{"id":179262,"date":"2023-03-10T11:02:21","date_gmt":"2023-03-10T10:02:21","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=179262"},"modified":"2023-03-10T11:02:22","modified_gmt":"2023-03-10T10:02:22","slug":"le-proche-et-le-lointain-de-la-guerre-une-conversation-avec-sylvain-venayre","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/03\/10\/le-proche-et-le-lointain-de-la-guerre-une-conversation-avec-sylvain-venayre\/","title":{"rendered":"Le proche et le lointain de la guerre, une conversation avec Sylvain Venayre"},"content":{"rendered":"\n

Les Guerres lointaines de la paix<\/em> (Gallimard, 2023) proposent une lecture dialectique du rapport de l\u2019Europe du XIXe si\u00e8cle \u00e0 la guerre : l\u2019Europe aurait assur\u00e9 une paix \u2013 relative \u2013 sur son territoire entre 1815 et 1914 en exportant la guerre \u00ab au loin \u00bb. Pouvez-vous revenir sur cette hypoth\u00e8se g\u00e9n\u00e9rale ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Dire que l\u2019Europe a connu la paix entre 1815 et 1914 sur son territoire est \u00e9videmment exag\u00e9r\u00e9. Songeons \u00e0 la guerre franco-prussienne, qui n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 une petite guerre \u2013 elle a caus\u00e9 plus de 180 000 morts. Il en va de m\u00eame pour les guerres des unit\u00e9s allemande et italienne ou les guerres civiles espagnoles. Bref, il serait tr\u00e8s exag\u00e9r\u00e9 de dire qu’il n\u2019y a pas eu de guerre en Europe au XIXe si\u00e8cle. Cela dit, il est certain qu\u2019il y a en a eu beaucoup moins qu\u2019\u00e0 la p\u00e9riode pr\u00e9c\u00e9dente, beaucoup moins qu\u2019\u00e0 la p\u00e9riode suivante et beaucoup moins qu\u2019ailleurs \u00e0 la m\u00eame p\u00e9riode.<\/p>\n\n\n\n

Les contemporains eux-m\u00eames ont d\u00e9fini le XIXe si\u00e8cle comme une p\u00e9riode de paix, d\u2019amenuisement des conflits. On retrouve cette id\u00e9e chez Tocqueville, par exemple, qui affirmait que \u00ab les m\u0153urs s\u2019adoucissent \u00e0 mesure que les conditions s\u2019\u00e9galisent \u00bb ou, pour le dire autrement, que le processus de d\u00e9mocratisation en cours au XIXe si\u00e8cle devait s\u2019accompagner du recul de l\u2019activit\u00e9 guerri\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n

Pour revenir sur la fa\u00e7on dont j\u2019ai travaill\u00e9, il y a cette hypoth\u00e8se de d\u00e9part que l\u2019on peut appeler dialectique si l\u2019on veut : une paix europ\u00e9enne qui se traduit par des guerres au loin. Dans ce processus, ce que j’identifie comme une forme d’origine se passe au tournant des XVIIIe et XIXe si\u00e8cles. Le premier chapitre est ainsi consacr\u00e9 \u00e0 des \u00e9volutions qui ont lieu \u00e0 partir des ann\u00e9es 1780. Je ne l’avais pas du tout imagin\u00e9 ainsi. En analysant les discours de l\u2019\u00e9poque, j’ai essay\u00e9 de voir quelles \u00e9taient les r\u00e9f\u00e9rences des gens du XIXe si\u00e8cle. Un peu intuitivement, je m’attendais \u00e0 ce que cela me ram\u00e8ne \u00e0 la guerre d’ind\u00e9pendance des \u00c9tats-Unis d’Am\u00e9rique. Je m’\u00e9tais dit que de r\u00e9f\u00e9rences en r\u00e9f\u00e9rences, j’allais s\u00fbrement me retrouver vers 1776-1783, aid\u00e9 par le souvenir de grandes figures, tel La Fayette. Or, ce souvenir est tr\u00e8s peu pr\u00e9sent chez les acteurs au XIXe si\u00e8cle, \u00e0 la diff\u00e9rence du combat anti-esclavagiste, qui lui est massivement mobilis\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

En parlant de guerres \u00ab lointaines \u00bb, je voulais \u00e9galement \u00e9chapper au pi\u00e8ge du discours sur les guerres coloniales, d\u2019une part parce que cette d\u00e9nomination n\u2019intervient que tardivement dans le si\u00e8cle, d\u2019autre part parce que cette cat\u00e9gorie laisse de c\u00f4t\u00e9 des conflits complexes tels que la campagne du Mexique. C\u2019est le risque des cat\u00e9gories historiographiques : on parle de guerre imp\u00e9riale, par exemple pour les guerres de Chine, et puis de guerres coloniales pour les guerres d’Afrique. Ce faisant, on manque certains conflits qu\u2019on ne parvient pas \u00e0 interpr\u00e9ter. Ma m\u00e9thode a donc plut\u00f4t consist\u00e9 \u00e0 neutraliser toutes ces cat\u00e9gories pour me rapprocher de ce dont parlaient les acteurs, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019exp\u00e9ditions ou de guerres lointaines.<\/p>\n\n\n\n

Votre \u00e9tude commence par un chapitre sur le r\u00f4le du combat anti-esclavagiste dans la justification de l\u2019\u00e9loignement du domaine de la guerre par l\u2019extension du domaine de la lutte. Pouvez-vous revenir sur cette dynamique paradoxale, qui sollicite la guerre au nom de la lutte contre la violence de la traite ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

