{"id":180776,"date":"2023-03-27T12:37:44","date_gmt":"2023-03-27T10:37:44","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=180776"},"modified":"2023-03-27T15:17:26","modified_gmt":"2023-03-27T13:17:26","slug":"la-guerre-nucleaire-qui-vient-x-y-z","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/03\/27\/la-guerre-nucleaire-qui-vient-x-y-z\/","title":{"rendered":"D\u00e9jouer la fin : penser la guerre nucl\u00e9aire qui vient"},"content":{"rendered":"\n
L\u2019arme nucl\u00e9aire est par conception une arme de non-emploi <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. C\u2019est sa puissance d\u00e9mesur\u00e9e qui exclut que quiconque puisse un jour songer \u00e0 la faire exploser au-dessus d\u2019une population civile. \u00c0 quoi donc sert-elle, ainsi que le demandait le pr\u00e9sident Trump lorsqu\u2019il re\u00e7ut le code ? Elle n\u2019a qu\u2019un but : dissuader les autres puissances nucl\u00e9aires d\u2019utiliser la leur ; et, accessoirement, dissuader des \u00c9tats ou des groupes terroristes qui ne l\u2019auraient pas de l\u2019acqu\u00e9rir. C\u2019est une arme de dissuasion.<\/p>\n\n\n\n Il ne s\u2019agit certainement pas d\u2019une arme de conqu\u00eate, au moyen de laquelle on pourrait prendre le dessus sur un adversaire en lui d\u00e9robant un objet qu\u2019il poss\u00e8de et qu\u2019on d\u00e9sire poss\u00e9der, dans une perspective d\u2019attaque. Ni, dans une perspective de d\u00e9fense, d\u2019une arme par laquelle on emp\u00eacherait un ennemi de s\u2019emparer d\u2019un objet que l\u2019on poss\u00e8de et que l\u2019autre veut poss\u00e9der. Par \u00ab objet \u00bb, j\u2019entends un territoire (l\u2019Afghanistan, l\u2019Ukraine), une zone d\u2019influence (la Syrie), le prestige li\u00e9 \u00e0 l\u2019importance de son arsenal. Non, il n\u2019y a plus d\u2019objet ni de d\u00e9sir d\u2019objet. La violence a atteint son acm\u00e9, l\u00e0 o\u00f9 elle n\u2019a plus affaire qu\u2019\u00e0 elle-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n Mais c\u2019est cela, la bonne nouvelle. La simple existence de l\u2019arme nucl\u00e9aire est ce qui en ferait un instrument de dissuasion. Il n\u2019y aurait pas lieu de s\u2019inqui\u00e9ter. La guerre nucl\u00e9aire n\u2019aura pas lieu \u2014 parce qu\u2019elle est impossible.<\/p>\n\n\n\n Voici ce que nous r\u00e9p\u00e8tent \u00e0 l\u2019envi les \u00ab experts \u00bb fran\u00e7ais, lesquels travaillent pour la plupart, directement ou indirectement, pour la force de frappe fran\u00e7aise, au sujet de la guerre qui se d\u00e9roule actuellement sur le champ de bataille qu\u2019est devenue l\u2019Ukraine, mais qui est en v\u00e9rit\u00e9 une guerre larv\u00e9e entre la Russie et l\u2019OTAN, ou, si l\u2019on pr\u00e9f\u00e8re, entre la Russie de Poutine et les \u00c9tats-Unis d\u2019Am\u00e9rique. La dissuasion marche bien, comme dans le pass\u00e9, rassurent-ils, et il est tr\u00e8s peu probable, voire impossible, qu\u2019elle d\u00e9bouche sur une guerre nucl\u00e9aire <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Il n\u2019y a plus d\u2019objet ni de d\u00e9sir d\u2019objet. La violence a atteint son acm\u00e9, l\u00e0 o\u00f9 elle n\u2019a plus affaire qu\u2019\u00e0 elle-m\u00eame.<\/p>Jean-Pierre Dupuy<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ce discours est irresponsable. Il est dangereux au point d\u2019en \u00eatre inacceptable. Une guerre nucl\u00e9aire en Europe est peu probable, certes, mais elle est possible. Quand les enjeux sont \u00e9normes, il convient de tenir le possible pour une \u00e9ventualit\u00e9 qui est destin\u00e9e \u00e0 devenir r\u00e9elle, et cela afin de se donner une chance de l\u2019en emp\u00eacher <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n D\u00e8s le d\u00e9but du mois de f\u00e9vrier 2022, donc avant m\u00eame que ses