{"id":188856,"date":"2023-06-21T19:13:12","date_gmt":"2023-06-21T17:13:12","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=188856"},"modified":"2023-11-29T11:45:23","modified_gmt":"2023-11-29T10:45:23","slug":"un-nouveau-consensus-pour-financer-laction-climatique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/06\/21\/un-nouveau-consensus-pour-financer-laction-climatique\/","title":{"rendered":"R\u00e9parer un monde cass\u00e9 : un nouveau consensus pour la finance globale"},"content":{"rendered":"\n
Cet article est \u00e9galement disponible en anglais sur le site du Groupe d’\u00e9tudes g\u00e9opolitiques<\/a>.<\/em><\/p>\n\n\n\n Les crises imbriqu\u00e9es de la dette, du climat, de l’\u00e9nergie et de l’instabilit\u00e9 financi\u00e8re resserrent leur emprise sur le monde. Ce n\u2019est pas au moment o\u00f9 celles-ci culminent en cataclysmes qu\u2019il faut dissimuler leur injustice.<\/p>\n\n\n\n L’\u00e9t\u00e9 dernier, des inondations d\u00e9vastatrices au Pakistan ont fait des milliers de victimes et boulevers\u00e9 la vie de 33 millions de personnes. Cette catastrophe n’\u00e9tait pas \u00ab naturelle \u00bb : elle a \u00e9t\u00e9 amplifi\u00e9e par des d\u00e9cennies d’extraction de combustibles fossiles, bien au-del\u00e0 du fleuve Indus <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Comme l’a clairement indiqu\u00e9 le secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral des Nations unies, Antonio Guterres, c’\u00e9tait aussi la cons\u00e9quence d’un \u00ab syst\u00e8me financier mondial moralement en faillite \u00bb, d’un cycle de la dette qui consacre plus d’argent aux cr\u00e9anciers qu’\u00e0 des soci\u00e9t\u00e9s s\u00fbres et stables <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Les souffrances du Pakistan rel\u00e8vent d’une responsabilit\u00e9 commune. Si nous n’agissons pas, la catastrophe sera g\u00e9n\u00e9rale alors m\u00eame qu\u2019elle \u00e9tait pr\u00e9visible. Le dernier rapport du GIEC indique que 3,3 \u00e0 3,6 milliards de personnes vivent actuellement dans des zones \u00ab tr\u00e8s vuln\u00e9rables \u00bb aux effets des ph\u00e9nom\u00e8nes extr\u00eames, soit pr\u00e8s de la moiti\u00e9 de la population mondiale <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Notre architecture financi\u00e8re n’est pas adapt\u00e9e \u00e0 ces d\u00e9fis. Selon l’Agence internationale de l’\u00e9nergie (AIE), pour atteindre la neutralit\u00e9 carbone d’ici \u00e0 2050, il faudrait tripler les investissements dans les \u00e9nergies propres \u00e0 l’\u00e9chelle mondiale pour atteindre 4 000 milliards de dollars par an d’ici \u00e0 2030 <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Les souffrances du Pakistan rel\u00e8vent d’une responsabilit\u00e9 commune. Si nous n’agissons pas, la catastrophe sera g\u00e9n\u00e9rale alors m\u00eame qu\u2019elle \u00e9tait pr\u00e9visible.<\/p>Laurence Tubiana et Elliott Fox<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ce financement pourrait ouvrir la voie \u00e0 un syst\u00e8me \u00e9nerg\u00e9tique propre qui nous placerait sur une trajectoire plus s\u00fbre, mais il ne prend pas en compte les co\u00fbts des chocs climatiques d\u00e9j\u00e0 en cours. Ce montant de mille milliards de dollars ne prend pas non plus la mesure de la situation g\u00e9opolitique : outre les \u00ab actifs irr\u00e9cup\u00e9rables \u00bb, nous commen\u00e7ons \u00e0 peine \u00e0 ajouter dans la balance le pouvoir d\u00e9mesur\u00e9 des \u00ab \u00c9tat p\u00e9troliers irr\u00e9cup\u00e9rables \u00bb <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>, ainsi que l’intention de la Russie de renforcer sa position de grand exportateur de combustibles fossiles en utilisant les cha\u00eenes d’approvisionnement en \u00e9nergie et en mati\u00e8res premi\u00e8res comme arme. Cette situation a encourag\u00e9 l’OPEP \u00e0 adopter une position plus provocante vis-\u00e0-vis des \u00c9tats-Unis \u2014 et, par cons\u00e9quent, des principes fondamentaux d’un syst\u00e8me mondial bas\u00e9 sur le dollar \u2014 \u00e0 commencer par le r\u00f4le de la monnaie sur les march\u00e9s de l’\u00e9nergie <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Le d\u00e9fi historique auquel nous sommes confront\u00e9s