L’objet de mon enqu\u00eate, c’est la distance \u00e0 la guerre. Celle-ci implique donc la question de l\u2019opinion publique, sur laquelle les historiens ont d\u00e9j\u00e0 travaill\u00e9. Ce qui me para\u00eet s’inventer avec le combat anti-esclavagiste \u2013 et ensuite avec le mouvement philhell\u00e8ne, qui est \u00e9troitement li\u00e9 \u2013, c’est le sentiment qu’on peut mobiliser l’opinion publique. Cette d\u00e9marche repose sur une nouvelle configuration historique, que Benjamin Constant appelait la libert\u00e9 des Modernes la comparant \u00e0 la libert\u00e9 des Anciens. L\u2019id\u00e9e est que, dans un syst\u00e8me repr\u00e9sentatif, vous d\u00e9l\u00e9guez votre parcelle de souverainet\u00e9 \u00e0 des repr\u00e9sentants pour qu\u2019ils conduisent les affaires de l’\u00c9tat, ce qui cr\u00e9e, pour vous, une forme de droit \u00e0 l’indiff\u00e9rence. Vous pouvez vous d\u00e9sint\u00e9resser des affaires de l\u2019\u00c9tat parce que vous avez donn\u00e9 \u00e0 des repr\u00e9sentants le mandat de s’en charger. Or, au moment o\u00f9 s’invente ce syst\u00e8me repr\u00e9sentatif, cette libert\u00e9 des Modernes, on invente son corollaire, c’est-\u00e0-dire l’opinion publique en tant qu’instance qui peut faire contrepoids \u00e0 l’indiff\u00e9rence. Pens\u00e9e ainsi, l\u2019opinion publique du XIXe si\u00e8cle n\u2019est pas la m\u00eame que celle du si\u00e8cle pr\u00e9c\u00e9dent. Elle repose fondamentalement sur l\u2019id\u00e9e que, face \u00e0 l’indiff\u00e9rence des gouvernants, on peut mobiliser l’opinion publique pour forcer ensuite les gouvernements \u00e0 agir. <\/p>\n\n\n\n

Cela s\u2019observe tr\u00e8s bien dans le cas du mouvement philhell\u00e8ne, la bataille de Navarin \u00e9tant abusivement pr\u00e9sent\u00e9e comme une victoire de l’opinion publique (1827). Mais le moment o\u00f9 cette nouvelle configuration se met en place, c’est vraiment le combat anti-esclavagiste. On utilise alors un proc\u00e9d\u00e9 que la sociologie politique a ensuite appel\u00e9 la \u00ab scandalisation \u00bb : on constitue un \u00e9v\u00e9nement en scandale, ce scandale mobilise l’opinion publique, laquelle \u00e0 son tour permet de faire pression sur les gouvernements, qui mettent fin ensuite au scandale par la force militaire. Ce m\u00e9canisme-l\u00e0, qui jouera ensuite dans toute l’histoire des guerres lointaines, appara\u00eet avec le combat anti-esclavagiste. Il mobilise de nouveaux modes d\u2019action, comme le boycott, qui est encore in\u00e9dit. \u00c0 des gens qui n’ont jamais vu un navire n\u00e9grier ou une plantation, on dit : vous avez vu du sucre, vous avez vu du rhum, sachez que quand vous consommez du sucre et buvez du rhum, vous faites couler le sang des esclaves<\/em>. C\u2019est un moyen de rapprocher les r\u00e9alit\u00e9s lointaines du quotidien. En m\u00eame temps, ce qui autorise l’existence de ces modes d’action, c’est l’\u00e9tat social g\u00e9n\u00e9ral qui fait que le proc\u00e9d\u00e9 de scandalisation peut fonctionner dans le cadre du syst\u00e8me repr\u00e9sentatif, de la libert\u00e9 des Modernes.<\/p>\n\n\n\n

Comment s’articule cette scandalisation \u00e0 vis\u00e9e humaniste ou humanitaire avec le recours \u00e0 la violence, \u00e0 la guerre civilisatrice ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C’est un h\u00e9ritage du XVIIIe si\u00e8cle, puis des guerres de la R\u00e9volution et de l’Empire. Bien que j\u2019essaie de contourner ce probl\u00e8me dans sa version philosophique, on touche ici \u00e0 la question de la guerre juste. Le paradoxe du XIXe si\u00e8cle est qu\u2019une partie des \u00c9tats europ\u00e9ens partent \u00e0 la conqu\u00eate de la totalit\u00e9 de l’Afrique et de la quasi-totalit\u00e9 de l’Asie \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 ce genre de guerres est tr\u00e8s mal vu. L\u2019h\u00e9ritage de la R\u00e9volution et de l’Empire fait qu\u2019on va d\u00e9finir comme guerre juste uniquement les guerres de d\u00e9fense du territoire, de la patrie et de la libert\u00e9. Si l\u2019on veut faire admettre une exp\u00e9dition qu’on envoie par exemple en Chine, il va falloir mobiliser la m\u00eame rh\u00e9torique. Napol\u00e9on Bonaparte d\u00e9barque en \u00c9gypte en 1798 au nom de la libert\u00e9 des \u00c9gyptiens contre les Ottomans ; les Anglais d\u00e9barquent en Chine au nom de la libert\u00e9 des Chinois contre le despotisme des Mandchous ; et ainsi de suite.<\/p>\n\n\n\n

La guerre lointaine est-elle l\u2019impens\u00e9, le refoul\u00e9 de l\u2019Europe contemporaine ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Le fait que les Europ\u00e9ens ne fassent pas l’exp\u00e9rience sensible de ces guerres est \u00e9videmment d\u00e9cisif dans leur capacit\u00e9 \u00e0 les accepter. Alors m\u00eame que la quasi-totalit\u00e9 des Etats europ\u00e9ens, \u00e0 part l’Angleterre, mettent en place des politiques de service militaire, ces guerres-l\u00e0 ne mobilisent jamais des appel\u00e9s du contingent. Les guerres lointaines ne sont pas des guerres dont les familles de la m\u00e9tropole suivent anxieusement le d\u00e9roulement, attendant des nouvelles du fils parti au combat. Les volontaires et les professionnels de l’arm\u00e9e qu’on envoie sur les terrains de combat sont tr\u00e8s minoritaires par rapport aux hommes qu’on recrute sur place. Cela cr\u00e9e une v\u00e9ritable distance, qui autorise l’indiff\u00e9rence. <\/p>\n\n\n\n

