{"id":208181,"date":"2023-11-14T10:44:12","date_gmt":"2023-11-14T09:44:12","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=208181"},"modified":"2023-11-14T10:55:34","modified_gmt":"2023-11-14T09:55:34","slug":"sanchez-et-lamnistie-lespagne-retrouve-la-catalogne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/11\/14\/sanchez-et-lamnistie-lespagne-retrouve-la-catalogne\/","title":{"rendered":"Sanchez et l\u2019amnistie : l’Espagne retrouve la Catalogne"},"content":{"rendered":"\n

Depuis <\/i>le s\u00e9isme des \u00e9lections locales du 28 mai dernier<\/a>, le Grand Continent a \u00e9t\u00e9 l’une des principales publications europ\u00e9ennes \u00e0 suivre et d\u00e0 ocumenter syst\u00e9matiquement les \u00e9lections espagnoles \u00e0 travers des analyses, des perspectives, des cartes et donn\u00e9es in\u00e9dites : <\/i>vous pouvez retrouver ici les plus de 30 articles que nous avons consacr\u00e9 \u00e0 ce dossier<\/a>. Si vous estimez que notre travail est utile et m\u00e9rite d’\u00eatre soutenu, nous vous invitons \u00e0 vous abonner<\/a>.<\/i><\/span><\/p>\n\n\n\n

Au moment o\u00f9 nous \u00e9crivons ces lignes, le parti socialiste espagnol, le PSOE, a d\u00e9j\u00e0 conclu un accord avec huit autres partis et formera un gouvernement pr\u00e9sid\u00e9 par le socialiste Pedro S\u00e1nchez. Parmi ces huit partis, l’un d’entre eux, Sumar<\/a>, repr\u00e9sente une autre partie minoritaire de la gauche, mais les sept autres repr\u00e9sentent une alliance transversale avec tous les partis nationalistes de l’arc parlementaire \u2014 de Catalogne, du Pays basque et de Navarre, de Galice et des \u00eeles Canaries.  <\/p>\n\n\n\n

Un accord pour reconna\u00eetre une Espagne pluri-nationale<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

En concluant ce pacte transversal avec tout le spectre nationaliste espagnol, le PSOE s’aventure-t-il en eaux troubles ? Danse-t-il parmi les loups et risque-t-il de se faire d\u00e9vorer ? Non seulement il nous semble que ce n’est pas le cas, mais nous sommes ici face \u00e0 quelque chose de potentiellement positif pour le pays : reconna\u00eetre enfin et pleinement que l’Espagne est un pays divers o\u00f9 il y a de la place pour tout le monde et o\u00f9 personne ne doit \u00eatre exclu en raison de sa pens\u00e9e ou de son programme politique.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e9cortiquons l’accord conclu avec le parti nationaliste catalan le plus radical en mati\u00e8re d’ind\u00e9pendance, \u00ab Junts per Catalunya \u00bb, dont le leader, Carles Puigdemont, quand il \u00e9tait pr\u00e9sident du gouvernement autonome catalan, la Generalitat, avait fui apr\u00e8s la d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance en 2017 et se trouve depuis en exil \u00e0 Bruxelles, o\u00f9 il est membre du Parlement europ\u00e9en. Si l\u2019on prend cet accord comme exemple, on comprend l’essence du nouveau traitement que le socialisme espagnol a commenc\u00e9 \u00e0 accorder aux nationalismes ind\u00e9pendantistes en Espagne, en particulier aux nationalismes catalan et basque.<\/p>\n\n\n\n

Quatre \u00e9l\u00e9ments en ressortent :<\/p>\n\n\n\n

Tout d\u2019abord, l’accord met fin, par le biais d’une amnistie, \u00e0 la recherche infructueuse de solutions judiciaires au conflit politique en Catalogne.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Il s’agit d’une amnistie pour les d\u00e9lits commis dans le cadre de la d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance et de la consultation unilat\u00e9rale organis\u00e9e en Catalogne le 1er octobre 2017.<\/p>\n\n\n\n

