{"id":196693,"date":"2023-09-03T13:00:00","date_gmt":"2023-09-03T11:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=196693"},"modified":"2023-09-03T16:28:50","modified_gmt":"2023-09-03T14:28:50","slug":"les-lumieres-radicales-de-spinoza-une-conversation-avec-jonathan-israel","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/09\/03\/les-lumieres-radicales-de-spinoza-une-conversation-avec-jonathan-israel\/","title":{"rendered":"Les Lumi\u00e8res radicales de Spinoza, une conversation avec Jonathan Israel"},"content":{"rendered":"\n

Pourriez-vous pour commencer nous en dire plus sur la nature du livre que vous consacrez \u00e0 Spinoza ? Ainsi que l\u2019indique son sous-titre, vous y \u00e9tudiez sa vie mais aussi son h\u00e9ritage. Il ne s\u2019agit donc pas seulement d\u2019une biographie. En quoi votre projet diff\u00e8re-t-il de celui d\u2019une biographie classique, comme celle de Steven Nadler par exemple ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Jonathan I. Israel<\/h4>\n\n\n\n

Je voudrais dire d’abord que j’admire le travail de Steven Nadler. Nous sommes de bons amis et nous \u00e9changeons r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 propos de nos recherches respectives sur Spinoza. Sa biographie de Spinoza a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9e en 1999. Cela fait donc presque un quart de si\u00e8cle et, depuis lors, de nouvelles recherches ont \u00e9t\u00e9 men\u00e9es en Hollande, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Allemagne et aux \u00c9tats-Unis notamment, \u00e0 partir d\u2019archives jusqu\u2019alors inexploit\u00e9es. Nous disposons donc de beaucoup plus de d\u00e9tails sur la vie de Spinoza et le premier impact de ses id\u00e9es qu\u2019en 1999 et Steven Nadler, bien s\u00fbr, aurait \u00e9crit sa biographie diff\u00e9remment et avec plus de d\u00e9tails, s’il avait eu toutes ces recherches r\u00e9centes \u00e0 sa disposition. <\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Mais je voudrais aussi souligner que Steven Nadler est un philosophe et qu’il s’est principalement concentr\u00e9 sur la vie de Spinoza. Son livre est donc essentiellement une biographie. Or comme vous le dites, mon ouvrage est plus qu’une simple biographie. Il me semble que la vie de Spinoza, recluse et tranquille, impose de d\u00e9passer ce cadre. Il a en effet tr\u00e8s peu voyag\u00e9 et a pass\u00e9 beaucoup de temps seul. Il travaillait la nuit et dormait le jour, contrairement \u00e0 la plupart des gens. On pourrait donc penser \u00e0 premi\u00e8re vue qu’il menait une vie tr\u00e8s tranquille, sans faire de vagues. Mais en r\u00e9alit\u00e9, il a suscit\u00e9 plus d’oppositions, de col\u00e8re et de fureur que n’importe quel autre penseur de son \u00e9poque.<\/p>\n\n\n\n

Mon ouvrage est plus qu’une simple biographie. Il me semble que la vie de Spinoza, recluse et tranquille, impose de d\u00e9passer ce cadre.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Imm\u00e9diatement apr\u00e8s sa mort, il y eut de nombreuses et virulentes pol\u00e9miques \u00e0 son \u00e9gard en Hollande, puis en Allemagne, en Angleterre, en France et dans des pays comme l’Italie o\u00f9 l’inquisition \u00e9tait forte. C’est un ph\u00e9nom\u00e8ne qui n’a pas \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s bien compris, je pense, par les historiens ou les philosophes dans le pass\u00e9. Il n’y a donc pas eu beaucoup d’\u00e9crits \u00e0 ce sujet. Si l’on consulte certains ouvrages plus anciens sur Spinoza, datant des ann\u00e9es 1960 et 1970, on trouve m\u00eame des chercheurs qui affirment que Spinoza n’a pas eu beaucoup d’impact sur son \u00e9poque, ce qui est tout \u00e0 fait erron\u00e9. Spinoza a eu, de son vivant, un impact \u00e9norme, mais la plus grande partie de cet impact a \u00e9t\u00e9 pol\u00e9mique. <\/p>\n\n\n\n

On ne peut donc pas vraiment s\u00e9parer sa biographie \u00e0 proprement parler, les faits concernant sa vie, des faits concernant son impact pr\u00e9coce sur la soci\u00e9t\u00e9, la culture europ\u00e9ennes et sur le monde universitaire qui, \u00e0 tous ces \u00e9gards, a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s puissant. En fait, nous savons maintenant qu’il commen\u00e7ait \u00e0 avoir un impact consid\u00e9rable, en tout cas aux Pays-Bas et aussi un peu en Allemagne, d\u00e8s avant sa mort en 1677.<\/p>\n\n\n\n

Peut-on consid\u00e9rer cette \u00e9tude comme le couronnement de vos travaux ant\u00e9rieurs sur les Lumi\u00e8res radicales ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

J\u2019ai souhait\u00e9 faire de cet ouvrage un travail sur l\u2019impact pr\u00e9coce de Spinoza, jusqu’\u00e0 la fin du XVIIe<\/sup> si\u00e8cle. Il est vrai qu\u2019on ne peut pas vraiment s\u00e9parer cet ouvrage de la s\u00e9rie de livres que j\u2019ai \u00e9crite sur les Lumi\u00e8res, car je soutiens que Spinoza a \u00e9t\u00e9 une des figures les plus importantes et les plus durables au sein des Lumi\u00e8res occidentales, contrairement \u00e0 ce que les chercheurs ont soutenu jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent. Dans le pass\u00e9, on avait l’habitude de dire que Spinoza n’avait eu que tr\u00e8s peu d’impact sur son \u00e9poque et qu\u2019il aurait fallu attendre l’\u00e9poque de Lessing, de Goethe et de Herder pour que ses id\u00e9es renaissent. Les autres cultures europ\u00e9ennes ont \u00e9galement commenc\u00e9 \u00e0 s’int\u00e9resser \u00e0 Spinoza \u00e0 partir de la fin du XVIIIe<\/sup> si\u00e8cle et surtout au XIXe<\/sup> si\u00e8cle, lorsque, par exemple, George Elliott, que certains consid\u00e8rent comme la plus grande des romanci\u00e8res anglaises du XIXe<\/sup> si\u00e8cle, a tent\u00e9 de traduire le Tractatus theologico-politicus<\/em>. Elle a \u00e9galement r\u00e9alis\u00e9 une traduction int\u00e9grale de l‘\u00c9thique<\/em>, qui n’a pas \u00e9t\u00e9 publi\u00e9e de son vivant mais qui est aujourd\u2019hui de plus en plus valoris\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