En outre, la m\u00e9diatisation du spectacle de la guerre laisse aussi aux promoteurs de ces guerres le choix dans les images qu\u2019ils en diffusent. Pensons \u00e0 la conqu\u00eate de l\u2019Alg\u00e9rie en 1830-1840, avec les grands tableaux d\u2019Horace Vernet, Prise de la smalah d\u2019Abd-el-Kader<\/em>, D\u00e9fense de Mazagran<\/em>, La bataille d’Isly<\/em>,  toute une s\u00e9rie de tableaux qui rel\u00e8vent de la peinture militaire et ne racontent absolument pas les modalit\u00e9s de la guerre coloniale qui s’invente dans ces ann\u00e9es-l\u00e0 en Afrique.<\/p>\n\n\n\n

La structure de votre livre, outre le passage en revue d\u2019un tr\u00e8s grand nombre de cas (Mexique, Inde, Japon, Afrique…), repose sur une s\u00e9rie de verbes qui disent le rapport des Europ\u00e9ens \u00e0 ces espaces lointains o\u00f9 ils am\u00e8nent la guerre : lib\u00e9rer, s\u2019engager, sensibiliser, mondialiser, circuler, bombarder, forcer au commerce\u2026 Faut-il y voir autant de gestes imaginaires appliqu\u00e9s par l\u2019Occident sur le monde ? Est-ce une nouvelle grammaire de l\u2019orientalisme ou de l\u2019imp\u00e9rialisme qui se dessine ici ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C’est aussi une fa\u00e7on d’interpr\u00e9ter certains types de guerres \u00e0 la lumi\u00e8re de probl\u00e9matiques diff\u00e9rentes. Le risque aurait \u00e9t\u00e9 d’\u00e9tablir une sorte de typologie o\u00f9 j’aurais retrouv\u00e9 des cat\u00e9gories de l’historiographie \u2013 guerres coloniales, guerres imp\u00e9riales, etc. Bien s\u00fbr, il arrive que je les retrouve : le chapitre qui s’intitule \u00ab Forcer au commerce \u00bb concerne la \u00ab guerre des petits g\u00e2teaux \u00bb entre la France et le Mexique, les guerres de l’opium, l’ouverture du Japon, des conflits qu’on peut d\u00e9signer comme des guerres imp\u00e9riales en ce sens qu\u2019ils ne se traduisent pas par l’administration des territoires conquis. De la m\u00eame fa\u00e7on, le chapitre qui s’intitule \u00ab Conqu\u00e9rir \u00bb, au contraire, rejoint la guerre coloniale, puisqu\u2019on d\u00e9cide l\u00e0, pour diff\u00e9rentes raisons, que l’administration des territoires est n\u00e9cessaire. <\/p>\n\n\n\n

Le fait que les Europ\u00e9ens ne fassent pas l’exp\u00e9rience sensible de ces guerres est \u00e9videmment d\u00e9cisif dans leur capacit\u00e9 \u00e0 les accepter.<\/p>sylvain venayre<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais cette distinction entre guerres imp\u00e9riales et guerres coloniales n’\u00e9puise pas le sujet de toutes ces guerres, et en particulier la fa\u00e7on dont ces guerres sont per\u00e7ues en Europe. D’o\u00f9 l’id\u00e9e d’aborder les guerres de d’ind\u00e9pendance des R\u00e9publiques sud-am\u00e9ricaines sous l’angle de l’engagement. Alors m\u00eame que je m’attendais \u00e0 voir resurgir la guerre d’ind\u00e9pendance des \u00c9tats-Unis d’Am\u00e9rique, je ne m’attendais pas \u00e0 ce que les guerres d’Am\u00e9rique du Sud du d\u00e9but du XIXe si\u00e8cle soient si importantes, alors qu’elles le sont. Les volontaires philhell\u00e8nes sont d\u2019une certaine fa\u00e7on les h\u00e9ritiers des volontaires bolivariens. C\u2019\u00e9taient d\u2019ailleurs parfois les m\u00eames personnes. Et quand ce n\u2019\u00e9tait pas le cas, c’\u00e9tait la m\u00eame logique qui les animait. Il se fixe au moment des guerres bolivariennes un cadre qui permet de penser la lutte pour la libert\u00e9 \u00e0 l’\u00e9chelle du monde. C’est l\u00e0 que na\u00eet la l\u00e9gende de Garibaldi, par exemple, lequel, apr\u00e8s ses aventures sud-am\u00e9ricaines, va devenir un h\u00e9ros en Europe. Son aura lui vient des guerres lointaines qu\u2019il a men\u00e9 au nom de la libert\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Enfin, ces diff\u00e9rents verbes me permettent d\u2019entrer dans la complexit\u00e9 des ann\u00e9es 1815-1848, o\u00f9 le discours sur la paix en Europe est \u00e0 son apog\u00e9e \u00e0 un moment o\u00f9 la guerre, elle, se trouve au loin.<\/p>\n\n\n\n

C’est aussi un moment o\u00f9 les puissances europ\u00e9ennes projettent leurs questionnements politiques \u00e0 l’\u00e9chelle du monde. Vous parlez ainsi d\u2019une \u00ab lutte \u00e0 l’\u00e9chelle du monde entre l’id\u00e9e de r\u00e9publique et l’id\u00e9e d’empire \u00bb : peut-\u00eatre est-ce aussi cela que les Europ\u00e9ens n\u00e9gocient dans leurs propres conceptions politiques en s’int\u00e9ressant aux exp\u00e9riences politiques sud-am\u00e9ricaines ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il est vrai que dans les ann\u00e9es 1800 \u00e0 1830, on trouve cette id\u00e9e qu’il faut lutter pour la libert\u00e9 \u2013 incarn\u00e9e dans des institutions lib\u00e9rales \u2013 contre un despotisme qui s’incarne dans des institutions imp\u00e9riales. Ce sera vrai tr\u00e8s longtemps. On trouve encore cela dans le discours de Victor Hugo dans les ann\u00e9es 1850-1860. Cependant, \u00e0 la fin du si\u00e8cle, la plupart des \u00c9tats europ\u00e9ens, et notamment des \u00c9tats europ\u00e9ens de tradition lib\u00e9rale comme l\u2019Angleterre, la Belgique, la Hollande, la France, assument parfaitement l’id\u00e9e qu\u2019ils sont \u00e0 la t\u00eate d’un empire.<\/p>\n\n\n\n