Afin de commencer un nouveau cycle d\u2019entente avec la Catalogne, il \u00e9tait en effet n\u00e9cessaire de remettre le compteur \u00e0 z\u00e9ro en ce qui concerne le d\u00e9saccord qui a exist\u00e9 en relation avec le Statut que les Catalans ont approuv\u00e9 en 2006 et qui n’a pas \u00e9t\u00e9 accord\u00e9 dans tous ses aspects en 2010. <\/p>\n\n\n\n

Afin de commencer un nouveau cycle d\u2019entente avec la Catalogne, il \u00e9tait n\u00e9cessaire de remettre le compteur \u00e0 z\u00e9ro en ce qui concerne le d\u00e9saccord qui a exist\u00e9 avec la Catalogne.<\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Il s’agit d’inaugurer un nouveau cycle dans lequel l’\u00c9tat, par le biais d’une amnistie, d\u00e9clare que les citoyens catalans qui ont organis\u00e9 la consultation unilat\u00e9rale de 2017 et, en g\u00e9n\u00e9ral, tout le processus de d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance, ne sont pas coupables. Sur cette base, l’objectif affich\u00e9 des signataires est de rendre possible et d’ouvrir les portes \u00e0 la r\u00e9alisation d’un cadre de coexistence en Catalogne comparable \u00e0 celui qui a \u00e9t\u00e9 approuv\u00e9 en 2006.<\/p>\n\n\n\n

La simple perspective de cette amnistie comme accord initial pour cette nouvelle l\u00e9gislature a suscit\u00e9 des protestations juridiques, l\u00e9gales, parlementaires et dans la rue de la part de la droite, de l’extr\u00eame droite espagnole et de divers groupes tels que certains \u00e9v\u00eaques, des associations d’employeurs, des associations de juges et de la Garde civile, ainsi que des associations de hauts-fonctionnaires tels que les inspecteurs des imp\u00f4ts et certains membres des cabinets d’avocats les plus \u00e9litistes du pays. Les accusations, parfois extr\u00eames, vont de l’appel inutile \u00e0 la s\u00e9paration des pouvoirs, \u00e0 l’accusation de \u00ab casser l’Espagne \u00bb, que cela signifie \u00ab le d\u00e9but de la fin de la d\u00e9mocratie \u00bb, qu’un \u00ab coup d’\u00c9tat est en train de se produire \u00bb, que l’introduction de l’amnistie suppose une \u00ab fraude \u00e9lectorale \u00bb, en passant par les propos du leader du Partido Popular lui-m\u00eame, Alberto N\u00fa\u00f1ez Feij\u00f3o<\/a> a assur\u00e9 que les pactes du PSOE avec les ind\u00e9pendantistes seraient encore plus graves que le terrorisme du 23-F ou d\u2019ETA. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect qui indique qu’en Espagne la question de l’amnistie et en g\u00e9n\u00e9ral, les nouvelles modalit\u00e9s du pacte avec les nationalistes conduisent \u00e0 l\u2019\u00e9mergence d\u2019une droite particuli\u00e8rement confrontationnelle.<\/p>\n\n\n\n

Cependant, il existe de puissantes raisons de fond qui expliquent cet accord. Lorsque la Catalogne a voulu se doter, comme le reste des Communaut\u00e9s autonomes, d’un nouveau cadre d’autonomie, approuv\u00e9 par r\u00e9f\u00e9rendum en 2006 par 74 % des \u00e9lecteurs catalans, la r\u00e9action du PP a \u00e9t\u00e9 radicalement n\u00e9gative et il a contest\u00e9 128 des 223 articles du nouveau statut devant la Cour constitutionnelle. <\/p>\n\n\n\n

C’est l\u00e0 l’origine de la voie de la judiciarisation, qui a men\u00e9 \u00e0 la situation actuelle. La tentative de formuler un nouveau statut avec un large soutien public s’est sold\u00e9e par une d\u00e9faite majeure pour toutes les forces politiques catalanes qui le d\u00e9fendaient. Le \u00ab pactisme \u00bb soutenu jusqu’alors par le vieux parti catalaniste \u00ab Convergencia i Uni\u00f3 \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span> et le f\u00e9d\u00e9ralisme pr\u00f4n\u00e9 par le Parti socialiste de Catalogne ont perdu l’initiative politique depuis 2010, et l’ind\u00e9pendantisme catalan a commenc\u00e9 \u00e0 investir un nouvel espace, \u00e0 gagner du terrain.<\/p>\n\n\n\n

