{"id":215074,"date":"2024-01-28T09:34:59","date_gmt":"2024-01-28T08:34:59","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=215074"},"modified":"2024-11-04T13:03:55","modified_gmt":"2024-11-04T12:03:55","slug":"elections-americaines-2024-journal-dune-resistible-ascension-u","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2024\/01\/28\/elections-americaines-2024-journal-dune-resistible-ascension-u\/","title":{"rendered":"\u00c9lection am\u00e9ricaine 2024 : chronique d\u2019une r\u00e9sistible ascension"},"content":{"rendered":"\n

Princeton, NJ, 4 novembre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

D\u00e9sinhibition : le vrai danger Trump<\/h2>\n\n\n\n

\u00c0 vingt-quatre heures du jour de l’\u00e9lection, les sondages continuent de montrer que la course est incroyablement serr\u00e9e<\/a> et les donn\u00e9es restent tr\u00e8s difficiles \u00e0 interpr\u00e9ter. Selon le New York Times<\/em> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, les R\u00e9publicains blancs seraient plus r\u00e9ticents \u00e0 r\u00e9pondre aux sondeurs que les D\u00e9mocrates blancs \u2014 faut-il y voir le signe d’un avantage cach\u00e9 de Trump ? Mais au niveau de la participation, les femmes ont jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent d\u00e9pass\u00e9 les hommes dans les isoloirs <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> et elles soutiennent largement Kamala Harris. Ce week-end, un sondage de l’\u00c9tat de l’Iowa, habituellement fiable, donnait l’avantage \u00e0 Harris dans cet \u00c9tat rouge suppos\u00e9 s\u00fbr <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Les R\u00e9publicains ont quant \u00e0 eux \u00e9voqu\u00e9 la possibilit\u00e9 de renverser le New Hampshire \u2014 un \u00c9tat traditionnellement bleu <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L’un ou l’autre de ces sc\u00e9narios est-il possible ? Nous le saurons bient\u00f4t.<\/p>\n\n\n\n

En tout \u00e9tat de cause, le bruit et la fureur de la politique am\u00e9ricaine ne semblent pas pr\u00eat de retomber en intensit\u00e9 apr\u00e8s le vote : quels que soient les r\u00e9sultats, les \u00c9tats-Unis entrent tr\u00e8s probablement dans une p\u00e9riode d’instabilit\u00e9 prolong\u00e9e, voire dangereuse. Si Harris gagne \u2014 ou si les r\u00e9sultats des \u00e9lections restent r\u00e9ellement incertains, ne serait-ce que pendant quelques jours \u2014 Donald Trump et ses alli\u00e9s accuseront tous azimuts les D\u00e9mocrates d\u2019avoir trich\u00e9 \u2014 ils ont d\u2019ailleurs d\u00e9j\u00e0 commenc\u00e9 \u00e0 le faire <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Il y aura des manifestations, peut-\u00eatre des \u00e9meutes, et de nombreuses tentatives \u2014 \u00e0 la fois \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du cadre judiciaire et en dehors \u2014 de renverser les r\u00e9sultats. Il n’est pas impossible que nous assistions \u00e0 des violences de l’ampleur de celles du 6 janvier 2021 \u2014 voire pires \u2014 et ce m\u00eame si les d\u00e9mocrates contr\u00f4lent d\u00e9sormais le gouvernement f\u00e9d\u00e9ral et qu’une nouvelle loi sur le d\u00e9compte \u00e9lectoral a rendu plus difficile l’ing\u00e9rence dans le processus <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Si Harris gagne ou que les r\u00e9sultats sont incertains, il n’est pas impossible que nous assistions \u00e0 des violences de l’ampleur de celles du 6 janvier 2021.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Si Trump gagne, il n’y aura pas de contestation. Harris conc\u00e8dera sa d\u00e9faite. Que Trump tente ou non de punir imm\u00e9diatement ses ennemis, comme il l’a promis, il est presque certain qu’il dessinera assez vite la forme radicale et disruptive de sa seconde pr\u00e9sidence. Chargera-t-il l\u2019antivax Robert Kennedy Jr. de la sant\u00e9 <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span> ? Kennedy promettra-t-il alors d’interdire tous les vaccins pour enfants qu’il consid\u00e8re comme dangereux, notamment ceux contre la polio, la rougeole, la dipht\u00e9rie, l’h\u00e9patite et la varicelle ? Trump menacera-t-il Volodymyr Zelensky de retirer l’aide am\u00e9ricaine \u00e0 l\u2019Ukraine si Kiev ne c\u00e8de pas face \u00e0 la Russie de Poutine ? R\u00e9it\u00e9rera-t-il ses promesses d’expulser des dizaines de millions de migrants et d’imposer des tarifs douaniers massifs et destructeurs pour l’\u00e9conomie am\u00e9ricaine<\/a> ? Tout cela est possible et pourrait avoir des cons\u00e9quences profond\u00e9ment d\u00e9stabilisantes bien avant l’inauguration du 20 janvier.<\/p>\n\n\n\n

De nombreux repr\u00e9sentants de la gauche am\u00e9ricaine consid\u00e8rent qu\u2019une victoire de Trump pourrait ouvrir la voie \u00e0 un sc\u00e9nario encore plus sombre : la fin de la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine. Depuis l’\u00e9lection de 2016, d’\u00e9minents universitaires affirment que Trump veut instaurer une dictature fasciste. Timothy Snyder, par exemple, professeur \u00e0 Yale, avait fait grand bruit en 2017 avec son livre On Tyranny<\/em>. Il avait d\u00e9clar\u00e9 dans un entretien qu’il \u00e9tait \u00ab \u00e0 peu pr\u00e8s in\u00e9vitable \u00bb que Trump suive l’exemple d’Adolf Hitler en d\u00e9clarant l’\u00e9tat d’urgence et en organisant un coup d’\u00c9tat. Ruth Ben-Ghiat, de l’universit\u00e9 de New York, avait quant \u00e0 elle publi\u00e9 un article intitul\u00e9 \u00ab Donald Trump and Steve Bannon’s Coup in the Making<\/em> \u00bb, suivi d’un livre qui pla\u00e7ait Trump aux c\u00f4t\u00e9s d’Hitler, de Mussolini, de Pinochet, de Kadhafi et d’Idi Amin Dada <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Tous deux ont continu\u00e9 \u00e0 tirer la sonnette d’alarme depuis lors \u2014 et ils ne sont pas les seuls. Mais de nombreux autres universitaires ne sont pas d’accord. Cette controverse a d\u00e9clench\u00e9 un \u00ab d\u00e9bat sur le fascisme \u00bb qui s\u2019\u00e9ternise jusqu\u2019\u00e0 aujourd\u2019hui. Lors d’une conf\u00e9rence \u00e0 l’universit\u00e9 de Princeton au printemps dernier, le d\u00e9saccord est devenu si vif qu’un philosophe a compar\u00e9 un politiste \u00e0 un \u00ab kapo \u00bb des camps de concentration pour avoir os\u00e9 critiquer \u00ab l’analogie du fascisme \u00bb. Dans les derni\u00e8res \u00e9tapes de la campagne pr\u00e9sidentielle, Kamala Harris elle-m\u00eame a utilis\u00e9 ce mot \u2014\u00a0the f\u2026 word<\/em> \u2014 \u00e0 propos de Trump, comme beaucoup d’autres \u2014 y compris son propre ancien chef de cabinet \u00e0 la Maison Blanche, John Kelly.<\/p>\n\n\n\n

En tant qu’historien de l’Europe, j’ai toujours consid\u00e9r\u00e9 que l’\u00e9tiquette \u00ab fasciste \u00bb \u00e9tait inappropri\u00e9e pour les \u00c9tats-Unis du XXIe si\u00e8cle. <\/p>\n\n\n\n

Certes, Trump utilise souvent un langage que l’on pourrait qualifier de fasciste. Il parle de \u00ab l’ennemi int\u00e9rieur \u00bb, des \u00ab ennemis de l’\u00c9tat \u00bb, qualifie ses opposants de \u00ab vermine \u00bb, \u00ab d’animaux \u00bb ou \u00ab d’ordures \u00bb, menace la presse et a m\u00eame promis \u2014 en prenant soin de rester toujours dans un entre-deux spectaculaire entre le premier et le second degr\u00e9 \u2014 d\u2019\u00eatre un \u00ab dictateur d\u00e8s le premier jour \u00bb. Mais la rh\u00e9torique ne suffit pas \u00e0 faire de quelqu’un un fasciste \u2014 ni m\u00eame un \u00e9v\u00e9nement comme le 6 janvier, aussi horrible et criminel qu’il ait \u00e9t\u00e9. Malgr\u00e9 le terrible spectacle de manifestants violents envahissant et souillant le Capitole, l’\u00e9meute n’a pas atteint le niveau d’une tentative de coup d’\u00c9tat organis\u00e9e. Le mouvement a \u00e9t\u00e9 arr\u00eat\u00e9 en quelques heures. Ce n’\u00e9tait pas la Marche sur Rome, ni le putsch de la Brasserie<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