Il se fixe au moment des guerres bolivariennes un cadre qui permet de penser la lutte pour la libert\u00e9 \u00e0 l’\u00e9chelle du monde.<\/p>sylvain venayre<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

C’est aussi un itin\u00e9raire que dessine votre livre : l’appropriation et la transformation de la notion m\u00eame d’\u00ab empire \u00bb comme mani\u00e8re de projeter sa propre puissance dans le mon<\/strong>de.<\/strong> <\/h3>\n\n\n\n

C’est quelque chose que j’avais d\u00e9j\u00e0 abord\u00e9 il y a six ans dans Une guerre au loin <\/em>(Les Belles Lettres, 2016),<\/em> une \u00e9tude de cas sur les reportages \u00e9crits par Pierre Loti en Annam. Ces termes d’empire<\/em> et d’imp\u00e9rialisme<\/em> sont extraordinairement pi\u00e9g\u00e9s ; on a le sentiment qu\u2019ils sont vrais \u00e0 toutes les \u00e9poques et dans tous les lieux, parce qu’effectivement il y a des empires un peu partout depuis tr\u00e8s longtemps, que ce soit en Chine ou en M\u00e9diterran\u00e9e. Cela donne l\u2019impression qu\u2019en usant de ces mots, on va toujours parler de la m\u00eame chose, que l’imp\u00e9rialisme romain c\u2019est au fond un peu la m\u00eame chose que l’imp\u00e9rialisme britannique de la fin du XIXe si\u00e8cle. Or, si on a si on a jug\u00e9 bon de cr\u00e9er un mot nouveau aux alentours de 1880 pour d\u00e9signer la r\u00e9alit\u00e9 g\u00e9opolitique de l’\u00e9poque, c’est sans doute que les gens avaient le sentiment que quelque chose avait chang\u00e9, m\u00eame si ceux qui cr\u00e9ent ce mot nouveau le font \u2013 comme toujours dans ce genre de situations \u2013, en inventant une tradition fictive, en voulant plus ou moins que la reine Victoria descende de Tamerlan. <\/p>\n\n\n\n

Vous avez insist\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises sur le fait que vous vous teniez \u00e0 l\u2019\u00e9cart des cat\u00e9gories de guerres coloniales ou imp\u00e9riales. Votre approche ne risque-t-elle pas de cr\u00e9er un lissage entre ces diff\u00e9rentes r\u00e9alit\u00e9s ? \u00c0 quelle \u00e9chelle se situe votre analyse<\/strong> ?<\/h3>\n\n\n\n

Je suis un historien de l’\u00e9loignement. Quand je travaille sur le d\u00e9sir d’aventure, sur les pratiques du voyage, sur tous les sujets que j\u2019ai \u00e9tudi\u00e9s, le point commun est cette question : que signifie s’\u00e9loigner<\/em> ? Entre le moment o\u00f9 j’ai commenc\u00e9 \u00e0 travailler dans les ann\u00e9es 1990 et maintenant, un des changements historiographiques majeurs a \u00e9t\u00e9 la prise en compte de l’\u00e9chelle du monde. Plusieurs courants ont cherch\u00e9 \u00e0 le penser : la World History<\/em>, l’histoire transnationale ou de fa\u00e7on plus g\u00e9n\u00e9rale l’histoire des circulations. Mais ce que risque de faire dispara\u00eetre l’\u00e9chelle du monde quand on l’aborde de cette fa\u00e7on-l\u00e0, c’est pr\u00e9cis\u00e9ment l’\u00e9loignement. <\/p>\n\n\n\n

Penser le monde, rep\u00e9rer les interconnexions risque parfois de faire oublier ce qui a \u00e9t\u00e9 un ph\u00e9nom\u00e8ne majeur pendant tr\u00e8s longtemps, \u00e0 savoir la totale indiff\u00e9rence des populations \u00e0 l’existence de l’\u00e9chelle du monde, et le fait que le monde, de toute fa\u00e7on, est toujours per\u00e7u \u00e0 partir d\u2019un point de vue. Si cette enqu\u00eate sur les guerres lointaines op\u00e8re un changement d’\u00e9chelle par rapport \u00e0 d’autres travaux que j’ai pu faire, c’est sans doute parce qu\u2019elle essaie d’aborder un point de vue europ\u00e9en. Ce faisant, je prends le contrepied du courant historiographique actuel auquel j’ai moi-m\u00eame sacrifi\u00e9 quand j\u2019ai dirig\u00e9 l\u2019Histoire du monde au XIXe si\u00e8cle<\/em>. Mais je ne vois pas comment faire autrement, d\u00e8s lors que le c\u0153ur de l’interrogation, c’est la distance. Pour interroger la distance \u00e0 la guerre, il faut forc\u00e9ment un point de vue. Cela ne veut pas dire qu\u2019on ne pourrait pas faire une autre \u00e9tude inspir\u00e9e des m\u00eames principes \u00e0 partir d\u2019un autre point de vue, ou qui prendrait en compte les guerres intra-europ\u00e9ennes, bien \u00e9videmment, mais ce n\u2019\u00e9tait pas l\u2019objet de ce livre.<\/p>\n\n\n\n