troupes n\u2019entrent en Ukraine le 24, Vladimir Poutine n\u2019a cess\u00e9 de mettre en garde l\u2019OTAN et les \u00c9tats-Unis contre le risque d\u2019une escalade qui d\u00e9boucherait sur un conflit nucl\u00e9aire. On s\u2019est lass\u00e9 en France de ce que l\u2019on a pris pour une menace voil\u00e9e mais si peu cr\u00e9dible qu\u2019on ne l\u2019a pas prise au s\u00e9rieux. Du coup, on n\u2019a pas pr\u00eat\u00e9 attention \u00e0 une d\u00e9claration du chef du Kremlin faite devant la presse le 9 d\u00e9cembre dernier annon\u00e7ant un possible changement de doctrine nucl\u00e9aire <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Jusqu\u2019alors, la doctrine officielle \u00e9tait que la Russie ne recourrait \u00e0 cette arme que si elle \u00e9tait la cible d\u2019une attaque de m\u00eame nature, ou si la survie de la nation \u00e9tait en danger. Poutine fit mine de d\u00e9couvrir que l\u2019\u00e9ventail strat\u00e9gique am\u00e9ricain comportait un volet nomm\u00e9 \u00ab pr\u00e9emption \u00bb et que la Russie ferait bien de s\u2019en inspirer \u00e0 son tour.<\/p>\n\n\n\n La pr\u00e9emption, c\u2019est le nom de l\u2019attaque dans le domaine nucl\u00e9aire. Pour appr\u00e9cier sa singularit\u00e9, il est bon d\u2019en revenir \u00e0 logique de la dissuasion. Elle comporte deux phases : d\u2019abord, la menace de recourir \u00e0 des repr\u00e9sailles incommensurables si la puissance ennemie franchit une certaine ligne rouge, que l\u2019on ne pr\u00e9cise pas ; ensuite, si la dissuasion a \u00e9chou\u00e9, la d\u00e9cision de mettre cette menace \u00e0 ex\u00e9cution. La France omet de consid\u00e9rer cette \u00e9ventualit\u00e9, au motif que la dissuasion ne saurait \u00e9chouer. C\u2019est pourtant en ce point que se trouve la pierre d\u2019achoppement de la dissuasion nucl\u00e9aire, \u00e0 savoir le caract\u00e8re non cr\u00e9dible de la menace de repr\u00e9sailles qui la soutient. Si la dissuasion \u00e9choue, la puissance attaqu\u00e9e va\u2011t\u2011elle prendre le risque de d\u00e9clencher comme promis une escalade menant \u00e0 terme \u00e0 la destruction mutuelle, donc suicidaire ? Faut\u2011il \u00eatre fou \u2014 ou le pr\u00e9tendre \u2014 pour \u00eatre cr\u00e9dible ? De la r\u00e9ponse \u00e0 cette question d\u00e9pend la solidit\u00e9 de l\u2019\u00e9difice dissuasif.<\/p>\n\n\n\n La pr\u00e9emption ne s\u2019embarrasse pas de cet \u00e9cueil. Elle fait comme si la premi\u00e8re phase \u00e9tait assur\u00e9e : l\u2019ennemi a franchi la ligne, ou bien s\u2019il ne l\u2019a pas fait, il s\u2019appr\u00eatait \u00e0 le faire. La seconde phase est donc justifi\u00e9e. Ce qui est en v\u00e9rit\u00e9 une premi\u00e8re attaque se pr\u00e9sente comme des repr\u00e9sailles. Ce sont des \u00ab repr\u00e9sailles anticip\u00e9es. \u00bb <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span> Quelles que soient les doctrines nucl\u00e9aires affich\u00e9es, on peut soutenir que tant les chefs d\u2019\u00c9tat sovi\u00e9tiques (puis russes) qu\u2019am\u00e9ricains n\u2019ont jamais exclu de leurs r\u00e9pertoires d\u2019action la d\u00e9cision de frapper en premier. Cependant, convaincre que l\u2019on est pr\u00eat \u00e0 le faire ne va pas plus de soi que de pratiquer le jeu de la dissuasion. Un probl\u00e8me de cr\u00e9dibilit\u00e9 se pose dans ce cas \u00e9galement. Une premi\u00e8re frappe ne sera pas suffisante pour neutraliser l\u2019adversaire et celui-ci conservera une capacit\u00e9 de riposte : il faut donc lui d\u00e9montrer qu\u2019on saura endurer le coup port\u00e9 (en anglais, ride out<\/em>) et limiter les dommages, donc qu\u2019on restera pleinement capable de riposter \u00e0 la riposte. Cela peut s\u2019av\u00e9rer un d\u00e9fi majeur.