{"id":174116,"date":"2023-01-14T18:30:00","date_gmt":"2023-01-14T17:30:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=174116"},"modified":"2023-01-14T21:14:45","modified_gmt":"2023-01-14T20:14:45","slug":"entre-crise-et-esperance-leurope-de-paul-valery","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/01\/14\/entre-crise-et-esperance-leurope-de-paul-valery\/","title":{"rendered":"Entre crise et esp\u00e9rance : l’Europe de Paul Val\u00e9ry"},"content":{"rendered":"\n

Jamais comme aujourd\u2019hui, en ces temps o\u00f9 la guerre a fait retour sur les terres d\u2019Europe<\/a>, la r\u00e9flexion de Paul Val\u00e9ry sur la crise de l’esprit ne m\u2019a paru aussi n\u00e9cessaire, d\u2019une compr\u00e9hension aussi intuitive et imm\u00e9diate. Comment est-il possible, se demande Val\u00e9ry, que tant de science et tant de savoir permettent \u2013 dans le double sens de \u00ab n\u2019emp\u00eachent \u00bb et \u00ab rendent possible \u00bb \u2013 une telle destruction  ? Nous croyons avoir atteint le sommet du progr\u00e8s scientifique et spirituel, et nous d\u00e9couvrons, tout \u00e0 coup, que nous pouvons fatalement et assez facilement retomber dans le plus ancestral et le plus barbare des d\u00e9lits, \u00e0 savoir la lutte fratricide et destructrice <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le po\u00e8te pur qu\u2019est Val\u00e9ry, auteur pendant la guerre du po\u00e8me parfait et obscur de la Jeune Parque<\/em> <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et qui tient l\u2019autonomie de l\u2019art pour un pr\u00e9suppos\u00e9 indiscutable \u2013 la th\u00e9orie esth\u00e9tique de Val\u00e9ry est expos\u00e9e dans toute sa complexit\u00e9 dans le Cours de po\u00e9tique<\/em> qui vient de para\u00eetre <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span> \u2013 juge impossible de s\u2019abstenir, au lendemain du premier conflit mondial, d\u2019une r\u00e9flexion publique sur l\u2019actualit\u00e9 qui lui est contemporaine.<\/p>\n\n\n\n

Lorsque Val\u00e9ry \u00e9crit \u00ab La Crise de l’Esprit \u00bb, au printemps 1919, la guerre est finie depuis quelques mois, laissant en h\u00e9ritage destruction et d\u00e9sespoir chez les vaincus comme chez les vainqueurs. L’article, d’abord publi\u00e9 en anglais dans la revue londonienne The Athenaeum<\/em> (et seulement plus tard, pendant l’\u00e9t\u00e9, publi\u00e9 en fran\u00e7ais dans la Nouvelle Revue fran\u00e7aise<\/em>) <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>, vaut \u00e0 Val\u00e9ry une c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 internationale aussi imm\u00e9diate qu\u2019inattendue ; le texte s’impose aussit\u00f4t comme une r\u00e9f\u00e9rence presque oblig\u00e9e dans le vaste d\u00e9bat public et intellectuel sur la situation et l\u2019avenir du continent. Deux sont les id\u00e9es fondamentales d\u00e9velopp\u00e9es dans l\u2019article. La premi\u00e8re : la mort d’Europe est soudain devenue pour les Europ\u00e9ens concevable, pensable. La civilisation europ\u00e9enne, avanc\u00e9e comme elle l\u2019est, d\u00e9couvre tout \u00e0 coup qu’elle n\u2019est pas a priori<\/em> exempte du sort qui a autrefois frapp\u00e9 de grandes civilisations disparues, et qu’elle pourrait se r\u00e9duire \u00e0 un \u00ab beau nom vague \u00bb, tel que ceux qui figurent dans les livres pour \u00e9voquer les glorieuses civilisations \u00e0 jamais englouties par l’histoire (comme \u00c9lam, Ninive et Babylone) ; l\u2019incipit<\/em> c\u00e9l\u00e8bre de l\u2019article (\u00ab Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles \u00bb <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>) s\u2019attarde pr\u00e9cis\u00e9ment sur un tel, vertigineux, court-circuit temporel, qui n\u2019est pas sans avoir des traits en commun avec la vision cyclique de l’histoire exprim\u00e9e par le philosophe Allemand Oswald Spengler dans Le d\u00e9clin de l’Occident<\/em>, un autre diagnostic de la crise europ\u00e9enne publi\u00e9 dans les m\u00eames ann\u00e9es, et qui remporta un succ\u00e8s extraordinaire et imm\u00e9diat.