e2ches m\u00e9nag\u00e8res doivent \u00eatre \u00e9quitablement r\u00e9partis ? La t\u00e2che est ardue : on m\u2019a racont\u00e9 l\u2019histoire d\u2019un homme qui avait d\u00e9sert\u00e9 le cabaret et os\u00e9 porter son b\u00e9b\u00e9 dans le dos. Sa femme fut aussit\u00f4t accus\u00e9e de l\u2019avoir envo\u00fbt\u00e9. Mais il n\u2019y a pas qu\u2019au Rwanda que devrait \u00eatre enseign\u00e9e \u00ab la masculinit\u00e9 positive \u00bb !<\/p>\n\n\n\n

Dans vos r\u00e9cits autobiographiques comme dans vos nouvelles, une place importante est faite \u00e0 la description des traditions \u2014 pratiques agricoles, organisation domestique, rapports sociaux \u2014 concernant principalement les femmes et les m\u00e8res. Ce regard \u00ab auto-ethnographique \u00bb est-il li\u00e9 \u00e0 votre premier m\u00e9tier d\u2019assistante sociale ? Ou est-il le r\u00e9sultat d\u2019autres influences, notamment litt\u00e9raires ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je ne suis pas ethnologue et mes descriptions de la vie traditionnelle, surtout importantes dans La Femme aux pieds nus <\/em>rel\u00e8vent de mes souvenirs d\u2019enfance ou de la nostalgie d\u2019un monde disparu et que je n\u2019ai jamais connu. Ma m\u00e8re avait r\u00e9serv\u00e9 une parcelle de son champ pour cultiver des plantes anciennes menac\u00e9es de disparition : \u00ab C\u2019\u00e9tait comme les survivants d\u2019un temps plus heureux aupr\u00e8s desquels, semblait-il, elle puisait une \u00e9nergie nouvelle \u00bb. Je r\u00e9serve, comme elle dans son champ, quelques pages \u00e0 l\u2019\u00e9vocation de ce monde traditionnel qui \u00e9tait avant tout le domaine r\u00e9serv\u00e9 des femmes. Je crois r\u00e9pondre ainsi \u00e0 l\u2019attente des jeunes rwandais accultur\u00e9s soit par l\u2019exil ou par l\u2019\u00e9ducation occidentale et qui veulent renouer avec un pass\u00e9 qui leur a \u00e9t\u00e9 trop longtemps occult\u00e9 pour des raisons politiques ou religieuses. \u00ab Tes livres sont nos livres \u00bb, m\u2019ont dit des \u00e9tudiants de l\u2019Universit\u00e9 de Butare.<\/p>\n\n\n\n

Je ne suis pas ethnologue et mes descriptions de la vie traditionnelle <\/em>rel\u00e8vent de mes souvenirs d\u2019enfance.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Votre lien affectif, intellectuel et politique avec le Rwanda est si fort qu\u2019on a pu vous qualifier d\u2019\u00ab ambassadrice de la m\u00e9moire tutsi \u00bb. Comment avez-vous r\u00e9agi ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je r\u00e9cuse bien s\u00fbr la qualification \u00ab d\u2019ambassadrice des Tutsi \u00bb. Si je revendiquais le titre \u00ab d\u2019ambassadrice \u00bb, officieuse bien s\u00fbr, ce serait ambassadrice de tous les Rwandais. C\u2019est sans doute trop ambitieux. Il est vrai pourtant que je suis l\u2019autrice rwandaise de langue fran\u00e7aise la plus traduite dans le monde \u2014 en une trentaine de langues. Le film adapt\u00e9 de Notre-Dame du Nil <\/em>a fait le tour des Instituts fran\u00e7ais et continue \u00e0 \u00eatre programm\u00e9 r\u00e9guli\u00e8rement au Br\u00e9sil. <\/p>\n\n\n\n