Cette spirale de dommages et d’affrontements, sans trouver d\u2019issues constitutionnelles, a conduit au parcours ill\u00e9gal de la d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance et aux lois de d\u00e9connexion de 2017, et a donn\u00e9 lieu \u00e0 une s\u00e9rie de r\u00e9parations p\u00e9nales. Mais le probl\u00e8me initial, celui de l’accueil de la Catalogne en tant que nationalit\u00e9 singuli\u00e8re en Espagne, n’a pratiquement pas progress\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Deuxi\u00e8me, l’accord donne une attention particuli\u00e8re au perfectionnement du statut d’autonomie de la Catalogne. <\/em><\/p>\n\n\n\n

Ce perfectionnement de l’autonomie de la Catalogne s’applique d\u00e9sormais \u00e9galement \u00e0 l’autonomie du Pays basque, ainsi qu’aux concessions d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9vues dans leur statut dans le cas de la Galice et des \u00eeles Canaries. Dans ce domaine, il a \u00e9t\u00e9 d\u00e9cid\u00e9 d’aborder l’am\u00e9lioration de l’autonomie par le biais du dialogue, une question sur laquelle, selon le pacte sign\u00e9, \u00ab Junts proposera d’abord une modification de la loi organique sur le financement des communaut\u00e9s autonomes qui \u00e9tablisse une clause d’exception pour la Catalogne, reconnaissant la singularit\u00e9 de l’organisation institutionnelle de la Generalitat<\/em> et facilitant le transfert de 100 % de tous les imp\u00f4ts pay\u00e9s en Catalogne. Pour sa part, le PSOE soutiendra des mesures permettant \u00e0 la Catalogne d’avoir une autonomie financi\u00e8re et un acc\u00e8s au march\u00e9, ainsi qu’un dialogue unique sur l’impact du mod\u00e8le de financement actuel sur la Catalogne \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Dans le cadre de cet accord, il a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 question de permettre l’annulation de 20 % de la dette de la Catalogne envers l’\u00c9tat espagnol, soit 15 milliards d’euros, et d’\u00e9tendre cette mesure, dans les m\u00eames proportions, \u00e0 toutes les communaut\u00e9s autonomes d’Espagne. Ces mesures reposent sur le principe, d\u00e9fendu par les socialistes, selon lequel le r\u00e9gime \u00e9conomique de la Catalogne ou du Pays basque ne peut impliquer ni un privil\u00e8ge \u00e9conomique ni une violation du principe de solidarit\u00e9, mais seulement un traitement diff\u00e9renci\u00e9 du point de vue de la gestion.<\/p>\n\n\n\n

Troisi\u00e8mement, les accords visent \u00e0 affirmer la singularit\u00e9 de la Catalogne au sein de l’Espagne. <\/em><\/p>\n\n\n\n

Un autre axe de d\u00e9veloppement important pour la Catalogne est de pouvoir affirmer pleinement sa personnalit\u00e9 en tant que nationalit\u00e9 singuli\u00e8re au sein de l’Espagne. Cet aspect implique un d\u00e9veloppement important de ses propres symboles repr\u00e9sentatifs de son identit\u00e9. Un pas dans cette direction \u2014 qui a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 franchi \u2014 consiste \u00e0 normaliser l’utilisation des langues co-officielles, le basque, le catalan et le galicien, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l’espagnol, dans le si\u00e8ge de la souverainet\u00e9, au Congr\u00e8s. Il faut parvenir \u00e0 un r\u00e9sultat similaire en Europe. Le renforcement de la pr\u00e9sence de la Catalogne et du Pays basque dans les institutions de l’Union, aux c\u00f4t\u00e9s des repr\u00e9sentations espagnoles, est un domaine \u00e0 prendre en consid\u00e9ration. C’est d’ailleurs ce qui a \u00e9t\u00e9 convenu dans le pacte : \u00ab l’\u00e9largissement de la participation directe de la Catalogne dans les institutions europ\u00e9ennes et dans d’autres organismes et organisations internationales, en particulier dans les affaires qui ont particuli\u00e8rement un impact sur son territoire \u00bb. Dans le domaine culturel, la marge de progression est gigantesque : la litt\u00e9rature catalane, basque ou galicienne doit \u00eatre le patrimoine de tous les Espagnols et, en d\u00e9finitive, tout ce qui sert \u00e0 affirmer la personnalit\u00e9 des nationalit\u00e9s singuli\u00e8res \u00e0 travers le d\u00e9veloppement de leurs traits et de leurs symboles doit \u00eatre consid\u00e9r\u00e9 positivement.<\/p>\n\n\n\n