L’impact de Spinoza devient donc tr\u00e8s fort \u00e0 la fin du si\u00e8cle des Lumi\u00e8res, \u00e0 la fin du XVIIIe<\/sup> si\u00e8cle. Dans ma s\u00e9rie d\u2019ouvrages sur les Lumi\u00e8res, j\u2019essaie toutefois de montrer la pr\u00e9sence clandestine et influente de Spinoza d\u00e8s les ann\u00e9es 1670. Il est suivi par tout un groupe de personnes qui se r\u00e9partissent \u00e0 travers l’Europe. Au d\u00e9part, ils sont principalement \u00e0 Amsterdam et dans d’autres villes n\u00e9erlandaises, mais le ph\u00e9nom\u00e8ne s\u2019\u00e9tend rapidement par la suite. Je soutiens que ce qui a commenc\u00e9 comme une sorte de groupe d’\u00e9tude centr\u00e9 sur la personne de Spinoza a constitu\u00e9 le premier cercle ayant r\u00e9ellement introduit les principes de ce qu\u2019avec d\u2019autres historiens, j’appelle les Lumi\u00e8res radicales.<\/p>\n\n\n\n

Je soutiens que Spinoza a \u00e9t\u00e9 une des figures les plus importantes et les plus durables au sein des Lumi\u00e8res occidentales, contrairement \u00e0 ce que les chercheurs ont soutenu jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les Lumi\u00e8res radicales refl\u00e8tent une volont\u00e9 de rejeter toute autorit\u00e9 et toute influence de la religion et de l\u2019\u00c9glise. Elles combinent ce principe de la\u00efcit\u00e9 avec une philosophie politique et sociale posant le mod\u00e8le r\u00e9publicain et d\u00e9mocratique comme la forme la plus aboutie d\u2019organisation. Elles promeuvent la libert\u00e9 d\u2019expression, la libert\u00e9 de la presse, la libert\u00e9 et l\u2019autonomie des individus, non seulement pour s’exprimer, mais aussi pour se construire intellectuellement et moralement sur la base de la raison, selon leurs principes et d’une mani\u00e8re ind\u00e9pendante et critique. Parce qu’elles rejetaient le christianisme et parce qu’elles \u00e9taient antimonarchiques, les Lumi\u00e8res radicales ont bien s\u00fbr \u00e9t\u00e9 fortement r\u00e9prim\u00e9es par les autorit\u00e9s de toutes sortes et par l’opinion publique dominante tout au long du XVIIIe<\/sup> si\u00e8cle. Mais peu \u00e0 peu, elles ont recueilli un soutien intellectuel de plus en plus important.<\/p>\n\n\n\n

Comment d\u00e9finiriez-vous les Lumi\u00e8res en g\u00e9n\u00e9ral ? Et pourquoi jugez-vous n\u00e9cessaire de distinguer en leur sein un courant \u00ab radical \u00bb et un courant \u00ab mod\u00e9r\u00e9 \u00bb ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les Lumi\u00e8res peuvent \u00eatre consid\u00e9r\u00e9es comme un mouvement qui d\u00e9bute \u00e0 la fin du XVIIe<\/sup> si\u00e8cle en r\u00e9ponse aux grandes avanc\u00e9es scientifiques et philosophiques de ce si\u00e8cle, notamment aux travaux de Copernic et \u00e0 la prise de conscience que la Terre tourne autour du soleil et non l’inverse, ainsi qu\u2019\u00e0 ceux de Descartes qui a \u00e9t\u00e9 le premier philosophe \u00e0 soutenir que toutes les fonctions mat\u00e9rielles et physiques, tous les ph\u00e9nom\u00e8nes de la nature, suivent un ensemble unique de lois physiques. Descartes est donc all\u00e9 plus loin que Galil\u00e9e en consid\u00e9rant la science comme une sorte d’explication unifi\u00e9e de l’ensemble de la nature ; pas seulement de notre plan\u00e8te, mais de la nature en g\u00e9n\u00e9ral. Il reliait donc en quelque sorte les galaxies et notre Terre. Ces avanc\u00e9es scientifiques et philosophiques ont engendr\u00e9 une situation dans laquelle beaucoup d’id\u00e9es conventionnelles ont d\u00fb \u00eatre rejet\u00e9es. Je d\u00e9finirais donc les Lumi\u00e8res comme le mouvement visant \u00e0 red\u00e9finir et \u00e0 r\u00e9interpr\u00e9ter la science, notre perception g\u00e9n\u00e9rale de la r\u00e9alit\u00e9 et la mani\u00e8re dont la soci\u00e9t\u00e9 se situe par rapport \u00e0 la nature en termes de raison et de philosophie rationnelle.<\/p>\n\n\n\n