<\/p>\n\n\n\n Faut\u2011il \u00eatre fou \u2014 ou le pr\u00e9tendre \u2014 pour \u00eatre cr\u00e9dible ? De la r\u00e9ponse \u00e0 cette question d\u00e9pend la solidit\u00e9 de l\u2019\u00e9difice dissuasif.<\/p>Jean-Pierre Dupuy<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les \u00c9tats-Unis et la Russie ont eu et continuent d\u2019avoir une attitude ambivalente par rapport \u00e0 un \u00e9l\u00e9ment de doctrine nucl\u00e9aire qui a re\u00e7u le nom alambiqu\u00e9 et trompeur d\u2019\u00ab escalade en vue d\u2019une d\u00e9sescalade \u00bb <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Leurs h\u00e9sitations et leur flou \u00e0 cet \u00e9gard illustrent le dilemme entre dissuasion et pr\u00e9emption auquel les deux superpuissances nucl\u00e9aires sont confront\u00e9es l\u2019une et l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n On trouve d\u00e9j\u00e0 l\u2019id\u00e9e d\u2019une escalade en vue d\u2019une d\u00e9sescalade dans le livre majeur de Thomas Schelling, The Strategy of Conflict<\/em> <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et elle a influenc\u00e9 plusieurs g\u00e9n\u00e9rations de strat\u00e8ges. La doctrine de la riposte gradu\u00e9e pr\u00e9conis\u00e9e par Robert McNamara \u00e0 partir des ann\u00e9es 1960, le concept de guerre nucl\u00e9aire limit\u00e9e, celui de \u00ab ma\u00eetrise de l\u2019escalade \u00bb (escalation control<\/em>), etc. sont autant de variations sur la m\u00eame id\u00e9e. La mani\u00e8re la plus simple de la pr\u00e9senter est de la comparer \u00e0 la logique de la vente aux ench\u00e8res. On fait monter les prix jusqu\u2019au moment o\u00f9 les autres ne peuvent plus suivre. On augmente progressivement l\u2019intensit\u00e9 des combats avec des forces non nucl\u00e9aires (dites \u00ab conventionnelles \u00bb) jusqu\u2019au moment o\u00f9 le passage \u00e0 l\u2019\u00e9tape d\u2019une frappe nucl\u00e9aire appara\u00eet comme in\u00e9vitable pour mettre fin au conflit tout en le gagnant : c\u2019est cela, ladite d\u00e9sescalade.<\/p>\n\n\n\n Tant les strat\u00e8ges am\u00e9ricains que russes se r\u00e9crient et r\u00e9citent le credo de la dissuasion nucl\u00e9aire : on ne dissuade pas une attaque limit\u00e9e en rendant hautement cr\u00e9dible une menace de riposte limit\u00e9e. On la dissuade en maintenant \u00e0 un niveau modique la probabilit\u00e9 de l\u2019an\u00e9antissement mutuel. Il reste que, dans la pratique, l\u2019escalade en vue d\u2019une d\u00e9sescalade continue de tenter les \u00e9tats-majors. Cette id\u00e9e est sp\u00e9cialement pr\u00e9sente chez les strat\u00e8ges russes dans leurs d\u00e9bats non officiels. Pour se limiter \u00e0 une citation : \u00ab Nos armes conventionnelles de pr\u00e9cision devraient pouvoir infliger des pertes suffisantes dans les forces et les bases de l\u2019OTAN pour conduire celle-ci soit \u00e0 mettre fin \u00e0 son agression, soit \u00e0 la hausser \u00e0 un niveau maximal de guerre conventionnelle, incluant une offensive avec des forces terrestres. Cela justifierait en retour<\/em> le recours par la Russie \u00e0 une premi\u00e8re frappe nucl\u00e9aire par des armements tactiques \u00bb <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 la question de savoir ce qui explique que depuis le 9 ao\u00fbt 1945, aucune bombe atomique n\u2019ait \u00e9t\u00e9 l\u00e2ch\u00e9e sur des populations civiles, la r\u00e9ponse imm\u00e9diate est de dire : cela prouve que la dissuasion a march\u00e9. L\u2019ancien secr\u00e9taire \u00e0 la D\u00e9fense des pr\u00e9sidents Kennedy et Johnson, Robert McNamara, \u00e9vacuait la question d\u2019un : \u00ab Nous avons eu du bol. C\u2019est la chance, juste la chance, qui a fait que nous n\u2019avons pas eu de guerre nucl\u00e9aire. Des dizaines de fois durant la Guerre froide et depuis, nous sommes pass\u00e9s \u00e0 un cheveu du d\u00e9clenchement de l\u2019horreur. \u00bb <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span><\/p>\n\n\n\n Or il y a une mani\u00e8re plus radicale de d\u00e9charger la dissuasion de toute responsabilit\u00e9 dans l\u2019absence de guerre nucl\u00e9aire durant ces quelque quatre-vingts ans. C\u2019est de montrer qu\u2019elle n\u2019a que tr\u00e8s rarement \u00e9t\u00e9 mise en application. \u00c0 d\u00e9faut d\u2019une d\u00e9monstration, l\u2019\u00e9pisode suivant, qui eut lieu \u00e0 l\u2019issue de la crise des missiles de Cuba, est suffisamment suggestif.