Le renforcement de la pr\u00e9sence de la Catalogne et du Pays basque dans les institutions de l’Union, aux c\u00f4t\u00e9s des repr\u00e9sentations espagnoles, est un domaine \u00e0 prendre en consid\u00e9ration.<\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Il faut le dire tr\u00e8s clairement : ces d\u00e9veloppements ne visent pas \u00e0 s\u00e9parer davantage la Catalogne et le Pays basque, mais plut\u00f4t \u00e0 les int\u00e9grer davantage dans l’Espagne, une Espagne des nationalit\u00e9s dans laquelle toutes deux doivent sentir qu’elles vivent dans un endroit o\u00f9 elles sont pleinement reconnues. <\/p>\n\n\n\n

Cela nous am\u00e8ne au c\u0153ur du traitement des nationalit\u00e9s singuli\u00e8res en Espagne. Il s’agit de les int\u00e9grer pleinement dans le respect de leurs particularit\u00e9s linguistiques, culturelles, juridiques et sociales. <\/p>\n\n\n\n

Cette ligne d’int\u00e9gration est celle que le Parti socialiste de Catalogne (PSC) a suivie ces derni\u00e8res ann\u00e9es et les r\u00e9sultats ont \u00e9t\u00e9 spectaculaires : dans un endroit comme la Catalogne, avec une communaut\u00e9 nationale qui, il n’y a pas si longtemps, \u00e9tait unie autour de partis nationalistes, le PSC a maintenant plus de d\u00e9put\u00e9s que la somme de tous les partis ind\u00e9pendantistes. C’est la ligne oppos\u00e9e au comportement des droites, qui nient la diversit\u00e9 et ne savent traiter le nationalisme que par le conflit. Mais cette ligne de confrontation avec le catalanisme ind\u00e9pendantiste que la droite a d\u00e9j\u00e0 pratiqu\u00e9e a \u00e9chou\u00e9, alors que la ligne d’int\u00e9gration que le socialisme a suivie en Catalogne est clairement en train de r\u00e9ussir. C’est dans cette direction que l’int\u00e9gration du profil propre de la Catalogne et du Pays basque dans une Espagne qui les int\u00e8gre doit continuer \u00e0 s’approfondir. <\/p>\n\n\n\n

La ligne de confrontation avec le catalanisme ind\u00e9pendantiste que la droite a d\u00e9j\u00e0 pratiqu\u00e9e a \u00e9chou\u00e9, alors que la ligne d’int\u00e9gration que le socialisme a suivie en Catalogne est clairement en train de r\u00e9ussir. <\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Il ne s’agit pas d’une \u00e9volution statique mais dynamique : le soutien \u00e0 l’ind\u00e9pendantisme du Pays basque ou de la Catalogne d\u00e9pend de la mani\u00e8re dont il est trait\u00e9 et du degr\u00e9 de paix, de coexistence et de satisfaction que connaissent tous ceux qui vivent dans cette nationalit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Quatri\u00e8mement, l\u2019accord pr\u00e9voit l’organisation d’un dialogue sur la mani\u00e8re de r\u00e9soudre le conflit des loyaut\u00e9s nationales.<\/em><\/p>\n\n\n\n

