{"id":180271,"date":"2023-03-20T14:30:22","date_gmt":"2023-03-20T13:30:22","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=180271"},"modified":"2023-03-23T14:17:33","modified_gmt":"2023-03-23T13:17:33","slug":"la-france-en-orient-entre-alliances-et-ingerence","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/03\/20\/la-france-en-orient-entre-alliances-et-ingerence\/","title":{"rendered":"La France en Orient : entre alliances et ing\u00e9rence"},"content":{"rendered":"\n
Comment se d\u00e9finit la politique orientale de la France ? En quoi les liens entretenus par ce pays avec l\u2019Orient sont-ils sp\u00e9ciaux voire privil\u00e9gi\u00e9s ? Pour r\u00e9pondre \u00e0 ces questions, Jean-Fran\u00e7ois Figeac appr\u00e9hende les \u00e9volutions de la politique orientale de la France sur trois si\u00e8cles, invitant \u00e0 prendre la mesure de ses nombreuses ruptures et de sa complexit\u00e9. Pour lui, la politique contemporaine de la France en Orient ne peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9e comme un seul et m\u00eame h\u00e9ritage multis\u00e9culaire. Au contraire, elle s\u2019inscrit dans une trajectoire ayant parfois manqu\u00e9 de coh\u00e9rence et est influenc\u00e9e par l\u2019imbrication complexe de puissances tierces. Il interroge notre rapport au monde oriental par le biais d\u2019une analyse des connexions entre opinion publique et diplomatie, au prisme de dynamiques g\u00e9opolitiques en mutation constante. Par l\u2019\u00e9tude de cette \u00ab psychologie collective \u00bb, il entend \u00e9galement d\u00e9construire la part de mythe dans la conception des rapports souvent id\u00e9alis\u00e9s entre la France et l\u2019Orient. Notons que sa conception de \u00ab l\u2019Orient \u00bb, large, s\u2019\u00e9tend du Maghreb \u00e0 la Turquie, en passant par Isra\u00ebl et les pays du Golfe.<\/p>\n\n\n\n
Longtemps, la politique de la France en Orient est instable, du fait des vell\u00e9it\u00e9s r\u00e9currentes des rois chr\u00e9tiens dues au \u00ab devoir de croisade \u00bb, tr\u00e8s ancr\u00e9 dans la culture populaire, qui emp\u00eache une alliance p\u00e9renne pragmatique avec les Turcs. Il faut attendre Vergennes \u2014 ministre sous Louis XVI \u2014 pour que soit d\u00e9fini pour la premi\u00e8re fois un cadre \u00e0 la strat\u00e9gie fran\u00e7aise en Orient. Per\u00e7u par l\u2019opinion publique comme tr\u00e8s affaibli, l\u2019Empire ottoman devient progressivement la cible de projets interventionnistes con\u00e7us par des diplomates et orientalistes fran\u00e7ais tels que Fran\u00e7ois de Tott et Volney. Ceux-ci se prononcent en faveur d\u2019un d\u00e9mant\u00e8lement de l\u2019Empire, duquel la France tirerait un renforcement de ses points de contr\u00f4les commerciaux en \u00c9gypte et en Syrie. La R\u00e9volution fran\u00e7aise met un coup d\u2019arr\u00eat \u00e0 ces ambitions et fait du maintien de la \u00ab Sublime porte \u00bb une condition de l\u2019\u00e9quilibre europ\u00e9en. On observe \u00e0 la fin du XVIIe si\u00e8cle les pr\u00e9misses d\u2019une strat\u00e9gie d\u2019influence d\u2019ordre politique qui se manifeste par un soutien aux r\u00e9formes administratives et militaires du sultan Selim III ou encore par la cr\u00e9ation en 1795 de l\u2019\u00c9cole sp\u00e9ciale des langues orientales sous l’impulsion de Joseph Lakanal.<\/p>\n\n\n\n
La conqu\u00eate men\u00e9e par Bonaparte en \u00c9gypte d\u00e8s 1798 fait entrer une r\u00e9alit\u00e9 orientale concr\u00e8te dans le quotidien de l\u2019opinion publique fran\u00e7aise jusqu\u2019alors berc\u00e9e par un imaginaire de l\u2019Orient fantasm\u00e9. L\u2019ensemble des crises ayant lieu dans la r\u00e9gion de 1798 \u00e0 1860 sont tr\u00e8s suivies depuis la France. Malgr\u00e9 le revers d\u00e9cisif en septembre 1801 lors du si\u00e8ge d\u2019Alexandrie, la campagne d\u2019\u00c9gypte est per\u00e7ue comme le triomphe d\u2019une France \u00e9mancipatrice et victorieuse au Levant. Ce mythe constitue le socle de l\u2019opinion publique sur la \u00ab question d\u2019Orient \u00bb (concept th\u00e9oris\u00e9 par Adrien F\u00e9line) jusqu\u2019\u00e0 la IIIe R\u00e9publique. Durant la premi\u00e8re moiti\u00e9 du XIXe, les \u00e9crits de Chateaubriand, Pouqueville ou encore Lamartine permettent \u00e0 l\u2019opinion publique lettr\u00e9e de conna\u00eetre pr\u00e9cis\u00e9ment le contexte politique en Orient. Majoritairement philhell\u00e8ne, l\u2019opinion fran\u00e7aise se montre alors tr\u00e8s critique \u00e0 l\u2019\u00e9gard de l\u2019Empire ottoman. Parall\u00e8lement, elle voue une admiration \u00e0 M\u00e9h\u00e9met Ali qui fait figure de h\u00e9ros occidentalis\u00e9 \u00e9mancip\u00e9 du pouvoir ottoman en \u00c9gypte. \u00c0 partir des ann\u00e9es 1830, celui-ci devient un v\u00e9ritable alli\u00e9 de la France. Sur le plan int\u00e9rieur, la guerre de Crim\u00e9e constitue quant \u00e0 elle un moyen pour le Second Empire d\u2019unir l\u2019opinion publique autour des succ\u00e8s de son arm\u00e9e, faisant ainsi d\u2019une crise orientale un catalyseur du nationalisme fran\u00e7ais.<\/p>\n\n\n\n