<\/p>\n\n\n\n Le samedi 27 octobre 1962, un sous-marin sovi\u00e9tique qui croisait dans la mer des Sargasses au nord-est de Cuba, fut rep\u00e9r\u00e9 et encercl\u00e9 par le porte-avions am\u00e9ricain USS Randolph<\/em> accompagn\u00e9 de quelques destroyers. Le sous-marin \u00e9tait command\u00e9 par le lieutenant de vaisseau Savitsky flanqu\u00e9 de l\u2019officier politique Maslennikov. Les navires am\u00e9ricains avaient commenc\u00e9 \u00e0 envoyer le signal convenu avec l\u2019\u00c9tat-major sovi\u00e9tique pour intimer l\u2019ordre au sous-marin ennemi de remonter \u00e0 la surface. Simplement, Savitsky n\u2019avait pas \u00e9t\u00e9 inform\u00e9 de cette convention. Le signal consistant \u00e0 faire exploser pr\u00e8s de la coque des grenades sous-marines, il crut qu\u2019il \u00e9tait v\u00e9ritablement attaqu\u00e9 par les Am\u00e9ricains : une premi\u00e8re fausse alerte ou erreur de communication dans cette histoire \u2014 qui allait en comporter plusieurs, de plus en plus tragiques. \u00c0 bord, les circonstances \u00e9taient proprement infernales. La temp\u00e9rature avait atteint les 50 \u00e0 60 degr\u00e9s Celsius et les hommes tombaient les uns apr\u00e8s les autres. Pour comble de malheur, les communications avec l\u2019\u00c9tat-major \u00e0 Moscou \u00e9taient coup\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n Savitsky ne savait m\u00eame pas si la guerre avait commenc\u00e9 ou non. \u00c9puis\u00e9, \u00e0 bout de nerfs, il \u00e9tait sur le point de donner l\u2019ordre de lancer quelques torpilles sur lesquelles \u00e9taient mont\u00e9es\u2026 des ogives nucl\u00e9aires. Car oui, les sous-marins sovi\u00e9tiques qui croisaient au large de Cuba \u00e9taient dot\u00e9s de bombes atomiques. Mais cela, les Am\u00e9ricains ne le savaient pas. Ils l\u2019apprirent seulement quarante ans plus tard. Savitsky reprenant ses esprits se souvint qu\u2019il lui fallait l\u2019accord de son officier politique pour prendre une d\u00e9cision aussi fatale. Celui-ci acquies\u00e7a.<\/p>\n\n\n\n Le hasard ou la Providence voulut que ce jour-l\u00e0 se trouvait \u00e0 bord le capitaine Vasili Alexandrovitch Arkhipov. Bien que de m\u00eame grade que Savitsky, il \u00e9tait sous les ordres de celui-ci. Mais il \u00e9tait aussi le chef d\u2019\u00c9tat-major de toute la flottille de sous-marins. Savitsky crut de son devoir de recueillir l\u2019avis d\u2019Arkhipov. Celui-ci exprima son d\u00e9saccord, au motif que Moscou n\u2019avait pas donn\u00e9 son autorisation. L\u2019ordre de tir ne fut pas donn\u00e9 et le sous-marin remonta \u00e0 la surface.<\/p>\n\n\n\n Le meilleur moyen de rendre cr\u00e9dible la menace de repr\u00e9sailles incommensurables qui fonde la dissuasion, c\u2019est d\u2019en rendre l\u2019ex\u00e9cution automatique.