L’objectif est d’aborder de front le conflit pour lequel le nationalisme catalan demande un r\u00e9f\u00e9rendum d’autod\u00e9termination : \u00ab la tenue d’un r\u00e9f\u00e9rendum d’autod\u00e9termination sur l’avenir politique de la Catalogne en vertu de l’article 92 de la Constitution \u00bb. Au contraire, le socialisme espagnol d\u00e9fend une proposition compl\u00e8tement diff\u00e9rente dans l’accord : \u00ab le large d\u00e9veloppement, \u00e0 travers les m\u00e9canismes juridiques appropri\u00e9s, du Statut de 2006, ainsi que le plein d\u00e9ploiement et le respect des institutions d’auto-gouvernement et de la singularit\u00e9 institutionnelle, culturelle et linguistique de la Catalogne \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Il est important de souligner que ce dialogue, qui s’ouvre d\u00e9sormais dans le cadre de l’accord, se d\u00e9roulera dans les limites \u00e9tablies par la Constitution, un aspect que Junts accepte en mentionnant express\u00e9ment l’article 92 de cette derni\u00e8re. Cet article pr\u00e9voit en effet que tout r\u00e9f\u00e9rendum ou consultation populaire en Espagne doit \u00eatre r\u00e9alis\u00e9 avec la participation et le vote de tous les Espagnols. Ainsi, dans ce domaine d\u00e9cisif, les ind\u00e9pendantistes catalans abandonnent la voie de la d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance, abandonnent l’unilat\u00e9ralisme comme strat\u00e9gie nationaliste et reviennent \u00e0 la politique et au dialogue au sein des institutions espagnoles.<\/p>\n\n\n\n

Les ind\u00e9pendantistes catalans abandonnent la voie de la d\u00e9claration unilat\u00e9rale d’ind\u00e9pendance, abandonnent l’unilat\u00e9ralisme comme strat\u00e9gie nationaliste et reviennent \u00e0 la politique et au dialogue au sein des institutions espagnoles.<\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ce quatri\u00e8me \u00e9l\u00e9ment implique de prendre le taureau par les cornes, c’est-\u00e0-dire d’accepter explicitement, de part et d’autre, la r\u00e9alit\u00e9 selon laquelle il existe, tant en Catalogne qu’au Pays basque, des groupes notables qui ont une loyaut\u00e9 nationale envers la Catalogne ou l\u2019Euskadi en tant que nation qui exige son propre \u00c9tat, et qui ne partagent pas la loyaut\u00e9 nationale \u00e0 l’Espagne. Les partis politiques nationalistes du Pays basque et de la Catalogne sont \u00e0 cet \u00e9gard le reflet politique de communaut\u00e9s qui se sont d\u00e9finies au cours d’une longue p\u00e9riode historique comme des nations <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> pour de multiples raisons, culturelles, linguistiques ou historiques \u2014 dans ce dernier cas, plus ou moins fantasm\u00e9es <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Cependant, tant en Euskadi qu’en Catalogne, ces communaut\u00e9s aux sentiments nationaux coexistent sur le m\u00eame territoire avec d’autres citoyens qui ne partagent ni leurs diff\u00e9rences culturelles ou linguistiques, ni leurs loyaut\u00e9s nationales. C’est l’autre partie d’Euskadi ou de la Catalogne, celle qui r\u00e9side historiquement dans leurs centres urbains ou qui est issue des mouvements migratoires tr\u00e8s importants qui ont commenc\u00e9 avec l’industrialisation espagnole \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle. Le respect et la coexistence entre les diff\u00e9rentes communaut\u00e9s du Pays basque ou de la Catalogne est un \u00e9l\u00e9ment fondamental. Comme l’a dit Philip Pettit dans son grand livre sur la bonne gouvernance, nous traitons d’une question qui a des racines profondes en chacun, des racines qui, parce qu’elles sont si profondes dans l’individu, devraient toujours \u00eatre respect\u00e9es. Ce respect de l’appartenance \u00e0 une communaut\u00e9 est la premi\u00e8re chose que la droite espagnole doit assumer. L’acceptation du sentiment national n’est pas une question de gauche ou de droite, mais une question de culture et de sensibilit\u00e9 d\u00e9mocratique.<\/p>\n\n\n\n