consiste \u00e0 \u00e9liminer notre d\u00e9pendance \u00e0 l’\u00e9gard des combustibles fossiles et \u00e0 faire face aux menaces qu’ils ont cr\u00e9\u00e9es \u2014 \u00e0 la fois sur le plan climatique et g\u00e9opolitique. Le probl\u00e8me ne r\u00e9side pas uniquement dans l’\u00e9laboration de sc\u00e9narios. Dans notre r\u00e9gime de gouvernance mondiale, l’\u00e9valuation des co\u00fbts et l\u2019identification des sources de financement sont des activit\u00e9s n\u00e9buleuses \u2014 et tout \u00e0 fait distinctes. Chiffrer la solution pose une autre question centrale en macro\u00e9conomie : quel sera le co\u00fbt de cet argent ?<\/p>\n\n\n\n C’est pourquoi la dette appara\u00eet comme l’indicateur le plus alarmant de notre incapacit\u00e9 collective \u00e0 nous mobiliser et \u00e0 r\u00e9agir, et souligne l’injustice que subissent les populations locales. Nous permettons \u00e0 l’architecture financi\u00e8re internationale de donner la priorit\u00e9 \u00e0 une stabilisation macrofinanci\u00e8re limit\u00e9e et profond\u00e9ment in\u00e9gale, au d\u00e9triment des piliers de la s\u00e9curit\u00e9 humaine tels que la sant\u00e9, l’\u00e9ducation, l’\u00e9nergie propre et les infrastructures r\u00e9silientes au changement climatique. Dans notre r\u00e9gime de gouvernance mondiale, l’\u00e9valuation des co\u00fbts et l\u2019identification des sources de financement sont des activit\u00e9s n\u00e9buleuses \u2014 et tout \u00e0 fait distinctes. Chiffrer la solution pose une autre question centrale en macro\u00e9conomie : quel sera le co\u00fbt de cet argent ?<\/p>Laurence Tubiana et Elliott Fox<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le monde est \u00e9galement \u00e0 la tra\u00eene dans la r\u00e9alisation des objectifs de r\u00e9duction de la pauvret\u00e9 et des objectifs de d\u00e9veloppement durable. Il s’efforce de mobiliser des fonds pour l’aide <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>, tout en \u00e9mettant plus de CO2 l’ann\u00e9e derni\u00e8re que n’importe quelle autre ann\u00e9e dans l’histoire de l’humanit\u00e9 <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Les propositions techniques avanc\u00e9es pour ajuster notre architecture financi\u00e8re internationale ne manquent pas : ce texte n\u2019entend pas rivaliser avec elles. Il s’agit plut\u00f4t de proposer quelques r\u00e9flexions sur le chemin parcouru, les angles morts qu’elles r\u00e9v\u00e8lent et quelques pistes prometteuses pour l’avenir, ancr\u00e9es dans l’Accord de Paris.<\/p>\n\n\n Les clefs d’un monde cass\u00e9.<\/p>\n Du centre du globe \u00e0 ses fronti\u00e8res les plus lointaines, la guerre est l\u00e0. L\u2019invasion de l\u2019Ukraine par la Russie de Poutine nous a frapp\u00e9s, mais comprendre cet affrontement crucial n’est pas assez.<\/p>\n Notre \u00e8re est travers\u00e9e par un ph\u00e9nom\u00e8ne occulte et structurant, nous proposons de l\u2019appeler : guerre \u00e9tendue.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t
La dette accablante du Pakistan l’a r\u00e9cemment conduit \u00e0 conclure son 23e accord avec le FMI \u2014 et son 14e sauvetage \u2014, un triste record qui n’est d\u00e9pass\u00e9 que par l’Argentine. Ce sc\u00e9nario du pi\u00e8ge de la dette devrait \u00eatre de plus en plus r\u00e9pandu, les donn\u00e9es du FMI pla\u00e7ant 53 pays, repr\u00e9sentant une personne sur cinq dans le monde, sur la voie du surendettement <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>. L\u00e0 encore, la situation critique du Pakistan pr\u00e9figure une tendance mondiale. Alors que le cinqui\u00e8me pays le plus peupl\u00e9 du monde s’efforce \u2014 tout comme les programmes de redressement qui lui sont impos\u00e9s, encore et encore, par la Banque mondiale et le FMI \u2014 de relever le triple d\u00e9fi de la viabilit\u00e9 de la dette, des impacts climatiques et de la transition \u00e9nerg\u00e9tique <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>, ses progr\u00e8s en mati\u00e8re de lutte contre la pauvret\u00e9 pi\u00e9tinent \u00e9galement : si l’on tient compte de la croissance d\u00e9mographique, le Pakistan compte aujourd’hui 3 millions de pauvres de plus qu’en 2018 <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n