<\/p>Jean-Pierre Dupuy<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Entendant une telle histoire, il est difficile de ne pas se demander ce qui se serait pass\u00e9 si l\u2019un de ces \u00e9l\u00e9ments s\u2019\u00e9tait d\u00e9roul\u00e9 autrement. Une cha\u00eene de propositions contrefactuelles se pr\u00e9sente imm\u00e9diatement \u00e0 l\u2019esprit. Si Arkhipov ne s\u2019\u00e9tait pas trouv\u00e9 dans ce sous-marin en difficult\u00e9 mais dans un autre sous-marin, il est hautement probable que Savitsky e\u00fbt donn\u00e9 l\u2019ordre de tir. Le porte-avions USS Randolph<\/em> et ses destroyers auraient saut\u00e9 dans une explosion nucl\u00e9aire terrifiante. Le commandement am\u00e9ricain, persuad\u00e9 qu\u2019il n\u2019y avait pas de charge atomique dans les sous-marins sovi\u00e9tiques, en aurait inf\u00e9r\u00e9 que l\u2019attaque venait de Cuba. Le Pr\u00e9sident Kennedy avait fait savoir d\u00e8s le 22 octobre que si une telle chose se produisait, l\u2019Am\u00e9rique lancerait une attaque nucl\u00e9aire totale sur l\u2019Union sovi\u00e9tique. Il est facile d\u2019imaginer la suite. Dans le monde r\u00e9el, la crise fut r\u00e9solue pacifiquement le lendemain.<\/p>\n\n\n\n Chacun des cha\u00eenons de cette suite d\u2019inf\u00e9rences se rapporte \u00e0 un \u00e9v\u00e9nement ou un \u00e9tat de fait contingent : il e\u00fbt pu ne pas se produire ou \u00eatre diff\u00e9rent. Mais le plus fragile dans ce r\u00e9cit, le plus choquant, est que le commandement am\u00e9ricain ne savait pas que les sous-marins sovi\u00e9tiques \u00e9taient \u00e9quip\u00e9s de torpilles nucl\u00e9aires. Non pas que le renseignement am\u00e9ricain f\u00fbt d\u00e9faillant. Il l\u2019\u00e9tait, c\u2019est \u00e9vident. Mais l\u2019\u00e9tonnant, c\u2019est que les Sovi\u00e9tiques n\u2019en avaient pas inform\u00e9 les Am\u00e9ricains. Si l\u2019arme atomique \u00e9tait vraiment une arme de dissuasion, \u00e7\u2019e\u00fbt \u00e9t\u00e9 la moindre des choses de faire savoir \u00e0 l\u2019ennemi qu\u2019on la poss\u00e9dait et qu\u2019on \u00e9tait pr\u00eat \u00e0 en faire usage. Nul doute que le porte-avions USS Randolph<\/em> e\u00fbt \u00e9t\u00e9 alors plus prudent dans son approche du sous-marin sovi\u00e9tique.<\/p>\n\n\n\n L\u2019oubli de communiquer une information cruciale de cette importance fait imm\u00e9diatement penser au Dr. Strangelove<\/em> <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>, le film de Stanley Kubrick de 1964 dans lequel appara\u00eet le concept de \u00ab machine apocalyptique \u00bb. L\u2019id\u00e9e est simple, sur le papier du moins. Le meilleur moyen de rendre cr\u00e9dible la menace de repr\u00e9sailles incommensurables qui fonde la dissuasion, c\u2019est d\u2019en rendre l\u2019ex\u00e9cution automatique. Finis les dilemmes \u00e9thiques et strat\u00e9giques qui ont tant tourment\u00e9 des chefs d\u2019\u00c9tat, de Kennedy \u00e0 Giscard. D\u2019une certaine fa\u00e7on, c\u2019est celui qui tire en premier qui est responsable de l\u2019holocauste qui s\u2019ensuit puisque la r\u00e9ponse n\u2019est pas humaine. Dans le film de Kubrick, les Sovi\u00e9tiques ont invent\u00e9 une machine qui d\u00e9truirait imm\u00e9diatement toute vie humaine sur Terre en r\u00e9ponse \u00e0 une premi\u00e8re frappe am\u00e9ricaine. Le probl\u00e8me, c\u2019est qu\u2019ils n\u2019ont pas (encore) inform\u00e9 les Am\u00e9ricains de son existence quand l\u2019histoire commence. Or un colonel illumin\u00e9 a d\u00e9j\u00e0 sans autorisation et sans retour possible lanc\u00e9 un B52 arm\u00e9 de bombes H en direction de la Sib\u00e9rie. Loin d\u2019\u00eatre une parodie, ce film est un documentaire, a pu r\u00e9cemment dire un membre du centre de recherches strat\u00e9giques de Stanford, le CISAC <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Ce que Martin Hellman, titulaire de la m\u00e9daille Alan Turing, entend \u00e0 travers cette phrase, c\u2019est que durant la Guerre froide, tout comme aujourd\u2019hui, les parties en pr\u00e9sence ne r\u00e9v\u00e8lent pas toutes leurs cartes \u2014 ce que la logique de dissuasion devrait pourtant impliquer.