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Jean Lur\u00e7at (1892-1966), Paysage grec ou La statue dans les ruines<\/em>, 1927, huile sur toile | ADAGP<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Et voici la deuxi\u00e8me intuition de Val\u00e9ry : pour l\u2019Europe de l\u2019entre-deux-guerres il ne s\u2019agit de rien de moins que de pr\u00e9server sa propre humanit\u00e9, en \u00e9vitant de r\u00e9gresser vers une soci\u00e9t\u00e9 animale (\u00ab Une certaine confusion r\u00e8gne encore, mais encore un peu de temps et tout s\u2019\u00e9claircira  ; nous verrons enfin appara\u00eetre le miracle d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 animale, une parfaite et d\u00e9finitive fourmili\u00e8re \u00bb <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>). Val\u00e9ry n’est pas le seul \u00e0 \u00e9voquer le \u00ab p\u00e9ril fourmili\u00e8re \u00bb dans cet apr\u00e8s-guerre : avec lui, Thomas Mann, Benedetto Croce, Jos\u00e9 Ortega y Gasset et bien d’autres ne cessent \u00e9galement de lancer des avertissements alarm\u00e9s sur le risque, pour l\u2019Europe et pour les Europ\u00e9ens, de se transformer dans une soci\u00e9t\u00e9 animale, c’est-\u00e0-dire in-humaine (Croce parle de \u00ab vita ferina<\/em> \u00bb, l\u2019existence des b\u00eates sauvages <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>).<\/p>\n\n\n\n

Et voici la deuxi\u00e8me intuition de Val\u00e9ry : pour l\u2019Europe de l\u2019entre-deux-guerres il ne s\u2019agit de rien de moins que de pr\u00e9server sa propre humanit\u00e9, en \u00e9vitant de r\u00e9gresser vers une soci\u00e9t\u00e9 animale<\/p>Paola Cattani<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Contrairement \u00e0 ce qu\u2019un lecteur superficiel d’aujourd’hui pourrait penser, ou \u00e0 ce que des lecteurs pourtant illustres d’hier, tels que Jean-Paul Sartre et Julien Benda, purent effectivement lui reprocher <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>, Val\u00e9ry ne formule pas au sujet de l’Europe et de sa crise des consid\u00e9rations abstraites et g\u00e9n\u00e9riques, visant \u00e0 d\u00e9fendre une Europe connot\u00e9e a priori<\/em> positivement. Si la \u00ab Crise de l’esprit \u00bb est devenue si c\u00e9l\u00e8bre, c’est pr\u00e9cis\u00e9ment parce qu’elle contient des r\u00e9flexions tout autres qu\u2019\u00e9videntes ou faciles. Val\u00e9ry a de fait une vision de l’Europe tr\u00e8s nette, nullement floue, et \u00e0 plusieurs \u00e9gards \u00e0 contre-courant (de son \u00e9poque, mais peut-\u00eatre aussi de la n\u00f4tre).<\/p>\n\n\n\n

Tout d’abord l’id\u00e9al europ\u00e9en de Val\u00e9ry, contrairement \u00e0 d’autres qui lui sont contemporains, ne prend pas forme dans le sillage du pacifisme ou de l’internationalisme \u00e0 tendance humanitariste et pacifiste. L\u2019Europe de Val\u00e9ry est bien une Europe pacifique, c’est-\u00e0-dire qui se donne la paix comme objectif, mais qui \u00e9vite aussi de faire du pacifisme son id\u00e9ologie. Dans les nombreux \u00e9crits pro-europ\u00e9ens de Val\u00e9ry, le lex\u00e8me \u00ab paix \u00bb et ses d\u00e9riv\u00e9s sont en effet assez rares ; et les positions pro-europ\u00e9ennes que Val\u00e9ry affiche apr\u00e8s le premier conflit mondial sont en r\u00e9alit\u00e9 moins issues d\u2019un pacifisme provoqu\u00e9 par la guerre \u2013 selon une vulgate assez r\u00e9pandue dans les \u00e9tudes val\u00e9ryennes \u2013 qu\u2019elles ne d\u00e9coulent de la r\u00e9flexion, initi\u00e9e par Val\u00e9ry d\u00e9j\u00e0 dans les toutes derni\u00e8res ann\u00e9es du XIXe<\/sup> si\u00e8cle, sur les transformations qui bouleversent l’Europe et son r\u00f4le mondial, apr\u00e8s les conflits sino-japonais et hispano-am\u00e9ricain qui attirent son attention, dans les ann\u00e9es 1898-99, davantage qu\u2019un \u00e9v\u00e9nement pourtant crucial tel que l’affaire Dreyfus <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. La r\u00e9flexion de Val\u00e9ry sur l\u2019Europe trouve donc son point de d\u00e9part dans le probl\u00e8me des \u00e9quilibres\/d\u00e9s\u00e9quilibres mondiaux, que Val\u00e9ry prend courageusement en compte tr\u00e8s t\u00f4t et au-del\u00e0 d’un pacifisme a priori<\/em> qui lui semble excessivement na\u00eff, id\u00e9aliste et optimiste, insoucieux tel qu\u2019il l\u2019est des complexit\u00e9s de la r\u00e9alit\u00e9 \u2013 c’est l\u00e0 le reproche qu’une partie consid\u00e9rable de l’intelligentsia<\/em> fran\u00e7aise et europ\u00e9enne (d’Andr\u00e9 Gide \u00e0 Ernst Robert Curtius, de Jules Romains \u00e0 Albert Thibaudet) adresse notamment \u00e0 Romain Rolland et \u00e0 son manifeste pacifiste \u00ab Au-dessus de la m\u00eal\u00e9e \u00bb, qui se livrerait \u00e0 une certaine \u00ab facilit\u00e9 de pens\u00e9e \u00bb <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

L’une des difficult\u00e9s de l\u2019Europe que Val\u00e9ry m\u00e9dite ainsi le plus attentivement, est l’existence des nations  : des unit\u00e9s minimales pr\u00e9cieuses et indispensables qui composent la communaut\u00e9 europ\u00e9enne, et qui en m\u00eame temps s\u2019av\u00e8rent potentiellement tr\u00e8s nuisibles, capables comme elles le sont d\u2019engendrer la guerre et de s\u2019opposer \u00e0 une unit\u00e9 d’ordre sup\u00e9rieur, supranational, que Val\u00e9ry reconna\u00eet comme indispensable. L’Europe de Val\u00e9ry \u2013 c\u2019est l\u00e0 un autre de ses traits essentiels \u2013 se refuse d\u2019ignorer ou d\u2019abolir les nations, comme souhaiteraient le faire au contraire \u00e0 la fois l’internationalisme socialiste et catholique, et l’europ\u00e9anisme par exemple d\u2019un Julien Benda. Benda dans son Discours \u00e0 la nation europ\u00e9enne<\/em> explique que les passions nationales repr\u00e9sentent pour l’Europe le pire des maux, et sont \u00e0 supprimer au plus vite <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Pour Val\u00e9ry au contraire, la nation, qu\u2019il entend dans l\u2019acception lib\u00e9rale illustr\u00e9e notamment par Ernest Renan <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>, est une \u00e9tape indispensable entre l’individu et la communaut\u00e9  ; plus qu’une entit\u00e9 d\u00e9finissable \u00e0 travers les crit\u00e8res de langue, race ou traditions, elle est le lieu de partage d’un projet commun, \u00e0 dissocier de son produit funeste qu’est le nationalisme intol\u00e9rant <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Pour Val\u00e9ry, l\u2019Europe na\u00eet donc du concert des nations d\u00e9j\u00e0 existantes  ; en ce sens, il se montre profond\u00e9ment solidaire du projet et des principes de l’internationalisme lib\u00e9ral de la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations, aux activit\u00e9s de laquelle il participe d\u2019ailleurs tr\u00e8s activement tout au long des ann\u00e9es trente.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019Europe de Val\u00e9ry est bien une Europe pacifique, c’est-\u00e0-dire qui se donne la paix comme objectif, mais qui \u00e9vite aussi de faire du pacifisme son id\u00e9ologie.<\/p>Paola Cattani<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Certes, l’Europe lib\u00e9rale n’est pas, aux yeux de Val\u00e9ry, d\u00e9pourvue de graves probl\u00e8mes spirituels, avant m\u00eame d’\u00eatre sociaux et politiques. La \u00ab Crise de l’esprit \u00bb est de fait une longue m\u00e9ditation sur la crise de l’Europe lib\u00e9rale et d\u00e9mocratique que la fin du XIXe<\/sup> si\u00e8cle a l\u00e9gu\u00e9 au si\u00e8cle nouveau. Val\u00e9ry, comme d’autres de sa g\u00e9n\u00e9ration, est in\u00e9vitablement amen\u00e9 \u00e0 prendre en compte les limites d’une libert\u00e9 qui, bien qu’essentielle et pr\u00e9cieuse, avait fini par engendrer des