En tant qu’historien de l’Europe, j’ai toujours consid\u00e9r\u00e9 que l’\u00e9tiquette \u00ab fasciste \u00bb \u00e9tait inappropri\u00e9e pour les \u00c9tats-Unis du XXIe si\u00e8cle.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Car les mouvements fascistes qui ont prosp\u00e9r\u00e9 en Europe dans l’entre-deux-guerres se sont construits autour de mouvements de masse fortement enr\u00e9giment\u00e9s. Ces mouvements visaient \u00e0 provoquer des transformations r\u00e9volutionnaires de la soci\u00e9t\u00e9, v\u00e9n\u00e9raient des chefs tout-puissants, pla\u00e7aient une foi aveugle dans le pouvoir de la violence, m\u00e9prisaient l’\u00e9tat de droit et \u00e9taient attach\u00e9s \u00e0 un culte racialis\u00e9 de la nation fond\u00e9 sur des fantasmes d’un pass\u00e9 mythique. Ils s’appuyaient \u00e9galement sur de puissants auxiliaires paramilitaires \u2014 les SA pour les nazis et les chemises noires de Mussolini. Le Parti r\u00e9publicain, malgr\u00e9 sa transformation en v\u00e9hicule personnel \u00e0 la gloire de Donald Trump, et malgr\u00e9 certaines similitudes avec ces partis fascistes r\u00e9els, ne correspond pas \u00e0 ce mod\u00e8le \u2014 du moins, pas encore. Il est loin d’\u00eatre aussi disciplin\u00e9, loin d’\u00eatre aussi unanimement engag\u00e9 dans les cultes de la violence et du racialisme, loin d’\u00eatre aussi pr\u00eat \u00e0 rompre avec les lois am\u00e9ricaines fondamentales, et il ne poss\u00e8de pas d\u2019auxiliaire paramilitaire qu\u2019il pourrait arraisonner. Les institutions et les traditions d\u00e9mocratiques am\u00e9ricaines, enfin, sont bien plus solides que celles de l’Europe continentale de l’entre-deux-guerres.<\/p>\n\n\n\n

On pourrait m\u00eame affirmer que les mises en garde contre le \u00ab fascisme \u00bb ont en fait nui \u00e0 Kamala Harris et aux D\u00e9mocrates. Les 74 millions d’Am\u00e9ricains qui ont vot\u00e9 pour Donald Trump en 2020 s’offusquent \u00e0 juste titre de l’id\u00e9e qu’ils auraient soutenu un Hitler am\u00e9ricain et qu’ils m\u00e9riteraient du m\u00eame coup peut-\u00eatre eux-m\u00eames l’\u00e9tiquette de \u00ab fasciste \u00bb. Malgr\u00e9 le 6 janvier 2021, le premier mandat de Trump n’a manifestement pas import\u00e9 le fascisme en Am\u00e9rique, ce qui conduit beaucoup \u00e0 consid\u00e9rer les avertissements de Snyder et des autres comme une r\u00e9action excessive. Les commentateurs de la gauche progressiste, qui consid\u00e8rent le populisme trumpiste comme un mouvement de protestation mal dirig\u00e9 mais compr\u00e9hensible contre l’in\u00e9galit\u00e9 n\u00e9olib\u00e9rale et l’implication des \u00c9tats-Unis dans des \u00ab guerres sans fin \u00bb \u00e0 l’\u00e9tranger, rejettent \u00ab l’analogie avec le fascisme \u00bb comme une tentative de d\u00e9tourner l’attention des probl\u00e8mes plus graves du pays.<\/p>\n\n\n\n

Les mises en garde contre le \u00ab fascisme \u00bb ont nui \u00e0 Kamala Harris et aux D\u00e9mocrates.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

\u00c0 bien plus court terme, selon moi, qualifier Trump de fasciste d\u00e9tourne surtout l’attention du v\u00e9ritable danger qu’il repr\u00e9sente.<\/p>\n\n\n\n

Le principal danger n’est pas qu’il soit un fasciste d\u00e9termin\u00e9 \u00e0 imposer un ordre nazi \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 am\u00e9ricaine, c’est qu’il combine des niveaux stratosph\u00e9riques de confiance en soi narcissique avec des niveaux tout aussi stratosph\u00e9riques d’immaturit\u00e9, d’incomp\u00e9tence, de caprices et d’ignorance pure et simple. Qu’il r\u00e9ponde ou non cliniquement aux crit\u00e8res de la folie, il semble souvent faire tout son possible pour y parvenir. C\u2019est ce qui a conduit \u00e0 une v\u00e9ritable catastrophe au cours de sa premi\u00e8re pr\u00e9sidence : la gestion d\u00e9sastreuse de l’\u00e9pid\u00e9mie de Covid-19, qui a inutilement co\u00fbt\u00e9 la vie \u00e0 des centaines de milliers d’Am\u00e9ricains. Si aucune autre catastrophe de cette ampleur n’a eu lieu au cours de son premier mandat, c’est gr\u00e2ce \u00e0 une heureuse combinaison de chance, de \u00ab garde-fous \u00bb maintenus par un ensemble de personnes relativement comp\u00e9tentes, et du fait qu’un Trump plus jeune conservait au moins un  niveau minimal de r\u00e9alisme et d’inhibition. Dans un second mandat de Trump \u2014 ou dans une p\u00e9riode o\u00f9 un Trump compl\u00e8tement d\u00e9sinhib\u00e9 contesterait l’\u00e9lection de Kamala Harris \u2014 il faut faire l\u2019hypoth\u00e8se qu\u2019aucun de ces facteurs ne tiendra.<\/p>\n\n\n\n

Demain, nous aurons donc  : soit Trump dans toute sa laideur ; soit une nouvelle tentative dangereuse de priver un D\u00e9mocrate de la pr\u00e9sidence.<\/p>\n\n\n\n

En d’autres termes, le jour d\u2019apr\u00e8s ne nous laissera aucun r\u00e9pit.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, assiste au match de football des New York Jets contre les Pittsburgh Steelers au stade Acrisure, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Pittsburgh. \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Princeton, NJ, 28 octobre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

La trumpisation de la politique am\u00e9ricaine<\/h2>\n\n\n\n

Tout tourne autour de lui \u2014 cela a toujours \u00e9t\u00e9 le cas. Mais gagnera-t-il ? \u00c0 une semaine de l’\u00e9lection, Trump et Harris m\u00e8nent tous deux une campagne acharn\u00e9e, et les sondages continuent de montrer que l’\u00e9lection se jouera sur le fil du rasoir. La frustration vient de ce que nous ne savons pas \u00e0 quel point ces pr\u00e9dictions pointilleuses sont exactes. Le vote anticip\u00e9 a commenc\u00e9 dans de nombreux \u00c9tats. Dans certains des \u00c9tats clefs (swing states<\/em>), on sait que les R\u00e9publicains ont \u00e9t\u00e9 beaucoup plus nombreux \u00e0 voter que les D\u00e9mocrates \u2014 mais quelle importance cela a-t-il vraiment ? En 2016 et en 2020, les sondages avaient sous-estim\u00e9 le vote Trump \u2014 cela se reproduira-t-il ? Reste-t-il vraiment des \u00e9lecteurs ind\u00e9cis ? Le fait qu’un humoriste ait qualifi\u00e9 Porto Rico \u00ab d’\u00eele de d\u00e9chets \u00bb et se soit moqu\u00e9 des juifs comme assoiff\u00e9s d’argent, ou qu’un autre orateur du dernier meeting du candidat r\u00e9publicain au Madison Square Garden ait proclam\u00e9 que Kamala Harris \u00e9tait \u00ab l’ant\u00e9christ \u00bb, fera-t-il du tort \u00e0 Donald Trump ? Impossible d\u2019avoir la r\u00e9ponse \u00e0 ces questions.<\/p>\n\n\n\n

Malheureusement pour nous, les sondages aux \u00c9tats-Unis \u00e9taient beaucoup plus fiables il y a un demi-si\u00e8cle qu’ils ne le sont aujourd’hui.<\/p>\n\n\n\n

Comme l’a fait remarquer l’historien David Stebenne <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>, dans les ann\u00e9es 1970, la plupart des m\u00e9nages disposaient d’un t\u00e9l\u00e9phone fixe et inscrivaient leur nom dans les annuaires t\u00e9l\u00e9phoniques. Le filtrage des appels n’existait pas et un pourcentage \u00e9lev\u00e9 de la population r\u00e9pondait effectivement aux questions des sondeurs. Aujourd’hui, la plupart des Am\u00e9ricains n’ont que des t\u00e9l\u00e9phones portables \u2014 pour lesquels il n’existe pas d’annuaires fiables. L’explosion du t\u00e9l\u00e9marketing et des escroqueries t\u00e9l\u00e9phoniques, combin\u00e9e \u00e0 la possibilit\u00e9 de filtrer les appels et de bloquer des num\u00e9ros ont conduit \u00e0 ce que de moins en moins de personnes r\u00e9pondent \u00e0 un appel provenant d’un num\u00e9ro inconnu \u2014 et encore moins de prendre le temps de r\u00e9pondre \u00e0 la personne \u00e0 l’autre bout du fil. Les sondeurs ont essay\u00e9 de d\u00e9velopper des algorithmes plus sophistiqu\u00e9s pour tenir compte de ces facteurs d’incertitude, mais avec des r\u00e9sultats mitig\u00e9s <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Si les sondages actuels se trompent de plus de deux ou trois points, il est effectivement possible que l\u2019un ou l\u2019autre des candidats remportera la plupart ou m\u00eame la totalit\u00e9 des sept swing states<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Le vote anticip\u00e9 a commenc\u00e9 dans de nombreux \u00c9tats. Dans certains des \u00c9tats clefs (swing states<\/em>), on sait que les R\u00e9publicains ont \u00e9t\u00e9 beaucoup plus nombreux \u00e0 voter que les D\u00e9mocrates.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les bookmakers<\/em> et de nombreux D\u00e9mocrates toujours pessimistes pensent que ce sera Trump <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En effet, l’incapacit\u00e9 de Kamala Harris \u00e0 fortement devancer Trump dans les tendances \u2014 malgr\u00e9 les crimes, les scandales, la personnalit\u00e9 et l\u2019\u00e9mergence d\u2019une possible d\u00e9mence s\u00e9nile de celui-ci \u2014 a conduit certains groupes qui ne l’ont soutenue qu’\u00e0 contrec\u0153ur \u00e0 anticiper des autopsie de sa campagne avant m\u00eame qu\u2019elle ne s\u2019ach\u00e8ve. L\u2019aile progressiste du parti d\u00e9mocrate lui reproche de rechercher le soutien des R\u00e9publicains, de ne pas proposer un programme \u00ab populiste de gauche \u00bb ambitieux et de soutenir Isra\u00ebl dans la guerre de Gaza <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u2019aile centriste, quant \u00e0 elle, l\u2019accuse de ne pas rompre suffisamment avec l’orthodoxie lib\u00e9rale et de donner l’impression d’\u00eatre faible <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Toutes deux la tournent en d\u00e9rision en la qualifiant de \u00ab creuse \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Cette \u00e9tiquette est injuste. Sur le plan politique, Kamala Harris est une d\u00e9mocrate traditionnelle dont les tendances centristes d\u00e9coulent de son exp\u00e9rience et de son image de procureure \u00ab s\u00e9v\u00e8re \u00bb (tough on crime<\/em>). En tant que pr\u00e9sidente, elle poursuivrait largement les politiques de Joe Biden. Mais pour de nombreux \u00e9lecteurs, son profil reste flou. Elle a d\u00fb op\u00e9rer un virage \u00e0 gauche pour remporter l’investiture d\u00e9mocrate au S\u00e9nat de Californie, puis pour concourir \u00e0 l’investiture d\u00e9mocrate pour l’\u00e9lection pr\u00e9sidentielle de 2020 \u2014 une course qu\u2019elle avait assez vite abandonn\u00e9e. Ces campagnes lui ont permis d’afficher un bilan sur les questions culturelles \u2014 par exemple en soutenant l’acc\u00e8s aux soins de sant\u00e9 sp\u00e9cifiques pour les personnes transgenres (transgender health care<\/em>) \u2014 que Donald Trump a durement critiqu\u00e9 <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Elle est \u00e9galement confront\u00e9e au m\u00eame probl\u00e8me que tous les vice-pr\u00e9sidents en exercice qui cherchent \u00e0 obtenir une promotion : comment se pr\u00e9senter comme ind\u00e9pendante sans avoir l’air d\u00e9loyale ? Enfin, conform\u00e9ment \u00e0 sa longue carri\u00e8re de procureure, elle est bien plus dou\u00e9e pour attaquer ses adversaires que pour pr\u00e9senter ses propres id\u00e9es. Lorsqu’on l’a pouss\u00e9e, lors d\u2019entretiens et d\u2019un r\u00e9cent \u00ab town hall<\/em> \u00bb sur CNN, \u00e0 exposer sa vision des \u00c9tats-Unis, elle s’est rabattue sur des platitudes et s\u2019est parfois emm\u00eal\u00e9e les pinceaux de mani\u00e8re embarrassante. Il n’est pas surprenant qu’au cours des derni\u00e8res semaines, sa campagne soit revenue presque enti\u00e8rement \u00e0 un point de discussion fondamental : l’horreur de Donald Trump.<\/p>\n\n\n\n