C’est en raison de cette r\u00e9alit\u00e9 hybride que, dans l’esprit des constituants et dans la Constitution espagnole elle-m\u00eame, le terme de nationalit\u00e9s a \u00e9t\u00e9 consacr\u00e9, comme une r\u00e9alit\u00e9 interm\u00e9diaire dans laquelle cohabitent des groupes humains aux loyaut\u00e9s nationales diff\u00e9renci\u00e9es et qui, si elles ne peuvent \u00eatre qualifi\u00e9es \u00e0 proprement parler de nations, ne peuvent pas non plus \u00eatre assimil\u00e9es au reste des r\u00e9gions espagnoles. C’est ce besoin de cohabitation qui est \u00e0 l’origine de la cr\u00e9ation des statuts d’autonomie en tant que cadres autonomes permettant de comprendre, de cohabiter et de cog\u00e9rer l’autonomie en commun. R\u00e9p\u00e9tons que ces territoires, la Catalogne et le Pays Basque, ne se d\u00e9finissent pas tant par l’existence d’un nationalisme ind\u00e9pendantiste, mais surtout par l’existence de deux groupes de citoyens, \u00e0 la fronti\u00e8re variable et diffuse, qui coexistent, avec des loyaut\u00e9s nationales diff\u00e9rentes, sur un m\u00eame territoire. <\/p>\n\n\n\n

Ce qui est nouveau dans ce quatri\u00e8me aspect de l’accord entre socialistes catalans et ind\u00e9pendantistes catalans, c’est que la Catalogne reconna\u00eet une r\u00e9alit\u00e9 divergente en termes de loyaut\u00e9s nationales et qu’elle est dispos\u00e9e \u00e0 discuter, dans les limites fix\u00e9es par la Constitution espagnole et \u00e0 moyen terme, de deux projets nationaux diff\u00e9rents : le projet ind\u00e9pendantiste des partis nationalistes et le projet int\u00e9grateur d\u00e9fendu par le socialisme espagnol et le socialisme catalan.<\/p>\n\n\n\n

La Catalogne reconna\u00eet une r\u00e9alit\u00e9 divergente en termes de loyaut\u00e9s nationales et qu’elle est dispos\u00e9e \u00e0 discuter, dans les limites fix\u00e9es par la Constitution espagnole et \u00e0 moyen terme, de deux projets nationaux diff\u00e9rents.<\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Certains intellectuels pr\u00e9tendent que, du fait de cette reconnaissance d’une r\u00e9alit\u00e9 jusqu’ici ignor\u00e9e, nous pourrions accorder \u00e0 l’ind\u00e9pendantisme plus de cr\u00e9dit qu’il n’en m\u00e9rite. Mais ce n’est pas le cas : nous sommes en fait confront\u00e9s \u00e0 une bataille \u00e0 moyen terme entre le nationalisme et le socialisme espagnol. Le nationalisme radical en Catalogne ou au Pays basque tente de convaincre les citoyens catalans ou basques qu’aujourd’hui, demain ou apr\u00e8s-demain, ils seront mieux en vivant s\u00e9par\u00e9s de l’Espagne. Nous, socialistes, leur avons montr\u00e9 et continuerons \u00e0 leur montrer chaque jour qu’ils vivront mieux int\u00e9gr\u00e9s \u00e0 l’Espagne et que, pour ce faire, ils n’ont pas besoin de perdre leurs caract\u00e9ristiques propres ou de renoncer \u00e0 leurs signes et symboles d’identit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Nous sommes donc engag\u00e9s dans une tension dynamique, qui n’est pas \u00e9ternelle. Elle a eu un d\u00e9but dans l’histoire actuelle, lorsque la voie statutaire a \u00e9t\u00e9 bloqu\u00e9e, et elle aura une fin. Et ce combat commence \u00e0 \u00eatre gagn\u00e9 en faveur de l’int\u00e9gration, si l’on regarde le pourcentage d\u00e9croissant d’ind\u00e9pendantistes au Pays basque (23 % en faveur de l’ind\u00e9pendance) ou en Catalogne (41,8 % et en baisse).<\/p>\n\n\n\n