<\/p>\n\n\n\n La puissance inou\u00efe de la bombe atomique n\u2019est-elle pas une raison suffisante pour dissuader quiconque de m\u00eame songer \u00e0 l\u2019utiliser ? Qui pourrait avoir int\u00e9r\u00eat \u00e0 d\u00e9clencher une escalade dont tous sortiraient vaincus ? Ces id\u00e9es, par lesquelles nous avons d\u00e9but\u00e9 ce texte, ont toujours \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sentes depuis 1945 et elles conservent une puissance de conviction ind\u00e9niable. De fait, on a cherch\u00e9 \u00e0 r\u00e9duire tant la puissance des armes que la port\u00e9e des missiles qui les acheminent dans l\u2019espoir de rapprocher les d\u00e9vastations produites par un conflit nucl\u00e9aire de celles dont une guerre traditionnelle est capable, avant de comprendre que ce sont au contraire ces armes et ces missiles, que l\u2019on dit \u00ab tactiques \u00bb, qu\u2019il faut bannir. Leur faible puissance toute relative <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span> incite en effet \u00e0 les employer sur le champ de bataille, comme on le ferait avec un armement classique, ce qui revient \u00e0 mettre le pied dans l\u2019engrenage nucl\u00e9aire dont on peut montrer, par un raisonnement a priori, qu\u2019il a vocation \u00e0 monter aux extr\u00eames, c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 l\u2019an\u00e9antissement mutuel <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n Or voici ces armements tactiques plus que jamais de retour avec la guerre en Ukraine. Le 25 mars 2023, un peu plus d\u2019un an apr\u00e8s le d\u00e9but de l\u2019invasion et apr\u00e8s avoir agit\u00e9 la menace nucl\u00e9aire \u00e0 de multiples reprises, Vladimir Poutine a d\u00e9clar\u00e9 que la Russie allait positionner des armes nucl\u00e9aires \u00ab tactiques \u00bb au B\u00e9larus, sur le territoire de son alli\u00e9 \u2014 vassalis\u00e9 \u2014 Loukachenko. Il s\u2019est empress\u00e9 d\u2019ajouter : \u00ab Il n\u2019y a rien d\u2019inhabituel ici : les \u00c9tats-Unis font cela depuis des d\u00e9cennies. Ils d\u00e9ploient depuis longtemps leurs armes nucl\u00e9aires tactiques sur le territoire de leurs alli\u00e9s. \u00bb Poutine s\u2019est bien gard\u00e9 de pr\u00e9ciser, cependant, que ses forces nucl\u00e9aires tactiques \u00e9taient vingt fois plus nombreuses que les forces \u00e9quivalentes de l’OTAN en Europe. Il n’a pas non plus rappel\u00e9 que la majeure partie de ses forces \u00e9taient \u00e0 Kaliningrad, encore plus proches, donc, de l’Europe occidentale que le B\u00e9larus \u2014 m\u00eame si la distance est peu pertinente ici : ces missiles de port\u00e9e moyenne pouvant voyager jusqu’\u00e0 5 500 kilom\u00e8tres.<\/p>\n\n\n\n Les armements tactiques sont plus que jamais de retour avec la guerre en Ukraine. Le 25 mars 2023, un peu plus d\u2019un an apr\u00e8s le d\u00e9but de l\u2019invasion et apr\u00e8s avoir agit\u00e9 la menace nucl\u00e9aire \u00e0 de multiples reprises, Vladimir Poutine a d\u00e9clar\u00e9 que la Russie allait positionner des armes nucl\u00e9aires \u00ab tactiques \u00bb au B\u00e9larus.<\/p>Jean-Pierre Dupuy<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les 1er et 2 f\u00e9vrier 2019, un double \u00e9v\u00e9nement s\u2019\u00e9tait produit, inaper\u00e7u de l\u2019opinion publique, en France en tout cas, dont les \u00e9v\u00e9nements actuels sont en bonne part issus. Les chefs d\u2019\u00c9tat Trump, d\u2019abord, Poutine le lendemain, ont annonc\u00e9 qu\u2019ils allaient se d\u00e9sengager d\u2019un trait\u00e9, sign\u00e9 en 1987 \u00e0 Washington par leurs pr\u00e9d\u00e9cesseurs Ronald Reagan et Mikhail Gorbatchev, par lequel les deux signataires \u00e9liminaient de leurs arsenaux respectifs tous les missiles de croisi\u00e8re et balistiques lanc\u00e9s depuis le sol et ayant une port\u00e9e se situant entre 500 et 5 500 km<\/a>. Ce trait\u00e9 avait pour nom trompeur INF (pour \u00ab Intermediate-Range Nuclear Forces<\/em> \u00bb, soit forces nucl\u00e9aires de port\u00e9e interm\u00e9diaire). Gravement trompeur, car il ne contraignait pas les armes nucl\u00e9aires, mais bien un certain type de missiles, qu\u2019ils comportent une ogive nucl\u00e9aire ou non. Le retrait am\u00e9ricain est devenu officiel le 2 ao\u00fbt 2019.