Kamala Harris est confront\u00e9e au m\u00eame probl\u00e8me que tous les vice-pr\u00e9sidents en exercice qui cherchent \u00e0 obtenir une promotion : comment se pr\u00e9senter comme ind\u00e9pendante sans avoir l’air d\u00e9loyale ?<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ce virage \u00e9tait in\u00e9vitable.<\/p>\n\n\n\n

Aussi difficile que cela puisse \u00eatre \u00e0 admettre pour ceux qui le m\u00e9prisent, Trump est l’une des trois figures politiques am\u00e9ricaines les plus transformatrices des cent derni\u00e8res ann\u00e9es avec Franklin Roosevelt et Ronald Reagan. Il a achev\u00e9 la transformation du parti r\u00e9publicain en un parti isolationniste, x\u00e9nophobe et populiste des classes moyennes et ouvri\u00e8res blanches rancuni\u00e8res \u2014 et d’une poign\u00e9e d’oligarques du monde des affaires. Il a fait plus qu’aucun autre homme politique dans l’histoire des \u00c9tats-Unis pour transformer un parti politique en un v\u00e9hicule personnel, port\u00e9 par une base fanatiquement loyale. Et il a fait plus que tout autre homme politique dans l’histoire des \u00c9tats-Unis pour saper et menacer les fondements d\u00e9mocratiques du pays et l’\u00c9tat de droit. Qu’on le veuille ou non, ce chapitre de l’histoire am\u00e9ricaine pourrait bien \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme l’\u00e8re Trump.<\/p>\n\n\n\n

Cette semaine, le multi-milliardaire Jeff Bezos, fondateur d’Amazon et propri\u00e9taire du Washington Post<\/em>, aurait \u2014 c\u2019est du moins ce que pr\u00e9tendent certains de ses journalistes \u2014 demand\u00e9 \u00e0 son journal de ne soutenir aucun candidat \u00e0 la pr\u00e9sidence, \u00e0 onze jours du scrutin et alors que son comit\u00e9 \u00e9ditorial avait d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9par\u00e9 un soutien \u00e0 Kamala Harris. Les profits d’Amazon d\u00e9pendent en grande partie des contrats gouvernementaux, notamment dans le domaine des services de stockage sur le web, et Bezos pourrait objectivement craindre que Trump, s’il \u00e9tait \u00e9lu, ne mette \u00e0 ex\u00e9cution ses menaces de punir financi\u00e8rement les entreprises qui se sont oppos\u00e9es \u00e0 lui. Le milliardaire Patrick Soon-Shiong, propri\u00e9taire du Los Angeles Times<\/em>, a fait un coup similaire avec son journal, \u00e9galement pour s’attirer les faveurs de Trump \u2014 dont il a tent\u00e9 de rejoindre l’administration en 2017. Viktor Orb\u00e1n peut \u00eatre fier : son admirateur Trump a manifestement appris du manuel du ma\u00eetre<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Qu’on le veuille ou non, ce chapitre de l’histoire am\u00e9ricaine pourrait bien \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 comme l’\u00e8re Trump.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Compte tenu de cette trumpisation de la politique am\u00e9ricaine, il est difficile de voir comment la campagne aurait pu, en fin de compte, porter sur autre chose que sur lui. Malgr\u00e9 tous les appels lanc\u00e9s \u00e0 Kamala Harris par des partisans frustr\u00e9s pour qu’elle pr\u00e9sente un programme audacieux et original, il n’y a pas grand-chose qu’elle aurait pu proposer de mani\u00e8re r\u00e9aliste pour d\u00e9tourner l’attention de Donald Trump sans perdre un soutien essentiel dans ses propres rangs. La classe ouvri\u00e8re et la classe moyenne blanches restent tr\u00e8s m\u00e9fiantes \u00e0 l’\u00e9gard des initiatives gouvernementales \u00e0 grande \u00e9chelle \u2014 que des d\u00e9cennies de propagande r\u00e9publicaine ont efficacement, bien que de mani\u00e8re mensong\u00e8re, pr\u00e9sent\u00e9es comme un transfert de richesse d’elles vers des minorit\u00e9s non m\u00e9ritantes. Quant aux \u00e9lecteurs qui pensent que le lib\u00e9ralisme mod\u00e9r\u00e9 de Harris, sa complaisance pass\u00e9e pour les militants progressistes et sa suppos\u00e9e \u00ab faiblesse \u00bb font d’elle un danger aussi grand que Trump, il est difficile de savoir ce qu’elle aurait pu faire dans sa courte campagne pour les rassurer. S’ils ne voient pas Trump comme une menace existentielle plus importante aujourd’hui, rien de ce que Harris pourra dire ne les persuadera de le faire.<\/p>\n\n\n\n

Les choses sont en fin de compte assez simple : qu’on le veuille ou non, l’enjeu de loin le plus important de cette \u00e9lection pr\u00e9sidentielle est Donald Trump et la menace qu’il fait peser sur la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine. L’\u00e9lection d\u00e9pendra, plus que tout autre facteur, de la fa\u00e7on dont les \u00e9lecteurs am\u00e9ricains le jugeront. Les attaques de Kamala Harris \u2014 y compris le fait qu’elle ait d\u00e9sormais adopt\u00e9 l’\u00e9tiquette de \u00ab fasciste \u00bb pour qualifier Trump \u2014 ne convaincront probablement pas de nombreux \u00e9lecteurs ind\u00e9cis de la soutenir. Elles pourraient toutefois augmenter suffisamment son taux de participation pour lui permettre de remporter la victoire mardi prochain. Nous verrons.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, parle depuis la fen\u00eatre du drive-in lors d’un arr\u00eat de campagne dans un McDonald’s, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Feasterville-Trevose, en Pennsylvanie \u00a9 AP Photo<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Princeton, NJ, 21 octobre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

Un pr\u00e9sident des \u00c9tats-Unis ne pourrait pas faire \u00e7a<\/h2>\n\n\n\n

\u00c0 deux semaines de l’\u00e9lection pr\u00e9sidentielle, les sondages ne pourraient pas \u00eatre plus serr\u00e9s. Peu de choses ont chang\u00e9 au cours des sept derniers jours, et il y a eu peu de vraies nouvelles. Kamala Harris s’est aventur\u00e9e dans la fosse aux lions de Fox News pour un entretien que ses partisans ont \u2014 comme on pouvait s’y attendre \u2014 consid\u00e9r\u00e9 comme un triomphe, et que les partisans de Trump ont \u2014 comme on pouvait s’y attendre \u2014 qualifi\u00e9 de d\u00e9sastre.<\/p>\n\n\n\n

Si l\u2019on croyait cela impossible, les apparitions publiques de Trump sont devenues encore plus \u00e9tranges qu’auparavant. Il divague de mani\u00e8re incoh\u00e9rente d’un sujet \u00e0 l’autre, s’arr\u00eate parfois pour se balancer d\u2019avant en arri\u00e8re sur un th\u00e8me musical, ne retient plus aucune expression obsc\u00e8ne dans ses prises de parole \u2014 en comparaison, le fameux \u00ab casse-toi pauv’ con \u00bb de Nicolas Sarkozy semble d\u2019une certaine d\u00e9licatesse \u2014 et fait ouvertement part de ses r\u00e9flexions sur la taille du p\u00e9nis d’un golfeur c\u00e9l\u00e8bre\u2026<\/p>\n\n\n\n