Deux tendances contradictoires se sont d\u00e9velopp\u00e9es au sein des Lumi\u00e8res. La plupart de ceux qui essayaient de red\u00e9finir et de r\u00e9interpr\u00e9ter la r\u00e9alit\u00e9, la nature et la vie humaine en termes de raison devaient rendre leurs explications et leurs perspectives philosophiques compatibles avec les puissances dominantes de l’\u00e9poque. Il y avait donc une tr\u00e8s forte pression pour que leurs th\u00e9ories sur la vie humaine et la soci\u00e9t\u00e9, la promotion du bonheur humain, qui est l’une de leurs principales pr\u00e9occupations, soient conciliables avec les points de vue de la monarchie, qui \u00e9tait la forme politique alors dominante. Louis XIV a laiss\u00e9 une empreinte consid\u00e9rable sur le XVIIIe<\/sup> si\u00e8cle. Le grand mod\u00e8le politique du XVIIIe<\/sup> si\u00e8cle \u00e9tait l’absolutisme monarchique. Sur le plan politique, il fallait donc concilier les opinions \u00ab \u00e9clair\u00e9es \u00bb avec la monarchie et l’absolutisme royal. Et du c\u00f4t\u00e9 religieux et intellectuel, il y avait bien s\u00fbr \u00e9galement une pression tr\u00e8s forte. Vous deviez faire en sorte que vos opinions soient acceptables et compatibles avec la forme de christianisme dominante dans votre pays. En France ou en Espagne, c’\u00e9tait l’\u00c9glise catholique qui dominait. Mais en Hollande ou en \u00c9cosse, c\u2019\u00e9tait l’\u00c9glise calviniste. En Allemagne protestante ou en Scandinavie, c\u2019\u00e9tait l’\u00c9glise luth\u00e9rienne. Ainsi, quelle que soit l’\u00c9glise, politiquement, institutionnellement et l\u00e9galement dominante dans votre pays, vous deviez rendre vos id\u00e9es \u00ab \u00e9clair\u00e9es \u00bb compatibles avec les siennes.<\/p>\n\n\n\n

Il \u00e9tait in\u00e9vitable que le courant des Lumi\u00e8res mod\u00e9r\u00e9es, favorable \u00e0 la monarchie et \u00e0 l’\u00c9glise, soit dominant et tout aussi in\u00e9vitable qu\u2019une opposition minoritaire plus radicale se d\u00e9veloppe \u00e0 son encontre.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

C’\u00e9tait une tendance in\u00e9luctable. Mais pr\u00e9cis\u00e9ment parce qu’elle \u00e9tait dominante et que tout le monde n’\u00e9tait pas d’accord avec cette fa\u00e7on de penser, il \u00e9tait tout aussi in\u00e9vitable qu\u2019apparaisse une tradition philosophique clandestine d’opposition. Cette opposition rejette la monarchie et l’autorit\u00e9 religieuse, qu’elle soit catholique, luth\u00e9rienne ou calviniste. Les penseurs juifs rejettent \u00e9galement l’autorit\u00e9 de la synagogue et des rabbins. Il \u00e9tait in\u00e9vitable que le courant des Lumi\u00e8res mod\u00e9r\u00e9es, favorable \u00e0 la monarchie et \u00e0 l’\u00c9glise, soit dominant et tout aussi in\u00e9vitable qu\u2019une opposition minoritaire plus radicale se d\u00e9veloppe \u00e0 son encontre. Contester cette tension au sein des Lumi\u00e8res me para\u00eet difficile, non seulement parce que cela ne correspond pas aux faits historiques mais aussi parce que c\u2019est illogique. Quiconque pense logiquement con\u00e7oit que la position dominante ne peut que g\u00e9n\u00e9rer une opposition. Ainsi, le fait que, dans les Lumi\u00e8res, il y ait des Lumi\u00e8res radicales n’est pas quelque chose de contingent ou d’accidentel, c’est quelque chose d’absolument in\u00e9vitable. Il a toujours fallu qu’il y e\u00fbt une opposition. Parce que ce n’est pas possible autrement. Les historiens et les philosophes qui s’opposent \u00e0 cette lecture \u2014 et ils sont nombreux, Antoine Lilti \u00e9tant l’un des plus connus \u2014 me semblent aller \u00e0 l’encontre des faits historiques et de la logique. Bien que la th\u00e8se des Lumi\u00e8res radicales soit tr\u00e8s contest\u00e9e, aucune des critiques qui lui ont \u00e9t\u00e9 adress\u00e9es ne me para\u00eet donc convaincante.<\/p>\n\n\n\n

Vous consid\u00e9rez donc que la distinction la plus importante \u00e0 op\u00e9rer au sein des Lumi\u00e8res, est celle entre une aile mod\u00e9r\u00e9e et une aile radicale. Les diff\u00e9rentes incarnations nationales des Lumi\u00e8res (\u00e9cossaises, fran\u00e7aises, anglaises…) seraient secondaires. Les Lumi\u00e8res peuvent-elles alors \u00eatre consid\u00e9r\u00e9es comme un mouvement v\u00e9ritablement paneurop\u00e9en ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il ne s’agissait pas uniquement d’un mouvement paneurop\u00e9en. C\u2019\u00e9tait un mouvement transatlantique et panam\u00e9ricain. Apr\u00e8s tout, les Lumi\u00e8res ont \u00e9t\u00e9 un facteur tr\u00e8s puissant dans la r\u00e9volution am\u00e9ricaine. Les leaders de la r\u00e9volution am\u00e9ricaine comme Thomas Jefferson, John Adams ou Benjamin Franklin, sont des figures majeures des Lumi\u00e8res occidentales. Nous avons \u00e9galement tendance \u00e0 sous-estimer l’impact des Lumi\u00e8res en Am\u00e9rique hispanique, en Am\u00e9rique lusophone et dans les Cara\u00efbes. Or, il y a beaucoup d’\u00e9crivains et de scientifiques d\u2019Am\u00e9rique latine qui ont contribu\u00e9 au mouvement des Lumi\u00e8res parce qu\u2019il y avait de nombreux \u00e9changes. Des Allemands comme Alexander von Humboldt, qui a pass\u00e9 beaucoup de temps en Am\u00e9rique latine, avait de nombreux coll\u00e8gues, amis et assistants latino-am\u00e9ricains qui travaillaient avec lui. Il ne fait aucun doute que les Lumi\u00e8res ont \u00e9t\u00e9 une force puissante en Am\u00e9rique latine.<\/p>\n\n\n\n