<\/p>\n\n\n\n Avec la fin de la Guerre froide, en 1989, on a assist\u00e9 \u00e0 une inversion spectaculaire des rapports de force entre Washington et Moscou en ce qui concerne le partage entre armes nucl\u00e9aires et armes conventionnelles. Avant 1989, la sup\u00e9riorit\u00e9 de l\u2019Union Sovi\u00e9tique en armes conventionnelles \u00e9tait manifeste et les \u00c9tats-Unis cherchaient \u00e0 compenser leur retard en d\u00e9veloppant leur arsenal nucl\u00e9aire. Apr\u00e8s l\u2019effondrement de l\u2019URSS, le Pentagone, fier de la victoire du \u00ab monde libre \u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire des d\u00e9mocraties lib\u00e9rales et des \u00e9conomies de march\u00e9, s\u2019est int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 autre chose, par exemple \u00e0 des conflits r\u00e9gionaux pour lesquels des armes conventionnelles se montraient plus efficaces que ne le seraient des bombes atomiques. Dans le m\u00eame temps, Poutine en Russie d\u00e9veloppait son arsenal nucl\u00e9aire.<\/p>\n\n\n\n Ce n\u2019est pas le nucl\u00e9aire en g\u00e9n\u00e9ral que Washington a relativement n\u00e9glig\u00e9, c\u2019est surtout le nucl\u00e9aire tactique. La doctrine \u00e9tait : armes conventionnelles sur les champs de bataille r\u00e9gionaux et, si \u00ab l\u2019escalade en vue d\u2019une d\u00e9sescalade \u00bb l\u2019imposait, recours \u00e0 des armes nucl\u00e9aires strat\u00e9giques port\u00e9es par leurs ICBM. En 2023, l\u2019Am\u00e9rique n\u2019a plus en Europe qu\u2019une centaine d\u2019ogives nucl\u00e9aires tactiques r\u00e9parties sur cinq pays : l\u2019Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l\u2019Italie et la Turquie. La Russie en a, elle, peut-\u00eatre vingt fois plus.<\/p>\n\n\n\n Ce n\u2019est pas le nucl\u00e9aire en g\u00e9n\u00e9ral que Washington a relativement n\u00e9glig\u00e9, c\u2019est surtout le nucl\u00e9aire tactique.<\/p>Jean-Pierre Dupuy<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ce contexte \u00e9tant donn\u00e9, comment ont r\u00e9agi en 2019 les deux superpuissances nucl\u00e9aires \u00e0 leur rejet mutuel du trait\u00e9 INF ? Ce trait\u00e9, rappelons-le, imposait une contrainte sur les missiles, qu\u2019ils portent des ogives nucl\u00e9aires ou non. Les \u00c9tats-Unis et l\u2019OTAN ont imm\u00e9diatement vu l\u2019opportunit\u00e9 dont ils disposaient d\u00e9sormais de placer des missiles de faible et moyenne port\u00e9e mais \u00e0 charge non nucl\u00e9aire en Europe. C\u2019\u00e9tait sans compter sur la r\u00e9ponse russe. Celle-ci fut r\u00e9it\u00e9r\u00e9e plusieurs fois, Poutine demandant aux \u00c9tats-Unis et \u00e0 l\u2019OTAN d\u2019imposer un moratoire sur le d\u00e9ploiement de tels missiles \u00e0 charge nucl\u00e9aire en Europe. Cette demande est rest\u00e9e lettre morte.<\/p>\n\n\n\n Un point technique a ici une importance consid\u00e9rable : il est impossible de d\u00e9terminer avant qu\u2019il atteigne sa cible si un missile balistique porte une ogive nucl\u00e9aire ou non. Devant cette ind\u00e9termination, la Russie a choisi de traiter tout missile qui s\u2019approche de son territoire comme une attaque nucl\u00e9aire. C\u2019est, selon sa doctrine affich\u00e9e, un motif suffisant pour qu\u2019elle lance ses propres missiles nucl\u00e9aires avant m\u00eame que les missiles ennemis touchent son sol. Ceci ne peut que faire r\u00e9fl\u00e9chir l\u2019Am\u00e9rique \u00e0 deux fois, elle qui pensait avoir le champ libre pour d\u00e9ployer de nouveau ses missiles en Europe, conventionnels et nucl\u00e9aires. Tout cela se passait juste avant que Poutine d\u00e9cide d\u2019envahir l\u2019Ukraine.