Vous reposez l\u2019importance de ce que les physiciens appellent un r\u00e9f\u00e9rentiel. <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je pense que c’est important si l\u2019on veut rendre justice aux acteurs. Comme le disait toute la g\u00e9n\u00e9ration d\u2019historiens des ann\u00e9es 1960-1970 autour de Georges Duby, il faut essayer de voir le monde avec les yeux de ceux qui l’ont v\u00e9cu. <\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, ce qui est fondamental, et j\u2019y tiens \u00e9norm\u00e9ment dans ce livre-l\u00e0, c’est que ce point de vue n\u2019est pas du tout unique. Il m\u2019a beaucoup import\u00e9 de restituer la violence des d\u00e9bats qui agitaient les soci\u00e9t\u00e9s europ\u00e9ennes autour ces guerres, en n\u2019oubliant jamais qu’il y a eu des grandes oppositions avant la guerre, au moment de la guerre et apr\u00e8s la guerre. La guerre de l’opium en Angleterre est vot\u00e9e par le Chambre des communes \u00e0 tr\u00e8s peu de voix de majorit\u00e9, apr\u00e8s une campagne de presse o\u00f9 les opinions se sont exprim\u00e9es \u00e0 coups de p\u00e9tition et de libelles. <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 cet \u00e9gard, ce livre-l\u00e0, c’est aussi une histoire des vaincus, non pas au sens de Nathan Wachtel quand on fait l’histoire des vaincus de la conqu\u00eate des Am\u00e9riques  <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, mais au sens o\u00f9, \u00e0 l’int\u00e9rieur m\u00eame des soci\u00e9t\u00e9s europ\u00e9ennes, il y a des gens qui ont perdu. Ils \u00e9taient oppos\u00e9s \u00e0 la guerre, ils \u00e9taient oppos\u00e9s \u00e0 la fa\u00e7on dont ces guerres se faisaient, ils se sont massivement fait entendre. Ils se sont exprim\u00e9s dans les journaux, dans des livres. Pour l\u2019historien, il est tr\u00e8s facile de trouver des discours oppos\u00e9s \u00e0 ces guerres, notamment \u00e0 partir des ann\u00e9es 1880 quand on invente la notion de scandale colonial, quand les scandales coloniaux s’\u00e9talent \u00e0 la une des journaux de l’Europe enti\u00e8re, bient\u00f4t port\u00e9s par la photographie. Nous n’avons pas attendu ces derni\u00e8res d\u00e9cennies pour inventer la mauvaise conscience coloniale ; mais celle de 1900 n’est pas la n\u00f4tre.<\/p>\n\n\n\n

Une des guerres lointaines que vous \u00e9tudiez et qui semble devenue particuli\u00e8rement peu lisible pour nous aujourd\u2019hui, c\u2019est l\u2019aventure mexicaine de Maximilien, un Habsbourg impos\u00e9 de force par un empereur Fran\u00e7ais dans une nation qui \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 ind\u00e9pendante depuis un demi-si\u00e8cle\u2026 Qu\u2019est ce qui se joue l\u00e0<\/strong> ?<\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est une tr\u00e8s bonne question. Cette aventure mexicaine des ann\u00e9es 1860, quand elle est \u00e9tudi\u00e9e, l\u2019est soit au sein d\u2019une histoire du Mexique, soit au sein d\u2019une histoire du Second Empire pour expliquer un \u00e9norme \u00e9chec militaire et diplomatique. Mais on ne la relie jamais aux autres guerres, sauf aux autres guerres du Second Empire (Crim\u00e9e, Cochinchine, Italie), pour montrer que c’\u00e9tait un r\u00e9gime guerrier, contrairement aux promesses formul\u00e9es par Napol\u00e9on III en 1852. \u00c0 l’\u00e9poque, cette campagne du Mexique est int\u00e9gr\u00e9e dans toute une s\u00e9rie d’autres campagnes qu’on appelle les \u00ab exp\u00e9ditions lointaines \u00bb. Faire une distinction comme on le fait aujourd’hui entre ce qui serait la conqu\u00eate de la Kabylie en 1857, la guerre de Crim\u00e9e en 1854, la campagne de Cochinchine dans les ann\u00e9es 1860 et la campagne du Mexique, c’est projeter nos cat\u00e9gories historiographiques sur des guerres qui nous apparaissent comme fondamentalement diff\u00e9rentes, parce qu’elles n’ont pas eu du tout les m\u00eames cons\u00e9quences et parce qu\u2019on ne voit plus ce qui les r\u00e9unit. <\/p>\n\n\n\n

Pr\u00e9senter les guerres de conqu\u00eate du XIX\u00e8me si\u00e8cle comme des guerres fond\u00e9es sur des rivalit\u00e9s entre \u00c9tats europ\u00e9ens, c’est fausser la r\u00e9alit\u00e9 historique des guerres lointaines. <\/p>sylvain venayre<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La campagne du Mexique s\u2019inscrit tout d\u2019abord dans la logique des ces guerres qui visent \u00e0 forcer au commerce. La premi\u00e8re cause de l\u2019exp\u00e9dition de 1861, c’est la non-application par le Mexique des cons\u00e9quences du trait\u00e9 de paix qui a suivi la guerre des petits g\u00e2teaux de 1838, laquelle visait \u00e0 obtenir pour la France un trait\u00e9 de libre-\u00e9change avec la clause de la nation la plus favoris\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Deuxi\u00e8mement, comme l’immense majorit\u00e9 des campagnes du XIX\u00e8me si\u00e8cle, cette campagne militaire r\u00e9unit dans un premier temps plusieurs puissances europ\u00e9ennes : la France, l’Angleterre et l’Espagne. C’est aussi quelque chose que l’historiographie a longtemps masqu\u00e9. On a pr\u00e9sent\u00e9 toutes ces guerres comme des occasions de rivalit\u00e9s coloniales, avec en t\u00eate le mod\u00e8le de la crise Fachoda. Mais la plupart de ces exp\u00e9ditions sont conduites par plusieurs \u00c9tats. Les marines fran\u00e7aise et britannique collaborent un peu partout dans le monde au XIXe si\u00e8cle : en Chine, \u00e0 Madagascar, en Argentine, au Mexique. Les marine fran\u00e7aise et espagnole collaborent au d\u00e9but de l’exp\u00e9dition de Cochinchine. Pr\u00e9senter les guerres de conqu\u00eate du XIX\u00e8me si\u00e8cle comme des guerres fond\u00e9es sur des rivalit\u00e9s entre \u00c9tats europ\u00e9ens, c’est fausser la r\u00e9alit\u00e9 historique des guerres lointaines. <\/p>\n\n\n\n