Tandis que les D\u00e9mocrates accusent un Trump vieilli et \u00e9puis\u00e9 de succomber \u00e0 la d\u00e9mence, les R\u00e9publicains se r\u00e9jouissent de cette bizarrerie qui prouve une fois de plus que leur champion refuse de respecter les r\u00e8gles d’un syst\u00e8me v\u00e9reux et \u00ab truqu\u00e9 \u00bb. En Pennsylvanie, o\u00f9 il est devenu impossible d’\u00e9chapper \u00e0 l’assaut des publicit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es, des panneaux d’affichage, des pancartes et des b\u00e9n\u00e9voles qui s\u2019activent en pratiquant le porte-\u00e0-porte, presque aucun \u00e9lecteur ne semble avoir chang\u00e9 d’avis depuis 2020 <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Face \u00e0 cette impasse, il est peut-\u00eatre temps de s’interroger sur ce que les deux candidats feraient<\/em> r\u00e9ellement en tant que pr\u00e9sident.<\/p>\n\n\n\n

Trump, bien s\u00fbr, pr\u00e9vient que Harris \u00ab d\u00e9truira le pays \u00bb, alors que lui-m\u00eame, s’il est \u00e9lu, r\u00e9soudra comme par magie tous les probl\u00e8mes des Am\u00e9ricains en quelques mois. Harris, bien que plus mesur\u00e9e et raisonnable, pr\u00e9dit toujours le pire si elle perd \u2014 tout en promettant une foultitude d’am\u00e9liorations si elle gagne.<\/p>\n\n\n\n

Ces promesses et ces pr\u00e9dictions ont-elles un quelconque rapport avec la r\u00e9alit\u00e9 ?<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l’approche d\u2019un scrutin historique, il est utile de rappeler une chose simple : un pr\u00e9sident am\u00e9ricain ne peut, en g\u00e9n\u00e9ral, pas accomplir grand-chose \u2014 du moins sur un certain nombre d\u2019aspects.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 deux semaines de l’\u00e9lection pr\u00e9sidentielle, les sondages ne pourraient pas \u00eatre plus serr\u00e9s. Peu de choses ont chang\u00e9 au cours des sept derniers jours, et il y a eu peu de vraies nouvelles.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Tout d\u2019abord, il n’a qu’un contr\u00f4le limit\u00e9 sur la situation \u00e9conomique \u2014 une r\u00e9alit\u00e9 trop vaste et trop complexe pour \u00eatre subsum\u00e9e par un ensemble de politiques publiques. Le pr\u00e9sident peut d\u00e9truire l’\u00e9conomie \u2014 par exemple en imposant des droits de douane absurdement exag\u00e9r\u00e9s sur les produits \u00e9trangers ou en faisant exploser compl\u00e8tement la dette nationale \u2014 comme Trump menace de le faire. Mais il y a beaucoup moins de choses qu\u2019il puisse faire pour am\u00e9liorer<\/em> l’\u00e9conomie. Si la conjoncture est favorable, les pr\u00e9sidents sont r\u00e9compens\u00e9s. Si la situation se d\u00e9grade, ils sont bl\u00e2m\u00e9s. La plupart du temps, ils ne sont responsables directement ni de l’un, ni de l’autre. Le r\u00e9cent \u00e9pisode d’inflation aux \u00c9tats-Unis n’avait pas grand-chose \u00e0 voir avec les politiques de l’administration Biden. Il s\u2019inscrivait dans un contexte mondial li\u00e9 \u00e0 la pand\u00e9mie. Les \u00c9tats-Unis ont certes fait mieux que la plupart des autres pays en ramenant rapidement le taux d’inflation \u00e0 la baisse. Mais si Joe Biden en peut en partie s\u2019en targuer, c’est surtout aussi pour des raisons qui ne tiennent pas qu\u2019\u00e0 la volont\u00e9 d’un seul individu.<\/p>\n\n\n\n

Un pr\u00e9sident ne peut pas non plus se contenter de mettre en \u0153uvre de nouveaux programmes tr\u00e8s ambitieux. Si l’opposition contr\u00f4le une partie du Congr\u00e8s, le pr\u00e9sident peut avoir des difficult\u00e9s \u00e0 faire passer une loi ; il peut alors r\u00e9aliser un certain nombre de choses par le biais d’un d\u00e9cret. Mais m\u00eame dans ce cas, il y aura des poursuites judiciaires, une foule de juges f\u00e9d\u00e9raux d\u00e9sireux de contrecarrer pratiquement toute initiative de l’ex\u00e9cutif, ainsi qu\u2019une derni\u00e8re \u00e9tape ennuyeuse \u2014 la Cour supr\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

De m\u00eame, un pr\u00e9sident ne peut pas simplement \u00ab fermer la fronti\u00e8re \u00bb et mettre fin \u00e0 l’immigration clandestine d\u2019un claquement de doigts. Une grande partie des migrants qui se trouvent ill\u00e9galement aux \u00c9tats-Unis sont entr\u00e9s avec des visas valides : ils n’ont simplement pas quitt\u00e9 le pays \u00e0 la fin de leur s\u00e9jour. Aucun mur frontalier \u2014 aussi haut et imposant soit-il \u2014 n’aurait pu les arr\u00eater. En outre, les fronti\u00e8res des \u00c9tats-Unis avec le Mexique et le Canada s’\u00e9tendent sur presque 13 000 kilom\u00e8tres \u2014 dont une grande partie, il est vrai, se trouve en Alaska \u2014 et il n’est pas \u00e9vident de les cl\u00f4turer toutes et de les patrouiller. C\u2019est essentiellement pour cela que la construction du fameux \u00ab mur \u00bb de Donald Trump \u2014 que le Mexique \u00e9tait cens\u00e9 payer \u2014 n\u2019a pas dans les faits pas avanc\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Enfin \u2014 et m\u00eame si c’est souvent une chose choquante \u00e0 admettre pour les citoyens am\u00e9ricains \u2014 le pr\u00e9sident des \u00c9tats-Unis ne peut g\u00e9n\u00e9ralement pas dicter ce que font les pays \u00e9trangers, qui ont bien souvent leurs propres raisons d’agir. Les pr\u00e9sidents peuvent faire de l’esbroufe et menacer, mais l\u00e0 encore, ils sont confront\u00e9s \u00e0 des limites. Peuvent-ils par exemple simplement \u00ab couper l’aide \u00bb \u00e0 un pays dont ils d\u00e9sapprouvent la politique ? C’est possible, mais le Congr\u00e8s a aussi son mot \u00e0 dire en la mati\u00e8re. Barack Obama avait ainsi r\u00e9tabli les relations diplomatiques avec Cuba tout en \u00e9tant absolument incapable de lever l’embargo absurde et cruel sur le commerce avec Cuba, vieux de soixante ans, parce que cela relevait de la comp\u00e9tence du Congr\u00e8s.<\/p>\n\n\n\n\n

\n \n
\n
\n \n
\n \n \"Le\n <\/picture>\n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, parle depuis la fen\u00eatre du drive-in lors d’un arr\u00eat de campagne dans un McDonald’s, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Feasterville-Trevose, en Pennsylvanie \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n \n <\/div>\n
\n \n
\n \n \"Le\n <\/picture>\n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, parle depuis la fen\u00eatre du drive-in lors d’un arr\u00eat de campagne dans un McDonald’s, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Feasterville-Trevose, en Pennsylvanie \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n <\/a>\n <\/div>\n <\/div>\n \n
\n
\n
\n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, parle depuis la fen\u00eatre du drive-in lors d’un arr\u00eat de campagne dans un McDonald’s, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Feasterville-Trevose, en Pennsylvanie \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n \n <\/div>\n
\n
\n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, parle depuis la fen\u00eatre du drive-in lors d’un arr\u00eat de campagne dans un McDonald’s, dimanche 20 octobre 2024, \u00e0 Feasterville-Trevose, en Pennsylvanie \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption> <\/figure>\n <\/div>\n <\/div>\n<\/div>\n\n\n\n

L’exemple de la pr\u00e9sidence de Donald Trump illustre assez bien tout ce qui pr\u00e9c\u00e8de.<\/p>\n\n\n\n

Comme chacun sait, le pr\u00e9sident Trump passait une grande partie de ses journ\u00e9es \u00e0 regarder la t\u00e9l\u00e9vision<\/a>. Il a beaucoup jou\u00e9 au golf. Il a pass\u00e9 beaucoup moins de temps que la plupart des pr\u00e9sidents \u00e0 participer \u00e0 des r\u00e9unions de fond, et pratiquement aucun \u00e0 lire des documents d’information ou \u00e0 apprendre quoi que ce soit d’essentiel sur les questions dont il s’occupait. Dans une tr\u00e8s large mesure, son action en tant que pr\u00e9sident a consist\u00e9 \u00e0 faire des d\u00e9clarations publiques grandiloquentes et \u00e0 publier des tweets enrag\u00e9s. Il a fait passer tr\u00e8s peu de choses importantes au Congr\u00e8s, \u00e0 l’exception des r\u00e9ductions d’imp\u00f4ts massives souhait\u00e9es par le parti r\u00e9publicain et ses riches partisans, et des nominations \u00e0 la Cour supr\u00eame et \u00e0 d’autres postes qui lui ont \u00e9t\u00e9 sugg\u00e9r\u00e9es par divers groupes de pression conservateurs<\/a>. Ces nominations ont eu de l’importance \u2014 beaucoup d’importance. C\u2019est sans doute elles qui constituent son h\u00e9ritage le plus important. Il a \u00e9galement particip\u00e9 \u00e0 sceller les Accords d’Abraham entre Isra\u00ebl et plusieurs \u00c9tats arabes \u2014 m\u00eame si les pays en question \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 en train de se diriger vers un tel processus. Pour le reste, Donald Trump s’est content\u00e9 de s’attribuer les m\u00e9rites des choses positives qui se sont produites sous sa pr\u00e9sidence, tout en rejetant la responsabilit\u00e9 des mauvaises sur les autres \u2014 ce que, pour \u00eatre tout \u00e0 fait juste, tous les pr\u00e9sidents ont tendance \u00e0 faire.<\/p>\n\n\n\n