<\/p>\n\n\n\n Si cette analyse a fait presque enti\u00e8rement l\u2019impasse sur la dimension g\u00e9opolitique de la question, c\u2019est qu\u2019il s\u2019est agi d\u2019insister sur la puissance d\u00e9cisive de l\u2019outil, en l\u2019occurrence l\u2019outil de destruction, l\u2019arme atomique. L\u2019outil n\u2019est pas neutre, il ne fait pas le bien ou le mal selon les intentions de ceux qui le manient. Car si une guerre nucl\u00e9aire devait se d\u00e9clencher en Europe, ce qu\u2019aucun des acteurs en pr\u00e9sence ne veut, le responsable en derni\u00e8re instance ne serait ni Poutine, ni Zelensky, ni Biden, ni l\u2019OTAN, mais bien l\u2019arme atomique elle-m\u00eame et sa puissance d\u00e9mesur\u00e9e. C\u2019est ce que sentent confus\u00e9ment les protagonistes du drame qui est en train de se jouer, comme en t\u00e9moigne la prudence extr\u00eame avec laquelle ils avancent leurs pions, non sans contradictions ni une bonne dose d\u2019hypocrisie. Ces faux-semblants et ce mensonge collectif \u00e0 soi-m\u00eame sont sans doute n\u00e9cessaires pour \u00e9viter la catastrophe. Non, l\u2019OTAN ne fait pas la guerre \u00e0 la Russie, elle fournit simplement \u00e0 l\u2019Ukraine l\u2019armement sans lequel la Russie l\u2019aurait \u00e9cras\u00e9e depuis longtemps. Ce jeu de dupes peut-il durer ind\u00e9finiment ? Un geste maladroit de l\u2019un ou de l\u2019autre peut suffire \u00e0 faire basculer la fiction dans l\u2019horreur de la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Le 24 janvier 2023 dernier, les gestionnaires de la Doomsday Clock<\/em> (ou horloge du jugement dernier) ont de d\u00e9cider de placer sa seule aiguille \u00e0 90 secondes de minuit \u2014 minuit \u00e9tant par convention le moment o\u00f9 l\u2019humanit\u00e9 s\u2019an\u00e9antira elle-m\u00eame, soit le plus pr\u00e8s de ce moment depuis le d\u00e9but de l\u2019\u00e8re nucl\u00e9aire. Cette horloge virtuelle a \u00e9t\u00e9 mise en place en 1947 par un groupe de physiciens atomiques, dont Albert Einstein, lesquels, choqu\u00e9s par le largage des bombes sur Hiroshima et Nagasaki, lanc\u00e8rent le Bulletin of the Atomic Scientists<\/em>. Depuis lors, l’aiguille a \u00e9t\u00e9 avanc\u00e9e et retard\u00e9e une trentaine de fois. C’est en 1953, lorsque l’Am\u00e9rique et l’Union sovi\u00e9tique test\u00e8rent la bombe \u00e0 hydrog\u00e8ne \u00e0 neuf mois d’intervalle l’une de l’autre que l’aiguille se rapprocha le plus de minuit, \u00e0 2 minutes seulement. Cet intervalle s\u2019est r\u00e9duit. Nous sommes aujourd\u2019hui plus que jamais au bord de l\u2019ab\u00eeme.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Alors que Poutine a d\u00e9clar\u00e9 qu’il pourrait installer des armes \u00ab tactiques \u00bb au B\u00e9larus, la guerre d’Ukraine continue de marquer le retour de la menace d’une guerre nucl\u00e9aire. Si l’utilisation de l’arme nucl\u00e9aire reste pour l’instant improbable, elle n’est pas impossible \u2014 et il est urgent de sortir du seul cadre th\u00e9orique de la dissuasion pour le penser.<\/p>\n Une perspective sign\u00e9e Jean-Pierre Dupuy. <\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":180809,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1732],"tags":[],"geo":[2163],"class_list":["post-180776","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-guerre","staff-jean-pierre-dupuy","geo-monde"],"acf":[],"yoast_head":"\n
\r\n <\/picture>\r\n \n L\u2019arme nucl\u00e9aire au service de la guerre<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n La dissuasion mise hors circuit<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
\r\n <\/picture>\r\n \n Le r\u00f4le crucial des armements tactiques<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
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