Le troisi\u00e8me aspect de la campagne du Mexique tient \u00e0 ce que, dans les ann\u00e9es 1860, l\u2019\u00e9cart d\u2019armement est en train de basculer d\u00e9finitivement en faveur des Europ\u00e9ens. \u00c0 partir des ann\u00e9es 1880, les Europ\u00e9ens ne conna\u00eetront quasiment aucune d\u00e9faite outre-mer. Cette campagne du Mexique est fascinante aussi du point de vue des op\u00e9rations militaires. Il s’agit d’abord de s\u00e9curiser le port de Veracruz, puis ensuite son arri\u00e8re-pays en direction de Mexico, \u00e0 commencer par la ville de Puebla qui est l’objet d’une d\u00e9faite fran\u00e7aise dans un premier temps, puis d’une victoire dans un second temps. L’arm\u00e9e fran\u00e7aise du Mexique est compos\u00e9e de beaucoup d’anciens de l’exp\u00e9dition de Chine, d’anciens de l’exp\u00e9dition de Crim\u00e9e, d’autres de la guerre d’Afrique. Elle va mettre en place les m\u00e9thodes qui se sont invent\u00e9es en Alg\u00e9rie. Ce dont les soldats font l’exp\u00e9rience au XIXe si\u00e8cle, c’est qu\u2019un corps exp\u00e9ditionnaire loin de ses bases \u2013 <\/s>malgr\u00e9 la r\u00e9volution des transports \u2013 et qui lutte sur un territoire contre une population qui conna\u00eet ce territoire, qui se r\u00e9fugie elle-m\u00eame dans la population civile, qui \u00e9vite les batailles rang\u00e9es et la guerre de si\u00e8ge, doit apprendre \u00e0 faire la guerre autrement. Ce qui s’invente au moment de la campagne du Mexique, c\u2019est ce qu’on se met alors \u00e0 appeler la \u00ab contre-gu\u00e9rilla \u00bb, ces guerres d’attrition qui visent \u00e0 d\u00e9courager l’ennemi par l’occupation et le quadrillage du territoire d’une part, et des atrocit\u00e9s qui sont pens\u00e9es comme telles, qui ne constituent pas un \u00e9cart de la guerre mais une sp\u00e9cificit\u00e9 de cette guerre-l\u00e0. <\/p>\n\n\n\n

La campagne du Mexique est enfin repr\u00e9sentative de ce qui se passe \u00e0 l’\u00e9poque, jusque dans le projet politique de Napol\u00e9on III. Le but poursuivi consiste \u00e0 ne pas s’approprier le Mexique mais \u00e0 profiter de ce que les \u00c9tats-Unis d’Am\u00e9rique soient occup\u00e9s par la Guerre de S\u00e9cession pour installer sur le tr\u00f4ne du Mexique quelque chose qui ressemble \u00e0 ce qu’\u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle, on finira par appeler un protectorat : un \u00c9tat domin\u00e9 par une puissance. Cela a d\u00e9j\u00e0 exist\u00e9 : la Gr\u00e8ce ind\u00e9pendante du roi Othon dans les ann\u00e9es 1830, c’est un petit \u00c9tat domin\u00e9 par l’Angleterre. Le Mexique aurait pu \u00eatre un \u00c9tat domin\u00e9 par la France, ce qui n’aurait pr\u00e9sent\u00e9 que des avantages. Les travaux r\u00e9cents de David Todd  <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> montrent bien comment, des lendemains du Premier Empire jusqu’aux alentours de 1880, le mod\u00e8le de domination r\u00eav\u00e9 par les \u00e9lites, c’est ce mod\u00e8le du protectorat. C\u2019est ce que l\u2019historiographie britannique appelle depuis les ann\u00e9es 1950 \u00ab l’empire informel \u00bb, qui \u00e9vite les co\u00fbts humains et \u00e9conomiques de l’occupation des territoires. <\/p>\n\n\n\n

Si l\u2019on replace l\u2019exp\u00e9dition du Mexique dans ces logiques qui vont des ann\u00e9es 1820 aux alentours de 1880, alors elle redevient intelligible.<\/p>\n\n\n\n

Le juriste am\u00e9ricain Bernard Harcourt<\/strong><\/a> a r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 l\u2019importation, sur le sol am\u00e9ricain au XXIe si\u00e8cle, des techniques contre-insurrectionnelles employ\u00e9es (et th\u00e9oris\u00e9es) par l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine au Vietnam et en Irak : voyez-vous un tel mouvement de balancier se produire au XIXe si\u00e8cle, notamment dans les techniques de r\u00e9pression des insurrections ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce ph\u00e9nom\u00e8ne \u00e9tait non seulement pr\u00e9sent, mais identifi\u00e9 par les acteurs. En 1848, les troupes de l’arm\u00e9e d’Afrique qui sont utilis\u00e9es contre les insurrections parisiennes sont d\u00e9sign\u00e9es par les r\u00e9volutionnaires comme \u00ab les Africains \u00bb. En 1871, au moment de la r\u00e9pression de la Commune de Paris, on dira la m\u00eame chose, avec d’ailleurs tout cet imaginaire raciste qui suppose que la sauvagerie des troupes fran\u00e7aises d’Afrique aurait \u00e9t\u00e9 acquise au contact des arabes. <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 propos des guerres d\u2019Irak et d\u2019Afghanistan, il est aussi fascinant de voir comment les strat\u00e8ges am\u00e9ricains ont relu les th\u00e9oriciens des guerres coloniales du XIXe si\u00e8cle, plus pr\u00e9cis\u00e9ment de la fin du XIXe si\u00e8cle comme Gallieni et Lyautey. En reprenant leurs th\u00e9ories de la pacification, oppos\u00e9es \u00e0 la guerre de conqu\u00eate pens\u00e9e par Bugeaud en Alg\u00e9rie dans les ann\u00e9es 1830-40, ils voyaient des le\u00e7ons utiles pour les cas de l’Irak et de l’Afghanistan. <\/p>\n\n\n\n