Le pr\u00e9sident des \u00c9tats-Unis ne peut g\u00e9n\u00e9ralement pas dicter ce que font les pays \u00e9trangers, qui ont bien souvent leurs propres raisons d’agir. <\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Lors de la plus grande crise de son administration, la pand\u00e9mie de Covid-19, il a certes pris la d\u00e9cision \u00e9vidente de soutenir une op\u00e9ration d’urgence visant \u00e0 concevoir et \u00e0 produire des vaccins le plus rapidement possible. Mais il a par ailleurs eu une gestion scandaleuse de l\u2019urgence, au prix de centaines de milliers de vies am\u00e9ricaines.<\/p>\n\n\n\n

Si Kamala Harris est \u00e9lue, il est malheureux de constater qu’elle n’accomplira probablement pas grand-chose non plus.<\/p>\n\n\n\n

Il est possible que les D\u00e9mocrates conservent le contr\u00f4le du S\u00e9nat ou reprennent celui de la Chambre des repr\u00e9sentants. La probabilit\u00e9 qu’ils fassent les deux semble toutefois tr\u00e8s faible. Et tant que les R\u00e9publicains contr\u00f4leront au moins l\u2019une des deux chambres \u2014 en plus, dans les faits, de la Cour supr\u00eame \u2014 les chances de voir Harris adopter des avanc\u00e9es l\u00e9gislatives significatives sont minces, voire nulles. L’histoire de son administration serait probablement la m\u00eame que celle de Biden depuis 2022 : impasses constantes, menace r\u00e9p\u00e9t\u00e9e de shutdown<\/em>, enqu\u00eates interminables du Congr\u00e8s sur les pr\u00e9tendus \u00ab scandales \u00bb d\u00e9mocrates, executive orders<\/em> bloqu\u00e9s par les tribunaux\u2026<\/p>\n\n\n\n

Si Trump gagne, les possibilit\u00e9s d’actions cons\u00e9quentes, voire d\u00e9sastreuses, sont plus nombreuses, surtout si les R\u00e9publicains prennent le contr\u00f4le total du Congr\u00e8s \u2014 ce qui est plus probable que les D\u00e9mocrates. On peut s\u2019attendre \u00e0 une nouvelle s\u00e9rie de r\u00e9ductions d’imp\u00f4ts massives pour les plus riches, ce qui augmentera encore le d\u00e9ficit f\u00e9d\u00e9ral. Les R\u00e9publicains demanderont alors tr\u00e8s probablement des r\u00e9ductions importantes des d\u00e9penses dans les programmes sociaux am\u00e9ricains, m\u00eame si de telles coupes dans le pass\u00e9 ne leur ont pas beaucoup r\u00e9ussi : trop nombreux sont ceux parmi leurs propres \u00e9lecteurs qui d\u00e9pendent de la s\u00e9curit\u00e9 sociale et de Medicare<\/em>. Trump peut imposer des droits de douane punitifs sur les importations \u00e9trang\u00e8res sans l’autorisation du Congr\u00e8s \u2014 mais prendrait-il le risque de la hausse consid\u00e9rable des prix qui s’ensuivrait presque immanquablement ? \u00c9tant donn\u00e9 que Trump se soucie de sa popularit\u00e9 plus que de toute autre chose, il est permis d\u2019en douter.<\/p>\n\n\n\n

Aux pr\u00e9dictions les plus terribles d’une nouvelle pr\u00e9sidence Trump \u2014 dont le gradient va de la lente \u00e9rosion de la d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine fa\u00e7on Hongrie de Viktor Orb\u00e1n<\/a> \u00e0 une dictature fasciste totale \u2014 il faut opposer la r\u00e9alit\u00e9 paresseuse et terne de la premi\u00e8re pr\u00e9sidence de Trump.<\/p>\n\n\n\n

Il est vrai que cette fois-ci, Trump est beaucoup plus vindicatif que la fois pr\u00e9c\u00e9dente, qu’il a des conseillers engag\u00e9s dans des actions radicales et qu’il est moins susceptible de s’entourer de r\u00e9publicains classiques qui essaieront de le contenir. Malgr\u00e9 cela, il y a des raisons de penser que Trump aura du mal \u00e0 mettre en \u0153uvre des changements v\u00e9ritablement radicaux, \u00e0 supposer qu’il en fasse l’effort. Il est \u00e9galement plus \u00e2g\u00e9 et semble souvent \u00e9puis\u00e9 et confus.<\/p>\n\n\n\n

Cette fois-ci, Trump est beaucoup plus vindicatif que la fois pr\u00e9c\u00e9dente.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La promesse de Trump d’utiliser l’Alien Act, adopt\u00e9 sous la pr\u00e9sidence de John Adams, pour faciliter l’expulsion massive de millions de migrants \u2014 y compris m\u00eame des migrants l\u00e9gaux consid\u00e9r\u00e9s comme une menace pour la s\u00e9curit\u00e9 nationale \u2014 est effrayante. Mais une op\u00e9ration de cette ampleur serait extr\u00eamement difficile et co\u00fbteuse \u00e0 organiser et se heurterait certainement \u00e0 de s\u00e9rieuses difficult\u00e9s devant les tribunaux. Il est important de rappeler que la tentative beaucoup plus limit\u00e9e de Trump d’interdire l’entr\u00e9e des visiteurs de cinq pays musulmans (Muslim Ban<\/em>) en 2017 avait finalement \u00e9t\u00e9 bloqu\u00e9e par les tribunaux. Les camps d’expulsion de Trump resteront tr\u00e8s probablement dans la m\u00eame zone de son imagination d\u00e9lirante que le mur frontalier jamais construit que le Mexique n’a pas pay\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Le plan dit \u00ab Project 2025 \u00bb<\/a>, con\u00e7u par les partisans de Trump au sein de la tr\u00e8s conservatrice Heritage Foundation, qui appelle, entre autres, \u00e0 une purge du gouvernement f\u00e9d\u00e9ral \u2014 o\u00f9 les fonctionnaires de carri\u00e8re seraient remplac\u00e9s par des apparatchiks<\/em> trumpiens \u2014 est tout aussi effrayant. Ses auteurs ont beaucoup plus r\u00e9fl\u00e9chi que les conseillers de Trump ne l’ont fait au cours de sa premi\u00e8re administration \u00e0 la mani\u00e8re de faire \u00e9chouer d’\u00e9ventuelles contestations judiciaires. Mais dans la capitale des proc\u00e8s \u2014 Washington D.C \u2014 ces d\u00e9fis juridiques surviendraient de toute fa\u00e7on. L’impact de Trump sur le gouvernement f\u00e9d\u00e9ral est plus susceptible de se r\u00e9v\u00e9ler chaotique que purement et simplement destructeur. Cela n\u2019enl\u00e8ve rien au fait que le chaos en lui-m\u00eame est d\u00e9j\u00e0 assez grave \u2014 sans parler du renversement des politiques de Biden sur la lutte contre le changement climatique.<\/p>\n\n\n\n

Trump pourrait bien essayer, en repr\u00e9sailles aux multiples poursuites engag\u00e9es contre lui, d’enqu\u00eater et de poursuivre ses ennemis politiques. Bien s\u00fbr, il avait promis la m\u00eame chose en 2016 contre Hillary Clinton \u2014 on se souvient du \u00ab lock her up<\/em> ! \u00bb \u2014 sans jamais mettre sa menace \u00e0 ex\u00e9cution. M\u00eame s’il fait cet effort en 2025, il aura du mal \u2014 pour toutes les raisons que nous venons d’\u00e9voquer \u2014 \u00e0 plier le minist\u00e8re de la Justice \u00e0 sa volont\u00e9, quelle que soit la loyaut\u00e9 de son procureur g\u00e9n\u00e9ral. Et m\u00eame s’il parvenait \u00e0 engager des poursuites contre Harris, Biden et d’autres d\u00e9mocrates de premier plan, l’intention de poursuivre ne garantit pas de mises en accusation, encore moins a fortiori<\/em> des condamnations. Bien qu’ils aient affirm\u00e9 \u00e0 maintes reprises avoir d\u00e9couvert des preuves accablantes (\u00ab smoking guns<\/em> \u00bb) de l’immense corruption de la \u00ab famille criminelle des Biden \u00bb et malgr\u00e9 le contr\u00f4le de leur parti sur la Chambre des repr\u00e9sentants, les R\u00e9publicains n’ont pas r\u00e9ussi \u00e0 pr\u00e9senter une r\u00e9solution de mise en accusation (impeachment<\/em>) de Joe Biden \u00e0 la Chambre, et encore moins \u00e0 l’adopter.<\/p>\n\n\n\n

Trump essaiera certainement de faire passer des mesures visant \u00e0 priver les \u00e9lecteurs d\u00e9mocrates de leur droit de vote, tr\u00e8s probablement en exigeant des preuves rigoureuses d’\u00e9ligibilit\u00e9 au vote qui cibleraient de mani\u00e8re in\u00e9gale les \u00e9lecteurs pauvres issus des minorit\u00e9s. Il essaiera de faire pression sur les m\u00e9dias traditionnels et sur les r\u00e9seaux sociaux pour qu’ils accordent une place disproportionn\u00e9e \u00e0 sa propagande, au nom de la \u00ab libert\u00e9 d’expression \u00bb. Son fervent soutien Elon Musk l’y aidera. Mais une fois de plus, ces mesures ne seront pas sans se heurter \u00e0 de s\u00e9rieuses difficult\u00e9s devant les tribunaux.<\/p>\n\n\n\n