exc\u00e8s incontr\u00f4l\u00e9s \u2014 l\u2019individualisme hypertrophique, un type de libert\u00e9 tr\u00e8s proche de la licence, un d\u00e9sordre anarchique et st\u00e9rile d\u00e9crit par Val\u00e9ry \u00e0 l\u2019aide de l\u2019image d\u2019un four incandescent o\u00f9 tout se confond et o\u00f9 rien ne se distingue (un \u00ab rien infiniment riche \u00bb <\/span>14<\/sup><\/a><\/span><\/span>). Ce sentiment de crise des valeurs de l\u2019Europe lib\u00e9rale se trouve largement partag\u00e9 parmi ses confr\u00e8res et amis : Jacques Rivi\u00e8re aussi, nouveau directeur de la NRF apr\u00e8s la guerre, dans un article qui date \u00e9galement de 1919 observe non sans amertume que ceux qui ne veulent plus de la libert\u00e9 pour laquelle ils avaient pourtant \u00e2prement lutt\u00e9 pendant la guerre sont de plus en plus nombreux, lui pr\u00e9f\u00e9rant les id\u00e9aux de la vie collective et sociale <\/span>15<\/sup><\/a><\/span><\/span>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Contre les solutions aux probl\u00e8mes de l’Europe lib\u00e9rale et d\u00e9mocratique qui sont propos\u00e9es par les id\u00e9ologies collectivistes, par les mouvements de masse et par les totalitarismes illib\u00e9raux d’orientations politiques diverses, Val\u00e9ry s\u2019efforce de sauver des valeurs et des principes qu\u2019il juge indispensables. La libert\u00e9 d’abord et derechef, bien s\u00fbr : mais quelle libert\u00e9, au juste ?<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Jean Lur\u00e7at, Les ruines br\u00fbl\u00e9es<\/em>, 1928, huile sur toile | ADAGP<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

La r\u00e9flexion de Val\u00e9ry sur la libert\u00e9 est avant tout une r\u00e9flexion sur la diversit\u00e9, voire sur l’in\u00e9galit\u00e9  : contre toute tentation de nivellement, Val\u00e9ry veut sauvegarder l’in\u00e9galit\u00e9 comme valeur. Non pas parce qu’il d\u00e9sire une soci\u00e9t\u00e9 in\u00e9gale et injuste, mais parce qu’il veut vivre dans une soci\u00e9t\u00e9 qui reconna\u00eet la valeur (des produits, des personnes, des id\u00e9es) et qui se mod\u00e8le autour d’elle. Un long passage de la \u00ab Crise de l’esprit \u00bb est consacr\u00e9 \u00e0 la pr\u00e9sentation de la Pens\u00e9e comme force qui assure de l’in\u00e9galit\u00e9 productrice <\/span>16<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Comme d’autres penseurs de l\u2019entre-deux-guerres (dont Thomas Mann et Jos\u00e9 Ortega y Gasset notamment), Val\u00e9ry s\u2019attache \u00e0 d\u00e9tailler les conditions qui permettent l’instauration des formes de vie libre dans la soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique.<\/p>\n\n\n\n

Contre toute tentation de nivellement, Val\u00e9ry veut sauvegarder l’in\u00e9galit\u00e9 comme valeur. Non pas parce qu’il d\u00e9sire une soci\u00e9t\u00e9 in\u00e9gale et injuste, mais parce qu’il veut vivre dans une soci\u00e9t\u00e9 qui reconna\u00eet la valeur (des produits, des personnes, des id\u00e9es) et qui se mod\u00e8le autour d’elle.<\/p>Paola Cattani<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

C’est par ailleurs dans ce cadre conceptuel qu’il faut interpr\u00e9ter les observations controvers\u00e9es de Val\u00e9ry sur la deminutio capitis<\/em> de l’Europe <\/span>17<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Le probl\u00e8me pour Val\u00e9ry n’est pas tant que l\u2019Europe est en train de perdre sa supr\u00e9matie g\u00e9opolitique et culturelle, mais qu\u2019un changement substantiel de paradigme est en cours : du primat de la Pens\u00e9e et de sa valeur diff\u00e9rentielle, on est en train de passer \u00e0 une logique brutalement num\u00e9rique, \u00e0 la pr\u00e9dominance de la force du nombre et des majorit\u00e9s (par lesquelles l’Europe est destin\u00e9e \u00e0 devenir ce qu’elle est r\u00e9ellement, \u00e0 savoir un \u00ab petit cap \u00bb de l’Asie). Val\u00e9ry, en antimoderne qu\u2019il