Il ne fait aucun doute que les Lumi\u00e8res ont \u00e9t\u00e9 une force puissante en Am\u00e9rique latine.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Venons-en \u00e0 la vie et \u00e0 l’\u0153uvre de Spinoza. Quelle \u00e9tait sa relation avec la p\u00e9ninsule ib\u00e9rique d’o\u00f9 \u00e9taient originaires ses anc\u00eatres ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Spinoza est n\u00e9 \u00e0 Amsterdam. En ce qui le concerne personnellement, il n’a donc pas de lien direct avec la p\u00e9ninsule ib\u00e9rique, mais ses deux parents sont n\u00e9s au Portugal, dans la petite ville de Vidigueira, pr\u00e8s d\u2019\u00c9vora. Ils se sont install\u00e9s en Hollande \u00e0 un stade ult\u00e9rieur de leur vie. Il est tr\u00e8s important de noter qu’il existe un lien tr\u00e8s fort entre la pr\u00e9sence de l’Inquisition dans la p\u00e9ninsule ib\u00e9rique et la vie de Spinoza. Si l’on retrace la g\u00e9n\u00e9alogie de la famille de Spinoza \u00e0 Vidigueira, on constate qu’un assez grand nombre de ses membres ont \u00e9t\u00e9 victimes de l\u2019Inquisition. Certains ont \u00e9t\u00e9 envoy\u00e9s en prison, sans que leur int\u00e9grit\u00e9 physique soit menac\u00e9e, mais d\u2019autres ont \u00e9t\u00e9 br\u00fbl\u00e9s en place publique. Dans la famille de Spinoza, il y a donc de nombreux t\u00e9moignages de souffrances profondes caus\u00e9es par l’Inquisition. Au cours de son enfance, Spinoza a d\u00fb apprendre beaucoup \u00e0 ce sujet, d’autant plus que nous savons d\u00e9sormais que dans l\u2019\u00e9cole qu\u2019il fr\u00e9quentait, les professeurs et les rabbins parlaient des autodaf\u00e9s en Espagne et au Portugal et soulignaient continuellement dans l’esprit des enfants de la communaut\u00e9 juive portugaise d’Amsterdam, l\u2019importance des martyrs juifs qui avaient \u00e9t\u00e9 mis \u00e0 mort ou emprisonn\u00e9s pendant de longues p\u00e9riodes par l’Inquisition.<\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, alors que Spinoza s’\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 lanc\u00e9 dans son \u0153uvre philosophique, mais n’avait pas encore rompu avec la communaut\u00e9 juive s\u00e9farade, ce qui ne s’est produit qu’\u00e0 l’\u00e9t\u00e9 1656, il s’est li\u00e9 d’amiti\u00e9 avec Juan De Prado qui avait \u00e9chapp\u00e9 \u00e0 l’Inquisition en Espagne juste avant que Spinoza ne le rencontre en 1655. Certains proches de Spinoza disposaient d’un grand nombre d’informations sur la fa\u00e7on dont la vie intellectuelle, la philosophie et les universit\u00e9s espagnoles et portugaises \u00e9taient sous l’emprise de l\u2019Inquisition et de l’\u00c9glise. Spinoza a donc probablement eu une compr\u00e9hension beaucoup plus vive et d\u00e9taill\u00e9e de la fa\u00e7on dont l’\u00c9glise et l’Inquisition opprimaient la vie intellectuelle que n’importe quel autre penseur nord-europ\u00e9en de son \u00e9poque.<\/p>\n\n\n\n

Dans la famille de Spinoza, il y a de nombreux t\u00e9moignages de souffrances profondes caus\u00e9es par l’Inquisition.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Sauf erreur de ma part, Spinoza n’a jamais quitt\u00e9 les Provinces-Unies. En revanche, il a chang\u00e9 plusieurs fois de lieu de r\u00e9sidence \u00e0 l’int\u00e9rieur de ce pays. Comment expliquer ces d\u00e9m\u00e9nagements ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La plupart des sp\u00e9cialistes s’accordent \u00e0 dire, et je pense que c’est exact, qu’il n’a effectivement jamais quitt\u00e9 les Provinces-Unies. Il n’a pas non plus beaucoup voyag\u00e9 \u00e0 l’int\u00e9rieur des Provinces-Unies. Nous savons n\u00e9anmoins qu’il a fait une visite rest\u00e9e c\u00e9l\u00e8bre \u00e0 Utrecht en 1673. Mais dans l’ensemble, il a surtout v\u00e9cu \u00e0 Amsterdam et dans ses environs, jusqu’\u00e0 l’\u00e2ge de 30 ans. Les seuls autres endroits o\u00f9 il a v\u00e9cu par la suite ont \u00e9t\u00e9 le village de Rijnsburg, pr\u00e8s de Leyde, puis celui de Voorburg, pr\u00e8s de La Haye. Enfin, il a v\u00e9cu dans le centre de La Haye. Spinoza a donc eu quatre lieux de vie diff\u00e9rents : Amsterdam, Rijnsburg, Voorburg et le centre de La Haye.<\/p>\n\n\n\n

Il semble qu\u2019il ait d’abord \u00e9lu domicile \u00e0 Rijnsburg puis \u00e0 Voorburg car Amsterdam \u00e9tait trop grande, trop bruyante et trop anim\u00e9e \u00e0 son go\u00fbt. Spinoza \u00e9tait constamment interrompu et voulait vivre dans un endroit plus calme. Par ailleurs Amsterdam \u00e9tait tr\u00e8s pollu\u00e9e. M\u00eame si je pense que sa sant\u00e9 n’\u00e9tait pas aussi mauvaise que ce que des chercheurs ont parfois \u00e9crit, elle \u00e9tait tout de m\u00eame un peu fragile et il s’en inqui\u00e9tait. Le fait d’avoir un air plus pur et une meilleure qualit\u00e9 de vie dans les villages proches de la c\u00f4te, \u00e9tait l’une des raisons pour lesquelles il a choisi de vivre en dehors des villes. C’\u00e9tait donc en partie parce qu’il voulait \u00eatre moins d\u00e9rang\u00e9 et d\u00e9sirait plus de calme, et en partie parce qu’il voulait un air plus sain que Spinoza a choisi de vivre \u00e0 la campagne. La Haye, bien qu’il s’agisse d’une ville assez importante en 1670, \u00e9tait tr\u00e8s proche de la c\u00f4te. Il n’y avait pas de zones dens\u00e9ment construites comme dans les autres villes n\u00e9erlandaises. C\u2019\u00e9tait une ville avec une meilleure qualit\u00e9 de vie que la plupart des autres villes n\u00e9erlandaises.<\/p>\n\n\n\n