Dans l\u2019Histoire de la guerre du XIXe si\u00e8cle \u00e0 nos jours<\/em> dirig\u00e9e par Bruno Cabanes  <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>, le nom le plus cit\u00e9 n\u2019est pas celui de Clausewitz ou des grands th\u00e9oriciens de la guerre, mais celui de Callwell. Le major Callwell est l’auteur des Petites guerres <\/em>(1896), un manuel d’\u00e9tude de toutes ces guerres lointaines du XIXe si\u00e8cle. C’\u00e9tait un officier de second ordre qui parlait de guerres qui n’int\u00e9ressaient pas grand monde. Les grands strat\u00e8ges de l’arm\u00e9e fran\u00e7aise de l’\u00e9poque, comme Foch ou P\u00e9tain, n’avaient aucune exp\u00e9rience des guerres coloniales et supposaient m\u00eame qu\u2019elles n\u2019avaient rien \u00e0 apprendre \u00e0 la conduite de la guerre en Europe. On croyait en avoir eu la preuve en voyant l\u2019arm\u00e9e fran\u00e7aise, sp\u00e9cialiste des guerres lointaines depuis les ann\u00e9es 1840, s\u2019effondrer devant l\u2019arm\u00e9e prussienne en 1870. <\/p>\n\n\n\n

Aujourd’hui, ce Callwell qui n’\u00e9tait pas quelqu’un de tr\u00e8s important \u00e0 l’\u00e9poque, qui parlait de guerres que la th\u00e9orie militaire avait tendance \u00e0 m\u00e9priser, on le retrouve comme l\u2019auteur le plus cit\u00e9 dans un livre d’histoire de la guerre publi\u00e9 en 2018. C’est bien le signe que ces guerres-l\u00e0, aujourd’hui, nous int\u00e9ressent. On a le sentiment, depuis la Premi\u00e8re Guerre du Golfe de 1991, qu\u2019on a referm\u00e9 une parenth\u00e8se qui s’\u00e9tait ouverte avec les guerres balkaniques ou avec le d\u00e9but de la Premi\u00e8re Guerre mondiale, celle d\u2019un court XXe si\u00e8cle, de 1914 \u00e0 1989, qui aurait \u00e9t\u00e9 le si\u00e8cle des guerres mondiales \u2013 la Guerre froide et ses conflits adjacents fonctionnant comme une Troisi\u00e8me Guerre mondiale. Depuis 1991, le cadre a chang\u00e9. On se tourne alors vers les le\u00e7ons des guerres du XIXe si\u00e8cle. Pas seulement les historiens, mais aussi les strat\u00e8ges de la guerre eux-m\u00eames, qui per\u00e7oivent que les conflits contemporains ont quelque chose \u00e0 voir avec les guerres qui se mettent en place \u00e0 partir des ann\u00e9es 1880 mais qui sont fond\u00e9es sur toute l’exp\u00e9rience du XIXe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

Au plan des repr\u00e9sentations et des imaginaires (de la guerre, de la violence), qu\u2019est ce qui, de cette exportation de la violence \u00ab outre-mer \u00bb, au-del\u00e0 des oc\u00e9ans, fait retour dans les soci\u00e9t\u00e9s europ\u00e9ennes ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

On ne peut pas dire que l’Europe \u00e9loigne la violence. La soci\u00e9t\u00e9 europ\u00e9enne du XIXe si\u00e8cle reste une soci\u00e9t\u00e9 violente \u2013 pensons \u00e0 l\u2019histoire du mouvement ouvrier. Si on parle uniquement de la violence de guerre, il y a quelque chose qui a chang\u00e9 concomitamment \u00e0 toutes ces guerres, c’est que le XIX\u00e8me si\u00e8cle est le premier grand si\u00e8cle de l’image. Avant m\u00eame les photographes de guerre, les documentaires, les films, la t\u00e9l\u00e9vision ou internet, il y a l\u2019explosion des gravures et des lithographies dans la presse. La photographie, invent\u00e9e en 1839, n\u2019est pas reproduite dans les journaux avant 1900, mais les dessins sont faits d\u2019apr\u00e8s des photographies. Cela transforme l\u2019imaginaire de la guerre en affranchissant les images de la tradition de la peinture militaire. <\/p>\n\n\n\n