est, consid\u00e8re la libert\u00e9 en tant qu\u2019id\u00e9al lib\u00e9ral menac\u00e9e par la libert\u00e9 en tant qu\u2019id\u00e9al d\u00e9mocratique : ce qui ne veut pas dire qu’il est hostile \u00e0 la d\u00e9mocratie, mais plut\u00f4t qu’il se demande comment sauvegarder, dans les d\u00e9mocraties, la plus-value pr\u00e9cieuse et indispensable apport\u00e9e par l’originalit\u00e9 individuelle. Val\u00e9ry pense que seulement la vari\u00e9t\u00e9 et la multiplicit\u00e9 qui caract\u00e9risent une soci\u00e9t\u00e9 libre et donc accueillante et plurielle, permettent le d\u00e9veloppement individuel libre et impr\u00e9visible \u2014 il l’explique par exemple lorsqu’il s’exprime au sujet de la M\u00e9diterran\u00e9e, qui est pour lui le lieu par excellence du m\u00e9lange et de la plurivocit\u00e9 historique et culturelle <\/span>18<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Le lib\u00e9ralisme dont Val\u00e9ry se r\u00e9clame est en tout cas un lib\u00e9ralisme de marque spirituelle (plut\u00f4t que politique ou \u00e9conomique), et trouve son premier fondement dans l\u2019id\u00e9al classique de la lib\u00e9ralit\u00e9 : une conduite mentale et comportementale faite d\u2019ouverture aux autres, de tol\u00e9rance et de dialogue, autant d\u2019antidotes \u00e0 l’illib\u00e9ralisme et \u00e0 la conflictualit\u00e9 que Val\u00e9ry identifie comme de plus en plus r\u00e9pandus et responsables des troubles historico-politiques du continent. Il s\u2019agit pour Val\u00e9ry de retrouver l’inspiration originelle et constitutive du lib\u00e9ralisme philosophique, en continuit\u00e9 avec la tradition humaniste, et au-del\u00e0 des incarnations historiques d\u00e9cevantes de la seconde moiti\u00e9 du XIXe<\/sup> si\u00e8cle ; et surtout de rappeler que le spirituel, l’id\u00e9al, doit toujours informer le r\u00e9el, guider et orienter la vie quotidienne de la polis<\/em>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

D\u2019apr\u00e8s Val\u00e9ry, l’homme en effet se caract\u00e9rise et se distingue des animaux avant tout pour ses songes<\/em>, auxquels est consacr\u00e9 un long passage de la \u00ab Note \u00bb qui compl\u00e8te en 1922 la \u00ab Crise de l’esprit \u00bb. Comme il le fera ensuite aussi dans la \u00ab Petite lettre sur les mythes \u00bb (1928), Val\u00e9ry prend ici en compte les transformations que l’homme imprime \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9, et qui surgissent de la tension essentielle entre ce qui est<\/em> et ce qui n’est pas<\/em>, entre satisfaction des besoins et insatisfaction in\u00e9puisable des d\u00e9sirs, entre r\u00e9el et possible, factuel et imaginaire. Si la Pens\u00e9e occupe une place si cruciale chez Val\u00e9ry, tout particuli\u00e8rement dans sa m\u00e9ditation sur l’Europe, c’est qu’elle est avant tout \u00ab l’instrument de ce qu’elle n’est pas \u00bb, \u00ab l’auteur des r\u00eaves \u00bb que l’homme se doit de choisir soigneusement <\/span>19<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Val\u00e9ry est d\u2019ailleurs l\u2019auteur de la c\u00e9l\u00e8bre formule, concernant les activit\u00e9s de coop\u00e9ration internationale de la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations, \u00ab La Soci\u00e9t\u00e9 des Nations suppose une Soci\u00e9t\u00e9 des esprits \u00bb. C’est un mot qu\u2019il prononce pour la premi\u00e8re fois en 1931 <\/span>20<\/sup><\/a><\/span><\/span>, pour attirer l\u2019attention sur la n\u00e9cessit\u00e9 d’une coop\u00e9ration intellectuelle qui pr\u00e9c\u00e8de la coop\u00e9ration politique et \u00e9conomique, en tant que base solide et unique pour la construction d\u2019une Europe r\u00e9ellement unie, c\u2019est-\u00e0-dire constitu\u00e9e autour d’un projet culturel commun, avant m\u00eame d’\u00eatre construite autour de l’h\u00e9ritage du pass\u00e9, ou bien de projets industriels, \u00e9conomiques et institutionnels. Ensemble avec le primat de la culture, cette formule revendique l’importance d’une r\u00e9flexion portant sur l’homme id\u00e9al, en tant que mod\u00e8le qui fixe les objectifs des actions et des choix politiques et quotidiens de tout ordre.<\/p>\n\n\n\n