Il y a aussi une autre raison qui explique le choix de Spinoza de vivre \u00e0 Rijnsburg qui tient au fait que cette ville disposait d\u2019un statut juridique particulier, tout comme le centre de La Haye, ce qui permettait \u00e0 Spinoza d\u2019\u00eatre moins vuln\u00e9rable \u00e0 la r\u00e9pression ou \u00e0 l’ing\u00e9rence des pr\u00e9dicateurs locaux. Le statut juridique de Rijnsburg et de La Haye \u00e9tait assez complexe et n’\u00e9tait pas directement sous le contr\u00f4le d’un gouvernement municipal comme l’\u00e9taient la plupart des villes hollandaises. C’est pourquoi il \u00e9tait moins susceptible d’\u00eatre g\u00ean\u00e9 par les autorit\u00e9s municipales qu’il ne l’aurait \u00e9t\u00e9 dans d’autres endroits.<\/p>\n\n\n\n

Le fait que Spinoza ait v\u00e9cu aux Provinces-Unies a-t-il influenc\u00e9 le d\u00e9veloppement et la diffusion de sa pens\u00e9e ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Cela a effectivement consid\u00e9rablement influenc\u00e9 la formation de sa pens\u00e9e et sa diffusion. Au d\u00e9but de son cheminement intellectuel, ses amis et ses interlocuteurs \u00e0 Amsterdam appartenaient tous \u00e0 ces \u00e9glises marginales, ces \u00e9glises sectaires, que nous appelons les Quakers, qui non seulement rejetaient les doctrines fondamentales de la th\u00e9ologie chr\u00e9tienne, mais n’acceptait pas les conceptions trinitaires de base de la th\u00e9ologie chr\u00e9tienne. Ces \u00e9glises mettaient aussi beaucoup l’accent sur le droit de l’individu \u00e0 exprimer des opinions dissidentes. Je pense que c’\u00e9tait l\u00e0 l’\u00e9l\u00e9ment le plus important ; leur volont\u00e9 de discuter, d’avoir une discussion ouverte sans aucune forme de r\u00e9pression th\u00e9ologique.<\/p>\n\n\n\n

La vie et la philosophie de Spinoza refl\u00e8tent la r\u00e9alit\u00e9 d’Amsterdam, car cette ville \u00e9tait plus diversifi\u00e9e sur le plan culturel que n’importe quelle autre grande ville d’Europe.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En ce sens, la vie et la philosophie de Spinoza refl\u00e8tent la r\u00e9alit\u00e9 d’Amsterdam, car cette ville \u00e9tait plus diversifi\u00e9e sur le plan culturel que n’importe quelle autre grande ville d’Europe. Londres, Paris, Rome… peu importe qu’elles aient \u00e9t\u00e9 des villes plus grandes et plus importantes \u00e0 bien des \u00e9gards, aucune autre grande ville d’Europe ne pouvait rivaliser avec Amsterdam au XVIIe<\/sup> si\u00e8cle en ce qui concerne la diversit\u00e9 des opinions religieuses. C’est un facteur crucial. Et je pense que c’est absolument fondamental pour comprendre la vie et la philosophie de Spinoza. Il y avait beaucoup de divisions en Hollande au XVIIe<\/sup> si\u00e8cle et de nombreuses villes \u00e9taient beaucoup plus fermement sous le contr\u00f4le de l’\u00e9glise calviniste que ne l’\u00e9tait Amsterdam par exemple. Il y avait d’autres endroits, dont Rijnsburg, et c’est l’une des raisons pour lesquelles Spinoza s’y est rendu, o\u00f9 ces groupes de discussion \u00e9taient tr\u00e8s nombreux. En un sens, il y avait donc deux Pays-Bas diff\u00e9rents, d’un point de vue religieux et intellectuel. Il y avait une Hollande fondamentalement calviniste et une autre Hollande o\u00f9 l’autorit\u00e9 eccl\u00e9siastique existait de mani\u00e8re beaucoup plus t\u00e9nue, d’une mani\u00e8re qui ne pouvait pas emp\u00eacher tous ces groupes confessionnels de prosp\u00e9rer.<\/p>\n\n\n\n

Quelle place occupe la pens\u00e9e cart\u00e9sienne dans le d\u00e9veloppement de celle de Spinoza ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Descartes a \u00e9t\u00e9 le point de d\u00e9part philosophique de Spinoza. Il est donc fondamental pour le d\u00e9veloppement de sa pens\u00e9e. Avant que Spinoza ne d\u00e9couvre Descartes, nous ne savons pas exactement quand, mais c’\u00e9tait certainement dans les ann\u00e9es pr\u00e9c\u00e9dant son expulsion de la communaut\u00e9 juive d’Amsterdam, il \u00e9tudiait principalement l’h\u00e9breu et les textes de l’Ancien Testament. Il \u00e9tait souvent en d\u00e9saccord avec les points de vue de ses professeurs et des rabbins.<\/p>\n\n\n\n

Il est pass\u00e9 \u00e0 la philosophie fondamentale \u00e0 un moment donn\u00e9 dans les ann\u00e9es 1650, apr\u00e8s avoir d\u00e9couvert Descartes, probablement en n\u00e9erlandais. Ici encore, le contexte n\u00e9erlandais est important pour deux raisons. Premi\u00e8rement, Ren\u00e9 Descartes a eu un impact culturel plus important sur les universit\u00e9s et sur l’enseignement de la philosophie aux Pays-Bas que dans n’importe quel autre pays europ\u00e9en et ce \u00e0 un stade tr\u00e8s pr\u00e9coce. En effet, l’influence de Descartes est plus tardive en France qu’aux Pays-Bas. Descartes a pass\u00e9 la plupart de ses ann\u00e9es de cr\u00e9ation aux Pays-Bas. La presse \u00e9tait \u00e9galement plus libre aux Pays-Bas et il \u00e9tait donc beaucoup plus facile d’y faire traduire et publier les livres de Descartes. La Hollande \u00e9tait le seul pays o\u00f9 il \u00e9tait facile de se procurer des livres de Descartes d\u00e8s les ann\u00e9es 1650. Cela aurait \u00e9t\u00e9 difficile en France \u00e0 cette \u00e9poque. Ce n’est donc pas seulement Descartes, mais le fait que son \u0153uvre ait \u00e9t\u00e9 largement traduite diffus\u00e9e au d\u00e9but des ann\u00e9es 1650 en Hollande \u2013 un fait historique remarquable en soi \u2013, qui explique pourquoi Descartes est devenu le point de d\u00e9part de Spinoza.<\/p>\n\n\n\n