Dans ce conflit \u00e0 moyen terme, une droite qui se consacre \u00e0 condamner l’existence du nationalisme ind\u00e9pendantiste et \u00e0 entraver la recherche du dialogue et des accords ne contribue qu’\u00e0 attiser les flammes de l’ind\u00e9pendantisme.<\/p>\n\n\n\n

Nous sommes engag\u00e9s dans une tension dynamique, qui n’est pas \u00e9ternelle. Ce combat commence \u00e0 \u00eatre gagn\u00e9 en faveur de l’int\u00e9gration.<\/p>Manuel Escudero<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Qu\u2019en est-il de la droite espagnole ? <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Plus encore que les questions sociales, la mani\u00e8re de traiter les nationalismes basque et catalan a \u00e9t\u00e9 un facteur de division parmi les Espagnols.<\/p>\n\n\n\n

Le probl\u00e8me remonte \u00e0 loin : la mani\u00e8re de traiter politiquement le nationalisme p\u00e9riph\u00e9rique a \u00e9t\u00e9 \u00e0 l’origine de l’une des divisions les plus profondes de la politique espagnole, l’ouvrant depuis les ann\u00e9es 1930 et la divisant en deux camps. Le premier, celui des partisans du progr\u00e8s, du lib\u00e9ralisme politique et de la justice sociale, qui a \u00e9t\u00e9 vaincu par le coup d’\u00c9tat de 1936, a consid\u00e9r\u00e9 le nationalisme comme un \u00e9l\u00e9ment de l’idiosyncrasie espagnole et a tent\u00e9 d’y r\u00e9pondre par l’autonomisme f\u00e9d\u00e9raliste. Un autre camp, celui des partisans de la tradition, des structures et valeurs sociales conservatrices, a consid\u00e9r\u00e9 le nationalisme comme une anti-Espagne, encore plus nuisible que la cause de la r\u00e9volution sociale elle-m\u00eame, une position illustr\u00e9e par la c\u00e9l\u00e8bre phrase de Calvo Sotelo : \u00ab Je pr\u00e9f\u00e8re avoir une Espagne rouge qu’une Espagne bris\u00e9e \u00bb <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le probl\u00e8me est rest\u00e9 latent en Espagne depuis la transition du milieu des ann\u00e9es 1970 : apr\u00e8s le long silence impos\u00e9 par la dictature franquiste, l’Espagne des Communaut\u00e9s autonomes qui a grandi dans le feu de la transition d\u00e9mocratique, dans la plus longue p\u00e9riode de d\u00e9mocratie et de coexistence pacifique en Espagne, montre encore des signes d’instabilit\u00e9 : si elle a pu \u00eatre envisag\u00e9e comme une solution, force est de constater que l’Espagne autonome du \u00ab caf\u00e9 pour tous \u00bb <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> n’a pas r\u00e9ussi \u00e0 faire dispara\u00eetre les revendications de souverainet\u00e9 au Pays basque et en Catalogne, comme l’ont bien montr\u00e9 le Plan Ibarretxe au d\u00e9but du si\u00e8cle ou, plus r\u00e9cemment, les \u00e9v\u00e9nements de 2017 en Catalogne.\u00a0\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Comme c’est toujours le cas avec les questions non r\u00e9solues, ce qui ne passe pas par la porte entre par la fen\u00eatre : le probl\u00e8me est r\u00e9apparu au c\u0153ur de la polarisation et de la confrontation politique cr\u00e9\u00e9es par la droite et l’extr\u00eame droite en Espagne.<\/p>\n\n\n\n

On peut synth\u00e9tiser les racines de la polarisation politique que nous vivons en Espagne en trois grandes lignes. Dans chacune d’entre elles, on retrouve des \u00e9l\u00e9ments li\u00e9s au rejet visc\u00e9ral du nationalisme basque ou catalan :<\/p>\n\n\n\n