L’impact de Trump sur le gouvernement f\u00e9d\u00e9ral est plus susceptible de se r\u00e9v\u00e9ler chaotique que purement et simplement destructeur.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La politique \u00e9trang\u00e8re est un domaine beaucoup plus pr\u00e9occupant.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s bient\u00f4t trois ans de guerre, la plupart des Am\u00e9ricains ont cess\u00e9 de pr\u00eater attention \u00e0 l’Ukraine, et Donald Trump pourrait tr\u00e8s probablement r\u00e9duire le soutien des \u00c9tats-Unis \u00e0 Kiev sans que cela ne lui co\u00fbte s\u00e9rieusement sur le plan politique. Il pourrait bien forcer l’Ukraine \u00e0 accepter un accord de paix d\u00e9sastreux avec la Russie, qui la priverait d’un territoire consid\u00e9rable, la rapprocherait de la sph\u00e8re d’influence russe et encouragerait Vladimir Poutine \u00e0 prendre de nouvelles mesures expansionnistes. Trump reviendra sans doute aussi \u00e0 la vieille antienne selon laquelle tant que les alli\u00e9s de l’OTAN n’auront pas \u00ab pay\u00e9 leur part \u00bb, il ne consid\u00e9rera pas que les \u00c9tats-Unis sont tenus par le trait\u00e9 de les d\u00e9fendre. Si l’effondrement complet de l\u2019Alliance semble encore une possibilit\u00e9 relativement lointaine, son affaiblissement significatif ne l’est pas. Comme Trump l’a d\u00e9montr\u00e9 de mani\u00e8re trop concluante lors de sa premi\u00e8re pr\u00e9sidence : il ne se soucie pas du tout des droits de l’Homme et consid\u00e8re les affaires internationales comme un pur rapport de force, tout en restant lui-m\u00eame tr\u00e8s perm\u00e9able aux flatteries des dictateurs \u00e9trangers.<\/p>\n\n\n\n

Mais le plus inqui\u00e9tant est la perspective renouvel\u00e9e d’avoir un homme \u00e2g\u00e9, ignorant, narcissique, d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9 et probablement s\u00e9nile \u00e0 la t\u00eate du pays le plus puissant de la plan\u00e8te. Un homme que son premier secr\u00e9taire d’\u00c9tat a qualifi\u00e9 de \u00ab cr\u00e9tin \u00bb, que le chef de cabinet de la Maison-Blanche a trait\u00e9 \u00ab d’idiot \u00bb et de \u00ab d\u00e9s\u00e9quilibr\u00e9 \u00bb, que le secr\u00e9taire \u00e0 la D\u00e9fense a d\u00e9clar\u00e9 avoir la compr\u00e9hension d’un \u00ab coll\u00e9gien \u00bb, que le conseiller \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 nationale a jug\u00e9 \u00ab inapte \u00bb et que le pr\u00e9sident de l’\u00e9tat-major interarm\u00e9es qualifie aujourd’hui de \u00ab fasciste \u00bb. Qu’un tel homme soit en charge d’un camion de ramassage d’ordures ne serait d\u00e9j\u00e0 pas souhaitable \u2014 alors d’un arsenal nucl\u00e9aire massif en cas d’urgence\u2026<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
\u00a9 AP Photo\/Alex Brandon<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Princeton, NJ, 14 octobre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

La peur d\u00e9vore l\u2019\u00e2me<\/h2>\n\n\n\n

Pour une fois, tr\u00e8s peu de choses ont chang\u00e9 dans la course \u00e0 la pr\u00e9sidence au cours de la semaine \u00e9coul\u00e9e. Les sondages dans les sept \u00c9tats clefs du champ de bataille restent terriblement serr\u00e9s et la dynamique politique de l’\u00e9lection semble, pour l’instant, fig\u00e9e. Si Kamala Harris multiplie d\u00e9sormais les entretiens, elle \u00e9prouve toujours des difficult\u00e9s \u00e0 faire parler d’elle. Lest\u00e9e par sa fonction de vice-pr\u00e9sidente en exercice, elle a encore du mal \u00e0 se d\u00e9finir comme une candidate \u00ab du changement \u00bb et doit en cons\u00e9quence se contenter du positionnement de candidate \u00ab anti-Trump \u00bb, comme l’avait fait Hillary Clinton en 2016 et Joe Biden en 2020.<\/p>\n\n\n\n

Cela suffira-t-il ?<\/p>\n\n\n\n

Les deux facteurs \u00ab joker \u00bb les plus importants de la course restent \u00e9galement ce qu’ils sont depuis un certain temps d\u00e9j\u00e0. D’une part, les d\u00e9mocrates disposent d’une organisation plus efficace sur le terrain pour faire sortir le vote dans les \u00c9tats clefs. D’autre part, un nombre inconnu d’\u00e9lecteurs ayant l’intention de voter pour Trump ne l’avoueront pas aux sondeurs. Il pourrait s’agir d’un nombre important d’\u00e9lecteurs hispaniques, qui ne se sont pas enti\u00e8rement ralli\u00e9s \u00e0 Harris <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span> malgr\u00e9 la diabolisation des migrants hispaniques par Trump. Un autre facteur est que les \u00e9lecteurs musulmans pourraient faire basculer le Michigan vers Trump <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span> par col\u00e8re contre le soutien de l’administration Biden-Harris \u00e0 Isra\u00ebl : soit en ne participant pas \u00e0 l’\u00e9lection, soit en votant pour la candidate d’extr\u00eame gauche Jill Stein \u2014 d’un autre c\u00f4t\u00e9, de trop fortes critiques \u00e0 l\u2019encontre d\u2019Isra\u00ebl ali\u00e9neraient probablement de nombreux autres \u00e9lecteurs. Sur cette question, Harris est forc\u00e9ment perdante.<\/p>\n\n\n\n

Si Kamala Harris multiplie d\u00e9sormais les entretiens, elle \u00e9prouve toujours des difficult\u00e9s \u00e0 faire parler d’elle.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais il n\u2019y a pas que la dynamique de la course qui semble fig\u00e9e. Il en va de m\u00eame pour les dynamiques sociales et culturelles qui la sous-tendent. Une nouvelle enqu\u00eate tr\u00e8s int\u00e9ressante men\u00e9e en Pennsylvanie <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span> donne des indications suppl\u00e9mentaires \u00e0 ce sujet et contribue \u00e0 expliquer le succ\u00e8s surprenant de Trump parmi les Hispaniques \u2014 et peut-\u00eatre aussi parmi les Noirs. Elle sugg\u00e8re que la classe sociale joue un r\u00f4le de plus en plus important dans la formation des divisions politiques am\u00e9ricaines. Parmi les travailleurs manuels de Pennsylvanie, Trump d\u00e9tient une avance de vingt points (56 % contre 36 %). Il est m\u00eame en t\u00eate dans la cat\u00e9gorie traditionnellement d\u00e9mocrate des travailleurs syndiqu\u00e9s. Les travailleurs qui affirment avoir \u00e9t\u00e9 injustement licenci\u00e9s soutiennent massivement Trump (53 % contre 37 %), tout comme, plus fortement encore, ceux qui consid\u00e8rent leur emploi comme \u00ab tr\u00e8s ou assez pr\u00e9caire \u00bb (58 % contre 33 %). Parall\u00e8lement, Kamala Harris d\u00e9tient une solide avance parmi les employ\u00e9s de bureau et les travailleurs des services, ainsi qu’une large avance parmi les habitants de Pennsylvanie titulaires d’un dipl\u00f4me universitaire de quatre ans (51 % contre 40 %). Ces chiffres refl\u00e8tent le clivage entre le secteur manufacturier et le secteur de la connaissance et des services, ainsi que l’\u00e9clipse du premier \u2014 d\u00e9crite il y a un demi-si\u00e8cle par mon p\u00e8re, le sociologue Daniel Bell, dans son ouvrage The Coming of Post-Industrial Society (L’av\u00e8nement de la soci\u00e9t\u00e9 post-industrielle<\/em>). Une dimension suppl\u00e9mentaire toutefois, qu’il n’avait pas anticip\u00e9e, est l’essor de \u00ab l’\u00e9conomie des petits boulots \u00bb (gig economy<\/em>), qui a priv\u00e9 de nombreux travailleurs du secteur des services d’un emploi stable et d’avantages sociaux. Dans l’ensemble, malgr\u00e9 le dynamisme de l’\u00e9conomie am\u00e9ricaine, de nombreux \u00e9lecteurs de Pennsylvanie se sentent encore clairement laiss\u00e9s pour compte ou menac\u00e9s sur le plan \u00e9conomique. Ils se tournent vers le candidat qui r\u00e9pond \u00e0 leurs inqui\u00e9tudes, identifie les responsables de leurs probl\u00e8mes et promet des mesures d\u00e9cisives contre eux.<\/p>\n\n\n\n

Certes, ces \u00e9lecteurs de la classe ouvri\u00e8re ne sont pas le seul groupe d’\u00e9lecteurs de Donald Trump. Comme le soulignent sans cesse les rapports, il obtient \u00e9galement de tr\u00e8s bons r\u00e9sultats parmi les Am\u00e9ricains blancs, banlieusards et ruraux relativement ais\u00e9s qui n’ont pas fr\u00e9quent\u00e9 d’universit\u00e9s s\u00e9lectives \u2014 les riches concessionnaires automobiles, par exemple. Ici, les facteurs \u00e0 l’\u0153uvre sont plus purement culturels : un ressentiment \u00e0 l’\u00e9gard des \u00ab \u00e9lites \u00bb d\u00e9mocrates, consid\u00e9r\u00e9es comme antipatriotiques, antireligieuses et d\u00e9connect\u00e9es des \u00ab valeurs am\u00e9ricaines normales \u00bb sur des questions telles que les transitions de genre et la discrimination positive. Ces \u00e9lecteurs ne se sentent pas respect\u00e9s, malgr\u00e9 leur travail acharn\u00e9 et leur r\u00e9ussite, et se consid\u00e8rent surtax\u00e9s et sur-r\u00e9glement\u00e9s. Ils sont r\u00e9ceptifs au candidat qui, selon eux, aurait b\u00e2ti une fortune colossale en travaillant dur, mais qui serait rest\u00e9 \u00ab l’un des leurs \u00bb et qui d\u00e9teste les m\u00eames personnes qu\u2019ils d\u00e9testent.<\/p>\n\n\n\n