Il y a beaucoup d\u2019\u00e9l\u00e9ments dans la fa\u00e7on de raisonner de Descartes et dans son approche de la philosophie, que Spinoza a adopt\u00e9s. N\u00e9anmoins, Spinoza se montre \u00e9galement tr\u00e8s critique \u00e0 l’\u00e9gard de Descartes. Le premier livre qu’il a publi\u00e9 sous son propre nom \u00e9tait son livre sur les Principes de la philosophie de Descartes<\/em>, qui a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 en 1663. Si vous le lisez attentivement, et en particulier la derni\u00e8re partie, Cogitata metaphysica<\/em>, vous pouvez voir qu’en m\u00eame temps qu’il explique Descartes, il explique surtout ce que Descartes aurait d\u00fb dire plut\u00f4t que ce que Descartes a r\u00e9ellement dit. Spinoza critique donc Descartes tout en lui faisant des emprunts.<\/p>\n\n\n\n

Chez Spinoza, la raison math\u00e9matique, d\u00e9finie comme le mode de fonctionnement de la pens\u00e9e scientifique, devient la clef qui permet de d\u00e9verrouiller tous les aspects de la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le point le plus important est bien s\u00fbr que Spinoza rejette tr\u00e8s t\u00f4t le dualisme. Pour Descartes, il y a deux r\u00e9alit\u00e9s : une r\u00e9alit\u00e9 physique et une autre r\u00e9alit\u00e9 qui implique l’\u00e2me, l’esprit, la pr\u00e9sence divine, la r\u00e9v\u00e9lation de Dieu, et qui est r\u00e9gie par un ensemble de r\u00e8gles compl\u00e8tement diff\u00e9rent. Et ce sont les philosophes qui ont la t\u00e2che de d\u00e9finir les lignes de partage entre les deux r\u00e9alit\u00e9s, la r\u00e9alit\u00e9 physique et la r\u00e9alit\u00e9 spirituelle. Mais bien s\u00fbr, les d\u00e9tails et les formes exactes de la r\u00e9alit\u00e9 spirituelle sont du ressort des th\u00e9ologiens et des \u00e9glises plut\u00f4t que des philosophes. Selon Descartes, l’ensemble de la r\u00e9alit\u00e9 se divise donc en deux sph\u00e8res. D\u00e8s le d\u00e9but, Spinoza rejette compl\u00e8tement ce dualisme. Pour Spinoza, il n’y a qu’une seule r\u00e9alit\u00e9, un seul ensemble de r\u00e8gles. Par cons\u00e9quent, la raison math\u00e9matique, d\u00e9finie comme le mode de fonctionnement de la pens\u00e9e scientifique, devient la clef qui permet de d\u00e9verrouiller tous les aspects de la r\u00e9alit\u00e9. Chez Descartes, il y a le naturel et le surnaturel. Chez Spinoza, il n’y a que la nature, il n’y a rien de surnaturel. Il ne peut pas y avoir de miracle. Rien de surnaturel n’a jamais exist\u00e9, n’existe ou ne pourra jamais exister. Le surnaturel n’est que le fruit de l’imagination humaine.<\/p>\n\n\n\n

Du c\u00f4t\u00e9 germanique, quelles \u00e9taient les relations de Spinoza avec Leibniz ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Leibniz est le seul grand philosophe que Spinoza ait rencontr\u00e9 en personne. Leibniz s\u2019\u00e9tait rendu en Hollande \u00e0 l’automne 1676. Il passa plusieurs jours \u00e0 La Haye. Il y a eu des discussions longues et tr\u00e8s profondes avec Spinoza. Ils se connaissaient donc et parlaient de philosophie ensemble. Mais bien avant cela, Leibniz avait \u00e9tudi\u00e9 l’\u0153uvre de Spinoza, en particulier le Tractatus theologico-politicus<\/em> publi\u00e9 en 1670. Leibniz connaissait ce texte, certainement d\u00e8s 1671. Il l\u2019a d\u00e9couvert tr\u00e8s t\u00f4t et en \u00e9tait tr\u00e8s troubl\u00e9. Leibniz d\u00e9veloppe un grand nombre de ses id\u00e9es en opposition consciente aux id\u00e9es de Spinoza. Je pense qu’il s’agit l\u00e0 d’un trait fondamental de la pens\u00e9e de Leibniz, de 1671 \u00e0 la fin de sa vie.<\/p>\n\n\n\n

Quel rapport Spinoza entretient-il aux langues ? Quelles langues parle-t-il, dans quelles langues lit-il, dans quelles langues \u00e9crit-il ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Spinoza ma\u00eetrisait le latin de fa\u00e7on assez correcte \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1650. Peut-\u00eatre parce qu’il n’avait pas \u00e9t\u00e9 scolaris\u00e9 en latin dans son enfance, son vocabulaire n’\u00e9tait pas aussi diversifi\u00e9 que celui de Descartes mais il \u00e9tait capable d’exprimer ses pens\u00e9es de mani\u00e8re tr\u00e8s pr\u00e9cise et concise en latin. Tous ses textes philosophiques et la majeure partie de sa correspondance savante sont r\u00e9dig\u00e9s en latin. Le latin est donc de loin la langue la plus importante chez Spinoza. Nous disposons d’une liste compl\u00e8te de sa biblioth\u00e8que personnelle au moment de sa mort en 1677 et la grande majorit\u00e9 de ses livres sont en latin. C’est donc en latin qu’il a lu la majeure partie de sa vie d’adulte.<\/p>\n\n\n\n