On comm\u00e9more aujourd’hui les trente ans du g\u00e9nocide tutsi. Vu d\u2019Europe, et si l\u2019on compare \u00e0 d\u2019autres g\u00e9nocides (arm\u00e9nien, juif, tsigane), le temps de la \u00ab r\u00e9conciliation \u00bb semble avoir \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement court entre les victimes tutsi et les bourreaux hutu. Comment l\u2019expliquer ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La particularit\u00e9 du g\u00e9nocide des Tutsi au Rwanda, c\u2019est d\u2019\u00eatre un g\u00e9nocide de voisinage<\/a>. Le voisin assassine sa voisine. C\u2019est que Hutu et Tutsi habitent les uns \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des autres. Il n\u2019y a jamais eu au Rwanda de r\u00e9gion hutu et de r\u00e9gion tutsi. Les Rwandais quel que soit leur groupe ont toujours v\u00e9cu ensemble, et m\u00eame apr\u00e8s le g\u00e9nocide devaient continuer \u00e0 vivre c\u00f4te \u00e0 c\u00f4te. Un territoire divis\u00e9 selon des partages soi-disant ethniques est impensable. Sur les collines, on ne peut envisager le \u00ab chacun chez soi \u00bb. Impossible de se passer du voisin. Chacun a besoin de l\u2019autre au quotidien. C\u2019est ce syst\u00e8me d\u2019\u00e9change de services et d\u2019entraides qui rythme la vie au village.<\/p>\n\n\n\n

Lib\u00e9rer la parole des victimes et des bourreaux fut la premi\u00e8re \u00e9tape vers ce que les autorit\u00e9s appellent la r\u00e9conciliation.<\/p>Scholastique Mukasonga<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le vivre ensemble \u00e9tait donc incontournable mais il devait imp\u00e9rativement passer par la construction de la r\u00e9conciliation, une entreprise bien d\u00e9licate et bien difficile. C\u2019est ainsi qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 fait appel aux tribunaux gacaca qui dans les traditions avaient charge de d\u00e9nouer les conflits de voisinage. Lib\u00e9rer la parole des victimes et des bourreaux fut la premi\u00e8re \u00e9tape vers ce que les autorit\u00e9s appellent la r\u00e9conciliation. Refus de l\u2019oubli, r\u00e9paration envers les victimes et r\u00e9int\u00e9gration dans l\u2019unit\u00e9 nationale de ceux qui de pr\u00e8s ou de loin ont particip\u00e9 au g\u00e9nocide, le chemin est certes ardu mais il n\u2019y en a pas d\u2019autre.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Comment \u00e9crire pour ceux qui ont \u00e9t\u00e9 massacr\u00e9s  ? Cette question hante l\u2019\u0153uvre de Scholastique Mukasonga qui a \u00e9rig\u00e9 des \u00ab  tombeaux de papiers  \u00bb pour les 37 membres de sa famille assassin\u00e9s pendant le g\u00e9nocide des Tutsi. Dans ce long entretien, la romanci\u00e8re revient sur son parcours, son \u00e9veil \u00e0 la litt\u00e9rature et sa volont\u00e9 d\u2019articuler par la langue les pass\u00e9s et le pr\u00e9sent du Rwanda. <\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":224983,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-interviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":true,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[3774],"tags":[],"geo":[522],"class_list":["post-224879","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-rwanda-30-ans-apres-le-genocide-des-tutsi","staff-deborah-levy-bertherat","geo-afriques-subsahariennes"],"acf":[],"yoast_head":"\n\u00abCelle qui conte n\u2019a pas de haine dans son c\u0153ur\u00bb, une conversation avec Scholastique Mukasonga | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/04\/06\/celle-qui-conte-na-pas-de-haine-dans-son-coeur-une-conversation-avec-scholastique-mukasonga\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"\u00abCelle qui conte n\u2019a pas de haine dans son c\u0153ur\u00bb, une conversation avec Scholastique Mukasonga | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Comment \u00e9crire pour ceux qui ont \u00e9t\u00e9 massacr\u00e9s ? 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