Malgr\u00e9 le dynamisme de l’\u00e9conomie am\u00e9ricaine, de nombreux \u00e9lecteurs de Pennsylvanie se sentent encore clairement laiss\u00e9s pour compte ou menac\u00e9s sur le plan \u00e9conomique. Ils se tournent vers le candidat qui r\u00e9pond \u00e0 leurs inqui\u00e9tudes, identifie les responsables de leurs probl\u00e8mes et promet des mesures d\u00e9cisives contre eux.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Un facteur malheureux \u2014 que peu de commentateurs reconnaissent \u2014 est que le niveau d’\u00e9ducation relativement faible a rendu de nombreux \u00e9lecteurs de Trump particuli\u00e8rement vuln\u00e9rables \u00e0 la propagande et aux th\u00e9ories du complot.<\/p>\n\n\n\n

La d\u00e9mocratie am\u00e9ricaine, comme toutes les d\u00e9mocraties modernes, est fond\u00e9e sur la grande id\u00e9e que le \u00ab bon sens \u00bb des gens ordinaires compte plus que l’expertise acad\u00e9mique pour les \u00e9quiper en tant que citoyens \u2014 on peut lire l\u2019ouvrage essentiel de l’historienne Sophia Rosenfeld \u00e0 ce sujet <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le conservateur William F. Buckley a dit un jour qu’il pr\u00e9f\u00e9rait \u00eatre gouvern\u00e9 par les deux mille premiers noms de l’annuaire t\u00e9l\u00e9phonique de Boston plut\u00f4t que par tous les professeurs de Harvard, et il est difficile de ne pas \u00eatre d’accord avec lui. Mais \u00e0 l’\u00e9poque, ces deux mille personnes s’informaient principalement dans les journaux grand public. Leurs homologues d\u2019aujourd\u2019hui s’informent en grande partie par le biais des r\u00e9seaux sociaux et de m\u00e9dias audiovisuels conservateurs extr\u00eamement partisans. Le niveau atrocement bas de l’\u00e9ducation civique de base dispens\u00e9e par la plupart des lyc\u00e9es am\u00e9ricains les laisse dangereusement mal pr\u00e9par\u00e9s \u00e0 distinguer la r\u00e9alit\u00e9 de la fiction<\/a>. Au cours des deux derni\u00e8res semaines, l’id\u00e9e absurde selon laquelle les d\u00e9mocrates auraient manipul\u00e9 les ouragans Helene et Milton pour cibler les r\u00e9gions r\u00e9publicaines a \u00e9t\u00e9 vue des millions de fois sur les r\u00e9seaux sociaux <\/span>20<\/sup><\/a><\/span><\/span>, tout comme les affirmations mensong\u00e8res selon lesquelles le gouvernement f\u00e9d\u00e9ral aurait failli dans sa r\u00e9ponse aux catastrophes parce qu’il aurait donn\u00e9 tout l’argent aux migrants. Sur le site X d’Elon Musk \u2014 anciennement Twitter \u2014, les th\u00e9ories du complot se d\u00e9cha\u00eenent sans frein et sont tr\u00e8s peu contr\u00f4l\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

En additionnant tous ces facteurs, on obtient Trump.<\/p>\n\n\n\n

Ses meetings sont de plus en plus longs, les divagations sont de plus en plus d\u00e9cousues et incompr\u00e9hensibles, ses affirmations de plus en plus choquantes, ses mensonges encore plus nombreux et extravagants <\/span>21<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Au cours de la semaine \u00e9coul\u00e9e, il a trait\u00e9 Kamala Harris \u00ab d’attard\u00e9e \u00bb, a continu\u00e9 d\u2019insister sur le fait que les migrants pr\u00e9dispos\u00e9s au crime par leurs \u00ab g\u00e8nes \u00bb et leur \u00ab sang \u00bb traversent librement la fronti\u00e8re pour violer et assassiner des Am\u00e9ricains innocents, a affirm\u00e9 que les \u00e9coles retirent les enfants \u00e0 leurs parents pour leur faire subir des op\u00e9rations de changement de sexe, a promis de r\u00e9duire de moiti\u00e9 les prix de l’\u00e9nergie et a demand\u00e9 que les cha\u00eenes de t\u00e9l\u00e9vision qui accordent des entretiens trop favorables \u00e0 Kamala Harris se voient retirer leur licence \u2014 tout cela de la part d’un d\u00e9linquant s\u00e9ditieux dont la liste d\u2019infractions et de m\u00e9faits d\u00e9passe tout ce que l’histoire politique am\u00e9ricaine a connu jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent.<\/p>\n\n\n\n

Sur le site X d’Elon Musk, les th\u00e9ories du complot se d\u00e9cha\u00eenent sans frein et sont tr\u00e8s peu contr\u00f4l\u00e9es.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais dans notre environnement politique actuel, ces v\u00e9ritables indignations n’ont tout simplement pas beaucoup d’importance. De mani\u00e8re inqui\u00e9tante, de nombreux partisans de Trump croient tout ce qu’il dit. D’autres ne prennent tout simplement pas ses d\u00e9clarations au s\u00e9rieux et le consid\u00e8rent comme un homme de spectacle qui met en \u00e9vidence des probl\u00e8mes r\u00e9els d’une mani\u00e8re exag\u00e9r\u00e9e et divertissante. Il est l’essence m\u00eame du ressentiment<\/em> \u2014 et des millions d’Am\u00e9ricains travers\u00e9s par cette \u00e9motion l’encouragent parce qu’il ose briser les r\u00e8gles de la politique bien \u00e9tablie et choquer les \u00e9lites qu’ils accusent d’\u00eatre responsables de leurs probl\u00e8mes et de leurs angoisses. Plus les gens comme moi \u2014 un professeur de sciences humaines d\u2019une universit\u00e9 Ivy League \u2014 reculent d’horreur devant lui, plus ils l’appr\u00e9cient.<\/p>\n\n\n\n

Face \u00e0 Trump, il y a Kamala Harris. Si elle est une femme politique talentueuse et charismatique, qui propose un programme lib\u00e9ral pr\u00e9visible, raisonnable et mod\u00e9r\u00e9, dans la lign\u00e9e de l’administration Biden, elle n’a pas l’attrait flamboyant d’un Kennedy ou d’un Obama. Son besoin de d\u00e9fendre le statu quo<\/em> fait qu’elle a du mal \u00e0 atteindre les \u00e9lecteurs qui ont l’impression que ce statu quo<\/em> les trahit, ou \u00e0 enthousiasmer les jeunes Am\u00e9ricains. \u00c0 ce stade, elle ne peut plus faire grand-chose pour influencer le r\u00e9sultat, si ce n’est bombarder les \u00e9lecteurs des swing states<\/em> de publicit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es et continuer \u00e0 travailler sur le terrain pour faire sortir le vote. Notre question toujours, lancinante, continue de r\u00e9sonner : cela suffira-t-il ?<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Elon Musk, premi\u00e8re fortune mondiale (263 milliards de dollars au 6 octobre 2024 selon Bloomberg) lors du meeting de campagne du candidat Donald Trump \u00e0 Butler, sur les lieux de sa tentative d’assassinat, le 5 octobre 2024. \u00a9 AP Photo\/Evan Vucci<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Le moment Harris est derri\u00e8re nous<\/h2>\n\n\n\n

Princeton, NJ, 6 octobre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

La campagne de Kamala Harris est-elle au point mort ? Moins d’un mois avant l’\u00e9lection, l’\u00e9nergie et l’enthousiasme qui ont entour\u00e9 la candidate d\u00e9mocrate apr\u00e8s son investiture se sont visiblement dissip\u00e9s. Le d\u00e9bat  des candidats \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence de la semaine derni\u00e8re n’a rien arrang\u00e9<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Avec le recul, on constate que Harris a brillamment profit\u00e9 des opportunit\u00e9s qui se sont pr\u00e9sent\u00e9es \u00e0 elle : le retrait de Biden, la Convention, la nomination \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence, le d\u00e9bat avec Trump\u2026 Elle n’a cependant pas r\u00e9ussi \u00e0 prendre l’initiative de cr\u00e9er de nouvelles opportunit\u00e9s, ni de g\u00e9n\u00e9rer de l\u2019actualit\u00e9 autour d’elle.<\/p>\n\n\n\n

Or c\u2019est l\u00e0, bien s\u00fbr, l’un des grands talents de Donald Trump. Quoi que l’on pense de lui, c’est un showman ind\u00e9niable. Ses adversaires peuvent rire de son mauvais go\u00fbt \u2014 descendre un escalator dor\u00e9 pour annoncer sa premi\u00e8re campagne, par exemple. Ils peuvent fulminer face \u00e0 ses mensonges, ses exag\u00e9rations et ses promesses absurdes \u2014 expulser des dizaines de millions de migrants, imposer des droits de douane sur les produits import\u00e9s qui d\u00e9truisent l’\u00e9conomie. Mais il sait comment faire les gros titres.<\/p>\n\n\n\n

Kamala Harris, en revanche, a jou\u00e9 une partition tr\u00e8s prudente \u2014 trop prudente. Elle fait moins d’apparitions que Trump dans les swing states<\/em> et donne beaucoup moins d\u2019entretiens. Elle est \u00e9galement tr\u00e8s prudente dans ses d\u00e9clarations, de peur qu’une d\u00e9claration trop forte ne lui ali\u00e8ne un groupe essentiel d\u2019\u00e9lecteurs ou qu’une erreur verbale ne g\u00e9n\u00e8re une vid\u00e9o virale et un bad buzz<\/em>. Hormis le discours de la Convention et le d\u00e9bat avec Trump, elle n’a pratiquement rien \u00ab dit \u00bb de m\u00e9morable au cours des deux derniers mois. Elle a essay\u00e9 de s’appuyer sur de \u00ab bonnes vibrations \u00bb et sur une politique des sentiments, pour franchir la ligne d’arriv\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Cela pourrait ne pas suffire.<\/p>\n\n\n\n