Il ma\u00eetrisait assez bien le fran\u00e7ais. Son p\u00e8re \u00e9tait francophone. Il avait quitt\u00e9 le Portugal alors qu’il \u00e9tait encore un jeune gar\u00e7on et avait pass\u00e9 la plus grande partie de sa vie \u00e0 Nantes. Il n’a jamais appris le n\u00e9erlandais correctement. Son n\u00e9erlandais \u00e9tait tr\u00e8s mauvais et il avait besoin d’aide dans ses activit\u00e9s commerciales. Certains \u00e9l\u00e9ments indiquent que Spinoza ma\u00eetrisait sans doute assez bien le fran\u00e7ais parce qu’il avait des conversations avec des officiers fran\u00e7ais. C’est mon impression. Il est donc surprenant que dans sa biblioth\u00e8que, il n’y ait pratiquement aucun livre en fran\u00e7ais. C\u2019est tr\u00e8s \u00e9trange compte tenu de l’importance du fran\u00e7ais dans la culture europ\u00e9enne au XVIIe<\/sup> si\u00e8cle. <\/p>\n\n\n\n

Spinoza avait un peu plus de vingt livres en h\u00e9breu. Dans les derni\u00e8res ann\u00e9es de sa vie, il a \u00e9crit une grammaire en h\u00e9breu. Apr\u00e8s son expulsion de la communaut\u00e9 juive, il n’a en aucun cas abandonn\u00e9 son int\u00e9r\u00eat pour la langue h\u00e9bra\u00efque, la grammaire h\u00e9bra\u00efque et l’\u00e9tude des textes h\u00e9bra\u00efques anciens. Je pense qu’il aimait l’h\u00e9breu et qu’il le connaissait certainement assez bien.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s son expulsion de la communaut\u00e9 juive, il n’a en aucun cas abandonn\u00e9 son int\u00e9r\u00eat pour la langue h\u00e9bra\u00efque, la grammaire h\u00e9bra\u00efque et l’\u00e9tude des textes h\u00e9bra\u00efques anciens.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Lorsque Spinoza lisait de la litt\u00e9rature, pour se d\u00e9tendre, c\u2019\u00e9tait bien souvent en espagnol. Dans les \u00e9coles s\u00e9farades d’Europe occidentale, y compris celles d’Amsterdam, la plupart des cours et des manuels scolaires n’\u00e9taient pas r\u00e9dig\u00e9s en portugais, mais en espagnol. Il a donc appris \u00e0 \u00e9crire et \u00e0 lire l’espagnol lorsqu’il \u00e9tait enfant. Et je pense que l’espagnol est toujours rest\u00e9 sa langue pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e lorsqu\u2019il souhaitait se divertir. Il y a notamment un volume de Cervantes dans sa biblioth\u00e8que et des textes de Luis de Gongora et d’autres \u00e9crivains espagnols du XVIIe<\/sup> si\u00e8cle. Il y a peu de textes litt\u00e9raires dans sa biblioth\u00e8que, mais la plupart de ceux qu\u2019on y trouve sont en espagnol.<\/p>\n\n\n\n

La seule autre langue qu’il lisait \u00e9galement \u00e9tait le n\u00e9erlandais mais il y avait assez peu de livres en n\u00e9erlandais dans sa biblioth\u00e8que. Bien s\u00fbr, Spinoza devait savoir parler le n\u00e9erlandais parce qu’il vivait aux Pays-Bas, mais c’est une sorte de langue de substitution lorsqu\u2019il n’\u00e9tait pas possible de parler latin. <\/p>\n\n\n\n

Je dirais que les quatre langues qui ont compt\u00e9 dans sa vie \u00e9taient donc le latin en premier lieu, l’h\u00e9breu en second lieu, puis l’espagnol et le n\u00e9erlandais. Il ne connaissait pas l’anglais, il connaissait le fran\u00e7ais, mais il ne lisait rien en fran\u00e7ais parce qu’il lisait en n\u00e9erlandais. Il aurait pu facilement apprendre l\u2019allemand s’il l’avait voulu mais il ne montrait aucun int\u00e9r\u00eat pour la lecture de cette langue.<\/p>\n\n\n\n

En quoi Spinoza peut-il selon-vous \u00eatre qualifi\u00e9 de \u00ab r\u00e9volutionnaire \u00bb ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Spinoza \u00e9tait un r\u00e9volutionnaire dans un certain sens, mais il faut \u00eatre prudent avec cette qualification. Il n’\u00e9tait certainement pas un r\u00e9volutionnaire qui essayait de soulever les masses contre le gouvernement ; pas quelqu’un qui aurait souhait\u00e9 planifier une insurrection de masse. En r\u00e9alit\u00e9, Spinoza avait une tr\u00e8s mauvaise opinion des masses en g\u00e9n\u00e9ral. Je ne pense pas pour autant que cela signifie qu’il avait une mauvaise opinion des classes populaires. Lorsqu’il parle des gens du peuple, ce que Spinoza r\u00e9prouve principalement, c’est leur ignorance et leur manque de compr\u00e9hension. Mais lorsqu’il parle du \u00ab vulgaire \u00bb, il ne l’entend pas au sens d’une classe sociale ou d’une classe \u00e9conomique. Il ne parle pas des pauvres. Par \u00ab vulgaire \u00bb, il entend certainement le clerg\u00e9, la plupart des universitaires, la plupart des aristocrates et presque tous les rois. Ils font partie des \u00ab vulgaires \u00bb parce que, dans l’esprit de Spinoza, ils ne comprennent pas les choses correctement et sont tr\u00e8s ignorants. Mais quelqu’un comme son ami Jarich Jelles, qui ne parle pas tr\u00e8s bien le latin, qui n’est pas all\u00e9 \u00e0 l’universit\u00e9 et ne fait pas partie de l\u2019\u00e9lite, suscite le respect de Spinoza parce qu’il est capable de penser de mani\u00e8re critique et ind\u00e9pendante et qu’il comprend ce que Spinoza essaie de dire. Il ne fait donc pas partie du vulgaire.<\/p>\n\n\n\n