Un autre versant de cette transformation, c\u2019est le r\u00f4le de la caricature dans la repr\u00e9sentation des conflits lointains. Le premier roman de Kipling, La lumi\u00e8re qui s’\u00e9teint<\/em>, raconte la vie d’un correspondant de guerre, c’est-\u00e0-dire d’un dessinateur qui envoie ses croquis aux journaux londoniens pour rendre compte des op\u00e9rations en \u00c9gypte et au Soudan. De tels dessins seront au c\u0153ur des d\u00e9bats et des scandales : les \u00ab enfumades \u00bb pratiques en Alg\u00e9rie sont connues et pr\u00e9sent\u00e9es par des images de presse, dont la peinture va d’ailleurs pouvoir se saisir ensuite. Je parle aussi \u00e0 plusieurs reprises du cas de Manet, qui joue un grand r\u00f4le autant dans la repr\u00e9sentation de l’exp\u00e9dition du Mexique et de l’ex\u00e9cution de Maximilien. Au fil du si\u00e8cle, il devient difficile de produire une peinture de guerre qui soit compl\u00e8tement affranchie des autres modes de repr\u00e9sentation de la guerre, qu\u2019il s\u2019agisse de la photographie ou de l’illustration de presse (gravure ou caricature).<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 propos des imaginaires de la violence, comment passe t-on de la sensibilisation nouvelle que cr\u00e9e l\u2019anti-esclavagisme au \u00ab gore colonial \u00bb de la fin du si\u00e8cle ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La seule r\u00e9ponse que je pourrais vous donner, c’est que \u00e7a d\u00e9pend des gens. R\u00e9p\u00e9tons-le : ils n’\u00e9taient pas tous d’accord. La notion d’esprit du temps<\/em>, qui nous vient plut\u00f4t de la philosophie, a fait beaucoup de mal \u00e0 l\u2019histoire. Pour une part, il est vrai que chaque \u00e9poque dessine les contours de ce qu’elle est capable de penser, et que de ce point de vue-l\u00e0 les \u00e9poques changent, qu\u2019il y a des choses qu’on ne pouvait pas penser dans les ann\u00e9es 1850 et qu’on peut penser dans les ann\u00e9es 1950. Mais s’enfermer dans cette logique de l’esprit du temps, c’est s’interdire de voir qu\u2019on peut, au m\u00eame moment, d\u00e9fendre des points de vue tr\u00e8s diff\u00e9rents, avoir des sensibilit\u00e9s tr\u00e8s diff\u00e9rentes. On a parfois tendance, en regardant le pass\u00e9, \u00e0 oublier ce dont pourtant nous faisons l’exp\u00e9rience tous les jours dans la soci\u00e9t\u00e9 dans laquelle nous vivons, c’est-\u00e0-dire que nous ne sommes pas tous du m\u00eame avis, qu\u2019il y a des d\u00e9bats politiques, mais aussi  des fa\u00e7ons tr\u00e8s diff\u00e9rentes de voir les choses, de les sentir, de les interpr\u00e9ter. C’\u00e9tait la m\u00eame chose dans le pass\u00e9, et tout cela ne s’explique pas n\u00e9cessairement par la classe sociale, l’\u00e2ge ou le genre, mais aussi parce que les individus ne sont pas les m\u00eames. Cette r\u00e9ponse a quelque chose de d\u00e9cevant, si l\u2019on cherche \u00e0 b\u00e2tir une vaste th\u00e9orie explicative de l\u2019histoire, mais elle a peut-\u00eatre le m\u00e9rite de r\u00e9introduire de la complexit\u00e9 dans l\u2019\u00e9tude des soci\u00e9t\u00e9s du pass\u00e9. Plut\u00f4t que de s’imaginer l’Europe partant \u00e0 la conqu\u00eate du monde comme un seul homme au XIXe si\u00e8cle avec pour r\u00e9sultat les grands planisph\u00e8res qui repr\u00e9sentent les empires vers 1900, il faut comprendre que cette histoire a \u00e9t\u00e9 beaucoup plus compliqu\u00e9e, que les motifs des interventions \u00e9taient divers et extr\u00eamement discut\u00e9s. D\u00e9montrer cela me para\u00eet plus int\u00e9ressant que de raconter une fois de plus l’histoire de l’expansion europ\u00e9enne au XIXe si\u00e8cle.<\/p>\n\n\n\n

Revenons finalement sur le r\u00f4le que vous attribuez \u00e0 Jules Verne en \u00e9pilogue. Votre livre s\u2019ouvre et se ferme sur des \u00e9crivains : vous r\u00e9futez le jugement h\u00e2tif de Zweig, Seeley et Wesseling sur le rapport aux guerres lointaines pour finalement faire de Verne un assez bon exemple de la \u00ab fa\u00e7on dont les Europ\u00e9ens ont pu conna\u00eetre, comprendre et ressentir les guerres lointaines du XIXe \u00bb. Pourquoi ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Jules Verne, qui meurt en 1905, est pleinement un homme de la p\u00e9riode que j’\u00e9tudie. La gloire de son \u0153uvre s’est effondr\u00e9e \u00e0 ma g\u00e9n\u00e9ration, mais elle a dur\u00e9 jusqu’au milieu du XXe si\u00e8cle. On a pu dire dans les ann\u00e9es 1960 que Jules Verne \u00e9tait la quatri\u00e8me \u0153uvre la plus diffus\u00e9e dans le monde. Avec elle, les repr\u00e9sentations de ces guerres que j’ai \u00e9tudi\u00e9es se sont perp\u00e9tu\u00e9es pendant tr\u00e8s longtemps. Les gens qui lisaient Jules Verne au XXe si\u00e8cle continuaient d\u2019\u00eatre inform\u00e9s sur ces guerres lointaines par un homme du XIXe si\u00e8cle qui les avait v\u00e9cues \u00e0 la mani\u00e8re dont j’en parle dans le livre, c’est-\u00e0-dire sans en faire l’exp\u00e9rience sensible, uniquement par voie de presse. <\/p>\n\n\n\n

Cela dit, Jules Verne est capable de dire tout et son contraire sur le m\u00eame \u00e9v\u00e9nement : la r\u00e9volte des Cipayes est tant\u00f4t trait\u00e9e positivement, tant\u00f4t n\u00e9gativement dans deux romans diff\u00e9rents, publi\u00e9s \u00e0 un an d\u2019intervalle. Il ne tient donc pas un discours explicitement politique. Mais, en grand lecteur de la presse de l’\u00e9poque, il accumule tous les discours sur les guerres lointaines, les justifiant \u00e0 certains moments, les condamnant \u00e0 d’autres, comme dans le cas des guerres contre les maoris de Nouvelle-Z\u00e9lande dans Les Enfants du capitaine Grant<\/em> en 1867. Son \u0153uvre a ainsi perp\u00e9tu\u00e9 pendant des d\u00e9cennies l’ensemble des motifs qui sont \u00e9tudi\u00e9s dans le livre.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Peut-on dire que l\u2019\u00e9loignement des guerres que m\u00e8ne l\u2019Europe au XIXe si\u00e8cle a contribu\u00e9 \u00e0 les rendre plus acceptables  ? Ou faut-il forger, d\u00e8s cette \u00e9poque, le concept d\u2019une \u00ab  opinion publique  \u00bb \u00e0 m\u00eame de peser sur les conflits  ? Dans cet entretien, l\u2019historien Sylvain Venayre revient sur son dernier ouvrage, une enqu\u00eate comparative \u00e0 grande \u00e9chelle des conflits port\u00e9s depuis l’Europe XIXe. <\/p>\n","protected":false},"author":5931,"featured_media":179265,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-reviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1732],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-179262","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-guerre","staff-mathieu-roger-lacan","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nLe proche et le lointain de la guerre, une conversation avec Sylvain Venayre | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/03\/10\/le-proche-et-le-lointain-de-la-guerre-une-conversation-avec-sylvain-venayre\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Le proche et le lointain de la guerre, une conversation avec Sylvain Venayre | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Peut-on dire que l\u2019\u00e9loignement des guerres que m\u00e8ne l\u2019Europe au XIXe si\u00e8cle a contribu\u00e9 \u00e0 les rendre plus acceptables ? 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