Une telle insistance sur la dimension id\u00e9ale, cependant, ne liquide jamais h\u00e2tivement le r\u00e9el : l’id\u00e9alisme de Val\u00e9ry est profond\u00e9ment r\u00e9aliste, ne fuyant jamais la complexit\u00e9 de la v\u00e9rit\u00e9, et essayant plut\u00f4t d’\u00e9viter les positions abstraitement utopiques, comme nous l’avons soulign\u00e9 \u00e0 propos par exemple du pacifisme.<\/p>\n\n\n\n

L’id\u00e9alisme de Val\u00e9ry est profond\u00e9ment r\u00e9aliste, ne fuyant jamais la complexit\u00e9 de la v\u00e9rit\u00e9, et essayant plut\u00f4t d’\u00e9viter les positions abstraitement utopiques.<\/p>Paola Cattani<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Sur quoi, alors, concentrer ses efforts, pour donner cours, concr\u00e8tement, \u00e0 un tel id\u00e9alisme r\u00e9aliste ? Val\u00e9ry n’a aucun doute : sur le style, d’abord. Sa r\u00e9flexion sur l’Europe est aussi et surtout une le\u00e7on de style. Nous avons d\u00e9j\u00e0 rapidement \u00e9voqu\u00e9 le livre c\u00e9l\u00e8bre d\u2019Oswald Spengler Le d\u00e9clin de l’Occident<\/em>, qui dans les m\u00eames ann\u00e9es 1918-1922 formule un diagnostic de la mort de la civilisation europ\u00e9enne tr\u00e8s proche de celui de Val\u00e9ry, dans la mesure o\u00f9 il prend forme autour de quatre \u00e9l\u00e9ments essentiels qui se trouvent aussi dans la \u00ab Crise de l\u2019esprit \u00bb : l’anthropomorphisation de la civilisation, la conception cyclique de l’histoire, le parall\u00e8le avec les civilisations anciennes et le pessimisme historique. Val\u00e9ry, qui ne connaissait pas l\u2019allemand, n’a certainement pas pu lire le texte de Spengler, qui n’a \u00e9t\u00e9 traduit en fran\u00e7ais qu’en 1931-33 <\/span>21<\/sup><\/a><\/span><\/span> ; il aurait pu avoir pris connaissance de quelques-unes des th\u00e8ses de Spengler, mais en tout cas la question est plus significative concernant les dettes \u00e9ventuellement n\u00e9gatives, pour ainsi dire, que par rapport aux dettes positives, puisque le discours de Val\u00e9ry diff\u00e8re de fait profond\u00e9ment de celui de Spengler dans les tons, ainsi que dans le significations ultimes.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
Jean Lur\u00e7at (1892-1966), Les jardins de Smyrne<\/em>, 1926, huile sur toile |\u00a0ADAGP<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Spengler abuse dans son texte d\u2019antith\u00e8ses claires et p\u00e9remptoires  ; dans sa prose ne trouve pas de place ce que le philosophe allemand Bertrand Groethuysen, dans un article publi\u00e9 dans la NRF<\/em> en 1920 pour pr\u00e9senter Spengler au public fran\u00e7ais, d\u00e9finit comme \u00ab l’art qui consiste \u00e0 nuancer la pens\u00e9e pour conserver ses teintes interm\u00e9diaires \u00bb et \u00ab les degr\u00e9s de certitude et de doute, par lesquels passe l’esprit lorsqu’il cherche la v\u00e9rit\u00e9 \u00bb <\/span>22<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Spengler proc\u00e8de d\u2019un \u00ab pas solide et toujours assur\u00e9 \u00bb, en ne se servant aucunement des \u00ab modestes auxiliaires des id\u00e9es \u00bb qui sont \u00ab les mais, les si, les toutefois, les peut-\u00eatre \u00bb, que Groethuysen tient pour \u00ab d\u2019humbles pri\u00e8res adress\u00e9es \u00e0 l\u2019infini d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 qu\u2019on ne saisira jamais \u00bb <\/span>23<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Et parmi les \u00ab formes dubitatives et courtoises de la pens\u00e9e \u00bb n\u00e9glig\u00e9es par Spengler, Groethuysen inclut notamment le paradoxe, \u00ab expression n\u00e9cessaire d\u2019une \u00e9poque de fermentation, et qui rend la pens\u00e9e vive et flexible \u00bb <\/span>24<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Or, l\u2019article de Val\u00e9ry repr\u00e9sente, bien au contraire, un long d\u00e9veloppement paradoxal sur les n\u0153uds probl\u00e9matiques et contradictoires de la civilisation europ\u00e9enne. Sur un ton largement dubitatif et interrogateur, Val\u00e9ry tente avant tout de donner cours \u00e0 une parole qui contemple les lieux d’incertitude, les lacunes, les \u00e9cueils de la pens\u00e9e. Si Spengler s’attache \u00e0 d\u00e9montrer, math\u00e9matiquement presque, la fatalit\u00e9 du destin qui p\u00e8se sur l\u2019avenir de l\u2019Europe, en proposant une lecture profond\u00e9ment d\u00e9terministe, Val\u00e9ry, tr\u00e8s diff\u00e9remment, entend avec ses observations sur la mort des civilisations mettre en question les certitudes acquises pour solliciter une m\u00e9ditation sur les dangers que la civilisation europ\u00e9enne court, et pour relancer la vie de l’esprit. Alors que le diagnostic de Spengler prend la forme d’une proph\u00e9tie violemment pol\u00e9mique et parfois euphorique pour la disparition d’une civilisation consid\u00e9r\u00e9e comme d\u00e9cadente et irr\u00e9cup\u00e9rable, le diagnostic val\u00e9ryen co\u00efncide plut\u00f4t avec un avertissement grave et angoiss\u00e9, ainsi qu\u2019avec un appel \u00e0 l’action, pour que l\u2019Europe puisse r\u00e9agir \u00e0 la crise en sauvant ce qui peut et doit \u00eatre sauvegard\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Sur un ton largement dubitatif et interrogateur, Val\u00e9ry tente avant tout de donner cours \u00e0 une parole qui contemple les lieux d’incertitude, les lacunes, les \u00e9cueils de la pens\u00e9e<\/p>Paola Cattani<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les intellectuels, les hommes de lettres, sont eux-m\u00eames, selon Val\u00e9ry, expos\u00e9s \u2014\u00a0et parfois dup\u00e9s \u2014 \u00e0 un esprit de guerre redoutable et dangereux. \u00c0 ceux, confr\u00e8res et amis ou bien d\u00e9tracteurs et critiques, qui lui reprochent un type d’engagement non suffisamment politique et direct \u2014 on a d\u00e9j\u00e0 pu \u00e9voquer Sartre et Benda \u2014, Val\u00e9ry rappelle que pour lui la mission de l\u2019homme de lettres est de contenir et de r\u00e9duire les antagonismes et les conflictualit\u00e9s, qui sont en effet, comme Carl Schmitt l\u2019a th\u00e9oris\u00e9, profond\u00e9ment enracin\u00e9s dans l’homme et dans la vie sociale, mais que les hommes se doivent de surmonter avec toutes les forces culturelles et intellectuelles dont ils disposent <\/span>25<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Grand besoin il est d’\u00e9changes, de conversations, de formes et tons dialogiques : c’est la certitude que Val\u00e9ry ne se laisse de redire \u00e0 ses confr\u00e8res engag\u00e9s comme lui dans les activit\u00e9s de la coop\u00e9ration intellectuelle et parfois d\u00e9courag\u00e9s par les r\u00e9sultats apparemment nuls de leurs efforts, sentiment auquel il oppose non sans une certaine t\u00e9nacit\u00e9 l’id\u00e9e qu’il est fondamental d’essayer, malgr\u00e9 tout, \u00e0 \u00eatre hommes de dialogue, qui se refusent de renoncer \u00e0 la conversation et aux bonnes mani\u00e8res : en d\u2019autres termes, hommes de l\u2019esprit (notion dont il donne une d\u00e9finition qui n\u2019est pas du tout \u00e9litiste : \u00ab L\u2019homme de l\u2019esprit tel que je l\u2019entends n\u2019est pas l\u2019intellectuel, mot qui n\u2019est pas clair, mais l\u2019homme qui vit pour l\u2019esprit. Un homme de culture inf\u00e9rieure, m\u00eame le plus humble, s\u2019il a cette confiance dans le destin de l\u2019esprit il sera un homme de l\u2019esprit qualifi\u00e9 comme tel \u00bb <\/span>26<\/sup><\/a><\/span><\/span>).<\/p>\n\n\n\n