Spinoza pense que la vie humaine est inutilement oppressive, superstitieuse et mis\u00e9rable, que la plupart des gens vivent leur vie dans la mis\u00e8re et qu’il est possible d’am\u00e9liorer le monde.<\/p>Jonathan I. Israel<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Spinoza pense que la vie humaine est inutilement oppressive, superstitieuse et mis\u00e9rable, que la plupart des gens vivent leur vie dans la mis\u00e8re et qu’il est possible d’am\u00e9liorer le monde. Il est donc possible d’avoir une soci\u00e9t\u00e9 mieux organis\u00e9e et plus heureuse. Pour ce faire, il faut tout changer, et en particulier changer la fa\u00e7on de penser de chacun, ou du moins les principes directeurs \u00e9tablis par la loi et le gouvernement. En ce sens, je dirais que Spinoza est d\u00e9finitivement un r\u00e9volutionnaire. Pour parvenir \u00e0 un changement r\u00e9volutionnaire, il envisage de diffuser ses id\u00e9es par le biais d’un groupe clandestin qu’il a constitu\u00e9 autour de lui et qui s\u2019\u00e9largit d\u00e8s 1660. Ce groupe commence \u00e0 se propager dans diff\u00e9rentes villes hollandaises vers 1670 puis dans d’autres pays europ\u00e9ens vers 1690. Spinoza pense qu’en diffusant leurs id\u00e9es et en influen\u00e7ant les professeurs d’universit\u00e9, les avocats, les juges, les r\u00e9gents, les citoyens de premier plan dans le gouvernement municipal et dans le gouvernement r\u00e9publicain, il est possible de changer progressivement la fa\u00e7on de penser de l’\u00e9lite intellectuelle. Et si l’on parvient \u00e0 transformer la pens\u00e9e de l’\u00e9lite intellectuelle, il arrivera un moment o\u00f9 les principes fondamentaux du gouvernement et de la loi seront eux-m\u00eames modifi\u00e9s. C’est ainsi que l’ensemble de la soci\u00e9t\u00e9 devient plus libre et plus heureuse.<\/p>\n\n\n\n

Spinoza ne pense pas qu’il y aura un temps o\u00f9 la plupart des gens comprendront ce que sont les bons principes. Mais si les bons principes sont inscrits dans les lois, alors les gens ordinaires seront forc\u00e9s d’\u00eatre libres<\/em> pour utiliser une expression typique de Spinoza. Bien s\u00fbr, beaucoup de gens se demandent : comment peut-on forcer quelqu’un \u00e0 \u00eatre libre ? Mais selon Spinoza, vous \u00eates plus libre si vous vivez sous le r\u00e9gime d’une R\u00e9publique d\u00e9mocratique, qui vous donne le droit de lire ce que vous voulez, de dire ce que vous voulez, d’exprimer vos id\u00e9es comme vous le voulez que si vous pensez que la seule chose qui compte est la religion. Une personne qui pense ainsi est en esclavage parce que son esprit est totalement pi\u00e9g\u00e9 par des superstitions et des id\u00e9es erron\u00e9es. C\u2019est donc un esclave et non une personne libre, mais elle est plus libre en vivant dans une R\u00e9publique d\u00e9mocratique o\u00f9 elle a le droit de s’exprimer qu’elle ne le serait sous un autre type de gouvernement.<\/p>\n\n\n\n

Ainsi, bien que certaines personnes, fanatiques et tr\u00e8s superstitieuses, doivent \u00eatre forc\u00e9es d’\u00eatre libres dans la R\u00e9publique d\u00e9mocratique, cela signifie qu’elles doivent \u00eatre forc\u00e9es de respecter les droits des autres personnes, qu’elles le comprennent ou non, et dans la plupart des cas, elles ne comprendront pas qu’elles sont plus libres dans une R\u00e9publique d\u00e9mocratique que dans une monarchie, une r\u00e9publique aristocratique ou une th\u00e9ocratie o\u00f9 l’\u00e9lite se contente de contr\u00f4ler les lois de la soci\u00e9t\u00e9. En ce sens, Spinoza est un r\u00e9volutionnaire. Il propose un plan pour transformer tous les fondements de la soci\u00e9t\u00e9 et cr\u00e9er une soci\u00e9t\u00e9 meilleure et plus heureuse, et il vous ouvre, ou du moins vous montre, un chemin pour y parvenir.<\/p>\n\n\n\n

Pourquoi avons-nous encore besoin de lire Spinoza aujourd’hui ? Qu’a-t-il encore \u00e0 nous apprendre ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je pense que ce qui est int\u00e9ressant, c’est que depuis les Lumi\u00e8res, au XIXe<\/sup> et au XXe<\/sup> si\u00e8cles \u2014 j’ai d\u00e9j\u00e0 mentionn\u00e9 George Elliott, mais on pourrait citer d\u2019autres exemples \u2014, les esprits les plus cr\u00e9atifs et les plus importants de notre \u00e9poque ont trouv\u00e9 Spinoza plus inspirant et plus \u00e9clairant, comme compagnon de lecture, que n’importe quel autre philosophe du d\u00e9but de l’\u00e8re moderne ou du XIXe<\/sup> si\u00e8cle. Einstein<\/a> a dit \u00e0 juste titre que Spinoza avait eu un impact important sur sa vie et avait fa\u00e7onn\u00e9 sa propre pens\u00e9e. Je pense que c’est vrai car il a souvent mentionn\u00e9 Spinoza dans ses \u00e9crits et ses discours. Freud qui \u00e9tait c\u00e9l\u00e8bre pour sa pi\u00e8tre opinion de la philosophie et des philosophes en g\u00e9n\u00e9ral avait pourtant d\u00e9clar\u00e9 : \u00ab Je ne pense pas grand-chose des philosophes et de la philosophie, mais il y a une exception pour laquelle j’aurai toujours un grand respect : Spinoza \u00bb. Vous voyez donc que de nombreux grands esprits ont trouv\u00e9 Spinoza plus pertinent que d’autres penseurs. Et je pense que c’est quelque chose que nous devons garder \u00e0 l’esprit. Spinoza fait partie de notre monde et de notre culture.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Pourquoi Spinoza fait-il partie de notre monde et de notre culture  ? C\u2019est au fond la question qui anime la derni\u00e8re grande enqu\u00eate historique de Jonathan Israel sur l\u2019\u00e9poque du philosophe. Au rebours d\u2019un grand nombre de chercheurs, il affirme que Spinoza et son h\u00e9ritage ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9cisifs pour une partie des penseurs des Lumi\u00e8res. 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