La strat\u00e9gie de Harris laisse de facto <\/em>\u00e0 Trump la ma\u00eetrise de l’agenda de la campagne.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Certes, elle est en quelque sorte pi\u00e9g\u00e9e par sa position singuli\u00e8re : elle est quasiment en fonction. Si elle propose une nouvelle initiative, Trump et Vance r\u00e9agiront imm\u00e9diatement : \u00ab Joe Biden et vous \u00eates au pouvoir depuis pr\u00e8s de quatre ans. Pourquoi ne l’avez-vous pas d\u00e9j\u00e0 fait ? \u00bb Elle h\u00e9site ainsi \u00e0 vanter les m\u00e9rites de l’\u00e9conomie \u2014 y compris les chiffres remarquablement positifs de l’emploi publi\u00e9s le 4 octobre \u2014 parce que les sondages continuent de dire que l’\u00e9conomie est un sujet qu’elle perd. Depuis qu’elle a choisi un colistier de gauche, dans sa qu\u00eate de l’insaisissable \u00ab swing voter<\/em> \u00bb, elle s’est activement rapproch\u00e9e du centre sur l’immigration et les fronti\u00e8res, sur la politique \u00e9trang\u00e8re \u2014 en particulier sur l’Ukraine et sur le conflit isra\u00e9lo-palestinien \u2014 et sur la politique \u00e9nerg\u00e9tique \u2014 en particulier le fracking<\/em>, sans presque jamais mentionner le changement climatique. Elle est all\u00e9e jusqu’\u00e0 faire campagne avec l’ancienne d\u00e9put\u00e9e r\u00e9publicaine Liz Cheney et \u00e0 exprimer sa gratitude envers le p\u00e8re de Cheney, Dick, l’ancien vice-pr\u00e9sident et strat\u00e8ge r\u00e9publicain que les d\u00e9mocrates continuent toujours d\u2019appeler le \u00ab prince des t\u00e9n\u00e8bres \u00bb. Ces gestes ont peut-\u00eatre contribu\u00e9 \u00e0 rassurer certains \u00e9lecteurs, mais ils ont fait baisser l’enthousiasme dans ses propres rangs. De plus, elles sont \u00e0 deux doigts de la faire passer aux yeux de certains pour une version light<\/em> de Trump \u2014 qui suivrait ses indications sur les questions de fond.<\/p>\n\n\n\n

En cons\u00e9quence, elle a \u00e9t\u00e9 contrainte, pour l’essentiel, de se pr\u00e9senter avec un motto <\/em>unique de campagne, une seule justification \u00e0 son \u00e9lection : elle n’est pas Donald Trump. <\/p>\n\n\n\n

Elle ne sera pas incomp\u00e9tente, erratique, corrompue et destructrice de la d\u00e9mocratie \u2014 ce qui est plus que suffisant, en ce qui me concerne, mais je ne suis pas un \u00e9lecteur de Pennsylvanie. Comme le dit son principal slogan de campagne : We are not going back<\/em> \u2014 \u00ab Nous ne reviendrons pas en arri\u00e8re \u00bb. Ne-pas-\u00eatre-Trump avait fonctionn\u00e9 pour Joe Biden il y a quatre ans, juste apr\u00e8s des ann\u00e9es de chaos trumpien et le d\u00e9sastre de la pand\u00e9mie. Cela n’avait pas suffi \u00e0 Hillary Clinton il y a huit ans. Et cela pourrait ne pas fonctionner pour Kamala Harris cette fois-ci. <\/p>\n\n\n\n

D’une part, cette strat\u00e9gie laisse de facto <\/em>\u00e0 Trump la ma\u00eetrise de l’agenda de la campagne, Harris r\u00e9agissant principalement \u00e0 ce qu’il dit et \u00e0 ce qu’il fait. D’autre part, le fait m\u00eame que le pays soit encore debout sugg\u00e8re \u00e0 de nombreux \u00e9lecteurs que Trump n’a pas pu \u00eatre aussi mauvais que le pr\u00e9tendent les d\u00e9mocrates. N’oublions pas par ailleurs que certains des \u00e9lecteurs am\u00e9ricains h\u00e9siteront encore avant de remettre leur destin entre les mains d’une femme noire.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 un mois du vote, l\u2019\u00e9lection reste encore totalement ouverte.<\/p>David A. Bell<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le d\u00e9bat de la semaine derni\u00e8re entre Tim Walz et J. D. Vance aurait pu \u00eatre l’occasion de revigorer la campagne d\u00e9mocrate \u2014 ou au moins de renforcer puissamment le message anti-Trump. Avant le d\u00e9bat, les commentateurs consid\u00e9raient largement le choix de Vance comme un d\u00e9sastre. Il \u00e9tait apparu comme arrogant, pr\u00e9tentieux et hypocrite, et tr\u00e8s affaibli par ses propres remarques offensantes sur les femmes<\/a>. Tim Walz, en revanche, avait impressionn\u00e9 les faiseurs d\u2019opinion avec son personnage rassurant de p\u00e8re du Midwest et son abord tr\u00e8s ordinaire par rapport \u00e0 ce qu’il a appel\u00e9 de mani\u00e8re tranchante les r\u00e9publicains \u00ab bizarres \u00bb (weird<\/em>). Mais lors du d\u00e9bat, Vance, avocat form\u00e9 \u00e0 Yale, est apparu intelligent, \u00e9loquent et calme, voire rassurant. Certes, il n’a pu rassurer qu’en mentant comme un arracheur de dents sur les positions, les ant\u00e9c\u00e9dents et le caract\u00e8re de son colistier. Mais \u00e0 plusieurs reprises, Walz a tr\u00e9buch\u00e9, perdu le fil de sa pens\u00e9e et n’a finalement pas r\u00e9ussi \u00e0 d\u00e9noncer les affabulations de Vance. Ce n’est qu’\u00e0 la fin du d\u00e9bat que Walz a marqu\u00e9 un point en demandant directement \u00e0 Vance si Trump avait perdu l’\u00e9lection de 2020. Lorsque Vance, esquivant la question, a essay\u00e9 de pivoter pour parler de \u00ab l’avenir \u00bb, il l’a interrompu avec cette phrase : \u00ab c’est une non-r\u00e9ponse accablante \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Gr\u00e2ce \u00e0 ce dernier moment, on peut dire que le d\u00e9bat s’est sold\u00e9 par une victoire de justesse de Vance, plut\u00f4t que par une victoire haut-la-main. Et comme l’ont fait remarquer de nombreux observateurs, les d\u00e9bats de colistiers n’ont finalement que tr\u00e8s peu d’importance. De fait, les candidatures \u00e0 la vice-pr\u00e9sidence n’ont que peu d’importance. Se souvient-on du nom du colistier d’Hillary Clinton, de John Kerry, ou de Mitt Romney ? Tim Kaine, John Edwards, Paul Ryan \u2014 pour m\u00e9moire. Mais les d\u00e9mocrates avaient besoin d’un triomphe clair et qui fasse les gros titres pour obtenir une couverture m\u00e9diatique favorable. Force est de constater qu\u2019ils n’ont pas r\u00e9ussi \u00e0 l’obtenir.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, malgr\u00e9 la perte d’\u00e9lan de Kamala Harris, la course reste terriblement serr\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

La plupart des sondages montrent que les candidats se situent \u00e0 moins de deux points l’un de l’autre dans les sept \u00c9tats clefs. De plus, de nombreux \u00e9l\u00e9ments d’incertitude subsistent. Certains \u00e9lecteurs refusent-ils d’avouer aux sondeurs leur intention de voter pour Trump, comme ce fut le cas en 2016 ? Le fait que la campagne de Trump n’ait pas r\u00e9ussi \u00e0 \u00e9galer les efforts des d\u00e9mocrates pour tenter renforcer la participation \u2014 en termes de ressources financi\u00e8res ou humaines investies \u2014 va-t-il peser sur le soutien dont il b\u00e9n\u00e9ficie ? Les diatribes de plus en plus d\u00e9sordonn\u00e9es de Trump deviendront-elles finalement si mauvaises qu’elles \u00e9loigneront les \u00e9lecteurs de lui et les pousseront \u00e0 voter pour Harris en grand nombre ? \u00c0 un mois du vote, l\u2019\u00e9lection reste encore totalement ouverte.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Le candidat r\u00e9publicain \u00e0 la pr\u00e9sidence, l’ancien pr\u00e9sident Donald Trump, s’exprime lors d’un \u00e9v\u00e9nement de campagne au Nassau Coliseum, le mercredi 18 septembre 2024, \u00e0 Uniondale, dans l’\u00c9tat de New York. \u00a9 Alex Brandon\/AP\/SIPA<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

La campagne se resserre<\/h2>\n\n\n\n

Princeton, NJ, 26 septembre 2024<\/em><\/p>\n\n\n\n

Depuis ma derni\u00e8re chronique, la campagne pr\u00e9sidentielle a \u00e9tonnamment peu \u00e9volu\u00e9. La plupart des observateurs s’accordent \u00e0 dire que Kamala Harris a clairement battu Donald Trump lors du d\u00e9bat du 10 septembre<\/a> \u2014 Trump, fid\u00e8le \u00e0 lui-m\u00eame, a pr\u00e9tendu avoir gagn\u00e9 en s\u2019appuyant sur des sondages fictifs. Depuis, la popularit\u00e9 de Kamala Harris n’a cess\u00e9 de cro\u00eetre<\/a>. Cependant, les donn\u00e9es des sondages sugg\u00e8rent que la course reste extr\u00eamement serr\u00e9e <\/span>22<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

\n\t
\n\t\t