Ainsi Val\u00e9ry s’efforce-t-il de donner cours \u00e0 une parole politique qui ne soit pas pamphl\u00e9taire, c\u2019est-\u00e0-dire marqu\u00e9e par la pol\u00e9mique et par la violence verbale. Il cr\u00e9e par exemple, \u00e0 l\u2019Institut de coop\u00e9ration intellectuelle de la SDN, une s\u00e9rie de Correspondance publique d\u2019\u00e9crivains o\u00f9 les personnalit\u00e9s litt\u00e9raires de l’\u00e9poque puissent publier des \u00e9changes publiques-priv\u00e9s sur des sujets d’actualit\u00e9  : un lieu de dialogue et de \u00ab conciliabules \u00e9crits \u00bb, pour faire revivre l’outil de communication et de dialogue de la glorieuse R\u00e9publique des Lettres des XVIe<\/sup>-XVIIIe<\/sup> si\u00e8cles <\/span>27<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Mais surtout Val\u00e9ry \u00e9crivain politique s\u2019efforce en ce sens d\u2019adopter un style neutre, jamais pol\u00e9mique, m\u00eame lorsqu’il exprime des pens\u00e9es profond\u00e9ment \u00e0 contre-courant, voire provocatrices. Aucune marque stylistique de violence ou d’agression verbale ne se retrouve, par exemple, dans la r\u00e9ponse cependant tr\u00e8s pol\u00e9mique que Val\u00e9ry adresse \u00e0 l’Acad\u00e9mie m\u00e9diterran\u00e9enne de Louis Bertrand, latiniste pro-maurrassien, en refusant de participer \u00e0 l’un de ses colloques, pour r\u00e9affirmer la valeur de la M\u00e9diterran\u00e9e comme lieu de rencontre des cultures, contre la vision imp\u00e9rialiste des philo-fascistes <\/span>28<\/sup><\/a><\/span><\/span>  ; aucune note discordante et pol\u00e9mique n’appara\u00eet dans le discours de comm\u00e9moration d’Henri Bergson, qui pourtant est un acte de grand courage intellectuel dans la France occup\u00e9e de 1941, qui avait laiss\u00e9 mourir dans la solitude le philosophe juif <\/span>29<\/sup><\/a><\/span><\/span>. <\/p>\n\n\n\n

C’est pourquoi, en lisant Val\u00e9ry aujourd’hui, il faut se garder de prendre ses tons mesur\u00e9s pour des contenus conformistes ou vagues, et, au contraire, accepter de revenir sur les nombreuses questions d\u00e9licates et essentielles qui dans ses textes trouvent des formulations \u00e0 la fois claires et subtiles, litt\u00e9rairement exquises et conceptuellement denses, et qui ne cessent de nous interpeller.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

L’Europe de Paul Val\u00e9ry est devenue une r\u00e9f\u00e9rence si \u00e9vidente qu’elle a cess\u00e9 de nous interpeller. Pour relire aujourd’hui \u00ab  La Crise de l’esprit  \u00bb, il faut se garder de prendre le ton nuanc\u00e9 de l’auteur pour du conformisme, et accepter de revenir en profondeur sur les questions d\u00e9licates et parfois pol\u00e9miques auxquelles Val\u00e9ry trouve des formulations particuli\u00e8rement denses et subtiles. Une lecture sign\u00e9e Paola Cattani.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":174203,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-studies.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-174116","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","staff-paola-cattani","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nEntre crise et esp\u00e9rance : l'Europe de Paul Val\u00e9ry | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2023\/01\/14\/entre-crise-et-esperance-leurope-de-paul-valery\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Entre crise et esp\u00e9rance : l'Europe de Paul Val\u00e9ry | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"L'Europe de Paul Val\u00e9ry est devenue une r\u00e9f\u00e9rence si \u00e9vidente qu'elle a cess\u00e9 de nous interpeller. 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devenue une r\u00e9f\u00e9rence si \u00e9vidente qu'elle a cess\u00e9 de nous interpeller. Pour relire aujourd'hui \u00ab La Crise de l'esprit \u00bb, il faut se garder de prendre le ton nuanc\u00e9 de l'auteur pour du conformisme, et accepter de revenir en profondeur sur les questions d\u00e9licates et parfois pol\u00e9miques auxquelles Val\u00e9ry trouve des formulations particuli\u00e8rement denses et subtiles. 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